Au sein de l’Éducation nationale, l’Université française a gardé bien des traits d’utopie vertueuse, où le recrutement et la carrière des enseignants perpétuent un modèle sourcilleusement aristocratique de choix par les pairs, où des franchises immémoriales assurent en théorie inviolabilité du territoire et pleine autonomie juridictionnelle, et où l’indépendance des professeurs est érigée au niveau d’un principe constitutionnel de la République. Rares sont les institutions d’État qui échappent à ce point — pour les seuls « enseignants-chercheurs », il est vrai... — à des règles aussi sacrosaintes de la fonction publique que la notation hiérarchique, le devoir de réserve ou l’inspection. Imaginaire maintenu d’une société d’exception et d’un regroupement de clercs : on sait généralement que les franchises universitaires ont été instituées pour (se) protéger des caprices du Prince, mais on oublie souvent qu’elles furent en conséquence conçues sur un modèle proche de celui du Droit canon. Primus inter pares, le Président d’université apparaît ainsi, le temps de son mandat, comme une sorte de pontife. Sans doute son élection par des conseils soigneusement représentatifs des inégalités de statut entre les membres de la communauté sacrifie-t-elle aux rites de la démocratie. Mais une fois celle-ci acquise, il ne peut être démis par ses électeurs, il n’est tenu à aucune autre obligation de réserve que celles qu’il s’impose à lui-même et nulle instance n’est habilitée à intervenir dans les éventuels conflits qui l’opposeraient, en interne, à des facultés, services ou conseils statutaires…