Notes
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[1]
En France, la Protection Subsidiaire (loi du 20/11/03) peut être accordée aux personnes ne remplissant pas les conditions d’obtention du statut de réfugié mais étant exposées dans leur pays à de graves menaces liées à une violence généralisée résultant de conflit(s) armé(s).
-
[2]
Sa mission était d’apporter un soin médico-psychologique à des personnes exilées en France suite à des persécutions, menaces, ou venant de zones de conflit ou d’instabilité, notamment les personnes présentant les plus grandes difficultés d’accès au soin de santé mentale.
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[3]
Selon Marcelo et Maren Viñar, la torture confronte l’être à un choix entre deux morts, celle du corps – le sujet abandonne son corps au tortionnaire mais préserve son identité et ses croyances –, ou la mort du psychisme pour préserver l’intégrité physique.
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[4]
Une personne est dite « dublinée » quand elle ne peut demander l’asile en France en raison de la Convention de Dublin II qui régit l’entrée en Europe des demandeurs d’asile.
-
[5]
Cette forme d’altération du discours rappelle le trouble neurolinguistique d’aprosodie, trouble de compréhension et d’expression des effets de voix produits dans la parole (Lanteri 1995).
-
[6]
Document écrit par le chef de section de l’Ofpra, intitulé « Mémoire en défense ». La Commission des Recours des Réfugiés est l’ancienne appelation de la Cour Nationale du Droit d’Asile.
-
[7]
Le clivage est un mécanisme de défense qui correspond à une dissociation radicale (au niveau du Moi ou d’objets liés au Moi) visant à se protéger d’une profonde angoisse.
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[8]
Zola m’avait été référé par un ancien patient qui l’avait trouvé en errance dans la rue. Le suivi a duré deux ans, de 2007 à 2009, et s’est effectué dans le cadre de thérapies que je menais dans le Centre d’Écoute et de Soins de MSF à Paris.
-
[9]
Elle a été suivie deux ans et demi au Centre d’Écoute et de Soins de MSF sur Paris.
-
[10]
Dans le cadre de consultations en tant que psychologue effectuées à la Cimade de Béziers.
-
[11]
La personne qui l’hébergeait relatait l’état d’extrême soumission de Tahir : lorsqu’il l’avait rencontré, Tahir ne pouvait s’asseoir sur une chaise, il restait par terre, mangeait avec ses doigts et dormait à même le sol.
-
[12]
Document établi pour six mois par la Préfecture attestant de la régularité de la situation administrative de Tahir pour des raisons médicales.
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[13]
Extrait d’entretien réalisé dans le cadre de ma recherche doctorale.
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[14]
En 2015, le taux d’octroi du statut de réfugié par l’Ofpra était de 19,1 % pour une primo demande et de 15,3 % à la Cnda selon les chiffres du Ministère de l’intérieur (ces chiffres incluent les mineurs accompagnants).
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[15]
Association des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, France Terre d’Asile, Comède, Association Primo Levi…
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[16]
Il n’existe pas à ma connaissance de chiffres fiables pour éclairer cette réalité, mais ma pratique clinique auprès de ce public depuis 2002 en atteste.
Introduction
1 Les actes d’une nature extrêmement violente tendent à laisser les individus dans un état de sidération. Absorbés par l’empreinte de l’abject, bloqués par l’impensable que génère la cruauté, il leur devient difficile de partager cette expérience.
2 Pourtant, certaines circonstances contraignent l’individu à dévoiler ce qu’il a vécu, même si cela lui fait violence. C’est le cas des personnes en situation d’exil qui engagent une procédure d’asile politique. En France, elles déposent un dossier auprès de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (Ofpra) et, si leur demande est jugée recevable, un entretien leur est accordé avec un officier de protection en présence, si nécessaire, d’un interprète. Cet officier sera particulièrement attentif aux dires du requérant puisque c’est sur cette base et sur les documents fournis par ce dernier qu’il devra évaluer sa situation. Il pourra accorder le statut de réfugié politique au regard de la Convention internationale relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 ou de la Constitution de 1946. La Convention de Genève stipule qu’une protection (asile conventionnel) est accordée à « toute personne, qui, craignant avec raison d’être persécutée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve en dehors du pays dont elle a la nationalité et quine peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays » [1]. Si le demandeur d’asile sollicite une protection en raison de son engagement pour la liberté, sa situation sera analysée au regard de la Constitution de 1946 (asile constitutionnel). À l’issue de cet entretien avec l’officier de l’Ofpra, le statut de réfugié sera accordé ou refusé. Dans ce dernier cas, les personnes devront déposer une nouvelle demande auprès de la Cour Nationale du Droit d’Asile (Cnda), audience publique auprès d’une commission composée de trois personnes et d’un rapporteur, dans laquelle le requérant peut se faire assister d’un avocat. Si la personne reçoit un second rejet, elle sera déclarée « déboutée du droit d’asile ». Durant toute la procédure, la capacité du sujet à exposer les raisons qui l’ont poussé à se réfugier dans un pays tiers sera essentielle dans l’évaluation de sa situation.
3 Les cliniciens qui ont travaillé en France la question de l’exil (Benslama 2004 ; Douville 1987, 2001 ; Hirt 2002 ; Rechtman 1994 ; Galap 1987 ; Natahi 2001) ont montré la complexité et la diversité des troubles psychiques qu’il importe toujours d’analyser au cas par cas. Cette approche rompt avec une lecture nosologique des symptômes présentés par les personnes exilées, laquelle est trop restrictive et peu efficiente sur un plan pragmatique ; elle se détourne de fait de l’approche classique de la psychopathologie de l’immigration. D’ailleurs, les travaux d’anthropologues (Young 1995), de psychiatres (Summerfield 2001) et de sociologues (Fassin & Rechtman 2007) ont mis en évidence la construction sociale et politique de la catégorie d’état de stress post-traumatique, trouble spécifique lié au traumatisme.
4 Parmi ces troubles éminemment variés, mon expérience de psychologue clinicienne auprès de ce public a mis en évidence des troubles langagiers singuliers susceptibles d’être développés par des personnes ayant vécu des actes de torture (Montagut 2014). Si pour des raisons subjectives et culturelles les personnes exilées ne sont pas toujours en mesure d’expliciter de manière précise et ordonnée les raisons de leur venue en France lors de leur audience à l’Ofpra, cette difficulté s’accroît pour les personnes victimes d’acte de torture qui auront à faire face au chaos psychique produit par ce type de violence et au non-sens qu’elle génère. Elles devront composer avec une méfiance exacerbée à l’égard de l’êtrehumain et définir si la révélation détaillée de leur parcours à l’Ofpra ou la Cnda ne les met pas, elles ou leur famille, en situation de vulnérabilité.
5 L’officier de l’Ofpra de son côté, pour démêler l’asile économique de l’asile politique, sera sensible aux preuves étayant le récit des requérants (Didier 1992) : il attendra un discours précis, ordonné et factuel prouvant la véracité des dires, et vérifiera que le récit est cohérent et circonstancié. Le requérant ne peut se contenter par exemple de dire qu’il a été enlevé car une telle assertion serait jugée peu crédible parce qu’insuffisamment circonstanciée. Au-delà des raisons de son enlèvement, la formulation attendue serait du type : « Le (date) 2008, vers 11 heures, quatre hommes habillés en civil sont venus me chercher et m’ont forcé à monter dans leur véhicule (marque/couleur du véhicule). Ils m’ont amené dans un camp des LTTE à XX » (extrait d’un recours d’un demandeur d’asile politique après le rejet de sa demande initiale).
6 Outre ces faits circonstanciés, de préférence étayés par des documents probants, il sera attendu de manière informelle qu’il y ait une concordance entre le contenu du récit et la manière dont il est énoncé. Or, une personne traumatisée exprimera son chaos intérieur d’une manière extrêmement variable d’un individu à l’autre (apathie, cynisme, colère, méfiance…). Il sera attendu néanmoins les réactions « classiques » (cauchemars, flash-back, troubles du sommeil, symptômes psychosomatiques, troubles mnésiques, idées suicidaires, etc.) relevant des états de stress post-traumatiques que l’on retrouve dans les certificats psychologiques et médicaux et qui sont la norme dans la logique psychopathologique et psychiatrique. C’est cette cohérence entre le récit et son énonciation qui pourra emporter l’intime conviction de l’officier, clé de l’octroi du statut de réfugié. Selon Jérôme Valluy ancien juge de la Cnda et professeur en sociologie politique,
la carence de fondements objectifs mais aussi les caractéristiques du droit dans ce domaine [de l’asile] donnent à l’intime conviction du juge (comme à celle du fonctionnaire en premier examen), un rôle exceptionnel, et largement exorbitant du droit commun, dans la décision finale : loin d’être l’ultime arbitrage d’une instruction approfondie et d’un raisonnement juridique, tous deux étroitement dépendant du droit, l’intime conviction se substitue purement et simplement à l’une et à l’autre. Une simple somme d’opinions subjectives et intuitives remplace la recherche d’informations et le syllogisme juridique supposés guider le juge vers sa conclusion (Valluy 2004).
8 Ainsi, convaincre l’officier de protection de sa bonne foi ne sera peut-être pas suffisant pour obtenir le statut de réfugié mais sera néanmoins primordial.
9 Cet article se situe à l’articulation entre travail de terrain et travail de recherche. Les constats du décalage entre les attentes des instances statuant sur l’obtention d’une protection avec les discours que les requérants ayant été torturés sont en capacité de produire proviennent d’une expérience de 14 ans en tant que psychologue clinicienne dans divers Centre d’Accueil de Demandeur d’Asile en France (Chartres, Montreuil, Béziers) et dans un Centre d’Écoute et de Soins ouvert en 2007 par Médecins Sans Frontières (MSF) à Paris [2] ; ils sont également le fait d’une thèse en sociologie clinique sur la thématique de la torture (Montagut 2012). C’est en m’appuyant sur le corpus analysé lors de ma recherche doctorale, basée sur 146 dossiers d’anciens patients ayant été torturés en situation d’exil en France suivis en tant que thérapeute, sur des entretiens semi-directifs avec d’anciens patients également réalisés dans ce cadre, et sur les suivis que j’ai effectués avec d’autres patients depuis dans divers lieux de soins, que j’avancerai ici les problèmes spécifiques posés par l’incapacité de certains demandeurs d’asile ayant subi des actes de torture à s’exprimer selon les modalités attendues par les instances statuant sur l’asile, modalités qui conduisent au paradoxe selon lequel l’asile politique qui devrait permettre à ces personnes d’obtenir prioritairement une protection leur devient très difficilement accessible. Afin de mieux saisir ces troubles, une typologie des troubles du discours empêché, logorrhéique et clivé est proposée.
1. L’emprise de la torture et l’atteinte au langage
1.1. La torture comme volonté de désubjectivation qui force au silence
10 La torture vise à produire un point de rupture en l’être que le psychanalyste Marcelo Viñar (1997) a nommé « démolition » et que la musicologue Suzanne Cusick (2008) a appelé « auto-trahison ». L’individu objectifié de manière intentionnelle par un tiers au moment des sévices tend soit à se dépouiller de ce qui le constitue en tant que sujet, soit à surinvestir son identité antérieure (Viñar & Viñar 1989) [3]. La question de la désarticulation de l’être dans ses fondements me paraissant essentielle, j’ai privilégié la terminologie de « désubjectivation » (Montagut 2014), terme d’autant plus opérant que l’emprisede la torture me semble être le fruit d’une désubjectivation de trois espaces de la subjectivité : intrapsychique, espace interne des relations d’objet ; intersubjectif, espace de l’interrelation entre soi-même et autrui ; et transsubjectif, niveau des relations entre le sujet et le contexte social partagé (Berenstein & Puget 2008). En effet, le sujet se débattra dans l’après-coup des sévices avec des sentiments de honte, de violation de l’intimité (niveau intrapsychique), de désaffiliation (niveau intersubjectif) et de désappartenance à la communauté humaine (niveau transsubjectif). Cette triple désubjectivation plonge le sujet dans le silence. Pour s’adresser à un autre, encore faut-il que l’horizon d’autrui en soi (Montagut 2012) ne soit pas trop altéré et que l’idée même de transmettre son expérience ait encore sens (Fédida 2001-2002). Jean Améry (1966) témoigne, en référence aux tortures subies en 1943 au fort de Breendonk en Belgique, de cette intransmissibilité : « Ce qui reste de l’expérience de la torture […] c’est le sentiment d’être devenu étranger au monde, état profond qu’aucune forme de communication ultérieure avec les hommes ne pourra compenser ».
1.2. Des troubles langagiers spécifiques
11 Les troubles langagiers sont récurrents chez les personnes ayant été torturées (Montagut 2012). Ils peuvent se ranger dans des types d’altération spécifiques affectant la dynamique du discours (le discours peut être empêché ou au contraire envahissant) ou l’énonciation discursive (le décalage entre le discours énoncé et les affects mobilisés).
12 Les discours empêchés ou logorrhéiques peuvent se rapprocher des troubles connus lorsque les patients sont déprimés et dans un ralentissement psychomoteur conséquent, ou au contraire dans une forte agitation. Les personnes qui présentent le trouble du discours empêché sont dans l’impossibilité de parler des sévices, de telle sorte que toute tentative de forcer la parole peut se solder par une rupture de la relation sociale. Dans les situations les plus critiques, la personne peut ne plus être en capacité de soutenir un échange, de s’adresser à un autre : le regard est absent, la parole est éteinte. La personne ne répond pas aux sollicitations d’autrui, ce qui peut évoquer des troubles de nature psychotique.
13 À l’opposé, il arrive que le sujet ne puisse retracer les événements que via un flux de parole éparpillé et nerveux : il s’agit alors du trouble dudiscours logorrhéique. La dynamique langagière, sans temps de respiration, qui exclut toute possibilité d’échange, place « l’interlocuteur » de facto à l’écart : sa présence apparaît comme insignifiante pour le sujet qui parle et qui semble accaparé par son énonciation, pris dans l’urgence du dire.Petimat, une patiente tchétchène âgée de 34 ans au moment de la thérapie menée au Centre d’Écoute et de Soins de MSF, s’est mise à parler dès la fin de ma première question, dans une fougue étourdissante. Elle m’a retracé son parcours de manière désordonnée, mêlant son passage en Pologne à son statut de « dublinée » [4] en France, en passant par les sévices subis en Tchétchénie. Lorsque je tentais dans un premier temps d’interrompre ce monologue rapide pour tenter de saisir quelque chose, Petimat n’a pas laissé parler l’interprète russophone qui, après avoir répété mes propos, m’a regardée déconcertée. Nous avons renoncé à interrompre ce flot de parole même si nous étions submergées d’informations déstructurées.
14 Le troisième trouble est un trouble de l’énonciation discursive : il est marqué par la rupture totale ou partielle entre le dire et l’éprouvé, aussi parlons-nous de trouble du discours clivé. Le discours garde sa forme normée mais apparaît disjoint de l’affect. Le sujet énonce son propos sans paraître affecté par la moindre émotion. Cette inhibition des affects est perceptible par l’interlocuteur qui peut en ressentir un certain malaise, car cette rupture du dire et de l’éprouvé semble signer la disparition du sujet [5]. Claudine, quadragénaire rwandaise de mère tutsie et de père hutu que j’ai suivie en tant que thérapeute au Centre d’Écoute et de Soin de MSF en 2008, présentait ce trouble. Elle était déboutée du droit d’asile. Elle s’était sentie obligée de venir à ma consultation par égard pour le médecin qui me l’avait référée. Elle m’a raconté son histoire d’un ton monocorde. Le discours était lisse, aucune émotion n’apparaissait, son récit n’était qu’une succession d’événements : le départ précipité du Rwanda, le camps de réfugié, le retour au pays, l’assassinat de sa mère, sa séquestration et son viol, la naissance de son enfant issu du viol… Sur mes notes d’entretiens, j’avais relevé qu’elle paraissait « hors de son récit ». D’ailleurs, elle m’avait confié avoir raconté la même chose à l’Ofpra, puis à la Cnda. Au milieu de l’entretien, elle m’a demandé si elle pouvait partir car elle s’est dite fatiguée de se répéter ainsi. Je lui ai proposé un verre d’eau qu’elle a accepté, et j’ai engagé une conversation beaucoup plus informelle. Claudine a parlé d’autre chose que de son parcours, notamment de sa chambre d’hôtel située au 6e étage et d’une fracture à la jambe mal soignée qui la faisait boiter. Soudain, elle m’a dit qu’elle n’arrivait plus à être avecles gens et que son seul désir était de rester seule. En énonçant cela, elle est parvenue à pleurer, renouant ainsi avec ses affects. Il est intéressant de noter que dans la décision de rejet de sa demande d’asile politique, l’Ofpra avait précisé que « ses déclarations, qui n’emportent pas la conviction [souligné par nous], ne permettent pas d’établir la réalité des faits allégués ». Néanmoins, dans sa « Note pour la Commission des Recours des Réfugiés » [6], l’Ofpra reconnaissait un « récit écrit, précis et détaillé ».
15 Ces trois troubles apparaissent révélateurs de la défaillance de la relation sociale : lorsque le discours est empêché, le sujet ayant subi des actes de torture présuppose une intransmissibilité et nie la capacité de son interlocuteur à l’entendre. Lorsque le discours est logorrhéique, c’est la présence même de l’interlocuteur qui semble déniée. Le discours clivé, signe des clivages qui se sont opérés à un niveau intrapsychique [7], vient aussi parler d’un nouveau rapport que le sujet entretient avec autrui : il accepte l’échange, le dialogue, sous une forme épurée, comme si son être émotionnel était détaché de lui-même. C’est sans doute la forme la plus ambivalente : le sujet reconnaît l’autre dans sa capacité à entendre, mais lui dénie sa capacité à recevoir la charge affective habituellement rattachée au contenu du discours. Le discours semble s’énoncer de façon contrainte. Aussi, c’est la forme langagière qui dénote le plus le rapport de force qui s’est instauré entre le sujet et les tortionnaires et qui perdure après les sévices dans la relation avec autrui.
16 Ces trois altérations du langage sont l’une des traces possibles de l’influence persistante du système torturant sur le sujet qui l’a subi. Pour autant, il faut préciser que ces troubles sont développés par une minorité de personnes : si le rapport à autrui est modifié chez tous, le trouble du langage ne devient problématique que chez quelques-unes.
17 Il est possible en tant que psychothérapeute de travailler à rétablir un rapport au langage plus fluide, libéré des injonctions au silence des tortionnaires. En premier lieu, l’enjeu est de restaurer la possibilité d’une relation. Cela ne va pas de soi et demande au thérapeute de trouver des aménagements dans son accueil clinique : il lui faut par exemple renoncer à la position de la bienveillante neutralité (Sironi 2007). Son effort sera d’établir une relation, voire un contact. Zola, un patient d’une quarantaine d’années venant d’Afrique centrale, débouté dudroit d’asile, dont j’ai relaté la difficulté d’être au monde, n’avait pas pu m’adresser un mot lors de notre première rencontre (Montagut 2014) [8].
Durant toute la séance, Zola, silencieux, s’est tenu recroquevillé dans le fauteuil en face de moi. Il ne semblait pas entendre le son de ma voix. Pas une seule fois son regard n’a croisé le mien. Un long et douloureux gémissement très aigu […] est sorti de sa bouche, comme un grincement qui aurait été retenu jusque-là au fond de lui.
19 Lorsque le silence est revenu, ma réaction a été de ne pas renoncer à lui parler :
Face à son absence, je renforçai ma présence. Maintenant mon regard sur lui, je poursuivis mon discret monologue car je ne voulais pas le laisser seul dans ce silence que je pressentais gorgé de souvenirs douloureux. […] Même s’ils tombaient dans le vide et ne recevaient aucune réponse, mes mots étaient le seul lien que je pouvais établir avec cet homme figé, raide, qui gardait au contact de son pied un sac en plastique qui contenait – je l’apprendrai plus tard – tout ce qu’il possédait.
21 Obtenir un regard, un premier sourire, un élan de confiance est un enjeu majeur qui nécessite parfois plusieurs rencontres. S’en tenir à travailler sur les souffrances actuelles du sujet peut être une stratégie provisoire à condition de ne pas s’enfermer dans l’évitement de la douleur traumatique.
22 En tant que psychologue, j’ai pu expérimenter le fait qu’un travail d’accompagnement ciblé sur les effets du système torturant rend possible le dégagement de cette emprise : la disparition des principales manifestations symptomatologiques invalidantes (troubles du sommeil, difficulté à s’adresser à autrui, idées suicidaires…) peut même advenir en quelques mois. Dans le contexte thérapeutique, les premiers signes de cette évolution seront perceptibles sur un plan langagier par l’irruption de moments poétiques : il s’agit de mises en mots singulières par lesquelles une transmission jusque-là entravée peut s’effectuer : « L’indicible se glisse dans l’ordre des mots, les tord et parvient ainsi à les faire entendre. Il prend la forme d’une métaphore pour être partagé » (Montagut 2015). L’appel au registre métaphorique permet un dégagement de l’écrasement de la pensée suscité par le récit de scènes horrifiantes : l’émotion peut ainsi circuler et la « chose » se penser. En redonnant forme et sens aux pensées de la personne et en participant à la transmissibilité du vécu de lasouffrance, ces irruptions poétiques suppléent aux dysfonctionnements langagiers tels que les troubles du discours empêché ou clivé consécutifs aux actes de torture.
23 L’accompagnement clinique spécifique qui consiste en un travail de lien et de conscientisation du système torturant et de ses effets d’emprise demande un temps que le demandeur d’asile n’a pas forcément. D’autant que les sentiments de ne plus appartenir à la communauté humaine, la honte des sévices subis qui favorise le repli sur soi, vont considérablement retarder la prise en charge thérapeutique adéquate qui est souvent déclenchée en urgence par un tiers (médecin, travailleur social, membre de la même communauté…) soucieux de conduites régressives voire suicidaires.
2. Effets d’emprise et discours faussés des demandeurs d’asile
2.1. Reconstruction d’un espace intime et impossibilité de « tout dire »
24 Nombreux sont les demandeurs d’asile qui n’ont bénéficié d’aucun accompagnement psychothérapeutique au moment de leur audience à l’Ofpra. Régulièrement, ces patients rencontrés après l’audience m’expliquent qu’ils ont préféré le silence à une évocation trop douloureuse, ou bien qu’ils n’ont pas été en mesure de tout dire ; ils relatent qu’ils étaient dans l’impossibilité de partager les violences dont ils avaient été l’objet (surtout d’ordre sexuel), et encore moins sur le mode implicitement convenu. L’injonction de l’Ofpra que les faits relatifs à l’exil soient explicités dans les moindres détails pour prouver leur véracité – injonction souvent relayée par les travailleurs sociaux/ conseillers juridiques en charge de l’accompagnement social –, met à mal les demandeurs d’asile ayant vécu la torture qui tentent précisément de reconstituer des frontières à une intimité malmenée, comme le précise cette demandeuse d’asile camerounaise d’une trentaine d’années, membre d’un parti politique d’opposition dans son pays, et qui a été torturée en raison de sa liberté de parole [9] : « Je me suis forgée cette carapace-là qui me rend invisible, qui fait que l’autre en face de moi ne puisse pas me pénétrer. Je suis toujours sur la défensive, je suis toujours en train de me protéger contre l’inconnu ».
25 Tout dire est une violence qui est susceptible de faire écho à l’exigence d’aveux subis lors des tortures. Le cas de Tahir illustre que cette injonction de « tout dire » ne peut être possible que dans certaines conditions minimales. Tahir est un jeune pakistanais de 25 ans, arrivé en France en2014, que j’ai rencontré un an plus tard [10], alors qu’il était sans papiers. Administrativement, Tahir ne pouvait demander l’asile en France en raison de la Convention de Dublin II sur l’entrée en Europe des demandeurs d’asile. Tahir était passé par la Hongrie dans laquelle ses empreintes avaient été relevées et où il avait déposé une demande d’asile. Ce passage dans un pays tiers rendait impossible une nouvelle demande de protection en France. Lorsqu’un lien de confiance s’est établi avec Tahir, il m’a expliqué qu’il n’avait pas raconté en Hongrie les sévices qu’il avait subis, qu’il n’avait pu que répéter son impossibilité de revenir dans son pays. Sa demande d’asile rejetée, Tahir a compris qu’il risquait d’être expulsé vers le Pakistan, il a alors cessé de s’alimenter, de boire, et s’est plongé dans le mutisme. Son état devait être suffisamment préoccupant pour qu’il soit libéré, et livré de nouveau à lui-même sur les routes d’Europe.
26 Au cours de notre première rencontre, Tahir s’est tenu tête baissée, fixant le sol, fuyant mon regard et mes questions, qui le faisaient plisser des yeux comme si je lui infligeais un coup. Un homme pakistanais d’une soixantaine d’années, qui l’avait recueilli chez lui et qui l’accompagnait à la séance, parlait à sa place. Durant les premiers entretiens, Tahir n’a prononcé que quelques mots, souvent les mêmes. Ses phrases étaient rares. Grâce à son compatriote, nous avons réussi à reconstituer son histoire : Tahir avait été vendu par ses parents à l’âge de neuf ans à une riche famille pakistanaise qui l’avait exploité et violenté durant douze années. Domestique, esclave sexuel, il a subi des passages à tabac réguliers, des menaces de mort et de fausses exécutions scénarisées qui l’ont conduit à un état de terreur permanent. On le menaçait de le mutiler s’il tentait de s’échapper. Ce n’est qu’à 21 ans que Tahir a osé s’enfuir. C’est dans ce contexte qu’il s’est exilé et a été arrêté en Hongrie. Craignant que l’influente famille pakistanaise qu’il tentait de fuir ne le retrouve, il n’a pas raconté son histoire ; sa demande d’asile politique était donc vouée à l’échec. Pourtant, à la vue de son état, il était impossible que l’officier qui a traité sa demande n’ait pas noté les comportements décalés de Tahir [11].
27 Au fil des mois de rencontres régulières dans l’espace thérapeutique, le lien de confiance a favorisé la libération de la parole de Tahir, même si le fait d’aborder certains aspects particulièrement douloureux était toujours problématique. Tahir ne parvenait plus alors à finir ses phrases, il seplongeait dans le silence, comme s’il était impossible de partager la teneur des violences subies. Des gestes d’impuissance, des grimaces douloureuses remplaçaient ses paroles. Par ailleurs, il était toujours dans l’incapacité de nommer la famille pakistanaise qui l’avait exploité et tenu reclus. La seule évocation de l’idée d’expulsion le plongeait dans un état d’agitation extrême, qui le faisait supplier et pleurer.
28 L’éducateur de la Cimade, qui me l’avait référé, et moi avons réussi à nous appuyer sur des difficultés d’ordre médical pour obtenir un premier récépissé [12] permettant d’apporter pour quelques mois à Tahir l’assurance de rester en France. Comme beaucoup de personnes dans cet état d’errance psychique, il passait de longues journées au Centre de la Cimade. Il a commencé à suivre avec assiduité des cours de français malgré ses grandes difficultés de concentration. « Bonjour », « Merci, merci France ! » furent les premiers mots appris et prononcés en boucle. La confiance en l’être humain avait repris le dessus. Malgré des troubles persistants et toujours très invalidants, Tahir esquissait ses premiers sourires.
29 C’est l’obtention de ce premier résultat positif (ce récépissé de six mois), quoique précaire, qui a permis à Tahir d’être dans de très bonnes dispositions pour débloquer sa situation de manière plus durable. Une demande d’asile a pu être rédigée. Grâce aux longs mois de travail en amont, Tahir a réussi à préciser non seulement les lieux, mais aussi in extremis au moment de l’audience de l’Ofpra, le nom de la famille pakistanaise à laquelle il avait été vendu. Il a obtenu l’asile subsidiaire lui permettant de rester un an en France.
30 Dans cette situation, c’est un déblocage administratif temporaire lié à une situation médicale problématique qui a permis de faire levier, de donner suffisamment confiance à l’intéressé pour qu’il s’autorise enfin à dire à un inconnu lors de l’audience à l’Ofpra les violences subies. La présence d’un compatriote dans cette avancée pour faire le lien avec le monde extérieur fut tout à fait essentielle, car c’est ce tiers, en tant qu’interprète et passeur entre la culture française et la culture pakistanaise, qui a permis à l’action sociale et psychologique menée par l’équipe éducative de la Cimade et moi-même d’être efficiente. Porté par ce soutien collectif et mis en confiance par de petites avancées (l’obtention d’une Aide Médicale d’État, d’un récépissé de six mois, de cours de français, etc.), Tahir a pu se détacher de l’emprise de ses agresseurs en réalisant qu’ils n’étaient plus tout-puissants et capables de réguler sa vie.
2.2. Un dispositif perçu comme violent
31 Outre l’effraction à l’intimité de l’injonction de « tout dire », le dispositif juridique d’analyse des demandes d’asile peut être particulièrement violent pour les demandeurs d’asile ayant été torturés en raison des situations de face à face entre l’officier et le requérant lors de l’audience Ofpra. La différence de statut entre celui qui questionne et celui qui doit répondre leur rappelle douloureusement l’asymétrie avec le tortionnaire. Certaines personnes m’ont expliqué avoir écourté l’entretien de crainte de frapper l’officier de l’Ofpra. L’évocation de leur parcours était une intrusion telle qu’elle générait une violente pulsion agressive. Un patient tchadien d’une trentaine d’années, qui avait été torturé et laissé pour mort parmi des cadavres, avait eu lors de son audience à l’Ofpra l’envie de se lever et de lancer la table au visage de son interlocuteur. L’évocation de ses souffrances, des morts qu’il avait dû laisser derrière lui était insoutenable et l’est toujours aujourd’hui :
Ça me donne directement la violence. Ça sort, ça saute… C’est quelque chose qui me ramène au plus présent du passé quoi. Quand ça arrive parfois je me contrôle pas. Ça m’énerve pour que je casse tout. Je deviens… Je peux devenir sauvage comme ça. Ça m’énerve. Je veux pas que quelqu’un appelle des trucs comme ça à mes oreilles, je veux être tranquille [13].
33 Plus tard lors de la thérapie avec cette personne, nous avions mis cet épisode en lien avec une scène de torture où il se tenait impuissant face au tortionnaire, et où il avait soutenu son regard avec force même si cela lui avait valu d’être frappé davantage.
34 Ainsi, le dispositif d’analyse des demandes d’asile est conçu de telle sorte qu’il est susceptible de faire violence aux requérants qui ont subi des actes de torture.
2.3. Discours altéré et demande d’asile
35 Ceux qui ont des troubles du langage tels qu’un trouble du discours clivé ne seront pas en mesure de décrire la violence subie de la manière socialement attendue, c’est-à-dire avec une forte charge émotionnelle fût-elle contenue : au contraire, les mots chez ces personnes apparaissent dans une crudité désaffectivée qui souligne la déshistorisation (désancrage de l’être et de son histoire). Aussi, j’ai pu observer que ces personnes étaient souvent déboutées du droit d’asile, alors qu’elles étaient pleinement en mesure de parler en détail de leur engagement politique et de ses conséquences. Les décisions de rejet de l’Ofpra queles patients m’ont montrées mentionnent alors que si la personne est crédible dans son discours, elle semble toutefois « réciter un texte appris par cœur ». Le rejet était souvent au motif de « propos stéréotypés et impersonnels ».
36 Récemment, l’Office a rejeté la demande d’une requérante au motif « du caractère nébuleux et peu renseigné des assertions de l’intéressée, ainsi que de l’absence d’élément tangible permettant de corroborer des allégations lacunaires et peu personnalisées ». Pourtant, il était mentionné par ailleurs les violences subies par l’intéressée, et notamment le viol collectif qu’elle avait subi. Concernant un événement particulièrement douloureux pour elle, elle a dit dans son entretien d’audience à l’Ofpra : « C’est une peur horrible qu’on ne peut décrire ni transmettre ». Ce à quoi l’officier a répondu : « Décrivez-moi précisément la scène » (extrait du compte rendu d’audience de l’Ofpra). Contrainte par l’enjeu de la situation, la demandeuse d’asile s’est pliée à cette exigence, d’une manière froide et détaillée. Pour l’étude de son recours en seconde instance (devant la Cnda), j’ai pris le risque de lui établir un certificat psychologique particulier : contrairement à l’usage, je n’ai pas insisté sur le traumatisme qu’elle avait subi, mais j’ai évoqué « une forme d’altération du discours qui apparaît clivé : la forme est normée mais semble disjointe de l’affect ». J’ai alors stipulé que cette rupture entre le dire et l’éprouvé pouvait avoir une origine émotionnelle voire traumatique. Suite à ce jugement, cette demandeuse d’asile a obtenu le statut de réfugié politique.
37 Dans les cas d’un trouble du langage de type logorrhéique, la situation est également problématique au cours de l’entretien avec l’officier de l’Ofpra. La personne n’est pas en mesure de maîtriser son discours, de le contenir pour ne répondre qu’aux questions posées. Le flot de parole ininterrompue est problématique car l’officier qui doit établir si les craintes du demandeur sont fondées, personnelles et actuelles est noyé dans une masse informationnelle diffuse, floue, guidée par la seule urgence de dire de la personne. Nombre de mes patients dans ce cas n’ont pas obtenu l’asile en première instance [14] : mais le travail dans l’espace thérapeutique, lieu contenant pour dire et crier, leur permettra parfois de se confronter aux instances statuant sur leur demande d’asile lors d’une seconde audience avec un registre verbal plus conforme à ce qui est attendu.
Conclusion
38 De nombreuses raisons entravent l’audience avec l’officier de l’Ofpra : certains biais sont connus de tous, y compris des officiers. Il s’agit par exemple de la dimension culturelle de l’échange (des femmes dans l’incapacité de dire les violences sexuelles devant un homme) ou de la question de la sécurité (la présence d’un interprète de même communauté qui s’avère être un obstacle majeur à la liberté de parole). Mais les troubles langagiers spécifiques développés par les personnes qui ont subi des actes de torture sont encore méconnus.
39 Une formation particulière des officiers de l’Ofpra sur ces troubles développés après des actes de torture s’avérerait nécessaire. Un colloque sur les victimes de la torture a été organisé à l’Ofpra le 10 février 2015 en présence de plusieurs associations spécialisées sur ces questions [15]. Mais ce premier temps d’échange entre les institutions statuant sur l’asile et les associations ne peut suffire à contrebalancer la logique selon laquelle la personne se doit d’apporter la preuve de sa condition de victime, y compris la preuve physique et psychologique des sévices subis après la torture. Le demandeur d’asile qui ne possède pas de certificat, qui n’a pas de suivi psychologique et dont les manifestations habituelles du traumatisme ne sont pas conformes à l’hégémonique théorie du traumatisme, risque de ne pas avoir le même impact émotionnel sur l’officier de l’Ofpra, qui se fiera à sa subjectivité pour juger de la crédibilité du récit. Le cas le plus manifeste est celui des personnes dont le discours est clivé suite au vécu de la torture et qui ne sont pas en capacité de transmettre dans leur énonciation l’émotion attendue. Sur d’autres registres que langagiers mais qui évoquent les rites d’institutions mentionnés par Pierre Bourdieu et repris par Estelle D’Halluin (2006), des demandeurs d’asile ayant des troubles mnésiques importants liés aux sévices ne sont pas en mesure de donner avec exactitude le repérage dans le temps souhaité par l’Ofpra.
40 Une ouverture sensible vers une prise en compte de la singularité de la personne s’est faite avec la possibilité que le requérant soit accompagné d’un membre d’une association lors de son audience à l’Ofpra (depuis la loi relative à la réforme de l’asile adoptée le 15 juillet 2015). Mais là encore, seuls ceux qui auront créé un lien avec des associations ou qui seront hébergés dans des Centres d’Accueil pour Demandeurs d’Asile où ils seront informés de leur droit pourront en bénéficier. Par ailleurs, l’activité des accompagnants sociaux des demandeurs d’asileest tellement surchargée qu’il semble difficile d’imaginer des accompagnements réguliers, surtout si la personne est hébergée en dehors de la région parisienne.
41 Ainsi, la disparité des situations sociales des demandeurs d’asile aura une forte incidence sur leur capacité à produire le discours attendu. Les plus vulnérables, comme peuvent l’être ceux qui ont été torturés, auront beaucoup de difficulté à comprendre et à se plier aux normes discursives attendues par les instances statuant sur la demande d’asile politique, qui consistent à produire un discours à la fois circonstancié, formel (sans être trop formaté) mais aussi émotionnel (sans l’être excessivement pour préserver le fil conducteur factuel) permettant d’apprécier subjectivement « la réalité » de la situation du requérant. Aussi, il n’est pas surprenant de constater que de nombreux déboutés du droit d’asile, loin d’être de « faux réfugiés », ont été torturés et auraient pu prétendre à une protection statutaire [16]. Il serait erroné de penser qu’il s’agit là « d’erreurs » de jugement de la part des instances qui statuent sur l’asile. Il faut plutôt y lire l’impasse d’une politique d’asile basée sur le soupçon et la répression (Le Gall 2006 ; Valluy 2009) inadaptée à la situation des personnes ayant subi des actes de torture.
Bibliographie
Références bibliographiques
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Notes
-
[1]
En France, la Protection Subsidiaire (loi du 20/11/03) peut être accordée aux personnes ne remplissant pas les conditions d’obtention du statut de réfugié mais étant exposées dans leur pays à de graves menaces liées à une violence généralisée résultant de conflit(s) armé(s).
-
[2]
Sa mission était d’apporter un soin médico-psychologique à des personnes exilées en France suite à des persécutions, menaces, ou venant de zones de conflit ou d’instabilité, notamment les personnes présentant les plus grandes difficultés d’accès au soin de santé mentale.
-
[3]
Selon Marcelo et Maren Viñar, la torture confronte l’être à un choix entre deux morts, celle du corps – le sujet abandonne son corps au tortionnaire mais préserve son identité et ses croyances –, ou la mort du psychisme pour préserver l’intégrité physique.
-
[4]
Une personne est dite « dublinée » quand elle ne peut demander l’asile en France en raison de la Convention de Dublin II qui régit l’entrée en Europe des demandeurs d’asile.
-
[5]
Cette forme d’altération du discours rappelle le trouble neurolinguistique d’aprosodie, trouble de compréhension et d’expression des effets de voix produits dans la parole (Lanteri 1995).
-
[6]
Document écrit par le chef de section de l’Ofpra, intitulé « Mémoire en défense ». La Commission des Recours des Réfugiés est l’ancienne appelation de la Cour Nationale du Droit d’Asile.
-
[7]
Le clivage est un mécanisme de défense qui correspond à une dissociation radicale (au niveau du Moi ou d’objets liés au Moi) visant à se protéger d’une profonde angoisse.
-
[8]
Zola m’avait été référé par un ancien patient qui l’avait trouvé en errance dans la rue. Le suivi a duré deux ans, de 2007 à 2009, et s’est effectué dans le cadre de thérapies que je menais dans le Centre d’Écoute et de Soins de MSF à Paris.
-
[9]
Elle a été suivie deux ans et demi au Centre d’Écoute et de Soins de MSF sur Paris.
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[10]
Dans le cadre de consultations en tant que psychologue effectuées à la Cimade de Béziers.
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[11]
La personne qui l’hébergeait relatait l’état d’extrême soumission de Tahir : lorsqu’il l’avait rencontré, Tahir ne pouvait s’asseoir sur une chaise, il restait par terre, mangeait avec ses doigts et dormait à même le sol.
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[12]
Document établi pour six mois par la Préfecture attestant de la régularité de la situation administrative de Tahir pour des raisons médicales.
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[13]
Extrait d’entretien réalisé dans le cadre de ma recherche doctorale.
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[14]
En 2015, le taux d’octroi du statut de réfugié par l’Ofpra était de 19,1 % pour une primo demande et de 15,3 % à la Cnda selon les chiffres du Ministère de l’intérieur (ces chiffres incluent les mineurs accompagnants).
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[15]
Association des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, France Terre d’Asile, Comède, Association Primo Levi…
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[16]
Il n’existe pas à ma connaissance de chiffres fiables pour éclairer cette réalité, mais ma pratique clinique auprès de ce public depuis 2002 en atteste.