Notes
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[1]
Jacques Lacan, Les écrits techniques de Freud, Le Séminaire, Livre I (1953-1954), Paris, Le Seuil, 1975, p. 193.
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[2]
La plupart des citations de Jacques Lacan dans cet article à propos du corps proviennent d’un recueil établi par Louis de La Robertie : Le corps. Textes de Jacques Lacan, Cahier de l’Association lacanienne internationale, Paris, ali, 1984.
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[3]
Jacques Lacan, Le sinthome, Le Séminaire, Livre XIII (1975-1976), Paris, afi, 2001, p. 16.
-
[4]
Jacques Lacan, « The looking-glass phase », The International Journal of Psychoanalysis, vol. 18, part. I, janvier 1937, p. 78.
-
[5]
Jacques Lacan, « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je », dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 93-100.
-
[6]
Sigmund Freud parle du jugement d’existence et du jugement d’attribution.
-
[7]
Sigmund Freud, « La négation », dans Résultats, idées, problèmes, II. 1921-1938, Paris, puf, 1985, p. 135-141.
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[8]
L’infans est le terme classique que Lacan utilise pour s’exprimer à propos d’un enfant immature sur le plan moteur, qui ne parle ni ne ressent encore l’unité de son corps.
-
[9]
L’Autre se distingue du semblable, de l’autre. Il s’agit avant tout d’un lieu, lieu du langage, lieu des signifiants. Généralement, c’est la mère qui incarne l’Autre premier pour le sujet. Cet Autre permet à l’infans de se construire une subjectivité à partir de paroles énoncées qui lui sont extérieures et qu’il se réapproprie dans un second temps.
-
[10]
Notons que cette tresse Symbolique-Imaginaire-Réel, ce tissage de la parole, de l’image et du corps anatomo-biologique ne nécessite pas un miroir. Ce qui importe, c’est avant tout le regard et la parole de la mère qui fait office de premier Autre.
-
[11]
Stéphane Thibierge, Clinique de l’identité, Paris, puf, 2007, p. 41.
-
[12]
Notes inédites du séminaire Présence de l’analyste de Stéphane Thibierge tenu à Bruxelles le 22 février 2008.
-
[13]
Françoise Dolto, L’image inconsciente du corps, Paris, Le Seuil, 1984, p. 151.
-
[14]
Jacques Lacan, Les écrits techniques de Freud, op. cit., p. 192.
-
[15]
Sigmund Freud, « Pulsions et destins des pulsions » (1915), dans Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1968, p. 25.
-
[16]
Même si Freud a déjà introduit le terme de pulsion en 1905 dans les Trois essais sur la théorie de la sexualité, ce n’est qu’à partir de « Pulsions et destins des pulsions » qu’il développe et élabore ce concept, qu’il sera par ailleurs amené à revisiter ultérieurement.
-
[17]
Jacques Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Le Séminaire, Livre XI (1964), Paris, Le Seuil, 1973.
-
[18]
Ce « nouveau sujet » dont parle Sigmund Freud est repris par Jacques Lacan sous la notion de « grand Autre », c’est-à-dire le lieu où se structurent les chaînes signifiantes qui permettent l’élaboration des structures langagières et le processus de subjectivation.
-
[19]
Jacques Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, op. cit., p. 162.
-
[20]
Le regard dont nous parlons ici n’a guère à voir avec la vision. Il est avant tout question de présence, d’attention. L’enfant aveugle saisit ce regard via d’autres voies comme le toucher ou l’ouïe. C’est dans ce sens qu’il s’agit d’entendre les psychanalystes lorsqu’ils parlent du regard fondateur de l’Autre.
-
[21]
Marie-Christine Laznik, Des psychanalystes qui travaillent en santé mentale, conférence proférée au congrès sur la psychanalyse de l’enfant, Rio de Janeiro, Colégio freudiano de Rio, 1998.
-
[22]
La jouissance phallique de l’Autre est une jouissance marquée, limitée par la castration qui est indispensable pour la structuration de l’appareil psychique. Nous ne pouvons pas tout être, tout avoir.
-
[23]
Françoise Dolto, L’image inconsciente du corps, op. cit., p. 148.
-
[24]
Raison pour laquelle Jacques Lacan avance cette thèse fondamentale que le sujet est toujours effet d’un signifiant qui le représente pour un autre signifiant.
-
[25]
Jean-Paul Descombey, L’homme alcoolique, Paris, Odile Jacob, 1998, p. 74.
-
[26]
Nicole Stryckman, « Le corps du sujet souffrant », Courrier de Belgique, n° 64, Bruxelles, afb, 2002, p. 14-22.
-
[27]
Michel Lasselin, Avec des alcooliques, des créateurs… En deçà du miroir, Lille, ifpac, 1979, p. 33.
-
[28]
C’est la voix de l’Autre, ses signifiants qui règlent la netteté de l’image par l’inclination du miroir plan.
-
[29]
Suzanne Ginestet-Delbreil, « Deuil et pathologies addictives », dans La terreur de penser. Sur les effets transgénérationnels du trauma, Plancoët, Diabase, 1997, p. 51-79.
-
[30]
À l’exception des sujets alcooliques qui se révèlent avoir une structure psychotique.
-
[31]
Michel Lasselin, Avec des alcooliques, des créateurs…, op. cit., Lille, ifpac, 1979, p. 47.
-
[32]
L’image spéculaire ressort non seulement du registre de l’Imaginaire mais également du registre du Symbolique. En effet, la reconnaissance liée à l’association du prénom (3e temps de la pulsion invoquante pour l’infans) et de la reconnaissance de l’image dans le miroir (3e temps de la pulsion scopique pour l’infans) est un « acte » symbolique.
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[33]
Jean-Paul Descombey, L’homme alcoolique, op. cit., p. 73.
-
[34]
Jacques Lacan, Le Séminaire, Livre XXI (1973-1974), Les non-dupes errent, Paris, afi, 2001, p. 113.
-
[35]
Jacques Lacan, Le Séminaire, Livre XVII (1969-1970), L’envers de la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1991, p. 206.
-
[36]
Il serait plus pertinent de parler des objets et non de l’objet. Ces objets (le regard, la voix, les fécès, le sein) s’articulent dans le fantasme au sujet.
-
[37]
Michel Lasselin, Avec des alcooliques, des créateurs…, op. cit., p. 104.
« Avant que le désir n’apprenne à se reconnaître – disons maintenant le mot – par le symbole, il n’est vu que dans l’autre [1]. »
Introduction
1Écrire à partir de la clinique de l’alcoolisme afin d’en rendre compte nécessite d’emblée quelques précisions quant à l’abord qui va être le nôtre lors de cette réflexion. Il est un fait que ce concept d’alcoolisme est avant tout issu d’une clinique médicale et non d’une clinique psychanalytique. Toutefois, les psychanalystes présents dans les lieux de soins – hôpitaux, services de santé mentale, communautés thérapeutiques, etc. – sont très souvent amenés à rencontrer ces personnes en souffrance. Ces rencontres sont alors, pour ces psychanalystes, l’occasion notamment de remettre à l’épreuve leurs outils, leurs concepts face à cette clinique de l’acte qu’est l’alcoolisme.
2Cette articulation du concept d’alcoolisme à la théorie psychanalytique entraîne également un commentaire d’importance : il n’existe pas, pour nous, au sens structural du terme, une structure spécifique de l’alcoolique. Pour chaque être de parole, la névrose, la psychose ou la perversion sont, avant tout, des modes structuraux face à la douleur d’exister. Cependant, pour certains sujets l’issue névrotique, psychotique ou perverse se révèle être insuffisante pour supporter la condition humaine. L’alcoolisation vient alors atténuer cette insuffisance et ce, en fonction de la structure sous-jacente. L’alcoolisation peut ainsi être lue soit comme un traitement de la structure, soit comme un nouage des parties dispersées, soit comme une occultation du manque, voire comme une suppléance, etc. Toutefois, nous constatons cliniquement à chaque fois la présence d’un lien particulier au corps, à l’image, ainsi que certains ratages dans l’articulation des registres imaginaire-symbolique, et ce, indépendamment de la structure de personnalité.
3Au travers de ce texte, nous posons l’hypothèse que le concept de pulsion mis en lien avec le modèle théorique du stade du miroir permet une lecture possible de ces rapports au corps, de ces discours, de ces comportements présents chez nos patients alcooliques. Avec cette lecture pulsionnelle du stade du miroir, nous allons tenter de repérer et d’articuler ce qui se joue dans ce temps de l’en deçà de l’Œdipe. Notre propos est avant tout à lire comme étant non exhaustif. À titre d’exemples, nous n’aborderons ci-dessous l’objet que selon son versant pulsionnel alors que son autre versant, celui du désir – moteur vital pour le psychisme –, serait également intéressant à développer ; nous n’approcherons le concept de pulsion que sous l’angle de son circuit alors qu’il serait également pertinent d’articuler ces deux pulsions fondamentales que sont la pulsion de vie et la pulsion de mort à la clinique de l’al- coolisme.
Le corps
4Dès l’aube de sa création, la psychanalyse a porté une attention toute particulière à l’énigme du corps [2]. Si Sigmund Freud nous a notamment éclairés sur le fait que la pulsion donne vie au corps et forme à ses orifices, Jacques Lacan, quant à lui, indique combien la sensibilité du corps humain au verbe et au dire est un fait. Dans son séminaire Le sinthome, il avance notamment que « les pulsions, c’est l’écho dans le corps du fait qu’il y a un dire. Mais ce dire, pour qu’il résonne… il faut que le corps y soit sensible. Et qu’il l’est, c’est un fait [3] ».
5La théorie psychanalytique ne saurait également soumettre le corps à la seule évidence du biologique, du neurologique et du physiologique. L’un des apports majeurs de la psychanalyse est d’opérer notamment une rupture avec notre tradition philosophique qui réduisait l’humain à la dialectique du corps et de l’âme pour l’ouvrir à celle du corps et du désir. Nous naissons avec un organisme qui ne prend la consistance d’un corps que dans un second temps grâce aux pulsions qui viennent l’érogénéiser. Un corps, ça se construit. Il convient dès lors de tenir compte de la dimension réelle, imaginaire et symbolique pour cette construction du corps qui se situe bien en deçà de l’Œdipe.
6Enfin, même si le rapport que l’être parlant entretient avec son corps est complexe et imparfait, cela n’empêche pas ce corps d’avoir des capacités subjectives. Toutefois, rappelons que ces capacités subjectives ne vont pas de soi. Dans certaines problématiques psychiques telles que l’alcoolisme, elles sont même « défaillantes » comme nous tenterons de l’indiquer.
Le stade du miroir et le corps
7Lors du XIVe congrès psychanalytique international tenu à Marienbad en 1936, Jacques Lacan prononce une conférence, Le stade du miroir [4], indice de sa « première empreinte » dans la pensée psychanalytique. Ce modèle théorique de l’expérience du stade du miroir, Jacques Lacan le développera et le reprendra tout au long de son enseignement pour illustrer plusieurs questions cliniques, notamment en 1949 lors d’une communication au congrès international de psychanalyse de Zurich : « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je [5] ». Le texte de cet exposé centre d’emblée la parole comme point nodal de l’expérience subjective et interroge le rôle de l’image dans la formation du sujet et du corps. Avec le stade du miroir, Jacques Lacan conjoint narcissisme freudien et image spéculaire. Tout comme Sigmund Freud l’avait repéré et énoncé en d’autres termes [6] dans son texte sur la dénégation, Die Verneinung [7], Jacques Lacan interroge l’inadéquation présente, de fait, entre l’objet – le corps, par exemple – et l’image réelle pour un être parlant. Point de concordances entre les parties du corps et le contrôle imaginaire que nous pourrions en avoir.
8Jacques Lacan s’appuie sur l’observation de l’infans [8] pour se demander toutefois comment l’organisation du monde imaginaire et du monde réel s’établit dans l’économie psychique de l’être parlant.
9Au risque d’être lapidaire, cette mise en place de la reconnaissance de l’image spéculaire, nécessaire pour que du sujet et un corps subjectivé adviennent, se déroule comme suit. Dans un premier temps, l’infans remarque une image dans le miroir et cherche à l’identifier. Une fois qu’il repère cette image comme ayant un rapport avec lui, il se retourne vers l’adulte pour lui demander confirmation de ce qu’il voit. La confirmation, la réponse de l’autre parental premier, tel que la mère – l’Autre [9], en terme lacanien –, est alors essentielle, car en énonçant « oui, c’est toi Jean » elle permet à l’enfant l’accession à une image spéculaire, à l’unification de l’image de son corps, vécu jusque-là comme morcelé.
10Durant cette opération, l’Autre permet à l’enfant un nouage des trois registres [10] que sont l’Imaginaire, le Réel et le Symbolique. Le stade du miroir révèle ainsi la nécessité suivante : pour qu’un sujet puisse se dire, il est impératif qu’il soit d’abord dit par l’Autre ; c’est le fait d’être nommé qui donne consistance au corps, qui l’inscrit dans les trois registres par opposition à l’organisme. Pour qu’un être parlant se supporte d’un effet de sujet, d’être un sujet, il est nécessaire que son organisme anatomo-biologique – le corps réel – soit identifié – le corps imaginaire – et soit devenu un lieu d’inscriptions signifiantes – le corps symbolique – que le langage et les mots viennent nommer, représenter. « Il s’agit d’une marque ici donnée par le regard d’un autre, qui reconnaît l’enfant et le lui dit. Un élément symbolique – le nom, ou tel autre signifiant reçu de cet autre – est ici requis, comme trait par lequel le sujet a pu tout d’abord être représenté dans l’élément de la parole et du symbolique [11]. » Pour l’écrire encore autrement, l’expérience scopique, mais également invoquante lors du stade du miroir propose que ce corps humain soit dorénavant inscrit dans des représentations et pris dans le désir de l’Autre, entraînant ainsi une coupure d’avec un réel qui aurait pu prétendre être adapté à ses besoins. Comme l’énonce Stéphane Thibierge, « notre corps n’est pas un corps adaptable. Il n’existe pas d’objet qui y soit adapté [12] ». Ces propos peuvent être entendus dans la suite de ce qu’écrivait Françoise Dolto en 1984 : « C’est l’expérience du miroir seulement qui donne à l’enfant le choc de saisir que son image du corps ne suffisait pas à répondre pour les autres de son être connu d’eux. Qu’elle n’est donc pas totale. Ce qui ne veut pas dire que l’image scopique répond de lui. Cette blessure irrémédiable de l’expérience du miroir, on peut l’appeler trou symbolique dont découle, pour nous tous, l’inadéquation de l’image du corps et du schéma corporel [13]. »
À l’issue du stade du miroir, Jacques Lacan nous indique que « le sujet se sait, se connaît comme corps [14] ». En fait, le stade du miroir permet au sujet de saisir, dans l’image du corps, la forme qui représente la distinction entre l’au-dedans et l’au-dehors.
La pulsion, le sujet, le corps
11La théorie des pulsions, telle que Sigmund Freud nous l’a léguée et telle qu’elle a été revisitée, remaniée par la suite par Jacques Lacan, permet de cerner la dimension subjective ainsi que le rapport au corps chez l’être parlant.
12En 1915, dans « Pulsions et destins des pulsions [15] », Freud poursuit son élaboration du concept de Trieb [16]. Pour être concis, rappelons simplement que la pulsion se caractérise par : sa poussée qui se révèle par une force intérieure constante ; sa source, lieu avéré d’élection de la pulsion dans le corps ; son but qui est de tenter d’atteindre la satisfaction ; son objet, ce par quoi la pulsion peut parvenir à son but.
13À cette époque, Sigmund Freud s’interroge à propos des modalités de satisfactions pulsionnelles et différencie trois modes par lesquels circulent les pulsions : actif, réflexif et enfin passif.
14En 1964, dans son séminaire Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse [17], Jacques Lacan reconsidère cet article de Sigmund Freud et identifie l’économie de la pulsion comme un fonctionnement en circuit. Autrement dit, il représente l’accomplissement pulsionnel sous la forme d’un circuit décrivant une boucle où se succèdent les trois temps pulsionnels, actif-passif-réflexif, posés en 1915. Ce circuit s’origine et sort d’un orifice du corps biologique – le Réel du corps – afin d’y revenir en ce même lieu – la source. Durant ce trajet pulsionnel, ce circuit contourne ce qui constitue l’incomplétude de tout être parlant. Les détours de la pulsion autour de ce manque, autrement dit, le rapport de l’être parlant à l’Autre – et à son incomplétude –, permettent l’émergence de ce que Sigmund Freud appelle « le nouveau sujet [18] ». « Le sujet, qui est à proprement parler l’Autre, apparaît en tant que la pulsion a pu fermer son cours circulaire. C’est seulement avec son apparition au niveau de l’Autre que peut être réalisé ce qu’il en est de la pulsion [19]. »
15De cette affirmation lacanienne, étayée sur les écrits de Sigmund Freud, nous déduisons que la réalisation du bouclage du circuit de la pulsion autour du vide central dans l’Autre a comme conséquences pour l’être pris dans le langage : de s’appréhender dorénavant comme un être qui prend acte de la marque symbolique dans l’Autre, c’est-à-dire en terme freudien de sa castration, en terme lacanien de sa division, de son incomplétude ; de reconnaître que rien, qu’aucun signifiant en terme lacanien, qu’aucune représentation en terme freudien, ne peut venir obstruer ce qu’il en est de ce trou – ce vide central – qui sera toujours à l’œuvre ; de posséder un corps auquel les pulsions donnent non seulement une forme mais des orifices qui sont affectés tant dans le registre réel, imaginaire que symbolique. Cet organisme devenu corps connaît dorénavant des limites. Comme évoqué ci-dessus, ce sujet peut établir une distinction entre l’au-dedans et l’au-dehors.
Toute dimension de pulsionnalité, d’inscription d’un corps dans les trois registres ne peut fonctionner, en fait, que par rapport à l’introduction dans l’Autre. C’est à partir de la réponse de cet autre parental premier – l’Autre – et, plus particulièrement, de la manière dont il supporte son rapport à l’incomplétude que s’oriente la dimension subjective et corporelle chez l’enfant.
La pulsion et le stade du miroir
16Lors du stade du miroir, nous retrouvons à l’œuvre cette poussée pulsionnelle constante qui, normalement, opère ces détours au travers des trois temps que nous venons d’évoquer. Jacques Lacan distingue trois mouvements dans le stade du miroir que nous allons mettre en lien avec la pulsion scopique : premier mouvement, l’infans voit dans le miroir une image qui ne correspond pas à un semblable. Il se précipite dans une forme primordiale mais cette image présente est foncièrement autre pour le sujet ; deuxième mouvement, l’infans reconnaît dans l’image la présence d’un autre semblable. Se trouvant aux prises avec une différence entre lui et l’autre, il s’objective dans la dialectique à l’autre du miroir : une image, celle d’un « corps ». L’infans reconnaît une image dans le miroir, mais avant tout comme celle d’un autre. C’est ce qui fait que Lacan parle d’image aliénée ; troisième mouvement, l’infans est introduit à la reconnaissance de son image dans le miroir par la nomination et le regard qui viennent de l’autre parental premier – l’Autre. L’Autre confirme, restitue à l’infans, au travers de sa parole – « Oui, c’est toi Jean » –, ce qu’il repère dans le miroir : cette image, mon image.
17Nous localisons aisément le temps actif de la pulsion scopique – voir – dans les deux premiers mouvements que nous venons d’indiquer. Arrêtons-nous alors sur ce troisième mouvement dans la construction du sujet chez l’infans. C’est le regard [20] posé et la parole énoncée par l’Autre – c’est-à-dire ses signifiants – qui permettent à l’infans de reconnaître son image, son corps comme unifié ; moment où nous repérons le temps réflexif de la pulsion scopique – se voir. Qu’en est-il du troisième temps, le temps passif, le temps du se faire voir ? Il ne se laisse pas appréhender si explicitement. Toutefois, nous le localisons lors du moment de cette assomption jubilatoire de l’image spéculaire par l’être dont nous parle Jacques Lacan. Ce troisième temps est pour rappel celui où apparaît enfin le sujet de la pulsion. Dans son séminaire Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Jacques Lacan indique bien que dans les deux premiers temps, le sujet de la pulsion est acéphale. Ce n’est que le troisième temps qui garantit qu’il va y avoir un sujet de la pulsion, sujet de la pulsion qui est l’Autre. Selon Marie-Christine Laznik [21], lors de ce troisième temps de la pulsion, il s’agit pour l’infans de venir crocheter la jouissance phallique de l’Autre [22]. Cette jubilation repérée chez l’infans lorsqu’il se retourne vers l’autre parental premier – l’Autre – est alors la preuve de ce crochetage de la jouissance, indiquant ce passage par ce troisième temps de la boucle pulsionnelle scopique.
18Dans cette articulation de la pulsion au stade du miroir, nous ne cherchons pas à attirer uniquement l’attention sur l’importance du regard. Nous souhaitons également mettre l’accent sur cette autre dimension qu’est l’expérience nécessaire de l’incomplétude de l’Autre – inscription de l’Autre dans le registre phallique, le registre de la loi et de la parole. En cela, nous rejoignons les propos de Françoise Dolto : « J’ajoute qu’on valorise souvent la dimension scopique des expériences dites spéculaires : à tort, si l’on n’insiste pas suffisamment sur l’aspect relationnel, symbolique, de ces expériences que peut faire l’enfant. Il ne suffit pas qu’il y ait réellement un miroir plan. À rien ne sert si le sujet est confronté en fait au manque d’un miroir de son être dans l’autre. C’est cela qui est important [23]. »
Cette marque de la division oriente l’être de parole, dans une dimension imaginaire à s’identifier à sa propre image et, dans une dimension symbolique à un essai de nomination, dérisoire malheureusement, car incomplet et dès lors toujours à réitérer [24].
Images spéculaires, pulsions et alcoolismes
19Pour les personnes dépendantes à l’alcool, qu’en est-il du rapport à la subjectivité et au corps ? Qu’en est-il de cette dynamique pulsionnelle et du bouclage de son circuit ? Qu’en est-il de ce vide central, de ce manque chez l’Autre ?
20Dans notre pratique analytique, nous constatons dans le discours de la plupart de « nos » patients alcooliques une faille narcissique primordiale accompagnée dès lors d’une image spéculaire défaillante. « Si l’on fait travailler des patients sur la représentation qu’ils se font de leur corps, en parlant, dessinant, modelant, en pratiquant la relaxation ou la gymnastique, on est frappé de constater combien est archaïque l’image qu’ils s’en font : il est réduit à une sorte de tube à deux orifices, sans valve, comparable à ces bonshommes têtards figurés dans les dessins des jeunes enfants, ou mal unifié, morcelé [25]… » L’altération de la symbolisation du corps et de sa représentation peut en partie s’expliquer par le fait que le temps réflexif de la pulsion scopique – qui permet la reconnaissance de l’image spéculaire – est en partie court-circuité, en partie défaillant. Les effets de ce court-circuitage partiel ont notamment pour conséquence que le troisième temps de la pulsion scopique n’a pu être atteint. Or, ce mode passif, qualifié par Jacques Lacan de temps du « se faire », est essentiel dans l’accomplissement du circuit pulsionnel dont dépend l’avènement, non seulement d’une position subjective, c’est-à-dire d’une capacité accrue de s’éprouver soi-même, d’assumer son rapport de sujet à sa vérité, mais également d’une capacité du corps « à être affecté du sujet de l’inconscient, et cela dans les trois dimensions : dans sa dimension anatomo-biologique – registre du Réel –, dans sa dimension signifiante – registre du Symbolique –, dans ses imagos – registre de l’Imaginaire [26] ». Cette carence partielle du mode réflexif de la pulsion scopique, ce blocage, entraîne comme conséquence l’impossibilité du détour pulsionnel par le mode passif et donc hypothèque la fonction de sujet et de corps dans une aliénation invalidante. Le processus d’identification s’avère ainsi problématique pour la personne alcoolique car l’image renvoyée par le miroir – le regard et les mots de l’Autre – demeure figée à un morcellement du corps qui précède une unité totalisante.
21Nous posons ici l’hypothèse que l’alcoolisme est notamment à mettre en lien avec le fait que l’autre premier parental, l’Autre, ne s’est pas prêté suffisamment à ce jeu pulsionnel des différentes positions – active, réflexive, passive – dans ses réponses à l’infans. À l’extrême, ces réponses de l’Autre sont restées trop défensivement dans le mode de la complétude ou de l’emprise, engendrant ainsi cette impossibilité de prise en compte par l’infans de ce trou symbolique, de cette incomplétude – celle de l’Autre. En effet, cette confirmation, cette reconnaissance dans le miroir ne peut se fixer pour l’infans et, plus tard, pour l’être parlant que si l’Autre accompagne de ses signifiants, de ses mots, ce premier regard, témoignant ainsi de sa propre incomplétude. « Dans ces yeux, l’enfant mire (croise) non pas tant son portrait que la reconnaissance d’y être signifiant du désir de sa mère [27]. » Le bain dans lequel baignent les premiers signifiants, mots de l’Autre, marque à jamais d’une empreinte notre rapport à cette image spéculaire [28].
22Nous pensons ici à l’article de Suzanne Ginestet-Delbreil « Deuil et pathologies addictives [29] ». Dans son propos, l’auteur indique combien une mère, véritablement déprimée, évinçant un processus de deuil, peut méconnaître de vivre une perte et ainsi être véritablement captée par cet objet qui la comble. Dans ce cas, cette mère ne sait même plus que le manque lui manque, voire lie ce manque à une contingence – par exemple, la perte d’un être cher. Or, c’est le manque structural et non contingent dans l’appareil psychique de cette mère qui permet à l’enfant d’advenir en tant que sujet, qui permet à l’organicité somatique d’accorder ses faveurs à la découpe de la pulsion, autrement dit, de passer d’un organisme à un corps articulé dans l’Imaginaire, le Symbolique et le Réel. Chez la plupart des alcooliques nous constatons que ce défaut de reconnaissance de la structure de la parole est peut-être à mettre en lien avec ce qui est en défaut dans la structure symbolique de cet autre parental primordial – l’Autre. L’enfant et plus tard l’alcoolique se retrouvent alors en difficulté d’assumer cette référence au signifiant manquant dans l’Autre.
L’alcoolique se révèle être un sujet qui a « raté » cette opération du stade du miroir sans pour autant en avoir été complètement absent, nous dit Michel Lasselin. Cette « présence » marque ainsi une distinction d’avec le champ de la clinique de la psychose, où nous constatons d’emblée chez l’Autre une absence de représentations imaginaires de l’infans, sujet en devenir. Ce n’est effectivement aucunement le cas avec certains sujets alcooliques [30] qui, pour leur part, sont inscrits dans ce registre imaginaire, mais dont la déliaison imaginaire-symbolique rend l’image spéculaire défaillante. « Dire que la difficulté de l’alcoolique réside dans un ratage de l’articulation imaginaire-symbolique, c’est souligner que, peut-être un instant, le regard maternel fut distrait, suspendu le temps d’un soupir, d’un silence… qu’un souffle vient animer l’être, l’image agitée se trouble et s’évanouit. C’est ce qui se passe dans le champ très particulier du désir de la mère (l’Autre) qui rend labile, dès sa venue au monde, l’image spéculaire de l’Alcoolique [31]. »
Quelles conséquences pour le sujet alcoolique et son corps ?
23Pour la plupart des alcooliques, l’image du corps n’est donc prise que précairement dans le registre du Symbolique, et dès lors, son inscription, en terme freudien dans un réseau de représentations, en terme lacanien dans une chaîne signifiante, reste en soi problématique. Chez ces alcooliques, l’image spéculaire [32], l’image de soi – mode réflexif, se voir – est précaire voire, dans certains cas, en défaut de représentation. Affirmer que dans cette clinique de l’alcoolisme, le rapport au corps est marqué par un défaut de représentations, d’inscriptions dans une chaîne signifiante, c’est avant tout indiquer que la prise de ce corps dans le réseau langagier de la relation à l’Autre n’est en partie pas assumée ; qu’il s’agit d’une partie du corps qui ne se supporte pas d’un effet de sujet, perdu dans un réel du somatique, du sensoriel, du moteur. « De même, un patient de Michel Lasselin, lequel s’inquiétait à juste titre d’une tuberculose pulmonaire, cliniquement trop évidente à son entrée à l’hôpital, n’accepte les examens proposés que le lendemain matin, après une nuit passée près d’un voisin de chambre qui toussait… La veille, il refusait tout, ‘‘tout allait bien’’. La conscience d’une maladie même somatique ne peut lui venir que répercutée par un autre, comme si cela jouait pour lui le rôle de miroir [33]. » Cliniquement, nous constatons fréquemment à quel point nombre de patients alcooliques accédant aux soins hospitaliers dans un état physique désastreux – dans une espèce d’indifférence absolue – en viennent après quelques jours à se rétablir pour ainsi dire complètement. Généralement, ce lieu hospitalier leur permet, dans le champ du transfert, de capter dans le regard de l’Autre – les soignants, par exemple – la représentation d’une image de leur corps. Il n’est pas rare dans ces conditions de recevoir une demande de check-up complet, de mise au point corporelle dans les domaines les plus divers : ophtalmologie, cardiologie, kinésithérapie, dentisterie, etc. Mais ne nous y trompons pas, cette inscription, cette reconnaissance, ne se réalise trop souvent que seulement sur un mode réel et n’inscrit en rien la marque symbolique dans le corps. Ce corps est trop fréquemment réduit à sa dimension mécanique – le corps réel –, auquel le médecin a à opérer « quelques réglages » pour une remise en état, telle une machine. Pour cette raison, une fois sorti de l’hôpital, l’alcoolique « ne se voit » plus, méconnaît à nouveau son corps.
Le corps, l’acte de boire et la jouissance
24Selon Jacques Lacan, « […] la définition même du corps, c’est que ce soit une substance jouissante… Un corps jouit de lui-même [34] ». C’est l’articulation aux registres symbolique, imaginaire et réel qui permet au corps d’être le lieu d’une jouissance dont le caractère non totalitaire, non brut, la rend praticable pour l’être parlant. Cette jouissance, en terme lacanien, se nomme la jouissance phallique, en terme freudien, l’au-delà du principe de plaisir. Il s’agit d’une jouissance qui en passe par la dimension phallique, autrement dit par une dimension limitée, régie, par la castration, par la division subjective. Comme nous l’avons souligné préalablement, chez nombre d’alcooliques ce rapport au manque dans l’Autre – qui inscrit l’infans dans le registre phallique lors du stade du miroir – est en partie déficient. Dès lors, le corps de l’alcoolique est peu bordé. La distinction entre l’au-dedans et l’au-dehors de ce corps reste floue. C’est un corps marqué d’une manière incertaine, précaire, par les signifiants de l’Autre. Dès lors, si le corps de ces êtres alcooliques n’est pas tout entier pris dans le langage – n’est pas entièrement inscrit dans le registre phallique –, alors le mode de jouissance n’est plus uniquement régi dans une dimension phallique. Ils sont ainsi condamnés à être accaparés, envahis, par un autre mode de jouissance, la jouissance de l’Autre caractérisée par le fait qu’elle se soutient d’un ensemble non limité, non bordé, où l’objet n’est plus interdit. Cette jouissance n’est plus réglée par un manque symbolique, un interdit qui implique un nouage, un arrimage aux mots, mais bien par l’Autre. Jacques Lacan, avec son style singulier, indique que lorsque le registre symbolique n’a pas pu inscrire et ordonner l’être parlant dans une dimension phallique, le corps est alors dans l’incapacité de marquer un écart avec la jouissance. Pour l’écrire autrement, avançons l’idée qu’il n’y a pas eu de possibilité de diviser la jouissance en une jouissance phallique et une jouissance de l’Autre. « Ce dont jouit l’huître ou le castor, personne n’en saura jamais rien, parce que, faute de signifiant, il n’y a pas de distance entre la jouissance et le corps [35]. »
25Ces manifestations cliniques d’un mode de jouir de l’Autre que nous retrouvons partiellement dans l’alcoolisme ont dès lors plusieurs conséquences.
26Premièrement, l’alcoolique ne peut entretenir un lien relationnel à l’objet que sur le mode d’une non-séparation possible. Insistons ici pour indiquer que lorsque nous parlons d’objet, nous ne nous référons aucunement au produit alcool. L’objet [36] que nous évoquons se réfère au résultat de l’opération de découpe par les pulsions sur l’organisme. Cette opération décrite ci-dessus est en défaut chez le sujet alcoolique qui n’a pas pu ainsi se confronter au caractère décevant de l’objet et au caractère irréductible du manque dans l’Autre. D’où ce collage impératif chez l’alcoolique à l’objet et la pauvreté de vie fantasmatique qui en résulte.
27Deuxièmement, l’acte de boire peut être lu comme une tentative d’inscrire, dans le Réel, une place pour le sujet et son corps. Cette inscription ne peut s’établir que dans le champ du Réel étant donné la précarité, la fragilité de l’articulation Imaginaire-Symbolique pour l’alcoolique. Le corps de l’alcoolique se retrouve éjecté, détourné de la scène du monde – scène qui puise ses références dans la dimension symbolique et l’imaginaire. En lieu et place de ce qui manque d’être marqué symboliquement, l’alcoolique pose l’acte de boire. À travers l’alcoolisation, il s’emploie à réaliser et à reproduire – inlassablement – une coupure réelle en lieu et place d’une coupure symbolique, un peu comme si cet acte suppléait la parole. Ce trou symbolique sur le corps, énoncé par Françoise Dolto, est dans cette clinique de l’alcoolisme remplacé par un trou réel. Cet acte de boire est coercitif et itératif car son inscription dans le champ du réel ne permet pas au sujet de repérer la portée de sa répétition.
Troisièmement, si l’acte de boire prémunit l’alcoolique du monde sans limite dans lequel la jouissance de l’Autre l’enkyste – relation néantisante –, il procure et participe néanmoins de ce sans-limite : « Le remplacement de la fonction phallique par un ordonnateur fallacieux rend compte de l’échec de l’alcool dans son statut et produit le sans-fin de la répétition [37]. »
Conclusions
28À travers notre propos, nous avons indiqué qu’un organisme ne suffit pas à produire un corps. La psychanalyse, et plus particulièrement l’approche de Jacques Lacan, nous enseigne qu’il y faut aussi une image. Encore que cette image, pour son assomption subjective, nécessite l’intervention d’un troisième registre, le Symbolique. C’est avant tout à partir de ces trois dimensions – Réel, Imaginaire et Symbolique – qu’un nouage inaugure d’un corps.
29L’hypothèse d’un stade du miroir défaillant dans sa fonction fondatrice d’identité et de sujet chez la personne alcoolique nous a conduit à proposer une lecture pulsionnelle de ce modèle théorique. Avec le ratage du circuit de la pulsion dans son temps réflexif et passif, nous n’avons pas tenté de cerner la cause de l’alcoolisme mais plutôt d’isoler l’une de ces conditions. L’acte coercitif et itératif de boire, les difficultés comportementales chez la personne alcoolique signent pour nous les expressions d’un corps qui est en partie privé de représentations signifiantes. Un peu comme si seules des attaches addictives pouvaient encore donner ancrage, pour certains, à leur corps dans le monde. Aussi, l’acte de boire, par opposition à la parole, préserverait pour ces personnes dépendantes l’Autre de cette entame, de cette béance, qui surgirait lors de toute prise de parole.
30Nous aurions pu également développer dans notre propos le fait que la séparation d’avec l’objet amène parfois certains sujets alcooliques en manque de représentations d’image de soi à les chercher sur le corps anatomique. Il n’est en effet pas rare de constater cliniquement que lorsque certains alcooliques arrêtent de boire, ils développent un grave problème somatique tel que, par exemple, un cancer.
Enfin, peut-être pouvons-nous lire dans l’acte de boire un appel, une provocation afin de faire advenir du sujet. Le mot provocation ne vient-il pas du latin provocare qui signifie appeler vers le dehors ?
Bibliographie
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- Lasselin, M. 1979. Avec des alcooliques, des créateurs… En deçà du miroir, Lille, ifpac.
- Laznik, M.-C. 1998. Des psychanalystes qui travaillent en santé mentale, conférence proférée au congrès sur la psychanalyse de l’enfant, Rio de Janeiro, Colégio freudiano de Rio.
- Stryckman, N. 2002. « Le corps du sujet souffrant », Courrier de Belgique, n° 64, Bruxelles, afb.
- Thibierge, S. 2007. Clinique de l’identité, Paris, puf.
Notes
-
[1]
Jacques Lacan, Les écrits techniques de Freud, Le Séminaire, Livre I (1953-1954), Paris, Le Seuil, 1975, p. 193.
-
[2]
La plupart des citations de Jacques Lacan dans cet article à propos du corps proviennent d’un recueil établi par Louis de La Robertie : Le corps. Textes de Jacques Lacan, Cahier de l’Association lacanienne internationale, Paris, ali, 1984.
-
[3]
Jacques Lacan, Le sinthome, Le Séminaire, Livre XIII (1975-1976), Paris, afi, 2001, p. 16.
-
[4]
Jacques Lacan, « The looking-glass phase », The International Journal of Psychoanalysis, vol. 18, part. I, janvier 1937, p. 78.
-
[5]
Jacques Lacan, « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je », dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 93-100.
-
[6]
Sigmund Freud parle du jugement d’existence et du jugement d’attribution.
-
[7]
Sigmund Freud, « La négation », dans Résultats, idées, problèmes, II. 1921-1938, Paris, puf, 1985, p. 135-141.
-
[8]
L’infans est le terme classique que Lacan utilise pour s’exprimer à propos d’un enfant immature sur le plan moteur, qui ne parle ni ne ressent encore l’unité de son corps.
-
[9]
L’Autre se distingue du semblable, de l’autre. Il s’agit avant tout d’un lieu, lieu du langage, lieu des signifiants. Généralement, c’est la mère qui incarne l’Autre premier pour le sujet. Cet Autre permet à l’infans de se construire une subjectivité à partir de paroles énoncées qui lui sont extérieures et qu’il se réapproprie dans un second temps.
-
[10]
Notons que cette tresse Symbolique-Imaginaire-Réel, ce tissage de la parole, de l’image et du corps anatomo-biologique ne nécessite pas un miroir. Ce qui importe, c’est avant tout le regard et la parole de la mère qui fait office de premier Autre.
-
[11]
Stéphane Thibierge, Clinique de l’identité, Paris, puf, 2007, p. 41.
-
[12]
Notes inédites du séminaire Présence de l’analyste de Stéphane Thibierge tenu à Bruxelles le 22 février 2008.
-
[13]
Françoise Dolto, L’image inconsciente du corps, Paris, Le Seuil, 1984, p. 151.
-
[14]
Jacques Lacan, Les écrits techniques de Freud, op. cit., p. 192.
-
[15]
Sigmund Freud, « Pulsions et destins des pulsions » (1915), dans Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1968, p. 25.
-
[16]
Même si Freud a déjà introduit le terme de pulsion en 1905 dans les Trois essais sur la théorie de la sexualité, ce n’est qu’à partir de « Pulsions et destins des pulsions » qu’il développe et élabore ce concept, qu’il sera par ailleurs amené à revisiter ultérieurement.
-
[17]
Jacques Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Le Séminaire, Livre XI (1964), Paris, Le Seuil, 1973.
-
[18]
Ce « nouveau sujet » dont parle Sigmund Freud est repris par Jacques Lacan sous la notion de « grand Autre », c’est-à-dire le lieu où se structurent les chaînes signifiantes qui permettent l’élaboration des structures langagières et le processus de subjectivation.
-
[19]
Jacques Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, op. cit., p. 162.
-
[20]
Le regard dont nous parlons ici n’a guère à voir avec la vision. Il est avant tout question de présence, d’attention. L’enfant aveugle saisit ce regard via d’autres voies comme le toucher ou l’ouïe. C’est dans ce sens qu’il s’agit d’entendre les psychanalystes lorsqu’ils parlent du regard fondateur de l’Autre.
-
[21]
Marie-Christine Laznik, Des psychanalystes qui travaillent en santé mentale, conférence proférée au congrès sur la psychanalyse de l’enfant, Rio de Janeiro, Colégio freudiano de Rio, 1998.
-
[22]
La jouissance phallique de l’Autre est une jouissance marquée, limitée par la castration qui est indispensable pour la structuration de l’appareil psychique. Nous ne pouvons pas tout être, tout avoir.
-
[23]
Françoise Dolto, L’image inconsciente du corps, op. cit., p. 148.
-
[24]
Raison pour laquelle Jacques Lacan avance cette thèse fondamentale que le sujet est toujours effet d’un signifiant qui le représente pour un autre signifiant.
-
[25]
Jean-Paul Descombey, L’homme alcoolique, Paris, Odile Jacob, 1998, p. 74.
-
[26]
Nicole Stryckman, « Le corps du sujet souffrant », Courrier de Belgique, n° 64, Bruxelles, afb, 2002, p. 14-22.
-
[27]
Michel Lasselin, Avec des alcooliques, des créateurs… En deçà du miroir, Lille, ifpac, 1979, p. 33.
-
[28]
C’est la voix de l’Autre, ses signifiants qui règlent la netteté de l’image par l’inclination du miroir plan.
-
[29]
Suzanne Ginestet-Delbreil, « Deuil et pathologies addictives », dans La terreur de penser. Sur les effets transgénérationnels du trauma, Plancoët, Diabase, 1997, p. 51-79.
-
[30]
À l’exception des sujets alcooliques qui se révèlent avoir une structure psychotique.
-
[31]
Michel Lasselin, Avec des alcooliques, des créateurs…, op. cit., Lille, ifpac, 1979, p. 47.
-
[32]
L’image spéculaire ressort non seulement du registre de l’Imaginaire mais également du registre du Symbolique. En effet, la reconnaissance liée à l’association du prénom (3e temps de la pulsion invoquante pour l’infans) et de la reconnaissance de l’image dans le miroir (3e temps de la pulsion scopique pour l’infans) est un « acte » symbolique.
-
[33]
Jean-Paul Descombey, L’homme alcoolique, op. cit., p. 73.
-
[34]
Jacques Lacan, Le Séminaire, Livre XXI (1973-1974), Les non-dupes errent, Paris, afi, 2001, p. 113.
-
[35]
Jacques Lacan, Le Séminaire, Livre XVII (1969-1970), L’envers de la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1991, p. 206.
-
[36]
Il serait plus pertinent de parler des objets et non de l’objet. Ces objets (le regard, la voix, les fécès, le sein) s’articulent dans le fantasme au sujet.
-
[37]
Michel Lasselin, Avec des alcooliques, des créateurs…, op. cit., p. 104.