Notes
-
[1]
Sur la formation de ce corps, voir : G. Cerbelaud Salagnac, Les zouaves pontificaux, Paris, Éditions France-Empire, 1963, p. 16-33 ; J. Guénel, La dernière guerre du pape. Les zouaves pontificaux au secours du Saint-Siège (1860-1870), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1998, p. 27-34. En septembre 1860, l’effectif du bataillon atteignait 450 hommes environ (Matricule du bataillon des tirailleurs franco-belges. Armée pontificale 1860, Lille, s.n., 1925).
-
[2]
Archives historiques du diocèse de Nantes, Nantes (AHDN), « Dossier de Joseph Louis Guérin, séminariste de Nantes, zouave pontifical, mort à Osimo en 1860 » (dorénavant « Dossier Guérin »), 2, lettre de Joseph-Louis Guérin à son confesseur, Noirmoutier, 9 juillet 1860.
-
[3]
Ibid., lettre du 22 juillet 1860 à son confesseur.
-
[4]
J. S. Allard, Le volontaire Joseph-Louis Guérin, Paris, Douniol, 1862, p. 77-83.
-
[5]
M. Belissa et M. Cottret (dir.), Le martyr(e) : Moyen Âge, Temps modernes, Paris, Kimé, 2010 ; D. El Kenz, Les bûchers du roi : la culture protestante des martyrs (1523-1572), Seyssel, Champ Vallon, 1997 ; F. Lestringant, Lumière des martyrs : essai sur le martyre au siècle des Réformes, Paris, Champion, 2004.
-
[6]
D. Cook, Martyrdom in Islam, Cambridge, Cambridge University Press, 2007.
-
[7]
P. Boutry, « Hagiographie, histoire et Révolution française. Pie XI et la béatification des martyrs de septembre 1792 (17 octobre 1926) », in Achille Ratti pape Pie XI. Actes du colloque de Rome (15-18 mars 1989), Rome, École française de Rome, 1996, p. 305-355 ; V. Viaene, « Gladiators of Expiation: the Cult of the Martyrs in the Catholic Revival of the Nineteenth Century », in K. Cooper et J. Gregory (dir.), Retribution, Repentance, and Reconciliation, Woodbridge, Boydell, 2004, p. 301-316.
-
[8]
J.-P. Albert, « Sens et enjeux du martyre : de la religion à la politique », in P. Centlivres (dir.), Saints, sainteté et martyre : la fabrication de l’exemplarité, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2001, p. 17-25 ; A. Garrigou, Mourir pour des idées : la vie posthume d’Alphonse Baudin, Paris, Les Belles Lettres, 2010, p. 15-19.
-
[9]
D. Gambetta (dir.), Making Sense of Suicide Missions, Oxford, Oxford University Press, 2005 ; D. Cook et O. Allison, Understanding and Addressing Suicide Attacks: the Faith and Politics of Martyrdom Operations, Wesport-Londres, Praeger Security International, 2007 ; M. Cormack, Sacrificing the Self: Perspectives in Martyrdom and Religion, Oxford, Oxford University Press, 2002.
-
[10]
A. Blom, « Les “martyrs” jihadistes veulent-ils forcément mourir ? », Revue française de science politique, n° 61, 2011, p. 867-891.
-
[11]
D. Gambetta, « Can We Make Sense of Suicide Missions? », in Id. (dir.), Making Sense of Suicide Missions, op. cit., p. 271.
-
[12]
L. Gruaz, « L’extraordinaire chrétien chez les Zouaves pontificaux : Joseph-Louis Guérin (1838-1860) mort en odeur de sainteté », Revue de l’histoire des religions, n° 234, 2017, p. 485-517. Sur la célébration catholique des « martyrs » de 1860, voir B. Dumons, « Mourir pour Rome et le pape. Les martyrs de Castelfidardo. La fabrique d’une hagiographie catholique en France au XIXe siècle », in P. Chenaux et C. Sorrel (dir.), Mélanges en l’honneur de Jean-Dominique Durand, Rome, Studium, 2018 ; B. Dumons et J.-P. Warren (dir.), Les zouaves pontificaux en France, en Belgique et au Québec : la mise en récit d’une expérience historique transnationale (XIXe-XXe siècles), Bruxelles, Peter Lang, 2015.
-
[13]
J. S. Allard, Le volontaire Joseph-Louis Guérin, du corps des zouaves pontificaux franco-belges, Nantes, Mazeau, 1860. Sur Allard, voir la notice nécrologique publiée par R. Oheix dans La Revue de Bretagne et de Vendée, janvier 1887, p. 232-239.
-
[14]
M. Faugeras, « Le zouave pontifical Joseph Guérin et ses miracles », in Histoire des miracles, Angers, Presses de l’Université d’Angers, 1982, p. 131-142.
-
[15]
Dans la série 4F, celle des causes en béatification et canonisation. Je remercie vivement Claire Gurvil et Véronique Bontemps d’avoir mis ce fonds à ma disposition. L’inventaire de l’archiviste diocésain Jean Bouteiller est disponible en ligne à l’adresse suivante : http://nantes.cef.fr/wp-content/uploads/2012/01/4F_causes.pdf.
-
[16]
Il s’agit là d’une allusion au livre de Nicolas Mariot sur le sacrifice patriotique du capitaine Robert Hertz, qui revendique cette logique démonstrative (Histoire d’un sacrifice. Robert, Alice et la guerre, Paris, Éditions du Seuil, 2017).
-
[17]
C. E. Harrison, « Zouave Stories: Gender, Catholic Spirituality and French Responses to the Roman Question », The Journal of Modern History, vol. 79, no 2, 2007, p. 274-305.
-
[18]
AHDN, Dossier Guérin, 3, lettre adressée à Guérin par un professeur au petit séminaire de Notre-Dame des Couëts [J. Blois ?], 8 février 1860.
-
[19]
J. Maurain, La politique ecclésiastique du Second Empire de 1852 à 1869, Paris, Librairie Félix Alcan, 1930, p. 325-532.
-
[20]
B. Horaist, La dévotion au pape et les catholiques français sous le pontificat de Pie IX (1846-1878), d’après les archives de la Bibliothèque apostolique vaticane, Rome, École française de Rome, 1995, p. 106-131.
-
[21]
Circulaire du ministre de l’Intérieur Billault aux préfets, 17 février 1860.
-
[22]
A. Hérisson, « Une mobilisation internationale de masse à l’époque du Risorgimento : l’aide financière des catholiques français à la papauté (1860-1870) », Revue d’histoire du XIXe siècle, n° 52, 2016, p. 175-192.
-
[23]
Pour le catholicisme, voir M. Heimann, « Catholic Revivalism in Worship and Devotion », in The Cambridge History of Christianity. Volume 8, World Christianities c.1815-c.1914, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, p. 70-83.
-
[24]
C. Clark et W. Kaiser (dir.), Culture Wars: Secular-Catholic Conflict in Nineteenth-Century Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2003.
-
[25]
B. Horaist, La dévotion au pape et les catholiques français sous le pontificat de Pie IX, op. cit.
-
[26]
V. Viaene, « Nineteenth-Century Catholic Internationalism and Its Predecessor », in A. Green et V. Viaene (dir.), Religious Internationals in the Modern World: Globalization and Faith Communities since 1750, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2012, p. 82-110.
-
[27]
M. Faugeras, « Un aspect local de la question romaine : l’aide nantaise au Saint-Siège (1860-1870) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, vol. 90, 1983, p. 70-71 et vol. 91, 1984, p. 393-406.
-
[28]
M. Launay, Le diocèse de Nantes sous le Second Empire : monseigneur Jaquemet, 1849-1869, Nantes, Cid, 1982 ; M. Lagrée, Mentalités, religion et histoire en Haute-Bretagne au XIXe siècle. Le diocèse de Rennes, 1815-1848, Paris, Klincksieck, 1977.
-
[29]
J.-C. Martin, La Vendée de la mémoire : 1800-1980, Paris, Éditions du Seuil, 1989, p. 130.
-
[30]
A. Gough, Paris et Rome. Les catholiques français et le pape au XIXe siècle, Paris, Éditions de l’Atelier, 1996, chap. 4 et 5.
-
[31]
J. S. Allard, Le volontaire Joseph-Louis Guérin, op. cit., p. 142.
-
[32]
Ibid., p. 132.
-
[33]
M. Faugeras, « Un aspect local de la question romaine… », art. cité, p. 399.
-
[34]
AHDN, Dossier Guérin, 3, lettre du curé de Sainte-Pazanne, 23 février 1862.
-
[35]
AHDN, Dossier Guérin, 3, lettre de Petit, ancien instituteur de Noirmoutier, 20 février 1862 (les citations suivantes sont tirées du même carton).
-
[36]
AHDN, Dossier Guérin, 3, lettre de J. Pagot, prêtre-vicaire, Beauvoir-sur-Mer, 7 février 1862.
-
[37]
B. Dumons, « Exils jésuites, réseaux romains et mémoires “blanches”. La naissance d’une fraternité politique au collège Saint-Michel de Fribourg (1827-1847) », Schweizerische Zeitschrift für Religions- und Kulturgeschichte. Revue suisse d’histoire religieuse et culturelle, no 106, 2012, p. 57-70 ; id., « Fraternités politiques en Provence “blanche”. Les élèves du collège jésuite Saint-Joseph d’Avignon (1849-1939) », in C. Brice (dir.), La fraternité en actions : frères de sang, frères d’armes, frères ennemis en Italie (1824-1924), Rome, École française de Rome, 2017, p. 247-269.
-
[38]
F. Butel, L’éducation des Jésuites autrefois et aujourd’hui : un collège breton, Paris, Firmin-Didot, 1890, p. 220-235.
-
[39]
P. Rocher, Un collège de la compagnie de Jésus au XIXe-XXe siècle : Notre-Dame de Mongré à Villefranche-sur-Saône (1851-1951), Le Mans, Université du Maine, 2015, p. 687-690.
-
[40]
A. de Ségur, Les martyrs de Castelfidardo, Paris, A. Bray, 1861, respectivement p. 89, 154, 129 et 95.
-
[41]
À partir de la liste donnée par M. Faugeras, « Un aspect local de la question romaine… », art. cité, p. 407-414, et du Matricule des zouaves pontificaux, Lille, s.n., 1910.
-
[42]
M. A. Okun et A. Schultz, « Age and Motives for Volunteering: Testing Hypotheses Derived from Socioemotional Selectivity Theory », Psychology and Aging, vol. 18, no 2, 2003, p. 231-239.
-
[43]
Recensement effectué à partir de Matricule du bataillon des tirailleurs franco-belges…, op. cit. et Matricule des zouaves pontificaux, op. cit.
-
[44]
J. S. Allard, Le volontaire Joseph-Louis Guérin, op. cit., p. 6.
-
[45]
AHDN, Dossier Guérin, 2, lettres à son confesseur, 9 et 22 juillet 1860.
-
[46]
Ibid., lettre à son cousin, Rome, 15 août 1860.
-
[47]
Toutes ces citations sont tirées d’E. Veuillot, Le Piémont dans les États de l’Église : documents et commentaires, Paris, Gaume frères et J. Duprey éditeurs, 1861, p. 154-156, 176, 195 et 167.
-
[48]
J. S. Allard, Le volontaire Joseph-Louis Guérin, op. cit., p. 19 et 15.
-
[49]
A. Cahour, Notice historique et critique sur saint Émilien, évêque de Nantes, mort à Autun au VIIIe siècle, Nantes, Mazeau, 1859.
-
[50]
AHDN, Dossier Guérin, 2, lettre à l’ancien vicaire de Noirmoutier, M. Roberteau, 1er janvier 1860.
-
[51]
J. S. Allard, Le volontaire Joseph-Louis Guérin, op. cit., p. 140.
-
[52]
Ibid., p. 160.
-
[53]
AHDN, Dossier Guérin, 4, dépositions de Georges Guérin, cordonnier à Sainte-Pazanne, 1862.
-
[54]
P. Boutry, « Une recharge sacrale. Restauration des reliques et renouveau des polémiques dans la France du XIXe siècle », dans P. Boutry, P. A. Fabre et D. Julia (dir.), Reliques modernes. Cultes et usages chrétiens des corps saints des Réformes aux révolutions, Paris, Éditions de l’EHESS, 2009, p. 121-173.
-
[55]
P. Boutry, « Les saints des Catacombes. Itinéraires français d’une piété ultramontaine (1800-1881) », Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, Temps modernes, vol. 91, no 2, 1979, p. 875-930.
-
[56]
P. Boutry, « Hagiographie, histoire et Révolution française… », art. cité, p. 305-355.
-
[57]
AHDN, Dossier Guérin, 2, lettre à son cousin, 15 août 1860.
-
[58]
Ibid., lettre aux parents, Rome, 16 août 1860.
-
[59]
P. Boutry, « Les saints des Catacombes… », art. cité, p. 914-918.
-
[60]
L.-É. Pie, Discours pour la solennité de la réception des reliques de saint Émilien, Poitiers, H. Oudin, 1859, p. 7-8.
-
[61]
A. Dupront, Le mythe de croisade, Paris, Gallimard, 1997, vol. 4.
-
[62]
Cité par le vicomte de La Vausserie, La croisade en 1860, histoire de l’armée pontificale, Paris, Librairie A. Josse, 1860, p. 18.
-
[63]
O. de Poli, Souvenirs du bataillon des zouaves pontificaux (franco-belges), Paris, Chez tous les libraires, 1861, p. 14-21.
-
[64]
V. de Cathelineau, Le général comte de Cathelineau : chevalier de la Légion d’honneur, commandeur de l’ordre de Pie IX, chevalier de la Tour et de l’Épée et de Don Miguel de Portugal : sa vie et ses mémoires, Rome-Paris-Bruxelles, Desclée de Brouwer, 1909, p. 130.
-
[65]
J. S. Allard, Le volontaire Joseph-Louis Guérin, op. cit., p. 160.
-
[66]
AHDN, Dossier Guérin, 2, lettre à sa sœur, 12 juin 1860.
-
[67]
J. S. Allard, Le volontaire Joseph-Louis Guérin…, op. cit., p. 18.
-
[68]
Par exemple F. Dupanloup, Oraison funèbre des volontaires catholiques de l’armée pontificale morts pour la défense du Saint-Siège prononcée par Mgr l’évêque d’Orléans dans sa cathédrale le 9 octobre 1860, Paris, Lecoffre, 1860, et L.-É. Pie, Discours prononcé par Mgr l’évêque de Poitiers, dans son église cathédrale, le 11 octobre 1860, à l’occasion du service solennel pour les soldats de l’armée pontificale qui ont succombé pendant la guerre, Paris, V. Palmé, 1860.
-
[69]
J. S. Allard, Le volontaire Joseph-Louis Guérin…, op. cit., p. 94.
-
[70]
D. Bensoussan, « Le réveil des catholiques bretons (1924-1926) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 57, 1998, p. 57-75.
-
[71]
P. Boutry, « “Le Roi martyr”. La cause de Louis XVI devant la Cour de Rome (1820) », Revue d’histoire de l’Église de France, no 196, 1990, p. 57-71.
1Le cliché a été pris à Rome en août 1860 (Fig. 1). Dans un banal décor d’atelier photographique (celui des frères D’Alessandri ?), un jeune homme pose dans l’uniforme des tirailleurs franco-belges, un corps de combattants volontaires créé quelques semaines plus tôt pour renforcer l’armée pontificale contre la menace du mouvement national italien [1]. Joseph-Louis Guérin arrivait de Nantes, où il avait abandonné ses études au grand séminaire pour prendre les armes en défense de la papauté, poussé, comme il l’écrivait à son confesseur, par « le besoin de [se] sacrifier pour cette belle cause de la Religion et de Dieu [2] ». Les volontaires pontificaux s’engageaient pour six mois et l’intention de Guérin était, « après l’orage », de rentrer au séminaire pour y achever sa formation et prononcer ses vœux définitifs [3]. Le sort des armes en décida autrement : à la bataille de Castelfidardo, qui vit l’armée romaine tenter d’arrêter les troupes de Victor-Emmanuel le 18 septembre 1860, une balle piémontaise perfora le poumon du jeune volontaire qui, un mois plus tard, succomba des suites de ses blessures. Guérin exhortait les spectateurs de son agonie à ne pas être tristes, car il avait fait « depuis longtemps [...] à Dieu et à la sainte Église le sacrifice de [sa] vie [4] ».
Joseph-Louis Guérin
Joseph-Louis Guérin
2Se pencher sur le parcours de Joseph-Louis Guérin, c’est avant tout tenter de comprendre ce qui peut pousser un individu à prendre les armes au service d’une cause religieuse et aller jusqu’à l’acceptation, voire la recherche, du sacrifice de sa vie. Les élans sacrificiels de Guérin ne sont certes pas sans précédents ni équivalents dans l’histoire. Les temps modernes et contemporains abondent en exemples d’individus prêts à donner leur vie au nom de leur foi, et d’autres prêts à légitimer et héroïser leur conduite en convoquant la notion religieuse du martyre – qu’il s’agisse du christianisme, catholique ou protestant (celui-ci honorant les martyrs de la foi sans en promouvoir le culte) [5], ou bien de l’islam [6]. Au XIXe siècle, l’Église catholique a décerné le titre de martyr à celles et ceux qu’elle estimait, suivant la doctrine, avoir trouvé la mort in odium fidei (en haine de la foi), au cours d’une époque qui faisait à ses yeux revivre les persécutions religieuses du christianisme primitif [7]. Les causes séculières politiques ont elles aussi produit leurs morts désintéressées et leurs martyrs, suivant une conception de l’héroïsme centrée sur la célébration du sacrifice et le culte des morts, de claire dérivation religieuse [8]. L’actualité politique des deux dernières décennies, avec son lot d’attaques-suicides et d’auto-immolations, a inspiré une littérature aussi abondante qu’inégale qui s’est penchée sur les violences autosacrificielles, en mêlant approches historiques, sociologiques et psychologiques [9]. Enfin, la dimension sacrificielle n’est pas absente des tentatives d’interprétation du volontariat « djihadiste » et de la « radicalisation islamiste [10] ». De ce panorama bibliographique, il ressort avant tout qu’« aussi déroutante et dérangeante soit-elle », la disposition à mourir pour une cause (qu’elle soit religieuse ou politique) « ne constitue en rien une surprise du point de vue historique ou anthropologique », mais révèle plutôt « une caractéristique comportementale élastique » qui, associée à diverses idéologies, a pu s’exprimer dans une grande variété de contextes historiques et culturels et inspirer de nombreuses justifications apologétiques [11].
3Pourquoi, parmi les volontaires pontificaux de 1860, privilégier le cas de Guérin ? Si d’autres soldats du pape ont aspiré au sacrifice, et quelques-uns également joui brièvement d’une réputation de sainteté, le jeune séminariste breton est le seul à avoir inspiré un véritable culte personnel, aussi bref qu’intense [12]. Le parcours de Guérin a par conséquent inspiré de nombreuses œuvres de témoignage. Dès la fin de l’année 1860 paraissait à Nantes une courte biographie signée par un ecclésiastique, l’abbé Julien Stanislas Allard, professeur de rhétorique au collège religieux des Couëts [13]. Écrit « à chaud » et d’allure nettement hagiographique, ce récit s’appuie sur les témoignages des condisciples et des supérieurs de l’ancien séminariste, et cite des lettres recueillies à travers le réseau du clergé diocésain. Fort du succès de cette brochure, Allard en a fait paraître une deuxième édition fortement étoffée en 1862. Cette seconde publication coïncidait avec une vague de faits miraculeux attribuée à l’intercession de Guérin [14]. Le directeur du grand séminaire, l’abbé Féret, avec la collaboration d’Allard et d’autres ecclésiastiques, lança alors une collecte de documents et de témoignages concernant la vie et les miracles de l’ancien séminariste, entreprise qui devait ouvrir la voie à un futur procès diocésain, première étape d’une cause de béatification, et qui forme aujourd’hui le « dossier de Joseph-Louis Guérin » conservé par les Archives historiques du diocèse de Nantes [15].
4Ces sources nous permettent d’enquêter sur la vie de Joseph-Louis Guérin en abordant séparément deux aspects qui ont conduit ce dernier à trouver volontairement la mort sur un champ de bataille. Le premier concerne sa décision de quitter le séminaire pour prendre les armes au service du pape, dans le contexte d’une vaste mobilisation du monde catholique qui a conduit des centaines de milliers de fidèles à venir au secours de la papauté en offrant leur bourse, leur plume ou leur voix, et pour certains leur bras et leur vie. Au-delà de cet engagement armé, c’est l’aspiration au sacrifice de Guérin, et à travers lui de nombreux jeunes volontaires, qu’il faut comprendre à la lumière de la culture religieuse du moment. L’ambition n’est pas ici seulement de reconstituer un itinéraire biographique ou « l’histoire d’un sacrifice » en livrant en bon ordre la documentation disponible, et en premier lieu la parole de Guérin, qui a fourni le point de départ de l’enquête [16]. Il s’agit avant tout de donner à comprendre un parcours dans l’épaisseur de sa complexité individuelle et la part qu’il doit à un contexte culturel et religieux poussant à certaines formes extrêmes d’engagement de soi. Le cas Guérin nous renseigne ainsi sur les rapports entre la spiritualité catholique, les émotions et la mort dans l’Europe postrévolutionnaire [17].
« Ce grand mouvement qui nous pousse vers Rome » : la mobilisation catholique de l’hiver 1860
Vous aussi, cher ami, vous ressentez jusque dans le calme de votre aimable solitude le contrecoup de ces commotions qui ébranlent le monde. Ah ! je conçois que votre jeune cœur s’enflamme à ces nouvelles inquiétantes. Enfant de l’Église, et voué par une consécration spéciale à son amour et à la défense de ses intérêts, il ne se peut que vous restiez en arrière. Marchez donc, mon cher ami, marchez, laissez-vous entraîner, ou plutôt courrez avec enthousiasme dans ce grand mouvement catholique qui nous pousse à Rome, et que toutes les perfidies des méchants ne feront que favoriser, loin de l’arrêter. Serrons-nous sous les ailes de notre mère, rangeons-nous avec orgueil autour de notre bien-aimé pontife et père, c’est le devoir de tout chrétien, c’est beaucoup plus encore celui des clercs et des prêtres [18].
6Cet extrait d’une lettre écrite à Guérin par un professeur du collège des Couëts, en février 1860, témoigne de l’effervescence qui a saisi le monde catholique face aux événements italiens de l’été 1859 – les insurrections nationalistes en Italie centrale et l’annexion des Légations pontificales au domaine de Victor-Emmanuel –, et fait écho à la vaste mobilisation catholique qui a pris son essor au cours de l’hiver en faveur de la papauté. Un « grand mouvement vers Rome » a alors entraîné ces « enfants de l’Église » qui, à l’instar de Guérin, avaient grandi dans l’atmosphère de reconquête catholique des années 1840-1850, et qui formèrent en 1860 les phalanges d’une Église militante tournant tous ses regards vers Rome et son pontife.
7Les formes de cette mobilisation ont déjà été décrites [19] : campagne des journaux catholiques, à commencer par L’Univers (suspendu en janvier 1860) ; prises de position des évêques et archevêques, en appui aux déclarations de Pie IX, à travers mandements ou lettres pastorales ; campagnes d’adresses, lancées par le clergé avec l’appui des notables catholiques, qui, malgré l’interdiction par l’administration d’en faire la publicité et le colportage, dépassent le millier de signatures dans les diocèses où le clergé était le plus organisé et bénéficiait du relais de notables catholiques [20] ; publication de « petites brochures, à format populaire » imprimées « par centaines de mille » et « gratuitement distribuées dans les temples, dans les écoles, dans les maisons privées », dont le ministère tente, en février 1860, d’empêcher la diffusion par l’interdiction de les colporter [21] ; à la fin de l’hiver, formation d’un comité national (dit « de saint Pierre ») et de comités diocésains, composés de laïcs et de clercs, pour organiser la collecte de dons pour le Saint-Siège et financer l’armement et le transport de volontaires [22].
8La mobilisation catholique de 1859-1860 ne sortait pas d’un terrain vierge. Après les défis de la période révolutionnaire, les Églises catholiques avaient partout en Europe connu une période de reprise marquée par la remontée des vocations et des pratiques dévotionnelles, que certains historiens n’ont pas hésité à qualifier de « renaissance [23] ». Dans un contexte d’intense conflictualité entre les Églises et les États, les divers combats menés par les militants catholiques dans les années 1830 et 1840 (pour la liberté d’enseignement en France et en Belgique, pour l’émancipation des catholiques irlandais, pour les indépendances grecque et polonaise) avaient donné naissance dans chaque pays à des mouvements catholiques organisés utilisant des moyens modernes de mobilisation et de communication et impliquant la masse des fidèles [24]. L’émergence d’une presse catholique avait joué un rôle important dans ce processus et, en dépit de tirages relativement modestes, les journaux religieux constituaient au milieu du siècle une force de mobilisation capable de rassembler les énergies laïques et ecclésiastiques derrière la défense de l’Église. La montée des courants intransigeants « romains » fut un autre levier important dans la formation d’un mouvement catholique organisé. Le mouvement de romanisation du catholicisme et l’encouragement donné aux cultes universels, soutenus par la papauté et relayés par les courants « ultramontains », avaient contribué à consolider partout en Europe un sens de communauté et de solidarité entre les différents mouvements catholiques. Dans l’horizon des fidèles, la figure du pontife avait pris une place de plus en plus importante, donnant naissance à une véritable « dévotion au pape [25] ». Tous ces éléments étaient en place au milieu du siècle, comme l’avait illustré la brève mobilisation internationale du monde catholique de 1848-1849 [26].
9La mobilisation catholique de l’hiver 1860 a trouvé un terrain particulièrement propice dans le Nord-Ouest. Les évêchés de Nantes et de Laval ont ainsi été les premiers à envoyer le fruit de leurs collectes financières en faveur de la papauté, à la fin du mois de mai 1860, et sont restés tout au long de la décennie parmi les diocèses les plus généreux. À eux seuls, les huit diocèses de l’Ouest (Nantes, Laval, Rennes, Saint-Brieuc, Quimper, Vannes, Angers et Luçon) ont fourni près de 40 % du contingent de volontaires français jusqu’en 1870 et, parmi eux, la province nantaise est celle qui a envoyé le plus grand nombre de combattants [27]. Il s’agissait d’une terre de vitalité religieuse, dans laquelle le « revival » entamé dans les années 1830 s’était manifesté par la reprise des vocations et l’efflorescence de congrégations et d’œuvres. L’Église y conservait une forte influence sociale, notamment dans l’éducation où son poids s’était renforcé grâce à l’armée de frères enseignants exerçant dans les écoles primaires publiques congréganistes ou libres, ou à travers son réseau de collèges et petits séminaires disséminés dans les villes et les gros bourgs ruraux [28]. En outre, les luttes entre l’Église et l’État à l’époque révolutionnaire y avaient laissé une forte empreinte : la mobilisation en faveur du Saint-Siège est souvent entrée en résonance avec les insurrections contre-révolutionnaires, elles-mêmes réinterprétées comme une entreprise de résistance à la sécularisation [29]. La Bretagne était enfin une terre d’élection pour le catholicisme intransigeant, en particulier pour le jeune clergé breton formé à l’école de Lamennais, auquel l’essor de la presse cléricale et l’accès aux responsabilités épiscopales d’une nouvelle génération d’évêques « ultramontains », du type de Mgr Pie, le charismatique évêque de Poitiers, fournissaient des lignes communes et des figures de référence [30].
Un « enfant de l’Église » : comprendre la décision d’engagement de Guérin
10L’engagement de Guérin s’explique d’abord par ce contexte de mobilisation du monde catholique et en traduit fidèlement les enjeux. Si le séminariste décide de prendre les armes c’est, comme il l’affirme à son supérieur en juin 1860, pour empêcher « la ruine du pape et du Saint-Siège » qui adviendra si personne n’oppose de résistance au nationalisme italien [31]. En janvier 1860, la lecture de la brochure de Mgr Dupanloup a produit chez Guérin une « vive impression » : il en a organisé des lectures collectives le soir au séminaire, au cours desquelles il lisait « avec feu et d’un ton pénétré » les pages de l’évêque d’Orléans, ce qui lui avait valu parmi les séminaristes le surnom de « petit tribun ». Enflammé par l’actualité politique, Guérin s’était ainsi déjà fait en paroles « le plus ardent champion des intérêts catholiques [32] ». Mais comment expliquer, à partir du cas de Guérin, qu’un contexte de mobilisation religieuse et politique se transforme en décision individuelle d’engagement armé ? Autrement dit, que sait-on au sujet de Guérin qui puisse expliquer sa prise d’armes ? Son milieu familial, son âge et sa socialisation fournissent les variables à examiner.
11Fils d’un artisan assez enrichi pour acheter une auberge sur l’île de Noirmoutier, Guérin appartient à cette petite bourgeoisie qui fournit en 1860 le gros des volontaires, aux côtés d’une aristocratie qui représente une portion encore significative – le cinquième environ – du contingent de combattants nantais entre 1860 et 1870 [33]. En outre, la famille de Guérin est originaire du pays de Retz, au sud de Nantes, qui avait fait partie de la « Vendée militaire ». Comme de nombreuses familles de cette région, celle-ci n’est pas étrangère aux fractures politico-religieuses de la période révolutionnaire, opposant républicains « bleus » et « blancs » traditionalistes : si le grand-père paternel de Guérin, cordonnier, avait été un « impie, révolutionnaire, marié à Nantes par un prêtre assermenté », du côté maternel (Beillevaire), un bisaïeul « ardent légitimiste, avait combattu dans les guerres de la Vendée et, dans son zèle pour le soutien des principes de la religion et de la légitimité, n’avait pas reculé devant des sacrifices de fortune assez importants [34] ». Cette branche de la famille est aussi proche de l’Église. Une tante de Guérin, mariée à son oncle Louis-Marie Beillevaire, qui tient l’auberge des Trois-Rois à Sainte-Pazanne, a une sœur supérieure du Tiers-Ordre franciscain et un frère jésuite ; son cousin (Jean-Marie) sera lui aussi zouave pontifical, et un autre (Hippolyte), deviendra évêque missionnaire au Canada.
12De la jeunesse de Guérin, aucun trait saillant ne se dégage à la lecture des sources. « L’enfance du jeune Guérin », écrit son ancien instituteur de Noirmoutier, « a été celle de tous les enfants du pays, turbulente, vive, emportée même parfois » ; et d’ajouter que « rien en lui ne pouvait faire pressentir ce qu’il pouvait devenir » car, à 12 ans, il était « insignifiant [35] ». La piété du jeune Guérin n’a rien de remarquable. S’il était pieux, c’était « comme tous les enfants qui ont l’habitude d’être dirigés par des prêtres », lit-on dans le rapport de son ami Fulgence Roblain, lui aussi devenu soldat du pape. « Il ne donnait pas les marques d’une piété rare… », confirme Fabre de La Grange, premier vicaire de Noirmoutier.
13L’élément d’importance est autre : le parcours éducatif de Guérin se fait tout entier dans le giron de l’Église. À l’âge de 6 ans, il est envoyé par ses parents au petit séminaire de Guérande, qui accueille les rejetons de la petite bourgeoisie rurale. En 1854, c’est au petit séminaire de Nantes qu’il poursuit ses études secondaires. Pour beaucoup de familles de cette catégorie, le passage par les collèges religieux était le seul moyen d’offrir à leurs enfants un accès à l’éducation secondaire et leur permettre d’acquérir un meilleur statut en devenant fonctionnaire, ou prêtre. Le parcours de Guérin vers la prêtrise, qui débute avec son entrée à la Maison de Philosophie en 1857 et se poursuit au grand séminaire deux ans plus tard, n’est peut-être pas exempt d’une ambition d’élévation sociale. Quand le vicaire de Beauvoir-sur-Mer a appris le départ de Guérin pour l’Italie, sa première pensée n’a-t-elle pas été « que le désir de se faire une position y était pour quelque chose [36] » ? Qu’en importent les raisons, Guérin est bien, suivant l’expression de son professeur au collège des Couëts, un « enfant de l’Église ». On sait que les collèges religieux ont servi de vecteurs à la transmission de la culture cléricale de combat fondée sur le catholicisme intransigeant allié au conservatisme politique [37]. Leur contribution au recrutement des volontaires en 1860 est à cet égard révélatrice. Certains collèges religieux, grâce à un effet d’entraînement, ont été de véritables pépinières de volontaires. Le plus prolifique, celui de Saint-François-Xavier tenu par les jésuites à Vannes, a ainsi envoyé pas moins de cent vingt élèves ou anciens élèves entre 1860 et 1870 [38], tandis que le collège Notre-Dame de Mongré, ouvert par les jésuites en 1851 à Villefranche-sur-Saône, en a fourni vingt-six [39].
14L’âge de Guérin est une autre variable à prendre en compte. L’engagement volontaire au service de la papauté apparaît en effet majoritairement comme l’affaire de jeunes, voire de très jeunes hommes. La littérature hagiographique catholique a beaucoup insisté sur la jeunesse des volontaires, en lui associant la qualité de l’innocence, afin d’exalter la valeur de leur sacrifice. Georges d’Héliand (tombé à Castelfidardo à l’âge de 19 ans), « ce doux et délicat adolescent », était « le modèle de la ferveur et de l’innocence » ; « plein de jeunesse et de santé […], il rayonnait de vie, d’innocence et de beauté ». De même que Georges Miyonnet, Lanfranc de Beccary, « sortant à peine de l’enfance », avait 17 ans lorsqu’il s’est engagé dans l’armée pontificale, et en lui « une âme de héros » se trouvait dans « un corps d’adolescent ». Alfège de Beaudiez « mourut à vingt ans […] dans toute la fleur de la jeunesse ». Alfred de Nanteuil, mort à 21 ans, portait « la triple couronne de la jeunesse, de la beauté et de la vertu [40] ». Les données recueillies sur les volontaires originaires du diocèse confirment ce tableau : sur les soixante et un individus qui se sont engagés en 1860, la moitié (trente-deux) était âgée de moins de 20 ans, plus de 80 % avaient moins de 25 ans ; huit n’avaient pas atteint l’âge minimum de 18 ans requis en théorie par la loi de 1852 [41]. Âgé de 22 ans en 1860, Guérin se situe donc dans la moyenne. De manière empirique, des études ont démontré le lien entre la jeunesse et la proportion à s’engager dans des activités volontaires ou à risque [42].
15Pour Guérin, s’engager dans l’armée romaine signifie interrompre les études ecclésiastiques qui l’ont conduit, au début du mois de juin 1860, à recevoir les ordres mineurs. Parmi les soldats du pape, son profil de prêtre-soldat reste atypique. Entre 1860 et 1870, l’armée pontificale a accueilli en tout dix séminaristes – dont huit venaient du seul diocèse de Nantes – ainsi qu’un novice de la Compagnie de Jésus [43]. Ce faible nombre traduit la réticence de l’Église à autoriser et, encore plus, à encourager l’engagement de futurs clercs. Guérin a ainsi dû surmonter les réticences de ses supérieurs. Au séminaire, son supérieur s’est refusé à approuver une voie qui aurait conduit le séminaire à mener « la vie de camp », qui était « très dangereuse » (pour sa vocation), à donner le coup de feu et peut-être à tomber sur un champ de bataille, alors que les seules armes que les prêtres devaient manier étaient « les paroles et la prière ». À la fin du mois, Guérin demande un entretien avec l’évêque, mais l’audience ne peut se faire. Dans une lettre du 9 juillet à son confesseur, Guérin réaffirme sa résolution et se montre contrarié que son correspondant n’ait « rien dit à Mgr », tout en dressant « [s]es batteries de façon à vaincre toutes les difficultés qui pourr[aie]nt [lui] venir du côté de [s]es parents ». Le 22 juillet, malgré les conseils de patience de son confesseur, Guérin est « hors de [lui] » en apprenant que son ancien condisciple au séminaire, Rogatien Picou, qui devait l’attendre, est parti sans lui. Cette nouvelle précipite sa décision. Le 3 août, Guérin retrouve à Nantes un autre séminariste, Jean-Baptiste Pinsonneau, et commence avec lui le voyage vers Rome, non sans s’être prosterné avec son compagnon aux pieds de Notre-Dame de La Salette pour « remettre entre ses mains leur vie et leur mort [44] ».
L’aspiration au sacrifice de soi : à l’exemple de saint Émilien
16Rien ne laisse penser que Guérin a recherché la mort sur le champ de bataille. Au cours des mois précédents cependant, celui-ci n’a eu de cesse d’affirmer qu’il était prêt à faire le sacrifice de sa vie. « J’éprouve le besoin de me sacrifier pour cette belle cause de la Religion et de Dieu », écrit-il ainsi à son confesseur en juillet, à qui il répète quelques jours plus tard : « Je demeure intimement convaincu qu’il me faut partir et mourir au besoin pour la sainte cause [45]. » Après avoir reçu la bénédiction de Pie IX, il écrit à son cousin le 15 août : « Oh jamais de ma vie je n’oublierai ce beau jour et maintenant je peux mourir content, on est heureux de se sacrifier, de mourir pour un père si bon et pour une cause si magnifique [46]. » Ces dispositions sacrificielles ne constituent pas une exception parmi les jeunes hommes entrés au service du pape en 1860. En quittant la France pour Rome, Arthur de Chalus (lui aussi originaire de Nantes) avait « fait le sacrifice de [sa] vie » et fait le vœu d’« une sainte mort ». « Je n’ai qu’une ambition », écrivait à sa mère Léopold de Lippe avant le début des hostilités, « la mort sur le champ de bataille ! ». Pour certains, tomber les armes à la main pour défendre le pape faisait revivre la geste des martyrs de l’Église : Dominique de Bonnefoy aspirait explicitement à « la palme du martyre », tandis que Paul d’Albiousse tentait de consoler sa mère en affirmant que, s’il était tué, il mourrait « en martyr [47] ».
17À ceux qui lui reprochent « d’aller chercher une mort inévitable avec une défaite non moins certaine », Guérin se comparait à saint Émilien et à « tous les martyrs qui allaient s’offrir eux-mêmes aux bourreaux [48] ». Émilien de Nantes, « pontife-guerrier », fournit ainsi un modèle de clerc et combattant armé au service de la foi. Il avait été soldat avant d’être élu évêque et comte de sa ville, et avait prêché la guerre sainte contre les Sarrasins, puis pris lui-même le commandement d’une armée à la tête de laquelle il avait été vaincu et tué dans une bataille près de Chalons, en 725. Depuis le milieu des années 1850, Mgr Jaquemet s’était employé à en établir le culte dans son diocèse [49]. La réception solennelle des reliques du saint dans la cathédrale de Nantes avait donné lieu à une « magnifique fête » à laquelle Guérin a assisté avec tout le clergé de la ville [50]. C’est au bouillant évêque de Poitiers, Mgr Pie, que Mgr Jaquemet a confié le soin de prononcer un grand discours, dont l’influence sur Guérin et d’autres volontaires ne fait aucun doute [51]. Au moment de traverser le passage du Gois en direction de Nantes, c’est le cantique de saint Émilien (ou chant des Nantais) que le jeune séminariste entonne [52]. C’est aussi en s’appuyant sur l’exemple d’Émilien, et en citant quasi textuellement le discours de Mgr Pie, que Guérin essaie de convaincre son entourage qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre l’état ecclésiastique et celui de soldat de la papauté [53].
18La promotion du culte de saint Émilien à Nantes s’insère dans un élan plus général de relance du culte des saints martyrs par l’Église dans les années 1840 et 1850, au cœur d’une entreprise de « recharge sacrale » après la tourmente révolutionnaire [54]. Entre 1814 et 1850, surtout dans les années 1840 et 1850, ce sont ainsi plus de 300 corps saints qui ont été transférés en France en fournissant l’occasion de grandes dévotions collectives (processions et pèlerinages), et parmi les « zones de ferveur » qui en accueillent le plus grand nombre se détache le Centre-Ouest (autour des diocèses d’Angers, du Mans, de Nantes, de Luçon et de Rennes) [55]. Le passé récent a aussi fourni à l’Église de nouveaux candidats au martyre : pour beaucoup, la Révolution avait ouvert une nouvelle ère de persécution religieuse, et ceux qui avaient succombé en lui résistant méritaient d’être tenus en martyrs de la foi. Dans l’Ouest, le souvenir des noyades de Nantes ou celui du supplice de l’abbé Noël Pinot et des autres « martyrs d’Angers » avait donné lieu à des formes de commémoration proches d’un culte populaire. La publication des mémoires de témoins laïques ou ecclésiastiques, puis celle de véritables martyrologes, avaient tracé les lignes d’une hagiographie qui aboutirait au tournant du siècle à l’ouverture des premiers procès en béatification [56].
19Guérin a pleinement participé de cet attrait pour le culte des martyrs. Lorsqu’il arrive à Rome, le volontaire emploie son temps à la recherche des traces des martyrs chrétiens dans les principaux lieux saints de la ville. Dans les ruines du Colisée, « où tant de milliers de chrétiens ont été jetés aux bêtes féroces aux applaudissements prolongés d’une populace ivre de sang et de carnage », le jeune séminariste trouve un chemin de croix où le « pieux pèlerin » peut s’agenouiller « pour prier les martyrs de lui donner force et courage [57] ». Un de ses premiers soins est de faire provision d’objets de dévotion en accordant une valeur particulière à ceux qui contiennent des reliques de martyrs : « Qu’on est heureux de pouvoir se procurer ces ossements des saints, ces restes si précieux des martyrs généreux qui se sont sacrifiés d’une manière si admirable pour Dieu et pour sa cause ! », s’exclame-t-il dans une lettre à sa mère [58].
20Or, la relance du culte des martyrs s’est accompagnée de la promotion par le clergé d’une nouvelle forme de piété faisant plus de place à l’expression des émotions et offrant des modèles d’engagement au service de la foi et de l’Église à l’attention des fidèles, en premier lieu de la jeunesse des collèges et des pensionnats [59]. Le culte des martyrs s’inscrivait dans une nouvelle pastorale dont l’enjeu, au temps des défis posés par la sécularisation, était de pousser les fidèles à s’engager activement dans la défense de la religion et de l’Église. Le discours de Mgr Pie sur la translation des reliques de saint Émilien en constitue l’expression la plus aboutie. Partant d’un commentaire des premières lignes du Notre Père, qui commandent au croyant d’œuvrer au règne de Dieu « sur la terre comme au ciel », l’évêque de Poitiers affirmait dès le prologue de son discours la vision d’un chrétien engagé dans le monde :
Le chrétien, ce n’est donc pas, comme semble le croire et comme l’affirme tous les jours et sur tous les tons un certain monde contemporain, ce n’est donc pas un être qui s’isole en lui-même, qui se séquestre dans un oratoire indistinctement fermé à tous les bruits du siècle, et qui, satisfait pourvu qu’il sauve son âme, ne prend aucun souci du mouvement des affaires d’ici-bas. Le chrétien, c’est le contre-pied de cela. Le chrétien, c’est un homme public et social par excellence… Il n’est pas un chrétien digne de ce nom qui ne s’emploie activement, dans la mesure de ses forces, à procurer ce règne temporel de Dieu, et à renverser ce qui lui fait obstacle.
22L’ennemi de l’Église n’était plus, comme au temps d’Émilien, « les hordes de Sarrasins » envahissant l’Europe pour y répandre l’islam, mais, proclamait Mgr Pie, ceux qui rejetaient le règne de Dieu sur Terre, voulaient reléguer la religion à une affaire domestique – les apôtres d’une « politique sans Dieu » –, et s’attaquaient pour cela à son principal représentant, le Souverain Pontife. L’Église en butte à de nouvelles persécutions était redevenue militante, car elle devait « régner au milieu de ses ennemis », comme par un retour à l’Église des premiers siècles. C’est dans cette lutte que les fidèles devaient trouver les voies de leur salut : « Heureux donc les hommes qui n’auront jamais hésité entre le camp de la vérité et celui de l’erreur ! Heureux ceux qui, dès le premier signal de la guerre, se seront incontinent rangés sous l’étendard de Jésus-Christ ! [60] »
L’esprit de croisade et la mentalité expiatrice du catholicisme intransigeant
23Quelle forme devait prendre l’engagement des fidèles envers l’Église et la religion ? Dans son discours, Mgr Pie se montrait certes assez prudent : « il ne s’agit point à cette heure de prendre les armes », y affirmait-il, mais de provoquer « un redressement moral ». La référence aux croisades du Moyen Âge inscrivait cependant ce combat contre « l’impiété moderne » au sein d’un imaginaire de combat encore profondément ancré dans la mémoire collective [61]. Pour l’intransigeant évêque de Poitiers, Émilien était un modèle car, à l’heure du danger suprême, il était passé de la prière à l’action et avait armé son bras contre les ennemis de la foi. Un modèle aussi car il n’avait pas reculé devant l’impossible, en vertu de l’idée que « la lutte du chrétien avec l’impossible est une lutte commandée, une lutte nécessaire ». La mort d’Émilien, « criblé de coups d’épées, entouré de morts et de mourants », mais exhortant toujours les siens à combattre, n’était pas synonyme de défaite, car elle portait une leçon morale et engageait les fidèles à soutenir « le combat jusqu’au bout, (en) espérant contre l’espérance même ». Ainsi la mort de l’évêque de Nantes, assimilable au martyre, avait donné le signal aux guerres saintes qui, au prix de « mille ans de combats héroïques », avaient permis de « vaincre sans retour » la menace de l’islam.
24Mgr Pie n’était pas le seul à avoir compris le potentiel mobilisateur de l’image de la croisade et du martyre auprès des catholiques militants. Dans son premier ordre du jour aux troupes pontificales, en avril 1860, le général Lamoricière appelait « toutes les nations chrétiennes » à prendre les armes pour défendre la papauté, dont la cause était celle de la civilisation chrétienne, et combattre « la révolution [qui], comme autrefois l’islamisme, menaç[ait] l’Europe [62] ». C’est à la mythologie des croisades que se raccrochait le projet de Henri de Cathelineau, celui d’un corps de volontaires religieux et militaire, sur le modèle des ordres chevaleresques du Moyen Âge, qui aurait dû s’appeler les « Chevaliers de Saint-Pierre », ou encore « Croisés de Cathelineau ». L’initiative attira une soixantaine de volontaires, presque tous originaires de l’Ouest – parmi lesquels Guérin et Pinsonneau [63]. Dans l’esprit de Cathelineau, l’évocation de la croisade reflétait les aspirations du moment, et n’était pas exempte d’une certaine instrumentalisation : dans une lettre à Lamoricière du 1er août, celui-ci déclarait : « l’idée de croisade est dans toutes les têtes, elle amènera beaucoup de monde [64] ».
25L’aspiration au sacrifice incarnée dans l’idéal du martyre reflétait la mentalité victimaire et expiatrice propre au catholicisme intransigeant. « Il faut du sang pour apaiser la colère de Dieu », aurait ainsi affirmé Guérin, « voici le mien [65] ». Le discours intransigeant exprimait en 1860 une vision expiatrice dans laquelle la remise en cause du temporel pontifical était vue comme l’annonce d’une nouvelle ère de persécutions religieuses et du triomphe prochain de l’Église. Une lettre de Guérin du 12 juin à sa sœur se fait l’écho de ces attentes eschatologiques diffuses dans le monde catholique du moment. Au cours d’un grand repas, rapportait le séminariste, Mgr Jaquemet aurait raconté à ses invités, entre autres l’abbé Prajet, une anecdote concernant Pie IX :
Notre Saint-Père disait sa messe, plusieurs cardinaux aperçurent au-dessus de sa tête des flammes de feu ; d’abord ils n’osèrent pas interroger le Saint-Père sur ce qui s’était passé ; mais cela se renouvelant plusieurs fois, ils s’enhardirent et interrogèrent le pape qui leur répondit qu’il avait eu une révélation, que la justice divine demandait une Victoire, que cette victoire serait lui-même, que l’Église après sa mort aurait une terrible persécution à essuyer, mais que son successeur en verrait la fin, et qu’alors l’Église brillerait comme à ses plus beaux jours.
27Dans une lettre d’Henri V qui circulait au même moment, rapportait Guérin, le prétendant légitimiste écrivait « qu’une crise épouvantable [les] menaçait, que désormais elle ne pouvait plus se faire attendre, qu’elle serait terrible, mais ce qui le consolait, c’était qu’il voyait même dans les malheurs actuels les indices d’une résurrection future ». En conclusion de sa lettre, Guérin exhortait les croyants à prier et à unir leurs cœurs au pape : « par-là nous nous préparerons à combattre les combats du Seigneur, et à faire s’il le faut les plus grands sacrifices [66] ».
La gloire posthume d’un héros ordinaire
28L’itinéraire de Guérin pourrait relever d’une forme de « radicalisation », si par ce terme flou l’on cherche à comprendre des phénomènes d’adhésion à la violence pour soutenir une lutte politique ou religieuse, mais pas si celle-ci se voit assimilée à un sens de rupture individuelle, de dérive ou de déraison (meurtrière ou suicidaire). Si l’aspiration au sacrifice qui anime Guérin peut être qualifiée de radicale ou d’extrémiste, ce n’est pas dans un « accident de parcours » qu’il faut en chercher l’origine, mais au contraire dans la capacité du jeune breton mort à Castelfidardo à absorber les éléments d’une culture porteuse de radicalité et d’en poursuivre la logique jusqu’à l’oubli de soi. Au cours de la première moitié du XIXe siècle, le projet de reconquête catholique élaboré en réaction au défi de la sécularisation a alimenté des attitudes de rupture et de combat contre la modernité qui s’incarnaient notamment dans les cultes des martyrs, et a entraîné une reformulation militante du religieux.
29Guérin, incarnation exemplaire de cette nouvelle génération de militants, pouvait fournir à l’Église locale un modèle à offrir aux jeunes fidèles dans le contexte de mobilisation du monde catholique des années 1860. Si le jeune homme a pu bénéficier d’une (brève) gloire posthume, ce n’est cependant pas le caractère extraordinaire de sa personnalité ou de ses actions qui en ont été le principal aliment. De l’aveu même de son biographe-hagiographe, Guérin n’avait été qu’un homme « honnête, doué de talents qui ne dépassaient pas la mesure ordinaire » et qui « n’avait de prétention à devenir un personnage ni par illustration de la naissance, ni par l’état de l’intelligence », mais à qui Dieu avait donné un don supérieur à la naissance et au talent, « un bon cœur [67] ». C’est peut-être au contraire le caractère ordinaire et plébéien du séminariste-soldat qui, parmi les soldats du pape tombés en 1860, en a fait aux yeux de l’Église locale et des fidèles un exemple propre à la célébration, voire à la dévotion.
30Après Castelfidardo, certains évêques ont pleinement approuvé les dispositions sacrificielles des volontaires en assimilant dans leurs oraisons funèbres leur mort sur le champ de bataille à un véritable martyre en défense de la religion [68]. Rapatrié à Nantes par les soins de l’Église, le corps de Guérin est, à l’issue d’une grande cérémonie funèbre, inhumé dans le cimetière du grand séminaire, où l’abbé Féret voulait faire de la tombe de Guérin « une prédication perpétuelle de sacrifice et de dévouement pour les jeunes élèves du sanctuaire [69] ». Très vite, la sépulture fait l’objet d’une vénération populaire spontanée et, dès l’été 1861, on parle de guérisons miraculeuses obtenues par l’intercession du jeune zouave. Passé le choc émotif initial, le culte populaire rendu à Guérin s’estompe rapidement et l’Église nantaise, peut-être dubitative face à la qualité du dossier rassemblé, choisit après 1864 d’archiver les pièces recueillies grâce à son enquête. À Rome, l’armée de volontaires n’est maintenue qu’avec un effectif symbolique et les départs connaissent un reflux qui ne s’inversera qu’en 1867, sous le coup de l’émotion provoquée par l’invasion garibaldienne arrêtée à Mentana. Malgré la convention de Septembre, les troupes de Napoléon III restaient le principal garant du Saint-Siège et la prudence de l’épiscopat concordataire lui conseillait de ne pas froisser le protecteur impérial par la demande de béatification d’un soldat du pape, d’autant plus que de nombreux zouaves pontificaux français affichaient leur royalisme en opposition au régime napoléonien. Le dossier Guérin dort dans les archives du séminaire jusqu’en 1925, lorsque l’évêque de Nantes, Mgr Eugène Le Fer de La Motte, envisage de relancer la cause en béatification de Guérin et demande sa réorganisation. Au moment de la vaste mobilisation catholique contre le Cartel des gauches, particulièrement active dans l’Ouest, c’est encore à un militant de l’Église combattante qu’il s’agit de rendre hommage [70]. Cette fois encore, la cause ne dépasse pas l’enceinte du diocèse : comme l’avait déjà montré le refus opposé à la béatification de Louis XVI sous la Restauration, l’Église catholique se montre hésitante à béatifier des martyrs liés à des causes trop politiques [71]. La condamnation de l’Action française, qui intervient à la fin de l’année 1926, montre qu’elle n’entendait pas se lier au monarchisme.
Notes
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[1]
Sur la formation de ce corps, voir : G. Cerbelaud Salagnac, Les zouaves pontificaux, Paris, Éditions France-Empire, 1963, p. 16-33 ; J. Guénel, La dernière guerre du pape. Les zouaves pontificaux au secours du Saint-Siège (1860-1870), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1998, p. 27-34. En septembre 1860, l’effectif du bataillon atteignait 450 hommes environ (Matricule du bataillon des tirailleurs franco-belges. Armée pontificale 1860, Lille, s.n., 1925).
-
[2]
Archives historiques du diocèse de Nantes, Nantes (AHDN), « Dossier de Joseph Louis Guérin, séminariste de Nantes, zouave pontifical, mort à Osimo en 1860 » (dorénavant « Dossier Guérin »), 2, lettre de Joseph-Louis Guérin à son confesseur, Noirmoutier, 9 juillet 1860.
-
[3]
Ibid., lettre du 22 juillet 1860 à son confesseur.
-
[4]
J. S. Allard, Le volontaire Joseph-Louis Guérin, Paris, Douniol, 1862, p. 77-83.
-
[5]
M. Belissa et M. Cottret (dir.), Le martyr(e) : Moyen Âge, Temps modernes, Paris, Kimé, 2010 ; D. El Kenz, Les bûchers du roi : la culture protestante des martyrs (1523-1572), Seyssel, Champ Vallon, 1997 ; F. Lestringant, Lumière des martyrs : essai sur le martyre au siècle des Réformes, Paris, Champion, 2004.
-
[6]
D. Cook, Martyrdom in Islam, Cambridge, Cambridge University Press, 2007.
-
[7]
P. Boutry, « Hagiographie, histoire et Révolution française. Pie XI et la béatification des martyrs de septembre 1792 (17 octobre 1926) », in Achille Ratti pape Pie XI. Actes du colloque de Rome (15-18 mars 1989), Rome, École française de Rome, 1996, p. 305-355 ; V. Viaene, « Gladiators of Expiation: the Cult of the Martyrs in the Catholic Revival of the Nineteenth Century », in K. Cooper et J. Gregory (dir.), Retribution, Repentance, and Reconciliation, Woodbridge, Boydell, 2004, p. 301-316.
-
[8]
J.-P. Albert, « Sens et enjeux du martyre : de la religion à la politique », in P. Centlivres (dir.), Saints, sainteté et martyre : la fabrication de l’exemplarité, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2001, p. 17-25 ; A. Garrigou, Mourir pour des idées : la vie posthume d’Alphonse Baudin, Paris, Les Belles Lettres, 2010, p. 15-19.
-
[9]
D. Gambetta (dir.), Making Sense of Suicide Missions, Oxford, Oxford University Press, 2005 ; D. Cook et O. Allison, Understanding and Addressing Suicide Attacks: the Faith and Politics of Martyrdom Operations, Wesport-Londres, Praeger Security International, 2007 ; M. Cormack, Sacrificing the Self: Perspectives in Martyrdom and Religion, Oxford, Oxford University Press, 2002.
-
[10]
A. Blom, « Les “martyrs” jihadistes veulent-ils forcément mourir ? », Revue française de science politique, n° 61, 2011, p. 867-891.
-
[11]
D. Gambetta, « Can We Make Sense of Suicide Missions? », in Id. (dir.), Making Sense of Suicide Missions, op. cit., p. 271.
-
[12]
L. Gruaz, « L’extraordinaire chrétien chez les Zouaves pontificaux : Joseph-Louis Guérin (1838-1860) mort en odeur de sainteté », Revue de l’histoire des religions, n° 234, 2017, p. 485-517. Sur la célébration catholique des « martyrs » de 1860, voir B. Dumons, « Mourir pour Rome et le pape. Les martyrs de Castelfidardo. La fabrique d’une hagiographie catholique en France au XIXe siècle », in P. Chenaux et C. Sorrel (dir.), Mélanges en l’honneur de Jean-Dominique Durand, Rome, Studium, 2018 ; B. Dumons et J.-P. Warren (dir.), Les zouaves pontificaux en France, en Belgique et au Québec : la mise en récit d’une expérience historique transnationale (XIXe-XXe siècles), Bruxelles, Peter Lang, 2015.
-
[13]
J. S. Allard, Le volontaire Joseph-Louis Guérin, du corps des zouaves pontificaux franco-belges, Nantes, Mazeau, 1860. Sur Allard, voir la notice nécrologique publiée par R. Oheix dans La Revue de Bretagne et de Vendée, janvier 1887, p. 232-239.
-
[14]
M. Faugeras, « Le zouave pontifical Joseph Guérin et ses miracles », in Histoire des miracles, Angers, Presses de l’Université d’Angers, 1982, p. 131-142.
-
[15]
Dans la série 4F, celle des causes en béatification et canonisation. Je remercie vivement Claire Gurvil et Véronique Bontemps d’avoir mis ce fonds à ma disposition. L’inventaire de l’archiviste diocésain Jean Bouteiller est disponible en ligne à l’adresse suivante : http://nantes.cef.fr/wp-content/uploads/2012/01/4F_causes.pdf.
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[16]
Il s’agit là d’une allusion au livre de Nicolas Mariot sur le sacrifice patriotique du capitaine Robert Hertz, qui revendique cette logique démonstrative (Histoire d’un sacrifice. Robert, Alice et la guerre, Paris, Éditions du Seuil, 2017).
-
[17]
C. E. Harrison, « Zouave Stories: Gender, Catholic Spirituality and French Responses to the Roman Question », The Journal of Modern History, vol. 79, no 2, 2007, p. 274-305.
-
[18]
AHDN, Dossier Guérin, 3, lettre adressée à Guérin par un professeur au petit séminaire de Notre-Dame des Couëts [J. Blois ?], 8 février 1860.
-
[19]
J. Maurain, La politique ecclésiastique du Second Empire de 1852 à 1869, Paris, Librairie Félix Alcan, 1930, p. 325-532.
-
[20]
B. Horaist, La dévotion au pape et les catholiques français sous le pontificat de Pie IX (1846-1878), d’après les archives de la Bibliothèque apostolique vaticane, Rome, École française de Rome, 1995, p. 106-131.
-
[21]
Circulaire du ministre de l’Intérieur Billault aux préfets, 17 février 1860.
-
[22]
A. Hérisson, « Une mobilisation internationale de masse à l’époque du Risorgimento : l’aide financière des catholiques français à la papauté (1860-1870) », Revue d’histoire du XIXe siècle, n° 52, 2016, p. 175-192.
-
[23]
Pour le catholicisme, voir M. Heimann, « Catholic Revivalism in Worship and Devotion », in The Cambridge History of Christianity. Volume 8, World Christianities c.1815-c.1914, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, p. 70-83.
-
[24]
C. Clark et W. Kaiser (dir.), Culture Wars: Secular-Catholic Conflict in Nineteenth-Century Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2003.
-
[25]
B. Horaist, La dévotion au pape et les catholiques français sous le pontificat de Pie IX, op. cit.
-
[26]
V. Viaene, « Nineteenth-Century Catholic Internationalism and Its Predecessor », in A. Green et V. Viaene (dir.), Religious Internationals in the Modern World: Globalization and Faith Communities since 1750, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2012, p. 82-110.
-
[27]
M. Faugeras, « Un aspect local de la question romaine : l’aide nantaise au Saint-Siège (1860-1870) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, vol. 90, 1983, p. 70-71 et vol. 91, 1984, p. 393-406.
-
[28]
M. Launay, Le diocèse de Nantes sous le Second Empire : monseigneur Jaquemet, 1849-1869, Nantes, Cid, 1982 ; M. Lagrée, Mentalités, religion et histoire en Haute-Bretagne au XIXe siècle. Le diocèse de Rennes, 1815-1848, Paris, Klincksieck, 1977.
-
[29]
J.-C. Martin, La Vendée de la mémoire : 1800-1980, Paris, Éditions du Seuil, 1989, p. 130.
-
[30]
A. Gough, Paris et Rome. Les catholiques français et le pape au XIXe siècle, Paris, Éditions de l’Atelier, 1996, chap. 4 et 5.
-
[31]
J. S. Allard, Le volontaire Joseph-Louis Guérin, op. cit., p. 142.
-
[32]
Ibid., p. 132.
-
[33]
M. Faugeras, « Un aspect local de la question romaine… », art. cité, p. 399.
-
[34]
AHDN, Dossier Guérin, 3, lettre du curé de Sainte-Pazanne, 23 février 1862.
-
[35]
AHDN, Dossier Guérin, 3, lettre de Petit, ancien instituteur de Noirmoutier, 20 février 1862 (les citations suivantes sont tirées du même carton).
-
[36]
AHDN, Dossier Guérin, 3, lettre de J. Pagot, prêtre-vicaire, Beauvoir-sur-Mer, 7 février 1862.
-
[37]
B. Dumons, « Exils jésuites, réseaux romains et mémoires “blanches”. La naissance d’une fraternité politique au collège Saint-Michel de Fribourg (1827-1847) », Schweizerische Zeitschrift für Religions- und Kulturgeschichte. Revue suisse d’histoire religieuse et culturelle, no 106, 2012, p. 57-70 ; id., « Fraternités politiques en Provence “blanche”. Les élèves du collège jésuite Saint-Joseph d’Avignon (1849-1939) », in C. Brice (dir.), La fraternité en actions : frères de sang, frères d’armes, frères ennemis en Italie (1824-1924), Rome, École française de Rome, 2017, p. 247-269.
-
[38]
F. Butel, L’éducation des Jésuites autrefois et aujourd’hui : un collège breton, Paris, Firmin-Didot, 1890, p. 220-235.
-
[39]
P. Rocher, Un collège de la compagnie de Jésus au XIXe-XXe siècle : Notre-Dame de Mongré à Villefranche-sur-Saône (1851-1951), Le Mans, Université du Maine, 2015, p. 687-690.
-
[40]
A. de Ségur, Les martyrs de Castelfidardo, Paris, A. Bray, 1861, respectivement p. 89, 154, 129 et 95.
-
[41]
À partir de la liste donnée par M. Faugeras, « Un aspect local de la question romaine… », art. cité, p. 407-414, et du Matricule des zouaves pontificaux, Lille, s.n., 1910.
-
[42]
M. A. Okun et A. Schultz, « Age and Motives for Volunteering: Testing Hypotheses Derived from Socioemotional Selectivity Theory », Psychology and Aging, vol. 18, no 2, 2003, p. 231-239.
-
[43]
Recensement effectué à partir de Matricule du bataillon des tirailleurs franco-belges…, op. cit. et Matricule des zouaves pontificaux, op. cit.
-
[44]
J. S. Allard, Le volontaire Joseph-Louis Guérin, op. cit., p. 6.
-
[45]
AHDN, Dossier Guérin, 2, lettres à son confesseur, 9 et 22 juillet 1860.
-
[46]
Ibid., lettre à son cousin, Rome, 15 août 1860.
-
[47]
Toutes ces citations sont tirées d’E. Veuillot, Le Piémont dans les États de l’Église : documents et commentaires, Paris, Gaume frères et J. Duprey éditeurs, 1861, p. 154-156, 176, 195 et 167.
-
[48]
J. S. Allard, Le volontaire Joseph-Louis Guérin, op. cit., p. 19 et 15.
-
[49]
A. Cahour, Notice historique et critique sur saint Émilien, évêque de Nantes, mort à Autun au VIIIe siècle, Nantes, Mazeau, 1859.
-
[50]
AHDN, Dossier Guérin, 2, lettre à l’ancien vicaire de Noirmoutier, M. Roberteau, 1er janvier 1860.
-
[51]
J. S. Allard, Le volontaire Joseph-Louis Guérin, op. cit., p. 140.
-
[52]
Ibid., p. 160.
-
[53]
AHDN, Dossier Guérin, 4, dépositions de Georges Guérin, cordonnier à Sainte-Pazanne, 1862.
-
[54]
P. Boutry, « Une recharge sacrale. Restauration des reliques et renouveau des polémiques dans la France du XIXe siècle », dans P. Boutry, P. A. Fabre et D. Julia (dir.), Reliques modernes. Cultes et usages chrétiens des corps saints des Réformes aux révolutions, Paris, Éditions de l’EHESS, 2009, p. 121-173.
-
[55]
P. Boutry, « Les saints des Catacombes. Itinéraires français d’une piété ultramontaine (1800-1881) », Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, Temps modernes, vol. 91, no 2, 1979, p. 875-930.
-
[56]
P. Boutry, « Hagiographie, histoire et Révolution française… », art. cité, p. 305-355.
-
[57]
AHDN, Dossier Guérin, 2, lettre à son cousin, 15 août 1860.
-
[58]
Ibid., lettre aux parents, Rome, 16 août 1860.
-
[59]
P. Boutry, « Les saints des Catacombes… », art. cité, p. 914-918.
-
[60]
L.-É. Pie, Discours pour la solennité de la réception des reliques de saint Émilien, Poitiers, H. Oudin, 1859, p. 7-8.
-
[61]
A. Dupront, Le mythe de croisade, Paris, Gallimard, 1997, vol. 4.
-
[62]
Cité par le vicomte de La Vausserie, La croisade en 1860, histoire de l’armée pontificale, Paris, Librairie A. Josse, 1860, p. 18.
-
[63]
O. de Poli, Souvenirs du bataillon des zouaves pontificaux (franco-belges), Paris, Chez tous les libraires, 1861, p. 14-21.
-
[64]
V. de Cathelineau, Le général comte de Cathelineau : chevalier de la Légion d’honneur, commandeur de l’ordre de Pie IX, chevalier de la Tour et de l’Épée et de Don Miguel de Portugal : sa vie et ses mémoires, Rome-Paris-Bruxelles, Desclée de Brouwer, 1909, p. 130.
-
[65]
J. S. Allard, Le volontaire Joseph-Louis Guérin, op. cit., p. 160.
-
[66]
AHDN, Dossier Guérin, 2, lettre à sa sœur, 12 juin 1860.
-
[67]
J. S. Allard, Le volontaire Joseph-Louis Guérin…, op. cit., p. 18.
-
[68]
Par exemple F. Dupanloup, Oraison funèbre des volontaires catholiques de l’armée pontificale morts pour la défense du Saint-Siège prononcée par Mgr l’évêque d’Orléans dans sa cathédrale le 9 octobre 1860, Paris, Lecoffre, 1860, et L.-É. Pie, Discours prononcé par Mgr l’évêque de Poitiers, dans son église cathédrale, le 11 octobre 1860, à l’occasion du service solennel pour les soldats de l’armée pontificale qui ont succombé pendant la guerre, Paris, V. Palmé, 1860.
-
[69]
J. S. Allard, Le volontaire Joseph-Louis Guérin…, op. cit., p. 94.
-
[70]
D. Bensoussan, « Le réveil des catholiques bretons (1924-1926) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 57, 1998, p. 57-75.
-
[71]
P. Boutry, « “Le Roi martyr”. La cause de Louis XVI devant la Cour de Rome (1820) », Revue d’histoire de l’Église de France, no 196, 1990, p. 57-71.