Lorsqu’il entame ses célèbres recherches sur la geste d’Asdiwal, Lévi-Strauss se donne deux buts. D’une part, étudier le mythe dans la multiplicité des dimensions qui traversent le récit : géographique, économique, sociologique et cosmologique. D’autre part, observer les transformations du récit au travers de ses variations et tenter d’interpréter les variantes à la lumière des particularités sociales et culturelles de trois groupes dialectaux voisins de la Colombie britannique septentrionale : le Tsimshian (de Port Simpson), le Gitksan et le Nisga’a (ou Nishka). La pertinence de son analyse et la distribution géographique du mythe, dans cette étude géographiquement plus limitée que Mythologiques, transcendent néanmoins les quatre variantes examinées. En présentant ici une variante spécifique et éloignée, j’espère offrir une illustration de la validité des techniques de l’analyse structurale et confirmer l’importance du paradigme structuraliste pour l’exploration des dimensions diachroniques de l’activité humaine consciente. La preuve que j’avance à cet égard, la « découverte empirique » que je propose, est un artefact mythique, pauvre et dégradé, de la péninsule du Kamtchatka dans le Pacifique Nord. Un petit mythe qui se présente comme la version très précisément inversée, et extrêmement érodée il est vrai, de la légende tsimshiane d’Asdiwal. Lévi-Strauss écrit qu’il envisage chaque mythe de son étude comme « l’application restreinte d’un schème » (1975) ; dans le cas présent, nous verrons à la fois le schème et ses limites expliquées…