Notes
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[1]
Pour un état des lieux critique de l’éthique climatique individuelle, voir Fragnière, 2016.
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[2]
C’est pour cela que les politiques de ralentissement de la croissance économique représentent un autre volet des politiques à mettre en œuvre pour réduire la dégradation des conditions d’habitabilité de la biosphère : voir notamment le modèle de société permacirculaire développé par Arnsperger et Bourg, 2017.
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[3]
Ces données sont tirées du site de la Banque Mondiale sur les émissions de CO2 : https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/EN.ATM.CO2E.PC?end=2014&start=2014&view=bar, consulté le 28.05.2018. Ces données rencontrent certaines limites qu’il convient de garder à l’esprit. D’une part, elles ne prennent en compte que les émissions de CO2 provenant de la combustion des énergies fossiles et de la production du ciment, excluant ainsi les autres types de GES. D’autre part, elles se focalisent sur les émissions provenant de la production, laissant de côté celles qui sont causées par la consommation. Inclure dans le calcul les émissions d’autres types de GES, comme celles de méthane causées par l’élevage industriel, et prendre en compte les émissions liées à la consommation contribuerait à accroître encore davantage les écarts entre les émissions par tête des habitants des pays développés et celles des habitants des pays en développement.
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[4]
Pour une présentation et une critique de ce type d’approche, voir notamment Gardiner, 2011 : 443-456.
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[5]
Les auteurs s’appuient ici sur l’étude de Murtaugh et Shlax, 2009.
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[6]
Voir notamment le livre sur la collapsologie de Servigne et Stevens (2015).
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[7]
Cafaro s’appuie ici sur les données analysées par O’Neill et al., 2010. Cela ne veut évidemment pas dire qu’il ne faut pas non plus mettre en œuvre ces autres mesures (à l’exception des centrales nucléaires : voir Cabanes, 2016 : 81-99) : vu que la réduction de la croissance démographique ne suffira pas à elle seule à empêcher un réchauffement global supérieur à 2°C, ces actions supplémentaires sont également importantes. Simplement, elles n’ont pas un effet de réduction des émissions comparable à la réduction de la croissance démographique, à moins qu’elles soient toutes mises en œuvre ensemble. Comme je l’explique dans la section suivante, toutes ces mesures doivent être mises en place rapidement et conjointement.
-
[8]
Ces chiffres sont tirés de l’Institut national de données démographiques (INED), « indicateur conjoncturel de fécondité », https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/europe-pays-developpes/indicateurs-fecondite/, consulté le 30.05.2018.
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[9]
Vu que l’important ici est l’empreinte carbone des individus, le fait qu’un enfant soit un enfant biologique ou un enfant adopté ne change rien : du moment où il vit dans un pays développé, il deviendra automatiquement un fort émetteur de GES.
Introduction
1Le cadre des limites planétaires montre que la perturbation de certains systèmes biosphériques provoque des changements environnementaux nous faisant sortir de la stabilité des conditions environnementales propres à l’Holocène. Développé notamment dans un article publié en 2009 dans la revue Nature (Rockström et al., 2009), puis remis à jour dans un article paru en 2015 dans Science (Steffen et al., 2015a), ce cadre met en évidence les trois puis quatre systèmes planétaires ayant été poussés au-delà de leurs limites critiques : le climat, la biodiversité, les cycles de l’azote et du phosphore, puis l’usage des sols. Le changement climatique, l’interférence avec le cycle de l’azote et la perte accélérée de la biodiversité, la déforestation (usage des sols) ont tous été principalement causés par l’activité humaine et sont d’une ampleur rarement constatée dans le passé géologique. Si ces dépassements persistent, la planète entière peut être entraînée vers un nouvel état, dans lequel elle sera de moins en moins hospitalière pour le développement des sociétés humaines, sans compter la dégradation des conditions d’habitabilité pour les autres espèces. Par exemple, si les émissions anthropiques mondiales de gaz à effet de serre (GES) ne sont pas rapidement stabilisées, puis réduites, une trajectoire de « Terre étuve » (hothouse Earth) devient possible, dans laquelle le réchauffement climatique peut s’emballer en raison du déclenchement d’une cascade de points de basculement dans le système climatique (Steffen et al., 2018).
2Parmi les multiples facteurs qui contribuent à atteindre et à dépasser les limites planétaires, la croissance démographique joue un rôle clé. Elle revient régulièrement en tête de liste parmi les causes de l’impact croissant de l’homme sur son environnement naturel dans les publications des scientifiques du système Terre. Déjà dans l’article publié en 2000 par le lauréat du Prix Nobel de chimie Paul Crutzen et le biologiste Eugene Stoermer, elle prend la première place devant l’urbanisation, l’utilisation des combustibles fossiles et les émissions de dioxyde de souffre (Crutzen et Stoermer, 2000 : 17). Plus récemment, le climatologue Will Steffen et ses coauteurs ont classé le graphique sur l’évolution de la population mondiale depuis 1750 comme le premier indicateur de l’influence des tendances socio-économiques sur le fonctionnement du système Terre (Steffen et al., 2015b : 84).
3De fait, la croissance démographique a connu une accélération fulgurante ces dernières décennies, contribuant substantiellement à la Grande Accélération, ces grands changements qui, depuis les années 1950, traversent les sphères socio-économiques et biophysiques du Système Terre. De 2 milliards d’individus en 1930, nous sommes passés à 4 milliards en 1970. Nous sommes aujourd’hui plus de 7,5 milliards. Même avec le faible taux actuel de croissance de 1,10%, chaque année 83 millions de personnes supplémentaires s’ajoutent aux personnes qui existent déjà. Il n’a fallu que 12 ans pour ajouter le dernier milliard de personnes. Nous devrions atteindre les 8,6 milliards en 2030 et près de 10 milliards en 2050 (UN, 2017 : 1-2).
4Cet article s’intéresse à l’impact du facteur démographique sur la limite planétaire du système climatique. Sans sous-estimer l’impact de ce facteur sur d’autres limites comme l’intégrité de la biosphère, et sans négliger les autres causes majeures du changement climatique comme la croissance économique, il propose d’étudier un aspect essentiel mais négligé de la lutte contre le changement climatique. Il adopte une démarche éthique qui évalue les politiques incitatives de réduction de la croissance démographique et qui examine celles qui semblent justifiables dans notre contexte d’urgence climatique. Il contribue ainsi au champ de recherche jeune mais en pleine expansion de l’éthique climatique, qui s’intéresse notamment à la responsabilité individuelle dans la lutte contre le changement climatique et aux cadres institutionnels à mettre en place démocratiquement afin d’accompagner, voire d’influencer les décisions individuelles en matière de réduction de l’empreinte carbone [1].
5La réduction de la croissance démographique est une thématique impopulaire, qui soulève de nombreux problèmes éthiques et politiques, et qui rencontre une résistance sociale forte. C’est une des raisons importantes pour lesquelles elle a été peu discutée par les philosophes s’intéressant au changement climatique. Cependant, les problèmes propres à notre contexte de croissance démographique dans un monde à plus de 7,5 milliards d’êtres humains ne peuvent être ignorés. L’objectif de cet article est d’examiner et de considérer sérieusement les politiques de réduction de la croissance démographique à partir d’un point de vue normatif, non pas en vue de défendre l’imposition coercitive de mesures de contrôle de la population, mais afin de favoriser le débat démocratique sur cette question controversée mais désormais inévitable. En d’autres termes, il s’agit de mobiliser le raisonnement public sur des questions politiques et normatives difficiles, mais qui ne devraient pas être négligées si l’on souhaite atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris sur le climat.
6La première section délimite le cadre de l’analyse en expliquant quelle est la contribution du facteur démographique au changement climatique dans les pays développés. La deuxième section développe les approches adoptées par les rares théoriciens de l’éthique climatique ayant traité des choix individuels en matière de procréation. Elle propose ensuite de se positionner vis-à-vis de cette littérature émergente en évaluant la force et la faiblesse des principaux arguments. La troisième section explore et évalue des politiques de réduction de la croissance démographique dans les pays développés et développe les possibles justifications qui accompagneraient certaines mesures incitatives. La dernière section prend en compte les objections communément faites à l’encontre de ces politiques incitatives. Elle montre qu’il est possible de répondre à un certain nombre d’objections, renforçant ainsi la possible justification de ces mesures dans l’optique de la lutte contre le changement climatique.
7La méthode mobilisée est celle de la philosophie morale et politique non idéale, qui part des données empiriques sur la croissance démographique et le changement climatique pour en tirer des implications normatives. Il s’agit de philosopher ex datis (Renaut et al., 2016), à partir des données sur le réel, afin de proposer des politiques climatiques justes à la hauteur des défis soulevés par les limites planétaires. Cela nécessite de recourir à des données extra-philosophiques, comme les résultats des travaux des climatologues et des démographes. L’approche principale n’en reste pas moins philosophique, dans le sens où elle assume la part de normativité propre aux problèmes soulevés par la croissance démographique et aux questions soulevées par les politiques de réduction de cette croissance.
Croissance démographique et changement climatique
8Tout comme la population mondiale, les émissions mondiales de GES ont augmenté avec une rapidité fulgurante ces dernières décennies. Entre 1970 et 2000, la concentration moyenne de GES dans l’atmosphère a augmenté de 1,3% par année ; entre 2000 et 2010, elle a augmenté de 2,2% par année ; depuis 2010, elle augmente d’environ 3% par année (GIEC, 2014 : 6-7). D’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), croissance démographique et changement climatique sont directement liés : « Globalement, les croissances économique et démographique continuent d’être les moteurs les plus importants de l’augmentation de CO2 dues à l’utilisation des combustibles fossiles. » En effet : « Entre 2000 et 2010, l’effet de ces deux facteurs déterminants a dépassé les réductions d’émissions obtenues grâce aux gains d’intensité énergétique » (GIEC, 2014 : 8). Pour réduire les émissions mondiales de GES, il convient donc de réduire l’une des deux sources de croissance, et sans doute même les deux, étant donné qu’elles sont fortement liées [2]. Autrement dit, réduire la cause principale du changement climatique suppose de réduire la croissance démographique et/ou la croissance économique.
9La contribution du facteur démographique au changement climatique ne dépend pas que du nombre de personnes. Le revenu, le patrimoine, les régimes alimentaires, le niveau d’éducation, la taille du ménage et le lieu d’habitation font largement varier les émissions individuelles des GES (Cohen, 2010 ; Jiang et Hardee, 2011). De 1900 à 2000, les émissions de dioxyde de carbone (CO2) ont augmenté d’un facteur 15, alors que la population mondiale a augmenté d’un facteur 4 (Cohen, 2010 : 164). Les niveaux d’émissions par tête sont un bon indicateur des inégalités dans la contribution à la perturbation du fonctionnement du système climatique. Tandis que les émissions per capita annuelles de CO2 d’un Américain, d’un Français et d’un Suisse sont respectivement de 16,5, de 4,6 et de 4,5 tonnes, celles d’un Indien, d’un Kiribatien et d’un Bengali sont respectivement de 1,7, de 0,6 et de 0,5 tonnes [3]. En d’autres termes, un Américain émet en moyenne autant que 10 Indiens ; un Français, autant que 7 Kiribatiens ; et un Suisse, autant que 9 Bengalis. L’empreinte carbone totale de la naissance d’un enfant aux États-Unis est plus de 160 fois supérieure à l’empreinte d’un enfant né au Bangladesh (Murtaugh et Shlax, 2009 : 18), et 200 fois supérieure à celle d’un enfant né au Niger (Rieder, 2016a : 31).
10Dans un rapport publié pendant la COP21, Oxfam (2015) explique qu’au niveau mondial, les 10% les plus riches sont responsables d’environ 50% des émissions de GES, tandis que les 50% les plus pauvres ne sont responsables que de 10% de ces émissions. L’empreinte carbone moyenne des 10% les plus riches de la population mondiale est 11 fois plus élevée que l’empreinte des 50% les plus pauvres, et 60 fois plus élevée que celle des 10% les plus pauvres. L’empreinte moyenne du 1% des personnes les plus riches du monde est environ 175 fois supérieure à celle des 10% les plus pauvres. Bien qu’une part grandissante des 10% les plus riches habitent désormais dans des pays émergents comme la Chine, l’écrasante majorité vit encore dans les pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), avec environ un tiers aux États-Unis. Par exemple, les émissions par tête des 10% les plus riches en Chine demeurent considérablement plus faibles que celles des 10% les plus riches dans les pays de l’OCDE, notamment parce qu’une large partie des émissions chinoises provient de la production de biens consommés dans les pays riches.
11Ces données sont la raison principale pour laquelle cet article se focalise sur les politiques de réduction de la croissance démographique dans les pays développés. Les choix procréatifs des habitants de ces pays ont un impact environnemental nettement plus important que les choix procréatifs des habitants des pays en développement, parce que la naissance d’un enfant dans un pays développé correspondra à une empreinte carbone beaucoup plus grande. Une deuxième raison est que les politiques développées ci-dessous nécessitent un cadre institutionnel stable qui fait défaut à de nombreux pays en développement. Une troisième raison est que le raisonnement public que cet article vise à stimuler nécessite des institutions démocratiques qui font également défaut à de nombreux pays en développement. Ce cadrage permet notamment d’éviter les problèmes associés aux positions inspirées de Malthus et de Hardin qui font reposer l’écrasante partie du fardeau sur les pays pauvres au nom de la protection de l’environnement [4].
12Dans quelle mesure la réduction de la croissance démographique pourrait-elle contribuer à la réduction des émissions dans les pays développés ? Commençons par les émissions par tête. Bien que la plupart des actions individuelles aient un effet infinitésimal sur la quantité de GES se trouvant dans l’atmosphère, les choix en matière de procréation ont un effet substantiel sur les émissions individuelles de GES en créant un « héritage carbone » (carbon legacy). Le statisticien Paul Murtaugh et le scientifique de l’atmosphère Michael Schlax ont cherché à quantifier l’impact des choix reproductifs des Américains en termes d’émissions additionnelles de GES (Murtaugh et Shlax, 2009). D’après leurs calculs, chaque enfant qu’une personne choisit d’avoir compensera très probablement toutes les réductions d’émissions qu’elle aura effectué au préalable, même si elle fait par ailleurs des efforts importants pour limiter son empreinte carbone. Chaque enfant ajoute en moyenne 9 441 tonnes de CO2 à l’héritage carbone d’un Américain, ce qui représente environ six fois les émissions totales qu’il cumulera au cours de sa vie.
13Choisir d’avoir un enfant de moins permettrait aux individus dans les pays développés d’économiser en moyenne 58,6 tonnes de CO2-équivalent (tCO2e) par année, ce qui est considérable (Wynes et Nicholas, 2017 : 1) [5]. Ce choix représente effectivement l’action qui a de loin le plus grand effet sur la réduction de l’empreinte carbone des individus. Les autres actions à haut impact sur les émissions individuelles de GES, à savoir vivre sans voiture, éviter un vol transatlantique et adopter un régime alimentaire végane, permettent d’économiser respectivement 2,4 tCO2e, 1,6 tCO2e et 0,8 tCO2e par année. Les actions couramment recommandées par les gouvernements et les institutions publiques, par exemple l’utilisation d’une voiture hybride, le recyclage et l’utilisation d’ampoules moins consommatrices d’énergie, sont en comparaison toutes des actions à faible impact, ne contribuant qu’à des économies annuelles inférieures à 0,8 tCO2e (Wynes et Nicholas, 2017).
14Ces études reposent sur une notion qui soulève plusieurs difficultés : celle d’héritage carbone. L’héritage carbone est calculé en attribuant à chaque parent la moitié des émissions de leurs enfants et le quart des émissions de leurs petits-enfants. Une première difficulté soulevée est la justification de l’attribution de la responsabilité de la totalité des émissions de leurs enfants aux parents. Il est certes envisageable d’attribuer aux parents une partie des émissions de leurs enfants tant que ces derniers ne sont pas en mesure de faire leurs propres choix. Mais à partir du moment où les enfants deviennent indépendants, la plus large partie de la responsabilité pour leurs émissions devrait logiquement leur revenir. De plus, si les enfants font à leur tour des enfants, le calcul du budget carbone se complique. Avec la notion d’héritage carbone, les grands-parents doivent assumer 50% des émissions de leurs petits-enfants et les parents doivent assumer 100% des émissions de leurs enfants, mais cela revient à dire que 150% des émissions des petits-enfants sont assumées, ce qui n’a pas vraiment de sens. Il serait donc préférable d’attribuer une part plus modeste des émissions de leur descendance aux parents.
15Une deuxième difficulté est le calcul des émissions par tête des enfants et des petits-enfants dans les décennies à venir. Murtaugh et Schlax (2009 : 16) comparent trois scénarios possibles par rapport à l’année de référence 2005, où les émissions annuelles mondiales par tête étaient de 4,31 tonnes de CO2 (tCO2). Le scénario optimiste repose sur des mesures agressives de réduction de GES qui permettent de faire descende à 0,5 tCO2 les émissions par tête et par année d’ici 2100 ; le scénario moyen repose sur un maintien des émissions à 4,31 tCO2 par tête et par année pendant tout le siècle ; le scénario pessimiste, du type business as usual, estime qu’aucune mesure drastique de lutte contre le changement climatique ne sera prise au fil du siècle, ce qui aboutit en 2100 à une augmentation de 50% des émissions par tête et par année par rapport à 2005 (6,46 tCO2).
16Les auteurs optent pour le deuxième scénario, qui représente un intermédiaire entre des projections optimistes et pessimistes. Ils précisent que ce scénario ne prend pas en compte l’augmentation probable des émissions mondiales de GES dans la première partie du siècle, sous-entendant que cela le rapproche d’un scénario de type optimiste. Cependant, ce scenario ne prend pas non plus en compte les possibilités de dépassement des seuils de basculement de l’écosystème global, menant à des changements catastrophiques capables de provoquer un effondrement économique et donc une réduction drastique des émissions de GES [6]. Il est donc possible que le scénario moyen soit trop optimiste ou trop pessimiste, ce que les auteurs de l’étude reconnaissent en calculant également les trajectoires d’émission de CO2 sous les deux scénarios alternatifs, et en soulignant que « Le choix du scénario a un effet énorme, entraînant une large gamme de contributions de carbone projetées » (Murtaugh et Schlax, 2009 : 17).
17Malgré cette large variation et les objections qu’il est possible de faire à l’idée d’héritage carbone, cette étude a un double avantage. Elle permet de donner une idée précise de l’impact que la décision d’avoir un enfant peut avoir en termes d’émissions supplémentaires de GES dans les pays développés. Elle permet également d’affirmer que les réductions d’émissions rendues possibles par le fait de faire un enfant de moins sont substantielles par rapport aux actions alternatives, et ce, même si l’on réduit la responsabilité des parents pour les émissions de leurs enfants et de leurs petits-enfants, et même si l’on choisit un scénario optimiste d’évolution de la concentration de GES dans l’atmosphère au fil du siècle.
18Pour passer du niveau individuel au niveau mondial, le démographe et climatologue Brian O’Neill et ses collèges ont étudié l’effet d’une réduction de la croissance démographique sur les émissions futures par rapport à la croissance prévue par les modèles dominants (O’Neill et al., 2010). Selon les différents scénarios de réduction de la croissance démographique au fil du siècle, les émissions mondiales de GES se voient réduites de 16 à 29% d’ici 2050, et de 37 à 41% d’ici 2100. Ils en concluent que réduire la croissance démographique contribuerait significativement à l’effort international pour ne pas dépasser la limite des 2°C de réchauffement total. Réduire la croissance démographique permettrait de réduire davantage d’émissions de GES que les cinq mesures suivantes réunies : un doublement de l’efficacité énergétique de la totalité des voitures dans le monde ; une réduction de moitié du kilométrage moyen parcouru en voiture ; un triplement du nombre de réacteurs nucléaires fournissant de l’électricité ; une augmentation de la capacité actuelle d’énergie éolienne d’un facteur 50 ; et mettre fin à la déforestation partout dans le monde (Cafaro, 2012 : 47) [7].
19Les scénarios construits par les climatologues mettent en évidence les mesures à prendre dans les décennies à venir pour parvenir à remplir l’objectif central de l’Accord de Paris : contenir « l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels », tout en « poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels » (CCNUCC, 2015 : 3). Deux des articles scientifiques les plus récents montrent, en accord avec les résultats obtenus par O’Neill et ses collèges, qu’il est désormais nécessaire de réduire la croissance démographique au fil du siècle si l’on souhaite atteindre cet objectif (Rogelj et al., 2018 : 327 ; Van Vuuren et al., 2018 : 392). Ces deux études empiriques montrent, d’une part, l’importance des changements de mode de vie à effectuer, comme la transition à des régimes alimentaires végétariens et véganes, la promotion des énergies renouvelables et le développement de l’efficacité énergétique. D’autre part, elles insistent sur la nécessité de la réduction de la croissance démographique à travers le globe, la population mondiale devant redescendre au moins à 7 milliards d’ici 2100 si l’on souhaite éviter une perturbation anthropique dangereuse du système climatique, tout en gardant à l’esprit qu’une diminution de la population dans les pays développés aurait un impact à court terme beaucoup plus significatif que dans les pays en développement.
Approches philosophiques
20Bien que peu de philosophes aient pris en compte ces données empiriques, une littérature commence à émerger sur les enjeux soulevés par la croissance démographique en éthique climatique.
21Un premier type d’approche, qui domine actuellement dans la littérature philosophique, consiste à minimiser le rôle pouvant être joué par la réduction de la croissance démographique au profit d’autres mesures de réduction des émissions de GES, notamment de nature technologique. En partant de l’équation IPAT, Clare Heyward (2012) et Simon Caney (à paraître) estiment que le facteur démographique est certes important, mais qu’il faut avant tout se focaliser sur les autres causes de la déstabilisation du système climatique. Selon cette formule, l’impact environnemental (I) équivaut à la population (P) multipliée par le niveau de vie (A), multipliée à son tour par la technologie (T). Cette équation avait été formulée au début des années 1970 par le biologiste Paul Ehrlich et le scientifique de l’environnement John Holdren (Ehrlich et Holdren, 1972). Elle servait alors à montrer que l’impact environnemental est avant tout dû à la taille excessive de la population mondiale : quelle que soit la technologie employée, une population trop nombreuse finira inévitablement par dévaster son environnement naturel (Federau, 2017 : 31-32). Heyward et Caney utilisent la même formule pour chercher au contraire à souligner l’importance des facteurs « niveau de vie » et « innovation technologique ».
22Heyward insiste sur le rôle de la technologie dans la réduction des émissions de GES. Bien que des politiques de réduction de la population soient, selon elle, désirables, elle se focalise avant tout sur des mesures dans les pays en développement et estime que le plus important est d’investir dans des technologies capables d’absorber l’impact climatique d’une population croissante (Heyward, 2012 : 707, 725). Sa crainte est que les politiques de réduction de la population entraînent des mesures d’internalisation, qui attribuent aux individus la totalité des coûts causés par leurs choix en matière de procréation. Pour éviter le risque que les parents se voient contraints de pourvoir à eux seuls au bien-être de leurs enfants, elle favorise les solutions technologiques comme l’augmentation de l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables. Elle ajoute qu’« [u]ne autre technologie potentiellement bénéfique est l’élimination du dioxyde de carbone de l’atmosphère [carbon dioxide removal] » (Heyward, 2012 : 722).
23Caney (à paraître) insiste également sur des facteurs technologiques comme l’augmentation de l’efficacité énergétique, le transfert de technologies, le développement des énergies renouvelables et le développement des véhicules électriques. Il défend une position qu’il désigne sous le nom de « libéralisme écologique », qui laisse chacun choisir en toute autonomie si elle ou il préfère réduire son empreinte carbone en ayant moins d’enfants, en réduisant son niveau de consommation, ou en utilisant des technologies moins émettrices. Cela permet ainsi à chacun de remplir le devoir individuel de réduction de son budget carbone comme bon lui semble.
24Ces deux positions sont théoriquement bien construites et sont convaincantes si l’on reste dans une perspective individualiste centrée sur la liberté des personnes. Elles ont cependant plusieurs limites si nous les inscrivons dans la perspective des limites planétaires. La première est mise en évidence par les données discutées dans la section précédente. Si les études empiriques les plus récentes insistent à la fois sur les technologies, les changements de modes de vie et la réduction de la croissance démographique, elles montrent que toutes les solutions doivent être mises en œuvre rapidement et conjointement si nous souhaitons maintenir les températures mondiales nettement en dessous de 2°C (Rogelj et al., 2018 ; Van Vuuren et al., 2018). Il ne s’agit pas de choisir entre l’une ou l’autre de ces mesures, mais de les déployer simultanément. Sans des institutions sociales, économiques et politiques créant un cadre promouvant toutes ces solutions en même temps, la barre des 2°C sera probablement dépassée et les points de basculement dans le système climatique risquent d’être enclenchés, nous entraînant dans une trajectoire de « Terre étuve » (Steffen et al., 2018).
25Il ne faut donc pas mobiliser l’équation IPAT pour insister sur l’un ou l’autre des facteurs au détriment des autres : il faut le faire pour insister sur la nécessité de prendre en compte chacun des facteurs. Sans un cadre institutionnel permettant de promouvoir par l’éducation, les normes et les incitations les solutions technologiques, les changements de mode de vie et la réduction de la croissance démographique, nous risquons de créer un monde beaucoup plus dangereux que celui que nous connaissons. Le scientifique du système Terre Timothy Lenton et ses collègues soulignent qu’un tel monde n’est pas nécessairement un scénario pour un futur lointain : « une variété d’éléments de basculement pourraient atteindre leur point critique au fil du siècle en raison du changement climatique anthropique » (Lenton et al., 2008 : 1792). Dans un tel contexte, le libéralisme écologique, qui laisse à chaque individu choisir en toute autonomie ses actions de réduction, est une posture théorique insuffisante.
26La deuxième limite est que ces approches ne soulignent pas suffisamment les problèmes propres aux mesures technologiques. L’ingénierie climatique sous forme de réduction de concentration de CO2 dans l’atmosphère est associée à des graves dangers environnementaux et politiques (Dooley et Kartha, 2018). Heyward semble en être consciente lorsqu’elle souligne en note que « de telles mesures doivent être mises en œuvre conjointement avec des programmes visant à promouvoir la justice globale » (Heyward, 2012 : 732, n17), mais rien ne garantit que la justice globale soit compatible avec l’ingénierie climatique. Vu les nombreux problèmes éthiques soulevés par la réduction de concentration de CO2 dans l’atmosphère, il est probable que ce ne soit pas le cas. L’efficacité énergétique soulève également des problèmes en raison de l’effet-rebond. Les gains d’efficacité énergétiques et matériels dans la production, la fourniture ou l’usage d’un bien ou d’un service mènent régulièrement à l’augmentation d’usage ou de consommation d’un ou de plusieurs produits. Les innovations techniques comme l’augmentation de l’efficacité énergétique poussent les usagers à consommer davantage soit d’un même produit, soit d’autres produits, ce qui annule le gain d’énergie obtenu par l’augmentation de l’efficacité (Vivien 2015). L’effet-rebond n’est pas systématique, et il est vrai que l’augmentation de l’efficacité énergétique peut mener à des réductions de GES, mais cet effet relativise l’idée que ce sont surtout les technologies qui apporteront des solutions au problème climatique.
27Un deuxième type d’approche philosophique se focalise directement sur la réduction de la croissance démographique en développant deux types de mesure : l’éducation et la coercition. Philip Cafaro et Christine Overall s’intéressent principalement au rôle de l’éducation (Cafaro, 2011 ; Cafaro, 2012 ; Overall, 2013 : 173-202). Cette mesure est sans doute la manière la moins controversée de réduire la croissance démographique, avant tout parce qu’elle place le contrôle directement entre les mains des futurs parents. Les options possibles ici sont multiples : améliorer l’éducation, notamment celle des filles ; améliorer les conditions de vie des femmes ; aider les enfants et les adultes à mieux connaître et utiliser les moyens contraceptifs ; ou encore aider les individus à prendre conscience des impacts environnementaux de leurs choix en matière de procréation. Ces mesures d’autocontrôle sont « gagnantes – gagnantes », dans la mesure où elles permettent non seulement de réduire les émissions mondiales de GES, mais aussi de contribuer à d’autres Objectifs du Développement Durable (ODD) comme l’amélioration de la santé maternelle et l’augmentation du pourcentage d’enfants bénéficiant d’une éducation primaire complète (Cafaro, 2011 : 209).
28À l’autre extrême du spectre des politiques de réduction de la population se trouvent les mesures coercitives. Bien qu’elles aient peu été discutées par les différents auteurs dans la littérature philosophique, l’éthicienne Sarah Conly a eu le courage de les défendre dans son dernier livre, One Child (Conly, 2016). Partant de l’idée qu’il est justifiable de réduire l’autonomie des individus dans les situations où ils contribuent à nuire à autrui, Conly estime que dans un contexte de surpopulation mondiale, l’État peut légitimement intervenir par des restrictions sur les choix procréatifs individuels. Si elle reconnaît l’importance des mesures éducatives, elle souligne qu’elles ne suffisent pas à réduire la croissance démographique. La mise en place d’un système de sanctions légales pour les couples qui ont plus d’un enfant réduit ce problème de la motivation non seulement en changeant les comportements, mais également en modifiant les attitudes, puisqu’une sanction pénale est en principe reconnue comme quelque chose de mal (Conly, 2016 : 123-130). Un système progressif d’amendes, basé sur le revenu du ménage, peut entraîner un changement culturel en faisant des familles peu nombreuses la norme et des familles nombreuses l’exception.
29Les politiques éducatives de réduction de la population sont certes nécessaires, mais Conly a raison de souligner leur insuffisance. Historiquement, ce type de mesure a pris des décennies pour avoir un impact observable sur les choix procréatifs, ce qui implique qu’il n’aura probablement pas d’effet sur les émissions de GES dans un futur proche. De plus, ce type de mesure a davantage d’impact dans les pays en développement que dans les pays développés : les taux de fertilité et les besoins de planification familiale sont plus élevés en Asie et en Afrique qu’en Europe et aux États-Unis (Hickey et al., 2016 : 855). Quant aux politiques coercitives, elles soulèvent des problèmes éthiques et politiques redoutables. Même si Conly développe de manière très claire son raisonnement et répond de manière convaincante à une série d’objections, une politique de l’enfant unique comporte des coûts moraux potentiels énormes, notamment en termes de violations possibles des droits humains, comme les stérilisations et les avortements forcés (Rieder, 2016b). Elle ne défend évidemment pas de telles mesures, mais elles ont plus de chances d’apparaître dans le cadre de politiques coercitives que dans le cadre de politiques éducatives. Il existe des politiques avec des coûts moraux potentiels beaucoup moins élevés. Au niveau social et politique, les obstacles culturels et institutionnels sont sans doute trop nombreux pour que ce type de stratégie puisse avoir un impact sur la croissance démographique, et donc les émissions de GES, dans les décennies à venir. C’est notamment le cas dans les pays démocratiques, où il est peu réaliste de croire que les citoyens vont volontairement s’imposer une politique coercitive de l’enfant unique. Il semble politiquement plus prometteur et éthiquement moins problématique de développer une mesure intermédiaire pour appuyer, voire accélérer les résultats obtenus par les politiques éducatives : les incitations. C’est la piste que cet article propose maintenant d’explorer et de défendre en s’appuyant sur des mesures concrètes à considérer.
Quelles politiques incitatives ?
30L’incitation est une forme intermédiaire de pouvoir entre la contrainte et la persuasion, que l’on peut définir comme un coût ou un bénéfice représentant un découragement ou un encouragement à l’action, qui vise à modifier de manière délibérée le comportement d’un agent ou d’un groupe d’agents. En matière de réduction de la croissance démographique, les incitations négatives découragent les parents à faire trop d’enfants et les incitations positives encouragent ceux qui ont peu d’enfants à ne pas en faire davantage. Tandis que l’éducation laisse les parents faire volontairement leurs choix en matière de procréation et que la coercition interdit aux parents d’avoir plus qu’un nombre fixe d’enfants en sanctionnant légalement ceux qui en font trop, les incitations représentent un outil économique qui encourage à avoir peu d’enfants ou qui décourage ceux qui voudraient en avoir beaucoup. Les incitations sont compatibles avec les sociétés démocratiques dans la mesure où elles laissent les parents faire leurs propres choix, tout en les encourageant économiquement à opter pour une famille peu nombreuse. Un tel choix serait moralement justifié dans la mesure où il représente un des moyens les plus efficaces pour les individus, y compris à court terme, de réduire leurs émissions de GES.
31Mettre en place des politiques incitatives de réduction de la croissance démographique soulève pourtant des difficultés, notamment parce que certaines incitations sont moralement problématiques. Il faut donc prendre certaines précautions, notamment en distinguant les incitations justifiables des incitations difficilement justifiables, voire injustifiables. Trois critères possibles, permettant de distinguer ces types d’incitation, sont l’objectif poursuivi par l’autorité qui les met en place, la marge qu’elles laissent subsister pour une réponse volontaire et les effets secondaires sur les personnes qui y sont soumises (Grant, 2015 : 360). Prenons deux exemples historiques.
32Dans les années 1970, le gouvernement de Singapour a eu recours aux incitations dans l’optique de réduire sa population. En réduisant les aides publiques pour les logements pour les grandes familles et en augmentant les frais médicaux de maternité pour chaque enfant supplémentaire, ce programme a fait souffrir davantage les ménages modestes qui avaient moins de moyens de s’y adapter que les ménages plus riches. En récompensant financièrement les stérilisations volontaires par l’allocation de biens publics comme l’accès facilité aux logements et à l’éducation, et même dans le cas des femmes moins éduquées, par une récompense en argent, le gouvernement a montré qu’il souhaitait en réalité que les femmes plus éduquées et plus aisées aient davantage d’enfants que les femmes moins éduquées provenant de milieux sociaux défavorisés (Hickey et al., 2016 : 862-863). Une politique démographique incitative favorisant certaines classes sociales au détriment d’autres est clairement injustifiable au nom du premier critère mentionné ci-dessus : l’objectif poursuivi par l’autorité qui les met en place. Un autre problème évident ici est celui du non-respect de l’égalité des personnes, un critère central devant être pris en compte dans toute décision démocratique portant sur le type de politique de réduction de la croissance démographique choisi.
33Dans la même période, l’Indonésie a également mis en place un programme de réduction de sa croissance démographique. L’incitation positive principale sur laquellele programme reposait était la mise à disposition gratuite de moyens de contraception, notamment en mettant en place plus de 2 200 cliniques fournissant tous les services adaptés et en offrant des groupes d’aide à la planification familiale. L’absence de coût et la disponibilité des moyens de contraception ont joué un rôle fondamental dans la réduction du taux de fertilité du pays, qui est passé de 6 en 1970 à 2,59 en 1999 (Conly, 2016 : 112). Quelle que soit la classe sociale à laquelle les ménages appartenaient, les effets de cette politique ont été identiques ; les membres les moins bien lotis de la population ont même été avantagés, dans la mesure où ils ont eu accès à de nouveaux services dont ils ne pouvaient pas bénéficier au préalable.
34Entre 215 et 220 millions de femmes à travers le monde n’ont pas accès aux moyens de contraception dont elles souhaiteraient disposer, tant dans les pays développés que dans les pays en développement (Conly, 2016 : 115). Elles voudraient planifier leur grossesse et avoir des familles moins nombreuses, mais n’y parviennent pas en raison du coût trop élevé des moyens de contraception, de l’absence d’accès à de tels moyens ou du manque d’information sur leur utilisation. Multiplier les cliniques locales qui fournissent gratuitement les informations aux couples concernant l’utilisation de contraceptifs peut faire une grande différence. De même, rendre la pilule contraceptive, la pilule du lendemain et les autres moyens contraceptifs gratuits et éviter certains rendez-vous chronophages et coûteux chez les médecins (notamment pour les renouvellements de la pilule contraceptive) sont des mesures incitatives qui aideraient énormément les couples qui souhaitent mieux planifier leur vie familiale. De manière générale, une élimination des grossesses non voulues par l’utilisation de contraceptifs permettrait de réduire d’environ 3 milliards la population mondiale d’ici 2100 (Conly, 2016 : 117), ce qui contribuerait non seulement à une meilleure planification familiale, mais également à une réduction substantielle des émissions de GES.
35D’autres incitations positives sont possibles. Réduire les impôts pour les ménages ayant des familles peu nombreuses en fait partie. Dans beaucoup de pays, comme en France, en Suisse ou aux États-Unis, une culture pro-nataliste détermine les incitations en matière de procréation, notamment au niveau fiscal : l’idée est ici de renverser cette structure incitative pour encourager les couples à avoir moins d’enfants. Rendre la stérilisation gratuite, tant pour les hommes que pour les femmes, fait également partie des options à envisager. Attribuer une récompense financière à la stérilisation serait également une possibilité, mais cette mesure doit être mise en place avec prudence. D’une part, il convient de faire attention à ne pas fixer le montant de la récompense trop haut pour éviter que les personnes défavorisées l’utilisent à contrecœur comme une opportunité pour obtenir les moyens financiers dont elles manquent. D’autre part, il conviendrait de s’assurer qu’avant d’y recourir, la personne a déjà eu le nombre d’enfants qu’elle souhaite avoir. L’important ici est de respecter le critère de la marge de manœuvre pour une réponse volontaire des personnes concernées par la mesure incitative. De manière générale, les politiques incitatives doivent être mises en œuvre en prenant en compte la vulnérabilité particulière de groupes comme les personnes pauvres, les femmes, les personnes porteuses de handicap ou encore les minorités ethniques.
36Les incitations négatives sont plus difficiles à justifier, mais face à l’ampleur du problème démographique et à l’urgence du problème climatique, il convient également d’explorer ces options. Une mesure possible ici serait une augmentation d’impôts pour les familles trop nombreuses. Vu que les familles plus nombreuses bénéficient davantage des biens publics financés par les impôts, notamment l’éducation publique, il semble logique que les familles peu nombreuses paient moins d’impôts et les familles nombreuses en paient davantage. L’idée n’est pas de dire que seuls les parents devraient pourvoir au bien-être de leurs enfants : le système de solidarité sociale mis en place par l’imposition progressive est l’un des acquis sociaux les plus importants des systèmes démocratiques contemporains. L’objectif est plutôt de parvenir à un système fiscal équitable dans lequel ceux qui utilisent le plus paient davantage – tout en continuant à prendre en compte les différents niveaux de revenu et de richesse pour éviter de pénaliser les plus défavorisés.
37La difficulté principale revient à déterminer qui a « trop » d’enfants. En partant de notre contexte de croissance démographique et d’urgence climatique, certains auteurs estiment qu’il existe un devoir moral de ne pas mettre au monde plus de deux enfants par couple, ou plus d’un enfant par personne (Overall, 2013 : 183 ; Rieder, 2016a : 37). L’objectif est que chacun se limite uniquement au « remplacement procréatif » (procreative replacement) de sa personne par une nouvelle personne. Si la plupart des couples respectaient cette règle, la population se stabiliserait progressivement. D’autres estiment que plus d’un enfant par couple serait déjà trop (Conly, 2016). Si le but est non de stabiliser, mais de réduire la population, chaque couple ne doit en effet pas mettre au monde plus d’un enfant.
38L’idée ici n’est pas de prendre une position arrêtée sur le nombre exact d’enfants qu’il faudrait avoir (ou ne pas avoir) mais plutôt de favoriser la réflexion et la délibération démocratique sur cette question à partir d’une approche d’éthique climatique réfléchissant sur les implications morales des choix procréatifs individuels. Dans certains cas où le taux de fécondité est nettement inférieur à 2, comme en Suisse (1,54 enfants par femme en moyenne) ou au Lichtenstein (1,4), une augmentation des impôts peut être envisagée déjà à partir du deuxième enfant. Dans d’autres cas où le taux est plus élevé, comme aux États-Unis (1,88) ou en France (1,96), une augmentation des impôts peut être décidée à partir du troisième enfant [8]. Dans tous les cas, tant les mesures éducatives que les mesures incitatives devraient pousser la plupart des couples à ne pas faire ou à ne pas adopter [9] plus de deux enfants. Vu que les normes de reproduction se trouvent déjà proches de ces niveaux dans beaucoup de pays développés, cet objectif a une faisabilité politique relativement élevée et pourrait permettre d’obtenir des résultats rapides et importants dans la lutte contre le changement climatique, tout en respectant les choix et les valeurs démocratiques.
Défense des politiques incitatives
Une influence indue ?
39Les politiques incitatives de contrôle de la population soulèvent de nombreuses objections. Je me focalise ici sur celles qui me semblent être les plus pertinentes dans le cadre délimité de cet article et sur les réponses qu’on pourrait y apporter. Ces réflexions renforcent la justification des politiques incitatives que je viens d’introduire en montrant qu’il est possible de répondre à un certain nombre d’objections qui ont été formulées à leur encontre, tout en prenant en compte les difficultés auxquelles il s’agit de faire face et les défis à relever.
40Une première objection est celle de la restriction de l’autonomie des personnes souhaitant avoir des enfants. Cette objection prend couramment dans la littérature la forme de l’ « influence indue » (undue inducement), selon laquelle les incitations sont moralement problématiques, lorsque les bénéfices qu’elles procurent sont assez importants pour court-circuiter la liberté de choix des individus (Hickey et al., 2016 : 865-866). Par exemple, récompenser des dons d’organe par des sommes très élevées peut manipuler les agents moraux en les poussant à agir contre leurs préférences et parfois même contre leurs intérêts en raison du gain financier potentiel. De même, inciter à avoir moins d’enfants pourrait réduire l’autonomie des parents et aller contre leurs intérêts.
41Une première manière d’éviter ce problème est de fixer les récompenses financières à un montant qui ne soit pas trop élevé, comme proposé ci-dessus avec les incitations positives en matière de stérilisation. Mais cela ne suffirait pas pour éviter totalement l’objection : même avec un montant peu élevé, les incitations positives et négatives peuvent limiter l’autonomie des agents en les poussant à avoir des familles moins nombreuses que ce qu’ils souhaiteraient.
42Une deuxième réponse est qu’il existe en réalité déjà une structure incitative en matière de choix procréatifs. La culture pro-nataliste de nombreux pays développés, ainsi que les institutions qui soutiennent cette culture, incitent déjà les individus à avoir des enfants (Rieder, 2015). Dans ces pays, les préférences procréatives des individus ne sont pas choisies en toute autonomie : l’éducation, le milieu familial, le système social, le système fiscal et le système de santé encouragent les individus, et notamment les femmes, à avoir des enfants. Des incitations pro-natalistes comme des réductions d’impôts et d’autres bénéfices pour les familles plus nombreuses existent déjà, contribuant à façonner les choix des individus en matière de procréation. La question ne serait donc pas de savoir s’il faut inciter ou non, mais comment il faudrait le faire au mieux. Dans un contexte où la croissance démographique contribue au dépassement de la limite planétaire climatique, des incitations pour des familles moins nombreuses semblent beaucoup plus justifiées que des incitations pour des familles plus nombreuses.
43D’autant plus que, troisièmement, ce type de politique n’irait pas obligatoirement contre les intérêts des parents, ni contre ceux des enfants. Les recherches menées sur le sujet montrent qu’avoir moins d’enfants, ou ne pas en avoir, ne réduit pas la qualité de vie des individus (Hickey et al., 2016 : 866). Quant à la qualité de vie des enfants, il est préférable de leur laisser un monde avec une croissance démographique réduite et un changement climatique dont les impacts néfastes sont relativement gérables plutôt qu’un monde avec 10 milliards d’humain et un changement climatique abrupt causé par le dépassement des points de basculement dans le système climatique. Il est dans l’intérêt de chacun de ne pas léguer un monde dangereux aux générations à venir. Si les parents tiennent sincèrement à la qualité de vie de leurs enfants, il est dans leur intérêt – parce qu’il est dans l’intérêt de leurs enfants – de ne pas avoir des familles trop nombreuses. La procréation et l’adoption doivent être motivées par des raisons morales comme le bien-être de l’enfant et le respect de sa personnalité, de ses idéaux et de ses aspirations. Procréer et adopter sont des actes moraux, qui impliquent des responsabilités, et qui ne devraient jamais être motivés par des intentions purement égoïstes. Or, prendre au sérieux cette responsabilité impliquerait aujourd’hui d’aller dans le sens d’une éthique pour une famille peu nombreuse.
Une violation du droit individuel de procréer ?
44L’idée qu’il existe une liberté de procréer est largement répandue. Le juriste John Robertson explique : « La liberté procréative devrait avoir une primauté présomptive lorsque son exercice est remis en question : le contrôle ou l’absence de contrôle sur la possibilité de se reproduire est en effet un aspect central de l’identité et de la dignité de la personne et du sens de sa vie » (cité dans Conly, 2016 : 37). Le droit individuel de procréer est communément considéré comme un moyen pour protéger cette liberté individuelle. Ce droit est défini dans la Proclamation de Téhéran des Nations Unies comme « le droit fondamental [des parents] de déterminer librement et sciemment la taille de leur famille et l’échelonnement des naissances » (UN, 1968 : 4).
45Le philosophe du droit Joseph Raz définit le droit individuel de la manière suivante : « » x a un droit » si et seulement si x peut avoir des droits et, toutes choses égales par ailleurs, un aspect du bien-être de x (son intérêt) représente une raison suffisante pour qu’une (ou plusieurs) autre(s) personne(s) soi(en)t soumise(s) à une obligation à son égard » (Raz, 1984 : 195). Bien qu’avoir un enfant ne soit pas un intérêt aussi fondamental que celui à la santé, à la subsistance ou à la vie, pour beaucoup avoir une descendance représente un intérêt très fort. La plupart des gens souhaitent avoir des enfants, et leur conception de la vie bonne est largement déterminée par cette possibilité. Le droit de se reproduire protège notamment l’intérêt à avoir une descendance génétique et celui à fonder une famille (Conly, 2016 : 39). Le désir de transmettre ses gènes et le projet de prendre part à la vie familiale représentent deux fondements du droit à la procréation, et toute intervention de l’État qui chercherait à limiter ce droit, que ce soit sous forme de politiques éducatives, incitatives ou coercitives, est souvent vu de manière suspecte.
46Qu’est-ce que le droit de procréer implique, précisément ? Puis-je par exemple le revendiquer pour contester une hausse d’impôt causée par la naissance de mon deuxième enfant ? Les deux intérêts fondamentaux protégés par ce droit n’impliquent pas un droit absolu de déterminer librement la taille de sa famille, contrairement à ce que la Proclamation de Téhéran défend. D’une part, il est tout à fait suffisant d’avoir un enfant pour transmettre son patrimoine génétique. Avoir davantage d’enfants augmente certes la garantie que ce patrimoine soit transmis sur plusieurs générations, mais comme dans le cas de la plupart des droits, aucune garantie absolue n’est donnée. Le droit à la poursuite du bonheur ne garantit pas que le bonheur sera obtenu. Le droit au mariage n’est pas un droit à une vie de couple stable et heureuse. D’autre part, il est également suffisant d’avoir un enfant pour fonder une famille. Une famille épanouie n’est pas forcément une famille nombreuse, mais une famille dont la relation parent(s)-enfant(s) est fondée sur des valeurs comme l’amour, le respect et la gratitude. Les joies de l’intimité familiale, les liens uniques entre les personnes, l’histoire commune sont toutes possibles avec un seul enfant (Conly, 2016 : 49-52).
47Il est vrai que mettre au monde ou adopter un enfant change profondément les personnes que sont les parents ainsi que le sens de leur vie. Mais cela n’implique pas qu’avec un seul enfant, ou pas d’enfant du tout, ces personnes n’auraient aucun sens dans leur vie, aucune identité, ou seraient nécessairement malheureuses. Leur identité et leur personnalité seraient simplement différentes. Les intérêts protégés par le droit à la procréation ne sont pas assez fondamentaux pour déterminer l’existence ou non de notre identité, de notre personnalité, de notre bonheur et du sens qu’a notre vie. Les politiques incitatives de réduction de la croissance démographique ne remettent en question aucun de ces intérêts.
48Comme toutes les libertés, celle de procréer est limitée par les effets nuisibles qu’elle peut avoir sur autrui. Les politiques incitatives de contrôle de la population viennent certes en partie empiéter sur l’autonomie des personnes dans le domaine de la procréation, mais cet empiètement peut être justifié dans l’optique de la lutte contre le changement climatique. D’une part, ces politiques ne sont pas contraignantes. Elles ne forcent pas les individus, mais elles les poussent simplement à avoir peu d’enfants, tout en leur laissant la possibilité d’en avoir plus. La logique est de considérer que si les individus font le choix d’avoir une grande famille, ils doivent cependant payer davantage d’impôts pour couvrir les coûts sociaux et environnementaux de leurs choix. D’autre part, même si les choix des parents sont influencés, cette faible restriction de l’autonomie des parents peut aussi être justifiée parce qu’elle vise à protéger autrui de leurs choix en matière de procréation. En rester à une conception de la liberté selon laquelle le citoyen est pleinement autonome pourrait revenir à tolérer de multiples injustices, notamment de nature climatique, lorsque les actions des uns contribuent à nuire aux autres.
Plus d’enfants pour les personnes avec une sensibilité écologique ?
49Une troisième objection se focalise sur les valeurs transmises par les parents à leurs enfants. Les politiques éducatives et incitatives de réduction de la croissance démographique poussent notamment les personnes avec une forte sensibilité écologique à faire moins d’enfants. Aussi, il y a un risque que les descendants de personnes avec une telle sensibilité soient moins nombreux que les descendants de personnes sans sensibilité ou avec une faible sensibilité écologique. D’après cette objection, les valeurs comme le respect de l’environnement, l’amour de la nature et la conscience des limites planétaires sont transmises des parents aux enfants, notamment par l’éducation. Pour cette raison, les personnes avec une sensibilité écologique élevée devraient avoir plus d’enfants que ce qui n’en n’ont pas ou peu pour contrebalancer les effets des personnes qui ne se préoccupent pas de l’environnement (Wisor, 2009 : 29).
50La première réponse à cette objection est que ce comportement serait en contradiction avec les valeurs que les parents dotés d’une sensibilité écologique défendent et qu’ils cherchent justement à transmettre à leur(s) enfant(s) (Overall, 2012 : 190-191). Avoir plus d’enfants et réduire son empreinte écologique sont deux actions contradictoires.
51La deuxième réponse est que l’objection repose sur la prémisse problématique selon laquelle « les enfants adoptent de nombreuses croyances et pratiques de leurs parents » (Wisor, 2009 : 29). Il n’y a en réalité aucune garantie que les enfants adoptent les valeurs et comportements de leurs parents. Au contraire : grandir dans une famille nombreuse les amènera probablement à douter de la sensibilité écologique de leurs parents. Si ces derniers essaient de justifier leur comportement contradictoire, leurs enfants y verront sans doute une manifestation d’hypocrisie, du type « faites ce que je vous dis, mais pas ce que je fais ». Difficile d’y voir une règle éducative constructive.
52La troisième réponse a recours à l’éthique des vertus. Une personne consciente de l’existence des limites planétaires et de la pression considérable des activités humaines sur ces limites ne prendrait pas les données des sciences du système Terre à la légère et estimerait sans doute avoir une certaine responsabilité. Elle pourrait certes tout à fait choisir de faire ou d’adopter un enfant, deux si elle est en couple, mais il est peu probable qu’elle choisirait d’en avoir davantage. Elle y verrait sans doute un comportement vicieux, qui ferait preuve de manque de considération pour la planète et pour autrui. La vertu de tempérance encourage, par exemple, à vivre dans une relative modération, à réduire sa consommation et à veiller à son empreinte carbone. Étant donné l’excès de consommation et les émissions de GES supplémentaires inévitablement causés par un nouvel enfant, une personne tempérante choisirait probablement d’avoir une famille peu nombreuse et serait plus encline à accepter les politiques incitatives de réduction de la croissance démographique (Rieder, 2016a : 58).
Conclusion
53Bien qu’elle ne soit pas la cause unique de la perturbation anthropique du système climatique, la croissance démographique a contribué depuis des décennies à la radicalisation de l’empreinte carbone des sociétés humaines, notamment dans les pays développés. Cet article propose certaines pistes pour réduire la contribution de ce facteur aux émissions globales de GES en étudiant les politiques de réduction de la croissance démographique et leurs justifications, comme dans le cas des incitations positives et négatives venant renforcer les mesures éducatives en matière de procréation.
54L’idée centrale de l’article est que le facteur démographique est l’un des facteurs principaux du maintien et de la radicalisation du problème climatique et que, dans cette optique, lutter efficacement contre le changement climatique impliquerait logiquement la mise en place de politiques de réduction de la croissance démographique. Parier sur les technologies et motiver les individus à changer leurs modes de vie pourraient, en effet, ne pas suffire à éviter une perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Nos institutions doivent prendre acte des défis posés par les limites planétaires. Un élément central de l’argumentation est qu’il existe déjà une structure incitative en place : les institutions encouragent déjà les individus à faire certains choix procréatifs en faveur de plusieurs enfants. Or, l’idée est de montrer qu’il existe dans notre contexte actuel d’urgence climatique des raisons plus convaincantes d’encourager les individus à avoir peu d’enfants. Un autre argument important est que le droit à la procréation n’est pas un droit illimité : comme tous les droits, il est limité par l’impact que les choix individuels ont sur autrui. Étant donné l’impact considérable des choix procréatifs des individus dans les pays riches, il est légitime que le cadre institutionnel incite les futurs parents à repenser leurs choix, conformément aux objectifs politiques de réduction des émissions de GES.
55Les objections qui n’ont pas été étudiées ici, comme les effets de la réduction de la croissance démographique sur la croissance économique ou sur le système des retraites, sont sérieuses. Cependant, un changement climatique abrupt causé en partie par une population mondiale toujours plus nombreuse serait beaucoup plus nuisible à nos économies et à nos systèmes de retraite qu’une réduction de la croissance démographique. Il convient de réfléchir à ces questions dans le cadre posé par les limites planétaires : on ne peut plus traiter de la croissance démographique, de la croissance économique et du système de retraite comme si nous pouvions faire abstraction des effets que la perturbation du fonctionnement du système Terre aura sur nos sociétés. Nous devons tous prendre en compte les contraintes posées par les limites planétaires dans nos choix politiques et nos décisions individuelles. L’objectif de cet article est de favoriser le débat démocratique sur la réduction de la croissance démographique dans le cadre du problème climatique. Il est évident que les autres facteurs de perturbation du système Terre, comme la croissance économique, et les autres limites, comme l’intégrité de la biosphère, doivent également être pris en compte dans nos choix collectifs si l’on souhaite éviter une perturbation irréversible des conditions d’habitabilité de notre planète.
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Mots-clés éditeurs : croissance démographique, éthique climatique, choix procréatifs, changement climatique, incitations
Date de mise en ligne : 27/02/2019
https://doi.org/10.3917/lpe.003.0019Notes
-
[1]
Pour un état des lieux critique de l’éthique climatique individuelle, voir Fragnière, 2016.
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[2]
C’est pour cela que les politiques de ralentissement de la croissance économique représentent un autre volet des politiques à mettre en œuvre pour réduire la dégradation des conditions d’habitabilité de la biosphère : voir notamment le modèle de société permacirculaire développé par Arnsperger et Bourg, 2017.
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[3]
Ces données sont tirées du site de la Banque Mondiale sur les émissions de CO2 : https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/EN.ATM.CO2E.PC?end=2014&start=2014&view=bar, consulté le 28.05.2018. Ces données rencontrent certaines limites qu’il convient de garder à l’esprit. D’une part, elles ne prennent en compte que les émissions de CO2 provenant de la combustion des énergies fossiles et de la production du ciment, excluant ainsi les autres types de GES. D’autre part, elles se focalisent sur les émissions provenant de la production, laissant de côté celles qui sont causées par la consommation. Inclure dans le calcul les émissions d’autres types de GES, comme celles de méthane causées par l’élevage industriel, et prendre en compte les émissions liées à la consommation contribuerait à accroître encore davantage les écarts entre les émissions par tête des habitants des pays développés et celles des habitants des pays en développement.
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[4]
Pour une présentation et une critique de ce type d’approche, voir notamment Gardiner, 2011 : 443-456.
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[5]
Les auteurs s’appuient ici sur l’étude de Murtaugh et Shlax, 2009.
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[6]
Voir notamment le livre sur la collapsologie de Servigne et Stevens (2015).
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[7]
Cafaro s’appuie ici sur les données analysées par O’Neill et al., 2010. Cela ne veut évidemment pas dire qu’il ne faut pas non plus mettre en œuvre ces autres mesures (à l’exception des centrales nucléaires : voir Cabanes, 2016 : 81-99) : vu que la réduction de la croissance démographique ne suffira pas à elle seule à empêcher un réchauffement global supérieur à 2°C, ces actions supplémentaires sont également importantes. Simplement, elles n’ont pas un effet de réduction des émissions comparable à la réduction de la croissance démographique, à moins qu’elles soient toutes mises en œuvre ensemble. Comme je l’explique dans la section suivante, toutes ces mesures doivent être mises en place rapidement et conjointement.
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[8]
Ces chiffres sont tirés de l’Institut national de données démographiques (INED), « indicateur conjoncturel de fécondité », https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/europe-pays-developpes/indicateurs-fecondite/, consulté le 30.05.2018.
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[9]
Vu que l’important ici est l’empreinte carbone des individus, le fait qu’un enfant soit un enfant biologique ou un enfant adopté ne change rien : du moment où il vit dans un pays développé, il deviendra automatiquement un fort émetteur de GES.