S’il fallait chercher un lieu emblématique où la maxime sarkozienne en matière de travail, « travailler plus pour gagner plus », a été mise en œuvre, c’est chez France Télécom qu’il faudrait aller voir. Appliquée avant l’heure, dans son esprit comme à la lettre, elle a produit son effet. Les tire-au-flanc pratiquant « la pêche aux moules », selon le mot d’esprit du PDG, Didier Lombard, n’ont eu qu’à bien se tenir. L’innovation, la performance, la rentabilité ont un prix et ce n’est pas la vingtaine de salariés ayant cédé à la « mode du suicide » (autre mot d’esprit du même PDG) qui prétendront le contraire. Mais eux ne sont plus là pour dire comment on peut perdre sa vie à la gagner.
Cette situation ne s’est pas construite en un jour et si le PDG de France Télécom doit assumer sa responsabilité dans le livre noir de la souffrance au travail, celle-ci ainsi que le fonctionnement managérial dont elle résulte sont avant tout le produit d’un système. Système inscrit dans le droit fil de l’idéologie désormais dominante de la financiarisation tous azimuts du capitalisme non redistributeur appliqué aux entreprises, un phénomène mondialisé et tentaculaire. Au plan des organisations du travail, sa manifestation la plus visible est le couple tragique formé par le culte de la performance associé au mépris de l’humain. Cette idéologie s’inscrit dans une vision du monde partagée désormais par les élites formatées sur le même modèle. La crise a montré les limites de ces génies sinon leur capacité de nuisance…