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Article de revue

Familles : aborder sereinement leurs transformations

Les apports des sciences sociales

Pages 9 à 20

Notes

  • [1]
    Marie Balas, Josselin Tricou, « Nous, maintenant, on veut poursuivre cette occupation de la rue » : les catholiques attestataires entre contre-culture, mission et défense patrimoniale », Social Compass, 1–13, 2019.
  • [2]
    6 000 en 2018, un peu plus de 7 000 en 2017.
  • [3]
    Les débats actuels se sont déplacés et portent désormais sur l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, sur la GPA (gestation pour autrui) et sur l’homoparentalité.
  • [4]
    Anne Cadoret, « La parenté aujourd’hui : agencement de la filiation et de l’alliance », Sociétés contemporaines n° 38, 2000, p. 5-19.
  • [5]
    Ce n’est que récemment (loi du 4 juin 1970 en France) que la puissance paternelle traditionnelle est devenue l’autorité parentale dans la plupart des pays occidentaux.
  • [6]
    Voir, pour une synthèse, Alain Bihr et Roland Pfefferkorn, Hommes-Femmes, quelle égalité ? Paris, Éditions de l’Atelier, 2002.
  • [7]
    Nous pensons notamment aux travaux de François de Singly ou de Jean-Claude Kaufmann.
  • [8]
    Anne-Marie Devreux, « Sociologie contemporaine et renaturalisation du féminin », in Delphine Gardey, Ilana Löwy (dir.), L’Invention du naturel. Les sciences et la fabrication du féminin et du masculin, Éditions des Archives contemporaines, Paris, 2000, p. 125-135. Cf. aussi Roland Pfefferkorn, Genre et rapports sociaux de sexe, Lausanne/Paris, Page deux/Syllepse, 2016 [3e éd. revue et augmentée].
  • [9]
    Cf. par exemple Claudine Attias-Donfut, Martine Segalen, Grands-parents. La famille à travers les générations, Odile Jacob, Paris, 1998 ; ou Alain Bihr, Naoko Tanasawa (éds.), Les Rapports intergénérationnels en France et au Japon, L’Harmattan, collection « Logiques sociales », 2005.
  • [10]
    Cf. Nathalie Bajos, Michel Bozon, Enquête sur la sexualité en France. Pratiques, genre et santé. La Découverte, « Hors Collection Social », 2008. Cf. aussi Raison présente, « Sexualités. Normativités », n° 183, 3e trimestre 2012.
  • [11]
    Cf. Wilfried Rault, L’Invention du PACS. Pratiques et symboliques d’une nouvelle forme d’union, Presses de la Fondation des matinales des sciences politiques, 2009. Cf. aussi Wilfried Rault, « Les fiançailles au début du xxie siècle. Entre survivance et renouveau », Recherches familiales, 2018/1, n° 15, p. 27 à 40. L’auteur note que les fiançailles actuelles renvoient à une réalité hétérogène qui traduit à la fois un mouvement de recomposition et de survivance de pratiques anciennes. On observe une diversité de pratiques révélatrices d’une mutation du rite. Les fiançailles ne sont pas systématiquement indexées à certaines configurations matrimoniales, elles sont déployées aussi dans le cadre de mariages non religieux, précédés de cohabitations longues, voire de naissances et d’autres relations de couple ou relations amoureuses. C’est cette diversité qui explique qu’en définitive le phénomène est, statistiquement, loin d’être négligeable.
  • [12]
    Cf. Roland Pfefferkorn, « Durkheim et l’unité organique de la société conjugale », in D. Chabaud-Rychter, V. Descoutures, A.-M. Devreux, E. Varikas (coord.), Sous les sciences sociales, le genre. Relectures critiques, de Max Weber à Bruno Latour, Paris, La Découverte, 2010, p. 40-51.
  • [13]
    Rappelons cependant que le concubinage était la norme dans le monde ouvrier du xixe siècle.
  • [14]
    Cf. Marie-Agnès Barrère-Maurisson, « L’évolution des rôles masculin et féminin au sein de la famille », Les Cahiers français : documents d’actualité, La Documentation française, 2012, numéro spécial : « Comment va la famille ? » (371), p. 22-29. Voir aussi Roland Pfefferkorn, « Le partage inégal des tâches ménagères », Les Cahiers de Framespa, n° 7, 2011, mis en ligne le 15 avril 2011, consulté le 21 janvier 2019. <http://journals.openedition.org/framespa/646>.
  • [15]
    Louis Roussel, La Famille incertaine, Paris, Odile Jacob, 1989. Voir aussi Francois Héran, « Louis Roussel (1921-2011) », Population, 2010/4 vol. 65, p. 621- 626.
  • [16]
    « Louis Roussel distingue cinq types de familles : la « famille traditionnelle », aujourd’hui disparue, qui se contentait d’un régime affectif « tiède », scandé de loin en loin par des fêtes chargées de réactiver la tension ; la « famille moderne », née au xixe siècle, où l’on poursuivait raisonnablement le bonheur dans le respect de l’institution matrimoniale ; la « famille fusionnelle », qui relègue le mariage à un simple rite formel, en s’efforçant de « prolonger la ferveur aussi longtemps que possible » ; la « famille-club », où les partenaires ont fait leurs calculs et se contentent d’un « concordat » fondé sur le donnant-donnant ; la « famille-histoire », enfin, où les conjoints travaillent à relever le « défi du désenchantement » par un long travail d’accommodement – type auquel allait clairement sa préférence » (François Héran, « Louis Roussel (1921-2011) », Population, 2010/4 vol. 65, p. 623).
  • [17]
    Héran François, « Louis Roussel (1921-2011) », Population, 2010/4 vol. 65, p. 624.
  • [18]
    Cf. Jacqueline Heinen, Helena Hirata et Roland Pfefferkorn (dir.), Cahiers du genre, n° 46, « État/Famille/Travail : “Conciliation” ou Conflit ? », Paris, L’Harmattan, 2009. Cf. aussi Jacques Commaille et Claude Martin, Les Enjeux politiques de la famille, Paris, Bayard, 1998 ; et Claude Martin, « Atouts et impasses du familialisme français » in Pierre Strobel, Penser les politiques sociales, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2008, p. 153-158.
  • [19]
    Cf. Remi Lenoir, Généalogie de la morale familiale, Paris, Seuil, 2003.
  • [20]
    Irène Théry, « Mariage pour tous et homoparentalité. Des révélateurs du droit commun de la filiation », Dialogue, 2013/2, n° 200, p. 61-72. Je reprends ici l’essentiel de ses arguments.
  • [21]
    Claude Lévi-Strauss, L’Anthropologie face aux problèmes du monde moderne, Seuil, 2011, p. 73 et p. 74. L’ouvrage posthume rassemble des conférences données à Tokyo en 1986.
  • [22]
    Marianne, 4 février 2013.
  • [23]
    Le Monde, 17 novembre 2012.
  • [24]
    Maurice Godelier, Métamorphoses de la parenté, Flammarion, coll. « Champs », 2010 [1re éd. 2004]. Nous nous appuyons largement sur cet ouvrage pour l’essentiel des développements qui suivent. Pour davantage de précisions on pourra s’y référer.
  • [25]
    Si je descends de mon père, du père de mon père, etc., on a affaire à une descendance (ou une filiation) patrilinéaire. Si je descends de ma mère, de la mère de ma mère, etc., nous sommes dans le cas d’une descendance (ou filiation) matrilinéaire. Dans les systèmes patrilinéaires et matrilinéaires, il n’existe qu’un seul principe de descendance, donc de transmission de l’identité, des biens, du statut, des droits, des devoirs, etc. : ce sont des systèmes unilinéaires. Il existe aussi des sociétés où les deux principes se combinent, quand un individu appartient à la fois au clan de son père et au clan de sa mère, mais reçoit de chacun des choses distinctes (par exemple d’un côté son nom et un statut politique et de l’autre des droits sur une terre et des fonctions religieuses). Ce sont alors des systèmes ambi-linéaires. Dans des systèmes bilinéaires parallèles, les fils appartiennent au clan du père, les filles au clan de la mère, dans des systèmes bilinéaires croisés, les fils appartiennent au groupe de la mère et les filles au groupe du père. Enfin, la descendance peut passer indifféremment par les hommes et par les femmes : on a alors un système indifférencié ou non linéaire ou encore cognatique. Ce dernier cas est celui de la France et des pays européens, mais aussi d’autres sociétés (Polynésie, Indonésie…), l’individu descend aussi bien de ses parents paternels que de ses parents maternels. Les systèmes de parenté répondent aussi à d’autres questions concernant la résidence du groupe familial, la terminologie employée pour nommer les membres de la parenté, la définition d’un enfant et les interdits sexuels entre parents.
  • [26]
    Il a aussi existé dans l’Antiquité (Égypte, Perse) des formes d’alliances sans échange : les mariages frère-sœur à l’intérieur de la famille, du lignage ou du clan.
  • [27]
    La référence au biologique persiste. Par exemple, l’adoption en Europe et aux États-Unis fait encore référence au modèle d’une lignée familiale fictive, elle déplace la lignée familiale réelle des parents biologiques qui disparaissent légalement.

1Il y a six ans, le 23 avril 2013, le Parlement français adoptait définitivement la loi autorisant le mariage civil pour les personnes de même sexe. Il s’inscrivait alors dans le mouvement entamé par un certain nombre d’autres pays. Moins d’un mois plus tard, cette loi fut validée par le Conseil constitutionnel, alors que pendant les mois qui ont précédé, plus d’un million de personnes avaient manifesté contre ce texte, à l’instigation notamment des activistes catholiques traditionnalistes de La Manif pour tous, du Printemps français ou de Civitas. Les représentants de ce catholicisme intransigeant qui présentaient cette loi comme une « rupture anthropologique majeure » se sont approprié durant cette mobilisation des dispositifs de la protestation de rue parmi les plus modernes [1]. La tradition chrétienne condamnait ces mariages homosexuels tandis que psychanalystes et psychologues étaient nombreux à penser que l’équilibre psychique d’un enfant impliquait la présence d’un père et d’une mère. Certains anthropologues, rares cependant, pensaient encore la parenté comme l’alliance entre deux groupes à travers un homme et une femme.

2Six ans après, la plupart de ses détracteurs ne s’opposent plus au mariage homosexuel. Entre-temps, près de 50 000 couples homosexuels se sont mariés. Environ 6 000 à 7 000 mariages entre personnes de même sexe sont célébrés chaque année [2], soit un peu moins de 3 % du nombre total des mariages. Nombre d’hommes politiques, comme Alain Juppé ou Édouard Philippe, ont regretté publiquement d’avoir voté contre ce texte. Même Laurent Wauquiez, participant assidu aux manifestations contre le texte, a déclaré ne plus souhaiter l’abroger [3]. Enfin, les enquêtes d’opinion montrent que deux tiers environ des personnes interrogées sont opposés à l’abrogation de la loi. La loi sur le mariage pour tous est entrée dans les mœurs.

3Depuis un demi-siècle déjà, de nouvelles formes familiales avaient émergé : familles concubines, recomposées, adoptives, familles faisant appel à l’aide médicale à la procréation, familles d’accueil et enfin familles homosexuelles. Mais c’est la famille concubine qui est, depuis deux décennies au moins, la forme la plus commune de famille [4]. 60 % des enfants naissent hors mariage dans ce type de famille en 2018. La statistique des naissances dites auparavant naturelles (et même, avant 1972, illégitimes) illustre une transformation radicale de la nature même de la famille et du mariage dans les faits comme dans le droit. L’effacement progressif des formes les plus caricaturales du patriarcat et l’abandon des références au chef de famille [5] se sont accompagnés d’une égalisation (certes très imparfaite) des statuts des hommes et des femmes [6], mais aussi des enfants (qu’ils soient naturels, légitimes ou même adultérins).

4Il y a quelques décennies, le mariage était la seule manière de légitimer une vie en couple. Le concubinage ne bénéficiait pas d’une reconnaissance légale suivant l’adage juridique attribué à Napoléon Bonaparte : « Les concubins ignorent la loi, la loi les ignore ». La vie familiale n’est désormais plus ordonnée autour d’un mariage. Celui-ci a perdu son monopole pour l’entrée dans la conjugalité. Il n’est plus un engagement essentiellement patrimonial, mais un engagement individuel révocable. Motivé par les sentiments, il n’est plus qu’une enveloppe juridique pour la sécurité matérielle des conjoints et n’a plus pour vocation essentielle d’établir la filiation paternelle. Le déclin du mariage religieux est déjà ancien, le déclin du mariage civil au profit de la cohabitation et de l’union libre s’amorce significativement à partir des années 1970, de même que la montée des divorces et des séparations et plus largement la diversification des modèles familiaux. Plusieurs séquences de vie familiale différentes peuvent se succéder, sans d’ailleurs nécessairement passer par la case mariage. Ajoutons à cette liste la progression de la monoparentalité, le plus souvent des femmes élevant seules leurs enfants, l’apparition de l’homoparentalité sur la scène publique, le développement du génie génétique et de la procréation médicale assistée.

5Le courant qui a bénéficié de la plus grande visibilité dans le champ de la sociologie de la famille en France a privilégié un paradigme contractuel dans ses analyses des relations au sein de la famille et du couple [7]. Les hommes et les femmes y sont le plus souvent envisagés comme des partenaires équivalents du point de vue de leur « liberté contractuelle » et les rapports sociaux de sexe sont ramenés en fin de compte aux seuls rapports conjugaux [8]. Les auteurs de ce courant ont par ailleurs eu tendance à réduire la sociologie de la famille à une sociologie du couple, voire de l’individu, négligeant quelque peu les rapports intergénérationnels malgré le grand nombre de travaux pourtant menés sur ces aspects tout au long des années 1980 et 1990 [9]. Les anthropologues, qui ont étudié un grand nombre de sociétés et les ont comparées entre elles dans le temps et dans l’espace, ont davantage mis l’accent sur les règles sociales qui président à la formation d’une famille, notamment les règles de filiation, de descendance et d’alliance. Ces règles forment ce que l’on appelle le système de parenté dont l’enjeu ultime est le contrôle et l’appropriation des enfants. Partout ces systèmes de parenté ont été dynamiques, ils n’ont cessé d’évoluer et continuent de le faire. Au fur et à mesure de leurs transformations, les formes de la parenté et de la famille ont été à chaque fois renouvelées. Ces spécialistes soulignent un fait essentiel, à savoir que ces systèmes de parenté, partout dans le monde et à toutes les époques, ont massivement privilégié la dimension sociale – et non la dimension biologique.

Des transformations majeures : les formes familiales

6Trois grands types de changements, étroitement liés, affectif, juridique et technologique, ont contribué à transformer les formes familiales et les modalités de leur constitution (et celles de leur éventuelle dissolution). Ces changements affectent notamment la sexualité, la procréation et les modalités de la mise en couple. La sexualité est désormais dissociée de la procréation. La maîtrise de la procréation par les femmes a été rendue possible par le développement des méthodes de contraception médicales et les changements législatifs (légalisation de la contraception médicale en 1967 et dépénalisation de l’avortement en 1975). Grâce aux avancées techniques en matière de procréation, la reproduction peut se passer de sexualité. Grâce aux avancées en sciences génétiques, l’établissement du lien de filiation paternelle est maintenant biologiquement indiscutable. La sexualité participe désormais à l’épanouissement individuel plus qu’à la reproduction humaine [10]. L’homosexualité apparaît comme une sexualité, qui n’est plus ni une pathologie ni une perversion. L’amour est central dans la constitution et la survie des couples. L’enfant, plus rare, mais plus souvent désiré, est l’objet de toutes les attentions et devient le cœur de la famille. Il n’est plus nécessairement le fruit d’un rapport sexuel (légitimé ou non par le mariage), mais peut désormais n’être que le fruit d’un désir, même sans rapport sexuel. Les minorités sexuelles réclament dorénavant les mêmes droits que la majorité, c’est-à-dire de vivre leur sexualité autre, tout en satisfaisant leur désir d’enfant. Avec les techniques médicales actuelles, deux femmes peuvent assumer le processus de la maternité. De la même manière, certains hommes stériles peuvent préférer que le sperme d’un autre homme féconde leur compagne plutôt que de ne pas être père.

7Le déclin du mariage (annuellement 500 000 célébrations civiles après la Seconde Guerre mondiale, 416 500 en 1972 lors du dernier pic, à peine 235 000 en 2018) s’accompagne de la montée du divorce (passé de 10 % des mariages à plus de 50 % d’entre eux) et du Pacte civil de solidarité (Pacs), une forme d’union très imparfaite, car ne conférant pas les mêmes droits que le mariage. Créé en 1999, dans un contexte de très vives controverses, il correspondait à 7 % du nombre des mariages en 2000, autour de 80 % ces dernières années. Depuis sa création, 2,6 millions de contrats ont été signés, très majoritairement entre des partenaires hétérosexuels qui y voient une alternative ou un préalable à un mariage, un peu comme si, pour certains, le Pacs remplaçait la période probatoire des fiançailles. Wilfried Rault parle à ce propos de « mariage à l’essai ». Lors de ses enquêtes, il a constaté que pour certains couples pacsés, le mariage restait « un idéal ». Le Pacs prend alors clairement une « dimension probatoire » [11]. Même si les séparations restent souvent conflictuelles, elles sont devenues acceptables, plus nombreuses et plus aisées, le divorce par consentement mutuel a été adopté en 1975, trois quarts de siècles après les premiers débats houleux sur cette question, au cours desquels Durkheim s’était retrouvé, avec l’Église catholique, parmi ses opposants les plus farouches [12]. L’opinion selon laquelle le mariage peut être rompu par simple accord des époux est désormais défendue par une large majorité de la population, ce qui n’était pas encore le cas à la fin du xxe siècle.

8La famille traditionnelle ne se comprenait qu’organisée autour du mariage. Unions libres et concubinages ont cependant été tolérés et reconnus au fur et à mesure de leur montée en puissance depuis près d’un demi-siècle [13]. L’homophobie est désormais condamnée en France comme dans la plupart des pays et le mariage homosexuel est reconnu année après année dans un nombre croissant de pays. D’autres formes familiales peuvent naître, avec des enfants vivant avec l’un de leurs parents et son nouveau conjoint. Monoparentalité, recompositions et homoparentalité se sont imposées comme sujets de débats appelant des transformations du droit. Tous ces changements sont inscrits dans le contexte plus général de l’arrivée massive à partir des années 1960 des femmes dans le monde professionnel et la redistribution des rôles des hommes et des femmes au sein des familles, même si celle-ci reste encore limitée [14]. Bref, la diversité des formes de familles est progressivement devenue visible. Le droit a dû s’adapter pour absorber les transformations familiales à l’œuvre. Alors qu’il encadrait, désormais il enregistre. Il s’efforce à présent de suivre les vicissitudes conjugales. Ses avancées traduisent et assimilent les aspirations grandissantes à l’égalité.

Affaiblissement de l’institution familiale et reconfiguration des rôles familiaux

9Il y a trente ans, le sociologue français Louis Roussel avait déjà exposé dans son livre, La Famille incertaine[15], les principales transformations connues par les familles. Même s’il utilisait parfois des catégories très normatives, il a su entrevoir très tôt les bouleversements en cours des familles qui ne se conforment plus à un modèle unique, mais prennent beaucoup d’autres formes [16]. L’attitude de Louis Roussel à l’égard de ces transformations familiales était ambivalente. Tout en niant toute visée normative, le sociologue s’inquiétait du processus de « désinstitutionnalisation généralisée » et de l’« oblitération du sens » qui menaçait, selon lui, de saper une société sans projet commun. Dans sa conception, la famille restait le fondement de la société. En tant que démographe et moraliste, Roussel « se rattache en fin de compte, suivant François Héran, à la longue chaîne des auteurs qui portent sur l’évolution sociale un regard désabusé et pessimiste, que l’on pourrait volontiers qualifier de conservateur, mais à la manière dont Tocqueville ou Durkheim étaient conservateurs » [17]. Mais c’est précisément de leur nostalgie d’un ordre social et familial passé que ces moralistes conservateurs pouvaient saisir l’ampleur des mutations en cours.

10Les mutations familiales doivent bien sûr être examinées d’un point de vue sociologique et non d’un point de vue normatif, idéologique ou religieux. Les relations familiales sont toujours compliquées et au moins potentiellement conflictuelles. En France et plus généralement dans les sociétés occidentales, jusqu’au début du vingtième siècle et même plus tard, la famille était une institution fortement hiérarchisée (avec bien sûr un homme, mari et père, au sommet de la famille) ; le recours à la violence à l’encontre du conjoint ou des enfants n’était pas inhabituel et, malgré la diversité des systèmes familiaux ou des formes familiales, la micro-institution était marquée par des rapports foncièrement inégaux. La famille était basée sur un mariage quasi indissoluble sauf lorsqu’il était interrompu par la mort d’un des membres du couple.

11Le divorce par consentement mutuel n’était pas possible à cette époque. Les mères célibataires étaient stigmatisées, les enfants illégitimes exclus, les enfants non désirés souvent abandonnés ou confiés à d’autres. Les rôles des hommes et des femmes dans la famille étaient figés et complémentaires — et bien sûr profondément inégaux. Les pères devaient exercer des activités professionnelles en tant que travailleurs salariés ou comme indépendants (dans de petites exploitations agricoles ou dans des activités artisanales), ils avaient comme fonction d’apporter des ressources monétaires à la famille et les mères étaient responsables des tâches ménagères et des soins aux enfants, activités considérées comme allant de soi, relevant en quelque sorte de leur nature et non considérées comme étant un travail. Ce modèle familial a servi de référence pour la politique familiale et les politiques publiques en général [18]. La politique familiale était caractérisée par un fort « familialisme », au cours du soi-disant « âge d’or » (1945-1965) de cette politique. Le familialisme pense la famille comme une structure de référence, une matrice cognitive, un enjeu et un instrument de luttes symboliques, politiques et sociales. La famille serait le modèle moral dominant dans la société qui tirerait son efficacité de son apparence pseudo-naturelle [19].

12La relation conjugale et le statut des enfants ont progressivement changé, d’abord lentement dans les années 1960, puis plus rapidement par la suite. Le mariage fondé sur l’amour devient le nouvel idéal matrimonial, c’est désormais d’abord un choix des conjoints et les liens de mariage peuvent se dissoudre plus facilement. Cependant, la famille, en tant que telle, malgré ou en raison de ses transformations — notamment l’affaiblissement de l’institution et la déspécialisation des rôles en son sein —, demeure une institution particulièrement valorisée. La grande majorité (plus de 80 %) des Français manifeste toujours cet attachement à la famille dans les réponses données aux enquêtes « Valeurs » réalisées tous les dix ans, contre moins de 15 % pour la religion ou la politique. Ce chiffre est significatif, même si les personnes qui répondent à ces enquêtes peuvent avoir des conceptions très différentes de la famille.

Comment le mariage a changé de finalité

13Pour le droit, le mariage civil était « par définition », nous explique Irène Théry [20], l’union d’un homme et d’une femme, « parce que son cœur d’institution civile était la présomption de paternité », suivant la formule du juriste Jean Carbonnier : « Le cœur du mariage, ce n’est pas le couple, c’est la présomption de paternité », formule elle-même inspirée du célèbre adage du droit romain Pater is est quem nuptiae démonstrant (« Le père est celui que les noces désignent »). Or, le mariage a connu un bouleversement majeur quand la paternité et la filiation se sont autonomisées du mariage à un point tel que l’on a fini en 2005, par supprimer purement et simplement en droit la distinction qui autrefois organisait entièrement le monde familial et social en opposant l’honneur d’un côté et la honte de l’autre : filiation légitime versus filiation naturelle.

14Juridiquement, de 1792 à 1912, il y eut, en regard de la présomption de paternité en mariage, son envers aujourd’hui bien oublié, l’interdiction de recherche en paternité hors mariage. En dehors du mariage, les enfants n’avaient pas de père et pas de famille. Les jeunes filles et les femmes non mariées qui se retrouvaient enceintes portaient seules le poids de la réprobation sociale et elles ne pouvaient jamais se tourner vers le géniteur de leurs enfants pour réclamer ne serait-ce qu’un secours financier. Les « filles mères » et les « bâtards » étaient des parias sociaux. L’enfant naturel n’avait pas de famille au sens de la transmission du patrimoine : il n’héritait pas de ses grands-parents. Ce changement, amorcé en 1972, a été parachevé en 2005.

15On observe un premier mouvement vers l’égalisation des droits des enfants, que leurs parents soient mariés ou non mariés. Dans ce cadre, trois dates clés sont à retenir :

16– 1912. Cette date marque la fin de l’interdiction de recherche en paternité pour les enfants nés hors mariage.

17– 1972. Une grande réforme de la filiation consacre désormais l’égalité des enfants légitimes et naturels, y compris adultérins. Elle a comme conséquence majeure le détachement de la notion de famille de celle de mariage. À partir de cette loi, la famille hors mariage (dite aussi naturelle) existe juridiquement et l’enfant naturel s’inscrit dans la transmission entre les générations : il hérite désormais de ses grands-parents.

18– 2005. Les notions mêmes de filiation légitime et de filiation naturelle qui organisaient tout l’univers de la famille du Code Napoléon sont définitivement abandonnées. La distinction entre ces deux types de filiation, présentes dans le Code civil depuis 1804, avait en effet perdu toute portée depuis que le législateur avait consacré en 1972 l’égalité entre les enfants quelle que soit leur filiation.

19La filiation sera désormais établie des manières suivantes : la mère n’aura pas à procéder à la reconnaissance de son enfant, même si elle n’est pas mariée ; la filiation maternelle sera simplement établie par la désignation de la mère dans l’acte de naissance de l’enfant ; la présomption de paternité du mari, qui établit automatiquement la filiation à son égard, est conservée ; les pères non mariés devront toujours procéder à une démarche de reconnaissance pour que la filiation soit établie.

20Dans le passé, la présomption de paternité avait pour objet d’asseoir les pouvoirs d’un homme sur les membres de sa famille en tant que chef. Aujourd’hui cette présomption de paternité tend davantage à assurer un père à l’enfant et ses droits sur sa succession. En outre, pour ce qui est des enfants nés hors mariage non reconnus par le père, durant toute la minorité de ces derniers, la mère peut intenter une action en recherche de paternité. Si l’homme refuse de se soumettre aux tests génétiques, il sera présumé père. Par contre, si la science permet aujourd’hui d’établir avec certitude la paternité ou la non-paternité biologique d’un homme, ce dernier ne peut plus aujourd’hui, de sa seule initiative, quand il a un doute sur cette dernière, recourir aux tests et intenter une action en désaveu de paternité sans l’accord d’un juge.

21Un second mouvement peut être identifié : celui de l’égalisation des droits des enfants, que leurs parents soient unis ou séparés. Ici on retiendra deux dates clés : 1987 avec la création de l’autorité parentale conjointe postdivorce de la loi Malhuret du 22 juillet 1987 et 2002 avec l’inscription dans le droit du principe de coparentalité postdivorce. La paternité est désormais séparée du mariage ou même de l’union. Alors qu’auparavant la mise en pointillé du père était considérée comme une « fatalité » du divorce, la coparentalité rééquilibre l’asymétrie des sexes au profit d’une responsabilisation accrue et de droits mieux assurés aux pères divorcés ou séparés.

22Le mariage a beaucoup changé. Sa finalité n’est plus la même. Il ne consacre plus la filiation, mais le couple. Libre, égalitaire, dissoluble par la commune volonté des parties, il n’est plus le symbole d’un carcan, d’un ordre familial patriarcal. Il est redevenu désirable, y compris pour des couples homosexuels, parce qu’il a changé de contenu et n’est plus socialement obligatoire ou indissoluble. De ce fait, la cérémonie civile en mairie a retrouvé une fonction symbolique, un temps moins perçue, qui est d’honorer le couple qui vient s’engager civilement, entouré de ses parents et amis.

L’apport de l’anthropologie de la parenté : filiation et alliance

23Pour les anthropologues, la famille est une unité sociale de procréation ou d’adoption des enfants et de leur élevage par des adultes qui ont vis-à-vis d’eux des droits et des devoirs. Dans toute société, la formation d’une famille obéit à un ensemble de règles sociales qu’on appelle le système de parenté. Les rapports de parenté sont des rapports sociaux qui organisent les alliances entre les individus et les groupes et qui déterminent l’appropriation des enfants. Dans toutes les sociétés, l’enjeu des rapports de parenté est le contrôle et l’appropriation des enfants. Mais si l’enfant signifie « transmission » de rapports sociaux, de statuts, d’attributs, etc., ce sont des réalités qui ne se confondent en rien avec des réalités biologiques et génétiques.

24Par-delà leurs désaccords théoriques parfois importants, par exemple sur les interprétations de l’inceste, Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier ou Maurice Godelier s’accordent sur l’essentiel, à savoir que partout et en tout temps, dans l’histoire des sociétés humaines, les systèmes de parenté ont privilégié la dimension sociale. Ce que Claude Lévi-Strauss formulait ainsi : « Le conflit qui nous embarrasse tellement entre la procréation biologique et la paternité sociale n’existe pas dans les sociétés qu’étudient les anthropologues. Elles donnent sans hésiter la primauté au social, sans que les deux aspects se heurtent dans l’idéologie du groupe ou dans l’esprit des individus ». Il ajoutait plus loin : « L’anthropologie révèle que ce que nous considérons comme “naturel” se réduit à des contraintes et à des habitudes mentales propres à notre culture » [21]. Autrement dit, pour Lévi-Strauss, il n’y a pas d’invariant anthropologique en matière d’arrangements matrimoniaux, de parentalité ou de filiation. Françoise Héritier expliquait que « le mariage homosexuel obéit à la nouvelle donne (l’amour) à quoi s’ajoute l’exigence d’égalité entre citoyens, et (qu’) il n’enfreint nullement les règles civiles ou canoniques de la prohibition de l’inceste » [22]. De même, Maurice Godelier explique que si « les notions de paternité et de maternité ont deux dimensions, biologique et sociale dans l’histoire, la plupart des sociétés ont mis en avant le social ». La nôtre tend à l’inverse, précise-t-il, mais aujourd’hui, au sein des familles recomposées, la parenté sociale s’étend. On attend du nouveau compagnon ou de la nouvelle compagne qu’ils se comportent comme des pères et des mères vis-à-vis des enfants conçus par d’autres. » [23]

25Dans sa synthèse magistrale des connaissances et des savoirs accumulés sur la parenté [24], Maurice Godelier compare 186 sociétés et fait l’inventaire des systèmes de parenté aujourd’hui connus, démonte leurs logiques et adopte un angle de vue historique. Il montre que, nulle part, la rencontre physique des corps d’un homme et d’une femme ne suffit à faire un enfant, et qu’une instance tierce – ancêtre, divinité ou puissance surnaturelle – intervient toujours pour lui donner vie et l’introduire dans le monde social. Il explique que dans toutes les sociétés, les parents assument un ensemble de fonctions (les principales sont engendrer les enfants, leur donner un nom, assumer des devoirs comme élever, nourrir et protéger, exercer son autorité et s’interdire l’inceste). Ces fonctions sont universelles. Ce qui varie, ce sont les personnes qui les assument. Il introduit son ouvrage et clôt sa démonstration par l’évocation des transformations à l’œuvre au sein des sociétés occidentales, qui ont vu progressivement changer le rapport des individus à la sexualité, les relations entre les sexes, et la place de l’enfant. S’appuyant sur un certain nombre de travaux ethnologiques et sociologiques réalisés en France et dans les pays anglo-saxons, il établit un double constat : celui d’une montée en puissance des liens de parenté sociaux au sein des familles contemporaines et celui de la disjonction de la filiation et de la procréation au fondement de la définition de la parenté en Occident.

26Les règles de filiation et de descendance et les règles d’alliance sont extrêmement diverses dans les sociétés étudiées par les anthropologues. Les règles de filiation permettent d’établir les parents (les géniteurs dans le cas d’une filiation biologique, ou les parents d’adoption dans le cas d’une filiation sociale). Les règles de descendance permettent de dire de qui je descends [25]. En France, le système de parenté est indifférencié, avec une inflexion patrilinéaire dans la mesure où c’était le nom du père qui se transmettait automatiquement aux enfants. Cela vient de changer, on peut désormais choisir de porter à sa majorité le nom de sa mère par exemple. Mais du fait que l’on descende aussi bien par les hommes que par les femmes d’ancêtres communs, masculins et féminins, filiation et descendance sont confondues parce qu’elles se recouvrent dans la pratique. On est « fils de » son père et de sa mère, qui sont eux-mêmes « fils de » et « fille de » leur père et de leur mère, etc. Depuis la fin de la République romaine, l’armature formelle de la parenté européenne est une figure particulière du système de parenté dit « eskimo », mais son contenu culturel n’a rien à voir avec les mythes et les pratiques des Inuits. Son contenu, pendant plus d’un millénaire, fut celui des représentations et des valeurs du christianisme.

27Les règles d’alliance n’impliquent pas forcément mariage : dans certaines sociétés, l’alliance de deux familles (celles des conjoints) ne donne pas lieu à un mariage (le couple commence à vivre ensemble avec l’autorisation de leurs familles et leur union devient publique, mais sans cérémonie ni sacrement) ; dans d’autres sociétés il y a mariage. Les règles d’alliance s’accompagnent d’échange le plus souvent, mais pas toujours : échanges des femmes par les hommes, des hommes par les femmes, ou encore le don réciproque entre deux familles d’un homme et d’une femme [26]. Les règles d’alliance impliquent selon les cas un ou plusieurs conjoints : on rencontre des alliances polygames unissant un homme à plusieurs femmes (polygynie) ou une femme à plusieurs hommes (polyandrie) et des alliances monogames.

28*

29Les systèmes de parenté ont évolué dans l’histoire et continuent de le faire aujourd’hui. L’ancien système de parenté des Romains est passé du type « soudanais » au type dit « eskimo » qui est toujours en usage dans le monde occidental. Or ce type dit « eskimo » est un cadre qui a historiquement facilité la multiplication des familles nucléaires. Il a accompagné la disparition des clans et des lignages, lorsqu’ils existaient. C’est dans ce cadre nouveau que la famille a évolué au cours des siècles, fortement modelée par le christianisme qui a notamment fait du mariage un sacrement et qui a imposé la monogamie et interdit le divorce. Au cours des dernières décennies, c’est désormais la famille standard, institution quasi-indissoluble d’avant les années 1975, qui est concurrencée par de nouvelles formes familiales, notamment les familles monoparentales et les familles recomposées, et plus marginalement depuis 2013 les familles homosexuelles. En 2018, près de 20 % des enfants de sept à treize ans vivent dans des familles monoparentales et autour de 10 % dans des familles recomposées.

30En outre le mariage a clairement changé de finalité : il ne consacre plus la filiation, mais le couple, un couple fondé sur l’amour et désormais plus fragile. On assiste par ailleurs à un processus d’affaiblissement de l’institution familiale et à un mouvement de redéfinition et de reconfiguration des rôles familiaux. En France, aujourd’hui, les femmes, comme les hommes, poursuivent massivement des études, exercent une activité professionnelle, y compris quand elles se marient. Hommes et femmes se marient plus tard en comparaison avec les années 1960 et 1970 et les séparations sont plus fréquentes. En région parisienne, la durée moyenne d’un mariage ou d’une union est de sept ans, d’où l’augmentation du nombre de familles recomposées et de familles monoparentales.

31C’est pourquoi la parenté sociale se développe dans les familles contemporaines et que le droit doit s’adapter alors même que l’imaginaire de la famille biologique reste prégnant [27]. Ces changements actuels de la famille dans un certain nombre de sociétés occidentales, en particulier en France, changements de tous ordres que nous avons rapidement évoqués, affectifs, juridiques et technologiques, se traduisent aussi par une décorrélation tendancielle de la parentalité et de la procréation. Ces transformations doivent être abordées sereinement, sans la moindre perspective catastrophique. Car elles produisent toujours, sous des formes renouvelées, de la parenté et de la famille. Les sciences sociales, notamment la sociologie et l’anthropologie, nous montrent que la famille n’a rien de figé ou d’éternel, elle est une entité sociohistorique dynamique.


Mots-clés éditeurs : Familles, divorce, filiation, alliance, concubinage, rôles familiaux, mariage

Mise en ligne 22/03/2020

https://doi.org/10.3917/lp.397.0009

Notes

  • [1]
    Marie Balas, Josselin Tricou, « Nous, maintenant, on veut poursuivre cette occupation de la rue » : les catholiques attestataires entre contre-culture, mission et défense patrimoniale », Social Compass, 1–13, 2019.
  • [2]
    6 000 en 2018, un peu plus de 7 000 en 2017.
  • [3]
    Les débats actuels se sont déplacés et portent désormais sur l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, sur la GPA (gestation pour autrui) et sur l’homoparentalité.
  • [4]
    Anne Cadoret, « La parenté aujourd’hui : agencement de la filiation et de l’alliance », Sociétés contemporaines n° 38, 2000, p. 5-19.
  • [5]
    Ce n’est que récemment (loi du 4 juin 1970 en France) que la puissance paternelle traditionnelle est devenue l’autorité parentale dans la plupart des pays occidentaux.
  • [6]
    Voir, pour une synthèse, Alain Bihr et Roland Pfefferkorn, Hommes-Femmes, quelle égalité ? Paris, Éditions de l’Atelier, 2002.
  • [7]
    Nous pensons notamment aux travaux de François de Singly ou de Jean-Claude Kaufmann.
  • [8]
    Anne-Marie Devreux, « Sociologie contemporaine et renaturalisation du féminin », in Delphine Gardey, Ilana Löwy (dir.), L’Invention du naturel. Les sciences et la fabrication du féminin et du masculin, Éditions des Archives contemporaines, Paris, 2000, p. 125-135. Cf. aussi Roland Pfefferkorn, Genre et rapports sociaux de sexe, Lausanne/Paris, Page deux/Syllepse, 2016 [3e éd. revue et augmentée].
  • [9]
    Cf. par exemple Claudine Attias-Donfut, Martine Segalen, Grands-parents. La famille à travers les générations, Odile Jacob, Paris, 1998 ; ou Alain Bihr, Naoko Tanasawa (éds.), Les Rapports intergénérationnels en France et au Japon, L’Harmattan, collection « Logiques sociales », 2005.
  • [10]
    Cf. Nathalie Bajos, Michel Bozon, Enquête sur la sexualité en France. Pratiques, genre et santé. La Découverte, « Hors Collection Social », 2008. Cf. aussi Raison présente, « Sexualités. Normativités », n° 183, 3e trimestre 2012.
  • [11]
    Cf. Wilfried Rault, L’Invention du PACS. Pratiques et symboliques d’une nouvelle forme d’union, Presses de la Fondation des matinales des sciences politiques, 2009. Cf. aussi Wilfried Rault, « Les fiançailles au début du xxie siècle. Entre survivance et renouveau », Recherches familiales, 2018/1, n° 15, p. 27 à 40. L’auteur note que les fiançailles actuelles renvoient à une réalité hétérogène qui traduit à la fois un mouvement de recomposition et de survivance de pratiques anciennes. On observe une diversité de pratiques révélatrices d’une mutation du rite. Les fiançailles ne sont pas systématiquement indexées à certaines configurations matrimoniales, elles sont déployées aussi dans le cadre de mariages non religieux, précédés de cohabitations longues, voire de naissances et d’autres relations de couple ou relations amoureuses. C’est cette diversité qui explique qu’en définitive le phénomène est, statistiquement, loin d’être négligeable.
  • [12]
    Cf. Roland Pfefferkorn, « Durkheim et l’unité organique de la société conjugale », in D. Chabaud-Rychter, V. Descoutures, A.-M. Devreux, E. Varikas (coord.), Sous les sciences sociales, le genre. Relectures critiques, de Max Weber à Bruno Latour, Paris, La Découverte, 2010, p. 40-51.
  • [13]
    Rappelons cependant que le concubinage était la norme dans le monde ouvrier du xixe siècle.
  • [14]
    Cf. Marie-Agnès Barrère-Maurisson, « L’évolution des rôles masculin et féminin au sein de la famille », Les Cahiers français : documents d’actualité, La Documentation française, 2012, numéro spécial : « Comment va la famille ? » (371), p. 22-29. Voir aussi Roland Pfefferkorn, « Le partage inégal des tâches ménagères », Les Cahiers de Framespa, n° 7, 2011, mis en ligne le 15 avril 2011, consulté le 21 janvier 2019. <http://journals.openedition.org/framespa/646>.
  • [15]
    Louis Roussel, La Famille incertaine, Paris, Odile Jacob, 1989. Voir aussi Francois Héran, « Louis Roussel (1921-2011) », Population, 2010/4 vol. 65, p. 621- 626.
  • [16]
    « Louis Roussel distingue cinq types de familles : la « famille traditionnelle », aujourd’hui disparue, qui se contentait d’un régime affectif « tiède », scandé de loin en loin par des fêtes chargées de réactiver la tension ; la « famille moderne », née au xixe siècle, où l’on poursuivait raisonnablement le bonheur dans le respect de l’institution matrimoniale ; la « famille fusionnelle », qui relègue le mariage à un simple rite formel, en s’efforçant de « prolonger la ferveur aussi longtemps que possible » ; la « famille-club », où les partenaires ont fait leurs calculs et se contentent d’un « concordat » fondé sur le donnant-donnant ; la « famille-histoire », enfin, où les conjoints travaillent à relever le « défi du désenchantement » par un long travail d’accommodement – type auquel allait clairement sa préférence » (François Héran, « Louis Roussel (1921-2011) », Population, 2010/4 vol. 65, p. 623).
  • [17]
    Héran François, « Louis Roussel (1921-2011) », Population, 2010/4 vol. 65, p. 624.
  • [18]
    Cf. Jacqueline Heinen, Helena Hirata et Roland Pfefferkorn (dir.), Cahiers du genre, n° 46, « État/Famille/Travail : “Conciliation” ou Conflit ? », Paris, L’Harmattan, 2009. Cf. aussi Jacques Commaille et Claude Martin, Les Enjeux politiques de la famille, Paris, Bayard, 1998 ; et Claude Martin, « Atouts et impasses du familialisme français » in Pierre Strobel, Penser les politiques sociales, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2008, p. 153-158.
  • [19]
    Cf. Remi Lenoir, Généalogie de la morale familiale, Paris, Seuil, 2003.
  • [20]
    Irène Théry, « Mariage pour tous et homoparentalité. Des révélateurs du droit commun de la filiation », Dialogue, 2013/2, n° 200, p. 61-72. Je reprends ici l’essentiel de ses arguments.
  • [21]
    Claude Lévi-Strauss, L’Anthropologie face aux problèmes du monde moderne, Seuil, 2011, p. 73 et p. 74. L’ouvrage posthume rassemble des conférences données à Tokyo en 1986.
  • [22]
    Marianne, 4 février 2013.
  • [23]
    Le Monde, 17 novembre 2012.
  • [24]
    Maurice Godelier, Métamorphoses de la parenté, Flammarion, coll. « Champs », 2010 [1re éd. 2004]. Nous nous appuyons largement sur cet ouvrage pour l’essentiel des développements qui suivent. Pour davantage de précisions on pourra s’y référer.
  • [25]
    Si je descends de mon père, du père de mon père, etc., on a affaire à une descendance (ou une filiation) patrilinéaire. Si je descends de ma mère, de la mère de ma mère, etc., nous sommes dans le cas d’une descendance (ou filiation) matrilinéaire. Dans les systèmes patrilinéaires et matrilinéaires, il n’existe qu’un seul principe de descendance, donc de transmission de l’identité, des biens, du statut, des droits, des devoirs, etc. : ce sont des systèmes unilinéaires. Il existe aussi des sociétés où les deux principes se combinent, quand un individu appartient à la fois au clan de son père et au clan de sa mère, mais reçoit de chacun des choses distinctes (par exemple d’un côté son nom et un statut politique et de l’autre des droits sur une terre et des fonctions religieuses). Ce sont alors des systèmes ambi-linéaires. Dans des systèmes bilinéaires parallèles, les fils appartiennent au clan du père, les filles au clan de la mère, dans des systèmes bilinéaires croisés, les fils appartiennent au groupe de la mère et les filles au groupe du père. Enfin, la descendance peut passer indifféremment par les hommes et par les femmes : on a alors un système indifférencié ou non linéaire ou encore cognatique. Ce dernier cas est celui de la France et des pays européens, mais aussi d’autres sociétés (Polynésie, Indonésie…), l’individu descend aussi bien de ses parents paternels que de ses parents maternels. Les systèmes de parenté répondent aussi à d’autres questions concernant la résidence du groupe familial, la terminologie employée pour nommer les membres de la parenté, la définition d’un enfant et les interdits sexuels entre parents.
  • [26]
    Il a aussi existé dans l’Antiquité (Égypte, Perse) des formes d’alliances sans échange : les mariages frère-sœur à l’intérieur de la famille, du lignage ou du clan.
  • [27]
    La référence au biologique persiste. Par exemple, l’adoption en Europe et aux États-Unis fait encore référence au modèle d’une lignée familiale fictive, elle déplace la lignée familiale réelle des parents biologiques qui disparaissent légalement.
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