Notes
-
[*]
Agrégé et docteur en histoire, chercheur associé au LARHRA (Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes), UMR 5190.
-
[1]
D. Pelletier, Économie et Humanisme. De l’utopie communautaire au combat pour le tiers-monde, 1941-1966, Paris, Éditions du Cerf, 1996?; O.?Chatelan, Les catholiques et la croissance urbaine dans l’agglomération lyonnaise pendant les Trente Glorieuses (1945-1975), thèse de doctorat d’histoire, sous la dir.?de D.?Pelletier, Université Lumière-Lyon 2, 2009.
-
[2]
V. Claude, Faire la ville. Les métiers de l’urbanisme au XXe siècle, Paris, Éditions Parenthèses, 2006, p.?168-173.
-
[3]
Archives municipales de Lyon, fonds Économie et Humanisme (ci-après AML-EH), 183 ii 144, note du groupe «?Cadre de vie?», sans date, vraisemblablement 1973.
-
[4]
J.-P. Blais, C. Gillio et J. Ion (dir.), Cadre de vie, environnement et dynamiques associatives, Paris, PUCA-La Défense, 2001.
-
[5]
Cet article s’inscrit également dans les perspectives plus larges énoncées dans l’éditorial d’un numéro récent du Mouvement Social, appelant à poursuivre les investigations autour d’une histoire de la recherche en France, en particulier à partir de ses structures et des conflits qui l’ont accompagnée?: J.-M.?Chapoulie, P. Fridenson et A.?Prost, «?Éditorial. Jalons pour une histoire sociale de la science et des établissements d’enseignement supérieur en France depuis 1945?», Le Mouvement social, n°233, octobre-décembre 2010, p.?3-12. Il prolonge également une réflexion collective pluridisciplinaire engagée en 2008-2010 au sein du programme «?Christiana. De l’urbanisme au développement?: des militants d’origine chrétienne dans la fabrique de la ville?», coordonné par Maryvonne Prévot.
-
[6]
Également appelé «?département?» dans certains documents dépouillés.
-
[7]
D. Pelletier, Économie et Humanisme, op. cit., p. 89.
-
[8]
Résultats parus en 1955 aux Éditions Bosc Frères sous le titre Lyon et sa région. Analyse et enquêtes pour l’aménagement du territoire. Sur la genèse de cette enquête, voir notamment O.?Chatelan, «?Expertise catholique et débuts de l’aménagement du territoire à Lyon (1945-1957)?», Chrétiens et sociétés, XVIe-XXIe?siècles, n°15, 2008, p.?107-128?; M.-C.?Meillerand, Penser l’aménagement d’une métropole au 20e?siècle. Enjeux territoriaux, acteurs locaux et politiques publiques dans la région lyonnaise, thèse de doctorat d’histoire, sous la dir.?de J.-L.?Pinol, Université Lumière-Lyon 2, 2010, p.?278-286.
-
[9]
L.-J. Lebret, J.-M. Albertini, R. Caillot, G. Célestin et R. Delprat, Guide pratique de l’enquête sociale, t. IV, L’Enquête en vue de l’aménagement régional, Paris, PUF, 1958.
-
[10]
Parmi ses articles dans les revues de l’association (hors dossiers spéciaux consacrés aux questions de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire)?: «?Le danger des “grands ensembles” en urbanisme?», Économie et Humanisme, novembre-décembre 1959, p.?81-82?; «?L’urbanisation, instrument de régionalisation?», ibid., mars-avril 1963, p.?76-81?; «?Équilibre ville-campagne???», ibid., décembre 1967, p.?77-78. Son enquête pour l’Organisation d’études d’aménagement des aires métropolitaines (OREAM) s’intitule L’insertion sociale des étrangers dans l’aire métropolitaine Lyon-Saint-Étienne (1967).
-
[11]
R. Caillot, L’Enquête-participation?: méthodologie de l’aménagement, Paris, Économie et Humanisme/Éditions ouvrières, 1972.
-
[12]
AML-EH, 183 ii 144, lettres du secrétaire général d’Économie et Humanisme A. Luchini aux membres du groupe «?Cadre de vie?», 14 novembre 1973 et 14 février 1975, et «?bilan des réponses?».
-
[13]
AML-EH, 183 ii 144, lettre d’A. Luchini, 14 février 1975.
-
[14]
Idem.
-
[15]
Paul Delouvrier a été le premier président de cette association devenue Agence de promotion des investissements dans l’Ouest.
-
[16]
J.-C. Damais et A. Nicollet, L’urbanisme au Havre, Rouen, Centre régional de documentation pédagogique, 1978. Albert Nicollet est également le fondateur en 1984 des Cahiers de sociologie économique et culturelle.
-
[17]
D’autres figures de l’Association populaire familiale ont joué un rôle dans l’aménagement urbain, comme Michel Hauchart à Grande-Synthe (Nord) dans les années 1970. Voir M.?Prévot et Ch.?Leclercq, «?La ZAC du Courghain à Grande-Synthe?: espace-témoin ou discours-témoin???», Lieux communs, n°13, septembre 2010, p.?90-111, en particulier p.?102.
-
[18]
AML-EH, 183 ii 144, document préliminaire du groupe de recherche «?Cadre de vie?», sans date (vraisemblablement 1973).
-
[19]
AML-EH, 183 ii 144, M. Bigeon, «?Les grandes voies de communication à travers le tissu urbain?», note, janvier 1974.
-
[20]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 2 février 1974.
-
[21]
AML-EH, 183 ii 144, M. Chesnot, «?L’urbanisme à Blois vu à travers l’expérience d’intervention de l’Association populaire familiale?», note, 5 mars 1974.
-
[22]
AML-EH, 183 ii 144, M. Chesnot, «?Urbanisation en ville moyenne et qualité de la vie?», note, 30 janvier 1973.
-
[23]
J. Labbens, L’Église et les centres urbains, Paris, Spes, 1958. Sur ce point, voir O.?Chatelan, «?La migration comme modèle de compréhension de la ville dans l’expertise catholique (du début des années 1960 à la fin des années 1970)?», in L.?Endelstein, S.?Fath et S.?Mathieu (dir.), Dieu change en ville. Religion, espace, immigration, Paris, Association française de sciences sociales des religions/L’Harmattan, 2010, p.?207-220.
-
[24]
AML-EH, 183 ii 144, M. Chesnot, «?Urbanisation en ville moyenne…?», loc. cit.
-
[25]
Pour reprendre le modèle d’interprétation proposé par F. Choay, L’urbanisme, utopies et réalités. Une anthologie, Paris, Le Seuil, 1965, p.?41-46. Voir également D.?Pelletier, Économie et Humanisme…, op. cit., p.?106-108.
-
[26]
I. Astier et J.-F. Laé, «?La notion de communauté dans les enquêtes sociales sur l’habitat en France. Le groupe d’Économie et Humanisme, 1940-1955?», Genèses, n°5, 1991, p.?81-106.
-
[27]
Alain Touraine, au moment du colloque de Dieppe sur «?les politiques urbaines et la planification des villes?» en 1974, explique que «?les chercheurs ne parlent plus de besoins, grâces leur en soient rendues, et les aménageurs ne parlent plus comme s’ils étaient en dehors de la société, comme s’ils étaient le souverain?» (cité dans P.?Lassave, Les sociologues et la recherche urbaine dans la France contemporaine, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1997, p.?48).
-
[28]
Cité par D. Pelletier, Économie et Humanisme…, op. cit., p.?109.
-
[29]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 16 mars 1974.
-
[30]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 15 décembre 1973.
-
[31]
AML-EH, 183 ii 144, comptes rendus des réunions du 15 décembre 1973, du 28 septembre 1974 et du 16 novembre 1974.
-
[32]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 16 novembre 1974.
-
[33]
AML-EH, 183 ii 144, comptes rendus des réunions du 15 décembre 1973, 2 février 1974, 16?mars 1974, 28 septembre 1974 et 16 novembre 1974.
-
[34]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 28 septembre 1974.
-
[35]
M. Quoist, La Ville et l’Homme. Rouen?: étude sociologique d’un secteur prolétarien suivie de conclusions pour l’action, Paris, Économie et Humanisme/ Éditions ouvrières, 1952.
-
[36]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 16 novembre 1974.
-
[37]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 15 décembre 1973.
-
[38]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 4 janvier 1975.
-
[39]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 1er mars 1975.
-
[40]
AML-EH, 183 ii 144, lettre du directeur de la revue Hugues Puel, 12 juin 1975.
-
[41]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 4 octobre 1975.
-
[42]
Pour un véritable pouvoir local, Économie et Humanisme, 233, février 1977.
-
[43]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 15 novembre 1975.
-
[44]
AML-EH, 183 ii 148, pochette «?réunion du 23 avril 1976?».
-
[45]
Il s’agit d’espaces ouverts rassemblant des acteurs hétérogènes (experts, élus, représentants d’une administration, d’une association, syndicalistes) appelés à délibérer, partager des informations composites (expériences vécues, savoirs d’ingénieurs) et produire des connaissances, voire proposer des solutions. Voir M.?Callon, P.?Lascoumes, Y.?Barthe, Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique, Paris, Le Seuil, 2001.
-
[46]
Éléments biographiques tirés de D.?Pelletier, Économie et Humanisme…, op. cit., p.?99 et 333.
-
[47]
AML-EH, 183 ii 144, bilan des réponses pour la réunion du 15 décembre 1973.
-
[48]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu des réunions des 4 octobre 1975 et 15 novembre 1975.
-
[49]
AML-EH, 183 ii 147, note sur le Glysi, mai 1980.
-
[50]
AML-EH, 183 ii 147, compte rendu du?week-end des 31 mai et 1er juin 1980 par Bernard Lecomte.
-
[51]
AML-EH, 183 ii 147, «?La recherche vue par chacun?», compte rendu du week-end des 31 mai et 1er juin 1980.
-
[52]
Le secteur s’intitule «?Cadre de vie et environnement?» à partir de 1976, puis «?Cadre de vie et développement?» après 1978 d’après les sources dépouillées.
-
[53]
AML-EH, 183 ii 147, rapport Tardy sur les schémas d’analyse institutionnelle, week-end de réflexion des 31 mai-1er juin 1980.
-
[54]
V. Claude, Faire la ville…, op. cit.
-
[55]
M. Nonjon, Quand la démocratie se professionnalise. Enquête sur les experts de la participation, thèse de doctorat de science politique, sous la dir.?de F.?Sawicki, Université de Lille 2, 2006.
-
[56]
M. Prévot et al., «?Les agences d’urbanisme en France?», Métropoles, n°3, 2008, mis en ligne le 17 septembre 2008. URL?: http://metropoles.revues.org/document2322.html
-
[57]
AML-EH, 183 ii 147, «?La recherche à EH vue par chacun?», week-end de réflexion des 31 mai-1er juin 1980.
-
[58]
AML-EH, 183 ii 147, note du Glysi, avril 1980.
-
[59]
AML-EH, 183 ii 147, «?La recherche à EH vue par chacun?», loc. cit.
-
[60]
AML-EH, 183 ii 147, «?Schémas d’analyse institutionnelle, week-end de réflexion des 31 mai-1er juin 1980?».
-
[61]
AML-EH, 183 ii 148, «?AEH Rencontres parisiennes 25 mai 1978 cadre de vie?».
-
[62]
AML-EH, 183 ii 148, lettre de Bernard Ganne et de Hugues Puel, 28 avril 1978.
-
[63]
P. Lassave, Les sociologues et la recherche urbaine…, op. cit., p. 48-50.
-
[64]
Comité d’histoire du ministère de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables, L’expérience du ministère de l’Environnement et du Cadre de vie (1978-1981). Actes de la journée d’études du 15 février 2007, Pour mémoire, hors-série, septembre 2007.
1L’association Économie et Humanisme (EH) est à l’origine de nombreuses enquêtes et réflexions qui ont fait de ce mouvement un des lieux reconnus de la production de savoirs urbains en France depuis la fin des années 1940. Cet intérêt précoce pour la ville se lit aussi bien dans le contenu des sessions consacrées à la sociologie religieuse et aux comités locaux d’aménagement dans les années 1950, que dans la curiosité que manifestent plusieurs de ses membres actifs, dont le fondateur Louis-Joseph Lebret lui-même, pour les problématiques d’aménagement du territoire et de maîtrise de la croissance urbaine au cours de la décennie 1960. Plusieurs auteurs se sont efforcés de montrer la richesse et la fécondité de ces travaux, qu’il s’agisse des enquêtes sur le logement pendant la Reconstruction ou encore des réflexions sur les «?luttes urbaines?» et leur signification dans les opérations d’aménagement au milieu des années 1970 [1].
2Le récent dépôt des archives de l’association aux Archives municipales de Lyon permet de connaître plus précisément ce qu’il advient de cette tradition de production d’études urbaines bien au-delà de la période Lebret (1941-1966). Parmi les fonds consultables, le cas de l’équipe parisienne «?Cadre de vie?» mérite une attention particulière. L’intérêt de ce groupe de recherche ne réside que très secondairement dans sa production scientifique, restée peu visible et surtout limitée dans le temps (1973-1976). Il est plutôt suscité par la position qu’occupent ou tentent alors d’occuper ses membres dans le champ de la recherche urbaine en France. Assimilable à un bureau d’études informel, cette équipe relève clairement de la «?famille des structures indépendantes?» repérée par Viviane Claude, mouvance qui se distingue à la fois des structures d’expertise créées sous l’égide des banques à partir du milieu des années 1950 et des organismes de type INSEE, nés après la guerre et portés par l’effort de planification et de modernisation de l’État [2]. Ce groupe de travail ne se réduit cependant pas à sa seule dimension scientifique. Il s’inscrit dans une tradition catholique militante qui prétend infléchir les pratiques des professionnels de l’urbanisme en sensibilisant élus et aménageurs à un certain nombre d’enjeux. L’équipe se propose notamment de réfléchir aux «?valeurs humaines impliquées dans le fait technique?» à partir d’analyses sur la «?morphologie urbaine?» [3].
3Il ne s’agit pas ici de proposer une sociologie des pratiques ou des revendications associatives en lien avec la problématique du «?cadre de vie?» telle qu’elle a déjà pu être abordée par différents auteurs [4], mais d’avancer quelques hypothèses pour rendre compte du fonctionnement interne et des débats constitutifs de ce type de structure d’expertise au cours des années 1970, dans une démarche qui se situe au carrefour de deux histoires traditionnellement peu croisées?: celle des recompositions religieuses et militantes, d’une part, et de la «?fabrique?» sociale et intellectuelle de la ville contemporaine d’autre part [5]. Sera d’abord évoquée la genèse de ce groupe parisien, dont le travail s’organise progressivement autour de quelques documents produits par des membres de l’équipe?; puis seront mises en évidence les difficultés rencontrées par cette structure pour fonctionner de façon pérenne et susciter une dynamique de recherche qui prenne l’urbain comme objet des investigations.
La genèse et les productions du groupe parisien «?Cadre de vie?» (1973-1976)
Une équipe resserrée autour de quelques membres actifs de l’association
4En décembre 1973, le groupe de recherche [6] «?Cadre de vie?» se met en place à Paris autour de deux personnalités de l’association Économie et Humanisme, André Villette et Robert Caillot. André Villette (1917-1992) exerce depuis les élections municipales de 1971 son deuxième mandat de maire de la commune de Fresnes (Val-de-Marne). Il est entré au conseil municipal de la commune en 1959. Sa formation a été fortement marquée par la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), à laquelle il a adhéré en 1932?: devenu président de la fédération du Calvados en 1937, il est entré au secrétariat national l’année suivante, tout en militant à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). Membre de l’équipe clandestine de Témoignage chrétien à Lyon pendant la guerre, il est entré en 1948 aux Éditions ouvrières dont il devient directeur jusqu’en 1982. Il encourage en particulier le développement de l’histoire sociale en s’associant au projet de Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier présenté par Jean Maitron. Robert Caillot (né en 1915) est en 1973 membre de l’équipe centrale d’Économie et Humanisme à Caluire et directeur d’enquêtes. Secrétaire de rédaction de la revue éponyme lorsque celle-ci a été créée par le père Lebret [7], il a notamment dirigé la vaste enquête réalisée par Économie et Humanisme à la demande du Comité pour l’aménagement et l’expansion économique de la région lyonnaise (1952-1954) [8]. Il a aussi co-rédigé sous la direction de Lebret le tome IV du Guide pratique de l’enquête sociale sur l’aménagement du territoire [9], est l’auteur de nombreuses enquêtes de sociologie urbaine et nourrit régulièrement la revue de l’association par des articles sur la ville contemporaine [10]. Peu avant la constitution du groupe «?Cadre de vie?», il a théorisé l’usage et les conditions de possibilité de l’«?enquête-participation?» [11].
5En mai 1973, dans le cadre d’une réflexion plus large au sein de l’association sur les effets de la civilisation technique sur le devenir des sociétés humaines, Villette et Caillot envoient un premier lot d’invitations pour créer un groupe de recherche intitulé «?cadre de vie?». À l’exception de Georges Clerc, conseiller municipal à Soisy-sous-Montmorency (Val-d’Oise), aucune des personnes contactées ne répond favorablement. Une nouvelle liste de membres pressentis est alors établie à l’automne?; une quinzaine de personnes se disent cette fois intéressées et une première réunion est organisée le 15 décembre 1973 au Centre Lebret, sis 9 rue Guénégaud à Paris [12]. C’est également là que se dérouleront les sept séances de travail qui se succèderont jusqu’en février 1975 [13]. Officiellement, les membres de ce groupe de travail ne sont «?pas seulement et surtout des spécialistes, mais aussi des usagers?» [14].
6Sans surprise, le groupe parisien se compose principalement de personnalités engagées sur le terrain de la ville. Georges Clerc et André Villette sont les seuls élus locaux. Beaucoup travaillent dans la région parisienne?: ainsi l’industriel Michel Bigeon, qui semble un ami de Villette, à Fresnes, ou Jean-Claude Le Mière à Versailles. Mais la moitié des membres habitent ou travaillent dans l’Ouest?: Jean-Louis Ceppe, domicilié à Bois-Guillaume en Seine-Maritime, travaille comme chargé de mission dans l’association Ouest-Atlantique fondée en octobre 1970 par un petit groupe d’industriels soucieux de régénérer le tissu industriel de leurs territoires [15]?; Jean-Philippe Damais, professeur des universités, spécialisé dans l’analyse des structures internes des espaces urbains, a principalement travaillé sur la ville du Havre et est conseiller technique de l’Agence d’urbanisme de la région du Havre de 1970 à 1986?; il a notamment écrit un ouvrage sur l’urbanisme havrais en collaboration avec un autre membre du groupe, Albert Nicollet, qui enseigne la sociologie au Havre [16]. Quant à Marc Chesnot, né en 1928, il milite avec sa femme Marie au sein de l’Association populaire familiale (APF) de Blois depuis le milieu des années 1960 [17]?; autodidacte, il a commencé sa carrière chez EDF-GDF comme dessinateur et a gravi les échelons au sein de l’entreprise pour terminer cadre au début des années 1980?; passé par la CFTC puis la CFDT, il est aussi membre du bureau de la fédération nationale Gazélec de 1967 à 1978.
7Au plan de la méthode, le groupe se propose initialement de procéder en trois temps?: un exposé sur un sous-thème de l’axe «?morphologie urbaine?» serait confié à un spécialiste du sujet?; suivrait une discussion avec les membres du groupe donnant lieu à une liste de questions à étudier pour les séances suivantes?; enfin un questionnaire serait établi sur la base de cette réflexion collective pour être soumis à d’autres spécialistes mais aussi à des usagers, afin de confronter les points de vue [18]. Dans la pratique, seules les deux premières étapes de la démarche sont conservées. Surtout, l’«?exposé de spécialiste?» devient en fait une brève étude urbaine intitulée «?note?», réalisée par l’un des membres du groupe à partir de son expérience personnelle et/ou professionnelle sur un enjeu local d’urbanisme.
Les travaux du groupe?: objet et limites
8Ces études sont en nombre limité, cinq en trois ans de fonctionnement du groupe, et de taille réduite, puisqu’aucune ne dépasse la dizaine de pages. Il faut les présenter et les résumer pour tenter d’identifier une éventuelle cohérence. Michel Bigeon rédige en janvier 1974 une note intitulée «?Les grandes voies de communication à travers le “tissu urbain”?». Il y étudie les problèmes posés par le tracé de l’autoroute A?86 et les protestations des riverains face au projet. Dans sa conclusion, il insiste sur le rôle grandissant de l’opinion publique et des élus locaux dans ce type d’aménagement [19]. Le travail de Jean-Louis Ceppe porte quant à lui sur l’opération d’urbanisme «?Saint-Sever?», démarrée en 1974 dans ce quartier du sud de l’agglomération rouennaise et destinée à implanter des bureaux et des commerces sur une quinzaine d’hectares. Pour l’auteur, il s’agit d’une décision avant tout politique visant à créer une nouvelle centralité à proximité du centre historique de Rouen et à pallier la ségrégation socio-spatiale qui se crée entre le nord de la ville, où dominent les activités tertiaires, et le sud, où se concentre l’industrie. Dans cette étude, Ceppe défend le projet social de la municipalité?: la construction de sept cents logements HLM est envisagée pour éviter l’éviction de la population résidente, des équipements culturels sont également prévus et Ceppe souligne que la ville de Rouen restera propriétaire des sols disponibles [20].
9Marc Chesnot est sans conteste le plus productif de l’équipe en termes d’études urbaines?: les archives de l’association gardent la trace de trois notes de synthèse rédigées entre janvier 1973 et mars 1974. Si l’une porte sur les difficultés rencontrées par une structure militante spécifique, l’APF, pour orienter les choix urbanistiques dans un contexte local défini, celui de l’agglomération blésoise [21], les deux autres méritent davantage d’attention car elles s’efforcent de faire monter en généralité des critiques formulées à partir d’études de cas. Dès janvier 1973, c’est-à-dire avant la constitution du groupe de recherche parisien, Chesnot avait rédigé une note de sept pages adressée au Comité d’urbanisme et d’environnement de la Ville de Blois intitulée «?Urbanisation en ville moyenne et qualité de la vie?», dans laquelle il faisait une analyse critique des opérations d’urbanisme menées dans l’agglomération. Ce document devient un document de travail pour le groupe «?Cadre de vie?». L’analyse ne cite pas de chiffres ou de données précises. Elle dénonce un certain nombre de «?contraintes?» qui ont conduit depuis plusieurs années à des aménagements peu soucieux des effets à long terme sur le cadre de vie des habitants?: la nécessité de rationaliser et d’industrialiser la production de logements après la guerre?; «?la projection sur les sites de quelques normes sectorielles considérées comme fondamentales et étroitement calculées par le pouvoir central?» dans un contexte de pénurie des capitaux publics et selon le seul critère de l’économie d’investissement?; ou encore l’imposition systématique de la «?vieille grille passe-partout?: habitat-travail (et services)-communications-loisirs?» [22].
10À l’inverse des élus et des services de l’État, qui ne proposeraient qu’un «?élargissement des normes?» sans mettre en cause la nature et les présupposés de ces réglementations d’urbanisme, Marc Chesnot invite à une «?problématique nouvelle?» pour que les préoccupations de qualité de vie de la population soient davantage prises en considération par les pouvoirs publics. Trois recommandations résument la démarche. D’une part, l’auteur s’applique à montrer l’importance des équipements de quartier intégrés à une stratégie d’animation culturelle. L’urbanisation rapide a en effet mis à mal les capacités même d’épanouissement des nouveaux arrivants?: «?Un passage brutal, dans ces conditions, de la vie rurale à la vie urbaine, voire industrielle, a pu provoquer des traumatismes et blocages culturels profonds?». Cette thématique du déracinement n’est pas nouvelle dans la mouvance du catholicisme social?: la sociologie religieuse l’a en particulier appliquée et adaptée dans les années 1950 au cas des grandes agglomérations [23]. D’autre part, une grande attention doit être portée aux problèmes de structuration de l’espace aux échelles locales et micro-locales?: les cheminements piétonniers, en particulier, devraient être conçus comme la structure et le réseau à partir desquels l’urbanisme peut être pensé pour «?se libérer de la dictature de la voiture?». Enfin, il faut envisager le cadre de vie comme une série d’«?enveloppes?» successives en relation avec les fréquences de déplacement et les tranches d’âge des habitants?: le logement constitue ainsi l’enveloppe la plus fréquentée par les tout-petits ou les personnes âgées, alors que celles de l’«?environnement immédiat des logements?», du «?quartier-unité de vie?» et de la «?ville moyenne en développement?» forment des cercles concentriques dans lesquels les surfaces et les aménagements sont distribués et dédiés à des usages déterminés à partir de seuils de distance et de population?– ainsi le café, le marché et les services à destination de la petite enfance sont à localiser au niveau du quartier-unité de vie dans un rayon inférieur à 800 mètres (12 minutes de marche à 4 km/h?!)?; de même, une ville moyenne ne doit pas excéder six à huit «?unités de vie?» de 15?000 habitants [24].
11Cette géométrisation de l’espace urbain rappelle les principes urbanistiques «?culturalistes?» [25] théorisés par Gaston Bardet. L’auteur des Principes d’urbanisme a publié plusieurs articles dans la revue fondée par le père Lebret pour s’opposer aux conceptions jugées destructrices de Le Corbusier. Pour soigner une ville devenue malade d’elle-même, le «?nouvel urbanisme?» qu’il appelle de ses vœux fait de chaque échelon (la famille, la paroisse, le quartier) un organe en interdépendance étroite avec les autres pour former un véritable corps vivant. Cet organicisme fondamental renvoie également à la notion de communauté telle que la décline l’association depuis ses origines?: à l’espérance d’un retour vers de petites unités équilibrées s’ajoute la crainte d’un éclatement de l’organisme urbain, qui nie les solidarités naturelles et l’interconnaissance des habitants [26].
12La deuxième étude proposée par Marc Chesnot est un essai de redéfinition théorique de ce que l’auteur nomme les «?systèmes urbains?». Cette expression ne se définit pas par l’interdépendance des villes dans un espace donné, mais par un ensemble complexe de paramètres donnant lieu à différentes configurations urbaines selon leur agencement. Ainsi, Marc Chesnot explique que le triptyque «?voiture individuelle – espace familial réduit – communication à base de télévision?» est par exemple fondamentalement pathogène pour la vie urbaine. L’auteur propose une matrice générale très élaborée qui doit contribuer à refonder un appareil conceptuel perçu comme insuffisant pour penser la ville contemporaine?: «?L’appareil conceptuel disponible […] a paru manquer à la fois de vigueur analytique et de rigueur synthétique, être un assemblage hétéroclite de normes administratives trop précises ou rigides et d’idées trop générales ou floues?». Contre une approche technocratique de l’urbain, l’ambition intellectuelle de l’auteur est de pouvoir rendre compte de façon exhaustive de l’ensemble des modèles possibles en urbanisme et de dévoiler les impensés des doctrines en matière d’aménagement urbain. «?L’idée de départ est de dégager les catégories vraiment fondamentales des besoins de tout homme dans toute ville et de les décomposer par étages, en catégories de plus en plus précises et de plus en plus concernées par l’urbanisme opérationnel?». Ce travail est original en ce qu’il s’éloigne des grilles d’analyse marxistes privilégiant la reproduction du capital et de la force de travail dans la ville, ou les luttes et la ségrégation socio-spatiale entre classes sociales?; il rappelle plutôt les diagrammes complexes élaborés par le père Lebret et ses collaborateurs pour diagnostiquer minutieusement les besoins des ménages, alors que la recherche urbaine s’est en partie construite contre cette approche dans les années 1960 [27].
13Il faut enfin remarquer que ces études ne s’appuient guère sur un appareil statistique précis. Les données quantitatives sont là pour donner un ordre de grandeur et rendre visible la situation, mais elles ne constituent pas une fin en soi. La question n’est pas ici de l’ordre de la compétence, mais proprement de l’éthique?: les auteurs de ces travaux paraissent toujours inquiets de perdre de vue les aspects qualitatifs du mode de vie urbain. Ce qui distingue les études réalisées par Économie et Humanisme d’autres investigations menées au même moment, c’est peut-être ce doute qui en creux sert de fil conducteur à ces enquêtes?: la ville telle qu’elle se construit et telle qu’elle a été jusque-là analysée n’est-elle pas en train d’oublier l’homme??
Quelles finalités?pour le groupe «?Cadre de vie?»?? L’expertise militante entre volontarisme et impuissance
14Le groupe parisien souhaite en effet inscrire ses travaux dans la recherche d’un bien commun qui dépasse le seul domaine technique. Si les thématiques d’espace local, de cadre de vie et de vie quotidienne sont bien celles qui dominent la recherche urbaine au même moment – en témoigne le colloque de Montpellier de 1978 –, le groupe ne parvient pourtant pas à fonctionner de façon durable.
À la recherche de critères pour un urbanisme «?humain?»
15Le projet semble clair?: les objectifs que s’assignent les différents membres s’inscrivent dans la tradition de l’économie humaine théorisée par Louis-Joseph Lebret dès 1947 et développée ensuite par Économie et Humanisme par le biais de ses sessions, de sa revue et des enquêtes. Cette réflexion part de l’hypothèse que l’économie doit se construire à partir des besoins de l’homme concret, et non se déduire de l’activité économique pour elle-même. La mobilisation d’un tel héritage débouche immanquablement sur une vision normative de l’urbanisme, qui propose d’instaurer une régulation dans la croissance anarchique des agglomérations et de se doter d’outils capables de maîtriser l’étalement urbain et ses effets néfastes. Dans son cours de 1947 intitulé «?Introduction générale à l’économie humaine?», Louis-Joseph Lebret avait utilisé la formule «?planification communautaire?» [28] qui paraît convenir assez bien pour qualifier la finalité de la recherche urbaine à Économie et Humanisme trente ans plus tard. Si la planification est devenue un mot d’ordre et un outil dans les politiques publiques urbaines, l’adjectif «?communautaire?» infléchit la notion en lui conférant un sens qui rappelle la doctrine sociale de l’Église. Pour les membres du groupe «?Cadre de vie?», la ville doit en effet constituer «?un espace de rencontre pour que des liens sociaux se nouent?», comme l’affirme l’architecte Nicolas Plantrou invité à l’une des réunions du groupe. Elle ne peut se réduire à être le réceptacle des emplois et des logements correspondants, une «?machine à habiter?», terme repris de Le Corbusier, aux mains de forces économiques?; «?il faut que sa création soit un acte politique, un choix de société?» (Albert Nicollet), «?il faut imposer la ville dans la non-ville?» (André Villette) [29].
16La première difficulté vient du choix de la méthode à utiliser pour déterminer les critères d’une ville «?humaine?». Des divergences existent?: alors que Marc Chesnot souhaite inscrire la recherche du groupe dans un «?projet politique stratégique en proposant un modèle de développement original?» pour contrer «?les conglomérats urbano-industriels créés par les firmes multinationales?», Georges Clerc et André Villette proposent plutôt de partir des villes existantes, car tout projet global évacue le problème des moyens réellement mobilisables pour faire des villes humaines [30]. La question n’est pas tranchée au cours des réunions suivantes. Ainsi, Robert Caillot cherche dans les lois fondamentales de l’univers – de l’atome à la galaxie – ce qui peut aider à l’identification des «?principes qui doivent présider à l’équipement des centres urbains?» et propose comme programme de travail de définir au préalable «?les besoins fondamentaux de l’homme en milieu urbain?», puis d’élaborer les «?concepts opérationnels nécessaires à la satisfaction de ces besoins?»?; mais dès la séance suivante, les participants jugent préférable de repartir d’un cas concret [31].
17Cette notion de «?ville humaine?» pose problème aux membres du groupe?: à quels critères objectifs renvoie cette expression typique du catholicisme social?? En novembre 1974, soit près d’un an après le démarrage des travaux, le groupe juge «?important de rappeler que nous appelons “ville humaine” celle qui est “viable” non seulement pour les leaders mais pour tous, à commencer par les plus démunis?: elle ne saurait être le lieu d’épanouissement des seuls leaders?: tous les habitants doivent pouvoir “être plus” (et pas seulement y “avoir plus”). Suivant la méthode traditionnelle d’EH, les problèmes doivent être étudiés dans leurs interdépendances?» [32]. Méfiance à l’égard de la confiscation du pouvoir et du savoir par les élites et les spécialistes, souci du pauvre, analyse de la complexité?: cette définition ne suscite pas de critique dans le groupe et chacun semble s’y reconnaître. Mais au-delà de l’affirmation de ces principes, ses membres peinent à trouver un fil directeur clair qui constituerait une base de travail. Quasiment à chaque début de séance, André Villette estime nécessaire de «?rappeler?» le but que s’assigne le groupe… qui est assez variable d’une réunion à l’autre. En décembre 1973, les participants jugent que le plus utile est de «?prendre du recul?». En février 1974, le but est de déterminer «?à quelles conditions les habitants des villes pourront être plus “heureux” (sans entrer pour autant dans une définition du bonheur)?». Villette explique en mars 1974 que l’objectif du groupe n’est pas de faire de la sociologie urbaine, utile par ailleurs, ou de se substituer aux architectes-urbanistes, mais de «?tenter de définir à partir des données actuelles ce que doit être une agglomération pour être vraiment humaine?». En septembre de la même année, Villette, qui «?demande que l’on reprécise le but de [la] recherche commune?», en ajoute un second?: «?fournir des éléments de réflexion à ceux des membres du groupe engagés dans l’action municipale?». En novembre, Villette et Nicollet demandent en début de réunion à revenir sur les objectifs de l’année afin de les préciser [33].
18Pour certains membres, cette difficulté à délimiter précisément les contours et l’objet des études entreprises est à mettre en relation avec l’effort de réflexion déjà réalisé par l’association depuis plusieurs années. En septembre 1974, Marc Chesnot estime que «?dans l’ensemble, notre réflexion 1973-1974 n’a fait que redire ce que EH avait découvert depuis longtemps?» [34]. Outre les travaux de Gaston Bardet, il rappelle l’apport de l’ouvrage de Michel Quoist qui avait posé dès 1952 les bases d’une réflexion chrétienne sur la ville à partir d’une enquête approfondie – et souvent citée comme référence fondatrice dans les milieux catholiques des années 1960-1970 – sur des quartiers ouvriers rouennais [35]. Le groupe demande en novembre 1974 à Robert Caillot de faire une synthèse des travaux déjà réalisés sur le sujet par lui et des membres de l’association. Sans qu’il soit possible de le prouver, l’absence de renouvellement des questionnements pourrait également expliquer au moins pour une part que plusieurs personnalités sollicitées par Villette et Caillot n’aient pas répondu favorablement à l’invitation de se joindre au groupe. Tous deux regrettent que les travaux de l’équipe ne suscitent pas un intérêt au-delà de ceux qu’ils appellent les «?fidèles?» (Nicollet, Chesnot). Non sans ironie, ils relèvent que les empêchements de dernière minute ou la morosité ambiante n’expliquent sans doute qu’en partie que les absents soient deux fois plus nombreux que les présents [36]. En l’absence de dynamique, Villette demande à être déchargé de ses fonctions de président du groupe en octobre 1975.
Quelle visibilité pour ces recherches??
19Autre indice du flou qui entoure la finalité de cette recherche, la publicité des résultats fait l’objet d’hésitations constantes. Initialement, la question de la restitution des travaux vers des tiers n’est pas posée?; il s’agit avant tout de débattre au sein du groupe à partir d’études urbaines réalisées par les uns et les autres. Aucun organisme n’a passé commande auprès du groupe «?Cadre de vie?». L’objectif n’est pas de résoudre des problèmes techniques. Il semble toutefois que ce soit la composition du groupe qui ait été décisive sur ce point et que l’idée ait existé au moins au départ?: «?Le groupe parisien étant composé de membres engagés, soit politiquement (maire, conseiller municipal), soit professionnellement ou socialement dans des opérations d’urbanisme, il lui paraît inutile de consacrer du temps à des problèmes que chaque municipalité est appelée à résoudre (plans d’occupation des sols, schéma directeur d’aménagement urbain, groupement de communes…)?» [37]. Dès lors, la finalité de ces études n’est-elle qu’interne??
20En janvier 1975 apparaît pour la première fois le souci d’une visibilité des travaux du groupe. Il est envisagé que la note de Robert Caillot faisant le point bibliographique sur la «?ville humaine?» soit publiée dans la revue de l’association [38]. Encore ne s’agit-il que d’un texte personnel, et non collectivement élaboré. Caillot minimise par ailleurs la portée éventuelle de ce travail en précisant que cette note figurera dans la revue comme «?résultat de recherches d’EH, non comme “positions”?» [39]. Le renouvellement de la politique éditoriale de la revue offre au même moment l’occasion d’accroître la visibilité du groupe?: confronté à des difficultés financières et à une érosion du nombre d’abonnés, son directeur Hugues Puel propose en effet qu’un plus grand nombre de praticiens puissent s’exprimer dans les colonnes de la revue afin d’élargir l’audience du périodique. La première tentative pour cette nouvelle formule porte sur le thème du pouvoir local et doit sortir à l’occasion des élections municipales de 1977 [40]. Alors que la composition du groupe «?cadre de vie?» et l’objet de sa recherche semblent correspondre en tous points à cette volonté de faire dialoguer hommes de terrain et chercheurs, l’offre est critiquée [41]?: la richesse des travaux du groupe ne saurait être réduite à un ou deux articles dans ce numéro. L’équipe donne un accord de principe pour sa participation à la recherche sur le «?pouvoir municipal?» mais se donne pour nouvel objectif d’approfondir ce champ. De fait, la livraison d’Économie et Humanisme intitulée Pour un véritable pouvoir local qui paraît en 1977 ne comporte pas d’article ou de note rédigée par le groupe «?Cadre de vie?» ou par l’un de ses membres [42].
21Cette proposition de la revue finalement écartée a cependant eu un effet de prise de conscience pour le groupe. Dès la réunion suivante, en novembre 1975, le projet d’un ouvrage collectif est approuvé et la discussion porte sur le plan à adopter pour rendre compte de deux années de recherches, avec trois idées?: la problématique générale est celle de «?faire des villes “pour” les hommes?»?; le caractère pluridisciplinaire de l’équipe, qui réunit «?hommes d’action et chercheurs?», devra être mis en valeur?; enfin, le livre doit être utile, c’est-à-dire répondre aux attentes d’un public clairement ciblé?: élus municipaux, architectes, animateurs d’associations familiales [43].
22Pourtant, là encore, malgré trois réunions de travail consacrées à l’élaboration de l’ouvrage, une proposition de plan n’est formulée qu’en juin 1976?: ce qu’est la taille humaine dans l’urbanisme, comment la réaliser dans les nouvelles opérations d’urbanisme, comment tenter de la retrouver dans les structures actuelles. À notre connaissance, le livre n’a pas vu le jour. La seule publicité donnée au travail du groupe est une «?réunion?» le 23 avril 1976 à la salle de l’Institut de recherche, de formation et de développement (IRFED) au 47 rue de la Glacière à Paris, autour de l’intitulé?: «?Notre cadre de vie urbain et quelques conditions d’un urbanisme respectueux des hommes?». En comptant les membres du groupe parisien, une trentaine de personnes ont répondu à l’appel. Quelques personnalités du groupe présentent les travaux effectués?: Albert Nicollet propose un aperçu des recherches en cours sur la notion de «?taille humaine?» alors que Marc Chesnot en expose les applications concrètes?; Jean-Claude Damais décrit les conflits de pouvoir à l’œuvre dans les opérations de rénovation des quartiers anciens, avant que Robert Caillot n’évoque les limites de la notion de «?participation?» [44]. Au-delà du constat d’échec, comment interpréter cette impuissance, sinon à produire, du moins à rendre visibles et pertinentes les réflexions menées par les membres du groupe??
Recompositions de la recherche urbaine et crise d’identité à Économie et Humanisme
23Il semblerait que quatre facteurs au moins expliquent les difficultés du groupe à se positionner dans le champ de la recherche urbaine. La composition du groupe ne présente pas, en premier lieu, une cohérence et une homogénéité suffisantes pour une identification claire, dans le champ de la recherche comme au sein des réseaux militants. Les attentes ne sont sans doute pas les mêmes entre un élu comme Villette, un technicien de l’urbanisme comme Ceppe et un militant de l’APF comme Chesnot. Certes, cette structure d’échanges composée d’acteurs venus d’horizons divers n’est pas sans évoquer les formes d’un «?forum hybride [45]?», mais elle n’en a ni l’envergure ni les fondements institutionnels.
24Jouent aussi sans aucun doute des tensions entre membres du groupe de travail. Sans parler de possibles rivalités personnelles qui resteraient à démontrer, de fortes personnalités se côtoient au sein de la structure, comme René Bride (1906-1998), pharmacien de profession, l’un des membres d’Économie et Humanisme les plus actifs dans le domaine de l’urbanisme tout au long des Trente Glorieuses et qui fait l’admiration de Robert Caillot. Dès 1947, il crée en tant qu’administrateur de l’Office des HBM une commission municipale d’urbanisme chargée de maîtriser la croissance jugée anarchique de la ville. En tant qu’adjoint à l’urbanisme, il participe à la mise sur pied d’un comité local d’aménagement à Reims. Élu maire (MRP) de cette ville en 1953, il s’engage dans une transformation qui s’inspire de l’urbanisme selon Gaston Bardet en encourageant en particulier la création d’équipements sociaux dans les quartiers ouvriers [46]. René Bride semble par conséquent une personnalité particulièrement propice à la réussite du groupe de recherche. Pourtant, il ne répond pas aux différentes invitations de 1973 [47] et n’a participé à aucune des réunions du groupe «?Cadre de vie?» jusqu’en octobre 1975. En revanche, au moment où André Villette annonce par lettre qu’il démissionne de ses fonctions de président du groupe, il propose par voie téléphonique de «?rédiger une note sur l’ensemble des problèmes qui se posent à une municipalité?», et est présent à la réunion suivante pour évoquer le projet du livre sur l’urbanisme à taille humaine [48]…
25Un troisième facteur est à chercher dans la crise d’identité que traverse Économie et Humanisme au milieu des années 1970. Le principal clivage porte sur la politique de la recherche et sur l’imbrication de différentes composantes, dont le CNRS, dans le fonctionnement du Centre d’études de l’association (CEH). Celui-ci regroupe en effet deux secteurs, également appelés «?départements?»?: un secteur de sociologie industrielle et un secteur «?cadre de vie?», représentatifs de deux stratégies distinctes en matière de recherche. Créé en 1972, le département de sociologie industrielle d’Économie et Humanisme?– encore appelé «?Groupe lyonnais de sociologie industrielle?», ou «?Glysi?»?– souhaite rapidement le soutien du CNRS pour éviter les contrats de recherche de courte durée et permettre une réelle théorisation [49]. Le Glysi est reconnu en 1976 comme Équipe de recherche associée (ERA) du CNRS, bien qu’il comprenne également des chercheurs et des techniciens d’autres départements d’Économie et Humanisme ou extérieurs à l’association [50]. Entre 1975 et 1980, une stratégie délibérée d’obtention de postes statutaires dans l’enseignement supérieur et la recherche permet l’intégration au CNRS d’un certain nombre de chercheurs ou d’administratifs du CEH travaillant depuis cinq ans sur des crédits de l’enveloppe-recherche?: deux ont ainsi été intégrés au CNRS au titre de «?chercheurs?» (Bernard Ganne et Jean Ruffier), deux à celui de «?techniciens?» (Michel Auvolat et Joël Bonamy), en plus de trois secrétaires. Ces intégrations ont été faites au bénéfice de l’ERA. Pour les membres du Glysi, le soutien du CNRS est compatible avec le maintien de la structure au sein de l’association, à condition toutefois d’employer les moyens financiers du CNRS dans des recherches en accord avec lui. L’affectation des fonds à la revue, aux éditions ou à des recherches plus périphériques devient de moins en moins acceptable pour le Glysi. Pour l’un des membres du Glysi, «?nous prenons trop de risques, nous n’avons pas que des amis au CNRS. C’est un outil important pour nous, pas d’accord pour qu’on le fusille?» [51].
26L’autre département, celui du «?cadre de vie?», se constitue en décembre 1973. Sa création est une tentative pour maintenir une politique de recherche distincte de celle du Glysi au sein de l’association, sans tutelle du CNRS. Un rapport de 1980 résume en quatre points la politique de recherche de ce secteur depuis plusieurs années?: «?Les chercheurs du groupe “Cadre de vie et développement” [52] mettent l’accent sur?: des recherches conjointes avec des acteurs?; des recherches à visées opérationnelles?; la volonté de ne pas être spécialisé d’un thème (sic) mais de passer d’un thème à l’autre?; les financements multiples et locaux?» [53]. Les divergences sont nettes avec le Glysi qui souhaite sortir d’un certain flou institutionnel par une professionnalisation de ses membres et accroître sa visibilité dans le champ académique par une théorisation plus poussée de ses résultats. En s’inscrivant dans une logique plus proche des attentes des militants de l’association, le groupe «?Cadre de vie?» est par conséquent davantage dépendant des aléas des financements et se méfie de montées en généralité trop hâtives.
27À ces facteurs internes s’ajoute enfin la multiplication, à partir de la fin des années 1960, des bureaux d’études [54], qui effectuent le travail que les équipiers d’Économie et Humanisme étaient quasiment seuls à réaliser moins d’une quinzaine d’années auparavant. La création du CERFISE (Centre d’études et de formations institutionnelles Sud-Est) en 1975 par Michel Anselme, puis celle de l’association Acadie trois ans plus tard par des étudiants géographes dans la mouvance du PSU et de la CFDT, montrent à l’évidence que le groupe «?Cadre de vie?» ne dispose plus des ressources intellectuelles, méthodologiques ou politiques pour peser dans le champ des études urbaines. Forts d’une expérience acquise dans les ateliers populaires d’urbanisme comme l’Alma-Gare à Roubaix, formés à l’anthropologie urbaine, très attachés au travail de terrain et à l’association directe des habitants aux processus de décision?– en s’appuyant notamment sur des collaborations étroites avec les régies de quartier à Marseille pour le Cerfise?–, et très écoutés par Albert Mollet, alors responsable des études au Plan Construction, les fondateurs de ces structures captent l’essentiel des crédits octroyés par le ministère de l’Équipement et par certaines villes, conquises par la gauche aux élections de 1977, en demande d’expertise [55]. Il en va de même avec l’émergence puis la reconnaissance officielle des agences d’urbanisme dès la fin des années 1960 [56], au nombre de vingt-quatre en France au moment où Robert Caillot et André Villette créent le groupe «?Cadre de vie?». La concurrence est devenue plus vive dans la production des études urbaines. L’impuissance ou le désarroi de certains membres du groupe sont donc aussi à comprendre comme l’expression d’un malaise issu d’interrogations de fond sur le statut du chercheur dans l’association?– d’abord professionnel ou d’abord militant???– et sur les conditions d’exercice de la recherche?: quel prix pour une autonomie administrative et financière?? Le secteur «?Cadre de vie et développement?» essuie en 1980 des critiques dont on peut penser qu’elles sont déjà en germe quelques années auparavant?: les travaux du groupe seraient empreints d’un «?sentimentalisme?» typique de chrétiens de gauche, déconnectés des contraintes économiques et sociales de production de la recherche [57]. La «?tournure conflictuelle aiguë?», selon l’expression des membres du Glysi [58], que prennent les relations entre les deux départements au cours des années 1970 n’est sans doute pas sans liens avec les vicissitudes du groupe Caillot-Villette et l’inachèvement des projets initialement envisagés.
28En 1976, l’arrivée de Bernard Ganne au secteur «?cadre de vie?» est l’occasion d’un nouveau départ pour ce département. Cet ancien de l’OREAM souhaite en effet apporter son expérience de sociologue de l’urbain tout en défendant ses convictions d’acteur militant, dans une perspective de «?recherche-engagement?» qui, d’après lui, fonde l’originalité d’Économie et Humanisme et justifie sa propre intégration à l’équipe [59]. Bien que les terrains étudiés restent comme en 1973 les villes moyennes, les recherches s’orientent vers des thématiques différentes du groupe Caillot-Villette?: la concentration industrielle, ses effets sur la croissance urbaine et sur les politiques urbaines constituent les axes d’une «?sociologie des mutations urbaines?» [60]. Le réseau des soutiens a également changé?: aucune des vingt-cinq personnes participant à la soirée d’échanges et de réflexion organisée en mai 1978 par Bernard Ganne pour présenter les travaux du secteur n’apparaissait dans les membres ou les sympathisants du groupe parisien de 1973-1976 [61]. Surtout, le département «?Cadre de vie?» travaille désormais dans le cadre d’une recherche intégrée au CNRS [62]. En outre, celui-ci lance un programme de recherche sur des objets locaux, l’Observatoire du changement social (1976-1981), qui se substitue en partie aux appels d’offres traditionnels des ministères techniques. Pour Pierre Lassave, la fin des années 1970 voit la remise en cause de la recherche urbaine à base ministérielle et contractuelle [63]. Ce nouveau contexte a pu fragiliser les petits groupes d’expertise manquant de ressources financières et/ou institutionnelles.
29D’une façon plus générale, la mutation des politiques publiques en matière d’urbanisme et d’habitat au cours de la décennie 1970 explique aussi peut-être le fléchissement de cette expertise issue du catholicisme social. Du rapport Consigny (1971) à la loi sur la réforme de l’aide au logement (1977) en passant par le rapport Barre (1975), la fin des Trente Glorieuses est marquée par une redéfinition des modes d’intervention des pouvoirs publics dans le domaine de l’habitat?: l’État se retire progressivement du financement du logement pour recentrer son aide en direction des ménages les plus modestes. Les débuts de la réhabilitation des grands ensembles de logements sociaux interviennent à la fin des années 1970 avec les expérimentations coordonnées par l’opération Habitat et vie sociale (HVS). En 1978 est créé pour la première fois en France un ministère de l’Environnement et du Cadre de vie [64]. Parvenues au sommet de l’État, ces problématiques peuvent-elles encore être portées par des groupes militants qui se trouvent en quelque sorte dessaisis de leur force critique??
30Sans doute les difficultés rencontrées par ce groupe éphémère et de taille restreinte ne sont-elles pas totalement représentatives des débats voire des crises qui peuvent agiter un certain nombre de structures associatives et/ou militantes cherchant à maintenir une viabilité et une visibilité au sein de la «?pléthore de bureaux d’études?», suivant l’expression de Viviane Claude, qui caractérise la recherche urbaine appliquée à partir des années 1960. La portée des analyses qui précèdent n’est donc pas à surestimer. Il reste que cette équipe, précisément parce qu’elle est de taille réduite et qu’elle doit par conséquent formaliser, ne serait-ce qu’à usage interne, le sens et le cadre de la réflexion qu’elle prétend couvrir, paraît constituer un révélateur instructif des interrogations et des conflits qui travaillent en profondeur d’autres structures d’expertise militante comme, par exemple, les Semaines sociales. Sur quelle légitimité scientifique construire une pensée chrétienne de la ville?? La professionnalisation des bureaux d’études, la progressive élaboration d’un lexique en sociologie urbaine et en urbanisme ou encore la pression constante exercée par la recherche de financements ne contraignent-elles pas ces associations ou ces mouvements à une certaine normalisation, pour le moins à une banalisation, avec le risque d’un dépérissement??
31Confrontée à un double mouvement de sécularisation et de création d’un milieu professionnel, dont témoignent le recrutement contractuel de jeunes diplômés en sciences sociales dans les années 1960-1970, puis l’intégration de nombreux chercheurs au CNRS, l’émergence de revues et surtout de cursus universitaires dédiés à l’urbanisme et à l’aménagement urbain, l’expertise militante se cherche et se recompose. Les formes de l’engagement comme le contenu des analyses ne sont pas figés. Ainsi les positions d’Économie et Humanisme dans les années 1970 ne recoupent-elles plus celles des années 1940 et 1950. L’idéal n’est plus celui d’une France rurale où la grande ville est perçue avec méfiance. Certes, la civilisation urbaine remet en cause les liens communautaires, mais le postulat du groupe «?Cadre de vie?» est bien d’affirmer que la grande ville peut permettre l’épanouissement des personnes. C’est l’examen des conditions de possibilité qui constitue l’objet de la démarche, non la validité de l’hypothèse. Mais dans la seconde moitié des années 1970, n’est-ce pas là un postulat partagé par l’ensemble des acteurs de la recherche urbaine??
Notes
-
[*]
Agrégé et docteur en histoire, chercheur associé au LARHRA (Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes), UMR 5190.
-
[1]
D. Pelletier, Économie et Humanisme. De l’utopie communautaire au combat pour le tiers-monde, 1941-1966, Paris, Éditions du Cerf, 1996?; O.?Chatelan, Les catholiques et la croissance urbaine dans l’agglomération lyonnaise pendant les Trente Glorieuses (1945-1975), thèse de doctorat d’histoire, sous la dir.?de D.?Pelletier, Université Lumière-Lyon 2, 2009.
-
[2]
V. Claude, Faire la ville. Les métiers de l’urbanisme au XXe siècle, Paris, Éditions Parenthèses, 2006, p.?168-173.
-
[3]
Archives municipales de Lyon, fonds Économie et Humanisme (ci-après AML-EH), 183 ii 144, note du groupe «?Cadre de vie?», sans date, vraisemblablement 1973.
-
[4]
J.-P. Blais, C. Gillio et J. Ion (dir.), Cadre de vie, environnement et dynamiques associatives, Paris, PUCA-La Défense, 2001.
-
[5]
Cet article s’inscrit également dans les perspectives plus larges énoncées dans l’éditorial d’un numéro récent du Mouvement Social, appelant à poursuivre les investigations autour d’une histoire de la recherche en France, en particulier à partir de ses structures et des conflits qui l’ont accompagnée?: J.-M.?Chapoulie, P. Fridenson et A.?Prost, «?Éditorial. Jalons pour une histoire sociale de la science et des établissements d’enseignement supérieur en France depuis 1945?», Le Mouvement social, n°233, octobre-décembre 2010, p.?3-12. Il prolonge également une réflexion collective pluridisciplinaire engagée en 2008-2010 au sein du programme «?Christiana. De l’urbanisme au développement?: des militants d’origine chrétienne dans la fabrique de la ville?», coordonné par Maryvonne Prévot.
-
[6]
Également appelé «?département?» dans certains documents dépouillés.
-
[7]
D. Pelletier, Économie et Humanisme, op. cit., p. 89.
-
[8]
Résultats parus en 1955 aux Éditions Bosc Frères sous le titre Lyon et sa région. Analyse et enquêtes pour l’aménagement du territoire. Sur la genèse de cette enquête, voir notamment O.?Chatelan, «?Expertise catholique et débuts de l’aménagement du territoire à Lyon (1945-1957)?», Chrétiens et sociétés, XVIe-XXIe?siècles, n°15, 2008, p.?107-128?; M.-C.?Meillerand, Penser l’aménagement d’une métropole au 20e?siècle. Enjeux territoriaux, acteurs locaux et politiques publiques dans la région lyonnaise, thèse de doctorat d’histoire, sous la dir.?de J.-L.?Pinol, Université Lumière-Lyon 2, 2010, p.?278-286.
-
[9]
L.-J. Lebret, J.-M. Albertini, R. Caillot, G. Célestin et R. Delprat, Guide pratique de l’enquête sociale, t. IV, L’Enquête en vue de l’aménagement régional, Paris, PUF, 1958.
-
[10]
Parmi ses articles dans les revues de l’association (hors dossiers spéciaux consacrés aux questions de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire)?: «?Le danger des “grands ensembles” en urbanisme?», Économie et Humanisme, novembre-décembre 1959, p.?81-82?; «?L’urbanisation, instrument de régionalisation?», ibid., mars-avril 1963, p.?76-81?; «?Équilibre ville-campagne???», ibid., décembre 1967, p.?77-78. Son enquête pour l’Organisation d’études d’aménagement des aires métropolitaines (OREAM) s’intitule L’insertion sociale des étrangers dans l’aire métropolitaine Lyon-Saint-Étienne (1967).
-
[11]
R. Caillot, L’Enquête-participation?: méthodologie de l’aménagement, Paris, Économie et Humanisme/Éditions ouvrières, 1972.
-
[12]
AML-EH, 183 ii 144, lettres du secrétaire général d’Économie et Humanisme A. Luchini aux membres du groupe «?Cadre de vie?», 14 novembre 1973 et 14 février 1975, et «?bilan des réponses?».
-
[13]
AML-EH, 183 ii 144, lettre d’A. Luchini, 14 février 1975.
-
[14]
Idem.
-
[15]
Paul Delouvrier a été le premier président de cette association devenue Agence de promotion des investissements dans l’Ouest.
-
[16]
J.-C. Damais et A. Nicollet, L’urbanisme au Havre, Rouen, Centre régional de documentation pédagogique, 1978. Albert Nicollet est également le fondateur en 1984 des Cahiers de sociologie économique et culturelle.
-
[17]
D’autres figures de l’Association populaire familiale ont joué un rôle dans l’aménagement urbain, comme Michel Hauchart à Grande-Synthe (Nord) dans les années 1970. Voir M.?Prévot et Ch.?Leclercq, «?La ZAC du Courghain à Grande-Synthe?: espace-témoin ou discours-témoin???», Lieux communs, n°13, septembre 2010, p.?90-111, en particulier p.?102.
-
[18]
AML-EH, 183 ii 144, document préliminaire du groupe de recherche «?Cadre de vie?», sans date (vraisemblablement 1973).
-
[19]
AML-EH, 183 ii 144, M. Bigeon, «?Les grandes voies de communication à travers le tissu urbain?», note, janvier 1974.
-
[20]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 2 février 1974.
-
[21]
AML-EH, 183 ii 144, M. Chesnot, «?L’urbanisme à Blois vu à travers l’expérience d’intervention de l’Association populaire familiale?», note, 5 mars 1974.
-
[22]
AML-EH, 183 ii 144, M. Chesnot, «?Urbanisation en ville moyenne et qualité de la vie?», note, 30 janvier 1973.
-
[23]
J. Labbens, L’Église et les centres urbains, Paris, Spes, 1958. Sur ce point, voir O.?Chatelan, «?La migration comme modèle de compréhension de la ville dans l’expertise catholique (du début des années 1960 à la fin des années 1970)?», in L.?Endelstein, S.?Fath et S.?Mathieu (dir.), Dieu change en ville. Religion, espace, immigration, Paris, Association française de sciences sociales des religions/L’Harmattan, 2010, p.?207-220.
-
[24]
AML-EH, 183 ii 144, M. Chesnot, «?Urbanisation en ville moyenne…?», loc. cit.
-
[25]
Pour reprendre le modèle d’interprétation proposé par F. Choay, L’urbanisme, utopies et réalités. Une anthologie, Paris, Le Seuil, 1965, p.?41-46. Voir également D.?Pelletier, Économie et Humanisme…, op. cit., p.?106-108.
-
[26]
I. Astier et J.-F. Laé, «?La notion de communauté dans les enquêtes sociales sur l’habitat en France. Le groupe d’Économie et Humanisme, 1940-1955?», Genèses, n°5, 1991, p.?81-106.
-
[27]
Alain Touraine, au moment du colloque de Dieppe sur «?les politiques urbaines et la planification des villes?» en 1974, explique que «?les chercheurs ne parlent plus de besoins, grâces leur en soient rendues, et les aménageurs ne parlent plus comme s’ils étaient en dehors de la société, comme s’ils étaient le souverain?» (cité dans P.?Lassave, Les sociologues et la recherche urbaine dans la France contemporaine, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1997, p.?48).
-
[28]
Cité par D. Pelletier, Économie et Humanisme…, op. cit., p.?109.
-
[29]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 16 mars 1974.
-
[30]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 15 décembre 1973.
-
[31]
AML-EH, 183 ii 144, comptes rendus des réunions du 15 décembre 1973, du 28 septembre 1974 et du 16 novembre 1974.
-
[32]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 16 novembre 1974.
-
[33]
AML-EH, 183 ii 144, comptes rendus des réunions du 15 décembre 1973, 2 février 1974, 16?mars 1974, 28 septembre 1974 et 16 novembre 1974.
-
[34]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 28 septembre 1974.
-
[35]
M. Quoist, La Ville et l’Homme. Rouen?: étude sociologique d’un secteur prolétarien suivie de conclusions pour l’action, Paris, Économie et Humanisme/ Éditions ouvrières, 1952.
-
[36]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 16 novembre 1974.
-
[37]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 15 décembre 1973.
-
[38]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 4 janvier 1975.
-
[39]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 1er mars 1975.
-
[40]
AML-EH, 183 ii 144, lettre du directeur de la revue Hugues Puel, 12 juin 1975.
-
[41]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 4 octobre 1975.
-
[42]
Pour un véritable pouvoir local, Économie et Humanisme, 233, février 1977.
-
[43]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu de la réunion du 15 novembre 1975.
-
[44]
AML-EH, 183 ii 148, pochette «?réunion du 23 avril 1976?».
-
[45]
Il s’agit d’espaces ouverts rassemblant des acteurs hétérogènes (experts, élus, représentants d’une administration, d’une association, syndicalistes) appelés à délibérer, partager des informations composites (expériences vécues, savoirs d’ingénieurs) et produire des connaissances, voire proposer des solutions. Voir M.?Callon, P.?Lascoumes, Y.?Barthe, Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique, Paris, Le Seuil, 2001.
-
[46]
Éléments biographiques tirés de D.?Pelletier, Économie et Humanisme…, op. cit., p.?99 et 333.
-
[47]
AML-EH, 183 ii 144, bilan des réponses pour la réunion du 15 décembre 1973.
-
[48]
AML-EH, 183 ii 144, compte rendu des réunions des 4 octobre 1975 et 15 novembre 1975.
-
[49]
AML-EH, 183 ii 147, note sur le Glysi, mai 1980.
-
[50]
AML-EH, 183 ii 147, compte rendu du?week-end des 31 mai et 1er juin 1980 par Bernard Lecomte.
-
[51]
AML-EH, 183 ii 147, «?La recherche vue par chacun?», compte rendu du week-end des 31 mai et 1er juin 1980.
-
[52]
Le secteur s’intitule «?Cadre de vie et environnement?» à partir de 1976, puis «?Cadre de vie et développement?» après 1978 d’après les sources dépouillées.
-
[53]
AML-EH, 183 ii 147, rapport Tardy sur les schémas d’analyse institutionnelle, week-end de réflexion des 31 mai-1er juin 1980.
-
[54]
V. Claude, Faire la ville…, op. cit.
-
[55]
M. Nonjon, Quand la démocratie se professionnalise. Enquête sur les experts de la participation, thèse de doctorat de science politique, sous la dir.?de F.?Sawicki, Université de Lille 2, 2006.
-
[56]
M. Prévot et al., «?Les agences d’urbanisme en France?», Métropoles, n°3, 2008, mis en ligne le 17 septembre 2008. URL?: http://metropoles.revues.org/document2322.html
-
[57]
AML-EH, 183 ii 147, «?La recherche à EH vue par chacun?», week-end de réflexion des 31 mai-1er juin 1980.
-
[58]
AML-EH, 183 ii 147, note du Glysi, avril 1980.
-
[59]
AML-EH, 183 ii 147, «?La recherche à EH vue par chacun?», loc. cit.
-
[60]
AML-EH, 183 ii 147, «?Schémas d’analyse institutionnelle, week-end de réflexion des 31 mai-1er juin 1980?».
-
[61]
AML-EH, 183 ii 148, «?AEH Rencontres parisiennes 25 mai 1978 cadre de vie?».
-
[62]
AML-EH, 183 ii 148, lettre de Bernard Ganne et de Hugues Puel, 28 avril 1978.
-
[63]
P. Lassave, Les sociologues et la recherche urbaine…, op. cit., p. 48-50.
-
[64]
Comité d’histoire du ministère de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables, L’expérience du ministère de l’Environnement et du Cadre de vie (1978-1981). Actes de la journée d’études du 15 février 2007, Pour mémoire, hors-série, septembre 2007.