En 1959, l’académie Goncourt décidait de récompenser le premier roman d’André Schwarz-Bart, ancien ajusteur venu à la littérature par la lecture de Crime et Châtiment qu’il avait découvert dans la bibliothèque de son usine. Cette œuvre, Le Dernier des Justes, devint un best-seller. Cinquante ans après paraissait, à titre posthume, L’Etoile du matin. Y figure, dans les dernières pages, ce dialogue où transparaissent les interrogations de l’auteur sur sa propre démarche :
« — C’est bien là toute la question, dit Haïm, comment être fidèle à tous les peuples, qui n’en font qu’un, paraît-il ? — Tous les peuples ont donc deux peaux, demanda Sarah […] ? — Ces deux peaux s’appellent l’unique et l’universel, l’origine naturelle et l’univers. Pour ma part, dit Haïm, j’ai toujours été balloté entre les deux termes : exercice d’équilibriste hautement périlleux. »
Spécificité de la littérature qui entend, par le singulier, restituer l’universel. Se pose alors la question de la légitimité. Le questionnement sur sa propre légitimité occupe une place centrale dans l’œuvre d’André Schwarz-Bart. Légitimité à écrire, à traiter de sujets aussi lourds que ceux de la souffrance noire, de la souffrance juive, de la souffrance humaine. Légitimité à faire revivre, par la littérature, la mémoire de ceux qui sont nés, qui ont souffert et qui sont morts.
La question de la légitimité de l’écrivain à traiter d’un sujet aussi grave que la Shoah est récurrente pour tous ceux qui s’y sont attelés…