Notes
- (1)Pour l’histoire du GAM au Canada, voir http://www.rrasmq.com/GAM/presentation.php
- (2)Le terme « énaction » a été proposé par Varela pour désigner un modèle de la cognition alternative au modèle de l’ordinateur.
- (3)Maniglier développe la conception du sujet comme excès et l’idée de distribution de compétences dans l’article à propos de la Clinique de Concertation (http://concertation.net). Ici, ces notions sont reprises dans le contexte de la recherche.
Introduction
1Cet article vise à examiner, à partir du terrain, ce qui est réalisé concrètement par les chercheurs pour identifier les champs problématiques récurrents de ce qu’on appelle « l’analyse qualitative ». Il suivra le pari pragmatique et transdisciplinaire de l’École de Chicago (Fugier, 2012), selon lequel la rigueur d’une recherche ne vient pas de l’application automatique de techniques ou d’un protocole méthodologique rigide. En s’adressant aux caractéristiques les plus générales de deux cas concrets (un en anthropologie et un en psychologie), l’article explore les conditions d’une recherche qualitative rigoureuse dans ce qu’elle a de plus ouvert par rapport aux cadres disciplinaires. Ici, l’aspect qualitatif ne s’oppose pas à la rigueur et aux essais de partage et de transmission.
2En faisant appel à différentes disciplines (Juan, 2008), le texte s’appuiera sur l’indication, dans les deux cas, d’une caractéristique qui interroge la frontière d’une dichotomie. Le déplacement de lignes de démarcations et le traitement assez flou réservé aux disciplines n’ont pas l’intention d’effacer les spécificités, mais de repérer les démarches pratiques, concrètes, mises en œuvre sur le terrain.
1. Le cas en psychologie
3Le premier cas est celui d’une recherche-intervention participative en santé mentale, développée majoritairement par des psychologues. Il s’agissait d’une recherche pour adapter à la réalité brésilienne un outil d’origine canadienne à l’intention des personnes qui prennent des médicaments psychiatriques. Cet outil, le guide GAM (guide de la Gestion autonome de la médication) (1), aide à élargir la compréhension des usagers concernant les effets de la médication sur leur vie, et à augmenter leur pouvoir de négociation avec les équipes de santé.
4Au Brésil, malgré les progrès de la réforme psychiatrique, la juste mesure de la place occupée par la médication dans le traitement en santé mentale n’a pas été évaluée ; la surmédication est fréquente et les choix concernant le traitement médicamenteux sont très souvent imposés.
5C’est pour cette raison que, considérant la médication dans la réforme psychiatrique brésilienne comme une question essentielle, il a été décidé d’adapter l’approche canadienne de la GAM à cette réalité dans un projet porté par plusieurs universités brésiliennes (Campos et al., 2012). L’objectif du travail de recherche a été de transmettre une posture de recherche attentive aux savoirs de ceux et celles qui ont l’expérience pratique de la gestion de ces médicaments, dans une démarche stimulant l’intérêt et le processus de création de solutions novatrices. Si au départ la recherche a été menée, d’un point de vue académique, par des psychologues, sur le terrain, tous les participants (usagers des services, membres de leur famille, travailleurs, psychiatres) furent également considérés comme des chercheurs.
6Le choix de la recherche qualitative est alors, dans ce cas, tributaire d’une intention d’accorder la méthode et le contenu de la recherche : comme il s’agissait d’adapter un outil en faveur de l’autonomie, il fallait être attentif à l’expérience vécue de chacun et à leur potentiel de participation et de réflexion critique. Il s’agissait d’une visée en première personne de la prise de médicaments, perspective très souvent omise dans les études en psychiatrie au Brésil. Pour cette raison, on a employé des techniques propres aux méthodologies de première personne (Sade et al., 2013 ; Varela & Shear, 1999).
7D’un point de vue pratique, pour réaliser l’adaptation et la validation du guide GAM et du dispositif groupal dans les services publics, nous avons dû évaluer la capacité de transformation de la réalité concernant la place du médicament ; en même temps, nous devions compter sur la capacité des usagers et des autres personnes concernées à être agents. Pour cette raison, la recherche qualitative a pris le caractère d’une recherche-intervention (Passos & Barros, 2009) ou, plus précisément, d’une « recherche-intervention participative ». Il s’agissait d’un cas de recherche-action visant la transformation d’une réalité donnée, et la désignation « intervention » nous semblait plus pertinente au contexte latino-américain (Rossi & Passos, 2014) – et aussi plus proche du vocabulaire de l’analyse institutionnelle (Lourau, 1970), qui a eu une influence significative sur les pratiques de recherche en sciences sociales au Brésil. Dans le cas de la recherche-intervention, les objectifs sont coconstruits avec tous les participants, il n’y a pas d’intention de prévoir toutes les transformations qui pourraient apparaître grâce à la recherche, et les changements ne sont pas unidirectionnels (c’est-à-dire que les chercheurs ne sont pas les agents d’une transformation subie par les autres ou par la situation elle-même). À partir de l’intervention, tous peuvent être transformés et la situation de départ peut être reconfigurée.
8Dans ce contexte, l’analyse des données était nécessairement une tâche partagée qui se déroulait pendant tout le processus d’investigation (même si, en raison de l’aspect d’intervention de la recherche, les « données » acquièrent ici une signification ambigüe). Autrement dit, la production de données de recherche ne pouvait pas être séparée de l’analyse elle-même. Il n’y avait pas, comme on le rencontre souvent dans le milieu académique – et surtout dans les recherches quantitatives – une frontière nette entre le travail de terrain et l’analyse ; cette dernière n’était pas une étape parmi d’autres (Barros & Barros, 2013).
9En bref, la recherche-intervention participative menée au Brésil était un type de recherche qualitative puisqu’elle s’intéressait aux attributs expérientiels d’une situation (l’utilisation de médicaments). Mais, en s’intéressant à l’expérience, elle interrogeait deux présuppositions très fréquentes de la recherche quantitative, présentes également dans des recherches dites qualitatives : a) que la recherche ne sert qu’à représenter une réalité ; b) que l’objectivité de cette représentation dépend d’un contrôle du « biais subjectif », normalement maîtrisé par les chercheurs « professionnels ».
10Ces présuppositions sont liées entre elles. La conception de la représentation en tant que but d’une recherche se fonde sur l’idée qu’objet et sujet existent de manière indépendante. L’expérience serait, selon cette idée, liée à la représentation de l’objectivité du monde par un sujet – elle serait son composant subjectif. Le monde en tant que tel existerait sans le sujet et il serait le pôle extrême de l’objectivité, perçu par nos subjectivités faillibles grâce à nos représentations (qui peuvent être plus ou moins précises). Moins d’interférence subjective – et donc moins d’expérience – entraîne plus de précision, plus d’accès à la « vraie objectivité ». Le but d’une recherche serait donc de réduire l’interférence de la subjectivité dans la représentation du monde. La transformation de cette connaissance en « données quantitatives » n’est que secondaire dans ce cadre.
11Pourtant, cette situation de recherche a montré que la frontière entre subjectivité et objectivité n’est ni évidente ni rigide, elle se déplace grâce à la recherche elle-même, en redéfinissant de manière réciproque les deux côtés de la ligne de démarcation. Autrement dit, l’activité de recherche transformait la situation étudiée : devenir chercheur signifiait, pour les usagers, devenir plus autonomes dans leurs décisions, y compris celles relatives aux médicaments. L’investigation, plutôt que de représenter, transformait autant la réalité dite objective que les sujets participants. En même temps, l’expérience vécue des usagers ne pouvait pas être mise de côté dans ce contexte où il s’agissait de comprendre la réalité objective de l’utilisation de la médication ; autrement dit, écarter l’expérience comme objet d’investigation équivaudrait à présumer qu’elle serait négligeable. Contrairement aux idées reçues, l’expérience n’est pas enfermée dans la subjectivité, elle fabrique elle-même les lignes de partage entre subjectif et objectif.
12Pour accéder aux expériences d’autonomie et produire de la connaissance sur cette question, il fallait déplacer la ligne de démarcation préétablie entre subjectif et objectif, il ne suffisait pas de regarder à distance ce qu’on supposait être l’expérience de l’autre. Il nous a fallu inviter les participants à une entreprise de transformation de soi et du monde pour vraiment étudier les potentiels d’autonomie et de création de nouvelles solutions. Dans ce cas – et comme le montrent les travaux de Despret (2004 ; 2009) – les relations de confiance entre chercheurs et participants de la recherche ne sont pas un biais dans l’appréhension de la réalité objective, elles sont la condition pour construire de nouveaux objets et une réalité jusque-là inexistante.
2. Le cas en anthropologie
13La deuxième situation de recherche est issue d’un projet interdisciplinaire, mais avec un ancrage dans la tradition de l’anthropologie et de l’ethnographie, ainsi qu’un apport de l’approche biographique (Delory-Momberger, 2006 ; Fabre et al., 2010 ; Lechner, 2011) et de méthodologies de recherche utilisant des récits de vie (Bertaux, 2010). Des ateliers biographiques ont été réalisés avec des personnes qui ont vécu l’immigration au Portugal (Lechner, 2015). Le projet portait donc sur les expériences personnelles de migrants de différentes origines et se basait sur les récits de situations vécues par eux, récits partagés en groupe dans une situation créatrice de respect et d’intérêt réciproques.
14Le projet s’inscrit, dans le champ de recherches sur les migrations, comme une réponse à la relative absence de l’expérience et du savoir des migrants eux-mêmes dans la connaissance produite sur eux. Il y a une dimension vécue de la migration, expérimentée concrètement, qui est irréductible à des données quantitatives ou représentées à travers une perspective de troisième personne. Cette dimension peut faire l’objet d’une connaissance importante, capable d’apporter de nouveaux éléments à une question politique et éthique fondamentale.
15Plus qu’une recherche sur les migrants, il s’agit d’une recherche avec des personnes ayant une perspective singulière et irremplaçable sur les questions étudiées. Il s’agissait, alors, d’une recherche collaborative, même si, contrairement à l’exemple précédent, la préoccupation pour l’intervention était ici secondaire.
16Chaque atelier biographique (Lechner, 2011 ; 2015 ; 2017) comptait des personnes de différentes origines qui, volontairement, acceptaient de raconter leurs expériences de migration au Portugal. Ces récits biographiques sont compris dans ce contexte à partir du concept d’identité narrative proposé par Ricœur (Lechner & Renault, 2018 ; Ricœur, 1990).
17Si les expériences partagées pouvaient être qualifiées de strictement personnelles, elles permettaient néanmoins d’établir un partage extraordinaire entre les participants qui découvraient, surpris, que ces expériences intéressaient aussi d’autres personnes. Il y avait une sorte de résonance entre les histoires racontées qui, sans perdre leur dimension personnelle et singulière, dévoilaient également une dimension collective. L’exercice autobiographique devenait un travail collaboratif.
18Des thèmes comme le racisme et la discrimination touchaient chaque personne de manière particulière, mais en même temps traversaient le collectif et gagnaient de l’ampleur, permettant aussi un débat politique et la production de connaissances au niveau scientifique. Comme le démontre Ramos (2011), chaque histoire de migration est très singulière ; pourtant, l’attention portée à l’individu n’est opposée ni à la « fabrication d’un “nous” » (Ramos, 2011, 32), ni à des dimensions partagées et reconnaissables par d’autres personnes.
19Ainsi, la situation de recherche avec les ateliers biographiques modifiait les récits, quoiqu’elle ne se soit pas tout de suite définie comme une intervention. La surprise des participants relative au fait qu’on s’intéressait à leurs parcours de vie dénotait qu’il y avait au moins un changement apporté par la situation de recherche : la création d’intérêt réciproque. Ici aussi, il est possible d’exprimer cette idée en termes de déplacement d’une ligne de démarcation importante pour les sciences sociales – à savoir entre le singulier et le collectif.
20Ce déplacement interroge deux conditions fréquemment assumées comme nécessaires pour la production de connaissances : a) que la connaissance scientifique, pour être universelle, doit mettre de côté les singularités ; b) que la connaissance doit être neutre, puisque l’éthique et la politique en sont indépendantes.
21L’analyse qualitative des récits de migrations produits dans les ateliers biographiques indiquait l’impossibilité de fixer a priori les limites entre le singulier et le collectif ; là où, auparavant, il y avait seulement une histoire privée – et très rarement partagée en public avant la recherche – s’est créé un « nous ». L’intérêt – ou le désintérêt – porté par la recherche est déjà une prise de position, une réponse éthique à la présence de l’autre (Despret, 2009).
22Comme l’indiquait Haraway (1988), une objectivité ne peut être atteinte que grâce à des « perspectives partielles ». La singularité et la connaissance située sont privilégiées par rapport à une universalité abstraite. Le caractère situé est tributaire tant de l’attention accordée aux singularités que de la prise de position éthique et politique : les deux sont inséparables.
23La dimension politique des histoires personnelles n’est jamais une donnée ou un fait accompli de manière définitive, comme l’indiquent Stengers, Despret & Collective (2014). La fabrication d’un collectif dépend toujours d’un travail qui, dans le cas de ce projet, s’oppose à l’isolement et au silence auxquels sont confinés ceux qui vivent l’expérience migratoire.
3. Discussion
24Les deux exemples brièvement présentés sont différents par leurs objectifs et leurs méthodes. Malgré cela, il est possible de remarquer quelques points communs pour tracer des pistes sur les conditions de l’analyse qualitative.
25D’abord, dans les deux cas, l’expérimentation a eu une primauté sur la préconception du cadre analytique. Le déplacement de lignes de démarcation – entre subjectivité et objectivité pour le premier cas, singularité et collectivité pour le deuxième – démontre que ces recherches qualitatives n’ont pas été guidées par des catégories préétablies.
26Comme première piste, il est donc possible de souligner l’importance de la notion d’expérience : si la recherche qualitative priorise les aspects non quantifiables de la situation investiguée, l’expérience s’insinue comme un matériau essentiel pour le travail ; pourtant, l’expérience est toujours là, elle n’est pas « à l’intérieur » du participant de la recherche (Varela & Shear, 1999), en attente d’être analysée par un spécialiste.
27La contribution de Varela, avec sa théorie de l’énaction (2), est fondamentale pour permettre une compréhension de la notion d’expérience en jeu ici. Suivant cette approche énactiviste (Varela, 1989 ; Maturana & Varela, 1992), l’expérience recouvre chercheurs et participants de la recherche, sujets et objets, dedans et dehors ; ces catégories se définissent dans l’expérience et grâce à elle. Sans une définition préalable de ce qui importe ou pas dans la recherche, le chercheur ou la chercheuse peut être prêt(e) à accueillir ce qui va se produire grâce à la recherche elle-même, en accompagnant le processus dans une attitude d’ouverture et d’expérimentation.
28Ainsi, l’expérience possède une dimension réflexive importante pour la recherche qualitative : être attentif à l’expérience demande également une attention aux dispositifs de recherche et à leurs effets épistémologiques, éthiques et politiques (Despret, 2004). Les méthodologies en première personne ne négligent pas la participation du chercheur ou de la chercheuse dans l’expérience investiguée. Au contraire, ce type de méthodologie va accorder une égale importance aux transformations suscitées par les dispositifs d’investigation, producteurs de sujets et d’objets. L’expérience, plus qu’un objet parmi d’autres, est davantage un processus où la recherche est impliquée ; une analyse qualitative considère à la fois la temporalité de ce processus et son propre engagement. Pour cette raison, l’analyse qualitative ne se confond pas avec une étape à la fin de la recherche, distincte du « travail de terrain » (Barros & Barros, 2013), et ne vise pas à une soi-disant neutralité. L’analyse qualitative se réalise dès le premier instant de la recherche, dans la reconnaissance de la réflexivité et de la considération de ses effets.
29Comme deuxième piste, il est possible de souligner l’importance de l’idée de transformation ou d’intervention, qui peut être liée à celle de « sujet ». Les deux situations de recherche décrites ci-dessus donnent une place primordiale à l’expérience subjective. Dans le premier cas, les méthodologies en première personne ont été une source d’inspiration pour comprendre une dimension négligée de l’utilisation et de la prescription de médicaments psychiatriques ; dans le deuxième, les récits de vie font du sujet narrateur le protagoniste de la production de connaissance sur le phénomène migratoire. Toutefois, les transformations apportées par les processus de recherche empêchent une définition statique du sujet. Si on considère sérieusement l’expérience subjective, on voit qu’elle n’est pas immobile, inchangeable, prédéterminée, mais « changeante, changeable et fluide » (Varela & Shear, 1999).
30Ainsi, toute recherche est, d’une manière ou d’une autre, une recherche-action, avec la seule différence que certaines recherches sont conscientes de la dimension « action ». De façon comparable, Fabre et al. (2010) affirment qu’un récit biographique n’est jamais une donnée. Par conséquent, le statut du sujet, quand on évoque ici « l’expérience subjective », n’est pas celui d’une simple source (quoique privilégiée) de données. Le sujet est précisément l’élément qui apporte des changements imprévisibles, ce qui n’est pas donné d’avance. Comme l’indique Maniglier (2006) (3), le sujet est plutôt un excès, ce qui ne peut être ni représenté ni défini de manière préalable.
31Dans ce contexte, prendre en compte l’expérience subjective correspond aussi à prendre en compte la capacité de l’autre à être agent, sa capacité à transformer la situation et à se transformer lui-même. Ainsi, les sujets deviennent plutôt des participants de la recherche au sens fort du terme, c’est-à-dire des collaborateurs dans toutes les tâches de la recherche – y compris l’analyse (Barros & Barros, 2013). La notion de « sujet » désigne ici, pour l’analyse qualitative, son ouverture à la production collective de sens et à la prolifération de compréhensions possibles. Une analyse qualitative rigoureuse est celle qui est capable de garder les possibilités de partage, de circulation et de dépassement de frontières quand, grâce à l’expérience, cela s’avère nécessaire.
32La comparaison entre les effets de deux investigations démontre une nature commune entre les déplacements mis en lumière : la dichotomie présupposée entre « objectivité » et « expérience » a été interrogée. L’analyse qualitative ne gagne rien en se définissant comme une appréhension objective de la subjectivité si elle définit à l’avance ce qui est objectif et ce qui est subjectif. La rigueur de l’analyse est très souvent confondue avec une objectivité définie de manière assez automatique ; pourtant, l’automatisme n’est pas une garantie de l’accompagnement du processus de recherche dans toutes ses singularités et son inventivité.
Conclusion
33En partant de deux situations concrètes de recherche qualitative, l’analyse qualitative semble s’enrichir de la non-anticipation de catégories et de l’ouverture à l’expérience – qui n’est pas nécessairement synonyme de quelque chose de privé, d’individuel, mais qui porte une réflexivité et demande une attention à la recherche elle-même et aux effets de ses dispositifs. La rigueur de l’analyse qualitative ne vient pas d’une élimination artificielle de ce qui se présente dans l’expérience de recherche, ni de l’imposition d’un cadre analytique rigide prédéfini. Au contraire, cette rigueur vient d’un accompagnement proche du processus de recherche, dans une attitude à la fois réflexive et attentive à l’autre. Si les lignes de démarcation ne sont pas données à l’avance, il n’y a pas une seule procédure automatique qui garantirait la réalisation de l’analyse et le maintien des limites disciplinaires. Dans ce sens, la non-anticipation semble être une marque distinctive de l’analyse qualitative.
34Discerner une bonne analyse d’une mauvaise dépend d’une considération de l’expérience vécue et de l’inclusion des participants dans l’appréciation critique de la connaissance produite. L’analyse qualitative apparaît dès lors liée à deux aspects fondamentaux : la prise en compte de l’expérience subjective, qui est une source incontournable de connaissance sur la question investiguée (ce qui montre l’intérêt des méthodologies de recherche en première personne) ; et ses résultats, qui sont moins caractérisés par l’établissement d’une seule compréhension que par la prolifération de sens.
Bibliographie
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Notes
- (1)Pour l’histoire du GAM au Canada, voir http://www.rrasmq.com/GAM/presentation.php
- (2)Le terme « énaction » a été proposé par Varela pour désigner un modèle de la cognition alternative au modèle de l’ordinateur.
- (3)Maniglier développe la conception du sujet comme excès et l’idée de distribution de compétences dans l’article à propos de la Clinique de Concertation (http://concertation.net). Ici, ces notions sont reprises dans le contexte de la recherche.