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Article de revue

La construction de l’identité polonaise

Pages 146 à 157

Notes

  • [1]
    Les guillemets me semblent nécessaires pour souligner le caractère insatisfaisant du terme d’application qui suggère une simple transposition de règles générales sur des exemples particuliers. Loin de là, ces essais de politique concrète relèvent plutôt d’une réflexion politique en situation où la compréhension de la réalité joue autant un rôle que les principes généraux.
  • [2]
    « Il est étonnant, il est prodigieux [...] C’est un exemple unique dans l’histoire [...] », Considérations sur le gouvernement de Pologne, œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. La Pléiade, t. III, 1964, p. 971. Nous suivrons cette édition (en en modernisant l’écriture) pour toutes nos citations de Rousseau.
  • [3]
    . Antonio Negri, L’Anomalie sauvage. Puissance et pouvoir chez Spinoza, Paris, PUF, 1982.
  • [4]
    « En lisant l’histoire du gouvernement de Pologne, on a peine à comprendre comment un État si bizarrement constitué a pu subsister si longtemps. Un grand corps formé d’un grand nombre de membres morts, et d’un petit nombre de membres désunis, dont tous les mouvements presque indépendants les uns des autres, loin d’avoir une fin commune, s’entredétruisent mutuellement [...] et qui, malgré tout cela, vit et se conserve en vigueur ; voilà, ce me semble, un des plus singuliers spectacles qui puissent frapper un être pensant », Considérations…, p. 953-954.
  • [5]
    « [...] sa voix est la voix de Dieu sur la terre. », idem, p. 973.
  • [6]
    « Vous ne sauriez empêcher qu’ils ne vous engloutissent, faites au moins qu’ils ne puissent vous digérer », id., p. 959-960.
  • [7]
    « Je ne vois dans l’état présent des choses qu’un seul moyen de lui donner [à la Pologne] cette consistance qui lui manque : c’est d’infuser pour ainsi dire dans toute la nation l’âme des confédérés ; c’est d’établir tellement la République dans le cœur des Polonais qu’elle y subsiste malgré tous les efforts de ses oppresseurs », ibidem.
  • [8]
    . Émile, livre III, p. 484.
  • [9]
    « Je parle du jugement des rois d’Égypte après leur mort, et de l’arrêt par lequel la sépulture et les honneurs royaux leur étaient accordés ou refusés, selon qu’ils avaient bien ou mal gouverné l’État durant leur vie [...] Je voudrais donc qu’après la mort de chaque roi, son corps fût déposé [...] jusqu’à ce qu’il eût été prononcé sur sa mémoire [...] Je voudrais que ce jugement se fît avec le plus grand appareil [...] ». Considérations…, p. 1034-1035.
  • [10]
    « [...] songez que vos serfs sont des hommes comme vous, qu’ils ont en eux l’étoffe pour devenir tout ce que vous êtes : travaillez d’abord à la mettre en œuvre, et n’affranchissez leur corps qu’après avoir affranchi leurs âmes. Sans ce préliminaire, comptez que votre opération réussira mal. », ibidem, p. 974.
  • [11]
    « [IV] Éducation – C’est là l’article important. C’est l’éducation qui doit donner aux âmes la forme nationale et diriger tellement leurs opinions et leurs goûts qu’elles soient patriotes par inclination, par passion, par nécessité. », ibidem, p. 966.
  • [12]
    Du moins à l’échelle d’un État, car le domaine de Clarens (La Nouvelle Héloïse, IVe partie, lettre X de Saint-Preux à Milord Edouard, id., t. II, 1964), bien qu’il s’agisse d’une communauté fictive et surtout quasi familiale et largement infrapolitique, permet de pousser également très loin la question de l’application. Je me permets sur ce point de renvoyer à mon article : « L’Élysée de La Nouvelle Héloïse : entre nature et politique », Études Jean-Jacques Rousseau, n° 14-15, 2004, spécialement p. 203-206.

1Pour comprendre les Considérations sur le gouvernement de Pologne, il me semble qu’il faut d’abord comprendre à quel point Rousseau comprend ou en tout cas — car je n’ai bien sûr pas compétence pour en juger — veut comprendre la Pologne et la situation historique dans laquelle elle se trouve. Cet écrit n’a en effet rien d’un système théorique et abstrait plaqué sur une réalité concrète. Il s’enracine au contraire dans une longue et soigneuse analyse de la réalité polonaise par Rousseau, et plus précisément dans une sorte de prise de conscience qu’effectue Rousseau : celle du caractère à la fois unique et en même temps, comme on le verra, presque irréel de la situation polonaise.

2Cela ne devrait pas nous étonner. Il en était déjà de même pour la Corse pour laquelle Rousseau avait écrit un projet de constitution quelques années plus tôt en réponse, semblablement, à l’appel de patriotes en situation de danger d’occupation étrangère. Dans les deux cas, il s’agit pour Rousseau de tenir fermement le regard à la fois sur les principes fondamentaux de la chose politique fixés par le Contrat social et en même temps sur la réalité historique, géographique, sociologique et comme psychologique (dans le sens où on parlait jadis de la psychologie d’un peuple, maintenant des mœurs et des mentalités) d’un peuple déterminé.

3Le souci d’application ne saurait en effet autoriser une quelconque distorsion, contradiction et encore moins trahison des principes théoriques. Tout au contraire, loin de démentir le schéma général formalisé dans le Contrat social, les essais de politique appliquée de Rousseau permettent de mieux le comprendre. Ce qui, pour autant, ne veut pas dire, comme on le verra, que ces « applications » [1] ne puissent pas soulever de problèmes.

4Cependant, cette proximité de démarche ne doit pas nous cacher la différence fondamentale des deux situations.

5Celle de la Corse est éminemment porteuse. C’est dans son cas comme si la nature assistait l’histoire et la politique. Il s’agit en effet d’une île, montagneuse de surcroît, donc doublement isolée et protégée, autosuffisante économiquement, sans possibilité de grande propriété et donc à base sociologique très égalitaire.

6La situation de la Pologne — immense plaine sans barrière, naturelle, et environnée de très grandes puissances belliqueuses — est tout autre : autant celle de la Corse faisait spontanément espérer (et le retour de l’histoire n’en sera que plus rude), autant celle de la Pologne prête au désespoir. Comme si tout – géographie naturelle, voisinage géopolitique, situation sociohistorique, car l’existence d’une noblesse puissante, très sourcilleuse et esclavagiste est une autre donnée polonaise – s’était ligué contre elle.

7Le problème de l’identité – sujet de notre communication – ne se pose donc pas du tout de la même manière et apparaît au contraire s’inverser quand on passe de l’un à l’autre de ces deux cas. Pour la Corse, l’identité – forgée par et dans le creuset naturel d’une île resserrée et montagneuse – est en quelque sorte déjà faite et il ne s’agit que de la préserver et de la renforcer. L’unité – et aussi une certaine égalité – est alors principe de cette identité. Pour la Pologne, tout au contraire, cette identité est à faire tant les forces de divergence et d’inégalité sont puissantes. Et le problème est particulièrement vif pour elle, car, pour Rousseau comme on le verra, c’est précisément du côté de cette identité problématique que réside la solution au problème polonais. C’est en effet cette identité qui, à l’inverse de la Corse, permettra l’unité de la Pologne. L’identité est ainsi selon Rousseau absolument vitale, car elle apparaît comme le ciment indispensable et donc la clé – finalement unique à ses yeux — du problème polonais.

8Mais comment cette identité polonaise pourra-t-elle être constituée et sur quelle base si le contexte naturel et géopolitique lui est si désespérément défavorable ? Le problème est bien de savoir comment forger cette identité, c’est-à-dire en fait – car il y a bien sûr des éléments épars d’identité déjà présents — comment rassembler des données historiques, des héritages, des mœurs pour les faire en quelque sorte coaguler, prendre sens civique et s’insérer dans une dynamique d’unification et d’identification nationale de soi. Comment faire en sorte que cette identité prenne conscience d’elle-même comme politique et nationale, comment la cultiver, la valoriser, lui donner la force d’une motivation et faire en sorte qu’elle devienne effectivement un principe d’unité ? Et comment la faire exister aux yeux mêmes des Polonais et la leur faire regarder comme objet d’adhésion et d’amour ?

L’anomalie polonaise

9Les raisons de l’intérêt de Rousseau pour les deux nations – Corse et Pologne – sont donc – on l’a vu – tout à fait différentes. Et c’est pourquoi le climat – l’ambiance – de ces deux textes contraste si fortement. L’intérêt de Rousseau pour la Corse est attentif et même attentionné : pour reprendre l’image du début de l’Émile, le problème est de savoir comment protéger la plante naissante et prometteuse, comment préserver un peuple non encore livré aux tumultes et à la corruption de l’histoire. L’intérêt de Rousseau pour la Pologne est tout aussi vif, mais en revanche dramatisé et à la limite même du pathétique : comment sauver en urgence ce qui peut encore l’être ? Comment non pas faire croître, mais maintenir et même faire revivre ce qui est sur le point peut-être de mourir ?

10Dans les deux cas, il s’agit d’une sorte de miracle ou de prodige [2], celui d’une préservation hors norme. Mais pour la Corse, le miracle est explicable, il s’agit en quelque sorte d’un oubli de l’histoire. Tandis que pour la Pologne, le problème est plus ardu : comment, dans un tel contexte d’ouverture à tous vents, l’âme polonaise a-t-elle pu se préserver ? La Pologne représente pour Rousseau une sorte d’« anomalie sauvage » (pour reprendre l’expression qu’utilisait Antonio Negri à propos de Spinoza [3]), il se présente comme une irrationalité polonaise, contre vents et marées un singulier entêtement à être. Car, étant donné sa situation et les forces de désunion qui s’exercent en elle et sur elle, la Pologne ne devrait tout simplement pas exister [4].

11Or, c’est un fait qu’elle existe. Malgré tout. Il y a donc en Pologne quelque chose d’irréductible. Il se manifeste là comme un signe que Rousseau interprète comme favorable et qui lui donne un élément d’espoir face à cette situation tout à fait désespérée.

12De la Corse à la Pologne, le fondement de la différence peut être résumé d’un mot : l’intégrité corse est avant tout contextuelle, elle tient dans la résistance naturelle qu’offre sa situation à ses habitants. L’intégrité polonaise, en revanche, ne trouve aucune garantie dans sa situation qui n’inspire que l’effroi. Par conséquent – et c’est là l’essentiel –, privée de tout appui extérieur, cette intégrité ne peut avoir qu’un principe purement intérieur, celui de l’identité polonaise. Le peuple corse peut ainsi rester largement naturel – c’est-à-dire être un peuple d’individus — puisque la nature en quelque sorte l’abrite. Le peuple polonais doit pour sa part aller le plus possible jusqu’au bout de la dénaturation politique de l’homme, c’est-à-dire de la logique qui veut que, dans l’État, chacun ne se rapporte à lui-même que comme l’unité indivisible et inséparable du tout. Le Polonais doit être citoyen polonais avant d’être individu. Tout donc pour la Pologne se rassemble sous ce seul mot : celui de l’identité polonaise. Pour s’aventurer sur une comparaison – certes toujours en défaut sous un angle ou un autre –, il semble qu’à travers la Pologne se profile pour Rousseau quelque chose comme l’idéal spartiate revenant du fond de l’histoire et comme à portée de main. La Pologne sera spartiate ou ne sera pas, ce qui veut dire en fait qu’elle doit être elle-même ou ne pas être. La solution politique est donc ici quasi ontologique : c’est dans l’être polonais que gît le salut. Être soi est une force et dans leur dénuement, les Polonais n’en possèdent pas d’autre. Mais pour construire cette identité, il ne s’agit surtout pas d’ajouter, mais de concentrer et d’étendre sans la perdre cette intensité retrouvée. Plus précisément de conjuguer dans une certaine forme des forces éparses et même contradictoires pour en faire une synergie.

13Cependant, même si l’on a confirmé la direction dans laquelle chercher la solution, à savoir celle de l’identité, comment, encore une fois, cette identité est-elle possible, étant donné tout ce que l’on a dit ? L’orientation ne nous donne pas pour autant le chemin. La volonté cherche ici son entendement.

14Examinons donc maintenant comment produire cette identité puisqu’elle ne saurait reposer sur des données naturelles.

L’identité comme âme

15Comme on l’a vu, loin de « faire souffrir » le schéma général formalisé dans le Contrat social, les essais de politique concrète de Rousseau au contraire doivent permettre de mieux le comprendre. C’était déjà le cas pour la Corse, ce devrait l’être en principe encore davantage pour la Pologne – ce qui, on le verra, se révélera ne pas être si évident — puisqu’il s’agit d’un État moderne et non d’une société traditionnelle en quelque sorte mise entre parenthèses par l’histoire comme pour la Corse et ses habitants. Or, du Discours sur l’économie politique au Contrat social, quel est le grand principe politique soutenu par Rousseau ? Celui de la loi : la loi est l’expression de la volonté générale, Rousseau va même jusqu’à dire qu’elle est en quelque sorte la voix de Dieu sur terre [5]. C’est le fameux éloge de la loi dans le Discours sur l’économie politique et dont les Considérations reprennent les termes mêmes. La loi est ainsi la clé de voûte de l’ensemble de l’édifice politique. Reprenons cette dernière image et demandons-nous ce qu’est précisément une clé de voûte. Une clé de voûte est le dispositif ingénieux qui permet de donner sa forme à un ensemble architectural en conjuguant et en neutralisant les forces qui traversent cet ensemble par une parfaite mise en équilibre. Une clé de voûte n’est donc rien sans ces forces, elle aussi opère une sorte de miracle ou de prodige, en effectuant une sorte d’annulation magique de la pesanteur – surtout s’agissant de blocs de pierre si apparemment lourds –, mais ce miracle en l’occurrence se révèle tout à fait rationnel et explicable : au lieu de laisser ces forces faire éclater l’ensemble comme elles ont naturellement tendance à le faire, la clé de voûte les fait converger et se rassembler en un point de telle manière que ces forces si naturellement destructrices assurent la cohérence de l’ensemble. Mais s’il s’agit en architecture de forces physiques, quelles sont ces forces quand il s’agit de l’édifice politique ? Ce ne peut être en ce cas que les forces humaines et individuelles, c’est-à-dire les passions. L’idée fondamentale de Rousseau est donc qu’il faut organiser les passions dans un État de telle manière qu’elles convergent et se conjuguent dans la loi qui assure de façon architecturale sa cohérence et sa solidité, sa forme à l’ensemble. Or, les passions sont réglées par les mœurs et l’opinion. Voici donc les deux puissances qu’il faut parvenir à domestiquer : les valeurs et habitudes collectives d’une part, le regard public, c’est-à-dire le jugement public, d’autre part. Ainsi, on fera d’une machine artificielle un véritable corps, c’est-à-dire un ensemble dont l’unité est organique, pénètre chaque partie qui existe alors pour le tout autant que le tout se retrouve en chacune de ses parties.

16L’on a ici la clé de la solution de l’identité polonaise : puisque celle-ci ne peut être fondée sur une unité naturelle due à une situation géographique et naturelle, elle aura un fondement psychologique et passionnel. Elle sera alors analogue à une âme, c’est-à-dire à un principe autonome, autosubsistant, de vitalité et d’animation. Les lois – clés de voûte de l’ensemble sociopolitique – auront donc elles-mêmes une clé de voûte : l’identité ou encore l’âme polonaise. Principe de singularité, cette identité doit être véritablement sui generis, elle doit être, comme le montre Rousseau, inassimilable et non digestible [6] parce qu’à nulle autre pareille et absolument originale (être Polonais sera ne pas être et ne pas pouvoir être autre chose) afin qu’elle apporte la liberté par rapport aux puissants voisins à l’identité si forte précisément que sont les États allemands et la Russie. C’est donc de l’intérieur, de façon spirituelle, que doit être façonné un foyer d’identité, constitué comme une âme, en quelque sorte sur un modèle spiritualiste même si c’est bien une construction. Les Polonais doivent avoir une âme, car ils doivent porter la Pologne en leur cœur, lieu véritable de la patrie, non comme une Jérusalem céleste mais comme une cité chevillée à l’âme et au cœur [7]. C’est là en quelque sorte un défi que Rousseau lance aux Polonais. Et, dans leur situation désespérée, c’est même davantage : comme une sorte d’utopie vivante, alors condition d’existence même du pays. Nous voyons là prendre corps toute la dimension affective et émotionnelle seulement théoriquement suggérée par le Contrat social.

La fabrique de l’identité

17L’on a donc pour l’instant deux éléments : premièrement, l’identité n’est pas donnée par les circonstances naturelles ou historiques, il faut donc vouloir cette identité, constituer et développer une culture de la singularité absolue. Deuxièmement, cette identité devant être une âme pour se diffuser comme principe d’unité, il s’agit donc de construire une âme nationale.

18On peut peut-être être étonné de ces termes. Une identité peut sembler devoir être naturelle et spontanée. Et Rousseau n’est-il pas précisément le philosophe qui se fonde sur ces catégories de nature et de spontanéité ? Mais remarquons que, s’il est entendu que Rousseau est philosophe de la nature, et si les catégories du donné, du spontané, de la conscience, de l’intuitif ou encore du cœur, bref tout ce que l’on peut rassembler sous la catégorie de l’immédiat, ont chez lui une place majeure, il se révèle en même temps un grand amateur de construction voire un véritable constructiviste. Cela même sur le mode d’une tendance personnelle : enfant déjà, Jean-Jacques avait construit le fameux aqueduc détruit par le pasteur Lambercier. Au plan théorique, Du contrat social affirme une conception artificialiste du corps politique et dans La Nouvelle Héloïse, la société de Clarens est une construction de part en part. Certes, il s’agit alors non pas de réalités naturelles, mais de corps politiques. Cependant, ce constructivisme rousseauiste affecte aussi la nature : ainsi dans La Nouvelle Héloïse encore, le jardin de Julie qui offre l’apparence de la parfaite nature est pourtant une construction dont Julie est la merveilleuse ingénieure. Rousseau donc ne fait pas que recevoir la nature, mais il la construit ou la reconstruit. Il ne faut jamais oublier qu’Émile est un « sauvage » certes, mais « fait pour habiter les villes » [8] et qu’il faut paradoxalement beaucoup d’art pour retrouver la nature, et ce, dans bien des domaines. Ainsi, inversement, la construction doit prendre l’évidence d’une donnée naturelle : il faudra manger polonais, boire polonais, respirer polonais… afin de naturaliser en quelque sorte le plus possible ce qui est bien pourtant une construction identitaire culturelle.

19Comme on l’a vu, cette construction consistera plus précisément en un dispositif passionnel rendu possible par un dispositif institutionnel. Il s’agit d’une vaste machine qu’il faut mettre au point de manière qu’il soit générateur d’un objet « identité nationale », ce qui suppose une constante et efficace interaction entre le privé et le public, entre les individus et un espace de visibilité commun.

20Première conséquence : pour que ces mœurs et surtout le regard public soient opérants, il faut que l’État ne soit pas trop grand. Sinon, c’est l’anonymat et le regard public ne se concentre plus que sur les élites. Il faut que tout le monde se connaisse, se toise et se juge, se meuve et agisse dans l’élément d’une visibilité partagée par tous. Mais la Pologne est un grand État. Il faut donc l’organiser en confédération de petits États qui seront autant non seulement de sphères de souveraineté, mais de sphères de visibilité.

21Les autres mesures à mettre en œuvre sont encore d’ordre négatif : il s’agit d’empêcher les causes de corruption ou de perturbation d’agir. Ainsi, il importe par exemple de neutraliser la puissance corruptrice de l’argent. Pour cela, il faut matérialiser autant que possible toutes les circulations de valeurs susceptibles de malversations, de détournements, etc. L’argent possède en effet une sorte d’invisibilité qui lui donne un pouvoir redoutable. La corruption se nourrit de l’ombre. La conversion visible de tout ce qui peut être nuisible tant qu’il est invisible est donc requise. Dès lors, la transformation du numéraire en corvées et en biens matériels visibles et non manipulables est une mesure appropriée même si elle se révèle malcommode.

22Mais tout cela ne suffit pas, n’étant que des conditions et non des causes. Car il faut aussi dégager un moteur passionnel positif et pour cela en trouver la source dans la composition sociale et historique de la nation polonaise. À cette fin, quel groupe social pourra être repéré ?

23À la différence de la Corse, la clé de la solution polonaise ne sera pas dans l’ensemble du peuple mais dans la noblesse. C’est dans ce groupe sociopolitique en effet que se sont historiquement logés les traits fondamentaux d’indépendance, de souveraineté et de résistance qui font l’âme polonaise et sa fierté et qui la qualifient comme principe de citoyenneté. Contrairement à la Corse, la structure polonaise fondamentale n’est donc pas démocratique. L’attitude de Rousseau vis-à-vis de la noblesse polonaise sera donc l’exact opposé de celle qu’il avait observée vis-à-vis de la noblesse corse : il ne s’agira pas de l’éradiquer, mais au contraire de la renforcer, d’augmenter sa fierté de soi, pour pouvoir prendre appui sur elle. Il conviendra plus précisément de procéder à deux choses : fixer et fortifier autant que faire se peut cette identité polonaise dans la noblesse, puis, à partir de cette base, l’étendre progressivement au reste du peuple de Pologne. Ce n’est donc pas l’égalité, vertu corse, mais l’identité et plus précisément la différence qu’il faudra cultiver. Pour cela, le ressort passionnel est l’honneur. C’est celui naturel de la noblesse en monarchie et Rousseau ici retrouve la trace de Montesquieu qu’il a beaucoup médité. L’honneur est principe de distinction, il effectue une mise en forme de la force générale et indéterminée de l’amour-propre qui peut être ainsi aimanté vers le bien public. L’honneur est donc conversion vertueuse de l’amour-propre, il est levier de renforcement et d’élévation de l’âme. Il est précisément gardien d’une certaine identité idéale de soi.

24Ce ressort passionnel sera donc régulateur des autres passions dérivées de l’amour-propre, et en particulier de l’ambition, puisqu’il sera la condition même de sa réalisation. Dans la réforme rousseauiste, on ne pourra en effet avancer dans les carrières que par la démonstration à chaque fois de sa probité, sésame de l’accession aux honneurs. Et cela toujours sous le regard public, c’est-à-dire dans l’élément d’une saine émulation se définissant comme une rivalité dans l’honneur et pour l’honneur. Et pour tenir en quelque sorte la dragée haute à cette ambition, Rousseau prévoit la gradualité des places et, pour tenir cette ambition également toujours en haleine, il prévoit encore le principe d’ouverture des carrières qui est un véritable principe d’espérance. Car il faut faire en sorte que chacun puisse toujours avoir quelque chose pour lui-même à espérer. Même en effet si l’on échoue dans sa progression de carrière, on pourra recommencer en repartant du bas de l’échelle. Et si, inversement, l’on accède enfin au sommet de l’échelle, c’est-à-dire à la place de roi, il restera toujours le jugement public après sa mort qui décidera non seulement de son honneur — que l’on peut mettre plus haut que sa vie —, mais aussi du sort de ses enfants et de sa famille. C’est la « solution égyptienne » qu’adopte Rousseau [9].

25L’on voit donc qu’il s’agit d’une économie générale des passions structurée et réglée par un dispositif légal et institutionnel pensé à cette fin, de façon à faire de la puissance passionnelle l’énergie alimentant la machine et la perfectionnant progressivement autant qu’il est possible. Un peu précisément comme dans le jardin de Clarens, le cours des eaux était réglé par un système de canalisation maillant partout le sol et y diffusant l’énergie et la vitalité de façon structurée et adaptée.

26Honneur, ambition, espérance, émulation,… tels sont les ressorts motivationnels que le thème de l’identité permet de fixer et d’ordonner aux yeux de Rousseau.

27Mais il ne s’agit pas seulement de réguler le cours des passions et d’en assurer la conversion civique au sein de la noblesse. Il faut également étendre à l’ensemble de la nation le dispositif ainsi structuré et cultivé d’abord au sein de la noblesse. C’est ce qu’assurera Rousseau de manière encore et toujours progressive, en permettant graduellement au reste de la société une telle accession jusqu’aux serfs eux-mêmes, ascension dont la progressivité, permettra à ces derniers l’éducation morale nécessaire pour se rendre aptes à la liberté [10]. Ajoutons le rôle de l’éducation tout court qui est absolument fondamentale pour assurer dès le départ chez les individus cette élévation, cette généralisation et cette unification de leur économie passionnelle en la fixant sur l’identité commune de la patrie [11].

Les problèmes

28Mais le fait est que cette identité est liée au départ à un groupe social, celui de la noblesse. Même si Rousseau prévoit de l’étendre, cela ne peut se faire que très progressivement. Or, les ennemis actuels ou virtuels de la Pologne ne vont pas rester devant les frontières en attendant les bras croisés. Et, précisément, Rousseau entendait répondre à une situation d’urgence quasi vitale comme on l’a vu.

29Mais, du point de vue interne à la Pologne également, ce hiatus pose problème : si la totalisation du processus doit supporter une temporalité qui laisse forcément subsister un certain temps la particularité de l’identité que l’on voulait étendre, il faut prévoir une sorte de solution intermédiaire qui rende possible au plan passionnel la lenteur nécessaire de cette transition. En effet, les privilèges associés à cette noblesse doivent continuer à être acceptés par l’ensemble de la nation en même temps qu’on attache pourtant progressivement ces privilèges à la citoyenneté polonaise en général. Comment réussir ce mouvement contradictoire ? Rousseau répond : par l’admiration. La noblesse est tenue de constamment montrer sa distinction aux yeux du peuple afin de démontrer sa légitimité : ce sont les jeux publics, les cérémonies et autres spectacles. La légitimité de la noblesse ne peut donc se contenter d’une sorte de conditionnement idéologique : elle est tenue de faire régulièrement ses preuves en toute visibilité devant le peuple. Ce qui est certes un peu risqué. Cette démonstration peut être contre-productive, le moindre faux-pas peut ruiner cette prétention de supériorité. La noblesse est en permanence mise sur le fil du rasoir, mais celui-ci peut trancher dans un sens ou dans un autre. Cependant, Rousseau estime que puisque la noblesse ainsi exposée sera tenue d’être admirable, alors elle le sera. Ce qui est encore un pari quelque peu risqué à ajouter aux autres.

30Mais il y a encore plus préoccupant. Il s’agit cette fois d’un problème d’ordre principiel : celui du concept de distinction sur lequel repose tout l’honneur de la noblesse. Être noble consiste à être au-dessus de la banalité humaine, à s’extraire de la masse et de la moyenne pour apparaître, c’est-à-dire ici exister, comme individu particulier fait d’une autre trempe, si ce n’est d’une autre matière. Cet individu se caractérise non seulement par sa bravoure et sa compétence militaire, par sa maîtrise équestre – le cheval étant depuis longtemps symbole de la maîtrise sur l’animalité dont le reste de l’humanité n’est estimé ne se distinguer que confusément – mais aussi par sa supériorité culturelle et surtout morale, la générosité par exemple étant supposée le caractériser. Tout son être tient donc dans la distinction de son être. C’est ce qu’exprime bien le terme de particule pour désigner un noble : un noble en France est un « de quelque chose », en Allemagne un von « quelque chose », etc. Cette particule exprime la particularité du noble dans son nom même et c’est ce qui le distingue et en fait un noble, c’est-à-dire quelqu’un qui n’est surtout pas n’importe qui. Or, dans le plan de Rousseau, grâce à une marche graduelle, il s’agit précisément d’étendre cette distinction, de progressivement la généraliser à l’ensemble de la nation. Alors que cette distinction ne peut fonctionner psychologiquement et même conceptuellement que comme particularité. Comment faire d’une particularité une généralité sans la perdre comme particularité ? Il est prévisible que le « ressort » ici employé se détendra inexorablement au fur et à mesure qu’il accomplira sa mission. Les individus, quand ils seront tous distingués, ne le seront plus et le ressort sera complètement détendu et inopérant.

31On peut répondre que le Polonais trouvera toujours un principe de distinction dans le rapport à l’étranger et qu’il retrouvera ainsi sa particularité dans la comparaison. Certes, mais c’est alors appuyer cette distinction polonaise — porteuse de l’identité nationale — sur un rapport externe et non plus interne, c’est lui imposer de toujours se vérifier par la confrontation, la guerre, la résistance, le rapport à l’étranger auquel elle doit toujours retourner pour se ressourcer. N’est-ce pas là quelque peu l’aliéner et la rendre fragile ?

32Le dernier problème enfin attaque la notion d’identité en son cœur : il concerne la nature même de cette identité polonaise et plus précisément le caractère effectivement polonais de cette identité polonaise. On peut en effet s’interroger sur cette identité, car elle semble consister pour Rousseau plus en un devoir-être qu’en un être. Le Polonais doit se décréter polonais, mais ce en quoi consiste exactement cette identité polonaise reste en fait en suspens. Cette identité précisément n’est pas identifiée. Certes, on peut répondre que Rousseau n’a pas à déterminer cette identité puisque ceux qui sont habilités à le faire ne peuvent être bien sûr que les Polonais eux-mêmes. Certes mais, plus que les limites de sa légitimité en la matière, ce qui retient notre auteur est peut-être autant, sinon davantage, au fond une certaine indifférence. Car Rousseau se contente d’en déclarer le principe de façon générale et sous forme d’une antienne sans cesse répétée, un peu comme une litanie théorique : il faut une identité polonaise, etc. Et ce qu’elle est précisément apparaît au fond paradoxalement le moins important. C’est que ce que fera le Polonais sera de facto polonais et définira ce qu’est être polonais. Le principe est dans la conviction plus que dans une essence effective, dans la volonté d’identité plus que dans l’identité elle-même. C’est que l’identité est tout sauf une évidence et ce principe de l’identité est politiquement trop important pour risquer de le laisser tomber dans le vertige de perplexité de l’interrogation sur soi. L’identité de l’identité est bien en effet un abîme dans lequel s’est égaré plus d’un penseur distingué. En outre, Rousseau parle de cette identité comme étant tout aussi bien intégrité, unité, ou âme comme on l’a vu, et c’est même la fonction principale de cette identité que d’être aussi tout cela et ainsi de l’assurer. On peut penser ici à ce que disait Hegel à propos du grand principe de la conformité à la nature chez les stoïciens : constatant que cette nature demeurait en même temps tout à fait indéterminée, Hegel en concluait que l’important était plus pour les stoïciens d’affirmer la nécessité d’une conformité à la nature que de préciser en quoi cette conformité consistait véritablement. Il en est, nous semble-t-il de même chez Rousseau à propos de l’identité polonaise. Cette identité apparaît plus performative que définitionnelle, plus un acte de décision que de perception et, en outre, un acte ne se posant pas seulement par lui-même mais par un détour extérieur. Car cette identité est davantage un principe de différence qu’une référence à une essence. Cette identité est donc en fait surtout une altérité. Il importe, quoi qu’il en soit, d’être autre : par rapport aux Russes, aux Allemands, aux Autrichiens, aux Français, etc., et de se définir en se différenciant constamment de ce qu’ils sont, en référence à la ligne mouvante de ce qu’ils donnent à saisir d’eux-mêmes. Bien sûr, Rousseau estime certainement que le devenir historique concret trace une continuité de fait du peuple polonais, qui, comme tout peuple et sans en avoir clairement conscience, manifeste un style, une manière d’être, de ressentir, de vivre, définissant une tradition et donc une certaine identité. Mais cette identité est essentiellement rétrospective, elle est peu unifiée, peu consciente de soi et très indéfinissable, ressemblant plutôt à un style précisément et il importe donc de la ressaisir et de l’affirmer comme thème public.

33On comprend bien la logique de Rousseau dans les Considérations : celle de montrer qu’il faut une identité polonaise, quelle qu’elle soit, afin de forger une âme, principe d’unité nationale, et de la porter au niveau d’un principe d’énergie par la mobilisation et la concentration de toutes les passions humaines, c’est-à-dire de toute la force dont l’homme est capable. Ainsi, ce principe d’unité et d’énergie sera également à terme, d’une part, principe d’intégrité permettant le fonctionnement correct – c’est-à-dire républicain – de l’ensemble de la vie institutionnelle et économique du pays et, d’autre part, principe d’irréductibilité dotant les Polonais d’une capacité de résistance et d’inaliénabilité supposée telle qu’elle ne puisse qu’être absolument décourageante pour toutes les puissances extérieures.

34En même temps, ce processus de construction d’une identité nationale prend sa source dans l’identité d’un groupe social et politique qui est la noblesse polonaise, l’ordre équestre, dont la particularité – la distinction – fait le ressort. Ce qui en quelque sorte affecte d’un vice de construction originel cette identité qu’il s’agit de produire.

35Ainsi, même si, grâce à cette perspective, les Considérations sont bien conformes aux principes fondamentaux du Contrat social, la contradiction ou, du moins, la tension que porte cette perspective donne cependant à cet ultime écrit de politique appliquée de Rousseau le caractère d’un véritable tour de force, voire même peut-être d’une sorte de coup de force, justifié certes par l’urgence pratique. Il s’agit en tout cas d’un pari théorique extrême et particulièrement tendu, qui, par comparaison et toutes proportions gardées, donne à la Corse l’allure paisible d’une promenade théorique, d’une balade de santé destinée à montrer la capacité de la théorie rousseauiste à s’incarner dans la réalité historique. Il y a en effet entre les deux nations une différence que l’on n’a pas encore pointée : si, comme l’a souligné Luc Vincent dans sa communication, la raison au fond du miracle polonais est la vitalité du législatif, la clé en Corse réside en revanche dans la vitalité du démocratique, c’est-à-dire d’une pratique de puissance et de délibération générale et non pas seulement particulière. Comme on l’avait mentionné en introduction, c’est, en Corse, l’unité qui fonde l’identité, tandis qu’en Pologne, ce doit être l’inverse. C’est ce qui amène Rousseau à cette sorte de pari « idéaliste » sur l’âme qui représente à ses yeux la seule sortie possible – par le haut – de la situation totalement désespérée dans laquelle est enfoncée la Pologne. Par conséquent, la réflexion menée dans les Considérations constitue sans doute le moment artificialiste le plus radical de son œuvre et par là une expérience théorique – limite et dès lors particulièrement intéressante, apparaissant même peut-être comme le point de butée ultime de l’audace de pensée politique de Rousseau [12].

36En outre, comme on l’a vu, il s’avère à l’analyse que cette identité est plus un principe d’identité qu’une identité effective. Mais, au fond, peut-être sur ce point doit-on se montrer indulgent avec Rousseau, car, en effet, une telle identité – identité très indéterminée – apparaît non seulement encore efficace, mais peut-être même finalement davantage puisque c’est cette indétermination qui permet au final d’accueillir dans cette identité des contenus variés de façon très indulgente et pas trop regardante, pourvu que tout cela ait une « couleur » polonaise. La puissance de fixation du thème de l’identité est alors pleinement mobilisée tout en en contournant le caractère problématique voire inhibant qui tient à sa difficulté de définition. Penser qu’on est soi-même est fondamental pour un peuple comme pour un individu, mais ce qui peut sembler permis au second (même si c’est peut-être vain) doit être évité pour le premier, à savoir rechercher qui effectivement l’on est, car cette identité doit fonctionner comme une fiction pour être efficace. Sitôt en effet que l’on tente d’en faire un objet de définition effective, elle devient problématique voire contre-productive. Paradoxalement, l’identité propre apparaît à la réflexion comme ce qu’il y a de moins identifiable, si ce n’est de l’extérieur sous le regard d’autrui. C’est pourquoi la promotion de l’identité soutenue ici par Rousseau apparaît en quelque sorte plus existentialiste qu’essentialiste. Et, du coup, cette identité n’apparaît pas figée, mais en mouvement, non pas mortifère mais vivante. Mais — ajout impératif — à la condition sine qua non que les citoyens polonais soient libres et donc capables de facto de suivre leur propre chemin. Une conséquence majeure en est qu’identité et liberté n’apparaissent pas ici contradictoires, mais, tout au contraire, en boucle : c’est grâce à la liberté que les Polonais pourront construire leur identité et c’est réciproquement par l’affirmation de leur identité – ou plus précisément par le fait qu’ils revendiquent une identité qui s’identifie à leur existence même – que les Polonais pourront être libres. Boucle vertueuse d’identité libre et de liberté identifiée dont on peut peut-être estimer à nouveau que c’est une voie bien difficile.


Mots-clés éditeurs : les considérations sur le gouvernement de Pologne, Rousseau, Pologne, identité polonaise

Date de mise en ligne : 22/03/2020

https://doi.org/10.3917/lp.395.0146

Notes

  • [1]
    Les guillemets me semblent nécessaires pour souligner le caractère insatisfaisant du terme d’application qui suggère une simple transposition de règles générales sur des exemples particuliers. Loin de là, ces essais de politique concrète relèvent plutôt d’une réflexion politique en situation où la compréhension de la réalité joue autant un rôle que les principes généraux.
  • [2]
    « Il est étonnant, il est prodigieux [...] C’est un exemple unique dans l’histoire [...] », Considérations sur le gouvernement de Pologne, œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. La Pléiade, t. III, 1964, p. 971. Nous suivrons cette édition (en en modernisant l’écriture) pour toutes nos citations de Rousseau.
  • [3]
    . Antonio Negri, L’Anomalie sauvage. Puissance et pouvoir chez Spinoza, Paris, PUF, 1982.
  • [4]
    « En lisant l’histoire du gouvernement de Pologne, on a peine à comprendre comment un État si bizarrement constitué a pu subsister si longtemps. Un grand corps formé d’un grand nombre de membres morts, et d’un petit nombre de membres désunis, dont tous les mouvements presque indépendants les uns des autres, loin d’avoir une fin commune, s’entredétruisent mutuellement [...] et qui, malgré tout cela, vit et se conserve en vigueur ; voilà, ce me semble, un des plus singuliers spectacles qui puissent frapper un être pensant », Considérations…, p. 953-954.
  • [5]
    « [...] sa voix est la voix de Dieu sur la terre. », idem, p. 973.
  • [6]
    « Vous ne sauriez empêcher qu’ils ne vous engloutissent, faites au moins qu’ils ne puissent vous digérer », id., p. 959-960.
  • [7]
    « Je ne vois dans l’état présent des choses qu’un seul moyen de lui donner [à la Pologne] cette consistance qui lui manque : c’est d’infuser pour ainsi dire dans toute la nation l’âme des confédérés ; c’est d’établir tellement la République dans le cœur des Polonais qu’elle y subsiste malgré tous les efforts de ses oppresseurs », ibidem.
  • [8]
    . Émile, livre III, p. 484.
  • [9]
    « Je parle du jugement des rois d’Égypte après leur mort, et de l’arrêt par lequel la sépulture et les honneurs royaux leur étaient accordés ou refusés, selon qu’ils avaient bien ou mal gouverné l’État durant leur vie [...] Je voudrais donc qu’après la mort de chaque roi, son corps fût déposé [...] jusqu’à ce qu’il eût été prononcé sur sa mémoire [...] Je voudrais que ce jugement se fît avec le plus grand appareil [...] ». Considérations…, p. 1034-1035.
  • [10]
    « [...] songez que vos serfs sont des hommes comme vous, qu’ils ont en eux l’étoffe pour devenir tout ce que vous êtes : travaillez d’abord à la mettre en œuvre, et n’affranchissez leur corps qu’après avoir affranchi leurs âmes. Sans ce préliminaire, comptez que votre opération réussira mal. », ibidem, p. 974.
  • [11]
    « [IV] Éducation – C’est là l’article important. C’est l’éducation qui doit donner aux âmes la forme nationale et diriger tellement leurs opinions et leurs goûts qu’elles soient patriotes par inclination, par passion, par nécessité. », ibidem, p. 966.
  • [12]
    Du moins à l’échelle d’un État, car le domaine de Clarens (La Nouvelle Héloïse, IVe partie, lettre X de Saint-Preux à Milord Edouard, id., t. II, 1964), bien qu’il s’agisse d’une communauté fictive et surtout quasi familiale et largement infrapolitique, permet de pousser également très loin la question de l’application. Je me permets sur ce point de renvoyer à mon article : « L’Élysée de La Nouvelle Héloïse : entre nature et politique », Études Jean-Jacques Rousseau, n° 14-15, 2004, spécialement p. 203-206.

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