Couverture de LPM_013

Article de revue

L'olivier : la nouvelle économie d'un symbole

Pages 99 à 105

1Passionné par la culture méditerranéenne et par son image la plus symbolique, l’olivier, Olivier Baussan, créateur de L’Occitane, entreprend en 1992 une visite des oliveraies de la Méditerranée qui durera deux ans. Il en rapporte l’idée d’une exposition photographique et, surtout, une initiation à la diversité et à la richesse aromatique des huiles d’olive. En 1998 s’ouvre la première boutique Oliviers 㬁 Co ; une cinquantaine d’enseignes existent aujourd’hui dans le monde, contribuant ainsi à redonner à l’huile d’olive toute sa place, à la fois sur le plan gastronomique et économique. Dans cet entretien, Olivier Baussan commente cette revalorisation des huiles d’olive et avance une équation simple mais efficace : en rendant à un produit dévalorisé ses valeurs symboliques et culturelles, on crée de la valeur économique. Style de vie et mode de consommation, culture, tradition et économie sont donc indissociables. Ou comment redécouvrir un art de vivre qui ne se conjuguerait plus simplement au passé.

2XAVIER GIRARD : Olivier Baussan, racontez-nous comment l’olivier et ses produits sont devenus le centre de votre action de chef d’entreprise et de créateur d’image ?

3OLIVIER BAUSSAN : Curieusement, l’histoire vient d’Afrique. J’étais au milieu des karités, des arbres qui poussent uniquement dans la région subsahélienne. Le karité est l’arbre alimentaire complet : il nourrit, il éclaire et il rend beau. Les femmes l’utilisent dans la cuisine, sous forme de beurre, pour se protéger de l’harmattan, le mistral africain, et se maquiller. Il est de tous les moments de la vie. C’est un arbre sacré qu’on entoure de respect. On raconte volontiers qu’autrefois les hommes n’avaient pas le droit d’y toucher : seules les femmes, les vierges et les enfants le pouvaient. L’arbre était tabou ; d’ailleurs c’est le beurre de karité qu’on utilisait pour faire les masques lors des cérémonies.

4THIERRY FABRE : Il y a donc une portée symbolique de cet arbre. Votre karité à vous, n’est-ce pas l’olivier ?

5O. B. : C’est exactement le déclic. Je pensais toujours à ce rapport à l’olivier, et je me disais qu’il fallait que je demande à un ami, François-Xavier Emery, de photographier tous les producteurs autour de la Méditerranée. Je lui ai dit : “Tu sais, il existe un producteur, un vieux monsieur, au moulin de Lurs, où mon père et Giono allaient. Tu devrais faire un reportage sur lui, parce qu’un jour il disparaîtra, et je veux que mes enfants puissent le voir.” Et c’est parti comme ça. A partir de là, je me suis dit qu’il fallait faire d’autres reportages, et j’ai sollicité Christian Caujolle, à qui j’ai dit : “Tiens, regarde les photos, c’est quand même étonnant, non ? Et si on faisait une exposition ?” Il m’a répondu : “Je suis convaincu que tous les amis photographes vont être d’accord et vont en faire un reportage.” Et, avec Christian, nous avons créé l’association Oliviers&Co pour réaliser cette exposition.

6T. F. : Cette aventure photographique a été, d’abord, une découverte du goût de l’olive ?

7O. B. : Au Liban, Fouad El Khoury m’a dit : “Ma grand-mère fait de l’huile. Je vais te faire goûter mon huile.” C’est toujours ainsi que cela se passe. Chacun vous fait goûter son huile, la vraie, la meilleure : la meilleure de toutes, c’est la sienne, c’est normal. Et nous avons commencé à goûter des huiles. Moi qui étais habitué à une huile, celle du père Masse à Lurs, cela m’a changé… C’est là que j’ai pensé à la nacelle : un porte-huilier qui réunisse les différentes cultures et qui présente ces huiles sur une table. Qu’elles soient dans des bouteilles en verre ou en plastique, il n’y avait pas alors de contenant officiel pour les huiles d’olive. Les Italiens, avec les huiles carapelli, avaient fait la bouteille carrée qui est connue et que l’on voit partout ; et il y avait aussi ces bidons en Arles. Chacun avait sa façon. Tout était un peu perdu, en fait. Il n’y avait plus vraiment quelque chose qui existait dans l’univers de l’emballage de l’huile d’olive. C’était un moment où l’huile d’olive en Provence coûtait cinquante à soixante francs le litre. Ce n’est pas si vieux, cela date d’à peine une dizaine d’années. Les producteurs ne s’y intéressaient pas : ce n’était pas un produit valorisé…

8T. F. : Parlons de la découverte de ces palettes de saveurs à travers toutes ces huiles de la Méditerranée. Quelles sont les premières huiles que vous avez fait décoller dans cette nacelle ?

9O. B. : J’en avais rapporté et sélectionné neuf, parmi lesquelles trois jeux de nacelles : il y avait la Croatie, qui m’intriguait énormément parce qu’on y trouvait une huile d’un vert foncé avec un goût et un arôme de chocolat unique, qu’on n’a jamais retrouvé. Elle était tellement puissante qu’il fallait juste un peu de sel ; il n’y avait pas besoin de moutarde, ni de vinaigre, ni de rien pour faire une vinaigrette. Du sel et de l’huile suffisaient. Bien sûr, au départ, les gens ont un petit peu boudé les huiles italiennes, mais pas forcément les toscanes, en se demandant ce qu’était cet arôme. Mais c’était plutôt esthétique et le goût était bon. Il y avait ce côté huile de Toscane, ce côté un peu artichaut. Quand on goûte cette huile, elle est très verte et très “artichaut violet”. C’est étonnant, on découvre des variétés d’olives, et on se demande pourquoi elles ont des goûts aussi différents les unes des autres.

10T. F. : Et, petit à petit, émerge au fond l’idée que l’huile d’olive peut être goûtée aussi bien que le vin…

11O. B. : Je crois que cela a été un peu le succès d’Oliviers&Co : au début, on s’est plu à considérer l’huile comme le vin, à la différence près que l’huile ne se conserve pas. Mais il y a des crus, il y a des régions, il y a des variétés. C’était un sujet assez simple à raconter. Mais c’est aussi très différent. Le travail du vin est avant tout le travail de la vinification. Le même terrain et la même vigne ne vont pas donner la même chose s’il n’y a pas un vrai maître de chais derrière. Or, l’huile d’olive, plus c’est simple, meilleur c’est. C’est-à-dire que vous prenez l’olive sur l’arbre, vous la pressez et vous la goûtez… Plus c’est “jus de fruit” et meilleur c’est. Il y a beaucoup de gens qui complètent avec des mots. Il y avait des traditions qui préféraient les laisser dans l’état, les laisser un peu fermenter entre elles, les laisser mûrir comme ça. Personnellement, j’ai vu tout de suite, en Italie et surtout en Toscane, que le plus important est la rapidité de la production. Plus vite vous allez, et plus vous avez un produit de qualité. L’Italie était plutôt à l’honneur. On était à Naples. Il y avait une huile napolitaine, je ne sais plus laquelle, qui était beaucoup plus douce que l’huile de Toscane. En fait, elle était plus mûre : les Napolitains ramassent l’olive plus tard. J’avais goûté aussi une huile en Grèce et en Catalogne qui ressemblait beaucoup à celle de Naples.

12X. G. : Comment expliquez-vous cette renaissance de l’huile d’olive ? Les médias ? Le “régime crétois” ? Le tourisme ?

13O. B. : Il y a une dizaine d’années, l’Europe a décidé de mettre en place un programme pour valoriser l’olivier. Quelqu’un en a eu l’idée, simplement : “Tiens, c’est vrai, l’olivier, pourquoi ne pas faire ce programme d’aide au développement de l’oléiculture ?” On ne savait absolument pas, à l’époque, si les quantités consommées allaient augmenter. On a pu noter, avant cette étude, que l’huile d’olive n’intéressait que le bassin méditerranéen. C’était il y a dix ans, ce n’était pas du tout le phénomène d’aujourd’hui. C’est à cette époque que j’ai rencontré de jeunes producteurs qui prenaient la suite de leur père, avec le souci de produire différemment. Cette nouvelle génération a joué un rôle très important dans la façon dont les savoir-faire du passé sont devenus, au bout du compte, très actuels.

14T. F. : Et oubliés en même temps ?

15O. B. : Non, pas tout à fait : c’est un peu le moment ténu entre l’oubli et la renaissance, le moment où il ne faut pas qu’il y ait de disparition. Et c’est là toute la question.

16T. F. : Quel lien s’établit ici entre l’héritage culturel et la réalité économique ? Le plaidoyer pour le respect d’une tradition et une pratique élémentaire qui peut avoir une traduction économique ?

17O. B. : C’est une tradition qui circule. Quand vous regardez le côté sublime de la Grèce avec ses oliviers, ses petits ports de pêche et ses moulins, vous vous apercevez que vous ne pouvez pas emmener un journaliste visiter un seul moulin en Grèce. Ce que l’on peut voir aujourd’hui, ce sont uniquement des hangars de tôle et de terre battue refaits à neuf. Du jour au lendemain, les producteurs ont décidé de supprimer la tradition. C’est accablant de voir que des meules en pierre et des presses ont été supprimées pour raison d’inutilité. C’est le problème que nous rencontrons le plus souvent aujourd’hui. Il faudrait être conscient qu’une histoire peut continuer sans pour autant utiliser des méthodes anciennes, mais que celles-ci doivent être racontées. Les Italiens sont les plus doués, les plus conscients de cette nécessité : ce sont les premiers à ouvrir des musées sur l’histoire de l’huile d’olive et les premiers à mettre en place des moulins neufs. En dix ans, les choses sont allées très vite, il y a eu d’importantes subventions dans les domaines de la plantation et de la mise à neuf des installations. Alors, être aux normes, c’est quoi ? Ce n’est pas forcément une question d’esthétique ou de goût, c’est d’être en règle avec des règles de santé publique. Il existe aujourd’hui des AOC, des AOP. De nos jours, vous achetez à Marseille de l’huile d’Aix-en-Provence avec une AOC, alors que ce n’était pas le cas il y a encore quatre ans. En Provence, Nyons avait son AOC depuis une dizaine d’années. Après Nyons, il n’y avait rien d’autre. Ce sont les premiers à avoir pris un peu ce relais italien.

18T. F. : Est-ce que cette revalorisation, cette réhabilitation de l’huile d’olive a produit des effets économiques ?

19O. B. : Prenons l’exemple du Liban et de ses oliviers apportés par les Phéniciens – c’est l’olivier grec qui a circulé. On ne va pas refaire l’histoire de l’olivier – qui part de la Mésopotamie, qui est emporté par des Grecs en Attique, puis retransporté par des Grecs phéniciens… – mais, à un moment, l’olivier arrive à Byblos. Il se déploie alors au Liban sous l’appellation de baladi. Notons que la traduction réelle de baladi est “pays.” C’est intéressant du point de vue de l’étymologie. Au Liban, il y a des arbres, une agriculture… bref, une oléiculture, mais qui n’intéresse plus personne, parce que l’huile achetée sur place, souvent dans des grands magasins, provient uniquement de Syrie. Les circuits commerciaux organisés à partir de la Syrie ont en effet banalisé l’huile d’olive dans le monde arabe. Parallèlement, on a observé les débuts d’une désertification rurale. Or dès l’instant où l’on quitte sa terre, les maisons se vident, les enfants suivent et vont donc à la ville. Et tout se perd. C’est dans ce contexte que la fondation Moawad a vu le jour. Son but était de rendre à la culture, après la désertification rurale de ces dernières années, des terres arboricoles, avec entre autres plusieurs projets de réintégration d’espaces fruitiers. Et notamment des oliviers. Nous nous sommes donc rencontrés. J’ai raconté un petit peu mon projet autour des goûts et j’ai soulevé la question de l’absence d’huile libanaise en vente dans les magasins. Je leur ai dit que cette huile n’avait pas bon goût. Notre projet était d’installer un moulin neuf – projet qui a duré quand même trois ans. La fondation a donc installé un moulin : l’objectif était d’inciter les oléiculteurs à ramasser les olives, et cela suivant les normes et le cahier des charges de l’Europe pour fabriquer des produits de qualité. Si les olives étaient ramassées dans les normes et portées au moulin, on leur promettait à l’arrivée un produit financier. Et c’est ce qui a été fait, en novembre 2003. Le projet est un peu l’étendard de cette réhabilitation de l’olivier. On a tellement médiatisé l’histoire, là-bas, que les autres régions libanaises commencent à s’y intéresser : c’est une vraie valorisation. En rendant à un produit dévalorisé ses valeurs symboliques et culturelles, on crée de la valeur économique. Style de vie et mode de consommation, culture, tradition et économie sont indissociables. A partir de l’huile d’olive – de la transformation de la valeur de l’huile d’olive –, on goûte un style de vie méditerranéen contemporain, c’est-à-dire qui s’inscrit dans le renouveau d’une tradition – mais attention, sans être du tout passéiste ; au contraire, il conduit à changer la donne. McDo est une invention contemporaine. Il a inventé une forme. Donc si l’on veut effectivement que ce mode de vie méditerranéen se diffuse, il faut inventer des formes, des formes de partage… Il y a ce plaisir immense que l’on peut éprouver au moment où l’on rencontre ces producteurs. Ces agriculteurs qui sont là, qui portent leurs olives et cette expression sur leur visage… Pour moi, cela vaut toute la poésie du monde, ce moment de partage. Cet instant-là, c’est…

20T. F. : Du gai savoir ?

21O. B. : Oui, le gai savoir peut exister dans cette culture au quotidien.

22X. G. : En Italie, chaque contrée a sa tradition culinaire, son savoir-faire, sa façon de préparer, sa façon de nommer les choses et de les embellir, sa façon d’en rire, de les chanter… Comme le suggère Pistoletto, en Italie, “aimer les différences” – tout en prenant garde aux différencialismes –, c’est aussi faire vivre une économie.

23O. B. : Ce n’est pas en annihilant la différence, au contraire, c’est en la valorisant que l’on fait renaître un produit et une culture au quotidien.

24T. F. : Vous exaltez un besoin de différences, de nuances, de comparaisons, d’oppositions discrètes…

25O. B. : Je vais aller encore plus loin, parce que je pense que la culture de différences doit être poussée à l’extrême : il ne faut pas tomber dans le piège de l’élitisme, dans l’élitisme du goût…

26T. F. : Est-ce que vous n’avez pas eu le sentiment que cette exaltation des différences était une reconquête ? Par exemple, quand on parle de l’huile d’olive jusque dans les années 1980, on parle de l’huile d’olive de façon générique.

27O. B. : Oui, par exemple, en Palestine, l’espoir, aujourd’hui, c’est de fabriquer un produit dit “de qualité”. Et qu’est-ce qu’il faut faire ? Jacques Berque préconisait ceci : “Augmentez votre poids spécifique.” Je trouve qu’il faudrait dire: “Augmentez votre goût spécifique !” C’est fabuleux que l’olivier permette d’augmenter votre goût et surtout d’aller dans ce qui est votre singularité. En Algérie, on a l’exemple d’un jeune producteur qui a hérité d’oliviers et de fruits bio et qui essaie de fabriquer un produit selon les normes. Si vous sortez un produit comme cela, on peut le référencer et le différencier. Ce produit prend ensuite une valeur d’exemple – c’est toujours pareil : la mémoire est une valeur d’exemple. Le but d’Oliviers&Co n’est pas de vendre le produit pour tout le monde. Le maximum que l’on puisse acheter est peut-être dix ou vingt mille litres du même produit. Le but est qu’il ait valeur d’exemple. Et l’encouragement intéressant est là.

28X. G. : Qu’en est-il de l’huile d’olive et des Etats-Unis ?

29O. B. : C’est un peu le même phénomène que l’huile d’olive et l’Europe. Elle a déferlé grâce au phénomène “anticholestérol”, à partir des années 1990. Les médias américains s’intéressent vraiment à l’histoire de la Méditerranée et peuvent réellement expliquer aux lecteurs la situation dans sa diversité. J’ai toujours détesté cette image figée et simpliste de la Provence avec ses petits parfums et ses folklores… Je respecte à cet égard Giono, qui détestait cette Provence-là. La Méditerranée est traversée par diverses cultures, elle les unit et les échange, sans les confondre.

figure im1
© Agence Vu.

30X. G. : Dans les années 1970-1980, les classes moyennes américaines découvrent le vin. On a l’impression, aujourd’hui avec l’huile d’olive, d’un phénomène comparable. Il n’est pas rare, avant le repas, que l’on vous serve de l’huile d’olive et du pain, des fougasses et du vin.

31O. B. : C’est pour cette raison que j’adore les Américains, même s’ils sont capables du pire aussi. Ils arrivent à presque mieux expliquer le vin ou l’huile d’olive que nous. A un moment donné, beaucoup de restaurateurs français se sont installés aux Etats-Unis et en ont répandu le goût. C’est fabuleux et à la fois amusant de se dire qu’il y a une véritable culture, des amoureux et de grands connaisseurs de l’huile d’olive à New York ! Les Américains ont compris. Pour moi, l’huile d’olive n’a jamais été un produit commun…

32X. G. : Et les amandiers ?

33O. B. : L’histoire de l’amande est un beau roman. Nous sommes au tout début de sa revalorisation. L’amande représente quand même tout le paysage de la Provence. En février, par exemple, revenir d’Italie et voir tous ces amandiers en fleur, c’est magnifique ! Ces arbres, qui ont été sauvés du gel par exemple, sont de véritables reliques, des vestiges. C’est très beau.

34X. G. : Alors qu’en Andalousie, depuis quelques années déjà, l’amande concurrence le marché californien ?

35O. B. : Oui, mais cette renaissance ne représente que quatre et demi pour cent de notre consommation, ce qui est faible. Et je ne suis pas d’accord avec cette idée de planter des amandiers qui doivent correspondre à des normes rigoureuses. Je considère que l’amandier doit être autochtone. Les variétés sont des spécificités. Je défends cette valeur-là. Il existe des amandiers qui, traditionnellement, font beaucoup de coques tendres. Il se peut qu’il y ait des défauts, que la coque soit toute attaquée, mais elle fait partie d’une certaine spécificité qu’il faut absolument remettre en route. Une région doit défendre ses propres spécificités. Si vous commencez à planter des amandiers américains qui correspondent aux normes des cacahuètes pour apéritifs, ce n’est pas la bonne méthode. Ils ont tout faux.

36X. G. : Est-ce que pour vous la cuisine est un gai savoir ?

37O. B. : Oui, dans le partage. Ce désir du partage immédiat dans l’instant est le plus important. Vous racontez l’histoire à ceux qui sont là et vous partagez. C’est justement dans la “bouche”, comme un mets, que l’huile d’olive se raconte… Vous vous demandez d’où elle vient et pourquoi. Grâce à la cuisine, on se parle, on se dispute, on discute. On sort de cet isolement, de ce repli, et de ce terrible moment dans lequel on est isolé dans cette société extrêmement riche et extrêmement triste. C’est une cuisine de l’échange de simplicité que l’on veut faire. Avec l’huile d’olive, j’ai trouvé un système d’une tendresse extraordinaire. Tel légume était là et fait partie de telle histoire, de tel lieu : raconter pourquoi ce légume était là, voilà ce qui est à partager. Le sens du partage est plus présent avec les légumes qu’avec la viande : la viande est un luxe et n’est pas forcément partageable. C’est souvent de l’ordre de la santé publique aussi. On voit bien tous ces débats autour de l’obésité. C’est incroyable de voir apparaître le phénomène, y compris chez les adolescents. A travers ce fait de culture et ce rapport à la cuisine, c’est un autre équilibre qui se dessine. Cela engage une éthique, une esthétique et au fond le respect de soi. Beaucoup ont négligé et méprisé cet élément…

figure im2
© S. Boffredo. Marché des Arnavaux, Marseille, mars 2001.

38ENTRETIEN RÉALISÉ LE 24 AVRIL 2004.

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.80

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions