Notes
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[1]
Le parcours de la flamme à Paris se fait sous les insultes de militants protibétains épaulés par Reporters sans frontières. L’agression de la sportive chinoise handicapée sur un fauteuil roulant qui porte la torche passe en boucle sur les télévisions de la RPC.
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[2]
Référence à l’occupation de l’Empire à partir du milieu du xixe siècle par les puissances industrielles de l’époque, qui prit fin en 1949 à la création de la République populaire de Chine.
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[3]
Selon le rapport de la Banque mondiale de 2009.
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[4]
« Chine », La Pensée, n° 341, janvier/mars 2005.
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[5]
« Chine : Regards croisés », La Pensée, n° 373, janvier/mars 2013.
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[6]
« Consensus de Washington » : ensemble de dix règles établies par l’économiste américain John Williamson en 1989, prônant les privatisations, la libéralisation des échanges commerciaux, le retrait de l’État des dépenses.
-
[7]
Lors de la série de crises dévastatrices entre 1997 et 2002, le Fonds monétaire international a conditionné ses prêts à l’adoption de ces recettes.
-
[8]
Édition du 24 novembre 2008.
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[9]
Au début des années 1990, à la suite de l’implosion de l’URSS, l’économiste américain avait prédit la « fin de l’histoire » et l’universalisation du modèle libéral.
-
[10]
L’Humanité, 15 mars 2018.
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[11]
Bo Xilaï ambitionnait un destin national. À Chongqing, il avait assis sa popularité en recourant à des campagnes maoïstes. Il fut mêlé par sa femme au meurtre d’un ressortissant britannique. Il fut arrêté pour corruption et abus de pouvoir en mars 2012 en pleine session de l’Assemblée nationale.
-
[12]
Les hauts cadres du PCC et de l’appareil d’État.
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[13]
Discours de Xi Jinping en 2014 à l’occasion du 2 565e anniversaire de la naissance de Confucius.
-
[14]
Le concept de la « ligne de masse », défini par Mao Zedong dans les années 1930, consiste à « partir des masses » (de leurs besoins) pour « aller aux masses » (définir une ligne politique prolétarienne). Elle implique un style de travail simple et dénué de formalisme, l̓enquête auprès des masses, la critique et l̓autocritique et l̓épreuve des faits.
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[15]
Discours de Xi Jinping au XIXe congrès du PCC qui s’est tenu du 18 au 25 octobre 2017 à Pékin.
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[16]
Idem.
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[17]
Selon le 13e plan quinquennal adopté au printemps 2016.
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[18]
Ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information (rapport 2017).
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[19]
The Economist, 6 octobre 2012.
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[20]
Elle n’est qu’à la 90e place en termes de revenu par tête d’habitant.
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[21]
Décrit par sa secrétaire d’État, Hillary Clinton, dans un article publié dans la revue Foreign Policy en 2011.
1La crise bancaire et financière qui montait aux États-Unis depuis plusieurs mois atteint la Chine en pleine réflexion sur son modèle de développement économique. La « voie chinoise » empruntée depuis 1978 avec la politique de réformes et d̓ouverture est-elle viable ? Trois décennies plus tard, l̓année 2008 est celle des bilans. C̓est aussi une année cruciale pour la République populaire. En août, elle est l̓hôte d̓un évènement mondial : les Jeux olympiques. Pékin a lourdement investi financièrement et idéologiquement dans la préparation de ce premier grand rendez-vous international à se tenir en territoire chinois. Sa réussite sera donc d̓ordre politique. Mais, dans les mois qui précèdent la rencontre sportive, les nuages s̓accumulent. Au printemps, les troubles au Tibet fournissent le prétexte d̓une vaste campagne antichinoise et d̓un appel au boycott des JO. Le lamentable passage de la flamme olympique en Europe et particulièrement à Paris, le 7 avril [1], est ressenti comme un camouflet national. La position du président Nicolas Sarkozy laissant planer l̓éventualité d̓une non-participation française à Pékin ouvre une crise diplomatique.
2L’attitude arrogante du monde occidental, perçue comme une humiliation qui rappelle celles du passé [2], laisse des traces. La rancœur s̓exprimera fortement quand ce même monde, sûr de sa suprématie, grand donneur de leçons en matière de droits démocratiques et d̓impératifs économiques, plonge dans la crise financière qu̓il vient de déclencher. On trouve dans la conjonction de ces événements, apparemment dissociés, les causes d̓un véritable tournant de la Chine dans sa perception de la mondialisation capitaliste, des maîtres et des règles qui la régissent.
3Autre drame qui frappe le pays en ce printemps 2008, le terrible tremblement de terre du Sichuan — le 12 mai — si violent qu̓il est ressenti dans la capitale à 1 500 km de là. Face à l̓ampleur du désastre, plus de 90 000 morts, une réaction de solidarité inédite saisit le pays dans une sorte de sursaut patriotique.
Fin de cycle
4À l̓automne, lorsqu̓éclate la crise des subprimes, le géant asiatique est au terme d̓un cycle marqué par une croissance galopante, jusqu’à 13 % en 2007. La vitesse et l’ampleur de son développement économique ont de facto bouleversé la Chine, sa société et les rapports de force économiques internationaux. Sa part dans le commerce mondial est passé de 3 % à quelque 11 % en 2008, (il est aujourd’hui de 15 %), le PIB a été multiplié par 20 depuis 1980 (soit une progression de 2 000 %) et plus de 500 millions de personnes [3] ont été sorties de la misère. L̓ensemble de la population profite de l̓accroissement de la prospérité, mais le mode de développement génère de profondes contradictions : moins pauvre mais plus inégalitaire, la Chine fait face à de fortes fractures sociales et régionales : le littoral concentre, sur 14 % du territoire, 59 % du PIB national, accueille 83 % des investissements des entreprises étrangères et réalise 89 % des exportations, alors que l̓Ouest, sur 56 % du territoire, n̓est à l̓origine que de 8 % du PIB. La dégradation de l̓environnement, la corruption au sein de l̓oligarchie, l̓exploitation d̓une main-d’œuvre venue des campagnes et frappée de mesures discriminatoires nourrissent une contestation sociale dans toutes les couches de la population, qui hypothèque la construction annoncée à l̓horizon 2020 d̓une « société harmonieuse » [4]. Les problèmes sont explicitement identifiés, ouvertement reconnus par les autorités politiques. Elles se doivent d’y apporter des solutions dans la logique pragmatique des transformations entreprises. Le chemin des réformes n̓est pas tracé à l̓avance. Il s̓invente par étape, graduellement, en y apportant les corrections qui s̓imposent, guidé par une vision à long terme. Le 11e plan quinquennal (2006-2010) annonce les nouvelles orientations. Une nouvelle phase historique de réformes s̓est engagée, fondée sur des critères de qualité de la croissance plus équilibrés, plus redistributifs, recentrés sur le marché intérieur, sur l̓extension des services, et moins tributaires des soubresauts de la conjoncture internationale. Le volet social y est important : en janvier 2008, la nouvelle loi sur le travail, dont l̓élaboration résulte de plusieurs mois de concertation, entre en vigueur : elle impose des contrats de travail obligatoires, le salaire de base garanti, des assurances vieillesse, de santé et de chômage [5].
Résistance à la crise
5 La transition est délicate pour un pays de près d̓un milliard quatre cent millions d̓habitants, grand comme vingt fois la France. Elle n̓en est qu̓à ses débuts lorsque la crise financière atteint sa dimension planétaire. La Chine en subit les contrecoups mais dispose de suffisamment de ressorts internes pour les surmonter. Ils tiennent au sens et à la nature mêmes des choix politiques qui ont prévalu depuis Mao Zedong dans la quête d̓une « voie » inédite de développement. Pour les comprendre, plusieurs points sont à rappeler.
6– Les succès des réformes ne tiennent pas à l̓œuvre miraculeuse des marchés. Nous sommes loin des « thérapies de choc » qu̓ont connues l̓ex-URSS et les pays d̓Europe de l̓Est. L̓ouverture économique ne visait pas à importer le capitalisme en République populaire, mais à construire un système productif moderne intégré, associant secteurs public et privé et différents régimes de propriété (publique, collective, sous la forme de joint-ventures, privée et étrangère). L̓insertion de la Chine dans la mondialisation est demeurée, au demeurant, partielle et contrôlée et Pékin ne s̓est pas plié aux préceptes du « consensus de Washington » [6] qui ont dévasté un certain nombre de pays en Asie, en Russie et en Amérique latine [7].
7L̓adhésion à l̓OMC en 2001 en fut un exemple. Elle fut possible au terme de quinze ans d̓âpres négociations et la Chine en devint membre en préservant le statut « de pays en voie de développement ». Ce qui lui autorisait des aides publiques notamment dans l̓agriculture.
8– La renaissance contrôlée d̓un capital privé, l̓introduction du marché – comme outil au service du développement et non comme finalité — et le démantèlement d̓une partie de l̓économie planifiée ont donné naissance à une économie mixte façonnée par l̓État, qualifiée d̓« économie socialiste de marché ». Elle est justifiée comme incontournable dans la phase historique actuelle définie par la direction chinoise comme « stade primaire du socialisme ». L̓État a gardé une suprématie incontestée – en dépit du fort essor du secteur privé – et il régule étroitement son système financier le mettant largement à l̓abri de l̓instabilité du marché mondial.
9– Enfin l̓entrée des investisseurs étrangers s̓est faite sous des conditions limitatives. Pour investir en Chine il fallait généralement le faire dans des co-entreprises et, s̓agissant de participations au capital dans les grandes entreprises et banques d̓État, elles ne pouvaient être que minoritaires. D̓une manière générale, Pékin a protégé ses secteurs stratégiques.
10– Le yuan n̓est pas soumis aux aléas des changes flexibles que la mondialisation financière impose. De surcroît, la Chine conserve une réserve considérable de déploiement de son système de crédit public.
11Si elle a pleinement tiré parti de la mondialisation capitaliste dans lequel elle s̓est intégrée dans les années 1990, elle a su s’en garder pour une large part au nom de sa souveraineté.
12Sa principale faiblesse est cependant sa dépendance à ses exportations. La récession mondiale avec le ralentissement de l̓activité et la baisse de la demande aux États-Unis et en Europe portent atteinte à son économie réelle touchée dès l̓hiver 2008-2009. Le choc est brutal pour les provinces comme le Guangdong qui assure près du tiers des exportations chinoises et emploie plus de 30 millions d̓ouvriers venus des campagnes de l̓intérieur du pays. Les investissements étrangers ont fondu de 32 % en quelques mois. Des centaines d’entreprises de la province ferment ou délocalisent.
Relever le défi
13Plus que jamais, la transformation du modèle de croissance s’impose et la crise en est l̓accélérateur. « La crise que subit le Guangdong est une opportunité qui permet d̓accélérer la transition que nous souhaitons », écrit le Nanfang Ribao [8], le grand quotidien du sud de la Chine, résumant parfaitement le sens du mot crise en chinois, « weiji », formé de deux caractères qui allient intimement la notion de danger (wei) et celle d̓opportunité (ji). Tout en ralentissant sa croissance, Pékin mise sur le maintien d̓un fort développement, soutenu par un gigantesque plan de relance de 456 milliards d̓euros décidé en novembre 2008 et destiné à tenir la crise à distance. La somme ainsi libérée est consacrée à des investissements dans les infrastructures du pays et à soutenir la consommation intérieure, et non pas à renflouer les banques comme c̓est le cas aux États-Unis et en Europe. Pour Pékin, le fait que la crise s̓aggrave sans que les puissances occidentales et leurs institutions recherchent de véritables solutions a sérieusement ébranlé à ses yeux, la validité du système libéral dominant avec lequel elle s̓était accommodée jusque-là. Pourtant, les tenants de ce système n̓ont pas baissé la garde. Pour eux, la baisse de la croissance en Chine, recherchée par les autorités, n̓est qu̓un prélude à un marasme économique du pays. Ils ont négligé de comprendre l̓intense phase de réflexion mise en place pour évaluer la viabilité d̓autres chemins à suivre et l̓opportunité que cette modification de l̓équilibre géopolitique du monde pouvait représenter pour elle. Écartant d’un revers de main les propos du Premier ministre de l̓époque, Wen Jiabao, à l̓Assemblée nationale, lors de la session de 2010 : « La crise financière est en train de faire naître une nouvelle révolution industrielle et technologique [...], le développement de ces nouvelles industries stratégiques décidera de l̓avenir de notre État », ils ont continué à spéculer sur son effondrement social et politique en vertu d̓une « fin de l̓histoire » [9] qui n̓avait plus lieu d̓être dans la première décennie du xxie siècle.
14Cet avenir est incarné depuis le XVIIIe congrès du Parti communiste chinois en novembre 2012 par Xi Jinping, devenu secrétaire général du PCC puis président de la République populaire en mars 2013 et dans la foulée chef des armées. Dès les premières semaines de sa gouvernance, Xi donne la mesure de ce que sera une « nouvelle ère historique » pour la Chine liée à sa montée en puissance économique et aux déboires des États capitalistes. Pour le sociologue Jean-Louis Rocca, il représente un « pouvoir fort et incarné […] face à un monde dorénavant dangereux et perçu comme de plus en plus instable » [10].
15Avec « le grand renouveau de la nation chinoise » et le « rêve chinois », Xi conceptualise le projet de modernisation de la Chine des nationalistes chinois du début du xxe siècle puis par le PCC dès sa création en 1921 : la construction d̓une nation économique prospère et souveraine par un modèle qui lui est propre et dont la projection sur la durée implique une continuité de l̓autorité politique qui le porte, le met en œuvre et en tire sa légitimité. À la tribune de l’ONU, en novembre 2015, Xi Jinping rappelait que les Nations unies permettaient à chaque pays de « choisir leur propre souveraineté et leur voie de développement » à partir de leurs réalités nationales. Il réaffirme, dans sa globalité et sa cohérence, cette visée du « nouveau modèle économique », dont les principaux moteurs sont le développement de la consommation intérieure, des services, de l̓innovation et de la lutte pour l̓environnement.
16Mais la condition sine qua non pour garantir cette reconversion stratégique est l̓assainissement du mode de fonctionnement politique qui passe en premier lieu par une remise en ordre et un renforcement du Parti. Il initie un mouvement de rectification à l̓intérieur et à l̓extérieur du PCC, met un terme au jeu trouble des factions dont l̓affaire Bo Xilai, dirigeant de la métropole de Chongqing (33 millions d̓habitants) avait révélé en 2012 la menace la plus éclatante d̓atteinte à l̓unité du Parti [11]. Au printemps 2013 est lancée une vaste campagne de lutte contre la corruption, d̓une ampleur sans précédent et qui s̓inscrit dans la durée. En quelques mois, plus de 500 000 cadres font l̓objet d̓enquêtes et plus de 120 000 sont inculpés par les tribunaux. Fin 2016, 198 « tigres » [12] civils ou militaires sont impliqués. De nouvelles règles de discipline interne sont adoptées et les critères de recrutement jugés trop tolérants et ne correspondant plus « aux circonstances politiques auxquelles est confronté le pays », selon l’agence chinoise Xinhua, sont durcis. Avec ce grand ménage, Xi Jinping se débarrasse sans doute de ses principaux rivaux et assoit son autorité. Mais l̓opération envoie un signal fort à l̓ensemble de la société en répondant à son exaspération face à l̓enrichissement des familles de dirigeants et des abus en tout genre de nombreux cadres. Elle tend à renforcer le soutien populaire aux réformes, à restaurer la confiance civique et marque le début d̓un nouveau temps idéologique.
17Le consensus que construit Xi Jinping autour de la renaissance nationale allie intimement la montée en puissance économique et la mise en évidence du destin national. En puisant dans la culture chinoise traditionnelle, y compris le confucianisme qui « contient d’importantes solutions pour résoudre les problèmes de l’humanité d’aujourd’hui » [13], comme dans la doctrine maoïste remettant au goût du jour le principe de la « la ligne de masse » [14], Xi lie explicitement l̓avenir des citoyens chinois à celui de la nation et les appelle à construire ensemble ce renouveau de la Chine, qui permettrait de la laver définitivement des humiliations passées. Il consacre ainsi sur le plan idéologique la rupture du mode de développement chinois avec les modèles occidentaux. Pour Xi Jinping, la Chine est entrée dans « une nouvelle ère socialiste et un nouvel horizon historique s’est ouvert à notre pays » [15].
La « nouvelle ère du socialisme »
18Les grandes étapes de cette ère ont été fixées jusqu’en 2050, correspondant au centenaire de la République populaire (octobre 1949). La première s’étend jusqu’à 2020, la deuxième jusqu’à 2035, date à laquelle la Chine « se hissera au premier rang des pays novateurs » grâce à « sa puissance économique, scientifique et technologique ». Durant la troisième phase, de 2035 à 2050, les efforts devront porter la Chine au « premier rang du monde en termes de puissance globale et de rayonnement international » [16].
19Le premier moteur de cette transformation est le développement de la consommation intérieure encouragée par un train de mesures sociales. L’objectif d’ici 2020 est d’atteindre une « société de moyenne aisance », d̓éliminer totalement la pauvreté et de doubler le revenu moyen des chinois (sur la base de celui de 2012). L̓amélioration du niveau de vie nécessite des dépenses publiques dans la construction d̓un véritable système généralisé de protection sociale. Il faut d’abord rassurer les Chinois sur l’avenir. Face aux coûts de l̓éducation et en l’absence d’assurance santé et de retraite, ils thésaurisent. Le taux d̓épargne de 47 % est le plus élevé du monde. Le plan quinquennal 2010-2015 prévoyait une hausse annuelle du salaire minimum de 13 % en moyenne. D̓autres mesures ont été prises pour permettre une meilleure qualité de vie, qu̓il s̓agisse de l̓acquisition d̓un logement, du développement des campagnes, de l̓éducation. La consommation des ménages dépasse aujourd̓hui 60 % du PIB contre 35 % en 2009.
20Autre accélérateur de la transition, le secteur de l̓innovation. C’est tout l’enjeu du plan « Made in China 2025 », lancé en 2015, qui doit assurer l̓autonomie du pays dans les dix secteurs jugés stratégiques : informatique, aéronautique, agriculture, matériaux… L’objectif est de réaliser en dix ans une modernisation des techniques de production, d’améliorer la qualité des produits, de généraliser le numérique dans la production industrielle, la connexion de réseaux et l’intelligence artificielle, de réduire la consommation d’énergie et de matières premières, et donc les rejets polluants.
21Il s̓est enrichi en juillet 2017 d̓un « Plan de développement de l’intelligence artificielle (IA) pour la prochaine génération » qui mobilise secteur privé et universités : En 2030, la Chine ambitionne ainsi d̓être le « premier centre d’innovation au monde ». Elle y met les moyens. Les dépenses en R & D ont augmenté de 18 % par an depuis 2000 contre 4 % pour les États-Unis et l’Europe. La proportion des industries stratégiques émergentes devrait atteindre 15 % du PIB en 2020 contre 8 % en 2015 [17]. Bien que la Chine ne compte actuellement que 50 000 experts (850 000 aux États-Unis) et qu̓il lui faudra dans les prochaines années 5 millions de professionnels de l’IA pour atteindre ses objectifs officiels [18], la perspective est la grande source d̓inquiétude pour les États-Unis, redoutant de perdre leur domination high-tech. Nous sommes là au cœur de la « guerre commerciale » déclenchée par Donald Trump à l̓encontre de Pékin. Peter Navarro, son conseiller et chef du service de la politique commerciale et manufacturière de la Maison-Blanche, ne s̓en est pas caché : « les mesures de surtaxe visent à empêcher la Chine de prendre le pas sur ces industries naissantes », a-t-il déclaré à la télévision américaine. Elles concernent notamment les produits figurant dans la liste des technologies de « Made in China 2025 ».
22Enfin toutes les potentialités d̓innovation de ce plan doivent servir à réorienter la croissance vers un développement durable. Pékin se construit un leadership mondial dans le secteur des technologies vertes. Au tournant du xxie siècle, le gouvernement chinois a publiquement dressé le constat des conséquences d̓une croissance dévastatrice sur le plan écologique, mettant en péril la durabilité des progrès réalisés. Le pays s̓est donné cinq ans pour réduire de 15 % sa consommation énergétique, de 25 % celle en eau, et de 18 % ses émissions de CO2.
23Concrètement, cela signifie que, d’ici à 2020, il doit plus que doubler sa production d’énergie éolienne et tripler celle de photovoltaïque. La flotte de véhicules électriques devra être multipliée par dix. Près de 300 milliards d’euros sont investis dans les énergies renouvelables, créant ainsi quelque 13 millions d̓emplois dans le secteur. En novembre 2016, tournant le dos aux vieilles obsessions de rendement et d̓accumulation, le ministère de l̓Agriculture a mis en jachère 400 000 hectares de terres arables pour en restaurer la fertilité, gravement endommagée par la pollution. La décision a été facilitée par le bon état des stocks de céréales et accélérée par l̓urgence de moderniser l̓agriculture et d’augmenter les revenus fermiers.
Plus d’ouverture et plus d’État
24Dans l’expérience chinoise, l̓État-développeur joue pleinement son rôle. Ce qui n̓est pas du goût de tous. En 2012, dans un article intitulé « L̓État gagne du terrain », l̓hebdomadaire britannique, The Economist [19], déplorait déjà que le « retrait de l̓État observé dans les années 1990 se soit ralenti ». Or, la puissance publique s̓est même grandement confirmée ces dernières années, alors que les autorités chinoises ne cessent d̓annoncer une plus grande ouverture de son économie à des secteurs jusque-là préservés et l̓abaissement des droits de douane sur certains produits, prenant le contre-pied des mesures protectionnistes de Donald Trump. Mais c’est vers les « zones franches » en place que doivent être dirigés en priorité les nouveaux investissements étrangers.
25L̓État ne lâche pas la main : de nouvelles agences, telles que l̓administration d̓État de contrôle du marché, sont mises en place en prévision de la nouvelle donne. Car l̓un des grands enjeux du second mandat de Xi Jinping est bien les relations du pouvoir avec le secteur privé qui représente la moitié du PIB. Si ce secteur est cité comme un moteur de l’économie chinoise, les milieux d’affaires sont aussi sévèrement rappelés à l’ordre du parti, traduisant de fait dans quel état d’esprit vont s̓appliquer les réformes économiques annoncées. « La mondialisation des multinationales telle que nous l’avons connue ne peut perdurer ». La presse le rappelle : « Il faut aujourd’hui des interventions fermes et plus importantes des États [...] On ne peut pas laisser la main au privé ». C’est le sens de la directive gouvernementale du 25 septembre 2017 définissant la place de l’entrepreneuriat privé dans une économie en pleine mutation et rappelant que son intérêt premier n’est pas le sien mais celui du pays.
26Autre défi de taille la lutte contre les investissements spéculatifs. « La nouvelle industrialisation, la modernisation de l’agriculture et l’informatisation continueront de fournir des opportunités d’investissement, mais ce sont désormais des investissements ciblés et contrôlables profitables à l’économie réelle qui seront de mise », avertissait en juillet 2017 le quotidien officiel, Global Times, après les secousses boursières de 2015. De même, les investissements privés à l̓étranger seront limités. Nombre d̓entre eux, dans les hôtels, les cinémas, le divertissement, les clubs sportifs, sont jugés irrationnels et s̓apparentaient plus à une fuite de capitaux.
27Il en est autrement des groupes publics transformés en champions nationaux. Si la part du secteur public dans le PIB chinois a dramatiquement diminué en trente ans, passant de 90 % à 30 %, (il est de 15 % pour le secteur collectif), il est devenu — supervisé par la Commission nationale de contrôle et de gestion des biens publics du gouvernement — la force de frappe de l̓expansion économique nationale et internationale chinoise. Une grande refonte industrielle et des fonds incitatifs pour stimuler les secteurs de pointe ont permis la création de géants chinois. Ce que dénonce la chambre de commerce de l̓Union européenne pour laquelle les subventions « colossales » dont bénéficient ces entreprises, notamment celles orientées vers les nouvelles technologies, faussent, selon elle, la concurrence libérale. L’internationalisation des groupes s̓est accentuée après 2008, après la perte de confiance des investisseurs institutionnels chinois dans le système financier états-unien. L̓achat de bons du Trésor américains avait prévalu dès les années 1990. La Chine y avait investi de 20 à 30 % de ses énormes réserves de change (près de 3 000 milliards d’euros en 2017). Ce dont elle tente très progressivement de se dégager, sans entraîner la chute du billet vert qui verrait fondre ses propres avoirs, en diversifiant ses devises de réserves et en investissant ses excédents financiers à l̓échelle planétaire.
28Si, en Europe, l̓achat du port du Pirée en 2016 ou celui de l̓aéroport de Toulouse (privatisé) ont fait couler beaucoup d̓encre sur le thème de la menace du « péril jaune », rappelons que les investissements français en Chine sont six fois plus importants que les investissements chinois en France. Lesquels ne représentent que… 2 % du total des investissements directs étrangers (IDE) dans l̓Hexagone, loin derrière les Japonais (6 %), selon le rapport de Business France, et très loin derrière les États-Unis qui y concentrent à eux seuls le quart des IDE.
Puissance économique, puissance géopolitique
29Depuis les années 1980, la Chine s̓était montrée plutôt discrète sur l̓ordre économique tel qu̓il avait été défini par les puissances occidentales au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. On a vu qu̓elle s̓en était accommodée dans son ensemble tout en restant le maître d̓œuvre de son développement national. La crise financière la consacre actrice majeure de la mondialisation. En décembre 2014, elle représente 16,5 % de l’économie mondiale en termes de pouvoir d’achat (PPA) et dépasse les États-Unis (16,3 %) [20]. Elle émerge aussi en tant que puissance géopolitique. La Chine de Xi est animée d̓un « véritable activisme diplomatique » et dit adieu au « profil bas » prôné par Deng Xiaoping à la fin des années 1970. Le XIXe congrès a fixé la feuille de route d̓ici 2050 : « prendre une place encore plus centrale sur la scène internationale. »
30La puissance qu̓elle s̓est construite reste étroitement liée à la nécessité de poursuivre sa modernisation au mieux de ses intérêts, mais dans une logique de complémentarité avec le reste du monde. Aux yeux des dirigeants chinois, la mondialisation consacre une interdépendance trop forte pour que les rivalités d’hier subsistent en l’état. La gestion de l̓espace mondial implique le multilatéralisme et un changement de nature des relations internationales. Elle projette ainsi sa vision du monde : « aujourd̓hui aucune nation ne peut réussir seule ». Il faut donc inventer des projets internationaux et fédérateurs de « communauté de destin commun » dans une logique de complémentarité, concept déjà entré dans une résolution des Nations unies adoptée en mars 2017.
31Vu de Pékin, le contexte actuel est favorable à ces changements. Il existe désormais un consensus partagé par de nombreux pays sur la nécessité de réformer le système des institutions de l̓après-guerre, inefficaces pour faire face aux grandes crises internationales. La Chine dispose désormais des capacités (diplomatiques, économiques) suffisantes pour prendre la tête d̓une telle réforme. Les injonctions de la Banque mondiale et du FMI en Asie du Sud-Est, en Afrique, en Amérique latine lui ont laissé le champ ouvert. Elle a déjà amorcé le mouvement avec des partenaires si diversifiés qu̓aucune des initiatives ne peut être assimilée à la reconstitution d̓alliances ou à une politique de blocs qui renverraient à une conception caduque des relations internationales.
32Le courant d̓échanges Sud-Sud amorcé au début des années 2000 s̓est accéléré depuis 2008, échappant complètement à la vision du monde occidental. De nouveaux mécanismes de coopération multilatérale plus souples avec les pays émergents se mettent en place comme les forums régionaux, Chine-Afrique (Focac — Forum de coopération Chine-Afrique) lancé en 2000, le forum de coopération Chine-pays arabes en 2004, ou encore le forum Chine-Communauté des États d̓Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) en 2015. La Chine, forte de ses réserves de change, investit dans cette mise en réseaux. Ces rencontres ont l̓avantage de remettre beaucoup d̓États petits et faibles dans le circuit de la concertation mondiale d̓où ils étaient exclus.
33La montée d’une posture plus offensive s̓est surtout manifestée à travers toute une série d̓innovations institutionnelles comme l̓Organisation de coopération de Shanghaï, (OCS), quasiment ignorée par les pays occidentaux depuis sa création en 2001. Cet ensemble qui, entre-temps, a aggloméré nombre d̓États au statut varié – membres, observateurs, partenaires – parmi lesquels la Russie, l̓Inde, le Pakistan et l̓Iran, représente 20 % de l’économie mondiale et 40 % de la population de la planète. Il a lancé une coopération régionale globale en lien avec les Nations unies et d’autres organisations internationales et régionales.
34Une autre de ces initiatives est la création de la Nouvelle Banque de développement (NBD) des BRICS, sorte d’alternative au FMI, dont la réforme est bloquée depuis 2010 par le Congrès états-unien. Envisagé dès 2013, le projet est officialisé en juillet 2015 à l̓occasion du sommet des BRICS de Fortaleza au Brésil. La NBD, dotée d̓un capital de 100 milliards de dollars, est destinée à financer des travaux d’infrastructure et des projets (publics ou privés) de développement durable dans les BRICS et les autres économies émergentes.
35Parallèlement, un fonds de réserve de change commun de 100 milliards de dollars a vu le jour (Fonds des BRICS). La Chine devrait y contribuer à hauteur de 41 milliards de dollars, le Brésil, l̓Inde et la Russie à hauteur de 18 milliards chacun, et l’Afrique du Sud, de cinq milliards. Elle est chargée de fournir aux États membres les moyens de faire face à une crise financière ou une attaque spéculative sur leur monnaie.
36Mais le véritable tournant de la contestation de l̓ordre établi est sans conteste la création de la Banque asiatique d̓investissement dans les infrastructures (BAII) à l̓instigation de Pékin. Évoqué pour la première fois à l̓automne 2013, le projet est officiellement lancé en octobre 2014 avec la signature d’un protocole d’accord par une vingtaine de capitales. Il rencontré un vif succès. Invités à y participer, les États-Unis rejettent l̓offre, ce qui n̓est pas le cas de ses alliés en dépit des pressions exercées. Nombre de pays de la zone Asie-Pacifique (Corée du Sud et Australie en particulier) passent outre et 17 pays européens (dont le Royaume-Uni, l̓Allemagne, la France, l̓Espagne, l̓Italie, les Pays-Bas, mais aussi la Suisse et la Norvège) se lancent également dans l̓aventure, portant en définitive à 57 le nombre des pays fondateurs. Mais une des caractéristiques majeures de cette institution est d̓être dominée par des pays asiatiques en développement ou émergents et non pas par des économies industrialisées. Washington ne s̓y trompe pas : la création de la BAII arrache ce cri du cœur à l̓ex-secrétaire au Trésor américain, Larry Summers : « On s̓en souviendra peut-être comme du moment où les États-Unis ont cessé d̓être le garant final de l̓économie globale ! ».
37Comme son nom l̓indique, l̓objectif de cette institution multilatérale est de faciliter le financement de vastes programmes d’infrastructures permettant d̓améliorer la « connectivité » entre les différents pays de la région asiatique. Il se démarque de la stratégie états-unienne militaro-commerciale soutenue par Barack Obama dans cette sphère Asie-Pacifique et qualifiée de « Pivot vers l̓Asie » [21]. Le projet-phare en était le Traité Trans-Pacifique (TPP). Onze pays asiatiques y avaient adhéré. La Chine en était d̓office exclue, le TPP ayant pour principal but d̓enrayer son expansion économique dans la région. En désengageant les États-Unis de l̓accord dès son arrivée à la Maison- Blanche en janvier 2017, Donald Trump a de fait donné un nouvel élan à l̓impressionnante ambition chinoise des « Nouvelles routes de la soie ». Proposée en 2013, l̓initiative renoue avec un symbole d̓échanges entre l̓Orient et l̓Occident vieux de 2 000 ans. Moins de cinq ans après, le projet vital pour la Chine pour poursuivre son développement a non seulement pris corps mais s̓est ouvert d̓autres perspectives ; combiné d̓abord dans l̓acronyme OBOR – One Belt, One Road (une ceinture, une route) –, une traduction littérale du chinois yi dai, yilu, le concept a pris une dimension à vocation planétaire sous une appellation élargie « Belt and Road Initiative » (BRI). L̓initiative, qui prendra forme en fonction des réponses apportées par l̓ensemble des partenaires qui accepteront d̓y participer, constitue bien la matrice de la vision chinoise de la mondialisation du xxie siècle, ouvrant « une phase historique de nouveaux échanges économiques, politiques et scientifiques dans l̓ère post-crise financière », estime écrit Wang Yiwei, professeur à l̓université du Peuple à Pékin. Elle vise rien de moins que de « favoriser l̓interconnexion entre les continents asiatique, européen et africain ainsi que les mers et océans adjacents », dans ce que Xi Jinping a appelé, à Davos en janvier 2017 la « mondialisation inclusive ».
L’hégémonie du dollar contestée
38Enfin, c̓est sur le front monétaire que la posture de la Chine a drastiquement évolué depuis la crise. La remise en cause de la prééminence du dollar la pousse désormais à une volonté de réforme plus résolue du système international. À ses yeux, un poids plus important devrait être accordé à d̓autres monnaies afin de limiter le « privilège exorbitant » détenu par les États-Unis. Elle rappelle à dessein que le krach de 2008 lui a fait subir ainsi qu’au reste du monde un choc financier en raison du gel des financements en dollar du commerce international. En conséquence, Pékin a décidé d’ancrer le yuan dans le commerce international.
39Dès avril 2009, avant le G20 qui se tenait à Londres, le gouverneur de la Banque centrale de Chine avait posé la question de la viabilité du dollar comme monnaie de référence dans les échanges internationaux et avait évoqué l’émission de DTS (droits de tirage spéciaux). Ainsi s’exprimait la méfiance vis-à-vis du billet vert. La politique chinoise fut alors de multiplier les accords swap en yuans avec des pays voisins (Corée du Sud, Indonésie), mais aussi à des États plus lointains, comme l’Argentine, qui s’étaient vu refuser des prêts du FMI. Grâce à ces accords, nombre de pays émergents d̓Afrique, d̓Asie et d̓Amérique latine ont pu avoir accès à des infrastructures financées et construites par des ressources chinoises en échange d̓exportations de produits de base vers la Chine.
40Première importatrice de pétrole, de minerai de bauxite et d’alumine, la Chine vise enfin à remplacer le dollar dans la plupart des transactions de matières premières. Si le poids du yuan est encore limité – 63,5 % des réserves en devises des banques centrales mondiales restent constituées en dollar, 20 % en euro et seulement 1,1 % en yuan – l’hégémonie du billet vert est ouvertement contestée. Au Sommet de Hararé (Zimbabwé), en juin 2018, les représentants des banques centrales de quatorze pays africains, de la Banque de développement africaine et des responsables politiques ont étudié la possibilité d’utiliser le yuan comme réserve de change, comme c’est déjà le cas de l’Afrique du Sud ou du Nigeria. La Banque centrale européenne (BCE) et plusieurs institutions financières du continent ont également exprimé le souhait de voir la devise chinoise devenir l’une de leurs monnaies de réserve, à l’instar de la Bundesbank allemande et de la Banque de France. Ces décisions ont pour l’heure un poids modeste mais recèlent une forte portée politique. L’internationalisation du yuan est en effet un mouvement continu depuis son placement, en 2016, par le Fonds monétaire international (FMI) dans le club fermé des droits de tirage spéciaux (DTS).
Repenser collectivement les relations internationales
41À peine un an après la disparition de l̓Union soviétique, l̓administration américaine publiait un document-clé qui continue de servir de référence à Washington : la « Defense strategic guidance » de 1992. Le Pentagone lançait une doctrine qui reste aujourd̓hui le fil conducteur de la politique étrangère des États-Unis : « Notre objectif premier est d̓empêcher qu̓un nouveau compétiteur n̓apparaisse sur la scène mondiale. Nous devons empêcher les concurrents potentiels ne serait-ce que d̓aspirer à jouer un plus grand rôle au niveau mondial ». Barack Obama avait fait sienne cette doctrine en réorientant la politique américaine vers l̓Asie. Avec d̓autres moyens, le protectionnisme, la « guerre commerciale », Donald Trump intensifie cette rivalité entre les deux grandes puissances. La Chine la redoute plus que tout. Elle garde en tête le rôle que l̓affrontement des blocs et la course aux armements a joué dans l̓effondrement de l̓Union soviétique. Elle sait également qu̓elle n̓a pas les capacités technologiques et militaires dont dispose Washington. Pas plus qu’elle n’entend transformer cette rivalité imposée en « G2 », elle se refuse à prendre la tête d̓un quelconque camp anti-impérialiste.
42Dans un monde en plein bouleversement, en recomposition, où s̓accumulent les dangers portés par des populismes nourris par les frustrations de la misère, elle oppose au repli des nations sa conviction d̓un multilatéralisme et d’une « communauté de destin de l̓humanité ». Dans cette logique, elle appelle à des coopérations et des partenariats d̓un nouveau type, dont aucun pays ne doit être exclu. Mais la réorganisation impérative de nouvelles relations mondiales ne saurait être le fait des seuls États, fussent-ils pleinement souverains et développementaristes.
43Le système international doit être repensé collectivement ; cette réflexion impose de changer nos grilles de lecture et d̓abandonner de vieux concepts qui pérennisent dangereusement un climat de néoguerre-froide. Elle impose aussi l̓implication des sociétés trop souvent exclues ou marginalisées. L̓ancien secrétaire général de l̓ONU, Kofi Annan, rappelait ainsi, dans le contexte du millénaire, que le multilatéralisme devait être davantage social pour se pérenniser. C’est avec cette ambition que la vision d̓« une communauté de destin pour l̓humanité » prendra toute sa mesure pour inventer la suite de l̓histoire et non plus d̓en décréter la fin.
Mots-clés éditeurs : coopération, mondialisation, État, interdépendance, marché, développement
Date de mise en ligne : 22/03/2020
https://doi.org/10.3917/lp.395.0020Notes
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[1]
Le parcours de la flamme à Paris se fait sous les insultes de militants protibétains épaulés par Reporters sans frontières. L’agression de la sportive chinoise handicapée sur un fauteuil roulant qui porte la torche passe en boucle sur les télévisions de la RPC.
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[2]
Référence à l’occupation de l’Empire à partir du milieu du xixe siècle par les puissances industrielles de l’époque, qui prit fin en 1949 à la création de la République populaire de Chine.
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[3]
Selon le rapport de la Banque mondiale de 2009.
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[4]
« Chine », La Pensée, n° 341, janvier/mars 2005.
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[5]
« Chine : Regards croisés », La Pensée, n° 373, janvier/mars 2013.
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[6]
« Consensus de Washington » : ensemble de dix règles établies par l’économiste américain John Williamson en 1989, prônant les privatisations, la libéralisation des échanges commerciaux, le retrait de l’État des dépenses.
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[7]
Lors de la série de crises dévastatrices entre 1997 et 2002, le Fonds monétaire international a conditionné ses prêts à l’adoption de ces recettes.
-
[8]
Édition du 24 novembre 2008.
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[9]
Au début des années 1990, à la suite de l’implosion de l’URSS, l’économiste américain avait prédit la « fin de l’histoire » et l’universalisation du modèle libéral.
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[10]
L’Humanité, 15 mars 2018.
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[11]
Bo Xilaï ambitionnait un destin national. À Chongqing, il avait assis sa popularité en recourant à des campagnes maoïstes. Il fut mêlé par sa femme au meurtre d’un ressortissant britannique. Il fut arrêté pour corruption et abus de pouvoir en mars 2012 en pleine session de l’Assemblée nationale.
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[12]
Les hauts cadres du PCC et de l’appareil d’État.
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[13]
Discours de Xi Jinping en 2014 à l’occasion du 2 565e anniversaire de la naissance de Confucius.
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[14]
Le concept de la « ligne de masse », défini par Mao Zedong dans les années 1930, consiste à « partir des masses » (de leurs besoins) pour « aller aux masses » (définir une ligne politique prolétarienne). Elle implique un style de travail simple et dénué de formalisme, l̓enquête auprès des masses, la critique et l̓autocritique et l̓épreuve des faits.
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[15]
Discours de Xi Jinping au XIXe congrès du PCC qui s’est tenu du 18 au 25 octobre 2017 à Pékin.
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[16]
Idem.
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[17]
Selon le 13e plan quinquennal adopté au printemps 2016.
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[18]
Ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information (rapport 2017).
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[19]
The Economist, 6 octobre 2012.
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[20]
Elle n’est qu’à la 90e place en termes de revenu par tête d’habitant.
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[21]
Décrit par sa secrétaire d’État, Hillary Clinton, dans un article publié dans la revue Foreign Policy en 2011.