L’Observatoire – La notion de « brutalisme », à laquelle vous avez consacré votre dernier ouvrage, fait écho à toutes sortes de brutalités que subit le monde aujourd’hui. Pouvez-vous en expliciter les dimensions principales ?Achille Mbembe – L’une des choses qui me frappe au regard de l’évolution de notre monde, c’est la montée en puissance – y compris dans les vieilles démocraties – de pouvoirs hyper-partisans, disposés à miser sur des stratégies de tension et d’écrasement en lieu et place de l’apaisement, de la négociation et du compromis. De tels pouvoirs sont prêts à traiter à peu près tout (êtres humains, groupes d’ores et déjà vulnérables, milieux naturels et objets) sans se soucier de heurter, blesser ou laminer. Les formes de laminage ou d’écrouissage auxquelles le vivant, dans son ensemble, est aujourd’hui confronté sont de plus en plus sophistiquées, souvent invisibles et souterraines. D’autres sont à ciel ouvert, sans médiation. Il s’agit de formes d’exécution que l’on pourrait qualifier d’« inconditionnées ». C’est notamment le cas des interminables guerres d’occupation, des frappes militaires, des massacres à petites doses (bombardements à répétition de cibles non militaires, destruction des infrastructures vitales, des maisons, des vergers ou même des écoles et des hôpitaux). En réalité, toutes ces forces saturent désormais l’ensemble de l’existence quotidienne. La plupart n’ont pas seulement revêtu le visage de la technologie, ce sont des forces de plus en plus ubiquitaires et auxquelles il est de plus en plus difficile de se dérober…
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