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Article de revue

Peut-on éviter la guerre de succession ?

Regards croisés du psychanalyste et du notaire sur les conflits familiaux

Pages 201 à 210

1Pourquoi la guerre ici, pourquoi la paix là ? Pourquoi dans cette famille, la succession des parents ne sera qu’une simple formalité alors que dans cette autre, dans un contexte similaire, elle soulèvera de profondes rancœurs et laissera des plaies pour des décennies ?

2Le juriste et le thérapeute, à travers leurs missions, leurs approches et leurs expériences très différentes, constatent ensemble la grande diversité des situations et, trop souvent, les souffrances vécues lors des successions. L’idée de confronter leurs points de vue est venue d’une rencontre professionnelle et du sentiment partagé que l’entente familiale se bâtit, se cultive et qu’elle peut traverser le temps de la succession – pour peu qu’on y veille… « jalousement » ! Ensemble, ils souhaiteraient essayer, sans généraliser, de tirer de leur pratique quelques enseignements et convictions pour prévenir les conflits familiaux.

Avant la succession, le deuil

3D. Bonnafé : Qui dit succession dit mort d’un parent proche. Or il y a une difficulté toute particulière pour chacun à envisager sa propre mort ou la mort d’un parent. La mort suscite un véritable mouvement de refus quand elle est proche de soi, et le deuil convoque des constellations psychiques très complexes. Chaque culture a déployé sa propre ingéniosité pour faire avec la mort. De ce point de vue, nous sommes aujourd’hui dans une situation étonnante : alors que la mort s’étale dans les médias, sur les écrans, dans les jeux vidéo, au loin, ailleurs, la familiarité avec la mort a disparu (voir les travaux de Philippe Ariès). En Occident, on ne porte généralement plus le deuil, même de ses parents ; les rites funéraires se sont raréfiés – rappelons-nous Georges Brassens : « Mais où sont les funérailles d’antan ? » La mort, le deuil sont devenus des affaires privées qui pèsent sur les individus et que les pratiques sociales ne soutiennent plus.

4Ainsi une de mes analysantes fut prise de malaises graves, quotidiens, toujours à la même heure, qui se heurtaient à l’incompréhension du corps médical. Ses malaises disparurent quand elle put faire le lien avec le premier anniversaire de la mort de son père, à l’heure près, et quand elle prit conscience qu’aucun rituel, aucune réunion de famille, aucun espace de parole social ne venait soutenir son chagrin.

5P. Bonduelle : Oui, vous me disiez même qu’avec la perte de la pratique religieuse et des traditions familiales, le rendez-vous d’ouverture de la succession chez le notaire devenait dans certaines familles le seul rituel de deuil. Nous avons donc à accueillir cette demande en posant un cadre précis et exigeant :

6– Inviter personnellement chacun des héritiers (ne pas laisser le chef de famille, parfois auto-proclamé, le faire).

7– Choisir une date qui permette à tous d’être présents (il n’y a que rarement urgence) ; accepter un rendez-vous avec certains héritiers seulement peut blesser les autres. Il est en effet essentiel que tous puissent recevoir les mêmes explications, entendre les questions des uns et des autres et les réponses apportées. Les procurations sont possibles mais ne doivent être acceptées qu’en cas de nécessité absolue, surtout si le contexte familial est chahuté.

8– Pendant le rendez-vous, prendre son temps, mettre en valeur chacun, répondre à toutes les questions, même les plus insignifiantes, avec la même bienveillance.

9– Et surtout, si le contenu d’un testament doit être révélé, chercher la juste attitude entre la solennité, le respect dû aux « dernières volontés » du défunt, et une réelle empathie pour ceux qui les entendent.

La responsabilité des parents

10D. Bonnafé : L’augmentation réelle de la longévité de la vie conforte cette idée qu’il sera bien temps, plus tard, d’y songer. C’est oublier, bien sûr, que la vie peut perdurer longtemps, mais souvent dans des états de vieillesse, de maladie, de dégénérescence. Oublier aussi que la mort peut frapper à l’improviste. À l’écoute de mes analysants, j’ai ainsi souvent constaté les ravages que pouvaient provoquer les successions que les parents n’avaient pas anticipées et qui pouvaient laisser les enfants dans un deuil impossible. Les modalités d’une succession sont à l’image de la configuration familiale, des relations que le défunt a entretenues avec ses proches de son vivant et de la manière dont il a mené sa vie.

11Une succession n’est pas que dévolution de biens matériels, mais aussi la confirmation du lien de filiation et de la place dans la lignée, la transmission d’une culture et d’une histoire familiales. On pourrait dire qu’il y a un travail des parents pour faire des héritiers, tout un travail de transmission, comme il y a un travail de l’héritier pour qu’il puisse s’approprier l’héritage, ne pas y être asservi, ne pas le dilapider. Mais bien souvent les parents sont prisonniers de leur propre histoire familiale, de la manière dont les successions ont été organisées par le passé, par leurs propres ascendants, des impasses qui ont été laissées en héritage par les générations précédentes.

12P. Bonduelle : Les parents ont une immense responsabilité dans les conflits familiaux, car volontairement ou non, ils les ont souvent suscités de leur vivant. À partir de nos deux expériences, nous avons pu identifier des causes récurrentes de conflits. Voici en résumé ce qu’il ne faut pas faire.

13Tout d’abord, il faut éviter d’entretenir le secret. Sur le plan juridique, il est permis de traiter ses enfants inégalement, sous la seule limite du respect de la réserve héréditaire. Cette inégalité peut se matérialiser par l’attribution d’un capital par assurance-vie, par des donations hors part (c’est-à-dire ne donnant pas lieu à rétablissement au décès du donateur) ou par des avantages multiples, par exemple un transfert progressif de clientèle, des prêts à certains enfants et pas à tous, la mise à disposition d’un logement sur une longue période… L’application des règles juridiques est alors compliquée par la difficulté de rapporter la preuve de l’inégalité, ce qui augmente mécaniquement la frustration de celui qui se sent lésé. D’où l’importance selon nous de la transparence, qui doit régner sur les aides et avantages consentis. Il faut que les parents assument et n’aient pas peur d’expliquer qu’ils aident davantage tel enfant en raison des difficultés qu’il a rencontrées à un moment de sa vie, et que peut-être un jour les autres seront aidés à leur tour. Ainsi, le risque d’excès se corrigera de lui-même par le débat familial : que vous logiez ma sœur après son divorce, oui, mais au-delà de cinq ans, huit ans, est-ce toujours juste ? Le pire, c’est le secret, le soupçon, le fantasme.

14D. Bonnafé : Oui, en effet ! Il y a bien des familles dans lesquelles il est de règle de ne pas aborder ces « sujets-là », laissant la place à toutes les suppositions, à toutes les appréhensions. Il est délicat pour les enfants d’aborder ces questions et il me semble que c’est plutôt aux parents d’ouvrir le dossier avec leurs enfants.

15P. Bonduelle : Je partage cet avis : c’est aux parents de prendre les devants. Notre culture reste très pudique sur les questions d’argent et aborder le sujet avec ses parents peut être vécu comme un parricide… Mais c’est encore pire quand le décès révèle des secrets de famille.

16D. Bonnafé : Le parent, d’être parent, n’en est pas moins homme ou femme. Mais s’il peut éviter que ce soit le jour de ses funérailles qu’apparaisse l’autre face de sa vie – femme, enfant et demande en reconnaissance de paternité à l’appui, ou quelque autre « secret » du même genre –, sa succession en sera grandement facilitée ! La stratégie du « Après moi, advienne que pourra » a des effets ravageurs sur la possibilité des proches à élaborer un deuil, et la colère contre le défunt ne trouve d’autre exutoire qu’une bataille infernale entre ses survivants.

17P. Bonduelle : Par ailleurs, les parents, par simple méconnaissance, créent souvent eux-mêmes une situation juridique complexe et contentieuse. L’exemple le plus criant est celui des donations ou dons manuels consentis à certains enfants et pas aux autres. Plusieurs années plus tard, les héritiers pourront demander aux bénéficiaires des dons qu’ils « rapportent » à la succession non pas le montant reçu mais celui qui résulte des investissements réalisés. Autrement dit, que la fourmi travailleuse et astucieuse rende à la cigale le produit de ses placements. L’un achète une entreprise ou de l’immobilier, l’autre dépense les sommes reçues. À la succession, on refait les comptes. Nos clients trouvent la loi injuste, ils ont raison ! Elle choque le bon sens et souvent l’équité, surtout si les parents ont donné la même somme à chacun. Mais c’est la loi, fondée sur l’obsession bien française de l’égalité. Les parents pouvaient prévenir ce conflit en prenant conseil et en ne consentant que des « donations partages », c’est-à-dire des actes définitifs où l’égalité est définitivement constatée lors de la donation, et non pas au décès.

18D. Bonnafé : Le mythe de l’égalité, qui est comprise comme « chacun a droit à la même chose, au même traitement », fait des ravages. Chaque parent est un parent différent pour chacun de ses enfants, et chaque enfant d’une même fratrie a des parents différents, même s’ils sont les mêmes personnes au regard de l’état civil. Chaque enfant a sa place singulière qu’il lui faut assumer, celle-là et pas une autre (elle peut être aliénante et ce peut être l’objet d’une psychanalyse de s’en libérer).

19Le droit français permet de traduire ces différences, à condition de respecter la réserve héréditaire : en fonction du nombre de ses enfants, un parent doit transmettre une partie de ses biens à ses enfants, mais il reste libre de disposer de la quotité disponible. Ainsi s’il y a deux enfants, chacun a droit à un tiers du patrimoine de son parent (réserve héréditaire) mais le parent peut faire ce qu’il veut du tiers restant. À l’inverse d’autres droits (Ancien Régime, pays anglo-saxons dans lesquels le parent peut déshériter ses enfants, comme l’illustrent bien les pièces de Molière), le droit français l’interdit : l’enfant peut « désobéir » à son parent, exercer sa liberté de choix sans être déshérité. Le droit français permet aux parents de moduler ce qu’ils transmettent en fonction de la situation de chacun des enfants. Il est légal de transmettre davantage à un enfant handicapé, à un enfant qui élève seul ses propres enfants, et moins à un enfant qui gagne bien sa vie et n’a pas de charge de famille. Ces choix peuvent être vécus comme des préférences iniques. Il y a un entêtement de certains enfants à vouloir l’application d’une stricte égalité financière là où l’enjeu est en réalité une demande d’amour et de reconnaissance, une quête de réassurance narcissique. Mais encore faut-il que les parents explicitent leurs décisions de leur vivant. C’est encore ici le manque de parole, d’échange, de reconnaissance de la place de chacun qui est la racine des conflits de succession. Enfin, un dispositif comme le mandat de protection future, qui ne peut être conféré qu’à un des enfants à l’exclusion des autres et sans les en informer, est de nature à créer bien des ressentiments.

20P. Bonduelle : Oui, c’est un outil intéressant mais qui peut être mal utilisé dans certains contextes. Nous sommes très réservés sur son utilisation en présence de plusieurs enfants. Plus encore que de distribuer des biens, il s’agit ici d’afficher une préférence, d’accorder sa confiance à l’un d’eux et donc de rejeter les autres. Si une mesure de protection juridique (tutelle, habilitation familiale) s’avère nécessaire, laissons le juge décider ce qui conviendra le mieux selon le contexte familial !

21Nous devons aussi inviter nos clients à faire preuve de délicatesse dans la rédaction de leur testament, dont la portée symbolique n’échappe à personne. Sa rédaction ne répond pas qu’à des impératifs de technique juridique. Un exemple simple : le droit français répartit la succession entre le conjoint survivant et les descendants. Comme les enfants bénéficient d’une part légale minimale (la réserve), le futur défunt qui veut améliorer la protection de son conjoint – notamment s’il s’agit d’un second conjoint – n’a qu’à le désigner légataire particulier ou même légataire universel. Juridiquement, il n’est nullement nécessaire de rappeler les droits des enfants. Et pourtant, humainement, comme il est douloureux de découvrir au décès de son père ou de sa mère que seul le conjoint est mentionné dans les « dernières volontés », surtout s’il n’est pas le père ou la mère des enfants ! Si je ne suis pas mentionné, c’est que je n’existe pas ! Le notaire ne devrait-il pas suggérer d’ajouter une simple phrase rappelant les droits des enfants, parfaitement inutile au regard de la loi, mais si précieuse pour la paix des esprits ?

22D. Bonnafé : Le sort du conjoint survivant, souvent l’épouse et donc la mère, est en effet une jolie pomme de discorde, si rien n’a été dit aux enfants des dispositions prises par le défunt à son sujet. Les situations dans les familles « recomposées » sont bien souvent problématiques.

23Autre point important, dans mon fauteuil d’analyste, j’ai souvent été surprise de la méconnaissance du droit de la famille et de la loi successorale en particulier. Il s’agit parfois d’un simple défaut d’information, d’une négligence, qui peut néanmoins avoir des conséquences sérieuses pour les héritiers. J’en donnerai pour exemple l’imprévoyance qui peut avoir des conséquences pénalisantes dans des situations de familles dites recomposées, sur le montant des droits de succession.

24P. Bonduelle : Oui, surtout qu’ils ont à payer les frais de succession dans les six mois après le décès… Si les parents n’ont pas anticipé ce point, ils risquent de laisser à leurs héritiers une situation inextricable. C’est notamment le cas lorsque le patrimoine est très peu liquide (titres non cotés, immobilier…), ou quand on a laissé se créer sur plusieurs décennies une indivision compliquée et nombreuse, où le pouvoir relatif de chacun est si limité que plus personne ne la gouverne. Comment se mobiliser quand on détient 1 % ou 2 % d’une propriété avec des cousins que l’on ne connaît même pas ? Les générations précédentes ont manqué de courage pour sortir de ces situations et les suivantes auront encore plus de mal à le faire.

25D. Bonnafé : Dans ces cas, la consultation préalable d’un notaire par les parents aurait permis d’y remédier. Mais ici encore, les enfants expriment une pudeur, une réserve à poser des questions à leurs parents, qui n’abordent pas leur situation patrimoniale et les dispositions qu’ils ont pu prendre pour leurs successions.

26D’autres situations relèvent d’un non vouloir-savoir la loi, dont les mécanismes sont complexes et multiples : refus de se représenter sa propre mort et ses conséquences, répétitions des impasses et des errements des générations précédentes, impossibles résolutions des contradictions de sa propre vie, ambivalence à l’égard de « ceux qui restent », honte de transmettre à ses héritiers moins que ce qui a été reçu de ses propres parents, préférences inavouables pour l’un de ses enfants, culpabilité à l’égard de l’épouse… Mécanismes qui sont loin d’être toujours conscients, mais qui sont prometteurs de conflits familiaux.

27Que l’on soit parent ou enfant, pendant toute une vie peut se maintenir le désir infantile de rester enfant, de ne pas grandir, de rester dans l’ignorance de la loi. Comprendre que la mort est inéluctable, que le parent est mort et ne dira plus rien, que c’est fini, c’est aussi cela, grandir : succéder, c’est accepter de changer de place.

28Le droit n’est pas ce qu’on imagine, ce qu’on veut imaginer. Il y a des règles simples incontournables de succession patrimoniale qu’il vaut mieux connaître tôt, car elles peuvent surprendre, ne pas correspondre à ce qu’on aimerait qu’elles soient, sans retour une fois appliquées et déterminant des destins futurs. Cela permet de savoir ce que l’on veut vraiment faire, en connaissance de cause.

29P. Bonduelle : Nous rencontrons aussi des situations où les parents imposent à leurs descendants des charges morales trop lourdes : bien sûr, un château de famille, une entreprise qui se transmet dans une famille sur plusieurs générations, c’est une fierté, une belle réussite. Mais, à chaque génération, a-t-on laissé la liberté à la suivante, lui a-t-on laissé le choix, ou tout n’était-il qu’évident, implicite, obligatoire ? Telle propriété n’est-elle pas idolâtrée au point que la refuser aurait été une honte, un rejet de sa famille ? J’ai vu des enfants pleurer dans mon bureau tant ils avaient du mal à dire à leurs parents que cette transmission imposée leur gâchait la vie, mettant même en péril leur couple.

30D. Bonnafé : Cette charge est aussi une manière de créer des conflits, une autre façon de se penser immortel. Tout doit rester comme « avant », peu importe que certains n’en aient pas les moyens ou le désir. La bataille s’ouvre ainsi entre les gardiens du temple – « Papa ou Maman voulait que ce soit ainsi » – et ceux qui veulent s’en affranchir. J’évoquerai enfin les situations dans lesquelles les modalités de constitution du patrimoine – « biens mal acquis » ou acquis à la limite de la légalité – jettent le trouble dans la succession et dans l’emploi qui peut en être fait.

31Mais le trait commun des situations vraiment conflictuelles peut se résumer ainsi : il s’agit de familles dans lesquelles, et souvent sur plusieurs générations, le défaut de transmission, le maintien des secrets, le manque de parole font obstacle à l’appropriation d’une place symbolique pour les descendants et ouvrent la voie à toutes les querelles. Accepter de faire la paix est une manière de grandir, de se comporter en adulte, même si le résultat vous est défavorable.

Propositions pour régler les conflits

32P. Bonduelle : Une fois la succession ouverte, nous formulons quelques propositions pour limiter les risques de conflits familiaux.

33S’interdire d’échanger par email. Quand un dossier devient difficile, je suggère souvent de poser comme règles de ne plus échanger par email, même pour des sujets mineurs, car cette forme de communication instantanée ne présente que des défauts quand la tension monte : rapidité attendue, inégalité devant l’outil qui peut susciter remarques et moqueries, risques de harcèlement, surenchères verbales, effet multiplicateur de la « copie à tous » utilisée pour donner de l’écho à ses propositions ou argumentaires, mais aussi, parfois, pour humilier l’autre, effet perturbant de la « copie cachée » ramenant vite la qualité des échanges à ceux d’une cour d’école… Si cette règle est admise, les parties ne dialoguent plus qu’avec leur conseil ou avec le notaire unique, qui filtre les propos et n’en traduit, en respectant le secret professionnel, que ce qui permet d’avancer.

34Pour des échanges directs entre héritiers, nous préférons donc la réunion physique rétablissant une communication normale, les yeux dans les yeux, plus interactive, ou au minimum la conférence téléphonique, où chacun sera invité à s’exprimer et à écouter à tour de rôle. Une réunion avec ordre du jour et compte-rendu peut être mise en place pour plus d’efficacité.

35La médiation des conseils et des sages. Pour chercher des solutions juridiques fiables et sortir des idées reçues souvent perturbantes, ou simplement parce qu’on n’arrive plus à se parler, il faudra faire appel à un ou plusieurs notaires ou avocats. Un seul si la solution n’est que technique et que personne ne craint le conflit d’intérêts, plusieurs dans le cas inverse. Prendre chacun son conseil n’est pas forcément une déclaration de guerre dès lors que la mission qui leur est confiée est vraiment de proposer des solutions amiables, mais cela peut aussi compliquer l’affaire – une guerre d’ego entre les conseils est toujours à craindre. Se faire assister sans nécessairement mettre son conseil en avant peut-être une solution efficace.

36Parfois aussi, nous recommandons de faire appel à des sages, amis de la famille, oncles, référents. Si leur autorité et leur sens de l’équité sont reconnus, ils peuvent permettre d’aider au règlement. Ou encore de solliciter un médiateur familial, si toutes les parties sont prêtes à jouer le jeu.

37Du temps et de la méthode. Chacun doit admettre que le règlement d’une succession, au-delà du simple calendrier administratif (six mois en principe), nécessite un temps de deuil ; on ne peut pas forcément demander à ses frères et sœurs de prendre en quelques semaines des décisions qui engagent la famille : le partage de certains biens, la vente d’autres, sont des décisions difficiles que chacun n’aborde pas dans le même état d’esprit. Poser un calendrier serein, quitte à le raccourcir plus tard, permet à la fois d’écarter la peur d’être brusqué, et d’inviter chacun à engager sa réflexion sans tarder.

38Donner à chacun les éléments de décision. Pour avancer sereinement, il est aussi indispensable que chacun dispose d’expertises fiables et acceptées par tous, spécialement des biens immobiliers – et non pas la dernière valeur IFI sous le seul prétexte que l’on craint une rectification – et des meubles, objets d’art et bijoux. Ces évaluations permettront une simulation des droits de succession, et à chacun de prendre des décisions quant au partage des biens.

Questions pratiques

39Les conjoints peuvent-ils participer aux réunions de succession ?

40D. Bonnafé : Les conjoints devraient, en principe, être tenus à l’écart : ils ne sont pas les héritiers du défunt, ils appartiennent à d’autres lignées, d’autres filiations. Leur présence ne peut que multiplier les sources de rivalité et de discorde, sauf cas particulier où leur présence peut être facteur d’apaisement.

41P. Bonduelle : En principe non, sauf si toute la famille y consent de bon cœur, et à condition qu’ils restent à leur place, sur leur terrain d’expertise par exemple, sans se mêler des aspects plus familiaux ou affectifs.

42Le dédommagement pour frais de mariage à celui qui reste célibataire : idées reçue ou bonne tradition ?

43D. Bonnafé : Pourquoi faudrait-il dédommager de frais de mariage un héritier qui ne s’est pas marié ? Il a fait son choix de vie, avec ses impasses…

44P. Bonduelle : En effet, on touche ici les limites de l’égalité. Si un geste doit être fait pour compenser les aléas de la vie, il doit venir des parents, et, insistons-y, être annoncé et expliqué.

45Et l’attribution « hors part » des bijoux aux filles ?

46D. Bonnafé : Tous les biens, y compris les bijoux, doivent être mis en partage ; aucune raison de les réserver aux filles. Les fils peuvent souhaiter les donner à leurs épouses, compagnes ou à leurs filles ou belles-filles.

47P. Bonduelle : C’est à la mère d’en décider : elle pourra effectivement les léguer hors part, prévoir un simple « legs d’attribution » (faculté de se les faire attribuer mais en imputant leur valeur sur les droits de l’héritier) ou… ne rien dire et laisser la règle égalitaire s’appliquer.


Date de mise en ligne : 16/11/2020.

https://doi.org/10.3917/lspf.042.0201

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