Notes
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[*]
Chargée de recherche au CNRS-CEIAS (Centre d’Études de l’Inde et de l’Asie du Sud, EHESS).
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[1]
Je remercie vivement Fabien Archambault, Loïc Artiaga et Julien Vincent pour leurs relectures et commentaires, qui ont beaucoup enrichi cet article.
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[2]
Voir notamment la synthèse de J. Winter et J.-L. Robert (dir.), Capital Cities at War, Paris, London, Berlin, 1914-1919, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, et les remarques comparatives de P. Purseigle,“‘Wither the local?’ Nationalization, modernization, and the mobilization of urban communities in England and France, c.1900-1918”, in O. Zimmer, W. Whyte (eds.), Nationalism and the Reshaping of Urban Communities in Europe, 1848-1914, Basingstoke ; New York, Palgrave, 2011, p. 182-203.
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[3]
D. Englander, Landlord and Tenant in Urban Britain, 1838-1918, Oxford, Clarendon Press, 1983 ; S. Magri, « Les propriétaires, les locataires, la loi. Jalons pour une analyse sociologique des rapports de location, Paris 1850-1920 », Revue française de sociologie, xxxvii-3, juillet-septembre 1996, p. 397-418 ; S. Magri,“Housing”, in J. Winter et J.-L. Robert (dir.), Capital Cities…, op. cit., p. 374-418.
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[4]
K. N. Chari, History of Bombay, 1918-1939, mémoire de thèse non publié, Université de Bombay, 1983, p. 5-6.
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[5]
A. D. D. Gordon, Businessmen and Politics: Rising Nationalism and a Modernising Economy, 1918-1933, Delhi, Manohar Publishers, 1979, p. 132.
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[6]
Témoignage d’A. E. Mirams, Minutes of Evidence Taken Before the Indian Industrial Commission 1916-1918, Calcutta, Superintendent Government Printing, 1919, vol. IV, (Bombay), p. 367.
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[7]
Sur le programme de logement, voir V. Caru, « La fabrique du logement ouvrier à Bombay : réalisations publiques et pratiques habitantes (1898-1926) », Histoire Urbaine, n° 19, 2007/2, juillet 2007, p. 55-76.
-
[8]
M. Dossal, Imperial Designs and Indian Realities: The Planning of Bombay City, 1845-1875, Bombay, Oxford University Press, 1991.
-
[9]
A. D. D. Gordon, Businessmen and Politics…, op. cit., p. 132.
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[10]
Bombay Legislative Council Debates (ci-après BLCD), 1918, Maharashtra State Archives, Mumbai (ci-après MSA), intervention de G. Carmichael, p. 245 : « Opinion was strongly in favour of [the legislation] ».
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[11]
La ville est de nouveau soumise, depuis 1947, à une législation de contrôle des loyers très fortement critiquée et sans cesse remise en question, sans pour autant qu’aucun parti n’ose l’abroger. Voir M. Dossal, Theatre of Conflict, City of Hope: Mumbai, 1660 to Present Times, New Delhi, Oxford University Press, 2010, p. 226-227.
-
[12]
Sur les travaux mentionnant les Rent Acts, voir notamment : N. Chari, History of Bombay, op. cit., p. 18 ; S. Hazareesingh, The Colonial City and the Challenge of Modernity: Urban Hegemonies and Civic Confrontations in Bombay, 1900-1925, New Delhi, Orient Longman, 2007, p. 105.
-
[13]
Ibid., p. 104.
-
[14]
R. Newman, Workers and Unions in Bombay, 1918-1929: A Study of the Organization in the Cotton Mills, Canberra, Australian National University, 1981, p. 125-135.
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[15]
D. Englander, Landlord and Tenant…, op. cit., p. 194 : « during the war, that struggle was fought principally upon the question of rent determination ».
-
[16]
Ibid., chapitres 10 et 11.
-
[17]
R. Chandavarkar, The Origins of Industrial Capitalism in India: Business Strategies and the Working Classes in Bombay, 1900-1940, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, p. 124-167.
-
[18]
Dans le témoignage écrit qu’il fait parvenir à l’Indian Industrial Commission, A. E. Mirams fait valoir – à partir des résultats d’une enquête qu’il a menée lui-même – que le revenu moyen d’une famille ouvrière est de 25,7 roupies par mois. Sur cette somme, 14 roupies sont consacrées à la nourriture, 4 au loyer. Il établit que plus de 80 % des ménages sont endettés et que les intérêts payés à l’usurier s’élèvent en moyenne à 7 roupies par mois, ce qui porte les dépenses totales à 26,5 roupies par mois, une somme supérieure au revenu familial. Voir Minutes of Evidence Taken Before the Indian Industrial Commission 1916-1918, vol. IV (Bombay), op. cit., p. 366.
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[19]
Times of India (ci-après TOI), 8 mars 1918, Londres, Colindale Library (ci-après CL), p. 5.
-
[20]
S. Hazareesingh, The Colonial City…, op. cit., p. 171 : « the organ of the English-educated professional intelligentsia ».
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[21]
TOI, janvier-mars 1918, CL.
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[22]
TOI, 12 janvier 1918, CL, p. 8.
-
[23]
P. Kidambi, The Making of an Indian Metropolis. Colonial Governance and Public Culture in Bombay, 1890-1920, Aldershot, Ashgate, 2007, p. 157-201.
-
[24]
R. Holland,“The British Empire and the Great War, 1914-1918”, in J. M. Brown et W. M. R. Louis (dir.), The Oxford History of the British Empire, vol. IV, The Twentieth Century, Oxford, Oxford University Press, 1999, p. 123-124.
-
[25]
TOI, 9 janvier 1918, CL, p. 5 : « Great landlords and merchants are the masters of all the public bodies and however honest and well meaning they may me, it is not to be expected of human nature that they should forego their advantages for the sake of others. It therefore becomes necessary for“the others”, for the tenants and the consumers, to take steps to proclaim and protect their own interests ».
-
[26]
TOI, 13 mars 1918, CL, p. 10.
-
[27]
A. D. D. Gordon, Businessmen and Politics…, op. cit., p. 134-135.
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[28]
Pour plus de détails sur la législation métropolitaine, voir notamment S. Magri,“Housing”, in J. Winter et J.-L. Robert (dir.), Capital Cities…, op. cit., p. 391.
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[29]
BLCD 1918, MSA, p. 245-275 et p. 380-414.
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[30]
General Department (ci-après GD), 1920, Compilation 1138, note du 28 août 1919, MSA, p. 25 : « no eviction order shall be passed by a Court ».
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[31]
GD 1918, Comp. 1136, note du Municipal Commissioner de mars 1918, MSA, p. 21 : « cannot solely rely on the municipal records of 1914-1915 » et p. 26-27 : « rent receipts […] for January or February or March 1915 ».
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[32]
GD 1920, Comp. 1138, note du 28 août 1919, MSA, p. 23 : « This Act provides no special machinery for providing relief apart from the ordinary civil courts ».
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[33]
GD 1918, Comp. 1136, Statement of objects and reasons, MSA, p. 123 : « It has been shown that tenants of the classes for which the bill provides are unable to apply to a civil court and it is necessary to furnish summary means for recovery ».
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[34]
BLCD 1918, MSA, p. 580-623.
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[35]
GD 1920, Comp. 1138, note du 28 août 1919, MSA, p. 23 : « bona fide requires the premises for the erection of buildings of for his own occupation, or for some other cause found satisfactory to the Court ».
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[36]
Les interprétations faites de cette clause ne tardent d’ailleurs pas à susciter des plaintes de la part des défenseurs des locataires. Voir GD 1920, Comp. 1138, lettre de G. Scrinzi du 22 juin 1920, MSA, p. 117.
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[37]
TOI, 31 juillet 1918, CL, p. 8 : « an animated debate ».
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[38]
BLCD 1918, session du 24 septembre 1918, intervention de G. Carmichael, MSA, p. 828 : « a complete redraft ».
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[39]
GD 1918, Comp. 1136, Statement of objects and reasons, MSA, p. 123 : « if the landlord refuses to let at the maximum rent ».
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[40]
Ibid., projet de loi pour le Bombay Rent Act (War Restrictions, n° 2), MSA, p. 117 : « Whoever knowingly demands or receives, whether directly or indirectly, on account of the rent of any premises of which the maximum rent has been fixed, any sum in excess of the maximum rent of such premises ».
-
[41]
GD1918, Comp. 1136, note de P. R. Cadell du 25 mai 1918, MSA, p. 107 : « The holders of these shops are peculiarly liable to exactions at the hands of the landlord which they are unable to resist and this raising of rent leads to raising of prices ».
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[42]
S. Hazareesingh, The Colonial City…, op. cit., p. 105-106.
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[43]
En ce qui concerne les salariés les moins bien payés, le gouvernement colonial a adopté une ligne de conduite très claire : il préfère – tout comme le patronat textile de la ville – accorder des primes et des aides plutôt que d’augmenter les salaires.
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[44]
BLCD 1918, session du 24 septembre 1918, intervention de G. Carmichael, p. 829.
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[45]
GD 1920, Comp. 1138, note du 28 août 1919, MSA, p. 26 : « to fix the standard rent and gives the landlord and the tenant a right of appeal from his decision to a committee ».
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[46]
TOI, 30 janvier 1919, CL, p. 8.
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[47]
GD 1918, Comp. 1136, lettre du secrétaire du Revenue Department (War Purposes Branch) au Rent Controller n° 1434 du 26 avril 1919, MSA, p. 195.
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[48]
GD 1920, Comp. 1138, lettre du Rent Controller au secrétaire du Revenue Department (War Purposes Branch) n° 481/A du 28 août 1918, MSA, p. 19 : « cases should be dealt with only on complaint ».
-
[49]
Idem, p. 19 : « only 350 » ; « small number ».
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[50]
Sur le rôle joué par Bombay dans les campagnes nationalistes de l’après-guerre, voir notamment J. Masselos,“Some Aspects of Bombay City Politics in 1919”, in R. Kumar (dir.), Essays on Gandhian Politics: The Rowlatt Satyagraha, Oxford, Oxford University Press, 1971 p. 145-88 ; R. Kumar,“From Swaraj to Purna Swaraj: Nationalist Politics in the City of Bombay, 1920-1932”, in D. A. Low (dir.), Congress and the Raj: Facets of the Indian Struggle, Londres, Heinemann, 1977, p. 77-107, et S. Hazareesingh, The Colonial City…, op. cit., p. 124-166.
-
[51]
Ces réformes instituent une plus grande représentativité du Conseil législatif. La majorité de ses membres est désormais élue et le droit de vote élargi. Cependant, seul un dixième des hommes adultes a accès au vote. Voir J. M. Brown,“India”, in J. M. Brown et W. M. R. Louis (dir.), The Oxford History of the British Empire, op. cit., p. 432.
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[52]
J. Masselos, Indian Nationalism: A History, New Delhi, New Dawn Press, 5e éd., 2005, p. 170-171.
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[53]
S. Hazareesingh, The Colonial City…, op. cit., p. 182.
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[54]
BLCD 1924, session du 28 juillet, intervention de J. Addyman, p. 498-499.
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[55]
BLCD 1922, session du 4 décembre, intervention de C. Setalvad, p. 767.
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[56]
La Bombay Tenants’ Association réclamait en effet que le contrôle soit maintenu pour toutes les habitations dont le loyer est inférieur à 250 roupies, tandis que K. F. Nariman, pendant le débat au Conseil législatif, a cherché à faire adopter une limite de 150 roupies. Voir BLCD 1925, session du 27 juillet, intervention de K. F. Nariman, p. 589.
-
[57]
TOI, 17 mars 1925, CL, p. 3.
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[58]
BLCD 1925, session du 29 juillet, p. 734.
-
[59]
Voir par exemple TOI, 14 juillet 1924, CL, p. 11 et 24 février 1925, CL, p. 13.
-
[60]
A. D. D. Gordon, Businessmen and Politics…, op. cit., p. 158.
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[61]
Lors du débat de juillet 1925, les représentants du patronat qui siègent au Conseil proposent ainsi un amendement qui exempterait les logements construits par les usines de l’application des Rent Acts. Voir BLCD 1925, session du 28 juillet, p. 653-678.
-
[62]
R. Kumar,“From Swaraj to Purna Swaraj…”, op. cit., p. 77-107.
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[63]
TOI, 25 juillet 1924, CL, p. 7 : « a party question » ; « the Swarajist party represent both landlords and tenants and as such did not desire to take sides ».
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[64]
BLCD 1924, session du 28 juillet, p. 498.
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[65]
Ce vote est condamné par certaines réunions publiques, entraînant parfois des affrontements physiques entre militants nationalistes. Voir TOI, 25 juillet 1924, CL, p. 7.
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[66]
J. Masselos, Indian Nationalism…, op. cit., p. 170-172.
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[67]
Ibid., p. 171-172.
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[68]
Sur l’impossibilité de considérer comme une politique sociale le programme de logement mis en place dans les années 1920 par l’État colonial, voir V. Caru, « D’apparentes coïncidences. Bombay, les expériences métropolitaines et la question du logement des travailleurs, 1896-1926 », in A. Enders et F. Bensimon (dir.), Le siècle britannique. Variations sur une domination globale, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2012, p. 87-112.
1Les études consacrées à la Grande Guerre ont connu ces dernières décennies de profonds renouvellements [1]. Des travaux ont ainsi cherché à interroger la pertinence des cadres nationaux pour penser les bouleversements sociaux et politiques introduits par le conflit, en situant leur analyse au niveau des grandes villes. Ils ont mis en lumière les évolutions introduites dans les sociétés urbaines engagées dans l’effort de guerre, soulignant la reconfiguration de leur structuration sociale et de leurs équilibres politiques [2]. Un des domaines où les changements ont été les plus perceptibles est celui des relations entre propriétaires et locataires. Tandis que la figure du « propriétaire-profiteur » devient une des cibles de la vindicte publique, qu’enflent les mouvements de locataires, les autorités sont poussées à intervenir et à promulguer des mesures de contrôle des loyers [3].
2Ces analyses, souvent centrées sur les capitales européennes, ont cependant laissé dans l’ombre les villes des empires coloniaux. Certaines d’entre elles ont néanmoins participé de manière très active à l’effort de guerre et se sont retrouvées fortement exposées aux bouleversements causés par le conflit. C’est le cas de Bombay qui, avec l’extension des hostilités au Moyen-Orient à la fin de l’année 1914, joue un rôle clé dans la mobilisation pour la défense des intérêts britanniques dans cette partie du monde < [4]. La guerre n’y perturbe pas seulement les équilibres politiques mais aussi les équilibres sociaux. Le renouveau de l’agitation nationaliste, favorisé par les promesses faites par les Britanniques pour maintenir l’effort de guerre de la colonie, présente à Bombay une déclinaison locale avec l’affirmation d’un mouvement luttant pour une réforme du système électoral de l’institution municipale, la Bombay Municipal Corporation (ci-après BMC) en vue de sa démocratisation. Le système de suffrage censitaire adopté en 1872 pour désigner les membres de l’assemblée municipale ne permet en effet qu’à 1 % de la population urbaine d’avoir accès au vote [5]. De profondes tensions apparaissent aussi au sein de la société urbaine. La désorganisation des réseaux d’approvisionnement ainsi que les réquisitions de denrées pour l’armée provoquent une forte inflation, tandis que l’afflux massif de travailleurs attirés par le boom suscité par l’effort de guerre accroît la pression sur le marché du logement. La situation dans ce domaine était déjà problématique lorsque la guerre a commencé. L’essor industriel que la ville de Bombay a connu à partir du milieu des années 1850 a entraîné une croissance démographique soutenue, nullement suivie par une hausse proportionnelle du nombre de logements. Entre 1901 et 1911, par exemple, la population urbaine a augmenté de 26 %, alors que dans le même temps les constructions nouvelles ne progressaient que de 16 % [6].
3L’immédiat après-guerre est marqué dans la ville indienne par une intervention inédite des autorités coloniales dans la sphère de l’habitat. Outre la décision de construire près de cinquante mille logements destinés aux travailleurs, le gouvernement colonial promulgue, en 1918, deux lois de contrôle des loyers [7]. Présentées comme des mesures d’urgence, celles-ci n’en sont pas moins prolongées à deux reprises, en 1922 puis en 1925, et restent finalement en vigueur pendant une décennie, de 1918 à 1928. Leur prolongation peut apparaître d’autant plus surprenante que ces mesures semblaient remettre en cause l’alliance traditionnelle des Britanniques avec les classes possédantes de la ville [8]. À partir du milieu du XIXe siècle, le gouvernement colonial choisit en effet de déléguer aux élites indiennes la gestion du pouvoir municipal. Il scelle ainsi son alliance politique avec des groupes sur lesquels il s’appuie pour gouverner le pays et se décharge, par la même occasion, du coût de l’administration locale. Grands marchands ayant souvent investi de façon importante dans l’immobilier, industriels et hommes d’affaires se trouvent ainsi assurés, par l’instauration d’un suffrage censitaire très restreint, du contrôle de l’assemblée municipale. En 1914, sur les soixante-douze membres de cette dernière, on dénombre dix-sept propriétaires immobiliers, quinze industriels, sept grands commerçants et douze hommes d’affaires [9].
4Il faut donc s’interroger sur la signification politique que revêt cette législation de contrôle des loyers. Assiste-t-on à une recomposition du statu quo qui avait jusqu’alors fondé la domination coloniale ? Est-il possible d’y percevoir un alignement de l’État colonial sur les évolutions visibles en métropole depuis 1905 et l’affirmation du « nouveau libéralisme », vers la prise en compte par les autorités de nouveaux devoirs sociaux ? Ou bien ces lois sont-elles le produit de l’émergence de nouveaux rapports de force sociaux et politiques, notamment dans le contexte d’un renouveau de combativité du mouvement nationaliste au lendemain des hostilités ?
5Il s’agira tout d’abord d’étudier les éléments qui ont conduit à la promulgation de ces lois, présentées par les autorités coloniales comme « bénéficiant d’un fort soutien de l’opinion publique », et notamment d’établir par quels groupes cette revendication du contrôle des loyers a été portée et relayée [10]. Nous analyserons ensuite le dispositif légal mis en place, afin de déterminer à quelles logiques sociales ou politiques l’État colonial a cherché à répondre. Enfin, nous chercherons à interpréter le refus des autorités britanniques de prolonger une nouvelle fois les deux lois en 1928, alors qu’une campagne de mobilisation en leur faveur était en cours. Faut-il l’analyser comme un retour à son ancienne alliance avec les classes possédantes ou cette décision doit-elle être reliée à l’amoindrissement des soutiens dont bénéficiait cette législation ?
« Classes moyennes » et relais politiques : les agents de la mobilisation en faveur d’un contrôle des loyers
6En dépit de leur durée et de l’enjeu que représente aujourd’hui, dans la vie politique locale, ce type de législation, les lois de contrôle des loyers de 1918 n’ont à ce jour fait l’objet d’aucune étude approfondie [11]. Les travaux d’historiens qui y font allusion ont tendance à les désigner au singulier, mentionnant un Rent Act, alors que deux lois ont été successivement promulguées, en mars puis en novembre 1918 [12]. Elles y sont fréquemment présentées, en outre, comme des mesures en faveur des classes populaires de la ville, sans que cette interprétation soit toutefois étayée par une analyse précise. Il semble probable que le cadre interprétatif qui prévaut pour la législation métropolitaine ait aidé à forger cette idée reçue à propos des mesures mises en œuvre à Bombay. Les historiens s’accordent en effet à attribuer la promulgation en 1915 en Grande-Bretagne d’un Rent Act aux mobilisations ouvrières, en particulier aux mouvements de grève des loyers menés dans certaines grandes villes industrielles. Or de telles revendications n’ont pas émergé au sein du prolétariat de Bombay. Ce dernier n’est pas pour autant resté passif face à la détérioration objective de ses conditions de vie. Il procède, par exemple, dans la nuit du 24 janvier 1918, au pillage des magasins de céréales des faubourgs industriels [13] et les années 1919 et 1920 voient l’organisation des deux premières grèves générales de la principale industrie de la ville, l’industrie textile. Les ouvriers demandent et obtiennent l’attribution d’une prime annuelle, ainsi que l’augmentation de leur allocation contre la vie chère [14].
7Que « la lutte [des classes] trouve son principal terrain d’affrontement dans la question de la détermination des loyers » en Grande-Bretagne, tandis que l’enjeu principal des mobilisations ouvrières reste à Bombay la question salariale, s’explique par les caractéristiques sociales distinctes de la main-d’ œuvre dans les deux pays [15]. L’étude de David Englander sur le cas britannique montre en effet que le mouvement des locataires y est animé par les fractions économiquement les plus aisées de la classe ouvrière, implantées depuis longtemps dans l’espace urbain et dont le mode de vie, avant le début du conflit, se rapprochait de celui des classes moyennes [16]. La guerre et l’inflation qu’elle suscite menacent les acquis récents de ces groupes, qui se retrouvent alors à l’initiative des luttes sur les loyers. Les travailleurs de Bombay se distinguent très nettement sur deux plans de ces fractions organisées de la classe ouvrière britannique : par de bas salaires et par les liens très forts qu’ils conservent avec leurs villages d’origine [17]. Contrairement aux groupes qui animent les mouvements de locataires en métropole, leur position économique est loin d’être assurée. Ils ne jouissent d’aucune position acquise à défendre dans l’espace urbain. La priorité des ouvriers de Bombay reste donc la question salariale, d’autant plus qu’ils envoient en moyenne 26 % de leurs gains à leurs parents restés à la campagne.
8Que les demandes ouvrières se soient concentrées sur les salaires ne signifie pas pour autant que des revendications sur la question du logement n’aient pas aussi émergé à Bombay. Elles sont, de fait, venues des groupes sociaux qui avaient des acquis à défendre au sein de la société urbaine, à savoir les classes moyennes – le terme doit être entendu dans une acception large, englobant aussi bien les catégories subalternes d’employés que les artisans, les professions libérales et les boutiquiers et commerçants qui louent leur échoppe. Leurs salaires plus élevés leur permettent en effet de subir beaucoup moins durement l’augmentation des prix des denrées que les classes populaires, qui peuvent avec moins de facilité réduire ou changer leur consommation, limitée aux produits de base et bien souvent déjà assujettie à une logique de survie [18]. Le domaine où la détérioration de leurs conditions de vie est la plus sensible est le logement. Avec l’augmentation des procédures d’expulsion – auxquelles les propriétaires ont de plus en plus recours afin de relouer leurs appartements à un loyer plus élevé –, les classes moyennes se trouvent en effet pour la première fois confrontées à une forme de précarité, qui était jusque-là un trait caractéristique de la seule expérience urbaine du prolétariat (voir le graphique ci-dessous). En outre, le conflit et les opportunités d’enrichissement qu’il suscite font qu’elles se retrouvent désormais concurrencées sur le marché de la location par des groupes qui connaissent, grâce aux profits de guerre, une forte ascension sociale, et subissent par conséquent un certain déclassement dans l’espace social urbain [19]. Cette situation n’affecte pas uniquement les classes moyennes indiennes, mais aussi une large partie de la communauté européenne de la ville, qui dépend de salaires fixes.
Nombre de demandes d’expulsion présentées devant la Court of Small Causes entre 1910 et 1920
Nombre de demandes d’expulsion présentées devant la Court of Small Causes entre 1910 et 1920
9Du fait de l’accès privilégié de ces groupes aux journaux dominants, qui restent « essentiellement l’organe de l’intelligentsia éduquée dans le système britannique, exerçant une profession libérale », ceux-ci sont en mesure de mener une véritable campagne de lobbying pour faire entendre leurs desiderata à l’État colonial [20]. Le principal quotidien anglophone de la ville, le Times of India, publie ainsi entre janvier et mars 1918 – mois où le Conseil législatif vote le premier Rent Act – cinquante-quatre articles ou lettres de lecteurs ainsi que six éditoriaux condamnant la hausse jugée inique des loyers [21]. Dès le 12 janvier 1918, la rédaction du quotidien, pourtant plutôt encline à défendre les thèses du libéralisme économique, prend très clairement position en faveur d’un contrôle des loyers, en invoquant les mesures mises en œuvre en Europe et notamment dans la métropole [22]. Outre la presse, les classes moyennes ont aussi mobilisé le réseau d’associations qu’elles avaient largement contribué à fonder dans les décennies précédant le conflit [23]. La Social Service League, animée par des réformateurs sociaux, organise par exemple plusieurs réunions publiques pour dénoncer la hausse des loyers et réclamer une loi de contrôle.
10Le principal atout du mouvement de lutte pour le contrôle des loyers réside néanmoins dans le fait qu’il trouve immédiatement des relais dans le champ politique. Afin de soutenir et d’accroître l’effort de guerre consenti par la colonie, les Britanniques, en la personne du secrétaire d’État pour l’Inde Edwin Montagu, promettent en 1917 un certain nombre de réformes politiques. Cette situation donne un nouvel élan au mouvement nationaliste derrière le slogan « pas de contribution sans représentation » [24]. Le principal agent en est, au sein de la mouvance nationaliste, le parti du Congrès qui adopte au sortir de la guerre, sous l’égide de Mohandas Karamchand Gandhi, une nouvelle stratégie, avec l’organisation de grandes mobilisations (agitation contre les Rowlatt Acts, mouvement de non-coopération, etc.). Au niveau local, est fondée à Bombay en 1918 la Municipal Reform Association (ci-après MRA), qui exige que tous les membres de l’assemblée municipale soient élus et que le droit de vote soit désormais accordé selon le montant du loyer payé par l’électeur, qu’elle voudrait voir fixé à cinq roupies par mois, ce qui équivaudrait à faire accéder au suffrage 20 % de la population urbaine. Dans ce contexte, la MRA et d’autres fractions de la mouvance nationaliste perçoivent l’agitation pour la promulgation d’une loi de contrôle des loyers comme une occasion d’affermir et d’étendre leur hégémonie sur la sphère de la politique locale. Les groupes nationalistes, et tout particulièrement le plus important d’entre eux, le parti du Congrès, possèdent alors essentiellement une implantation urbaine ; ils recrutent leurs cadres et leurs militants au sein de l’intelligentsia éduquée dans le système éducatif mis en place par les Britanniques ainsi que parmi les artisans et les boutiquiers. Ces catégories restent alors très majoritairement exclues du suffrage censitaire mis en place en 1872. Prendre pour cible les propriétaires, qu’ils accusent d’être des profiteurs de guerre, permet aux nationalistes de s’en prendre aux classes possédantes de la ville et, par un habile glissement, au monopole que celles-ci détiennent sur la gestion des affaires municipales. La figure du « propriétaire cupide » que décrivent à satiété certains journaux prend dans leur discours une dimension politique liée à la défense des droits politiques de leurs partisans. Comme l’écrit un correspondant anonyme du Times of India dans une lettre parue le 9 janvier 1918 :
Les grands propriétaires et marchands sont les maîtres de toutes les institutions publiques et aussi honnêtes et bien pensants qu’ils puissent être, on ne doit pas attendre de la nature humaine qu’ils renoncent à leurs avantages pour le bien des autres. Il devient donc nécessaire pour les « autres », pour les locataires et les consommateurs, de faire valoir et de défendre leurs propres intérêts [25].
12La participation active de certains militants nationalistes au mouvement des locataires des classes moyennes avive donc leur prétention à représenter et à défendre les intérêts du plus grand nombre.
13Si les nationalistes sont les plus actifs dans la campagne pour la promulgation d’une loi de contrôle des loyers, l’agitation reçoit cependant un soutien politique plus large, ce qui renforce ses chances d’être prise en compte par les autorités coloniales. Une partie influente du groupe des Moderates, mouvance politique engagée dans une stratégie de collaboration avec le pouvoir britannique, prend aussi position en faveur des locataires [26]. L’engagement d’un de ses principaux leaders, Narayan Chandavarkar, figure éminente du mouvement de réforme sociale de la ville, explique en partie leur perméabilité à cette cause. Celle-ci est cependant aussi conditionnée par la proximité des Moderates avec les intérêts industriels de la ville. Le patronat de Bombay se montre alors plutôt favorable à un type de législation qui pourrait permettre de contenir les revendications salariales de sa main-d’œuvre [27].
14Contrairement à la situation qui prévaut dans la métropole à la même période, ce sont les classes moyennes et non les ouvriers qui se trouvent à l’avant-garde des luttes de locataires à Bombay. Celles-ci acquièrent rapidement une dimension politique puisqu’elles se trouvent reliées, en raison de leur investissement par certaines fractions du mouvement nationaliste, à l’enjeu plus global de la représentativité des institutions locales. L’absence de participation des classes populaires à ces mobilisations ne suffit pas, cependant, à invalider l’idée reçue selon laquelle la législation mise en place par le pouvoir colonial relèverait d’une politique sociale en faveur des travailleurs. Ces derniers peuvent en effet tirer profit de lois qu’ils n’ont pas réclamées. Il nous faut donc étudier dans le détail les dispositifs mis en place, afin de déterminer, d’une part, quels bénéfices politiques ou sociaux les Britanniques ont cherché à s’assurer par leur adoption et, d’autre part, s’ils pouvaient s’avérer efficaces pour protéger les plus démunis.
La promulgation des lois de contrôle des loyers : dépolitiser la question du logement ?
15La chronologie de la promulgation des deux lois de contrôle des loyers fournit une première indication quant aux objectifs poursuivis en priorité par le pouvoir colonial. Une première loi – le Bombay Rent (War Restrictions) Act II of 1918 – est en effet très rapidement votée par le Conseil législatif, le texte étant mis en discussion le 15 mars et adopté dès le 23. Alors que le dispositif métropolitain ne s’applique qu’aux logements d’un loyer de moins de trente-cinq livres, celui qui est mis en place à Bombay ne mentionne aucun plafond [28]. Sa protection s’étend donc bien au-delà des locataires les plus modestes. Il répond, en outre, aux deux principales revendications exprimées durant la campagne orchestrée par les classes moyennes en empêchant la hausse des loyers et en offrant des garanties aux locataires contre les procédures d’expulsion [29]. Tant que ces derniers sont disposés à payer le loyer de référence fixé par la loi – qui correspond au montant payé au 1er janvier 1916 augmenté de 10 % – « aucun tribunal ne peut prononcer d’avis d’expulsion » [30].
16Le dispositif d’application de la loi de mars 1918 fait cependant qu’elle ne peut être mobilisée que par les classes dotées d’un certain capital économique et culturel, voire d’une certaine familiarité avec les institutions et procédures judiciaires. Comme l’explique un haut fonctionnaire municipal, il est impossible « de se fonder uniquement sur les registres municipaux de 1914-1915 » pour fixer le loyer de référence. Les locataires doivent donc, pour étayer leur plainte, produire « les quittances de loyer […] pour janvier ou février ou mars 1915 » [31]. Or ce n’est pas une pratique courante des propriétaires d’habitat populaire de délivrer ce type de pièce. En outre, « cette loi ne prévoit aucun dispositif particulier pour obtenir justice en dehors des tribunaux civils ordinaires » [32]. Afin de faire valoir ses droits, le locataire doit donc être en mesure de les porter et de les défendre devant un tribunal, ce qui requiert des ressources spécifiques dont les classes populaires sont dépourvues.
17Les autorités coloniales reconnaissent elles-mêmes qu’un tel dispositif les exclut de fait. C’est en effet une des principales raisons invoquées pour faire voter la seconde loi qui ne concerne, cette fois, que les logements loués pour moins de vingt roupies par mois. Suivant son préambule, « il a été démontré que les catégories de locataires que cette loi est censée protéger sont incapables d’avoir recours à un tribunal civil et il est nécessaire de mettre à disposition des moyens sommaires de recouvrement » des trop perçus de loyers [33].
18Pour autant, le fait que le gouvernement ne présente cette seconde loi au Conseil législatif que le 30 juillet 1918, alors que sa première session touche à sa fin, montre que sa priorité n’est pas d’offrir une protection aux classes populaires [34]. Il a d’abord cherché à répondre aux demandes explicitement formulées par les classes moyennes et ainsi à neutraliser le bénéfice que le mouvement nationaliste pouvait tirer de la poursuite de la mobilisation des locataires et de sa politisation dans laquelle celui-ci jouait un rôle actif. En allant à l’encontre des intérêts des propriétaires de la ville, l’État colonial peut aussi se targuer d’agir pour l’intérêt commun et offrir un gage de bonne volonté à ceux qui critiquent le manque de représentativité de l’institution municipale, en montrant qu’il se délie de l’alliance traditionnelle tissée avec les classes possédantes.
19Il serait toutefois exagéré de considérer la promulgation de la première loi de contrôle des loyers comme une attaque frontale des intérêts des propriétaires. Outre une augmentation de 10 % des loyers, que ne concède pas la législation métropolitaine, le dispositif leur offre un certain nombre de garanties, notamment par rapport aux procédures d’expulsion. Les propriétaires peuvent toujours y avoir recours en cas de « mauvaise conduite » de leurs locataires ou lorsque le tribunal reconnaît qu’ils possèdent une raison valable de le faire [35]. Cette dernière disposition ménage aux magistrats une large marge d’interprétation, sans même prendre en compte le fait que des intérêts de classe influent fréquemment sur leurs jugements, ni les tentatives de corruption auxquelles ils peuvent être soumis [36]. La loi de mars 1918 ne prévoit, enfin, aucune sanction à l’encontre d’un propriétaire qui aurait demandé ou perçu un loyer supérieur à celui fixé par le cadre légal, ce qui limite pour le moins, dans les faits, son efficacité.
20C’est aussi dans une large mesure ce souci de ménager les classes possédantes qui explique le retard avec lequel est votée la seconde loi. La première lecture du projet de loi par le Conseil législatif en juillet 1918 donne lieu à un « débat animé », bien plus houleux que celui qui avait précédé l’adoption du premier Rent Act [37]. Le texte finit par être renvoyé devant un comité restreint qui, contrairement encore à ce qui s’était passé en mars, propose une réécriture complèt [38]. Les critiques se concentrent sur deux clauses. L’une confère au gouvernement le droit de réquisitionner un logement « si le propriétaire refuse de [le] louer au loyer maximum » autorisé par la lo [39]. L’autre inflige une peine de prison pouvant aller jusqu’à six mois ou une amende qui peut s’élever jusqu’à mille roupies à « quiconque demande ou reçoit en connaissance de cause, que ce soit directement ou indirectement, comme loyer de tout local dont le loyer maximum a été fixé, toute somme en excédent du loyer maximum dudit local » [40].
21Une telle témérité peut surprendre de la part des autorités coloniales. Une première explication peut sans doute être trouvée dans la forte impression que les émeutes de la faim du 24 janvier 1918 ont laissée au pouvoir britannique. Ce dernier considère en effet la promulgation de cette seconde loi de contrôle des loyers comme un moyen supplémentaire d’enrayer la hausse des prix des denrées alimentaires. Comme l’explique le lieutenant-colonel Patrick Robert Cadell, secrétaire en chef du gouvernement de Bombay, dans une note du 25 mai 1918, « les locataires de ces boutiques sont, entre les mains des propriétaires, pécuniairement sujets à des exactions, auxquelles ils ne peuvent s’opposer et cette hausse des loyers entraîne une hausse des prix » [41]. L’État colonial doit, en outre, faire face à des demandes de plus en plus pressantes de la part de ses propres salariés, fortement affectés par la hausse du coût de la vie [42]. Une législation qui contrôlerait efficacement la hausse des loyers peut donc apparaître aux autorités comme une alternative souhaitable à des augmentations de salaires qu’elles répugnent à accorder [43].
22Pour autant, le souci de ne pas s’aliéner tout à fait le soutien des classes possédantes finit par l’emporter sur les intérêts de l’État colonial en tant qu’employeur. À la suite du renvoi du texte devant le comité restreint, la clause permettant la réquisition par les autorités des logements volontairement laissés vides est supprimée, ainsi que la peine de prison qui était à l’origine envisagée [44]. Dès lors, le principal dispositif accordé par la nouvelle loi réside dans la création d’un poste de Rent Controller, qui permet d’éviter le recours aux tribunaux. Ce fonctionnaire doit en effet fixer « le loyer de référence […] et [laisser] au propriétaire et au locataire le droit de faire appel de cette décision devant un comité » [45]. Les autorités tardent cependant à mettre en place le dispositif d’application nécessaire. Alors que la loi est votée le 24 septembre, le texte n’est publié que le 11 novembre 1918. Le gouvernement attend alors encore un mois avant de nommer le Rent Controller [46]. Celui-ci reçoit initialement pour mission de fixer le loyer de référence de tous les locaux de la ville dont le loyer est inférieur à vingt roupies [47]. Or, cette tâche nécessite l’emploi d’un personnel nombreux que les autorités refusent de financer. Elles préfèrent restreindre son activité « aux seuls cas ayant fait l’objet d’une plainte », ce qui réduit considérablement la portée de la loi [48]. Le 28 août 1918, soit un peu moins d’un an après sa promulgation, le Rent Controller précise qu’il n’a traité « que de 350 cas », un chiffre qu’il estime lui-même « bas » [49].
23Nous pouvons donc conclure qu’en ce qui concerne les lois de contrôle des loyers, les impératifs politiques de l’État colonial ont primé sur ses impératifs sociaux. En promulguant le premier Rent Act, le gouvernement colonial espère neutraliser l’agitation en cours et surtout les bénéfices que cherchent à en tirer les nationalistes. Il attend aussi un certain profit symbolique de son apparente opposition aux intérêts des propriétaires – plus apparente que réelle puisqu’un grand nombre de garanties leur sont en fait concédées. Les raisons sous-jacentes à l’adoption du second Rent Act relèvent plus nettement d’impératifs économiques et notamment des intérêts de l’administration coloniale en tant qu’employeur. Pour autant, le texte tel qu’il est promulgué en novembre 1918 a été expurgé des clauses les plus drastiques dont dépendait son efficacité et il ne reçoit pas un dispositif d’application suffisant pour offrir une réelle protection aux locataires les plus pauvres. Le gouvernement a finalement préféré ménager de potentiels soutiens politiques et limiter ses dépenses – la loi étant administrée a minima – plutôt que de chercher à limiter la détérioration des conditions de vie des travailleurs. Il reste à expliquer pourquoi, en dépit du souci des autorités britanniques d’épargner les intérêts des classes possédantes urbaines, ces mesures ont été prolongées pendant dix ans. Leur abandon en 1928 doit-il d’ailleurs être interprété comme une victoire des propriétaires ?
LesRent Acts, des révisions à l’abandon (1922-1928)
24Lorsqu’en août 1919, le gouvernement colonial doit décider de maintenir les deux lois pour la durée maximale permise par les textes, c’est-à-dire deux ans après la fin du conflit, la ville est en proie à une effervescence politique intense en raison de l’agitation lancée par Gandhi contre les lois d’exception, les Rowlatt Acts, et du mouvement pour le califat [50]. Dans ce contexte, il paraît dangereux de renoncer à des mesures qui ont été réclamées par une partie du mouvement nationaliste. Le gouvernement les maintient donc en vigueur. Lors des discussions sur leur prorogation en 1922 et 1925, de nouvelles campagnes d’opinion en leur faveur ont lieu. Une différence notable avec les mobilisations précédentes réside cependant dans le fait que ces demandes trouvent cette fois un relais au sein même du Conseil législatif issu des réformes Montagu-Chelmsford de 1919 [51], notamment en la personne de Khurshed Framji Nariman, un avocat parsi, élu du Swaraj Party [52]. Après l’échec apparent du mouvement de non-coopération, la première mobilisation de masse initiée par le Congrès entre 1920 et 1922, certaines fractions du parti se tournent en effet vers des luttes plus institutionnelles et fondent en 1923 le Swaraj Party, en vue de prendre part aux élections des assemblées provinciales réformées qu’ils avaient boycottées en 1920. En 1919 est aussi fondée la Bombay Tenants’ Association, dans le but de lutter pour le maintien des lois de contrôle des loyers [53].
25Si, pour répondre à ces pressions, le gouvernement colonial prend lui-même l’initiative dans ce sens, c’est en faisant d’importantes concessions en faveur des propriétaires. Ainsi, lorsque les lois sont pour la première fois rediscutées, entre septembre et décembre 1922, le Conseil décide de supprimer la protection accordée aux locataires des échoppes et des bureaux et de ne plus contrôler que les loyers des seuls logements [54]. Pour ces derniers, le pourcentage d’augmentation autorisé est relevé : alors qu’il avait été plafonné en 1918 à 10 % au-dessus du loyer de 1916, en 1922, une hausse de 15 % est permise pour les loyers de moins de cinquante roupies et elle atteint les 33,5 % pour les loyers de plus de cinq cents roupies [55]. En 1925, lors de la dernière prorogation, trois nouvelles concessions sont accordées aux propriétaires. Le gouvernement supprime tout d’abord les contrôles sur les loyers supérieurs à quatre-vingt-cinq roupies, ce qui provoque une grande déconvenue du côté des défenseurs proclamés des locataires [56]. Les propriétaires sont en outre autorisés à augmenter chaque année leurs loyers de manière substantielle. Dans le cas des loyers inférieurs à cinquante roupies, la loi concède désormais une hausse de 30 % par rapport au montant de 1916 pour l’année 1926, de 40 % pour 1927 et de 50 % pour 1928. Pour les loyers supérieurs à cinquante roupies, les hausses permises sont, pour ces mêmes trois années, de 40, 50 et 60 % [57]. Enfin, les procédures d’expulsion se trouvent facilitées par l’ajout d’une nouvelle clause en vertu de laquelle un logement qui n’est pas occupé pendant plus de six semaines et dont le loyer reste impayé pendant plus d’un mois perd la protection offerte par les lois [58].
26Les deux séries d’amendements de 1922 et de 1925 finissent donc par restreindre considérablement le champ d’application des Rent Acts et amoindrir les deux principaux avantages qu’elles présentaient pour les locataires, le blocage des loyers et l’assurance contre l’expulsion. Il est tentant de voir dans cette inflexion progressive de la législation, dans un sens de plus en plus favorable aux intérêts des propriétaires, un retour des autorités coloniales à leur alliance ancienne avec les classes possédantes de la ville, que confirmerait l’abandon des Rent Acts en 1928. En dépit des réformes introduites en 1922, qui ont abaissé le montant du cens exigé pour obtenir le droit de vote aux élections municipales, l’emprise des propriétaires sur la vie politique locale n’a connu qu’un déclin relatif. Ils conservent d’importants relais comme la Landlords’ Association, qui organise des réunions publiques et des campagnes de pétition lors de chaque prorogation des lois de contrôle des loyers [59].
27Il est cependant difficile de ne voir dans les atténuations considérables apportées aux lois de contrôle des loyers qu’une preuve de la volonté des autorités coloniales de satisfaire, voire de reconquérir, cette puissante élite, ne serait-ce que parce que le groupe des possédants urbains, bien loin d’être uniforme, est traversé par d’importants clivages politiques. Comme l’a montré A. D. D. Gordon, l’on compte des propriétaires aussi bien dans les rangs des partis loyalistes qu’au sein des différents groupes nationalistes [60]. En restreignant la portée des lois de contrôle des loyers, les Britanniques peuvent donc tout au plus espérer contenter les éléments qui leur sont déjà politiquement les plus proches.
28C’est la situation politique et sociale explosive qui avait forcé les autorités en 1918 à mettre en œuvre les Rent Acts afin de maintenir leur domination. Avec le reflux de l’agitation nationaliste, les priorités anciennes – notamment en matière budgétaire – regagnent du terrain et les voix discordantes recommencent à se faire entendre. Certains segments de l’État colonial s’opposent ainsi de plus en plus ouvertement au contrôle des loyers. Ainsi, le Collector qui administre les propriétés immobilières et foncières du gouvernement, ainsi que les agences coloniales possédant d’importants patrimoines comme le Port Trust dénoncent farouchement des mesures contraires à leurs intérêts. C’est notamment dans cette perspective qu’il faut placer la décision prise en 1924 de lever les contrôles sur les échoppes, les entrepôts et les bureaux. Du point de vue des autorités, il y a d’autant moins de raisons de conserver aux boutiquiers, aux commerçants ou encore aux professions libérales le bénéfice de la protection des lois que c’est dans ces catégories socioprofessionnelles que se recrutent les militants les plus fidèles du Congrès. Elles ne peuvent donc espérer tirer grand profit politique d’une législation qui, en revanche, nuit considérablement à leurs intérêts fonciers, le Port Trust étant un des principaux propriétaires de ce type de locaux.
29Le dernier facteur qui peut expliquer les reculs sur les droits des locataires est la marginalisation croissante des partisans de ces mesures, qui finissent par être identifiés avec les fractions les plus radicales du mouvement nationaliste. Si, au lendemain du conflit, la décision de mettre en œuvre une législation de ce type avait pu rencontrer un assentiment assez général, le reflux de l’agitation sociale et politique entraîne une désaffection grandissante à son égard. L’influente élite industrielle de la ville, par exemple, qui avait accueilli favorablement les deux lois en 1918, ne tarde guère à changer d’opinion à leur sujet. Elle avait en effet escompté de leur promulgation qu’elle contribuerait à apaiser les ouvriers. Mais en 1925, alors que l’industrie textile a connu trois grèves générales, ces espoirs sont très largement déçus et ces lois n’apparaissent plus que comme une gêne dans l’administration des logements que certains industriels ont construits pour une partie de leur main-d’ œuvre [61].
30Le plus puissant soutien politique en faveur de ces mesures est à chercher au sein du mouvement nationaliste. Or, après la suspension du mouvement de non-coopération, ce dernier connaît une série d’évolutions qui le rendent de moins en moins apte à défendre efficacement les droits des locataires. Suivant les analyses de Ravinder Kumar, cette période marque un rétrécissement de la base sociale du Congrès et une implication grandissante de ce dernier dans des logiques institutionnelles [62]. Le rôle – notamment financier – que jouent les classes possédantes, et notamment les propriétaires immobiliers, au sein de la nébuleuse nationaliste explique ainsi le refus du leader du Swaraj Party, Mukund Ramrao Jayakar, de s’engager nettement aux côtés des locataires, au motif que « le parti Swarajiste représente aussi bien les propriétaires que les locataires » [63]. Son abstention, ainsi que celle de cinq autres Swarajistes, en 1925, lors du vote d’une proposition de loi visant à proroger le contrôle des loyers des boutiques et des bureaux que le gouvernement veut supprimer, est lourde de conséquences. La proposition est en effet rejetée par quarante-trois voix contre quarante et une [64].
31Cet épisode suscite d’importantes tensions au sein de la mouvance nationaliste et participe d’une série de désaccords internes qui finissent par entraîner des défections [65]. En 1926, un certain nombre de Swarajistes, menés M. R. Jayakar, choisissent de former un nouveau groupe, appelé « Responsivist », qui prône la mise en œuvre d’une « collaboration responsable » avec les autorités coloniales [66]. En partie du fait de ces divisions, la position des nationalistes dans les assemblées municipales et provinciales se trouve affaiblie après le scrutin de 1926. Ils ne sont plus que trente à siéger à l’assemblée municipale, contre quarante-sept en 1923, et, comme le montre le tableau ci-dessous, leur poids au sein du Conseil législatif est en net recul.
Répartition par partis au sein du Conseil législatif (1923 et 1926)
Répartition par partis au sein du Conseil législatif (1923 et 1926)
32Ainsi, lorsqu’en 1928 débute une campagne pour demander une nouvelle prorogation des lois de contrôle des loyers, les Swarajistes ne sont pas en mesure de peser sur les décisions prises au sein du Conseil. D’autant plus que l’annonce de la nomination, à la fin de l’année 1927, de la commission Simon, censée proposer de nouvelles réformes politiques pour la colonie, et le regain d’agitation nationaliste auquel elle donne lieu modifient sensiblement le rapport de forces et l’attitude des autorités coloniales à leur égard [67]. À l’approche de ce nouvel affrontement, les Britanniques sont d’autant moins enclins à patronner une mesure portée par leurs adversaires et qui pourrait leur aliéner des soutiens politiques importants.
33Il semble donc impossible d’appliquer aux lois adoptées à Bombay le cadre interprétatif forgé pour la métropole et d’analyser leur promulgation comme une évolution de l’État colonial dans le sens d’un accroissement de ses responsabilités en matière sociale. En Grande-Bretagne, la prolongation des mesures de contrôle des loyers s’est accompagnée de la mise en place d’une ambitieuse politique du logement, qui a fait de ce domaine l’un des principaux pivots de la politique sociale décidée au lendemain du conflit. À Bombay, non seulement le maintien des Rent Acts n’a pas débouché sur la mise en œuvre d’une politique de logement social mais la promulgation même de ces lois ne répondait pas aux mêmes objectifs qu’à Londres [68]. Alors qu’en Grande-Bretagne, la législation de 1915 avait clairement pour but de juguler l’agitation ouvrière en assurant aux travailleurs un secours efficace contre la spéculation en cours sur les logements, les lois mises en place dans la ville indienne ont une finalité plus explicitement politique. La priorité des autorités coloniales est en effet d’assurer le maintien de leur domination, mise à mal par le renouveau de combativité du mouvement nationaliste, qui trouve dans l’agitation pour le contrôle des loyers un terrain favorable à son développement. Il est d’ailleurs impossible de trouver dans le discours des autorités de Bombay des inflexions qui dénoteraient leur acceptation de nouveaux devoirs en matière de politique sociale. Elles ne se départent pas, jusqu’en 1928, de la rhétorique de « l’assistance », qui se rattache à leur paternalisme officiel, et du registre de « l’exceptionnel » créé par la situation de guerre.
34La promulgation des lois de contrôle des loyers marque néanmoins un précédent en ce qu’elle constitue la première intervention de l’État colonial dans les rapports locatifs. Il serait exagéré d’analyser ces lois comme une vraie remise en cause de l’alliance traditionnelle tissée avec les classes possédantes urbaines, les autorités de Bombay cherchant à ménager bien plus que ne le font les mesures métropolitaines les intérêts de ces dernières ; elles n’en instaurent pas moins une reconnaissance formelle des droits des locataires, que les plus dotés d’entre eux parviennent à faire valoir. Ces derniers finissent même par considérer comme un acquis à défendre ce qui n’était pour les autorités qu’une solution temporaire. Bien loin donc de faire disparaître le mouvement de locataires des classes moyennes, la mise en place des Rent Acts l’a au contraire poussé à s’organiser et à se structurer. Elle a entraîné la création d’associations pérennes, devenues des agents actifs de la vie politique locale au même titre que les regroupements de propriétaires. Cette modification relative du rapport de forces ne vaut néanmoins, dans les années 1920, que pour les fractions les plus aisées des locataires. L’absence de mobilisation préalable des classes populaires sur la question du logement, mais surtout le manque d’efficacité du dispositif juridique mis à leur disposition en 1918 n’ont pas suscité une réorganisation des pratiques collectives de ces dernières et l’unification de leurs intérêts en tant que locataires. Ce n’est qu’avec le nouveau contexte introduit par la crise des années 1930 que des demandes dans ce domaine émergent du côté des travailleurs de Bombay.
35La revendication d’une loi de contrôle des loyers est enfin identifiée à partir des années 1920 comme un moyen de mobilisation efficace pour les partis politiques. Lorsque sont organisées en 1937, à la suite de nouvelles réformes politiques, les élections provinciales, cette mesure figure en bonne place dans le programme du parti du Congrès, qui peut faire valoir son soutien aux mouvements de locataires. Avec l’adoption du suffrage universel après l’indépendance et l’explosion démographique que connaît Bombay dès la fin des années 1940, ce type de législation devient un formidable levier électoral, en même temps qu’un palliatif à l’absence de volonté politique de mettre en place une réelle politique publique de logement. L’ensemble de ces facteurs explique qu’en dépit de multiples remises en cause la loi de contrôle des loyers de 1947 – héritée des mesures prises pendant la Seconde Guerre mondiale – soit aujourd’hui encore en vigueur à Bombay.
Notes
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[*]
Chargée de recherche au CNRS-CEIAS (Centre d’Études de l’Inde et de l’Asie du Sud, EHESS).
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[1]
Je remercie vivement Fabien Archambault, Loïc Artiaga et Julien Vincent pour leurs relectures et commentaires, qui ont beaucoup enrichi cet article.
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[2]
Voir notamment la synthèse de J. Winter et J.-L. Robert (dir.), Capital Cities at War, Paris, London, Berlin, 1914-1919, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, et les remarques comparatives de P. Purseigle,“‘Wither the local?’ Nationalization, modernization, and the mobilization of urban communities in England and France, c.1900-1918”, in O. Zimmer, W. Whyte (eds.), Nationalism and the Reshaping of Urban Communities in Europe, 1848-1914, Basingstoke ; New York, Palgrave, 2011, p. 182-203.
-
[3]
D. Englander, Landlord and Tenant in Urban Britain, 1838-1918, Oxford, Clarendon Press, 1983 ; S. Magri, « Les propriétaires, les locataires, la loi. Jalons pour une analyse sociologique des rapports de location, Paris 1850-1920 », Revue française de sociologie, xxxvii-3, juillet-septembre 1996, p. 397-418 ; S. Magri,“Housing”, in J. Winter et J.-L. Robert (dir.), Capital Cities…, op. cit., p. 374-418.
-
[4]
K. N. Chari, History of Bombay, 1918-1939, mémoire de thèse non publié, Université de Bombay, 1983, p. 5-6.
-
[5]
A. D. D. Gordon, Businessmen and Politics: Rising Nationalism and a Modernising Economy, 1918-1933, Delhi, Manohar Publishers, 1979, p. 132.
-
[6]
Témoignage d’A. E. Mirams, Minutes of Evidence Taken Before the Indian Industrial Commission 1916-1918, Calcutta, Superintendent Government Printing, 1919, vol. IV, (Bombay), p. 367.
-
[7]
Sur le programme de logement, voir V. Caru, « La fabrique du logement ouvrier à Bombay : réalisations publiques et pratiques habitantes (1898-1926) », Histoire Urbaine, n° 19, 2007/2, juillet 2007, p. 55-76.
-
[8]
M. Dossal, Imperial Designs and Indian Realities: The Planning of Bombay City, 1845-1875, Bombay, Oxford University Press, 1991.
-
[9]
A. D. D. Gordon, Businessmen and Politics…, op. cit., p. 132.
-
[10]
Bombay Legislative Council Debates (ci-après BLCD), 1918, Maharashtra State Archives, Mumbai (ci-après MSA), intervention de G. Carmichael, p. 245 : « Opinion was strongly in favour of [the legislation] ».
-
[11]
La ville est de nouveau soumise, depuis 1947, à une législation de contrôle des loyers très fortement critiquée et sans cesse remise en question, sans pour autant qu’aucun parti n’ose l’abroger. Voir M. Dossal, Theatre of Conflict, City of Hope: Mumbai, 1660 to Present Times, New Delhi, Oxford University Press, 2010, p. 226-227.
-
[12]
Sur les travaux mentionnant les Rent Acts, voir notamment : N. Chari, History of Bombay, op. cit., p. 18 ; S. Hazareesingh, The Colonial City and the Challenge of Modernity: Urban Hegemonies and Civic Confrontations in Bombay, 1900-1925, New Delhi, Orient Longman, 2007, p. 105.
-
[13]
Ibid., p. 104.
-
[14]
R. Newman, Workers and Unions in Bombay, 1918-1929: A Study of the Organization in the Cotton Mills, Canberra, Australian National University, 1981, p. 125-135.
-
[15]
D. Englander, Landlord and Tenant…, op. cit., p. 194 : « during the war, that struggle was fought principally upon the question of rent determination ».
-
[16]
Ibid., chapitres 10 et 11.
-
[17]
R. Chandavarkar, The Origins of Industrial Capitalism in India: Business Strategies and the Working Classes in Bombay, 1900-1940, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, p. 124-167.
-
[18]
Dans le témoignage écrit qu’il fait parvenir à l’Indian Industrial Commission, A. E. Mirams fait valoir – à partir des résultats d’une enquête qu’il a menée lui-même – que le revenu moyen d’une famille ouvrière est de 25,7 roupies par mois. Sur cette somme, 14 roupies sont consacrées à la nourriture, 4 au loyer. Il établit que plus de 80 % des ménages sont endettés et que les intérêts payés à l’usurier s’élèvent en moyenne à 7 roupies par mois, ce qui porte les dépenses totales à 26,5 roupies par mois, une somme supérieure au revenu familial. Voir Minutes of Evidence Taken Before the Indian Industrial Commission 1916-1918, vol. IV (Bombay), op. cit., p. 366.
-
[19]
Times of India (ci-après TOI), 8 mars 1918, Londres, Colindale Library (ci-après CL), p. 5.
-
[20]
S. Hazareesingh, The Colonial City…, op. cit., p. 171 : « the organ of the English-educated professional intelligentsia ».
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[21]
TOI, janvier-mars 1918, CL.
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[22]
TOI, 12 janvier 1918, CL, p. 8.
-
[23]
P. Kidambi, The Making of an Indian Metropolis. Colonial Governance and Public Culture in Bombay, 1890-1920, Aldershot, Ashgate, 2007, p. 157-201.
-
[24]
R. Holland,“The British Empire and the Great War, 1914-1918”, in J. M. Brown et W. M. R. Louis (dir.), The Oxford History of the British Empire, vol. IV, The Twentieth Century, Oxford, Oxford University Press, 1999, p. 123-124.
-
[25]
TOI, 9 janvier 1918, CL, p. 5 : « Great landlords and merchants are the masters of all the public bodies and however honest and well meaning they may me, it is not to be expected of human nature that they should forego their advantages for the sake of others. It therefore becomes necessary for“the others”, for the tenants and the consumers, to take steps to proclaim and protect their own interests ».
-
[26]
TOI, 13 mars 1918, CL, p. 10.
-
[27]
A. D. D. Gordon, Businessmen and Politics…, op. cit., p. 134-135.
-
[28]
Pour plus de détails sur la législation métropolitaine, voir notamment S. Magri,“Housing”, in J. Winter et J.-L. Robert (dir.), Capital Cities…, op. cit., p. 391.
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[29]
BLCD 1918, MSA, p. 245-275 et p. 380-414.
-
[30]
General Department (ci-après GD), 1920, Compilation 1138, note du 28 août 1919, MSA, p. 25 : « no eviction order shall be passed by a Court ».
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[31]
GD 1918, Comp. 1136, note du Municipal Commissioner de mars 1918, MSA, p. 21 : « cannot solely rely on the municipal records of 1914-1915 » et p. 26-27 : « rent receipts […] for January or February or March 1915 ».
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[32]
GD 1920, Comp. 1138, note du 28 août 1919, MSA, p. 23 : « This Act provides no special machinery for providing relief apart from the ordinary civil courts ».
-
[33]
GD 1918, Comp. 1136, Statement of objects and reasons, MSA, p. 123 : « It has been shown that tenants of the classes for which the bill provides are unable to apply to a civil court and it is necessary to furnish summary means for recovery ».
-
[34]
BLCD 1918, MSA, p. 580-623.
-
[35]
GD 1920, Comp. 1138, note du 28 août 1919, MSA, p. 23 : « bona fide requires the premises for the erection of buildings of for his own occupation, or for some other cause found satisfactory to the Court ».
-
[36]
Les interprétations faites de cette clause ne tardent d’ailleurs pas à susciter des plaintes de la part des défenseurs des locataires. Voir GD 1920, Comp. 1138, lettre de G. Scrinzi du 22 juin 1920, MSA, p. 117.
-
[37]
TOI, 31 juillet 1918, CL, p. 8 : « an animated debate ».
-
[38]
BLCD 1918, session du 24 septembre 1918, intervention de G. Carmichael, MSA, p. 828 : « a complete redraft ».
-
[39]
GD 1918, Comp. 1136, Statement of objects and reasons, MSA, p. 123 : « if the landlord refuses to let at the maximum rent ».
-
[40]
Ibid., projet de loi pour le Bombay Rent Act (War Restrictions, n° 2), MSA, p. 117 : « Whoever knowingly demands or receives, whether directly or indirectly, on account of the rent of any premises of which the maximum rent has been fixed, any sum in excess of the maximum rent of such premises ».
-
[41]
GD1918, Comp. 1136, note de P. R. Cadell du 25 mai 1918, MSA, p. 107 : « The holders of these shops are peculiarly liable to exactions at the hands of the landlord which they are unable to resist and this raising of rent leads to raising of prices ».
-
[42]
S. Hazareesingh, The Colonial City…, op. cit., p. 105-106.
-
[43]
En ce qui concerne les salariés les moins bien payés, le gouvernement colonial a adopté une ligne de conduite très claire : il préfère – tout comme le patronat textile de la ville – accorder des primes et des aides plutôt que d’augmenter les salaires.
-
[44]
BLCD 1918, session du 24 septembre 1918, intervention de G. Carmichael, p. 829.
-
[45]
GD 1920, Comp. 1138, note du 28 août 1919, MSA, p. 26 : « to fix the standard rent and gives the landlord and the tenant a right of appeal from his decision to a committee ».
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[46]
TOI, 30 janvier 1919, CL, p. 8.
-
[47]
GD 1918, Comp. 1136, lettre du secrétaire du Revenue Department (War Purposes Branch) au Rent Controller n° 1434 du 26 avril 1919, MSA, p. 195.
-
[48]
GD 1920, Comp. 1138, lettre du Rent Controller au secrétaire du Revenue Department (War Purposes Branch) n° 481/A du 28 août 1918, MSA, p. 19 : « cases should be dealt with only on complaint ».
-
[49]
Idem, p. 19 : « only 350 » ; « small number ».
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[50]
Sur le rôle joué par Bombay dans les campagnes nationalistes de l’après-guerre, voir notamment J. Masselos,“Some Aspects of Bombay City Politics in 1919”, in R. Kumar (dir.), Essays on Gandhian Politics: The Rowlatt Satyagraha, Oxford, Oxford University Press, 1971 p. 145-88 ; R. Kumar,“From Swaraj to Purna Swaraj: Nationalist Politics in the City of Bombay, 1920-1932”, in D. A. Low (dir.), Congress and the Raj: Facets of the Indian Struggle, Londres, Heinemann, 1977, p. 77-107, et S. Hazareesingh, The Colonial City…, op. cit., p. 124-166.
-
[51]
Ces réformes instituent une plus grande représentativité du Conseil législatif. La majorité de ses membres est désormais élue et le droit de vote élargi. Cependant, seul un dixième des hommes adultes a accès au vote. Voir J. M. Brown,“India”, in J. M. Brown et W. M. R. Louis (dir.), The Oxford History of the British Empire, op. cit., p. 432.
-
[52]
J. Masselos, Indian Nationalism: A History, New Delhi, New Dawn Press, 5e éd., 2005, p. 170-171.
-
[53]
S. Hazareesingh, The Colonial City…, op. cit., p. 182.
-
[54]
BLCD 1924, session du 28 juillet, intervention de J. Addyman, p. 498-499.
-
[55]
BLCD 1922, session du 4 décembre, intervention de C. Setalvad, p. 767.
-
[56]
La Bombay Tenants’ Association réclamait en effet que le contrôle soit maintenu pour toutes les habitations dont le loyer est inférieur à 250 roupies, tandis que K. F. Nariman, pendant le débat au Conseil législatif, a cherché à faire adopter une limite de 150 roupies. Voir BLCD 1925, session du 27 juillet, intervention de K. F. Nariman, p. 589.
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[57]
TOI, 17 mars 1925, CL, p. 3.
-
[58]
BLCD 1925, session du 29 juillet, p. 734.
-
[59]
Voir par exemple TOI, 14 juillet 1924, CL, p. 11 et 24 février 1925, CL, p. 13.
-
[60]
A. D. D. Gordon, Businessmen and Politics…, op. cit., p. 158.
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[61]
Lors du débat de juillet 1925, les représentants du patronat qui siègent au Conseil proposent ainsi un amendement qui exempterait les logements construits par les usines de l’application des Rent Acts. Voir BLCD 1925, session du 28 juillet, p. 653-678.
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[62]
R. Kumar,“From Swaraj to Purna Swaraj…”, op. cit., p. 77-107.
-
[63]
TOI, 25 juillet 1924, CL, p. 7 : « a party question » ; « the Swarajist party represent both landlords and tenants and as such did not desire to take sides ».
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[64]
BLCD 1924, session du 28 juillet, p. 498.
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[65]
Ce vote est condamné par certaines réunions publiques, entraînant parfois des affrontements physiques entre militants nationalistes. Voir TOI, 25 juillet 1924, CL, p. 7.
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[66]
J. Masselos, Indian Nationalism…, op. cit., p. 170-172.
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[67]
Ibid., p. 171-172.
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[68]
Sur l’impossibilité de considérer comme une politique sociale le programme de logement mis en place dans les années 1920 par l’État colonial, voir V. Caru, « D’apparentes coïncidences. Bombay, les expériences métropolitaines et la question du logement des travailleurs, 1896-1926 », in A. Enders et F. Bensimon (dir.), Le siècle britannique. Variations sur une domination globale, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2012, p. 87-112.