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Article de revue

Georges Schéhadé, poète des deux rives

Pages 153 à 154

Notes

  • [*]
    Danièle Baglione et Albert Dichy, Georges Schéhadé, poète des deux rives, imec et Dar An-Nahar, 1999, 314 pages.
    A noter, l’édition à Beyrouth des Œuvres complètes de Georges Schéhadé, en trois volumes, Ghassan Tuéni, Dar An-Nahar, 1998.

1Il avait toujours l’air d’être ailleurs, Georges Schéhadé... Venu comme d’un autre monde, du monde de l’imagination créatrice qu’il n’a pas cessé d’apprivoiser avec ses mots.

2Faux dilettante, vrai passionné, ce poète et auteur de théâtre était doué d’une étonnante dextérité dans tous ses jeux avec la langue française.

3Né à Alexandrie au début du siècle dans un jardin suspendu, paradis de ses premiers songes, Schéhadé dut rejoindre très vite Beyrouth et la maison familiale, après de mauvaises affaires réalisées par son père.

4Repéré dans les années 1920 par Gabriel Bounoure, Schéhadé est recruté au service de l’instruction publique du Haut-Commissariat au Liban, et devient pour de longues années son protégé. Chroniqueur littéraire à la nrf, Bounoure signale à son ami Jean Paulhan ce “jeune poète plein de talents” qui sera bientôt publié dans la revue. Commence alors l’œuvre singulière de ce “poète des deux rives” qui a réussi, sans véritablement la chercher, une synthèse originale entre l’arabesque libanaise et la verticalité française. Il associe sans confondre, combine les registres avec une rare élégance et trouve un style qui lui est propre.

5Guy Lévis Mano publie ses premiers recueils de poèmes, alors qu’il écrit Monsieur Bob’le, sa toute première pièce jouée à Paris au théâtre de la Huchette en 1951. L’accueil est contrasté car son théâtre poétique surprend, mais il parvient finalement à s’imposer. Il fait un bout de chemin avec André Breton et les surréalistes, mais ne s’enferme dans aucune chapelle. René Char, Gaëtan Picon, Saint-John Perse, Gaston Bachelard et bien d’autres encore le soutiennent, alors que ses poèmes paraissent chez Gallimard, dès 1952.

6La Soirée des proverbes inaugure sa collaboration avec la compagnie Renaud- Barrault, qui sera prolongée par Histoire de Vasco et Le Voyage, deux pièces qui connaîtront un très large succès.

7Mais Schéhadé est avant tout un poète, Breton ne s’y trompe pas : “Si l’on me demandait quel est le secret de Georges Schéhadé, je répondrais, dans le vieux langage de la fauconnerie, que nul n’a su, comme lui, acharner le leurre.”

8Habité par un rêve, il le poursuit et rien ne peut arrêter sa course.

9

Sur une montagne où se déshabille le vent
Quand les troubadours de la lune
Un soir d’été
Auront joué nos cœurs aux dés
Dans ce pays d’infortune
Toi plus belle que jamais
Tu passeras dans la brume

10Fluidité, grâce, élégance et surprise, toute la majesté du style de Schéhadé s’exprime dans cette légèreté profonde.

11La guerre du Liban le contraint à s’exiler à Paris, en 1978, où il renoue avec l’écriture poétique. Le Nageur d’un seul amour, qui paraît chez Gallimard en 1985, sera son dernier recueil.

12Schéhadé n’aimait pas confondre l’écriture et la vie, le superbe livre que lui consacrent Danièle Baglione et Albert Dichy parvient justement à réconcilier les deux dimensions du personnage. Le livre est construit comme un récit, où le rythme des jours est ponctué par les lettres du poète à ses principaux correspondants, et notamment à sa sœur Laurice. De très nombreux encadrés, des portraits, des photos avec les amis, ou qui révèlent ses lieux, des manuscrits, des programmes et des affiches de théâtre, de très beaux dessins et quelques tableaux, nous font entrer dans l’intimité du poète, mais sans effraction. Il y a dans ce livre une grande délicatesse et une magnifique attention aux détails, qui nous font partager les aventures de la création auxquelles Schéhadé s’est confronté, toujours avec distinction.

13Dix ans après sa mort, il est grand temps de redécouvrir l’immense qualité poétique et théâtrale de Georges Schéhadé, lui qui dans une dernière pirouette disait : “Le silence est la villégiature des mots.”

Notes

  • [*]
    Danièle Baglione et Albert Dichy, Georges Schéhadé, poète des deux rives, imec et Dar An-Nahar, 1999, 314 pages.
    A noter, l’édition à Beyrouth des Œuvres complètes de Georges Schéhadé, en trois volumes, Ghassan Tuéni, Dar An-Nahar, 1998.
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