Notes
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Maître de conférences en Sciences de l’éducation, Université Paris Est Créteil.
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[1]
Zone : terme employé par tous les zonards pour désigner leur communauté juvénile d’appartenance.
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[2]
Nom donné par les membres de ce groupe composé de 25 jeunes dont le noyau dure est constitué de dix personnes.
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[3]
CAARUD : centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue.
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[4]
Issu du film « Tueurs Nés » d’Oliverstone.
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[5]
Yogui durant son enfance sera violé avec ses frères et ses cousins par un oncle. La famille ne portera pas plainte. Trash apprendra que son beau-père n’est pas son père à 13 ans.
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[6]
Terme utilisé par les indigènes.
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[7]
Cametar : camion en langage zonard.
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[8]
Terme indigène pour désigner la free party .
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Système D : ensemble de techniques souvent délinquantes qui consistent à pourvoir aux besoins alimentaires, vestimentaires, d’hygiène, de déplacement et de drogues (vol, deal, aides sociales, trocs et dons).
1À partir des années 1990, les espaces urbains français se peuplent de groupes de jeunes accompagnés de chiens qui arpentent les rues, mendient (Chobeaux, 1996). Cependant dès 1982, le rapport de Gilbert Bonnemaison en faisait déjà état en soulignant leur dangerosité. À l’époque, la recherche s’intéresse aux jeunes des cités en « galère » (Dubet, 1987). Contrairement à la jeunesse des quartiers populaires dont la territorialisation et la culture hip-hop offrent une compréhension plus aisée, ces jeunes « en errance » semblent insaisissables. Leur définition, leur appellation constituent un enjeu aussi bien épistémologique, que politique. En fonction de l’approche privilégiée, ils sont considérés comme toxicomanes, précaires ou en difficulté psychologique. En réalité, ces personnes combinent diverses caractéristiques (addictions, vagabondage, délinquance, squat) qui en complexifient la compréhension ; ils constituent un groupe social à part entière puisqu’ils se reconnaissent entre eux et sont catégorisés par les autres groupes sociaux. Ainsi, les premières mesures sécuritaires pour endiguer leur implantation dans les espaces publics sont prises très rapidement (Bonnemaison, 1982, p. 56). Nous proposons de revenir sur les définitions scientifiques françaises et nord-américaines de ces jeunes.
2Cet examen mettra en évidence des biais méthodologiques, analytiques, que l’approche ethnographique, monographique et inductive, ici d’une durée de quatre années auprès d’un groupe de jeunes qui se nomment eux-mêmes des « zonards », pourrait amoindrir. Nous démontrerons aussi que ce type de travail ethnographique paraît offrir une description plus fine des trajectoires et positions dans la « Zone [1] », ce réseau auquel nos enquêtés appartiennent. Les approches se référant à l’errance, délivrent un portrait unique « des jeunes en errance ». Elles seront donc remises en cause afin de développer une définition opératoire qui permet de souligner l’hétérogénéité de cette population par la création de plusieurs catégories zonardes. Ces constructions permettent d’éviter deux écueils : celui du regard normatif et d’une analyse trop déterministe, encore trop présents dans les analyses sur les jeunes de la rue. Des divergences de rapport à la société et à la Zone, liées à des socialisations spécifiques, à des engagements plus ou moins intenses dans la Zone, ont été repérées. Notre approche permet d’identifier quatre parcours biographiques distincts qui expliquent des engagements et des positions différents dans la Zone.
1 – Jeunes SDF, en errance / Young homeless, trowaways,…
« À ne pas considérer les SDF comme des acteurs sociaux, à ne pas rechercher les raisons qui les font croire, agir, se manifester, on s’interdit d’expliquer nombre de comportements et de phénomènes. ».
4Les analyses scientifiques des jeunes SDF en France et en Amérique du Nord, auxquels les zonards de notre enquête sont souvent associés, se divisent en deux grandes voies : l’une plutôt psychologique, l’autre sociologique. Chaque appellation désignant les jeunes SDF contient en son sein une grille de lecture particulière et des biais. F. Chobeaux (1996), intervenant social au CEMÉA, est l’auteur de la dénomination « jeunes en errance » servant à identifier les zonards. Les ouvrages usant de cette désignation sont majoritairement le fruit de recherches d’intervenants sociaux. L’utilité de cette terminologie réside dans sa capacité à prendre en compte les diverses difficultés que ces jeunes cumulent et à les nommer (Chobeaux, 1996). La description des jeunes en errance fait somme toute consensus dans ses grandes lignes. En fait, il s’agit bien d’individus âgés de seize à trente ans, accompagnés de chiens, vivant de façon nomade, sans emploi, consommateurs de drogues. Cependant les soubassements analytiques de la majorité de ces recherches tout comme certaines enquêtes américaines, arguent que l’élection de cette vie marginale et ses pratiques ne peuvent être que les indicateurs d’une souffrance psychique (Chobeaux, 1996 ; Edelbrock, 1980). « On leur prête des pratiques toxicomaniaques et déviantes dont le paradigme explicatif est celui de l’errance vue sous l’angle de la psychologie. » (Bourquet et al, 2004, p. 95). Les errants s’inscrivent ainsi dans un rapport au monde de type ordalique, retraitiste, dû à une éducation déstructurante les déterminant à l’adoption de comportements impulsifs (Chobeaux, 1996).
5L’utilisation d’autres appellations comme jeunes de la rue, jeunes SDF, young homeless ou, homeless adolescent, pousse à regrouper dans une même catégorie des individus qui n’ont rien d’autre en commun que le manque d’habitat légal. Hagan et Mc Carty (1998) s’intéressent ainsi aux jeunes américains qui vivent en groupe dans la rue, fréquentent des foyers d’accueil. Ils constatent que ceux-ci afin de survivre recourent à la prostitution, ce qui pour nous n’a jamais été constaté. Marpsat et Firdion (2001) offrent, quant à eux, une image quantitative de jeunes sans domicile reçus dans des lieux d’hébergement, de distribution de repas chaud parisiens. Ils sont décrits comme provenant de familles monoparentales et (ou) d’origine étrangère, parfois en situation clandestine et ne ressemblent pas à nos enquêtés. Le caractère trop général de la dénomination « jeunes SDF » ne permet pas de distinguer les différents cas de figures qu’elle regroupe et donne ainsi une illusion d’homogénéité des publics jeunes vivant dans la rue (Zeneidi, 2002). La multitude des publics touchés par le déficit de logement laisse penser que cette problématique ne revêt ni les mêmes formes, ni les mêmes logiques suivant que l’on soit par exemple une personne en situation irrégulière de séjour, ou encore un travailleur précaire, que l’on soit hébergé chez des amis, en squat, dans son véhicule, en tente, mobile home, etc. Utiliser cette appellation pour les zonards reviendrait donc à les inclure dans une catégorie plus administrative qu’ajustée à la réalité, à leur attribuer des caractéristiques qui ne sont pas les leurs et en réduisant la complexité des populations de la rue, à rendre encore moins lisibles les trajectoires. Par ailleurs, en France, qui dit jeunes SDF dit déliaison, exclusion. Pour Guillou (1998), des cumuls de ruptures familiales, sociales, scolaires rendant difficile l’adaptation des jeunes les plus démunis aux injonctions économiques expliqueraient leur condition de rue. Cette fragilisation des liens familiaux qui déracine le jeune serait due à l’évolution « postmoderne » de notre société moins encadrante, moins structurante, dans laquelle les individus sont sommés de trouver seuls leur place (Le Rest, 2006). Cette lecture évacue donc d’un revers de main des facteurs subjectifs pourtant importants. Outre-Atlantique, des études ethnographiques se centrent sur les liens entre pratiques délinquantes et facteurs familiaux, scolaires, situationnels suivant un modèle quelque peu déterministe (Hagan & Mc Carty, 1998). L’imprégnation quotidienne dans un contexte violent et pauvre génèrerait automatiquement des comportements déviants relevant d’une culture de classe sans décrire le processus à l’œuvre. Les conclusions semblent alors identiques : la précarité familiale, la maltraitance confortée par la pauvreté, la déviance parentale conduisent les jeunes à fuir leur foyer et à s’affilier avec des pairs déviants faute de mieux.
6Pour les jeunes nommés : runaways, throuaway, street youth, youth at risks, les causes identifiées sont essentiellement familiales. Un modèle éducatif désadapté, des conduites parentales déviantes, inadaptées concourent par imitation au développement de comportements déviants qui sont perçus comme ordinaires par l’enfant (Whitbeck et al., 1997).
7Pour la catégorie itinérant, traveller, nomadic people of the street, les descriptions s’attachent davantage à la façon de vivre de ces jeunes. Ces approches, auxquelles nous nous apparentons, mettent en exergue la fonction socialisatrice marginale de la rue, réfutant ainsi le caractère désorganisé des conduites de ces jeunes (Parazelli, 2002). En effet, un lien est souvent tissé entre les comportements déviants de ces jeunes et une existence vue comme anomique. Au mieux, les déviances de ces jeunes de rue sont interprétées sous un jour plus rationnel, comme des adaptations aux conditions de vie de rue. Les pratiques déviantes ne peuvent se limiter à cette fonction car elles sont aussi créatrices d’identité, de lien affectif et révélatrices d’un mode de vie, « d’une culture » propre à la catégorie des jeunes vagabonds étudiée (Finkelstein, 2005).
8Cependant, bien qu’une distinction entre différentes jeunesses de la rue se dessine grâce à l’usage de l’ethnographie, chaque étude aborde sa population comme un ensemble homogène. Les disparités de parcours et les divers positionnements dans leur espace de « jeunes SDF » ne sont pas évoqués. Les choix méthodologiques privilégiant des observations non impliquées, sur une brève durée, auprès d’individus sans cesse changeants, n’autorisent pas à atteindre la profondeur des trajectoires. Pour contrer cette difficulté, une approche ethnographique immergée « d’une famille » de jeunes de rue nous a semblé pouvoir apporter de nouvelles données permettant de complexifier et de rendre plus compréhensibles les trajectoires de nos enquêtés. Notre recherche s’est ainsi centrée sur une jeunesse de rue : « les zonards », plus précisement sur une famille de rue « La Family » [2] et non sur tous les types de jeunes SDF existants. Bien évidemment la monographie souffre d’un manque de représentativité qui empêche toute velléité de généralisation non mesurée et non rigoureuse. Cependant, la finesse du sens émique qu’offre l’ethnographie dévoile des logiques inaccessibles par l’emploi d’outils plus extérieurs et autorise de nouveaux questionnements sur le phénomène. Notre approche se distingue des travaux antérieurs par son regard plus intérieur d’un univers de la rue, par sa volonté de ne pas considérer les acteurs comme des agents passifs, ni hors des jeux sociaux. Pour ce faire, nous avons décider de porter une attention aussi bien aux socialisations passées de ces jeunes qu’à leur carrière déviante, leur socialisation zonarde (Lahire, 2001 ; Becker, 1985 ; Berger, Luckmann, 2008). Cette analyse tente de prendre en compte aussi bien des influences liées à l’appartenance sociale, à la famille, à la scolarité que celles relatives à l’engagement dans une vie déviante. H.S. Becker souligne que les carrières déviantes sont précédées de vécus excluants, sans pour autant les détailler (1985). Nous avons donc voulu identifier si dans les trajectoires des jeunes zonards des vécus, des transmissions antérieures favorisaient des engagements différents dans la carrière zonarde. Cependant, nous n’avons pas souhaité nous borner à repérer dans ceux-ci uniquement des ruptures mais avons tenté d’élargir aux inclinaisons culturelles, éducatives, écologiques, scolaires qui y concourraient. En ce sens, la convocation du concept de socialisation plurielle de B. Lahire nous a permis de mesurer les influences de trois sphères de socialisation : la famille, l’école et les pairs (2006). Néanmoins, nous estimons que pour qu’elles s’opérationnalisent en accord avec le mode de vie déviant zonard, un engagement subjectif, un étiquetage social et l’apprentissage de pratiques d’une culture déviante zonarde sont nécessaires (Becker, 1985). Notre cadre théorique est donc particulier puisqu’il tente de réunir deux approches, l’une objective, l’autre subjective. Nous utilisons les concepts de socialisation, en tenant compte des inculcations et des constructions de la réalité, ainsi que d’expériences sociales, de carrière plus interactionniste, donc moins déterministe (Lahire, 2001 ; Dubet, 1994 ; Becker, 1985 ; Berger & Luckmann, 2006). Ce cadre, à cheval entre un certain constructivisme et l’interactionnisme, s’est dessiné durant la phase de terrain et découle des données construites durant l’observation.
2 – Une ethnographie coproduite entre chercheur et enquêtés
9Ma rencontre avec la Zone et des zonards débute en 2007. Au cours d’un travail d’initiation à la recherche sur les conduites à risque toxicomaniaques mené dans une structure CAARUD [3], je m’entretiens avec quatre jeunes que les éducateurs ont repérés comme ayant des pratiques risquées (échanges de seringue, relations sexuelles non protégées). Nia, l’un d’entre eux me propose alors son aide pour de futurs travaux de recherche. Il deviendra mon premier informateur. Nia est âgé de vingt-huit ans et vit dans la rue depuis huit ans. Il a quitté le Jura, sa compagne, suite à des déboires amoureux, et ne supportait plus son travail d’ouvrier à la chaîne. Issu d’une famille dont les parents ont divorcé, il a été élevé principalement par ses grands-parents paternels, des agriculteurs jurassiens. Son père, policier, qui avait obtenu sa garde et celle de sa sœur, ne s’est pas occupé d’eux. Afin que je réalise de nouveaux entretiens sur la thématique des conduites à risque, Nia me présente un an après Benoît. Il a vingt-huit ans et vit dans le même squat que lui. Benoit vient d’une famille dont le père travaille dans le bâtiment et la mère est femme au foyer. Ils résident en zone rurale. Ses parents n’ont pas de diplôme et Benoit a arrêté ses études avant l’obtention d’un CAP. En conflit avec eux du fait de son mode de vie déviant (drogue, free parties), Benoit a décidé de partir à ses vingt et un ans. Je rencontre un an avant, dans le même cadre que Nia, Clara, une jeune fille de dix-neuf ans, qui a vécu depuis sa petite enfance en foyer de l’enfance, et Passe-Muraille, un jeune homme de dix-sept ans. Clara s’est installée dans la rue, il y a un an, après avoir déjà vécu de manière intermittente en squat et en tente depuis ses seize ans. À quatorze ans, Passe-Muraille fugue de chez ses parents, ouvriers sans diplôme, en raison de désaccords « politiques » (son père est engagé au front national et lui se revendique anarchiste). Éduqué à la dure, il a vécu son enfance dans une petite ville de Charente.
2.1 – Enquêteur, enquêtés, un apprivoisement mutuel en terre délinquante
10Je m’aperçois que ces jeunes que je voyais mendier dans les rues de Bordeaux, partagent une vision du monde commune, des références culturelles spécifiques. Nia, suite à une conversation lors de laquelle je lui expliquais mon désir de mieux comprendre leur mode de vie, me propose de venir au squat réaliser des observations. Effrayée par des représentations stéréotypées de la vie en squat et de ses habitants, je décline l’offre. Je crains de me retrouver face à un groupe d’individus totalement shootés, dans un lieu lugubre et sale. Les entretiens ne suffisant pas à élaborer de descriptions précises de leur mode de vie, l’observation participante s’est alors imposée. Pour retrouver Nia, je me poste devant le supermarché où il mendie régulièrement. Il arrive avec quatre amis, acquiesce à ma demande mais préfère au préalable, parler du projet d’étude à ses co-squatteurs : « la Family ». Il me donne son adresse, m’y convie la semaine suivante. Le squat se situe en banlieue de Bordeaux, dans une ville occupée majoritairement par des habitants de classes moyenne et supérieure. Je pense trouver un immeuble insalubre où des individus drogués s’entassent sur des matelas crasseux à même le sol. Je suis face à une maison mitoyenne taguée. De vieux vélos, de la ferraille sont entassés dans un coin de la cour. Je frappe à la porte, Brest, l’un des squatteurs âgés de vingt ans, vivant d’ordinaire en camion, vient m’ouvrir. Le chauffage fonctionne, le squat est rangé, assez propre. Les murs sont tagués de phrases : « la violence est pure et naturelle, la société l’a rendue impure » [4], de paroles de Léo Ferré : « l’anarchie, c’est l’ordre sans le pouvoir », de plaisanteries, de noms de gens, de tous les chiens (Diesel, Boulette, Mesrine…).
11Au cours des quatre années de recherche, je rencontre une quarantaine de personnes. Je réalise une observation participante d’une année découpée en deux périodes de six mois entre lesquelles je continue à côtoyer les jeunes. Durant les premières semaines, mes craintes liées à une potentielle agression me conduisent à suivre Nia partout où il se rend : dans la rue, les magasins, les associations, chez des amis en appartement. Au bout de quatre mois, je m’autorise à rester sans lui au squat et commence à suivre d’autres habitants comme Poly et Kundevitch, un couple de jeunes âgés respectivement de 19 et 22 ans. Poly, fille d’un patron de petite entreprise et d’une mère de milieu bourgeois, réside pour partie chez ses parents et au squat. Son père peu diplômé est devenu chef d’entreprise à la sueur de son front et grâce au réseau social de son épouse. Ils résident dans une station balnéaire côtée. Poly, atteinte d’amblyopie, vit trois jours par semaine chez ses parents et le reste du temps au squat dans lequel néanmoins, elle ne s’installera jamais. Kundevitch a, quant à lui, vécu dans un pavillon de banlieue de classe moyenne avec son père, représentant en peinture et sa mère secrétaire comptable. Sa mère, issue d’un milieu relativement populaire, a obtenu son baccalauréat contrairement à son père non diplômé. Suite au divorce parental, Kundevitch, agent en maintenance en système incendie, décide de prendre un appartement tandis que son petit frère de huit ans son cadet s’installe avec sa mère. Kundevitch démissionne quelque temps après, perd son appartement, se retrouve chez sa grand-mère puis dans la rue.
12En parallèle, je mène dix-huit récits de vie auprès des squatteurs et certains de leurs amis en débutant par Nia qui a déjà participé à deux entretiens. C’est au cours de celui-ci que j’apprends que les habitants me suspectent d’être un policier infiltré ou un « indic’ ». Il faudra attendre l’incarcération de Yogui, le leader du groupe âgé de vingt-cinq ans, réputé pour sa violence guerrière, pour qu’une vraie confiance se tisse. Je lui écris, je soutiens moralement sa compagne Mumu restée au squat. Son père est infirmier, sa mère aide-soignante. Mumu a vingt ans, ses parents ont divorcé ; elle ne se sent ni bien chez eux, ni totalement à son aise dans le squat. Elle alterne entre ces deux modes d’habiter, suivant les conflits qui se nouent.
13Entre les deux périodes d’observation, je garde des contacts avec Yogui et Nia ; nous travaillons régulièrement sur les analyses en cours. Nia partant en cure de sevrage, Yogui devient mon second informateur. Il lit mes écrits, m’interroge sur les notions et concepts, acquiesce à mes constats et mes hypothèses. Nia est moins impliqué ; il s’est réinséré et aspire à une vie ordinaire lorsque je reprends l’observation. Après plus de trois années à m’épauler, autant dans la mise en relation avec des zonards que dans la critique de mes conclusions, il s’en désintéresse. D’autres m’interrogent régulièrement sur mes notes, mes théorisations. Ils lisent mon carnet de bord, le commentent. Comme Kundevitch, vivant dans la rue depuis quatre ans qui me déclare : « tu pourras dire qu’on est des bons gens ». « La Family » se réunit tous les soirs autour du repas unique de la journée, partage tout. Chacun contribue de différentes manières aux besoins communautaires (aides sociales, deal, vol…). Ces pratiques sont communes à la Zone. Chaque week-end donne lieu à une fête dans un squat ou en Free party. Au squat, autour d’un feu, une dizaine de personnes rassemblées avec les chiens discutent, boivent des bières, fument des joints pendant que la musique tourne doucement par respect pour les voisins. Les uns préparent le barbecue, d’autres prennent des drogues plus fortes de manière discrète. Les discussions vont bon train. Des conflits peuvent éclater allant jusqu’au règlement de compte. La soirée se termine au petit matin en regardant le soleil se lever. Le paradoxe des comportements contemplatifs, solidaires, anarchistes et ceux plus agressifs exigent une totale décentration pour en saisir le sens. S’affiliant aux Travellers mais aussi héritiers des Punks, ils évoquent une idéologie libertaire et contestent le fonctionnement de notre société actuelle : coercitive, conformiste, individualiste, mercantile, inégalitaire et aliénante. L’étrangère, que je suis, doit alors opter par peur de mésinterprétation pour un travail collaboratif avec les enquêtés, puis se distancier grâce à l’écriture et l’analyse (Clifford & Marcus, 1989). Ce choix de travail avec les enquêtés a, tout comme la méthode ethnographique, été dicté par la nature méfiante des zonards envers les individus extérieurs au groupe. Du fait des activités délinquantes commises et de trahisons expérimentées dès leur enfance [5], les zonards sont sur leur garde. Cette monographie collaborative m’a donc paru convenir aux contraintes de ce terrain et de son objectif : comprendre les trajectoires zonardes. Elle permet, de par la proximité qu’elle induit, d’explorer le quotidien de la Family de manière plus compréhensive, plus profonde, compte tenu de ma posture qui se veut en partie subjectiviste. La démultiplication des groupes observés n’aurait pas permis d’obtenir autant de détails sur la vie des acteurs : d’une part, une certaine méfiance aurait pu s’installer du fait de conflits larvés éventuels voire de rivalités entre les « familles » [6] de rue, d’autre part, un temps conséquent d’apprivoisement est nécessaire à l’acceptation du chercheur. C’est donc au bout d’un an que ma place d’écrivaine du squat émerge pour ne plus évoluer.
2.2 – De l’errant au zonard
14C’est à l’occasion d’un entretien avec Benoit que le problème de la définition zonarde apparaît en prenant la forme d’une lutte lexicale :
« je m’intéresse aux jeunes en errance, à la façon dont ils vivent… ».
« Les jeunes quoi ? J’ai pas compris ».
17Je me rallie à un vocabulaire plus proche :
« Aux jeunes de la rue ».
19Taraudée par cet échange, je questionne Nia sur les termes qu’ils utilisent.
« Nous, c’est zonards ou traceurs ».
21Je lui fais part de l’utilisation « d’errant » par les travailleurs sociaux. Interrogatif, il me lance :
« Hein ? Quoi ? Hérons ? ».
23Ces mots semblent alors, pour lui, vides de sens. Ils ne lui correspondent pas. Il me fallut du temps avant d’accepter l’obligation du recours au terrain, de la définition opératoire et d’oser écarter le paradigme de l’errance. Ce paradigme considère que pour expliquer la trajectoire des jeunes dits « en errance », il faut avant tout porter son attention sur la conduite errante vue comme un symptôme de difficultés psychiques liées à une éducation familiale carencée, maltraitante ou faite de ruptures. Pour traduire cet état, l’attribution d’un nom extérieur, donc objectif comme « jeunes en errance » se révèle efficace.
24Or, mes premières conclusions, issues d’une analyse thématique de sept entretiens révèlent une vision du monde propre aux zonards qui ne peut se réduire à un simple symptôme. Tous sont animés de projets de voyage :
« Grâce au cametar [7], je vais tracer de ville en ville et de chaque pays apprendre la manière dont ils fabriquent leurs bijoux et les revendre dans les marchés »,
26d’un rejet affiché pour la vie normée :
« Ma liberté c’est tout ce que je demande, après, tout ce qui est tune et tout ça j’en ai rien à foutre, j’ai pas envie de travailler pour payer un loyer ».
28Ils affirment haut et fort que la rue est
« Un choix ! Moi, je veux la rue c’est tout »,
30qu’ils désirent vivre en relation avec la nature :
« On va se poser sûrement dans les bois et quitte à vivre comme un hippie : c’est-à-dire à cultiver, chasser »,
32revenir aux sources, à une vie communautaire, voire tribale. D’emblée les valeurs semblent claires et conscientisées :
« Valeurs… : déjà fraternité, respect, no jugement, no vol, entraide ».
34Les termes « jeunes en errance », SDF, ne peuvent recouvrir cette réalité. « La considération du point de vue des jeunes est capitale dans le développement de la connaissance du phénomène » (Hurtubise et al, 2000, p. 183). De fait, la nomination et la définition de la population repérée doivent émaner du terrain. « Les définitions utiles et utilisables doivent ici organiser un travail de fixation sémantique qui est de l’ordre de l’indication opératoire, en ce sens que le mot défini y devient un index, c’est-à-dire qu’une telle indication est plus générale qu’un nom propre mais moins générique qu’un concept universel. » (Passeron, 2006, p. 270). Suite à cette réflexion, j’interroge les participants sur le nom qu’ils estiment leur correspondre et l’adopte. Zonard reste le plus répandu.
3 – La pluralité zonarde : des trajectoires biographiques qui agissent sur les carrières zonardes
35En collaboration avec La Family, à partir de catégorisations indigènes qui ne sont pas nommées dans leur réalité, ont été dégagées quatre catégories permettant de mesurer et de discerner les formes d’engagement des individus dans la culture zonarde et les diverses séquences de carrière ainsi que leurs places dans la Zone : Traveller, Zonard Experts, Zonard Intermittent, Satellite (Becker, 1985). Cette carrière débute par la séquence satellite dans laquelle certains s’arrêtent, d’autres poursuivent jusqu’à la seconde séquence de zonard intermittent, stoppent ou continuent vers la troisième, de zonard expert, et enfin passent ou non à la quatrième, celle de Traveller, qui se situe presque en fin de carrière.
36Modèle de la carrière zonarde et de ses séquences :
- L’entrée : Satellite
- Le tâtonnement et l’apprentissage : Zonards intermittents
- L’engagement et l’aboutissement : Zonards experts
- L’aboutissement / sortie : Travellers
37Pour repérer des constantes des acteurs positionnés dans l’une ou l’autre des catégories, toutes les données relatives aux socialisations passées (type d’éducation, inculcations déviantes ou conformes aux normes légitimes) et aux expériences (déclassement, mobilité sociale) prenant place aussi bien dans la famille, l’école, que dans les groupes de pairs ainsi que celles plus écologiques (type d’habitat parental, quartier) ont été extraites des observations, des entretiens et des récits de vie. De la même manière les professions des parents, leurs niveaux d’études ont été répertoriés. Des tableaux, permettant de mesurer la représentativité des items les plus synthétiques pour chaque catégorie de zonards, ont été effectués. Ci-joint un exemple :
38Concernant les expériences sociales, une analyse thématique des récits de vie a permis de saisir que certaines d’entre elles ont favorisé l’inclinaison vers une vie zonarde plus ou moins engagée et donc vers le statut associé. Ces catégorisations sont évidemment plus caricaturales, plus cohérentes que ce qu’elles sont dans la réalité de la Zone. Néanmoins, elles permettent de saisir les fonctionnements sous-jacents à l’adhésion à cet univers. L’appellation de la catégorie « Traveller » est issue du langage indigène. Les autres, non nommées initialement par les zonards, ont été créées en collaboration avec la « Family ».
3.1 – Satellites : attirance pour la déviance zonarde et la réussite sociale légitime
39Les Satellites correspondent aux individus sédentaires qui gravitent autour des Zonards et qui n’adhèrent pas aux pratiques sous-consommatrices, anarchistes. Ces membres de la Zone fréquentent les Free parties, des squats lors de soirées ou de visites amicales, mais ne veulent pas s’y établir. Ils vivent principalement chez leurs parents ou en appartement.
40Pour ceux qui resteront dans cette séquence, la valeur travail, le goût pour les biens de consommations et l’importance d’un habitat légal les différencient et s’expliquent par des expériences sociales dans les univers familial et scolaire relativement pacifiés. Sur le plan familial, les divorces fréquents semblent avoir été abordés par les jeunes de manière sereine. Les difficultés économiques inhérentes à la monoparentalité ont été résolues grâce à l’activité professionnelle des mères qui se sont données sans compter. La méritocratie professionnelle colore donc les transmissions que ces jeunes ont reçues de leur mère et les engagent à persévérer dans la recherche d’emploi ou dans l’aboutissement de leur formation. De capitaux économiques disparates, ces familles se situent dans des milieux moyens et supérieurs. Toutefois, il ne va pas pour autant de soi qu’elles aident matériellement leurs enfants qui, dès qu’ils ont quitté le giron familial, doivent se débrouiller seul.
41Au collège et au lycée, bien qu’ils ne soient pas des élèves ni en difficulté, ni très investis, une remobilisation prenant place en classe de première, après une période de désinvestissement, leur permet d’obtenir un baccalauréat. L’expérience scolaire est décrite comme un temps d’amusement avec les camarades, une activité impliquant un certain travail qui lorsqu’il est fourni, se voit récompensé. La méritocratie scolaire est donc bien présente dans les représentations des Satellites et s’étend même à l’univers du travail. La bifurcation vers la Zone s’effectue durant une période de démobilisation scolaire (souvent en classe de troisième et de seconde) où la socialité avec les pairs prend le pas sur l’apprentissage. À ce moment-là, les Satellites autorisés à sortir le samedi soir rencontrent les Free Parties et les zonards qui les fréquentent. La teuf [8] est donc la première marche d’accès à la Zone. Ils apprennent à reconnaître les différents styles de musique techno alternative (acid core, hard tech…), l’histoire de la Spirale Tribe – premier sound system arrivé en France suite à la répression des Free Parties par Margaret Thatcher – qui fonde le mythe des Travellers et à consommer des drogues. Pour être un Satellite, il faut être « Teufeur », c’est-à-dire amateur de Free Parties et partager un certain état d’esprit : être libre, ouvert aux autres, tolérant, capable de fonctionner en communauté, respecter la nature, ne pas se rendre en teuf uniquement pour se droguer ou vendre des stupéfiants. Ce mode de pensée s’acquiert par la fréquentation d’un petit groupe d’adeptes. La musique en dehors de sa fonction première hédoniste est aussi un outil de sociabilité pour les zonards, un liant entre les participants à ces fêtes (Racine, 2002). Les danseurs se trouvent plongés hors du temps, dans une fête qui peut durer plusieurs jours. Libérés des contraintes sociales, ils ressentent une sorte de communion avec les autres qui est accentuée par les prises de drogues hallucinogènes. Ici la drogue est lien. Chez les satellites peu engagés encore dans la culture zonarde, ces Zones festives servent aussi d’exutoire à des frustrations générées par le monde du travail, de la formation (Vaudrin, 2004). La performativité de la position Satellite requiert par ailleurs un sentiment de bien-être, d’appartenance ainsi que la maîtrise, le respect de règles qui encadrent certaines pratiques. Il s’opère par exemple une distinction ente mauvaises et bonnes drogues qu’il faut respecter. L’héroïne est vectrice de vices du fait de la dépendance physique qu’elle génère, ses adeptes sont « des camés ». À l’opposé, la cocaïne, les hallucinogènes sont considérés comme des médias de la sociabilité zonarde et de la connaissance de soi. De même, les usages de drogues sont réglementés. Ainsi, les conduites extrêmes non maîtrisées sont condamnées. Le partage des psychotropes constitue une norme. Si les Satellites s’inscrivent dans la Zone, ils ne sont qu’à sa lisière. Ils utilisent juste les principes qui les intéressent, de manière instable dans le temps, et paradoxale avec certaines de leurs valeurs, et ne renoncent pas à une vie ordinaire.
3.2 – Les zonards intermittents : du vilain petit canard à l’indécis
42Les Zonards Intermittents qui stagnent sur cette seconde marche de la carrière zonarde, se caractérisent par leur hésitation à se convertir à la Zone et par une prédominance du sexe féminin. La dureté du mode de vie et le difficile renoncement à la valeur travail, transmise par des mères fortement engagées dans l’emploi, expliquent le difficile passage à l’étape Zonard Expert. Les familles de ces jeunes appartiennent aux classes moyennes mais connaissent néanmoins des difficultés financières. Les contenus des socialisations sont en relatif accord avec la norme, valorisent la réussite sociale et scolaire, expliquant qu’ils jouissent de capitaux scolaires plus importants que les Zonards Experts. Même si l’absentéisme caractérise les dernières années de scolarisation au collège, la sortie du système scolaire en classe de terminale ou après le baccalauréat, s’explique uniquement par le désir de vivre dans la rue. Bien que l’école ne les ait pas aidés à faire face à des accidents biographiques (viol, décès, apparition d’un handicap, dépression), elle n’est en effet jamais remise en cause en tant qu’institution. Ces accidents biographiques constituent pour les zonards intermittents un tournant biographique expliquant leur attirance pour la zone. L’indifférence de la famille et de l’école face à ces difficultés génère un sentiment de négation de leur problématique et par extension de leur individualité. Entre 16 ans et 18 ans, la fréquentation de Free Parties, grâce à des pairs qui les initient, permet la rencontre avec des zonards et déclenche une prise de conscience. Les acteurs s’aperçoivent que leurs problèmes niés par les adultes de l’école et de la famille sont considérés, écoutés par ces jeunes zonards. L’attitude de la famille et de l’école, incapables d’offrir une reconnaissance et une écoute à leurs souffrances, facilite alors l’engagement des Zonards Intermittents. La Zone, qui accepte la diversité et qui favorise les relations affectives, leur offre un étayage, une reconnaissance positive.
43Cette séquence Zonard Intermittent est une étape d’hésitation, y compris pour ceux qui accèdent aux stades suivants, et un tremplin vers un mieux-être à venir. À cette période, les tensions entre les jeunes et leur famille s’accroissent et entraînent des mises à la porte temporaires, des fugues sans que les liens ne soient pour autant rompus. Les allers-retours entre rue et famille se routinisent. Les relations qu’ils entretiennent avec la Zone comme avec leur famille oscillent entre fusion et rejet. Leur engagement dans l’univers de la rue est donc intermittent : le cadre de référence zonard et celui légitime inculqué par la famille et l’école s’entrechoquent. La socialisation secondaire zonarde implique alors un fort ancrage affectif pour perdurer et des protocoles pédagogiques spécifiques. Ainsi, les petits amis pour les filles et les « pères de rue » qui sont des Zonards experts servant de modèles et d’enseignants pour les garçons, c’est-à-dire des pourvoyeurs d’orientation, leur enseignent les techniques d’obtention d’argent, de nourriture, de biens matériels, de consommation d’opiacé, d’ouverture et de gestion d’un squat, de rationalisation ainsi que les règles de vie dans cette communauté (Berger & Luckmann, 2008). Ces nouvelles pratiques zonardes s’additionnent à celles acquises au cours de la séquence Satellites et participent de leur intégration plus engagée dans la Zone. Le passage du stade Satellites au stade Zonards Intermittents s’organise au travers des consommations d’opiacés devenues plus régulières et de la dépendance physique qu’elles créent. Il semble, en effet, que bien que mal perçue, il s’impose à tous vrais zonards d’avoir au moins testé suffisamment l’héroïne pour la critiquer. Les Satellites rencontrés l’ont aussi essayée mais ils ne l’utilisent que sporadiquement, « en descente de trip ». Fonctionnant comme une part d’un rite d’initiation, la prise d’héroïne assigne au nouvel adepte la qualité d’initié aux drogues et lui offre une meilleure reconnaissance dans la Zone. Durant cette expérience, le novice est instruit par un expert qui lui prépare un trait puis quelque temps après une seringue d’héroïne et lui évoque les sensations qu’il va ressentir. L’héroïne est en définitive, considérée comme « La drogue », celle qui requiert, de par ses propriétés addictives, un engagement tout entier de l’individu. Cette pratique démontre la loyauté, l’obédience du novice à la vie zonarde, prouve l’adoption d’un positionnement déviant. Le zonard intermittent ne peut plus trahir les siens, il est lui-même pris dans cette dépendance psychotropique et dans une transgression de la loi qui peut lui valoir une condamnation judiciaire. L’héroïne occupe ainsi au sein du groupe une fonction de marqueur d’appartenance et de lien. Les zonards intermittents partagent alors avec les experts les mêmes expériences d’exploration de leur subjectivité, de la souffrance corporelle. Ce marquage dans le corps se poursuit aussi par des tatouages, des piercings, des écarteurs, des scarifications qui signent visuellement leur appartenance.
44D’autres pratiques comme la mendicité, la vie en squat, les demandes d’aides et d’accompagnement sociaux appris durant cette séquence, socialisent les acteurs au fonctionnement zonard, leur accordent une place en son sein et les engagent indirectement par l’étiquetage social qu’elles impliquent. La consommation d’héroïne pousse en effet les utilisateurs à recourir aux offres du secteur en addictologie, le manque de revenus à solliciter le travail social et à mendier. Perçus comme des « punks à chien » ou « des jeunes en errance » par les riverains, les intervenants sociaux, cette désignation déviante les confine au rôle d’outsider zonard et prend le pas sur tous les autres rôles sociaux qu’ils pourraient occuper (Becker, 1985). Ne désirant pas s’en délivrer, du fait des bénéfices affectifs qu’ils retirent de leur appartenance à une famille de rue, ils acceptent alors cette identité sociale qui les engage davantage dans la Zone. Cette désignation contraint leurs possibilités d’interactions tant dans leurs formes que dans leurs destinataires. Aux yeux de la société, ils sont devenus des zonards qui ne peuvent interagir avec les hors-zones que sur le modèle de la demande d’aide, de l’opposition et de manière symétrique qu’avec des zonards.
45L’apprentissage de l’idéologie zonarde, étrangement ressemblante à la pensée anarcho-primitiviste qu’ils ne connaissent pourtant pas, engage aussi ces jeunes. Le choix de ne pas impacter sur l’environnement par une surconsommation tient à ce choix politique. Pour autant, les zonards intermittents ne parviennent pas encore à adhérer à toutes les valeurs et surtout à la révolte que cette critique sociale contient. La valeur travail n’est pas vraiment remise en cause, le fonctionnement démocratique non plus. Ils aspirent à une société plus égalitaire, plus solidaire, plus communautaire mais sans vouloir détruire notre fonctionnement social actuel. Pour passer à la séquence suivante de zonard expert, la socialisation zonarde doit parvenir à démanteler les socialisations primaires et familiales (Berger & Luckmann, 2008). Pour ceux dont les expériences sociales dans ces deux sphères se sont révélées pourvoyeuses de « rage » et dont les socialisations primaires contenaient déjà des principes proches de ceux de la Zone, la conversion à la socialisation zonarde est aisée (Dubet, 1987). Pour les autres, les socialisations primaires prennent le pas et incitent, au fil du temps, les acteurs à retourner vers un mode de vie conventionnel.
3.3 – Trajectoire d’experts : réaction aux inégalités
46La catégorie des Zonards Experts correspond donc à l’aboutissement de la carrière zonarde et regroupe des individus ayant des trajectoires biographiques et un rapport au monde voisins. Ces zonards vivent à temps plein dans des squats, défendent des idéaux mêlant anarchisme et tribalisme. Ils sont très engagés dans la vie de rue et maîtrisent, enseignent aux nouveaux zonards des pratiques propres à ce mode de vie (mendicité, deal, consommation de stupéfiants, langage spécifique et abrupt, bagarre), les règles qui les encadrent, les valeurs qui les sous-tendent (hédonisme, solidarité, honnêteté, aventure, rencontre de l’altérité) leur permettant d’accéder à une place reconnue dans la Zone.
47Sur le plan des biographies infantiles et adolescentes, des points communs ont été identifiés chez les acteurs qui parviennent à cette séquence et qui y restent. Les familles des zonards experts appartiennent aux milieux populaires et précarisés. Les parents sont ouvriers, employés, ont connu des périodes de chômage ou encore plus rarement tirent leurs revenus d’activités délinquantes (vols, trafics de stupéfiants). Une lutte pour subvenir aux besoins familiaux rythme leur quotidien. Toutefois, en secteur rural, la solidarité encore présente dans ces milieux et au sein des familles élargies, leur permet, malgré les difficultés économiques, d’adoucir leurs conditions de vie. Les repas familiaux, entre amis, les fêtes, les matchs de rugby, de football sont ainsi évoqués comme des évènements récurrents et joyeux de leur enfance, ce qui les engage à vouloir maintenir certaines valeurs et pratiques de leurs socialisations familiale et de classe (Lahire, 2001). Les contenus populaires de la socialisation familiale soumis à ce contexte, enjoignent à concevoir le temps de manière présentiste, hédoniste et s’accordent avec ceux de la socialisation zonarde (Hoggart, 1970). La tolérance aux consommations d’alcool, de drogues, aux bagarres entre jeunes, synonymes d’apprentissage de la virilité, d’hédonisme se retrouve dans le cadre de références de zonards en devenant des pratiques valorisées. L’organisation même de la famille au sein de laquelle le père jouit d’une place de patriarche est reprise par les zonards experts. Yogui occupe ainsi une place de leader dans la Family, définie par une autorité en partie traditionnelle, jamais remise en cause. Sur le plan éducatif, le modèle dominant est relativement coercitif, voire perçu de l’extérieur comme erratique. Le châtiment corporel employé comme technique de punition produit une vision naturalisante de la violence que l’on retrouve dans la culture zonarde. Le respect de la hiérarchie familiale, de la politesse, de la réussite scolaire (mesurée à l’obtention de la moyenne permettant le passage dans la classe supérieure) et l’accomplissement des tâches domestiques attribuées constituent les domaines dans lesquels les transgressions sont les plus sanctionnées. En revanche, les sorties tardives entre copains, les consommations de psychotropes, les bagarres, bref tout ce qui se déroule entre pairs, n’est pas soumis à un contrôle parental strict. Ces activités font partie du processus de maturation permettant le passage à l’âge adulte.
48Du fait de leur situation sociale et de leurs attitudes éducatives repérées comme dysfonctionnelles (trop rigides ou erratiques), les services sociaux interviennent dans ses familles et ce faisant participent, par leur simple présence, à une stigmatisation précoce. À cette désignation de « familles à problèmes » s’additionnent celle du chômage des parents et celle relevant de leur appartenance à des territoires dépréciés socialement. L’environnement dans lequel les familles résident n’est pas sans conséquence sur le rapport au monde développé par les Zonards experts. Leurs lieux d’habitation se situent dans des zones rurales, péri-urbaines stigmatisées – définies par le sens commun comme regroupant des « dégénérés » –, où les problèmes de délinquance et de chômage sont présents, et côtoient, pour la campagne médocaine dont sont issus la majeure partie de ces jeunes, la richesse d’exploitants viticoles fortunés. Ces acteurs, enfants de parents sans emploi, ouvriers agricoles ou dans le bâtiment, baignent donc dans un climat particulier de ségrégation où la présence de viticulteurs très favorisés accentue leur sentiment de relégation. La mixité sociale n’est donc pas effective car ces deux milieux (ouvriers agricoles, propriétaires d’exploitations) ne se mêlent que rarement, si ce n’est au sein des établissements scolaires où là encore des classes de niveaux reproduisent la séparation entre l’univers des pauvres et des individus aisés. Cette situation provoque donc un sentiment certain d’injustice sociale qui s’additionne à celui expérimenté dans le quotidien hors l’école. L’étiquetage négatif de la famille, les inégalités sociales dont les futurs zonards ont précocement conscience, concourent à l’élaboration d’un rapport oppositionnel au monde légitime, favorable à une inscription dans un mode de vie déviant. Le sentiment de domination pousse les jeunes à penser que l’affiliation à un premier groupe de pairs déviants sera plus porteur qu’un investissement scolaire dont les dés sont déjà pipés. La croyance en la méritocratie sociétale et scolaire s’est vue en effet ébranlée par les injustices professionnelles rencontrées par leurs parents et par celles qu’ils ont eux-mêmes vécues au collège.
Yogui : « Et de là est montée un peu ma rage. Le fait que mon père qui est un gars bien, rentré dans la société, se soit fait enculer par la société, alors qu’il faisait tout pour élever ses enfants le mieux possible ».
50De surcroît, le regard porté par l’école sur les dysfonctionnements familiaux et leurs signalements auprès des services de l’aide à l’enfance, délégitiment l’institution scolaire qui devient complice aux yeux de ces jeunes de la stigmatisation et du contrôle social centrés sur les familles en situation de précarité économique. L’école devient une arène catalysant la disqualification sociale familiale. Une forte loyauté familiale, due à la nécessaire protection de ses membres sans cesse outragés par l’extérieur, accentue la logique de réaction au stigmate sous la forme d’une rébellion à la culture scolaire. Celle-ci se traduit par des absences fréquentes, des comportements violents, insolents, confortés par des orientations vers des filières de relégation qui entraînent ainsi l’arrêt des études entre quatorze et seize ans. Non détachés de la valeur travail, importante dans leur culture familiale malgré les vécus parentaux douloureux, les zonards experts tentent de trouver des emplois. Ces expériences se soldent par la confirmation que le monde du travail s’inscrit dans l’exploitation des plus faibles par les plus forts. Ainsi les expériences vécues dans les sphères scolaire et professionnelle confortent leur interprétation d’un monde basé sur la domination et concourent à développer leur désir de vivre autrement, de prendre une place différente de celle vers laquelle leur appartenance sociale les oriente.
51Résidant, comme évoqué, dans des lieux où la délinquance est présente, ces jeunes ont d’une part, bénéficié d’opportunités, se sont socialisés avec des pairs inscrits dans des conduites déviantes et d’autre part, ont cherché à trouver une place sociale autre que celle à laquelle ils étaient destinés en s’affiliant à un groupe à même de les valoriser (Cohen, 1955). Ils testent ainsi divers groupes déviants : « racailles », « resdkin » dans lesquels ils continuent d’apprendre certaines pratiques délinquantes (bagarre, deal, vol, consommation de drogue). Toutefois, ces groupes ne répondent pas à leurs attentes. Les « racailles », trop matérialistes, inscrites dans la société de consommation, ne sont pas assez opposées au fonctionnement social qu’ils décrient ; les « Redskins », trop « bourgeois », ne comprennent pas réellement les enjeux du milieu dont ils sont issus. Au même moment, les acteurs se distancient de leurs familles, se rendent en Free Parties où ils rencontrent des Zonards. Fascinés par l’ambiance, ils se rapprochent de leur futur groupe d’appartenance.
Trash : « En fait à 12, 13 ans j’ai commencé à fuguer, quoi ! En fin de compte j’ai commencé à faire mes premières teufs, à découvrir ce que c’était des camions, voilà, les chiens, tout ça. Je kiffais trop, j’ai trop kiffé, quoi ».
53Ils alternent tout d’abord vie en squat et chez des copains, dans la famille, puis s’installent dans la rue. Ce temps de latence permet aux jeunes d’apprendre le « système D [9] », d’acquérir des connaissances sur la consommation de stupéfiants, la violence physique, les valeurs (solidarité, honnêteté, sous-consommation, hédonisme, présentisme), les normes et l’idéologie (anarchiste, tribaliste) présentes dans la Zone. Cet apprentissage dure en moyenne un an et est supervisé par un aîné « un père de rue ».
55Puis, en voyageant seul, les garçons néophytes s’affranchissent de leur père de rue, deviennent à leur tour le « père de rue » d’un autre, accèdent au statut de zonard expert. C’est par la gestion, la participation à une ouverture d’un squat, le détachement de sa première famille de rue et la création d’une nouvelle famille de rue que l’acteur se voit reconnu comme zonard expert. Il doit par ailleurs être porteur de l’idéologie zonarde, pouvoir la transmettre, faire respecter les règles qui encadrent les pratiques. Ainsi, les conflits physiques s’inscrivent toujours dans une logique de sanction envers un individu transgresseur et ne doivent pas être gratuits. L’activité de deal, quant à elle, doit répondre à un impératif qualitatif en terme de produit et ne doit pas viser à s’enrichir. Si elle est pratiquée à une échelle jugée importante, elle doit alors soutenir un projet particulier, comme celui de s’acheter un camion. Ainsi cette pratique, tout comme celle de la mendicité, n’est pas uniquement mobilisée pour répondre à des conditions de vie difficiles et subies mais constitue une alternative à la vie conventionnelle et entre autre, au travail précaire auquel les acteurs auraient été contraints. Ce sont des moyens de se lier, d’éprouver du plaisir pour la consommation de drogue, de refuser la course au temps à laquelle les travailleurs sont soumis. Ces pratiques sont donc des révélateurs d’un désir de faire société autrement, des emblêmes d’une posture politique. Elles ne relèvent pas exclusivement de transmissions liées à des socialisations passées, d’une rationalité économique mais aussi d’une logique éthique que les expériences sociales antérieures et la carrière zonarde ont éveillée.
3.4 – Traveller : un Zonard Expert pas comme les autres
56Cette catégorie correspond à l’aboutissement idéalisé de la carrière zonarde et se situe à la frontière de la sortie de carrière.
Les travellers s’identifient à leur habitat : un camion ; au mouvement : ils voyagent plus que les autres. Ils sillonnent le monde, au gré des emplois saisonniers, des festivals, des approvisionnements de drogues. Ils stationnent dans les bois, les champs en été, aux abords de squats en hiver. Du fait de leur mobilité, les Travellers sont moins dépendants du fonctionnement de la Zone bien qu’ils partagent les mêmes valeurs. Cette indépendance s’explique d’une part, par le peu de temps passé en squat, en position de Zonard Expert, et par leurs capitaux familiaux économiques plus favorables et culturels plus légitimes, mais néanmoins critiques. Les vécus infantiles, familiaux ne laissent pas transparaître d’animosité envers une société jugée injuste, régie par la logique de la domination sociale. Les expériences sociales scolaires, au sein de la société globale sont apaisées et n’engendrent pas de révolte particulière. Cependant, la politisation des familles leur offre, dès le lycée, une lecture critique du fonctionnement social. La scolarité de ces jeunes se déroule sans accrocs jusqu’au baccalauréat. Leurs parents, souvent de profession intermédiaire, les ont encouragés à poursuivre des études post Bac pour certains. Ils trouvent, pour les autres, rapidement des emplois après l’obtention du baccalauréat. Toutefois, ces expériences professionnelles et universitaires jugées peu épanouissantes, les conduisent à remettre en cause leur rapport au monde et aux normes légitimes. Humiliés, exploités, robotisés dans l’univers professionnel, perdus, non-aidés, pris dans une compétitivité inhumaine à l’université, ces jeunes jugent que notre société, sous couvert d’offrir à tous les mêmes chances, participe à l’aliénation des moins dotés, exerce en catimini un tri social. Remettant en cause les logiques de compétition, de rentabilité, d’enrichissement qui fondent pour eux les univers professionnel et universitaire, ils bifurquent et cherchent un autre mode de vie que celui, conventionnel, dans lequel ils se projetaient. Au moment où ces interrogations prennent place, les acteurs se rendent en Free Parties et s’inscrivent tour à tour dans toutes les séquences précédentes de la carrière zonardes. Leur adhésion à la zone répond, tout comme chez les zonards experts, à une logique éthique révélée par les expériences post-bac peu gratifiantes. Ils acquièrent selon le même modèle que les zonards experts, les pratiques, l’idéologie, les normes et valeurs de la Zone. Néanmoins, la période de vie en squat est plus courte, la prise de distance avec le « père de rue » plus rapide car l’acquisition du véhicule est plus aisée. Ils bénéficient d’aide de la famille ou sont plus en mesure, au vu de leur niveau d’études, d’accéder à un emploi contracté uniquement dans ce but. Shanana, âgée de vingt-six ans, dont les parents possèdent un restaurant, travaille ainsi durant 6 mois dans un magasin de vêtements avant d’acheter avec son compagnon un camion. Pour les zonards experts, l’achat d’un camion nécessite beaucoup plus d’efforts du fait de leur rapport révolté au monde et de capitaux moins à même de le leur permettre. Nombreux sont ceux qui n’y parviennent pas ou qui doivent attendre longtemps. Plus âgés que les autres types (25 ans), arrivés plus tardivement dans la Zone (après 19 ans), ils aspirent au calme et se situent dans un rapport au monde moins oppositionnel. L’objectif ne consiste pas ici à affronter la société comme pour les Zonard Experts mais à bâtir une manière de vivre alternative dans laquelle ils se sentiront épanouis. Leur engagement politique se tourne donc davantage vers la construction, la proposition que vers l’affrontement.Julie : « Là si je pouvais avoir la vie que je voulais… plus tard, là prendre quelques années pour voyager, pour… vivre dans mon camion, vendre mes bijoux ».
La définition par terrain, la co-construction d’idéaux-types zonards : une fenêtre sur une autre réalité
57L’approche développée dans cette recherche a permis, d’une part, une lecture du phénomène zonard détachée des analyses le considérant comme le simple reflet d’acteurs passifs désœuvrés, et d’autre part de mettre en avant les différents positionnements dans la zone. L’organisation zonarde bien que discontinue n’en est pas moins cohérente. Les degrés d’engagement dans la culture de la Zone, liés aux socialisations et expériences sociales familiales, scolaires, aux interactions qui facilitent l’inscription plus ou moins impliquée dans la carrière zonarde, ont pu être identifiés en se référant aux catégories co-élaborés avec les enquêtés. Cette lecture autorise alors la prise en compte des facteurs passés en tant qu’influençant le futur rapport au monde des acteurs dans une perspective diachronique mais aussi synchronique. Pour beaucoup, issus de quartiers de relégation, ils auraient pu adhérer à un autre groupe déviant. Ainsi l’élection de la voie zonarde est aussi un choix dans un panel d’orientations disponibles et ne relève pas de déterminismes sociaux implacables. Les interactions au quotidien doivent aussi être prises en compte. Les labellisations déviantes concourent à la performativité de l’identité zonarde attribuée. L’ethnographie impliquée et collaborative, permet, l’espace d’un temps, d’expérimenter la condition des enquêtés, de se décentrer de sa propre vision des choses par obligation situationnelle et interactionnelle, et autorise ainsi une compréhension plus sensible, plus proche de ce qu’est la vie zonarde de l’intérieur : une organisation complexe avec des engagements divergents, un hédonisme gouverneur malgré sa dureté, une culture qui s’inspire d’ancrages populaires et non une existence passive et misérable.
Bibliographie
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : jeunes SDF, déviance, jeunes en errance, ethnographie collaborative, trajectoires de vie
Date de mise en ligne : 13/05/2014.
https://doi.org/10.3917/lsdle.471.0067Notes
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[*]
Maître de conférences en Sciences de l’éducation, Université Paris Est Créteil.
-
[1]
Zone : terme employé par tous les zonards pour désigner leur communauté juvénile d’appartenance.
-
[2]
Nom donné par les membres de ce groupe composé de 25 jeunes dont le noyau dure est constitué de dix personnes.
-
[3]
CAARUD : centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue.
-
[4]
Issu du film « Tueurs Nés » d’Oliverstone.
-
[5]
Yogui durant son enfance sera violé avec ses frères et ses cousins par un oncle. La famille ne portera pas plainte. Trash apprendra que son beau-père n’est pas son père à 13 ans.
-
[6]
Terme utilisé par les indigènes.
-
[7]
Cametar : camion en langage zonard.
-
[8]
Terme indigène pour désigner la free party .
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[9]
Système D : ensemble de techniques souvent délinquantes qui consistent à pourvoir aux besoins alimentaires, vestimentaires, d’hygiène, de déplacement et de drogues (vol, deal, aides sociales, trocs et dons).