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Article de revue

Des outils pour une intervention sociale participative

Pages 74 à 85

Notes

  • (1)
    La base désigne ici “le demandeur et le bénéficiaire” du travail social. Il s’agit donc de la personne, de la famille ou de la communauté en situation difficile, et de son environnement.

1

L’ampleur des problèmes sociaux dans nos pays en voie de développement, et surtout dans les pays en conflits ou post conflits, est très inquiétante. Cette situation s’est aggravée avec les luttes armées, qui ont contribué à augmenter considérablement le nombre de personnes vulnérables connues jusqu’alors et ont suscité l’apparition de nouvelles formes de vulnérabilité, comme les enfants issus du viol, les enfants soldats, les femmes violées, les enfants traumatisés, etc. Pour y faire face, les interventions sociales se sont organisées et leurs pratiques sont souvent les suivantes : la prise en charge des personnes dites vulnérables ; leur réinsertion sociale qui se limite souvent à la réunification familiale ; des tentatives de réinsertion économique qui sont assez récentes et se traduisent par ce que l’on appelle le “microcrédit” ou encore l’appui aux “activités génératrices de revenus”.

2La pratique de prise en charge consiste à offrir un hébergement aux enfants et aux femmes en situation difficile. Elle s’accompagne aussi d’une prise en charge alimentaire, vestimentaire, scolaire, sanitaire, etc. En nous référant à Maslow, cette prise en charge vise la satisfaction des besoins dits « physiologiques » et, dans une certaine mesure, du besoin de sécurité (Maslow, 2008, pp.58, 61).

3Le respect des normes de qualité en matière d’hébergement contribue grandement à améliorer les conditions de vie dans les centres. Les frais scolaires étant correctement pris en charge par ces derniers, aucun enfant hébergé n’est privé de l’accès à l’éducation que dispensent les écoles.

4Selon les résultats de la recherche-action participative faite à Kinshasa en 2007 sur les enfants en rupture familiale et sociale, les conditions de vie des enfants dans les centres sont meilleures que celles d’autres milieux de vie : famille et rue (Kabw Mukanz, 2007, p.7).

5Contrairement aux anciennes pratiques qui consistaient à prolonger l’hébergement de ces enfants vulnérables, l’exigence de réunification des familles a été imposée aux différents centres par les bailleurs de fonds. C’est ainsi qu’après 3 à 6 mois, ces enfants sont remis dans leurs familles respectives, dans des familles d’accueil ou rendus à leur autonomie.

6Le travail de réunification passe par les étapes suivantes : enquêtes, médiation et remise effective des enfants en famille. Il se poursuit par divers appuis en vivres, en frais ou en fournitures scolaires apportés à la famille que l’enfant a rejointe, ce qui apparaît souvent comme un aveu implicite de l’insuffisance de l’intervention dont l’enfant a bénéficié pendant son séjour dans le centre d’hébergement.

7Comme on le voit ci-dessous, les conséquences de cette insuffisance sont néfastes tant pour les individus concernés que pour les familles et la communauté:

8

  • de nombreux parents s’opposent au retour de leurs enfants dans la famille ;
  • les mauvaises conditions de vie en famille poussent beaucoup d’enfants revenus y vivre à retourner dans la rue;
  • certains rentrent dans les centres où ils avaient été hébergés ;
  • d’autres font la ronde des centres d’hébergement chaque fois qu’ils sont exclus d’un centre pour avoir dépassé l’âge de 18 ans ;
  • ceux qui restent quand même en famille connaissent une dégradation de leurs conditions de vie, sanitaires, scolaires, etc. ;
  • le nombre d’enfants en rupture familiale augmente et devient très préoccupant ;

9Dans cette pratique, l’intervenant est l’homme-orchestre, le principal acteur. Par contre, la contribution des autres membres de la base  (1), enfants et famille, reste insignifiante, imperceptible.

10Le recours à l’octroi des microcrédits en vue de faciliter le développement d’activités “génératrices de revenus” est une réponse au souci de corriger les pratiques précédentes qui ne prenaient pas en compte les conditions des familles où l’on réinsérait les enfants.

11Cependant, toutes les familles bénéficient d’un montant qui varie entre 50 à 80 dollars sans tenir compte de leurs charges réelles. Grâce au crédit reçu, elles exercent leurs activités en obéissant le plus souvent à une logique de gestion qui échappe aux principes économiques. Certes, les résultats positifs de cette pratique existent, mais ils sont peu nombreux. Les familles arrivent à trouver des ressources pour survivre, mais elles recourent souvent à d’autres emprunts pour rembourser le crédit obtenu. C’est ainsi qu’au lieu de favoriser la résolution des problèmes des familles et des enfants qui y sont réinsérés, la pratique des microcrédits non seulement ne les résout pas, mais en crée de nouveaux dans d’autres familles qu’elle condamne à un endettement chronique.

12Les activités rémunératrices pour lesquelles les microcrédits sont octroyés ne donnent pas les résultats escomptés. Il s’agirait ainsi d’un double déficit de participation: celle de l’intervenant social et celle des bénéficiaires de cette intervention.

13La participation de l’intervenant social, consistant à accorder le crédit et à le récupérer sous forme de remboursement, est très faible. Il manque aux familles les outils d’analyse de leur situation, une planification de leurs activités visant à résoudre leurs problèmes et les outils pour gérer leurs activités génératrices de revenus. C’est surtout au niveau de l’intervenant social que se situe le déficit de participation. Celui-ci engendre celui des familles qui restent à leur stade initial, malgré le crédit reçu.

1. Insuffisante participation de la base

14En amenant les financements, les bailleurs fixent unilatéralement aux bénéficiaires des fonds qu’ils apportent les objectifs à atteindre ainsi que les activités à organiser avec ces personnes réputées en situation difficile. Le principe de participation des bénéficiaires pour la réussite du travail social est tout simplement ignoré, ou insuffisamment exploité. Les responsables d’ONG adhèrent aux conditions des bailleurs et travaillent davantage pour atteindre leurs objectifs que pour aider la base à résoudre ses problèmes (Ketikila/Kabw Mukanz, 2008, p.15)

15L’encadrement des filles mères se limite à les former en coupe et couture afin qu’elles puissent utiliser les machines qu’offre tel bailleur, sans tenir compte des problèmes auxquels ces filles sont confrontées : exclusion familiale, exclusion scolaire, difficulté à prendre en charge leurs bébés, etc., quand bien même les priorités de cet encadrement sont ailleurs. Aucun projet n’intègre dans ses objectifs le bien-être des enfants de ces filles mères dont l’avenir reste dans tous les cas compromis.

16Parlons aussi des enfants orphelins : l’intervention sociale consiste à les héberger et à leur assurer une certaine prise en charge jusqu’à leur maturité. Aucun effort n’est fourni en vue de combattre l’exclusion familiale ainsi que la spoliation, la privation de l’héritage familial, dont ces enfants sont victimes après le décès de leurs parents.

17Lorsque les différents financements prennent fin, ni les intervenants ni la base n’ont l’opportunité d’évaluer le travail accompli, ce qui laisse souvent les intervenants sociaux désemparés et les problèmes sociaux intacts, si pas sérieusement compliqués, rendus difficiles par la passivité et la dépendance créées par ces pratiques à forte connotation caritative et paternaliste.

18Pour surmonter les difficultés soulevées ci-dessus et permettre au travailleur social de connaître le succès qu’il mérite par son intervention auprès de personnes en situation difficile, nous proposons que la participation des intervenants sociaux et des bénéficiaires vienne corriger les insuffisances des pratiques caritatives qui dominent le travail social dans notre pays.

2. Outils susceptibles de favoriser la participation de la base

19Tout en reconnaissant les avantages de la participation, beaucoup d’intervenants sociaux n’arrivent pas à l’exploiter dans leurs pratiques de terrain, principalement parce qu’ils ignorent les outils qui facilitent sa matérialisation.

20Dans tous ces cas, les outils susceptibles de favoriser la participation de la base manquent cruellement. Il s’agit notamment des outils servant à identifier les problèmes, à les analyser, à planifier des actions et à les évaluer.

21Notre réflexion portera sur quelques outils que nous avons expérimentés dans la formation des intervenants sociaux et que ces derniers ont utilisés sur différents terrains dans six provinces. Il s’agit notamment :

22

  • du tableau de classification des besoins
  • du tableau de classification des droits (pour faciliter l’identification des problèmes)
  • des diagrammes ou cercles d’intégration sociale
  • du canevas de la recherche-action participative

23En favorisant la participation des personnes vulnérables, le recours à ces outils est susceptible de corriger la perception erronée que l’on a lorsqu’on identifie des personnes en situation difficile, que l’on définit les objectifs et que l’on choisit les activités à mener pour atteindre ces objectifs afin d’aboutir aux changements individuels et sociaux souhaités.

24Notre travail va non seulement se reporter à la documentation existante relative à l’intervention sociale et à la participation, mais il va aussi recourir aux travaux des étudiants de notre centre et aux rapports des différentes formations et des missions de suivi que nous avons organisées dans six provinces de notre pays.

2. 1. Le tableau de classification des besoins

25« Le travail social est une discipline pratique ayant pour objet les problèmes sociaux tels que vécus par les individus, des groupes et des collectivités, dans une perspective d’intervention collective ou individuelle axée sur le changement social » (Deslauriers/Hurtubise, 2000, p.28).

26L’intervention sociale partira donc de ces problèmes qui se posent aux individus, aux familles et aux communautés, et qui se définissent généralement en référence à deux approches : approche des besoins et approche des droits. Leur identification devrait se faire avant toute intervention sociale. Ainsi, il serait facile de savoir sur quels problèmes on va agir au moyen des interventions que l’on va préparer et exécuter.

27Pour y arriver, nous avons conçu et expérimenté deux outils : le tableau de classification des besoins et le tableau de classification des droits. Ils servent de support aux intervenants sociaux et aux demandeurs du travail social pour apprécier d’une manière participative l’état de satisfaction des besoins et celui de la jouissance des droits d’un individu, d’une famille ou d’une communauté.

28Leur utilisation est simple: on demande aux participants d’inventorier leurs besoins et leurs droits. Ensuite, on leur présente le tableau sur lequel vont figurer ces besoins. Après avoir expliqué qu’un besoin peut être satisfait, partiellement satisfait ou non satisfait, on demande à l’individu, au groupe ou à la communauté d’apprécier, en cochant dans la colonne correspondante, l’état de satisfaction de chacun de ses besoins. Il ne peut cocher sa réponse qu’après l’avoir justifiée. La colonne des besoins partiellement satisfaits et celle des besoins non satisfaits contiennent les problèmes qu’il faudra résoudre. Ceux-ci sont appelés difficultés, dans la deuxième colonne, et incapacité dans la troisième.

29Dans la ville de Goma (Kabw Mukanz, 2008b), l’exercice a été réalisé auprès de 50 enfants. Il portait sur la situation des droits de l’enfant suivants : droit à l’alimentation, à l’éducation, à l’habillement, au logement, à être écouté, aux loisirs, à la santé, au respect, à vivre avec les parents et le droit à la protection. Cet exercice a révélé ce qui suit :

30Ces dix droits sont respectés pour 27,8 % d’enfants, menacés pour 53%, et sont violés pour 19,2% d’enfants. Il s’avère donc que l’intervention dans cette ville concernera spécialement les 53% d’enfants dont les droits sont menacés ainsi que les 19,2% d’enfants dont les droits sont violés ; soit 72,2% d’enfants. Le taux de 72,2% renseigne sur l’ampleur du travail qui attend l’intervention sociale dans cette ville.

31La résolution de ces problèmes consistera donc à faire passer ces individus, ces familles ou cette communauté de la colonne dans laquelle ils se situent par rapport à la satisfaction de leurs besoins ou la jouissance de leurs droits, vers la colonne où les besoins sont satisfaits, et les droits respectés.

32À la fin du processus d’intervention sociale, il faudra passer à une évaluation participative en faisant remplir par les individus concernés un autre tableau, celui de la classification des droits. Celui-ci représente la situation nouvelle. C’est sur la base de cette comparaison de la situation actuelle à la situation de départ que l’on pourra se prononcer sur le succès ou l’échec de l’intervention sociale, l’amélioration ou non de la situation.

2. 2. Diagrammes ou cercles d’intégration sociale

33L’outil que nous présentons ici se rapporte directement à l’état de satisfaction du besoin d’appartenance, mais ne s’écarte pas beaucoup du besoin de sécurité. La position de l’individu ou de la famille dans telle ou telle zone est fonction du degré de satisfaction des besoins fondamentaux.

34Dans la théorie de la motivation, « les sentiments d’appartenance, de faire partie du groupe, d’identification avec les objectifs et les réussites du groupe, d’être accepté ou d’avoir sa place dans le groupe, d’être chez soi » sont repris dans la liste des phénomènes qui sont en partie déterminés par la satisfaction des besoins fondamentaux (Maslow, 2008, p. 96).

35Dans notre pratique, nous avons demandé au terrain de dessiner trois cercles concentriques, les “cercles d’intégration sociale”. Ceux-ci déterminent trois espaces que nous appelons zones de l’intervention sociale, zone d’intégration, zone de risques et la zone d’exclusion sociale. À chacune de ces zones correspond un type d’intervention sociale. Il s’agit notamment de l’intervention sociale curative, de la prévention et de l’intervention sociale promotionnelle.

36L’exercice consiste à considérer un certain nombre d’objets (20 ou 30), comme représentant la population d’un village, d’un quartier ou d’une ville, selon le cas. Nous demandions ensuite aux participants de déterminer la population de chacune des trois zones en se référant au degré de satisfaction de leurs besoins, ou de jouissance de leurs droits. Enfin, chaque participant était invité à se situer lui-même dans une des zones, selon la perception qu’il avait du degré de satisfaction de la plupart de ses besoins, etc.

37Avec un individu ou un groupe, cet exercice suscite des discussions et favorise hautement la participation. Il permet au demandeur d’intervention sociale d’apprécier la distance qu’il doit parcourir pour regagner la zone d’intégration sociale qui correspond à la résolution de son problème.

38Toutes les personnes en situation difficile se positionnent dans les deux zones périphériques : la zone de risques et la zone d’exclusion sociale. Tous les exercices ont donné à la zone d’intégration sociale moins de 20% de citoyens, plus de 50% à la zone de risques, et moins de 40% dans la zone d’exclusion sociale.

39À partir du résultat obtenu à l’aide de cet outil, la base arrive souvent à se faire une représentation claire de l’ampleur des problèmes sociaux dans la communauté, et perçoit mieux les objectifs relevant de chacune des zones de l’intervention sociale. Elle décide aussi, sur des bases objectives, du type de travail social qu’il faut privilégier, sans oublier les autres. Il s’agit des objectifs curatifs, préventifs et promotionnels (De Robertis, 1995, p.81).

40L’utilisation de cet outil a aidé à comprendre que l’intervention sociale restait souvent inachevée, dans la mesure où l’accompagnement s’arrêtait presque toujours avant que l’individu, la famille ou la communauté n’arrivent dans la zone d’intégration sociale. Comme pour les tableaux de classification des besoins et des droits, les cercles d’intégration sociale devraient être encore utilisés dans l’évaluation.

2. 3. Les vases

41En rapport avec les cercles d’intégration sociale, nous avons trouvé et utilisé un autre outil que nous avons appelé “les vases” (Kabw Mukanz, 2008c). Comme illustré ci-dessous, le premier vase est en bon état, le second est troué, le troisième renversé et le quatrième vase est cassé.

figure im1

42Représentant les familles qui se situent dans la zone d’intégration sociale, le vase en bon état conservera son contenu. Le vase troué ressemble à une famille en situation difficile et se trouve dans la zone de risques. Son contenu se retrouvera dehors, par terre. Il en est de même du vase renversé et de celui qui est cassé, et que l’on peut facilement situer dans la zone d’exclusion sociale. À quoi sert-il de remettre le contenu dans chacun de ces 3 vases ? Une peine perdue ! Le contenu se retrouvera par terre. Travail qui sera autant de fois repris pour un même résultat.

43Cette théorie des vases a facilité la réflexion participative visant à corriger et à améliorer la compréhension que le terrain avait de la pratique sociale et qui avait pour fin la réinsertion sociale, souvent limitée à la réunification, c’est-à-dire à la remise du contenu dans un vase troué, renversé ou cassé.

44Elle a aussi aidé à comprendre le bien-fondé du “traitement direct”, ou de la psychothérapie, centré sur la personne cliente et du “traitement indirect”, appelé aussi sociothérapie, centré sur l’environnement extérieur au client et opérant par la modification du milieu (De Robertis, 1995, p.81). La sociothérapie correspond à l’état ainsi qu’à la position du vase. Et le travail consiste aussi bien à permettre au contenu de retrouver et de conserver sa place dans le vase (réunification) qu’à remettre le vase dans un état qui lui permette de garder son contenu. Il s’agira donc de boucher les trous du second vase, de redresser le troisième ou encore de refaire celui qui était cassé.

45La participation de la base va aussi plus loin que cela. Les personnes en situation difficile se prononcent aussi sur les activités et les ressources susceptibles de leur faciliter le passage de la zone indésirable dans laquelle elles se trouvent à la zone d’intégration sociale.

2. 4. Canevas de la recherche-action participative

46Cet outil est avant tout un processus comprenant les 9 étapes suivantes :

47

  • identification des problèmes, à partir du tableau de classification des besoins,
  • classification des problèmes (pour relever les aspects que chacun revêt),
  • sélection d’un problème (celui que l’on commencera à résoudre),
  • manifestations du problème,
  • analyse systémique du problème pour en connaître les causes ou variables génératrices du problème,
  • classification des variables,
  • détermination de la priorité des variables,
  • choix de l’action,
  • et rédaction participative du projet.

48Le canevas de la recherche-action participative comprend au moins les 6 autres outils suivants : le tableau de classification des besoins ou des droits, le tableau de classification des problèmes, le tableau d’analyse systémique, le tableau de classification des variables génératrices du problème, le tableau des priorités et le canevas de rédaction participative du projet.

3. Les avantages et limites des outils de participation

49Selon nos expériences, les avantages que procure l’utilisation des outils de participation sont pour nous manifestes, tant pour les intervenants que pour les personnes en situation difficile.

50Les outils de participation facilitent la compréhension et une meilleure maîtrise des théories relatives à l’intervention sociale. Grâce à leur utilisation, les étapes de l’intervention sociale ainsi que les objectifs cessent d’être des automatismes qui s’imposent aux travailleurs sociaux et deviennent des exigences raisonnables et compréhensibles dans la logique d’appréhension et de résolution des problèmes sociaux.

51Les outils permettent aussi aux intervenants sociaux de se livrer à un travail social différent, à la fois actif, intéressant et bénéficiant de l’apport de la base qui l’enrichit, le révolutionne tout en le rendant souvent moins coûteux que le travail social non participatif.

52Le cas du jeune A est suffisamment éloquent. Au lieu de continuer de bénéficier de la prise en charge qui avait été prônée par son ONG, le jeune a trouvé une autre solution, moins coûteuse que celle des adultes responsables de l’ONG : sa réinsertion familiale, avec comme préalable la résolution du conflit qui l’opposait à l’épouse de son oncle.

53Pour les bénéficiaires de l’intervention sociale, les outils de la participation rendent réellement actives et responsables de leur devenir les personnes en situation difficile. S’appropriant les projets élaborés et exécutés avec eux et pour eux, les usagers évoluent résolument vers le développement et le changement social, ce qui est difficilement xréalisable dans les interventions dont ils ne sont que des consommateurs passifs.

54La conception des outils est souvent une réponse aux difficultés que l’on rencontre sur le terrain, soit pour expliquer une théorie ou le caractère partiel d’une pratique. Mais les difficultés relatives à la création de ces outils de participation et à leur utilisation sont aussi évidentes. Il faut un temps de pratique et de formation suffisamment long pour y arriver.

55Pour les terrains où le français n’est utilisé que par les intervenants sociaux, une question se pose: l’utilisation des termes techniques dans les langues locales. Beaucoup d’intervenants sociaux n’ont pas en effet la maîtrise des langues locales pour s’exprimer à l’aise devant les personnes vulnérables. Cela constitue une des limites, mais que l’on peut facilement surmonter.

Conclusion

56L’intervention sociale est une nécessité si l’on veut agir sur les relations qui existent entre les hommes, et entre les hommes et leur environnement. Ce travail se fait souvent avec la parole de l’intervenant social comme outil, laquelle en limite les résultats et l’efficacité.

57Dans ce travail, nous avons exposé notre tentative de promouvoir un travail social plus participatif, démocratique, qui vise le développement des personnes vulnérables pour les rendre capables de contribuer également au développement de leur environnement.

58Nous estimons que la voie privilégiée pour y arriver consiste à concevoir et utiliser les outils participatifs. Par la formation, les intervenants sociaux apprendront à les manipuler et à les utiliser avec les demandeurs du travail social. Pendant la formation, ils apprendront aussi l’utilisation des termes techniques dans leurs langues locales. C’est à ce prix que l’intervention sociale sera réellement accessible à leurs usagers.

59Ce champ est très vaste et exige un travail laborieux et patient pour améliorer les outils existants et en créer de nouveaux. C’est à la fois un champ de recherche, de formation et de pratique. Plus les outils seront nombreux, plus les intervenants auront une grande marge de manœuvre dans ce travail important dont on apprécie souvent mal l’utilité.

Bibliographie

Bibliographie

  • De Robertis C., 1995, Méthodologie de l’intervention en travail social, Paris, Bayard.
  • Deslauriers J.P., Hurtubise Y., 2000, Introduction au travail social, Laval, Presses de l’Université Laval.
  • Deslauriers J.P., Hurtubise Y., 2003, Introduction au travail social, Lyon, Chronique sociale.
  • Kabw Mukanz S., 2007, Rapport de la recherche-action participative sur la réinsertion des enfants en rupture familiale et sociale à Kinshasa, inédit.
  • Kabw Mukanz S., 2008a, “Introduction au travail social”, in Rapport de formation des intervenants sociaux 2008 (Goma, 1/15 mars 2008).
  • Kabw Mukanz S., 2008b, “Module de formation sur Recherche-action participative”, in Rapport de formation des intervenants sociaux 2008 (Goma, 1/15 mars 2008).
  • Kabw Mukanz S., 2008c, Réinsertion sociale, cours, inédit.
  • Ketikila A., Kabw Mukanz S., 2008, Rapport de suivi de l’atelier de formation à Matadi juillet 2008, Kinshasa.
  • Maslow A., 2008, Devenir le meilleur de soi-même, Paris, Eyrolles.

Notes

  • (1)
    La base désigne ici “le demandeur et le bénéficiaire” du travail social. Il s’agit donc de la personne, de la famille ou de la communauté en situation difficile, et de son environnement.
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