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Article de revue

Le volontariat, composante du “vieillissement actif” ?

Pages 44 à 54

Notes

  • (1)
    Les mots “solidarité” et “investir” sont mis en gras dans le texte original.
  • (2)
    Observatoire pour le développement des services sociaux, Discours de Jérôme VIGNON, Directeur pour la Protection sociale et l’intégration sociale à la Commission européenne (DG Emploi et Affaires sociales), « Les services sociaux en tant que services d’intérêt général dans l’Ue – Objectifs, responsabilités, conditions générales », document de conférence organisée par le ministère fédéral allemand des Affaires familiales, des personnes âgées, des femmes et des jeunes et la Plate-forme des Ong sociales, 2 et 3 septembre 2003, Berlin http://www.soziale-dienste-in-europa.de.
  • (3)
  • (4)
    Sur le site du CABINET OFFICE, Building the Big Society, London, http://www.cabinetoffice.gov.uk/bigsocietyoverview
  • (5)
    Conseil national du travail, Avis 1775, Volontariat, propositions de lois, 13 juillet 2011.

1

L’Union européenne (UE), après celle du volontariat pour la promotion de la citoyenneté active 2011, appelle à participer à l’Année européenne du vieillissement actif 2012. Cette succession invite à approfondir le sens du volontariat puisque celui-ci figurerait également au menu du “vieillissement actif” sur la scène européenne. En effet, le concept de vieillissement actif est expliqué par la diffusion de l’image de retraités actifs faisant don de leur temps, de leur savoir et de leur sagesse. Ce qui contribue à un changement de représentation sociale de la vieillesse, propice au consensus. C’est un nouveau modèle d’existence qui se profile aux horizons de nos avancées dans l’âge : des existences non seulement actives, mais aussi généreuses, utiles pour la société et l’économie.

2Dans le contexte d’une transformation de la société salariale, l’Ue proclame la volonté d’offrir plus de visibilité aux activités de volontariat, de leur garantir la levée des obstacles rencontrés et demande aux États membres d’organiser leur développement. Ce faisant, l’Ue n’est-elle pas en train de constituer une forme de subordination du volontariat qui annule le don en remettant en cause le principe de liberté fondateur du fonctionnement associatif et de la participation sociale ? Lorsque l’État fait usage du don, celui-ci devient une marchandise (Supiot, 2007, p.110). Le volontariat doit alors être analysé à partir des concepts et outils de la sociologie du travail (Simonet, 2010, p.212).

3Nos interrogations sur la façon dont s’est construite cette volonté collective et commune aux pouvoirs politiques européens et aux organisations non gouvernementales de valoriser politiquement et idéologiquement le don de travail ont trouvé leurs sources dans les déclarations, résolutions et recommandations relatives à l’emploi et aux affaires sociales produites par les institutions européennes et les organisations non gouvernementales qui œuvrent dans le domaine social. Il apparaît que la demande de plus de liberté pour le volontariat entraîne la constitution d’une zone grise située à la frontière du salariat et du volontariat (Fonda, 2008). Non seulement parce que les prémices de la subordination du volontariat se constituent de manière normative, mais également du fait de l’évolution des pratiques de dialogue civil qui se sont développées dans l’Union européenne. Ces deux mouvements interagissent l’un sur l’autre depuis la fin des années 1990, et ce, en limitant la liberté d’expression des associations productrices de volontariat d’une part et, d’autre part, en instrumentalisant le volontariat pour répondre à l’augmentation de la demande sociale.

1. Le volontariat selon l’Union européenne

4Tout comme pour le concept du vieillissement actif, l’intérêt politique pour le volontariat concerne tous les âges de la vie. Des objectifs sont définis au niveau européen tant pour les systèmes d’éducation que pour les activités d’après l’âge de la retraite et ils se concrétisent dans certains pays par des politiques d’activation qui touchent les travailleurs âgés sans emploi et les retraités. Ces options sont légitimées par une démarche d’ “investissement social”.

1. 1. Le référentiel de l’investissement social

5Dans ses rapports de commission et ses résolutions, le Parlement Européen a voulu démontrer une cohérence entre l’année européenne pour le vieillissement actif et l’objectif de solidarité entre les générations, ce qui le maintient dans le registre du référentiel global de l’investissement social fortement utilisé dans les années 1990 pour justifier les décisions politiques concernant les systèmes de protection sociale (Muller, 2005). Le Livre Blanc Croissance, compétitivité, emploi, les défis et les pistes pour entrer dans le XXIe siècle affirmait l’exigence « d’une nouvelle solidarité à la fois entre ceux qui ont du travail et ceux qui n’en ont pas et entre ceux qui tirent leur revenu du travail et ceux qui le tirent du capital. […] Ce qui veut dire à la fois investir dans les personnes et mener une politique active de développement de nouvelles activités économiques et de création d’emplois dans les secteurs qui sont compétitifs sur les plans national et international » [1]. Simultanément, les travaux de l’Ocde déployaient le référentiel de l’investissement social en diffusant largement le postulat qu’une bonne politique sociale influe sur les résultats économiques et en ajoutant deux principes d’action. D’une part, la responsabilité partagée d’un tel investissement entre les pouvoirs publics, le marché et l’individu; et, d’autre part, l’objectif de « rendre le travail payant » et d’éviter la « trappe de la pauvreté ». Le référentiel de l’investissement social est le produit de deux processus, l’un cognitif et l’autre de pouvoir. Par leur pouvoir d’agir, Tony Blair et Gerhart Schneider, alors chefs des gouvernements britannique et allemand, ont pris la « troisième voie » théorisée par Anthony Giddens (Giddens, 1998, p.117). La protection sociale devient davantage un investissement qui rapportera dans le futur et moins une protection aujourd’hui et maintenant contre des risques sociaux. Cette perspective accepte que certaines catégories de la population vivent avec de faibles revenus, la redistribution des richesses n’étant pas une priorité. Les dépenses dites passives doivent être ciblées. L’objectif est l’activation de toute une population en âge de travailler, y compris les personnes auparavant dispensées d’activité, comme les personnes handicapées. La voie est ouverte pour les trois prescriptions maîtresses de l’Union européenne : harmoniser les systèmes d’éducation et de formation autour du projet de Life Long Learning; promouvoir les changements dans les modes de gouvernance et réformer le système de protection sociale et particulièrement les préretraites et l’âge de la retraite. Les dispositifs d’activation ont été mis en place non pas de façon automatique, mais de manière diversifiée dans les États membres, à des rythmes et des contenus différents. Et de plus en plus en instrumentalisant le volontariat, ceci est exposé plus loin.

1. 2. Le volontariat à tout âge

6Dans un premier temps, la promotion du volontariat a été circonscrite à la politique Jeunesse, rendue possible par le traité de Maastricht et son article 149 (§2). De là est né le programme d’action pour un Service volontaire européen (CE, 1998). Les États membres qui souhaitaient y participer ont dû introduire une nouvelle réglementation dans leur législation. Ce qui s’est largement concrétisé à l’occasion de l’Année internationale des volontaires de l’Organisation des Nations unies (Onu) (2001). La Commission européenne a publié le Livre Blanc pour la jeunesse où les activités de volontariat sont présentées comme un des quatre axes prioritaires pour la coopération transnationale. Lors de la décennie qui a suivi, l’intérêt pour le volontariat a touché toutes les catégories d’âge. Des initiatives ont été soutenues dans les projets européens et principalement dans les programmes d’éducation et de formation, Jeunesse en action, Grundvig pour les seniors et Leonardo da Vinci pour la validation des compétences acquises par les travailleurs dans l’apprentissage formel et informel.

7Les activités volontaires des personnes âgées ont été analysées dans le premier « rapport sur la situation sociale dans l’Union européenne ». Ce document présente les développements sociaux majeurs de la décennie précédente et identifie les domaines qui font l’objet des politiques futures (CE, 2000). Il expose la forte augmentation de la demande sociale en raison de l’augmentation rapide du nombre des personnes âgées de 80 ans et des groupes à faibles revenus. La réponse à ces problèmes pourrait-elle venir d’une augmentation de la participation sociale ? L’enquête apporte une réponse mitigée. À peine plus d’un citoyen européen sur quatre consacre plus de 10 heures par mois à des activités sociales, culturelles et politiques. La majorité des citoyens (67,9 %) y consacrent moins de 10 heures par mois. Ce qui correspond à peine à 3 % du temps potentiellement disponible pour de telles activités. Par contre, il apparaît que les personnes âgées consacrent du temps pour l’aide et le soutien familial. Elles sont nombreuses à s’occuper d’enfants, généralement en tant que grands-parents, avec 11 % dans la tranche des 60-69 ans et 6 % dans celle des 70-79 ans. Le temps consacré est en moyenne 19 heures par semaine pour les personnes de 60 à 69 ans et 16 heures par semaine pour celles de 70 à 79 ans (CE, 2000, p.84).

8Dans ce rapport, la Commission européenne sonde aussi l’opinion publique sur deux autres questions déterminantes pour les stratégies à venir. L’une concerne l’offre de protection sociale. Devrait-elle être du ressort d’administrations locales/nationales, d’entreprises privées ou d’associations sans but lucratif ? L’autre interroge le grand public pour savoir s’il est favorable à ce que les retraités aient la possibilité d’exercer à nouveau un emploi rémunéré ou d’effectuer un travail bénévole. Moins d’un tiers des répondants ont déclaré que les retraités devraient se contenter de travailler bénévolement. Les États membres ayant la position la plus ferme contre l’emploi rémunéré après la retraite étant l’Espagne et, dans une moindre mesure, la France. La Commission en conclut : « Il n’y a donc qu’en Espagne et en France que les attitudes du public pourraient constituer un obstacle à un accroissement de la participation des personnes âgées à l’économie sociale ». Un nouveau concept de solidarité y est testé. La Commission européenne considère que « ce concept est analysé de façon trop limitative par les textes juridiques qui n’en perçoivent “que ” les aspects de redistribution ou de mutualité ». Un retour à la solidarité citoyenne est prôné. Face aux situations de détresse, la seule action efficace serait l’action volontaire, « où bénévoles et salariés coopèrent en vue d’inventer des voies nouvelles capables de faire face aux problèmes les plus difficiles » [2]. Une perspective est proposée aux acteurs sociaux qui s’inquiètent de l’insécurité juridique dans laquelle les plonge le projet de la Directive relative aux services dans le marché intérieur : les services sociaux d’intérêt général qui fonctionnent avec des volontaires pourraient être exclus de l’application de la Directive dévastatrice pour les organisations non gouvernementales du secteur social (CE, 2003). Dès lors, l’idée de constituer « une armée de volontaires » se répandit tous azimuts au nom de la solidarité intergénérationnelle et du vieillissement actif.

1. 3. Le volontariat au risque de l’activation des seniors

9Quant à la question du vieillissement, l’Onu avait proposé de s’en préoccuper et d’organiser une première assemblée mondiale en 1982 pour concevoir le relèvement des niveaux de vie et des droits des personnes âgées (Gobin, 2007, p.439). Ensuite, l’Organisation mondiale de la santé a développé l’idée que vieillir en restant actif était bon pour la santé. Le concept de vieillissement actif a été lancé dans le registre du référentiel de l’investissement social en y associant la notion de qualité sociale (Beck, Van der Maesen et al, 1997, p.3). Certains travaux ont joué un rôle structurant et particulièrement l’étude confiée par la Commission européenne à Alan Walker. L’auteur recommande de s’attaquer à la racine des maux associés au grand âge que sont la maladie, l’inactivité et la dépendance (Walker, 2002). Ce rapport est devenu une référence majeure à la fois dans les rapports, avis et déclarations du Parlement européen et dans les études et prises de position des Ong sociales. Toutefois, lorsque la Commission européenne recueille et exploite les expertises demandées, celles-ci passent au tamis des traités. Un glissement radical de sens s’opère alors. Certains points bloquent entre les mailles de la prééminence du droit de la concurrence et du marché intérieur, du principe de subsidiarité et des répartitions des compétences. C’est ainsi que le vieillissement actif comme défini par l’Oms se voit réduit à un sens utilitariste tel que l’Ocde l’avait signifié: une démarche pour réformer les systèmes de retraites (Conter/Moulaert, 2008, p.39).

10Certaines dérives sont relevées par les acteurs sociaux dans les dispositifs qui se mettent en place dans les états membres. Ceci est illustré ci-dessous par les réactions du Conseil national du travail en Belgique et par les déclarations des organisations caritatives au Royaume-Uni.

2. Deux études de cas

2. 1. Le volontariat de la Big society britannique

11Sous le titre « Big society, que se passe-t-il en Grande-Bretagne ? », l’antenne française de l’Alliance pour le volontariat s’inquiète d’une confusion entre volontariat et politique d’activation des chômeurs de longue durée [3]. Le “don de travail” y devient une obligation. Au début, le gouvernement britannique a soulevé les grands problèmes d’inégalité économique, de désengagement civique et de capital social et proposé une réponse phare : « the Big Society » –souvent traduit en français par “une société civile forte” – fondée sur deux valeurs fondamentales : la liberté et la responsabilité (Freedom and Empowerment). La philanthropie est encouragée notamment à travers des avantages fiscaux. Une nouvelle responsabilité est déléguée aux citoyens pour l’organisation des services publics. L’État transfère ses compétences, non pas aux collectivités locales, mais à la société civile. Les associations locales pourront gérer, souvent bénévolement, des bureaux de poste, des bibliothèques, des transports en commun ou des programmes de logement [4]. Ce programme de réformes est construit sur trois niveaux de réalisation et trois techniques de mise en œuvre. Le premier niveau est celui de l’action sociale où domine une culture de la philanthropie et du volontarisme. Le second niveau concerne les services publics. L’objectif est d’ouvrir la voie à la responsabilité, la diversité et l’innovation. Ouvrir (c’est le leitmotiv open public services) à de nouveaux fournisseurs comme le secteur caritatif. Le troisième niveau est un transfert de compétences vers les collectivités territoriales, appelées à prendre en charge leurs propres destinées. La première technique de réalisation sera donc la décentralisation. La seconde technique sera d’informer sur les résultats à atteindre, la troisième étant le financement conditionné par les résultats. Le volontariat est au centre de cette stratégie qui vise à remplacer l’action de l’État par le renforcement des initiatives venues de la société civile et des collectivités locales. Le volontariat et la philanthropie, car les associations devront chercher des solutions autres que de se retourner vers le gouvernement et les collectivités locales. Celles-ci ont d’ailleurs subi des réductions drastiques des financements qui leur étaient redistribués auparavant par le gouvernement. De nouvelles réglementations encouragent l’utilisation des capitaux privés pour les actions sociales.

12Dans un premier temps, les associations britanniques se sont engagées avec enthousiasme dans les activités de l’année européenne du volontariat 2011 et le projet de la Big Society. Les discours de leurs responsables promettaient qu’une armée de volontaires suivrait. Ce ne fut pas le cas et les collectivités locales sont mises devant des choix difficiles après les coupes budgétaires comme celui de garder une bibliothèque publique ou continuer à financer une organisation caritative. À ce manque, le Livre Blanc pour la réforme de protection sociale du 11 novembre 2010 a répondu en instituant une nouvelle figure du travailleur volontaire que nous appellerons ici : « le volontaire par obligation pour mériter les allocations sociales ». Au nom de la nécessaire simplification du système, le gouvernement versera aux chômeurs un nouveau “crédit universel” qui remplacera les catégories d’allocations existantes. En contrepartie, les chômeurs de longue durée, ils sont 1,2 million dans ce cas en 2011, devront effectuer au moins 30 heures de travail gratuit par semaine au profit de la collectivité. Pendant quatre semaines ils effectueront des travaux manuels ou d’entretien de la voirie au bénéfice de services municipaux, d’associations ou de compagnies privées. Des sanctions sont prévues pour ceux et celles qui refuseraient, telle la perte du crédit universel pendant au moins trois mois.

2. 2. Le volontariat des seniors en Belgique, un révélateur des zones grises du marché du travail

13Dans les États où les syndicats de travailleurs sont consultés sur les projets de loi sur les droits des volontaires, les questions de rémunération et de contrat sont au cœur des méfiances. C’est le cas en Belgique où le Conseil national du travail (Cnt) expose régulièrement ses craintes de voir le volontariat glisser « vers une sorte de travail informel ou semi-formel qui évincerait le travail salarié » [5]. Depuis 2001, le législateur belge édicte de nouvelles libertés aux activités de volontariat ainsi que des facilités pour leur rétribution. Le premier projet d’arrêté royal sur l’harmonisation du traitement fiscal et social des indemnités octroyées dans le cadre du volontariat a provoqué des réticences. Le Cnt a estimé qu’il était nécessaire de « veiller à ce que le développement du volontariat ne se fasse pas au détriment d’emplois rémunérés ». Lorsque la loi relative aux droits des volontaires a été présentée à nouveau en 2005, le ministre des Affaires sociales a dû argumenter la distinction entre volontariat et travail rémunéré. Il a donné pour motif que la catégorie particulièrement impliquée est celle des pensionnés. Le Cnt a discuté plusieurs points dont l’élaboration d’un statut juridique pour les volontaires et le relèvement du plafond des indemnités demandé pour des catégories spécifiques de volontaires actifs dans les services de garde, l’aide médicale d’urgente et le transport non urgent de patients. In fine la loi du 3 juillet 2005 est le résultat d’un accord sur le droit pour les volontaires de se faire rembourser leurs frais et d’obtenir une rétribution forfaitaire.

14Si le système est très souple pour les pensionnés qui ne doivent pas déclarer leur activité de volontariat lorsqu’elle est exercée dans les conditions prévues par la loi, les prépensionnés et les chômeurs ont la contrainte de demander une autorisation à l’Office national de l’emploi (Onem) sauf pour les activités qui ne constituent pas un travail au sens de la réglementation – telles que être membre d’un comité des parents d’élèves, apporter une aide de minime importance à un membre de la famille ou à un voisin dans le cadre du bon voisinage, accompagner des enfants en voyage scolaire, passer avec des livres dans une maison de retraite, tenir compagnie à des personnes malades ou âgées, organiser une fête de village ou de quartier, apporter une aide ponctuelle suite à une catastrophe en Belgique, participer ponctuellement aux activités d’une organisation (vente annuelle d’objets, souper annuel de l’école, barbecue du club de sport), exercer des activités imposées ou reconnues par les autorités (stewards de football, surveillants habilités devant les écoles) ou certaines activités artistiques (participer à une troupe amateur ou chanter dans une chorale).

15Les activités qui peuvent être intégrées dans le circuit économique et qui sont exercées de façon structurée et régulière doivent être déclarées au préalable auprès de l’ONEM ou de l’organisme de paiement. Après la déclaration, les chômeurs et les prépensionnés peuvent commencer immédiatement leur activité de volontariat. Dans la dynamique de l’année européenne 2011 pour le volontariat, de nouvelles propositions de loi affluent dont la proposition de loi modifiant la loi du 3 juillet 2005 relative aux droits des volontaires en vue de relever le plafond d’exonération de cotisations de sécurité sociale pour l’indemnisation des frais, qui a pour but de faire passer les plafonds journalier et annuel fixés dans ladite loi du 3 juillet 2005, respectivement, de 30,32 euros à 77,70 euros et de 1.232,92 euros à 3.108 euros (montants indexés). Le motif d’une loi pour les “seniors” reste d’actualité, mais les finalités apparaissent autres. Les travailleurs âgés sont de plus en plus concernés par la réduction des dispositifs collectifs d’assistance et des systèmes de retraite. Un volontariat rétribué est présenté comme une alternative pour lutter contre la pauvreté.

Conclusion

16Lorsque le don de travail devient l’affaire du marché, il pénètre le lieu des rapports d’intérêt, de la comptabilité et du calcul ; lorsque le don de travail est l’affaire de l’État, il envahit l’espace des rapports impersonnels d’obéissance et de respect de la loi. In fine, lorsque le don de travail est exploité par les gouvernements comme une thématique politique, il se dévoile comme pouvant devenir un instrument de gestion et d’activation des systèmes de protection sociale. L’acte de donner, pour être véritablement un don, doit être un acte volontaire et personnel, sinon, il se transforme immédiatement en autre chose, en impôt par exemple, ou en don forcé, en exaction (Godelier, 2002, p.24). Malgré cela, la valorisation du volontariat continue de faire l’objet d’un consensus européen entre les acteurs sociaux et le monde politique et les politiques entre eux. Ce qui met en évidence l’ambiguïté des pratiques constitutives de l’économie des biens symboliques, « vérité que le sociologue dévoile, mais avec le risque de décrire comme un calcul cynique un acte qui se veut désintéressé et qu’il faut prendre comme tel, dans sa vérité vécue, vérité dont le modèle théorique doit aussi prendre acte et rendre compte » (Bourdieu, 1994). L’énigme du don, dévoilée par Marcel Mauss, reste entière (Caillé, 2009).

Bibliographie

Bibliographie

  • Beck W., Van der Maesen L., Walker A., 1997, The social quality of
  • Europe, The Hague, Kluwer Law International. Bourdieu P., 1994, “L’économie des biens symboliques, Cours du Collège de France à la Faculté d’anthropologie et de Sociologie de l’université Lumière Lyon”, Cahiers du Groupe de Recherche sur la Socialisation, n°13, 2° trim., pp.12-14.
  • Caillê A., 2009, “Du don comme réponse à l’énigme du don, Débat autour de L’énigme du don de Maurice Godelier”, Revue du MAUSS permanente, http://www.journaldumauss.net/spip.php7article532.
  • Conter B., Moulaert T., 2008, “L’incitation à l’outplacement, déclinaison belge du vieillissement actif”, Les politiques sociales 3 & 4, pp.27-40.
  • Fonda, 2008, “Les zones grises entre bénévolat et salariat”, Paris, La tribune Fonda, n°170.
  • Giddens A., 1998, The Third Way : the Renewal of Social Democracy, Cambridge, Polity press.
  • Gobin C., 2007, “Le vieillissement démographique”, in Durand P., Les nouveaux mots du pouvoir, abécédaire critique, Bruxelles, Éditions ADEN, pp.439-442.
  • Godelier M., 2002, L’énigme du don, Paris, Flammarion [1996].
  • Muller P., 2005, “Esquisse d’une théorie du changement dans l’action publique. Structures, acteurs et cadres cognitifs”, Revue française de Science Politique, vol.55, 1, pp.155-185.
  • Simonet M., 2004, “Penser le bénévolat comme travail pour repenser la sociologie du travail”, Revue de l’IRES n°44, pp.141-156.
  • Simonet M., 2010, Le travail bénévole, Paris, SNÉDIT/La dispute.
  • Supiot A., 2007, Critique du droit du travail, Paris, PUF, Quadrige.
  • Walker A., 2002, “A Strategy for Active Ageing”, International Social Security Review, vol. 55, pp.121-139.
  • Publications officielles de l’Union européenne

    • 1993, Le Livre Blanc, Croissance, compétitivité, emploi, les défis et les pistes pour entrer dans le XXIe siècle, Bruxelles, Commission européenne.
    • 1998, Décision 1686/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998, établissant le programme d’action communautaire “Service volontaire européen pour les jeunes”.
    • 2000, Commission européenne, Eurostat, La situation sociale dans l’Union européenne 2000, Luxembourg, Office des publications.
    • 2003, Commission européenne, Livre vert sur les services d’intérêt général, COM(2003) 270.
    • 2010, Conseil de l’Union européenne, Conclusions du Conseil sur le vieillissement actif, 3019e session du Conseil Emploi, politique sociale, santé et consommateurs, Bruxelles, 7 juin.

Notes

  • (1)
    Les mots “solidarité” et “investir” sont mis en gras dans le texte original.
  • (2)
    Observatoire pour le développement des services sociaux, Discours de Jérôme VIGNON, Directeur pour la Protection sociale et l’intégration sociale à la Commission européenne (DG Emploi et Affaires sociales), « Les services sociaux en tant que services d’intérêt général dans l’Ue – Objectifs, responsabilités, conditions générales », document de conférence organisée par le ministère fédéral allemand des Affaires familiales, des personnes âgées, des femmes et des jeunes et la Plate-forme des Ong sociales, 2 et 3 septembre 2003, Berlin http://www.soziale-dienste-in-europa.de.
  • (3)
  • (4)
    Sur le site du CABINET OFFICE, Building the Big Society, London, http://www.cabinetoffice.gov.uk/bigsocietyoverview
  • (5)
    Conseil national du travail, Avis 1775, Volontariat, propositions de lois, 13 juillet 2011.
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