Notes
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[1]
American Research on the Treasury of the French Language, base de données canadienne.
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[2]
il resterait à s’assurer que les deux parlent bien de la même chose : français standard, français national, français commun ?
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[3]
On peut toujours rêver… Ce qui est dans l’air au moment où j’écris, fin 2007, ne semble pas du tout aller vers une reconnaissance de la variation et de la diversité linguistiques.
Fabienne H. Baider Hommes galants, femmes faciles Étude socio-sémantique et diachronique 2004, Paris, L’Harmattan, 271 pages Compte rendu d’edwige Khaznadar ( erSS Université de Toulouse Le Mirail, GraLP Université de Pau et des Pays de l’adour)
1Cet ouvrage retrace les étapes de la construction socio-culturelle de l’opposition masculin/féminin à partir d’un très grand corpus de textes informatisés. On y découvre à travers une analyse sémantico-syntaxique pénétrante comment la péjoration qui affecte le paradigme féminin est tributaire du rôle institutionnel de l’usage et de la norme linguistiques. est-ce une connotation péjorative linguistiquement intrinsèque au nom femme qui produit la connotation de syntagmes tels que femme galante ? À travers les bases de données lexicales de France, et du Canada où Fabienne Baider a soutenu la thèse qui sous-tend son ouvrage, et l’apport d’un considérable corpus d’études linguistiques et sociologiques sur le sujet, le lectorat entreprend avec elle une enquête d’une rigueur toute policière, les spécialistes comme les non-spécialistes y trouvant matière à réflexion : l’analyse d’abord syntagmatique s’ouvre au fur et à mesure en une perspective sociologique.
2Le premier chapitre détaille l’utilisation critique des dictionnaires (Larousse, robert, Trésor de la Langue Française) et bases de données (Frantext, arTFL [1] ) qui permet de relever qu’en effet, le sens peut-être, mais le traitement lexical sûrement, sont dissymétriques en défaveur du féminin, comme le montre la femme "légère", pendant que "le comportement sexuel de l’honnête homme […] ne fait pas l’objet d’une attention particulière en corpus".
3Le chapitre 2 pose les hypothèses de travail : alors qu’on ne repère pas a priori de dissymétrie dans femme intelligente/homme intelligent, dans les collocations où le féminin est péjoratif quel est le rôle du nom ? de l’adjectif ? La fréquence d’emploi de certaines séquences conduit à la cristallisation des stéréotypes, selon ce "que la société juge ou jugeait convenable en matière de sexualité pour le référent féminin." Mais si l’on prend en compte les sèmes afférents de François rastier, activés par le contexte, faut-il penser que femme facile est compris comme femme facile (à séduire) parce que le sème afférent /séduire/ ou /à séduire/ est contenu dans femme ? Une comparaison avec la polarisation sexuelle de woman en anglais d’après les études de robin Lakoff et deborah Cameron mène à la conclusion temporaire que le nom femme, connoté, serait le responsable du glissement de sens.
4Le troisième chapitre plonge dans la diachronie : peu de citations d’auteures femmes, il s’agit donc d’un travail sur le discours d’auteurs hommes. ainsi l’homme léger est de mœurs volages chez ronsard, Littré donne facile comme non péjoratif quand il accompagne femme jusqu’au XViie siècle, la femme galante du dictionnaire de l’académie de 1694 est une femme coquette, etc. Mais l’ensemble des relevés montre le sens actuel par défaut d’un syntagme comme femme facile comme l’aboutissement d’un usage répétitif dans un contexte sexuel. L’adjectif n’est pas, en langue, a priori péjoratif. La connotation négative de femme semble se confirmer.
5C’est l’objet de la deuxième partie qui s’empare de dizaines de glossaires, vocabulaires, dictionnaires. Les citations analysées, depuis la mulier latine jusqu’à la femme du XXe siècle, gravitent autour des pôles de la faiblesse et de la sexualité, pendant que l’indépendance, l’action, la culture caractérisent les définitions de homme. depuis le "fame est de toz max (tous maux) la some" du Roman de Renart jusqu’au Petit Larousse Illustré du siècle dernier, l’image de la femme est "celle d’un autre de l’homme, celui-ci assumant le rôle de norme". La recherche met au jour l’impact de la pragmatique sur le sens et l’influence du social sur la sémantique. Les origines de cette contamination peuvent être trouvées dans l’association du tabou sexuel judéo-chrétien et de la femme. La valeur sexuelle et négative associée au "féminin" serait source d’anxiété dont on se protège le plus souvent par des euphémismes : la péjoration sémantique de femme apparaît alors comme due à des facteurs psychologiques externes à la structure de la langue.
6Le concept femme lui-même est-il contaminé ? Les métaphores simulent l’identification de deux classes : la catégorie "humain femelle" semble dans les ouvrages recensés partager stéréotypiquement des propriétés avec la catégorie "animal" : poule, cocotte, grue, salope (sale huppe). L’accumulation des exemples, qui rappelle et développe les observations de Marina Yaguello et Pierre Guiraud, est effarante : femme animal, objet à consommer, à chasser, à conquérir, à violer. Les métaphores insultantes ne sont le plus souvent pas présentées comme telles mais peuvent être prises "comme des synonymes de la dénomination générique, et non comme des dénominations réservées à un discours sexiste", alors que, est-il rappelé, la présentation du mot youpin dans le Nouveau Petit Robert 1993 sans que soit spécifié son caractère raciste a soulevé un tollé. Les métaphores usuelles dénigrant la femme, leur enregistrement complaisant et leur propagation par les dictionnaires soutiennent les structures qui la réduisent à un statut inférieur.
7Pour terminer, le cadre s’élargit : les métaphores sont posées comme "le fait d’un phénomène plus général de réduction à l’autre, cet autre représentant un danger ou un concurrent sur le plan économique et social", ce que montrent les insultes xénophobes ou racistes. La relation entre tropes linguistiques et réalité sociale met à jour l’idéologie cantonnant la femme au rôle de reproductrice, concurrente à éliminer dans les autres rôles sociaux. Toujours aujourd’hui, c’est à partir des traits sélectionnés par les représentations sociales, les médias, que se construisent les catégorisations conceptuelles. Le discours influe sur la perception de la réalité.
8Un souffle d’air frais émane des dernières pages : rien de ces représentations chez les rares auteures féminines retenues dans les dictionnaires. Pourquoi leurs citations, ou encore les "galantes et honnestes femmes" du dictionnaire Huguet, ne sont-elles pas répétées ailleurs ? Selon les théories de Pierre Bourdieu, le sens est construit par les classes dominantes. Quelques dictionnaires actuels essayent d’éliminer la dissymétrie lexicale, ainsi le dictionnaire en ligne Hachette où la "femme publique" citée est celle de djibouti, "femme qui participe à la vie politique", comme au Québec et en Belgique. Le nom femme est "contaminant" parce qu’associé au tabou du sexe. La dimension politique est celle d’une entreprise de domination sexiste. Le but de l’ouvrage est de conduire à la prise de conscience de la toujours actuelle oppression de la femme par le langage.
9On ne peut qu’être d’accord, mais aussi regretter que la conclusion s’achève sur une note pessimiste. L’énorme travail accompli par Fabienne Baider est à la mesure des montagnes de la structuration identitaire minorant la femme par le langage. À ce propos, on note que l’auteure elle-même, après l’avoir pourtant dénoncé, n’échappe pas à la tyrannie du masculin dit générique, en recommandant pour finir de "rester vigilants" : le poids de l'"habitus" et de la norme académique est dur à soulever.
10dans cet ouvrage de référence, il manque un index permettant de profiter au maximum de la richesse du texte. Les illustrations rassemblées à la fin de l’ouvrage auraient sans doute gagné à être placées en regard des passages en rapport. Mais on remarque encore le travail considérable dans l’annexe iii donnant la fréquence d’emploi des syntagmes étudiés. La bibliographie, panoramique, donne la mesure de l’érudition à la base du texte, mais… elle obéit aussi à la norme académique qui efface l’identité des auteurs hommes ou femmes, en ne donnant que les initiales des prénoms. On voit que les critiques possibles sont mineures. Le travail de Fabienne Baider est l’autopsie indispensable et actuelle de définitions se donnant comme scientifiques alors qu’elles baignent toujours dans les idées toutes faites sur l’humanité. Une telle étude est un outil indispensable de la réflexion moderne sur la représentation linguistique de l’humain, pour la rénovation urgente des travaux lexicographiques sur ce point.
Bernard CerQUiGLini Une langue orpheline 2007, Paris, Éditions de Minuit Compte rendu de Françoise Gadet (Université de Paris-X nanterre)
11Bernard Cerquiglini est linguiste et médiéviste, et il nous a habitués à des travaux qui sont à la fois d’historien de la langue et de réflexion de linguistique générale, partant d’un point de vue diachronique (au moins : 1989, Éloge de la variante. Histoire critique de la philologie ; 1991, La Naissance du français ; 1995, L’Accent du souvenir ; 2004, La Genèse de l’orthographe française). dans ce nouvel ouvrage, l’auteur se situe au cœur de l’histoire de la langue et des travaux qui l’étudient. Plus précisément, ce sera ici l’histoire de la représentation, par les linguistes et les philologues, de l’origine et de l’histoire de la langue française. en sept chapitres d’une écriture particulièrement heureuse et soignée, et même souvent d’un ton jubilatoire, il retrace longuement l’histoire de la façon dont l’érudition sur l’étude de la langue a prêté la main aux idéologies politiques pour représenter une origine mythique et une histoire imaginaire, « linéaire et cohérente, estimable et gratifiante », de la langue française : en bref, « une légende » (p. 11).
12Les 7 chapitres s’ordonnent en une narration enchevêtrée : la progression de la discipline étudiant la langue, de mieux en mieux armée pour interroger les textes, de la renaissance à la maturité de la philologie romane ; et l’histoire des connaissances sur l’histoire du français (étude de manuscrits et chartes, capacité de recoupements et de crible, confrontation à d’autres disciplines – histoire, réflexion sur l’écrit, sociolinguistique de façon récente).
13Tout vient de ce qu’une langue au destin exceptionnel comme le français, devrait pouvoir attester d’une origine aussi prestigieuse que la langue-mère, le latin. Le travail de Cerquiglini établit ainsi comment l’histoire savante a longuement participé d’une entreprise de recouvrement de l’origine de fait peu prestigieuse, pour lui substituer le mythe politiquement intéressé d’une origine parisienne (« montrer l’hégémonie précoce d’un prestige central », p. 11). Le choc est rude quand, à partir de la renaissance, il est établi que le français est issu d’un latin vulgaire parlé créolisé, un latin des rues mêlé de sources gauloises et franques (chap. 1 : « Misère de la filiation »). Le chapitre 2 (« Épiphanies parisiennes ») suit le fil de l’idée que le meilleur français se parle à Paris, et dans certaines bouches, avec une « dialectique du spatial et du social ». Puis vient le temps de la « myopie », alors même que les savoirs se consolident avec la découverte des lois phonétiques, et qu’est mieux établie la « monstrueuse exubérance » des textes anciens, avec leurs multiples variantes (chap. 3 : « La fabrique de l’origine »), qui incite à réduire l’hétérogène. Le chapitre 4 (« La raison dialectale ») s’attache à la sollicitude romantique pour les dialectes (leurs variantes et leur caractère parlé), qui a contribué à la constitution de « l’archéologie nationale » (la France comme nation unie et pacifiée), contribuant à « réduire la diversité formelle en la répartissant dans l’espace » (p. 80). C’est à cette époque (milieu du 19e siècle) que se manifestent les effets du retard de l’université française sur le savoir allemand.
14La deuxième partie du livre concerne la construction de la thèse du francien par « les grands romanistes de la république », Gaston Paris et Paul Meyer. Le chapitre 5 (« Les récits de la genèse ») porte sur « le grand récit de l’émergence unitaire de l’idiome », qui finira par mener à la thèse du francien. Celle-ci, devenue dogme de l’université, régnera longuement sans partage (chap. 6 : « L’invention du francien ») : Cerquiglini étudie ici le « tour de passe-passe » de la constitution même du nom de francien, ainsi que l’indifférence pour la quasi-absence de données historiques à son sujet. Tout l’épisode éclaire d’un jour instructif à quel point les savants courent le risque de laisser leurs idéologies déborder leurs exigences scientifiques (« les témoignages textuels auront été traités avec la plus grande légèreté », p. 128 ; « une conception jacobine de la science », p. 145). Le chapitre 7 enfin (« L’adieu aux terroirs ») passe au crible les maigres témoignages en faveur d’un possible francien, et expose la différence radicale de conception entre Cerquiglini et Lodge (2004), où l’on perçoit bien sur quoi repose la divergence : chez Lodge, l’illustration d’une expansion à partir d’une oralité d’interactions ordinaires quotidiennes ; chez Cerquiglini, celle de la transition par l’écrit dans un cadre de littératie [2] (« se déprendre du territorial, de l’homogène et de l’oral », p. 200). On a là les termes d’un débat fondamental, qui ne peut qu’intéresser les lecteurs de Langage & Société, venant rappeler la façon dont les travaux de Goody ont interrogé les sciences sociales, précisément sur ce rapport oral/écrit.
15La lecture de cet ouvrage est de bout en bout un grand plaisir, à partir d’un sujet à première vue très spécialisé, et sur lequel il faut parvenir à attirer les lecteurs ; ce que réussit parfaitement l’auteur, grâce en particulier à sa grande qualité d’écriture. Le livre s’achève sur une excellente synthèse de 4 pages. elle souligne d’abord les deux points majeurs acquis dans l’ensemble de cette réflexion : d’une part le rôle de l’écrit dans le développement d’une langue de littératie, de l’autre celui de ce que l’histoire récente de la linguistique nous a appris sur l’hétérogène comme étant à la base de toute production langagière (et on comprend, au passage, les désirs d’homogénéité, « l’aversion pour la désespérante hétérogénéité du langage » p. 149, et le goût français pour le purisme, cette nostalgie). Cette conclusion s’achève en toute dernière ligne par une ouverture politique : si l’invention du francien a pu à ce point cohabiter avec une politique hostile à la diversité linguistique, pourquoi les savoirs dont on dispose de nos jours ne donneraient-ils pas les moyens d’une autre politique linguistique [3] ?
16référence bibliographique :
Lodge anthony (2004), A sociolinguistic History of Parisian French,
Cambridge, Cambridge University Press.
Jean-Charles dePaULe (dir.) Les mots de la stigmatisation urbaine 2006, coll. "Les mots de la ville", éd. UneSCO-MSH, Paris, 277 p. Compte rendu de François Leimdorfer (Université de Versailles/Saint-Quentin-en-Yvelines
17Cet ouvrage collectif est le quatrième de la collection qui, maintenant depuis six ans, appuyée sur le réseau international des « mots de la ville » ( eHeSS ), publie des textes de chercheurs en sciences sociales, historiens, sociologues, anthropologues et sociolinguistes qui s’intéressent à la « vie des mots » et la constitution de la ville par le langage.
18La question de la « stigmatisation » urbaine est une question importante à plusieurs égards. La stigmatisation, c’est la valeur négative attachée aux catégories urbaines, aux divisions de la ville, aux toponymes, et par conséquent aux habitants de ces lieux désignés, l’identité individuelle et sociale ayant toujours été, peu ou prou attachée aux appartenances locales. S’il est un domaine où la question de la valeur sociale des mots et les conflits dont ils sont porteurs (cf. Bakhtine) se donne à voir, c’est bien celui des mots de la stigmatisation urbaine. Les mots de la ville classent et étiquètent, les qualifications de l’espace sont des qualifications des populations qui y habitent.
19Les auteurs de cet ouvrage, pour la plupart des historiens, géographes et urbanistes, s’attachent donc à décrire les significations des mots et leurs évolutions, ainsi que le contexte historique, discursif et social des lieux référés. Comme le dit Jean-Charles depaule dans son introduction, « le mouvement des mots procède par glissements sémantiques ou extension, par constructions, définitions, uniformisations, mais aussi par résistance, par élimination de termes concurrents, estompages, évanouissements, pertes, par superpositions, essais et erreurs, arborescences… » (p. 3).
20Cependant, la valeur négative d’une catégorie urbaine - presque toujours liée à la fois aux populations (pauvres) qui habitent les lieux et aux conditions d’habitat (insalubre) - peut être neutralisée au cours du temps, voire prendre une connotation positive. ainsi le « faubourg » - le plus souvent populaire - peut être riche, ou chargé de valeurs politiques par les révolutionnaires du XiXe siècle. « Banlieue » procède du mouvement inverse : relativement neutre ou jugé positivement jusqu’aux débuts du XXe siècle, elle devient négative dans le dernier quart du siècle (alain Faure). Le sens de ces mots se déduisent d’ailleurs la plupart du temps, dans les textes des corpus étudiés (administratifs, journalistiques, littéraires, dictionnaires, etc.), des descriptions des populations et de leurs conditions de vie (david reeder : « slums » ; Yankel Fijalkow : « taudis »). de même le « mocambo » du nordeste brésilien, à l’origine des cabanes où se réfugiaient les esclaves en fuite, signifie aujourd’hui un habitat misérable peuplé essentiellement par une population noire (José Correia de Lira). Parallèlement, les mots « cortiços » (cour d’habitations), « porões » (sous-sols), « casebres » (petites maisons) sont les symboles, au sud du Brésil à la fin du XiXe, de l’habitat pauvre et insalubre (Sandra Pesavento).
21Les passages des noms propres aux noms communs se font dans les deux sens. « Bidonville » est d’abord le toponyme d’un quartier de Casablanca, quartier « spontané » accueillant les migrants ruraux dans les années 30. il devient très vite un générique, tant au Maghreb qu’en France à partir des années 50 (raffaele Cattedra). de même le mot « ghetto », à l’origine quartier de Venise habité par une population juive, traverse les siècles et les océans pour désigner aux etats-Unis aujourd’hui tout quartier ségrégué et dense, occupé par des minorités ethniques (anthony Schuman). a l’inverse « Dâhiye » correspond en arabe à peu près à banlieue, mais désigne spécifiquement au Liban à partir des années 80 les quartiers sud de Beyrouth, peuplés de populations chiites pauvres (Mona Harb).
22de manière générale, même si les auteurs décrivent plus souvent une évolution sociale liée – de manière non linéaire – à une évolution des mots, ils donnent à voir, comme le souligne depaule, les interactions entre le parler ordinaire et le langage savant, les passages de l’argot à l’usage commun (slum), les détournements et importations d’un registre à un autre, les réajustements (banlieue), les transferts (ghetto), les fabrications de mots (bidonville), les typifications, les généralisations, les euphémisations et neutralisations des valeurs.
Cédrick FairOn, Jean rené KLein et Sébastien PaUMier Le langage SMS. Étude d’un corpus informatisé à partir de l’enquête « Faites don de vos SMS à la science » Cahiers du CenTaL 3.1, editions UCL Presses universitaires de Louvain, Louvain, 2006,123 pages Compte rendu de Josiane Boutet (Université Paris 4- iUFM et Paris 7)
23deux équipes de l’Université Catholique de Louvain, le CenTaL et le CeLeXrOM ont lancé en 2004, en collaboration avec des partenaires privés, une opération tout à fait originale et astucieuse : « Faites don de vos SMS à la science ». il s’agissait, via un concours public et des prix décernés, de récolter un vaste corpus de ces messages a priori privés que sont les SMS. Grâce à ce dispositif, ils ont recueilli 75 000 SMS produits par près de 3 600 Belges francophones ; constituant ainsi, à ma connaissance, le plus grand corpus de ces textes pour la langue française.
24L’étude des SMS et plus largement des nouvelles formes d’écritures électroniques n’est pas en soi une nouveauté : sociolinguistes, spécialistes de la communication, linguistes se sont bien sûr intéressés à ces nouveaux formats d’écriture (par exemple, le numéro 104 de Langage et Société en 2003, dirigé par Béatrice Fraenkel, « Écrits électroniques : échanges, usages et valeurs »). Le très grand intérêt de ce livre est de nous fournir une analyse d’un grand corpus, et non pas de quelques SMS traités comme des exemples. Le grand nombre de textes traités fait d’ailleurs apparaître que les fonctionnements linguistiques ne sont pas aussi déviants ou exceptionnels au regard du fonctionnement régulier de la langue française écrite qu’une approche qualitative attachée à quelques exemples trop souvent élevés au rang de curiosa, pourrait le laisser penser (j’y reviendrai dans l’analyse du chapitre 5).
25dans les trois premiers chapitres, les auteurs exposent avec une grande clarté et transparence leur procédure de recueil des textes, le traitement des SMS et la constitution d’un corpus exploitable ; sachant que, « faute de temps et de main-d’œuvre » (p. 21), les chercheurs ont décidé de se limiter à l’analyse de 30 000 SMS. La difficile question de la transcription de ces textes (pourquoi ? comment ?) est largement débattue. Le logiciel permettant à d’autres chercheurs une exploitation ultérieure du corpus est explicité, justifié (dont exemples pp. 26 à 29). Ces chapitres constituent à la fois une présentation précieuse de la démarche des auteurs, mais aussi une sorte de petit précis de méthodologie qui devrait intéresser chercheurs et doctorants, et que complète l’annexe d.
26Le quatrième chapitre est consacré à une analyse linguistique du corpus transcrit et informatisé des 30 000 SMS. il s’agit pour les auteurs de dégager une typologie des différents procédés linguistiques utilisés et ce, aux plans linguistiques de la graphie, du lexique, de la morphosyntaxe, de la syntaxe et du discours. La spécificité ou la créativité dans les SMS réside particulièrement dans le traitement graphique des sons à transcrire : rébus (mobi*, pour Mobistar) ; phonétisation par des lettres (je t’m, pour je t’aime) ou des chiffres ( kl1, pour calin) ; orthographe de type phonétique (ta beaucoup de dvoir ? ; vazy) ; la combinaison de ces procédés comme dans « dm1 tu fais qwa bb » (demain tu fais quoi bébé ?). Les auteurs relèvent aussi des graphies à fonction expressive, souvent par répétition d’un caractère, comme « ke jeu taimmmmeu » ; ainsi que l’usage de symboles ou d’icônes : les smileys ou les signes mathématiques (comme « + » pour « et »). au plan lexical, les phénomènes présents relèvent de faits de troncation et d’abréviation qui ne sont pas propres aux SMS : pti ; grasses mat ; Mdr (pour « mort de rire »). au plan morphosyntaxique, les auteurs mentionnent de nombreux cas de dérivation impropre, par exemple l’utilisation de « dodo » comme verbe : « Mon appel, ct pr etre sur ke tu dodo plu ». L’organisation syntaxique se caractérise évidemment par l’omission de mots grammaticaux, à l’instar du style télégraphique ou de certaines communications professionnelles (je pense aux communications entre pilotes /tour de contrôles) : « Jsui histoir jme fé chié ». Ce chapitre sur les formes linguistiques se termine par une réflexion sur la variété des formes graphiques pour un même mot.
27C’est au chapitre cinq, intitulé avec à propos « idées reçues », que les auteurs livrent une interprétation de leurs analyses et engagent le débat avec la conception d’un « nouveau langage ». ils soulignent que l’utilisation de nature phonétique des lettres ou des chiffres (type « 10r » pour « dire »), que l’on considère généralement comme l’une des caractéristiques du langage SMS (avec les sigles ou les abréviations), constitue en fait un procédé présent dans d’autres sphères de communication ; et, plus encore, le relevé quantitatif montre que ces formes ne sont pas aussi fréquentes qu’un traitement strictement qualitatif pourrait le laisser penser. Les auteurs remarquent aussi que certains lexiques des SMS tendent à mêler langage des jeunes, langage branché et SMS. enfin, ils montrent la variabilité sociolinguistique des SMS, en particulier en fonction de l’âge des auteurs de messages. Ceci les amène à conclure qu’il n’y a certainement pas Un langage SMS mais des usages et des normes.
28Le livre se clôt par quatre annexes fort utiles : outre l’annexe d déjà mentionnée, les auteurs nous proposent plusieurs SMS graphiques (annexe a) ; une liste de « perles », messages insolites, drôles ou mystérieux comme : « 51 32 81' 21 43 61 32 31 32 81 63 82 81 61 63 62 23 63 32 82 73. Ta puce » (annexe B) ; et une liste des mots utilisés par plus de 100 auteurs (de 101 à 1 555) (annexe C).
29On ne pourra que conseiller la lecture stimulante de ce livre à tous ceux que ces nouveaux modes de communication intéressent : la grande masse des données analysées montre à la fois qu’il y a bien là un usage du langage écrit et de la communication qui en fait un phénomène de société (en particulier dans la tranche d’âge des adolescents), mais en même temps que les procédés linguistiques utilisés ne sont pas, dans une large part, nouveaux mais puisent à l’ensemble des ressources disponibles dans la langue française, écrite comme orale. de ce point de vue, on n’est pas éloigné des caractéristiques de pratiques orales actuelles comme celle du verlan ou celle des insultes rituelles : verlaniser est bien une pratique langagière spécifique d’un groupe social mais qui prend appui sur la structure syllabique d’une langue comme le français ; quant aux insultes rituelles au sein des groupes de jeunes, on peut les envisager comme un avatar des joutes verbales bien connues des ethnologues : la pratique communicationnelle n’est pas neuve, même si un groupe social peut penser en être aujourd’hui l’inventeur. il ne s’agit pas bien sûr de nier la spécificité technique des SMS, la nouveauté de leur format communicationnel ni l’engouement des jeunes. Mais, comme le disent très bien les auteurs, « le langage SMS donne l’illusion de la nouveauté dans la mesure où il parvient souvent à concentrer de façon spectaculaire une série de procédés déjà anciens dans la langue » (p. 49) : je pense qu’on ne pouvait montrer cette « illusion » que grâce à l’exploitation d’un grand corpus.
Marcienne MarTin Le langage sur Internet, un savoir-faire ancien numérisé 2007, Paris, L’Harmattan Compte rendu de anaïs Tatossian (Université de Montréal)
30L’expansion rapide du réseau internet au milieu des années quatre-vingt-dix a contribué à la multiplication de nouvelles formes de communication écrite, dite « communication médiée par ordinateur ». dans Le langage sur Internet, un savoir-faire ancien numérisé, M. Martin traite des manifestations linguistiques et discursives qui découlent des « nouvelles technologies », notamment dans les salons de conversation (ou clavardage). Plus spécifiquement, il s’agit d’une communication fondée essentiellement sur du texte écrit avec des contraintes d’ordre temporel, spatial et social. Étant donné que le clavardage consiste à établir une communication en temps réel fondée uniquement sur le texte, sans image ni voix des scripteurs (absence de canal sensoriel visuel et auditif), ceux-ci sont tentés de reproduire les paramètres de la conversation en face-à-face : expressions faciales, intonations, pauses, expression des émotions, etc. L’auteur tente d’établir une relation entre l’emploi des smileys et les systèmes d’écritures logographiques (un logogramme représente un objet, un concept abstrait ou un élément grammatical), notamment en se servant du chinois et des hiéroglyphes égyptiens. elle présente aussi les différentes stratégies d’abréviation trouvées sur les salons de conversation.
31L’ouvrage comporte trois chapitres. dans le premier, « La révolution numérique et l’art de converser », l’auteur donne un aperçu général des notions de base sur l’analyse conversationnelle, avec quelques exemples d’actes de langage réalisés dans les salons de conversation, par exemple la salutation. dans le deuxième chapitre, « L’écriture, entre mémoire culturelle et outil de communication », l’auteur se livre à une analyse suggestive (mais partielle et peu systématique à notre avis) des différentes pratiques scripturales de ces espaces virtuels. dans un premier temps, elle souligne qu’il ne s’agit pas d’oral, mais d’un hybride entre l’oral et l’écrit. en effet, bien que le clavardage transite par un clavier, il est donc « écrit », des chercheurs ont constaté que ce type de communication électronique ne correspond univoquement ni à l’écrit, ni à l’oral (Luzzati 1991 ; Werry 1996 ; anis 1999 ; Crystal 2001, non mentionnés dans l’ouvrage). dans un deuxième temps, en se fondant sur les observations d’anis (2001) et sur un répertoire intitulé DicoSMS, elle retranscrit les différentes abréviations trouvées sur internet, sans véritable analyse (54-63). Cette section gagnerait en pertinence si l’auteur avait présenté un bilan des études visant à décrire les différentes pratiques linguistiques en français dans les salons de conversation (anis 1999,2001 ; Pierozak 2001). Ces études se fondent sur les deux principaux ensembles de descriptions théoriques de l’orthographe française, l’autonomisme et le phonographisme. de plus, l’auteur affirme que « c’est ce même langage, dédié aux utilisateurs des téléphones cellulaires, qui est en usage sur l’internet » (49) sans avoir effectué de véritable comparaison. il importe de ne pas confondre « communication médiée par ordinateur » (synchrone et asynchrone) et SMS. Les SMS réfèrent au service proposé conjointement à la téléphonie mobile permettant de transmettre des messages écrits de taille restreinte (160 caractères pour les alphabets latins, 70 pour les alphabets non latins). Pour désigner ce type de message, on emploie le terme « texto » – cf. l’étude de Fairon, Klein et Paumier (2007) qui, à partir d’une enquête intitulée « Faites don de vos SMS à la science » lancée en 2004, ont construit un corpus de 75 000 messages de cette catégorie (voir compte-rendu ici-même). dans un troisième temps, une très courte section (16 p.) présente la thèse principale sur le rapprochement entre smileys, idéogrammes chinois et hiéroglyphes égyptiens. À partir de la notion de « clé sémantique », elle applique cette notion aux smileys : le « champ sémantique des expressions du visage » (89) se forme à partir de plusieurs « clés » qui initialisent le regard (les yeux), la bouche et le nez. enfin, le troisième chapitre, « Codification et normalisation des termes et expressions de l’internet », porte sur le traitement du vocabulaire de l’informatique et de l’internet par deux sites officiels d’organismes voués à la protection de la langue (l’Office de la langue française du Québec et la Commission générale de terminologie et de néologie).
32Contrairement à ce que son titre pourrait faire croire, il ne s’agit pas d’un ouvrage examinant essentiellement les relations entre les smileys et les écritures anciennes. Bien que ce rapprochement entre smileys et idéogrammes demeure original – c’est l’élément central de l’ouvrage, et sans doute la contribution sa plus marquante – il appellerait des développements qui nous semblent manquer ; elle ne consacre que 10 % de son ouvrage à ce parallèle. Le livre se présente plutôt comme une tentative de réflexion sur les « nouvelles technologies » et les phénomènes linguistiques afférents.
33Références bibliographiques :
anis J. (1999), Internet, communication et langue française, Paris, Hermès
Science Publications.
34— (dir.) (2001), Parlez-vous texto ? Guide des nouveaux langages du réseau, Paris, Le Cherche Midi.
35Crystal d. (2001), Language and the Internet, Cambridge, Cambridge University Press.
36Fairon, C., Klein, J. r. & Paumier, S. (2007), Le langage SMS. Étude d’un corpus informatisé à partir de l’enquête « Faites don de vos SMS à la science », Louvain-la-neuve, Presses universitaires de Louvain.
37Luzzati, d. (1991), Oralité et interactivité dans un écrit Minitel, Langue Française, no 89 : 99-109.
38Pierozak, i. (2000), Les pratiques discursives des internautes, Le français moderne, no 68 (1) : 109-129.
39Werry, C. (1996), Linguistic and interactional Features of internet relay
Chat, in Herring, S. C. (dir.), Computer-Mediated Communication :
Linguistic, Social and Cross-Cultural Perspectives, amsterdam and
Philadelphia, John Benjamins : 47-63.
robert a. PaPen et Gisèle CHeVaLier (coord.) (2006) Les variétés de français en Amérique du Nord Évolution, innovation et description Moncton, publication conjointe Revue de l’Université de Moncton Vol. 37,2. Revue canadienne de linguistique appliquée / Canadian Journal of Applied Linguistics 95 vol. 9, n° 2 : 249 pages Compte rendu de Laurence arrighi (Université de Moncton)
40Les quatorze articles de ce numéro thématique, fruit de la publication conjointe de la Revue de l’Université de Moncton et de la Revue canadienne de linguistique appliquée / Canadian Journal of Applied Linguistics, prennent leur source dans des communications présentées lors du « Symposium sur les variétés de français parlées en amérique », organisé par robert Papen (Université du Québec à Montréal) et Gisèle Chevalier (Université de Moncton) à l’occasion du Xii Congrès international portant sur les méthodes en dialectologie qui s’est tenu à Moncton du 1er au 5 août 2005. Sans doute convient-il de souligner que les textes présentés pour publication ont fait l’objet d’une ré-évaluation et d’un arbitrage strict. il en ressort une excellente qualité formelle et une rigueur scientifique de premier plan.
41Les contributions recouvrent le large spectre des français parlés sur le continent nord-américain, avec des originalités telles que la présence d’articles traitant du français des Îles-de-la-Madeleine (anika Falkert), d’un « aspect peu connu de la francophonie canadienne de l’Ouest : le français hexagonal » (Papen et anne-Sophie Marchand) et de « parlers français oubliés d’amérique : le franco-minnesotain et le francodakotain » (Papen). Les français acadien et québécois contemporains sont bien représentés (respectivement trois et deux articles) ainsi que le français de Louisiane (quatre articles ; pour cette variété l’article de Michael Picone déborde les frontières officielles de l’acadiana, et cette prise en considération novatrice et élargie de la francophonie louisianaise devrait contribuer à établir l’existence de traits linguistiques antérieurs à l’arrivée des acadiens). enfin, deux articles traitent des parlers de l’Ouest (Sand rine Hallion Bres ; Papen et Marchand) et un du franco-américain du Massachusetts (Cynthia Fox). Comme le signalent d’emblée les coordonnateurs de la publication, on peut regretter l’absence de contributions portant sur le franco-ontarien (absence toutefois contrebalancée en partie par les nombreuses références que font à ce parler les articles consacrés aux français de l’Ouest Canadien).
42L’ensemble des articles est précédé d’une présentation des objectifs de l’ouvrage par les deux co-directeurs du projet, Papen et Chevalier et d’une introduction confiée au rapporteur du Symposium, Luc Baronian. Ce dernier présente non seulement les articles sur le plan du contenu et de la méthodologie appliquée, mais encore, en proposant un « état de la recherche », il ouvre des perspectives d’investigation larges et stimulantes qui devraient être facilitées par les nouveaux outils technologiques.
43À la différence d’autres collectifs récents sur le même thème, l’ouvrage est linguistique plus que sociolinguistique (perspective largement représentée dans albert Valdman et al. 2005) et englobe plusieurs domaines de la langue : lexique (Karine Gauvin), phonétique (denis dumas ; Sylvie dubois et Carole Salmon), morphosyntaxe (Fox ; Hélène Blondeau ; Kevin rottet ; Picone ; ingrid neumann-Holzschuh et raphaële Wiesmath) et analyse du discours (Falkert). il est donc aussi d’un objectif plus large que l’ouvrage de Patrice Brasseur et Falkert (2005), qui se concentre sur une approche morphosyntaxique.
44L’article de dubois, Sybille noetzel et Salmon examine prioritairement les phénomènes de mélange entre le français et l’anglais en Louisiane (français cadien) et, ce qui est plus original encore, les traces de français dans l’anglais de la même zone (anglais cadien). Les phénomènes de contact entre langues ou variétés de langues ne sont pas absents des autres contributions (selon les axes français québécois/parlers français de l’Ouest Canadien ; français québécois/français acadien, ou encore français acadien/français de Louisiane), et une perspective comparative est la plupart du temps privilégiée.
45Certaines contributions se spécialisent sur un trait particulier en envisageant son fonctionnement intra-dialectal et secondairement interdialectal, d’autres à l’inverse portent leur attention sur un nombre plus important de faits linguistiques. Si tous les articles de ce collectif mériteraient un commentaire élargi, nous prenons le parti de faire référence un peu plus largement à trois d’entre eux, qui peuvent être contrastés en raison des perspectives très diverses qu’ils représentent. Les deux premières analyses (Gauvin, et Falkert) portent respectivement sur un point du lexique et sur les caractéristiques distributionnelles du jonctif ça fait que. dans un cas comme dans l’autre, c’est avant tout l’acadien qui est envisagé (celui des Maritimes pour Gauvin, celui des Îles-de-la-Madeleine pour Falkert). Mais, l’une comme l’autre accorde une bonne place à d’autres variétés, et c’est par la comparaison même que le fonctionnement particulier des éléments envisagés est parfaitement dégagé. ainsi, l’extension sémantique du verbe haler et sa répercussion sur la distribution paradigmatique de son synonyme et de son antonyme immédiat en français de référence sont parfaitement mises en avant par Gauvin. Falkert quant à elle illustre la dégrammaticalisation avancée de ça fait que qui, dans le corpus madelinot, échappe à son sens premier de connecteur exprimant la conséquence pour prendre des valeurs sémantico-syntaxiques diverses et, finalement, par cette polyvalence même, devenir un marqueur dis cursif aux possibilités d’insertion variées. Le troisième article (neumann-Holzschuh et Wiesmath) participe du vaste projet auquel sont associées ces deux chercheuses, et tire le meilleur parti du modèle théorique introduit par robert Chaudenson (Chaudenson et al., 1993) pour décrire l’ampleur de la variation dont est susceptible le français dans toutes ses variétés. en poursuivant le modèle et les méthodes du concepteur du Français zéro, elles montrent à l’aide de l’observation du fonctionnement de deux sous-systèmes grammaticaux (les propositions conditionnelles et les formes verbales non finies) à quel point les différentes variétés de français acadien forment un « continuum discontinu », selon le mot même des auteures.
46issus de traditions diverses (linguistique variationniste, anthropologie linguistique, grammaire générative, romanistique et créolistique…), les chercheurs ayant contribué à ce volume s’appuient également sur des sources différentes (corpus oraux ou écrits, anciens ou contemporains) et la perspective de chaque travail est à la fois et/ou empirique, théorique ou pratique. ainsi, l’ensemble des contributions apporte des éclairages diversifiés sur les grandes questions de la genèse, de l’implantation, de l’évolution et de la variation, voire de la normalisation des français d’amérique.
47Brasseur P. & Falkert a. (dir), 2005, Français d’Amérique : approches morphosyntaxiques, Paris, L’Harmattan.
48Chaudenson r., Mougeon r. & Beniak e., 1993, Vers une approche panlectale de la variation du français, Paris, didier-erudition.
49Valdman a., auger J. & Piston-Hatlen d., 2005, Le français en Amérique du Nord, état présent, Québec, Presses de l’Université Laval.
Notes
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[1]
American Research on the Treasury of the French Language, base de données canadienne.
-
[2]
il resterait à s’assurer que les deux parlent bien de la même chose : français standard, français national, français commun ?
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[3]
On peut toujours rêver… Ce qui est dans l’air au moment où j’écris, fin 2007, ne semble pas du tout aller vers une reconnaissance de la variation et de la diversité linguistiques.