Dans le train de nuit Paris-Berlin : accoudée à la fenêtre, une fille allemande, grande et forte. Elle me dit qu’elle s’appelle Brigitte et qu’après quelques semaines au pair à Paris elle rentre à Köln. Pas à Cologne, dit-elle, à Köln. Elle étudie les langues modernes. Non, pas à l’Université, chez Berlitz qui délivre aussi un certificat. Nous parlons de l’Europe, de la France et de l’Allemagne, des « précédents historiques ». De la France de Clémenceau et de Mitterrand. Du traité de Versailles, de Trianon et de la guerre du Golfe.
Il est 3 ou 4 heures du matin. Fatigués, Brigitte et moi entrons dans le plus proche compartiment. Etendu sur la banquette, un jeune Allemand d’une vingtaine d’années. Il a des cheveux blonds ondulés et porte des lunettes à monture d’acier et un blue-jean. Deux de ses amis sont également allongés et dorment. Leurs sacs à dos sont sur les porte-bagages.
Dans son demi-sommeil, les jambes du voyageur allemand heurtent ma bouche et mon dos. Je marmonne quelques mots. Déplace ses jambes et ses pieds. Même chose. Je marmonne quelques mots : « Les Allemands, ils prennent toujours plus de territoire. » Je le pousse doucement. Ses jambes encore. Ils sont trois contre un, mais je ne peux en supporter davantage. Je donne un grand coup de coude dans ses jambes. Il se réveille et me jette un regard mauvais.
Les garçons s’en vont. Puis Brigitte descend à Cologne, me laissant seul dans le compartiment. Je suis tranquille pour un moment. Un jeune couple entre…