Des deux littératures anglaise et française, laquelle permet au lecteur d’atteindre les plus hauts sommets de la compréhension de soi-même et de l’autre ? Il serait illusoire de vouloir trancher cette question, mais il est loisible aux érudits de France et de Grande-Bretagne de mettre en valeur les qualités suprêmes de leur littérature nationale. Etrangement, Cyril Connolly et Bernard Frank, l’un anglais, l’autre français, écrivains inclassables en leur pays, songeaient plutôt à faire partager l’admiration sans réserve qu’ils professaient à l’égard de la littérature de l’autre. Connolly, né en 1903, était de vingt-cinq ans l’aîné de Bernard Frank. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, alors que le jeune Frank s’efforçait de survivre à l’Occupation, Connolly, dans l’incapacité de se rendre en France du fait de la guerre, s’est déclaré diminué, privé de cette part essentielle du génie européen qui l’aidait à exister. Son livre, The Unquiet Grave, (Le Tombeau de Palinure), écrit principalement en 1942 et en 1943, publié en décembre 1944, qui célèbre Pascal, Chamfort, La Rochefoucauld, Flaubert, est le plus émouvant des hommages à une France meurtrie.
Connolly, écrivain et critique littéraire, était une personnalité atypique de son époque. Bien qu’il ait été l’un des fondateurs et le directeur d’une des plus remarquables revues anglaises du xxe siècle, la revue Horizon (1939-1950), son influence sur la littérature de son époque est fréquemment minimisée. En 1985, dans une de ses chroniques publiées pa…