Notes
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[*]
Professeur adjoint de management à HEC Montréal.
L’auteur tient à remercier Patrick Fridenson, Michel Pigenet, Jacques Le Goff, Andreu Solé ainsi que Suzanne Rivard, Yannik Saint-James et Serge Poisson-de-Haro pour leurs précieux commentaires et suggestions. -
[1]
Sur la négociation, cf. notamment J.-D. Reynaud, Les règles du jeu : l’action collective et la régulation sociale, 3e éd., Paris, A. Colin, 1997 ; J.-D. Reynaud, Le conflit, la négociation et la règle, 2e éd. augmentée, Toulouse, Octarès, 1999 ; P. Fridenson, « La négociation », in A. Burguière et J. Revel (dir.), Histoire de la France, t. V : Les conflits, Paris, Le Seuil, 2000 ; A. Jobert, Les espaces de la négociation collective. Branches et territoires, Toulouse, Octarès, 2000 ; C. Thuderoz, Qu’est-ce que négocier ? Sociologie du compromis et de l’action réciproque, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010 et la revue semestrielle Négociations (depuis juin 2004).
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[2]
Sur les grèves de 1947-1948 en France, cf. R. Mencherini, Guerre froide, grèves rouges, Paris, Syllepse, 1998 (sur leur caractère inédit, cf. p. 133).
-
[3]
S. Berstein, « Conclusion », in S. Berstein et P. Milza (dir.), L’année 1947, Paris, Presses de Sciences Po, 2000, p. 518.
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[4]
Sur cette question, cf. G. Elgey, La république des illusions 1945-1951, Paris, Fayard, 1993, chapitre VI « Le départ des communistes ». Cf. également P. Buton, « L’éviction des ministres communistes », in S. Berstein et P. Milza (dir.), L’année 1947, op. cit., p. 339-355. Le tripartisme est l’association au pouvoir du Parti communiste, des socialistes (SFIO) et des démocrates-chrétiens MRP (Mouvement Républicain Populaire).
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[5]
Sur ces aspects, cf. P. Fallachon, « Les grèves de la Régie Renault en 1947 », Le Mouvement Social, octobre-décembre 1972, p. 111-142 et A. Lacroix-Riz, « La grève d’avril-mai 1947 de la Régie Renault : des événements à leur contexte général », Renault-Histoire, n° 6, juin 1994, p. 129-161.
-
[6]
Cf. notamment P. Fridenson, « Automobile workers in France and their work, 1914-83 », in S. L. Kaplan and C. J. Koepp (eds.), Work in France. Representations, meaning, organization, and practice, Ithaca, Cornell University Press, 1986, p. 530-536, J.-L. Loubet, Citroën, Peugeot, Renault et les autres. Histoire de stratégies d’entreprises, 2e éd. mise à jour, Boulogne-Billancourt, ETAI, 1999 et G. Rot, Sociologie de l’atelier : Renault, le travail ouvrier et le sociologue, Toulouse, Octarès, 2006.
-
[7]
A. Solé, Créateurs de monde. Nos possibles, nos impossibles, Monaco, Éditions du Rocher, 2000, p. 47. Sur l’utilisation de cette théorie, cf. Y.-M. Abraham et C. Sardais, « Pour une autre théorie de la décision : retour sur la faillite de la banque Barings (et de sa hiérarchie) », Gérer & Comprendre, n° 92, juin 2008, p. 4-22.
-
[8]
Après le vote pour la reprise du travail, la grève connaîtra quelques soubresauts – afin d’obtenir le paiement des jours de grève – jusqu’au 16 mai. Cet article se concentre sur la négociation principale.
-
[9]
La Bibliothèque Nationale de France possède une grande quantité d’arrêtés gouvernementaux de fixation des salaires.
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[10]
Il recevra néanmoins une fois la CFTC (Archives Renault, secrétariat particulier du PDG – désormais AR, SP - 123, Réception de la section syndicale CFTC, 6 mai 1947 – 17 h). Quant aux délégations (non CGT) des deux départements de l’usine à l’origine de la grève, il ne les rencontrera qu’après l’accord du 8 mai.
-
[11]
Les militants qui l’animent n’ont pas été étudiés par les différents travaux universitaires sur Renault, la CGT ou le PCF ni par G. Hatry (dir.), Notices biographiques Renault, t. I-III, Paris, Éditions JCM, 1990-1993, continué par C. Le Maître et J.-C. Magrin (dir.), Notices biographiques Renault, t. IV, Boulogne-Billancourt, Société d’histoire du groupe Renault, 2008.
-
[12]
R. Linet, CGT : lendemains de guerre 1944-1947, Paris, Pluriel Hachette, 1995, p. 145-146. Sur Delame, cf. p. 150 et 184.
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[13]
Ibid., p. 149.
-
[14]
Ibid., p. 146. Sur Chèze et Plaisance, cf. également C. Poperen, Renault, regards de l’intérieur, Paris, Éditions sociales, 1983, p. 28-29, 45, 52-53.
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[15]
P. Fallachon, « Les grèves … », art. cit., p. 114.
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[16]
A. Tiano, « L’action des syndicats de la Régie Nationale des Usines Renault (Boulogne Billancourt) 1945-1955 », in A. Tiano, M. Rocard, H. Lesire-Ogrel, Expériences françaises d’action syndicale ouvrière, Paris, Éditions ouvrières, 1956, p. 44 et 33.
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[17]
AR, SP 71, « réception des délégués du 28 avril – 10 heures », p. 5.
-
[18]
Sur Ambroise Croizat, cf. M. Etiévent, Ambroise Croizat ou l’invention sociale, Gap, La Ravoire Éditions, 1999 et A. Lacroix-Riz, « Un ministre communiste face à la question des salaires : l’action d’Ambroise Croizat de novembre 1945 à mai 1946 », Le Mouvement Social, octobre-décembre 1983.
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[19]
Sur l’inflation dans la période, cf. M.-P. Chélini, Inflation, État et opinion en France de 1944 à 1952, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1998.
-
[20]
AR, SP 53, « Discours prononcé à la radio le 28 février 1947 par le président Ramadier », p. 1.
-
[21]
Pour plus de détails, cf. C. Sardais, « Le ministère du Travail, la Régie Renault et le contrôle des salaires (1944-1947) », Travail et Emploi, n° 111, septembre 2007, p. 21-29.
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[22]
Archives Nationales, CAC 770315-2, Ministère du Travail, note pour Monsieur le Ministre, 4 février 1947, p. 1.
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[23]
P. Buton, « L’éviction des ministres communistes », art. cit., p. 340-341.
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[24]
A. Tiano, « L’action des syndicats… », art. cit.
-
[25]
AR, SP 53, Allocution radiodiffusée d’Ambroise Croizat, prononcée le 11 mars 1947, p. 2-3.
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[26]
A. Lacroix-Riz, « Un ministre… », art. cit.
-
[27]
Archives Départementales de l’Aveyron, 52 J 155, note de la direction des Renseignements généraux à l’attention du Directeur Général de la Sûreté nationale, 3 mai 1947, citée et commentée par J.-J. Becker, « Paul Ramadier et l’année 1947 », in S. Berstein (dir.), Paul Ramadier : la république et le socialisme, Bruxelles, Éditions Complexe, 1990, p. 227-228.
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[28]
Voir plus loin.
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[29]
AR, SP 123, « Règlement du conflit à la RNUR, réception de la Section syndicale CFTC, 6 mai 1947- 16 h », p. 2.
-
[30]
G. Elgey, La république des illusions, op.cit., p. 354-355.
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[31]
R. Mencherini, Guerre froide. grèves rouges, op. cit., p. 122.
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[32]
AR, SP 123, tract du syndicat des métaux, « Travailleurs de la Régie Renault », 30 avril 1947, 1 page.
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[33]
R. Linet, Les années chaudes de la guerre froide, Paris, Le temps des cerises, 1997, p. 36.
-
[34]
R. Linet, Lendemains de guerre, op.cit., p. 176-177.
-
[35]
AR, SP 71, « Réunion des délégués du 28 avril – 10 heures », p. 2. Voir également AR, SP 123, Comité de grève, « Les ouvriers des départements 6 et 18 s’adressent à vous », 25 avril 1947 (?), p. 2.
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[36]
AR, SP 71, « Réunion des délégués du 28 avril – 11 h 45, p. 2.
-
[37]
Ibid., p. 3.
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[38]
AR, SP 71, « Réunion des délégués du 28 avril – 15 h, p. 1.
-
[39]
AR, SP 123, Tract du syndicat des métaux, « Travailleurs de la Régie Renault », 29 avril 1947, une page. Même après le 4 mai, on pourra lire encore dans un tract : « Le ministre [Robert Lacoste, ministre du Travail par intérim] a reconnu le bien-fondé de notre revendication d’une prime de production de 3 francs de l’heure ». AR, SP 123, tract du syndicat des métaux « Travailleurs de la Régie Renault », 6 mai [ ?] 1947.
-
[40]
AR, SP 71, « Réunion des délégués du 28 avril – 10 heures », p. 3.
-
[41]
Ibid.
-
[42]
A. Hirschman, Défection et prise de parole, Paris, Fayard, 1995.
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[43]
AR, SP 71, « Réunion du 28 avril, 15 heures », p. 1.
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[44]
AR, SP 71, « Réunion du 28 avril – 20 h 30 », p. 5.
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[45]
Ibid.
-
[46]
P. Buton, « L’éviction des ministres communistes », art. cit., p. 348.
-
[47]
AR, SP 71, « Réunion du 28 avril, 15 h », p. 1.
-
[48]
Ibid. Pierre Lefaucheux n’utilise l’argument financier que par rapport « aux 10 frs », en précisant que cela coûterait plus d’un milliard, « trou qui ne pourrait pas être comblé » (AR, SP 71, « réunion du 28 avril 11 h 45 », p. 2). Par la suite, il utilisera cet argument dans ses négociations non pas avec les syndicats mais avec l’État, pour obtenir satisfaction sur la révision du prix de vente de deux véhicules vendus à perte (c’est la direction des Prix du ministère des Finances qui détermine les prix de vente des véhicules à cette période, et non l’entreprise, qu’elle soit privée ou non).
-
[49]
Ibid., p. 1.
-
[50]
AR, SP 71, « Réunion du 28 avril, 11 h 45 », p. 1.
-
[51]
D. De Bellescize, Les neuf sages de la Résistance. Le Comité Général d’Études dans la clandestinité, Paris, Plon, 1979.
-
[52]
Cf. C. Sardais, Patron de Renault. Pierre Lefaucheux (1944-1955), Paris, Presses de Sciences Po, 2009, chapitre 7. J. Fombonne, Personnel et DRH. L’affirmation de la fonction personnel (France, 1830-1990), Paris, Vuibert, 2001, p. 492 indique qu’il « n’est pas rare de trouver dans les archives d’entreprise des arrangements avec le personnel pour contourner les interdictions : surclassements, primes de vie chère, distributions en nature, etc. ».
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[53]
AR, SP 71, « Réunion du 28 avril, 11 h 45 », p. 1.
-
[54]
Sur Marcel Lamour : A. Lacroix-Riz, « Un ministre… », art. cit., p. 18 ; C. Pennetier, « Marcel, Clovis, Julien Lamour », in J. Maitron (dir.), Dictionnaire bibliographique du mouvement ouvrier français, t. XXXIII, Paris, Éditions ouvrières, 1988, p. 192 ; A. Steinhouse, Workers’ participation in post-Liberation France, Lanham, Lexington Books, 2001, p. 97 et 114 ; G. Brucy, « La doctrine de la CGT sur la formation des adultes : entre pragmatisme et lutte des classes (1945-1955) », Travail et Emploi, n° 86, avril 2001, p. 57. À ne pas confondre avec Philippe Lamour, alors secrétaire général de la Fédération de l’agriculture, qui évoque le conflit Renault dans Grèves chez Renault ; les émeutes de Marseille et les grandes grèves de 1947, Cassettes Radio-France LAM 060, 1981.
-
[55]
Ibid., p. 2.
-
[56]
Ibid., p. 2. Le ministre de l’Économie Nationale est le socialiste André Philip. Il a la charge de la politique économique et de la répartition des matières. Il a aussi fait savoir son opposition à des hausses de salaires sans avoir pu contenir les hausses de prix. Cf. C. Chevandier et G. Morin (dir.), André Philip, socialiste, patriote, chrétien, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2005.
-
[57]
Ibid., p. 4.
-
[58]
Ibid., p. 2.
-
[59]
Cf. C. Sardais, Patron de Renault…, op. cit.
-
[60]
AR, SP 71, « Réunion du 28 avril, 20 h 30 », p. 1.
-
[61]
Ibid., p. 4.
-
[62]
Ibid.
-
[63]
AR, SP 71, « Réunion du 28 avril, 15 heures », p. 1.
-
[64]
Ibid., p. 2.
-
[65]
Archives de la Société d’Histoire du Groupe Renault (SHGR), fonds P. Lefaucheux, PL 16, « Note concernant le règlement du conflit de la Régie Nationale des Usines Renault – 29 avril 1947 », p. 1.
-
[66]
Ibid., p. 1-2.
-
[67]
A. Fonvieille-Vojtovic, Paul Ramadier (1888-1961). Élu local et homme d’État, Paris, Publications de la Sorbonne, 1993 et J.-J. Becker, « Paul Ramadier et l’année 1947 », art. cit.
-
[68]
Compagnon de la Libération comme Lefaucheux, André Boulloche deviendra peu après le directeur de cabinet de Ramadier puis, bien des années plus tard, ministre de l’Éducation Nationale du général de Gaulle. Cf. André Boulloche, 1915-1978, Paris, C. Boulloche, 1979.
-
[69]
Voir la note 54.
-
[70]
AR, SP 71-2, « Réunion du 29 avril 1947, 11 heures », p. 1.
-
[71]
AR, SP 123, « Réunion de la Chambre des députés du 2 mai 1947 », p. 1.
-
[72]
Ibid., p. 2.
-
[73]
Ibid., p. 2.
-
[74]
Ibid., p. 3.
-
[75]
Ibid.
-
[76]
Ibid.
-
[77]
AR, SP 123, « Entretien avec M. Ramadier, à la présidence du Conseil. Le 3 mai, à 11 heures 30 », p. 2.
-
[78]
A. Fonvieille-Vojtovic, Paul Ramadier …, op.cit., notamment p. 343 et 373.
-
[79]
AR, SP 123, « Entretien avec M. Ramadier, à la présidence du Conseil. Le 3 mai, à 11 heures 30 », p. 2.
-
[80]
Ibid., p. 1.
-
[81]
AR, Rapport annuel de gestion 1946, mai 1947, p. 25.
-
[82]
Cf. C. Sardais, Les pénuries de l’immédiat après-guerre en France. La perception et l’action de trois organisations : la Commission de la main-d’œuvre du commissariat au Plan, Pechiney, la Régie Renault, mémoire de DEA d’histoire, EHESS, 2002 et « Renault face aux grandes pénuries, 1945-1952 », Renault-Histoire, n° 15, juin 2003.
-
[83]
SHGR, PL 16, Pierre Lefaucheux [?], « Notes sur l’attribution des matières à l’industrie automobile » du 21 janvier 1947 et la note du 27 janvier 1947.
-
[84]
AR, SP 71-2, « Réunion du 29 avril 1947 - 11 heures », p. 1.
-
[85]
Ibid., p. 1.
-
[86]
AR, SP 123, « Règlement du conflit de la RNUR. Réunion du 4 mai 1947 », p. 2.
-
[87]
AR, SP 71-2, « Réunion du 29 avril 1947 - 11 heures », p. 1.
-
[88]
Né en 1909, ouvrier de Citroën puis de Renault (licencié en 1938), animateur des grèves de 1934 et 1936, devenu un des dirigeants de l’USTM sous le Front populaire (cf. H. Beaumont, « Témoignage », Cahiers de l’Institut CGT d’histoire sociale, n° 18, juin 1986, p. 31-34) puis un des responsables de la Fédération des Métaux CGT de l’après-guerre à 1973, décédé en 1981. « Beaumont (Henri) », in J. Maitron (dir.), Dictionnaire biographique…, op. cit., t. XVIII, Paris, Éditions ouvrières, 1982, p. 302, complété par C. Pennetier (dir.), Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social, t. I, Paris, Éditions de l’Atelier, 2006, p. 312 ; H. Chapman, State capitalism and working-class radicalism in the French aircraft industry, Berkeley, University of California Press, 1991, p. 281 et 301 ; E. Pezet, « Négociation collective et gouvernement des individus dans l’entreprise : la négociation des classifications dans la métallurgie (1968-1975) », Entreprises et Histoire, n° 26, décembre 2000, p. 74-88.
-
[89]
AR, SP 71-2, « Conférence au ministère du Travail le 29 avril 1947 à 15 h », p. 3.
-
[90]
Structure de coordination créée par le gouvernement de Vichy et maintenue à la Libération. Cf. M. Margairaz, L’État, les finances et l’économie. Histoire d’une conversion, 1932-1952, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1990.
-
[91]
AR, SP 123, « Entretien avec M. Ramadier, à la présidence du Conseil. Le 3 mai, à 11 heures 30 », p. 1.
-
[92]
Ibid.
-
[93]
SHGR, PL 16, « Note concernant le règlement du conflit de la Régie Nationale des Usines Renault – 29 avril 1947 », p. 4.
-
[94]
AR, SP 123, « Règlement du conflit de la RNUR. Réunion du 6 mai 1947 – 9 h 30 », p. 6.
-
[95]
Ibid.
-
[96]
AR, SP 123, « Règlement du conflit de la RNUR. Réunion du 4 mai 1947 », p. 3.
-
[97]
AR, SP 123, Lettre de Pierre Lefaucheux au président du Conseil, 7 mai 1947, p. 1-2.
-
[98]
Ibid., p. 3.
-
[99]
AR, SP 123, « Règlement du conflit Renault. Réception des délégués du 8 mai à 17 h », p. 3.
-
[100]
Ibid., p. 1.
-
[101]
Ibid., p. 1.
-
[102]
AR, SP 123, « Entretien avec M. Ramadier, à la présidence du Conseil. Le 3 mai 1947, à 11 heures 30 », p. 1.
-
[103]
AR, SP 123, « Règlement du conflit Renault. Réception des délégués du 8 mai à 17 h », p. 1.
-
[104]
AR, SP 123, « Règlement du conflit de la RNUR. 19h – Réunion du 8 mai 1947 dans le Cabinet du ministre du Travail », p. 1-2.
-
[105]
Ibid., p. 3.
-
[106]
Ibid., p. 3-4.
-
[107]
Ibid., p. 6.
-
[108]
R. Linet, Lendemains de guerre…, op. cit., p. 184. C. Poperen, Renault…, op. cit., p. 62. A. Chèze, militant de 1936, reste actif, notamment au CCE, jusqu’en 1958. Ibid., p. 105, 108, 112, 134-135.
1Pouvoir suivre pas à pas, parfois d’heure en heure, le processus de négociation d’une des grèves les plus cruciales de l’immédiat après-guerre en France, voici ce que nous offrent les exceptionnelles archives du premier PDG de la Régie Renault, Pierre Lefaucheux [1]. Du 25 avril au 16 mai 1947 se joue en effet à Billancourt un moment clé de l’histoire de Renault, et, plus généralement, de l’histoire de la Reconstruction. À travers cette grève, c’est toute une partie des contradictions de l’immédiat après-guerre qui se trouve exposée : la grève, déclenchée contre la volonté de la CGT, éclate dans une entreprise nationalisée qui, parce que son PDG respecte tant bien que mal la politique de contrôle des prix et des salaires du gouvernement, se trouve défavorisée par rapport à d’autres entreprises moins respectueuses de la législation.
2Chez Renault, cette grève, la première à Billancourt depuis la Libération puis la nationalisation, marque un tournant : dès lors, les grèves et la menace de grève feront partie du quotidien de cette entreprise nationale, après deux années et demie où la « bataille de la production » avait conduit la direction et la CGT à travailler ensemble. Ce qui se passe chez Renault s’applique peu ou prou au niveau du pays puisque, suite à cette grève, les événements de mai-juin 1947 en France marquent la première grande vague de grèves depuis la Libération [2]. Plus généralement, avril-mai chez Renault participe à la myriade d’événements qui se sont déroulés au cours de cette année 1947, année tournant, ou plutôt « point de départ d’évolutions à très long terme » [3]. Car après tout, c’est bien au moment de cette grève que le Parti communiste décidera de se désolidariser du gouvernement, avec pour conséquence son éviction et la rupture du « tripartisme » [4].
3Le propos de cet article ne consiste pas à revenir sur la grève elle-même, sur ses causes, ou ses conséquences [5]. Il s’agit en revanche - dans une période de transformation considérable du travail, du salariat et des stratégies des entreprises de l’industrie automobile [6] - de chercher à comprendre le processus de négociation lui-même, de repérer les différentes étapes qui ont permis de passer d’une situation de blocage à la résolution du conflit. Cette négociation est d’autant plus intéressante que, finalement, le point d’arrivée est très proche de ce que demandait, dès le premier jour, la CGT.
4Une première façon de comprendre l’aboutissement du processus de négociation de la grève d’avril-mai 1947 consiste à le regarder comme un compromis entre plusieurs parties contradictoires, chacune ayant fait sa part d’efforts : la solution finale n’est pas l’augmentation de 3 frs uniforme demandée par la CGT ; elle n’est pas non plus la prime progressive voulue par la direction ; elle est un mixte des deux, avec une partie uniforme (pour la plus grande partie) et une petite partie progressive et, au final, une augmentation conséquente à la fois pour le bas de la hiérarchie (3 frs) et pour le haut (3,80). Bien sûr, cette interprétation se heurte au fait qu’il y avait non pas deux mais trois protagonistes mais, là encore, une interprétation simple est possible : le gouvernement a refusé une telle augmentation jusqu’à l’exclusion des ministres communistes ; à partir de là, il était prêt à céder. Dans cette vision, chacun a renoncé plus ou moins à ses exigences, certains plus que d’autres, et le processus ressemble assez à un phénomène d’optimisation sous contraintes, si l’on peut dire.
5C’est une autre approche que nous allons adopter. Pour en éclairer le processus, nous utiliserons le cadre d’analyse d’Andreu Solé. Il consiste à essayer de saisir l’univers dans lequel les différents protagonistes se sont placés, à savoir l’ensemble de ce qu’ils jugent comme possible, impossible, ou certain. « Un possible est un événement qui (pour la personne ou le groupe considéré) peut se produire ou ne pas se produire : c’est un événement envisageable. Un impossible est un événement considéré comme inimaginable, inconcevable ; il est rejeté, c’est un tabou par exemple. Un non-impossible est – formellement – un impossible couplé à une négation […]. Il s’agit d’un événement tenu pour certain, pour obligatoire : il ne peut pas ne pas se produire » [7].
6Ce qui est particulièrement frappant dans cette négociation, c’est que, comme nous allons le voir, les possibles et impossibles contradictoires des différents protagonistes de la négociation ne seront pas modifiés. C’est parce que d’autres problèmes, bien antérieurs à la grève et non directement liés à celle-ci, seront résolus que la négociation va pouvoir aboutir. Finalement, il ressort que les acteurs n’ont pas « joué » dans un ensemble de contraintes, mais ont justement modifié les contraintes qui pesaient sur eux, afin de conserver, chacun, leurs impératifs propres.
7« Pouvoir suivre pas à pas le processus de négociation », avons-nous dit. Les archives du PDG de la Régie Renault contiennent en effet les comptes rendus de la quasi-intégralité des réunions qui se sont tenues entre la direction et la CGT, mais aussi entre la direction, la CGT et le gouvernement (par l’intermédiaire de ses ministres), incluant même une extraordinaire réunion entre Pierre Lefaucheux et le président du Conseil Paul Ramadier (et leurs collaborateurs) le 3 mai 1947, soit la veille de l’annonce aux ministres communistes de leur exclusion du gouvernement. Au total, vingt-cinq comptes rendus, jusqu’à quatre dans la même journée, qui nous permettent de suivre l’évolution de la négociation et des positions respectives des trois parties prenantes. À cela s’ajoute également toute une série de tracts syndicaux. Bien entendu, ces archives ne nous permettent pas de savoir ce qui a pu se passer en dehors de la négociation. Elles ne dévoilent rien des intentions cachées des protagonistes. Mais elles nous offrent une vue directe sur les positions affichées des uns et des autres, tout au long des onze jours que durera la négociation, jusqu’au 8 mai [8].
Nous allons tout d’abord faire apparaître les univers des parties prenantes à la négociation et l’incompatibilité de ces univers. Ensuite seulement nous montrerons comment s’est effectué le passage à une situation où ces univers ont pu devenir conciliables.
Trois univers inconciliables
8À partir de l’étude des comptes rendus des réunions qui se sont tenues tout au long de la négociation, nous avons fait apparaître trois protagonistes principaux : la direction, le gouvernement (qui dans la France d’après-guerre a la charge de la politique des salaires) [9] et la CGT - qui est l’organisation unique avec laquelle le PDG va négocier [10].
La CGT Renault : une position puissante mais minée par des contradictions
9Au sein de la CGT Renault [11], deux militants interviennent abondamment tout au long du processus : Henri Delame et René Plaisance. Le premier est le secrétaire permanent du syndicat des métaux de Boulogne-Billancourt. Le second est le permanent en charge de la section CGT Renault. Si son expérience du militantisme est ancienne (il a été plusieurs fois secrétaire d’une section syndicale, y compris pendant l’Occupation et même dans l’avant-guerre), il n’a été envoyé chez Renault que depuis un an, « pour renforcer la direction de la section » [12]. À leurs côtés, on trouve aussi deux délégués du personnel, également secrétaires de la section syndicale Renault : Jean Charrier, « pratiquement adjoint de René Plaisance », et André Chèze [13]. À ces quatre militants il faut ajouter Roger Linet, alors à l’USTM (Union syndicale des Travailleurs de la Métallurgie de la région parisienne CGT), envoyé dès le lendemain du début des négociations par Benoît Frachon, le secrétaire général de la CGT, pour « donner un coup de main à nos camarades de Renault Billancourt, dans l’embarras » [14]. Roger Linet reste cependant discret lors de cette négociation, intervenant rarement. Faut-il y voir la marque d’un « œil de Moscou », présent pour rendre compte au syndicat et au parti de ce qui se passe ? Ou plus simplement le fait qu’il découvre, au contact de ses deux camarades, une entreprise et un fonctionnement qu’il ne connaît pas ? Ou peut-être ne veut-il pas s’immiscer dans les bonnes relations, marquées par la confiance, entre le PDG de Renault et les syndicalistes CGT ?
10Le choix du PDG de négocier uniquement avec la CGT peut s’expliquer par plusieurs raisons.
11Aux dernières élections professionnelles (de 1946), la CGT Renault a obtenu plus de 90 % des suffrages exprimés du collège ouvriers et employés et plus de 50 % du collège agents de maîtrise et techniciens [15]. Elle revendique 20 000 adhérents en 1947, chiffre à rapporter aux 37 000 salariés que compte la Régie Renault (dont 83 % sur le seul site de Billancourt) [16]. Au-delà de cette puissance, elle bénéficie de très bonnes relations avec le PDG de l’entreprise. Ce dernier, dès la première réunion, souligne que, malgré des désaccords, « les deux parties ont toujours eu un point en commun, développer la production » [17]. La puissance de cette organisation syndicale apparaît plus encore si l’on regarde au-delà de Renault. Le ministre du Travail Ambroise Croizat [18], membre du Parti communiste, est le secrétaire général de la Fédération des Métaux, fédération de la CGT dont relèvent les entreprises automobiles.
12Cependant la position d’Ambroise Croizat, et plus généralement de la CGT, n’est pas facile. Paul Ramadier, lorsqu’il est arrivé à la tête du gouvernement en janvier 1947, a fait de la lutte contre l’inflation [19] l’une de ses priorités : « la première réforme sociale, la mesure de salut public, c’est la baisse des prix » [20]. Il faut dire que cette inflation a atteint 64 % au cours de l’année 1946. Or l’un des moyens de cette lutte est le contrôle des salaires. Mis en place pendant la guerre, il a été maintenu, aussi bien pour les entreprises publiques que privées (et le sera jusqu’à la loi du 11 février 1950) [21]. C’est le ministre du Travail qui fixe, par catégorie, les salaires minima et maxima. Et si, à plusieurs reprises, le niveau des salaires maxima sera revu à la hausse par le ministre, l’importante inflation et le retard de ces mises à niveau ont débouché sur une forte érosion du pouvoir d’achat. Une note interne du ministère du Travail de février 1947 indique que « le pouvoir d’achat actuel est de 40 % plus faible que celui de 1939 » [22]. En mai 1947, le niveau de vie ouvrier, qui, de 60 % au moment de la Libération, était remonté à 85 % en mai 1945, n’atteint plus que la moitié du niveau d’avant-guerre [23]. Si l’on s’intéresse plus précisément aux ouvriers de la métallurgie parisienne, leur pouvoir d’achat a perdu 25 % entre janvier 1945 et mai 1947 [24].
13Or, ironie du sort, depuis novembre 1945 c’est le communiste et syndicaliste Ambroise Croizat qui a la charge de cette politique. Six semaines avant le déclenchement du conflit Renault, il s’exprimait à la radio : « Les travailleurs, sur qui pèsent les plus lourdes charges, ont été, depuis quelques mois, les plus durement touchés par la hausse intolérable des prix […]. Ils ont, ces derniers temps, formulé des revendications dont la légitimité n’est pas discutée par le gouvernement. La demande d’augmentation générale des salaires, si justifiée soit-elle, n’a pu être envisagée, à l’instant même où le gouvernement met tout son espoir et son autorité dans la réalisation d’une expérience qui doit éviter à notre pays et à toute la population française l’épreuve la plus grave et la plus douloureuse, celle de l’inflation » [25]. Faut-il voir dans cette déclaration le propos d’un ministre « mis sous tutelle » [26], pour reprendre les mots de l’historienne Annie Lacroix-Riz ? Quoi qu’il en soit, ce discours éclaire particulièrement bien les contradictions auxquelles sont confrontés le Parti Communiste et la CGT.
14Et il en est de même chez Renault, peut-être de façon plus symbolique encore. Cette entreprise nationalisée à la Libération, qui compte, avec Billancourt, le plus gros site industriel du pays, a fait naître de grandes espérances. Or la réalité quotidienne vient saper cette expérience. Comme ailleurs, le pouvoir d’achat des travailleurs s’est érodé ; mais chez Renault, il s’est plus érodé qu’ailleurs. Une note des Renseignements généraux à l’intention du président du Conseil témoigne de ce sentiment : « les salaires étaient jugés très inférieurs à ceux pratiqués dans les autres usines de la région parisienne » [27].
15À plusieurs reprises depuis son arrivée à la tête de l’entreprise le 4 octobre 1944, le PDG de Renault a indiqué au gouvernement que de nombreux industriels ne respectaient pas la législation sur les salaires et, offrant des salaires plus élevés, débauchaient son personnel [28]. Au cours du mois de mai 1947, il reconnaîtra implicitement devant la section CFTC que si la Régie n’est pas la dernière, elle se situe à la traîne du « peloton » : « les salaires de la Régie sont les mêmes (et quelquefois légèrement supérieurs) que ceux de Citroën, mais ils seront toujours au-dessous des maisons qui ont soit des capitaux américains derrière elles (Ford, Simca), soit des prix de vente meilleurs que les nôtres, et au-dessous également de ceux des petites maisons de mécanique qui travaillent sur devis » [29]. Bref, si l’on met de côté Peugeot dont les usines ne sont pas situées en région parisienne et Citroën pour lequel il y a débat (comme nous allons le voir tout de suite), il faut bien comprendre que toutes les entreprises automobiles offrent des salaires meilleurs que la Régie Renault. Signe peut-être de la contradiction que vit la CGT, engagée dans la « bataille de la production » mais également dans cette politique de contrôle des salaires : aux élections sociales nationales (pour la Sécurité sociale) du 24 avril, soit 4 jours avant le début de cette négociation, la CGT enregistre une sévère déconvenue [30].
16Voici donc, brièvement synthétisée, une partie des enjeux de la CGT Renault. Avant d’étudier comment cela se traduit dans la négociation, il convient de clarifier un point historiographique important.
17Pour l’historien Robert Mencherini, « la CGT reprend à son compte la revendication des 10 francs d’augmentation, mais en la transformant en prime à la production » [31]. En fait, il convient de distinguer d’une part la position de la CGT Renault dans la négociation locale avec la direction de Renault (une revendication de 3 francs) et d’autre part la solidarité qu’elle témoigne par rapport à la revendication d’ordre général de l’USTM qui concerne l’ensemble des travailleurs de la métallurgie de la région parisienne : elle se déclare ainsi en « accord avec le bureau exécutif de l’Union syndicale qui réclame pour tous les métallurgistes de la Seine […] une prime à la production de l’ordre de 10 francs de l’heure » [32].
18Roger Linet cependant, dans ses mémoires, laisse entendre que la revendication de la CGT Renault au cours de la négociation était une demande d’augmentation de 10 francs et qu’elle a dû se contenter d’une augmentation de 3 francs : « en quelques jours, la CGT reprend la situation en main, en soutenant la revendication principale d’une augmentation de 10 F de l’heure [et la grève] se termine dans les conditions d’un compromis quasi obligé, mais honorable, par une augmentation modeste de 3 F de l’heure […] » [33].
19Il se montre même plus précis dans son autre livre Lendemains de guerre, en écrivant, ce qui laisse pantois celui qui s’est plongé dans les archives : « Le lundi 12 mai, Daniel Mayer nous reçoit à nouveau. […] Nous revenons inlassablement sur la nécessité de relever les salaires de 10 F de l’heure. […] Quelques heures à peine après notre retour du ministère du Travail, nous apprenons par la presse du soir que « les salaires seront augmentés de 3 F de l’heure à la Régie Renault » […]. C’est une décision gouvernementale qui nous paraît être une position de repli. A-t-elle été prise aussitôt après que Daniel Mayer s’est livré à son opération de chantage, ou, plus probablement, la décision, tenue secrète, était-elle déjà prise ? 3 F seulement, c’est peu, mais ce n’est pas rien. Avec une prime promise… On est loin des 10 F, mais dans la situation exceptionnelle du moment, ce n’est pas une défaite » [34].
20Dès le 28 avril en effet, alors que Pierre Lefaucheux lui-même indique que « les ouvriers du département en grève demandent une augmentation de 10 frs sur le taux horaire », Henri Delame « précise que seuls les trotskystes ont posé cette revendication » [35]. Dès la seconde réunion de la journée, Jean Charrier demande s’il « ne pourrait être établi une prime uniforme ne tenant pas compte du coefficient hiérarchique. Le montant de cette prime serait de 3 francs » [36]. Juste après, il semble que la question des 10 francs soit évoquée puisque Pierre Lefaucheux « demande aux membres de la Délégation de ne pas se solidariser avec les gens qui ont demandé 10 fr car ces derniers veulent semer le désordre à la Régie » [37]. Il n’en sera plus question. Et lors de l’ouverture de la troisième réunion de la journée, « M. Plaisance prend la parole et demande que la prime actuellement en cours soit automatiquement majorée de 3 fr uniformément pour l’ensemble du personnel » [38].
21Il est vrai que Roger Linet n’arrivera chez Renault que le lendemain, le 29 avril. Mais comme nous le verrons dans la suite de cet article, cette revendication des 3 francs de la CGT sera constante… Même les tracts de la CGT en font mention, tel celui du 29 avril déjà : « Depuis plusieurs semaines la section syndicale a déposé à la direction le cahier de revendication suivant : […] 5°) une augmentation de la prime de production de 3 francs de l’heure […]. Nous maintenons les propositions d’une demande de 3 francs de l’heure pour tous de majoration sur la prime de production » [39].
22Ce qu’il est particulièrement intéressant de souligner, c’est que la section syndicale ne se distancie pas seulement de la demande d’augmentation de 10 fr, mais également des arguments donnés. La demande n’est pas guidée par la volonté de répondre à l’amélioration, « légitime », pour reprendre les mots d’Ambroise Croizat cités plus haut, des conditions de vie, pas plus par l’objectif d’atteindre un niveau « vital ». Il s’agit simplement de corriger une injustice. « M. Plaisance pense qu’il y a une différence de 3 francs avec les établissements Citroën » [40].
23En fait, à ce stade, la CGT Renault, dans la négociation avec la direction, se place bien dans le cadre de la politique gouvernementale de contrôle des prix et des salaires. Il ne s’agit pas de demander une modification de ce cadre, mais simplement, à l’intérieur de celui-ci, de corriger les déséquilibres qui ont pu se produire entre les entreprises. Le fait que Pierre Lefaucheux conteste cette différence de 3 francs avec Citroën et défende l’idée selon laquelle les salaires des deux entreprises sont très comparables ne change pas grand-chose sur ce point. La CGT ne demande pas un traitement de faveur pour Renault ; elle ne demande pas une remise en cause de la politique gouvernementale ; elle ne demande pas une mise à niveau sur le minimum vital. Elle demande simplement une correction des salaires de Renault pour les mettre au niveau de Citroën, et, plus généralement, des autres entreprises du secteur qui offrent des salaires plus élevés (point que ne conteste nullement la direction). Caractéristique de cette position, l’insistance d’un délégué à indiquer que les « meilleurs OS quittent l’usine » [41]. Ce n’est pas la menace de la grève qui est utilisée mais bien celle de la « défection » des ouvriers dans un cadre où la concurrence sur les salaires est très défavorable à la Régie Renault [42].
24Les premiers échanges avec la Direction nous donnent des indications supplémentaires pour saisir l’univers dans lequel se situe la section syndicale. Pierre Lefaucheux en effet, pour des raisons que nous développerons plus loin, fait à la CGT une première contre-proposition. Elle consiste à offrir une augmentation de 50 % de la PPP (prime progressive de production). Dans le contexte de blocage des salaires pour lutter contre l’inflation et de pénurie qui marque la période de la Reconstruction, le gouvernement a en effet permis aux entreprises de verser des primes en fonction de l’augmentation de la production. Chez Renault, cette prime est égale à 2 fr*H*C où C est le coefficient hiérarchique (indice 100 pour le niveau le plus bas) et H est un coefficient de productivité, qui est fixé, alors, à 1,4. L’augmentation de 50 % de cette prime reviendrait à la formule : 3 fr*H*C.
25Pour le coefficient moyen de l’usine, soit 156, cela signifie une augmentation moyenne de 2,184 francs de l’heure, soit moins que la revendication de la CGT. Mais ce qui est intéressant, c’est que telle n’est pas la raison qui conduit la CGT à repousser la proposition. Un délégué demande « au point de vue financier si la répercussion des 3 frs de l’heure uniformément aurait davantage de conséquence que la prime envisagée ce matin » [43]. Il apparaît donc que le calcul n’a pas été fait par les délégués (en fait, la proposition de la CGT coûterait, d’après nos propres calculs, environ 30 % plus cher). Leur raison de repousser la contre-proposition est qu’ils tiennent à une augmentation uniforme.
26Plus significatif encore, la direction va faire une autre proposition, celle d’une prime de cantine de 24 francs par jour, soit 3 francs de l’heure pour une journée de 8 heures (la semaine de travail atteint jusqu’à 48 heures, réparties sur 6 jours). Cette fois, l’intégralité de la revendication financière de la CGT est atteinte, et elle est de plus uniforme, non dépendante du coefficient hiérarchique.
Pourtant cette solution ne plaît guère à la délégation CGT : « Il règne à la Régie Renault de profondes anomalies dans les salaires. […] Cette grève est la manifestation du rassemblement des mécontents, par conséquent, il faut que la CGT trouve une revendication susceptible de créer un choc, et d’une forme plus heureuse » [44], indique Henri Delame. Pierre Lefaucheux ne comprend pas pourquoi cette revendication, qui « est, à quelques francs près, la même que celle de la Section Syndicale » ne serait pas acceptée. « Un délégué répond que c’est la forme qui ne va pas » [45]. Il semble donc que la CGT ait besoin avant tout d’une forme claire et simple de l’augmentation, afin de pouvoir annoncer par exemple « nous avons 3 francs », plutôt que « 50 % d’augmentation de la Prime de production » ou « une prime de cantine de 24 francs ».
À travers cette discussion, nous pouvons voir la position constructive de la CGT qui refuse les contre-propositions de la direction non par principe, mais plutôt pour proposer quelque chose susceptible de mettre fin à la grève. À ce stade, la CGT semble clairement avoir à cœur de régler le plus vite possible le conflit Renault. Elle travaille et négocie, dans le sens consensuel du terme, avec la direction. Cela n’est d’ailleurs pas étonnant dans le contexte que nous avons évoqué.
On pourrait imaginer une rupture radicale après le 4 mai et l’exclusion des ministres communistes. Il n’en est rien. À aucun moment la CGT ne décide de faire volte-face et de tenter d’aggraver le conflit. La volonté de résoudre le conflit au plus vite reste présente. Et ses représentants ne changent pas leur revendication des 3 francs, déposée dès le début du conflit. Jamais ils ne défendront, dans le cadre de la négociation avec la direction de Renault, les 10 francs du comité de grève des départements 6 et 18.
Comme l’indique Philippe Buton, « à ce moment-là, vu du PCF et pas seulement du PCF, l’événement du 4 mai 1947 ne constitue aucune rupture décisive. En effet, en décidant de refuser leur confiance, les communistes choisissent de rompre avec le gouvernement Ramadier, mais non avec leur ligne politique précédente, qui implique, entre autres choses, le soutien au tripartisme et le partage d’une culture de gouvernement » [46].
Voici donc l’univers des possibles et impossibles dans lequel se place la CGT :
Un PDG activiste mais sans succès
27Le second bloc de protagonistes du processus de négociation de la grève d’avril-mai 1947 est constitué par la direction générale de la Régie Renault. À l’intérieur de ce bloc, une personne joue un rôle prépondérant, le PDG lui-même, Pierre Lefaucheux. Il se met en première ligne dès le 28 avril et, si quelques-uns de ses collaborateurs l’accompagnent et interviennent lors des réunions, ils apparaissent plutôt effacés. Essayons de repérer ses enjeux, ainsi que l’univers dans lequel il se place.
281) Est-il possible d’augmenter les salaires ?
29Il est bien sûr tentant de voir comme élément essentiel de l’enjeu du PDG les finances de l’entreprise. D’autant que si la Régie Renault a réalisé quelques bénéfices en 1945 et 1946, la situation en ce début d’année 1947 est bien différente. C’est la première année où la Régie Renault réalisera des pertes et, en avril 1947 déjà, la situation n’est guère enviable. Pierre Lefaucheux n’est donc pas dans une situation où il aurait de la difficulté à justifier un refus d’augmentation, bien au contraire.
30Mais il n’en est rien. Même lorsque « un des membres de la Délégation demande au point de vue financier si la répercussion des 3 frs de l’heure uniformément aurait davantage de conséquences que la prime envisagée ce matin » [47], la réponse du PDG est sans équivoque : « M. Lefaucheux précise qu’il n’a pas encore fait les calculs, mais il connaît à peu près ce que coûte la concession faite ce matin. Il indique que 3 frs uniformément, ce serait un peu plus cher, mais là n’est pas la question » [48]. En réalité, le problème n’est pas financier, il est politique. « Ce qui importe, c’est que sur la prime à la production, il arrivera peut-être à faire admettre au Gouvernement qu’il l’a augmentée » [49].
31Le problème majeur du PDG est donc un problème d’affichage. Le matin du 28 avril déjà, il avait évoqué ce problème aux délégués : concernant la revendication sur les salaires, il « indique qu’il a regardé le problème sous toutes ses faces et qu’il a cherché, notamment, s’il n’y avait pas moyen de modifier le système de la prime à la production qui permettrait de l’augmenter sans que cela se voie » [50].
32Le lecteur pourrait être tenté d’y voir une tentative du PDG de la Régie de tromper le gouvernement et de pratiquer une augmentation (illégale donc car ne faisant pas partie des prérogatives du PDG) derrière son dos. Une autre lecture peut être faite : il s’agit plutôt d’éviter de mettre le gouvernement en difficulté. Si même la Régie Renault, entreprise nationalisée, qui compte le plus gros site industriel du pays, se permet de ne pas respecter la législation sur les salaires, qui le fera ? Un tel acte, aussi légitime soit-il par rapport à la situation propre de la Régie Renault au regard des autres entreprises de la région, constituerait un magnifique prétexte pour les autres entreprises d’enfreindre la réglementation.
33Qui plus est, Pierre Lefaucheux est proche du gouvernement. Son ministre de tutelle, le ministre de l’Industrie Robert Lacoste, est un de ses amis personnels. Il a fait partie, avec lui, du Comité Général d’Études, organisme créé par Jean Moulin en 1942 pour penser l’après-guerre [51]. Dans ce comité se trouvent quatre membres du premier gouvernement de la France libérée (et un futur Premier ministre de la Ve République). En fait, depuis sa nomination à la tête de la Régie, Pierre Lefaucheux s’est montré solidaire du gouvernement et a respecté, de façon générale, la politique gouvernementale en matière de salaires, ce que tous ne faisaient pas, y compris, dit-il, certains de ses confrères à la tête d’entreprises nationalisées [52].
34Le résultat de cette politique, nous l’avons vu, a été que la Régie Renault s’est retrouvée à la fin du peloton des entreprises de construction automobile en matière de salaires. À deux reprises Lefaucheux s’est permis de s’affranchir de celle-ci : à l’hiver 1945 et en mars 1946. Dans les deux cas, il lui fallait faire face au débauchage de son personnel opéré par d’autres entreprises moins respectueuses de la législation sur les salaires. Il s’agissait en fait de réaliser une « remise à niveau ».
35Si son attitude générale a été la loyauté à l’égard du gouvernement, Pierre Lefaucheux a donc déjà par deux fois été capable de s’en affranchir, dans des cas de force majeure. Qu’en est-il cette fois ?
36Parce qu’il n’a pas trouvé le moyen d’effectuer cette augmentation « sans que cela se voie », il s’est résolu à faire part à Robert Lacoste, son ministre de tutelle et ami, de son intention de majorer la prime à la production. La réponse ne s’est pas fait attendre : le ministre « lui a fait remarquer que cette augmentation était une majoration de salaire contraire aux décisions gouvernementales à cet égard et que cette question n’était pas du ressort du ministre de la Production Industrielle, mais de celui du ministre du Travail » [53].
37Marcel Lamour - le chef adjoint de cabinet de ce dernier, et syndicaliste CGT des Métaux [54] -, joint peu après, lui répond alors que cette question est « très grave, qu’elle devait être soumise au ministre et qu’il allait le rappeler » [55]. Lorsque le ministre rappelle en effet, c’est pour attirer l’attention du PDG « sur l’incidence qu’il allait y avoir sur le prix de revient » et insister « pour que M. Lefaucheux demande l’accord de l’Économie Nationale » [56].
38Mais Pierre Lefaucheux n’a pas peur de prendre son autonomie : « Étant donné la gravité de la situation, il prenait sur lui de ne pas consulter le ministère de l’Économie Nationale (parce qu’il est sûr du résultat) et qu’il n’a pas le temps de le consulter. M. Lefaucheux indique que les membres de la délégation peuvent annoncer que la Direction est d’accord sur une augmentation de 1 fr de la prime de production [donc le passage de 2fr*H*C à 3fr*H*C, soit 2,2 francs au coefficient hiérarchique moyen] » [57].
39Renvoyé de ministre en ministre, et considérant sans doute qu’il a eu l’accord du ministre du Travail (sous réserve de l’incidence sur les coûts de revient), Pierre Lefaucheux prend sur lui cette augmentation de la prime de production. Comme nous l’avons vu, les délégués ne sont pas d’accord avec cette proposition mais cela nous montre plusieurs choses : Pierre Lefaucheux est prêt à prendre des risques et à prendre son autonomie par rapport au gouvernement ; il le fait néanmoins en ayant prévenu le gouvernement et en jouant sur ses divisions ; il le fait d’une manière qui n’apparaît pas directement comme une hausse de salaire déguisée ; il apparaît également comme décidé à faire ce qu’il faut pour régler le conflit au plus vite.
402) Le problème de la hiérarchie
41Mais la contre-proposition du PDG n’est pas fondée uniquement sur la volonté de ne pas s’opposer frontalement à la politique gouvernementale de contrôle des salaires. Alors que la grève éclate dans son usine, il semble que Pierre Lefaucheux soit préoccupé par le risque de défection de ses cadres, bien plus que par la grève : « Il fait part d’une inquiétude qu’il a en ce moment et il dit qu’il faut considérer une chose, c’est que la Régie ne vivra pas si elle n’a pas un bon état-major ». D’où sa conclusion : « on ne peut pas écraser la hiérarchie » [58]. Car ajouter une part fixe à la Prime Progressive de Production, qui était, selon son mode de calcul, une prime proportionnelle (fonction du niveau hiérarchique) revient à modifier l’esprit de celle-ci. Surtout, cette augmentation a pour conséquence de réduire l’éventail des salaires.
42Pour Pierre Lefaucheux, ce n’est pas la première fois qu’un tel problème se pose. En mars 1946, notamment, il avait augmenté, contre les directives du gouvernement, les salaires des ouvriers qualifiés, dont il craignait le débauchage par d’autres entreprises, tout en refusant de le faire pour les ouvriers spécialisés (OS). Il ne contestait pas la légitimité sociale d’une telle mesure, mais entendait s’écarter des directives gouvernementales uniquement en cas de force majeure, cette dernière étant représentée ici par le risque de fuite de ses ouvriers qualifiés [59]. Cette fois, ce sont plutôt son état-major et, plus généralement, ses ingénieurs et cadres, qui lui causent souci. Lors de la dernière réunion de la journée, en présence du représentant du ministre du Travail, il réaffirme cette position : « Enfin, l’argument qui semble le plus fort à M. Lefaucheux est celui de la répercussion psychologique que cette décision aura sur la maîtrise et les ingénieurs. À l’heure actuelle, un des problèmes les plus graves de la Régie est celui des cadres, il faut lui conserver et lui recruter des cadres capables » [60].
43En fait, la direction serait prête à accorder une augmentation fixe à tous les salariés, mais à condition de trouver une façon qui ne heurte pas les cadres. Il s’agit donc d’une position plus pragmatique que dogmatique. D’où la proposition d’une prime de cantine (refusée, nous l’avons vu, par la CGT) de 24 francs par jour pour tous, correspondant aux 3 francs de l’heure demandés par la délégation syndicale. Cette idée est émise par le directeur général adjoint Pierre Grillot lors de la dernière réunion de la journée : « On peut en effet admettre que l’ingénieur et l’ouvrier doivent manger de la même façon. Les cadres ne pourront donc pas s’offusquer » [61]. Pierre Lefaucheux rebondit sur cette proposition qui « présente le triple avantage de ne pas fausser la prime à la production, de ne pas froisser les cadres parce que c’est une indemnité de cantine, et de répondre à peu de chose près à la demande de la CGT » [62]. Mais la CGT Renault n’est pas convaincue par cette idée.
44Pierre Lefaucheux n’avait pas trouvé un moyen d’augmenter la PPP « sans que cela se voie » ; mais il pensait que le gouvernement ne s’opposerait pas à sa formule d’augmentation de la prime. Il avait tort. Il n’a pas eu besoin d’attendre un jour pour s’en rendre compte. Dès la fin de la journée du 28 avril, il annonce à la CGT que « le ministère [du Travail] lui a demandé comment il se faisait qu’il avait pris sous son bonnet de résoudre ce problème qui est un problème de gouvernement. Il indique qu’il essaiera de trouver les arguments pour se défendre, mais donne néanmoins la position du gouvernement » [63]. Pour Pierre Lefaucheux, cela indique qu’il a fait plus « que le maximum qu’il pouvait faire, puisque la réaction du Gouvernement est de dire qu’il est allé trop loin ». Et il conclut « qu’il est certain que la formule proposée par la Section Syndicale n’est pas acceptable par le Gouvernement, car c’est une majoration déguisée de 3 fr » [64].
Pierre Lefaucheux, cependant, n’abdique pas : pour lui, il est toujours possible d’infléchir la position du gouvernement et de trouver un moyen d’augmenter la PPP. Par exemple en insistant sur la légitimité de sa demande. Il envoie au gouvernement une note concernant le règlement du conflit qui rappelle la situation des salaires de la Régie, « inférieurs, il faut le reconnaître, à ceux payés dans les petites entreprises d’automobiles » [65], et qui souligne l’attitude de loyauté de la direction vis-à-vis des directives du gouvernement : la direction « n’avait pas cru devoir faire droit à une revendication présentée par la CGT, et portant sur une augmentation générale des salaires. Sur ce point d’ailleurs, elle se trouvait liée par l’obligation de respecter les directives du Gouvernement » [66].
La seule petite différence que nous pouvons noter dans les jours qui suivent concerne sa volonté de ne pas écraser la hiérarchie. Il semble qu’après plusieurs jours de conflit, la volonté de le régler au plus vite l’emporte sur le reste puisqu’il propose au président du Conseil une formule qui n’est pas proportionnelle : 2*H*C + 2,14*H. L’ajout du 2,14*H revient pratiquement à la revendication initiale de la CGT (2,14*1,4=3 francs). Remarquons cependant que la nouvelle proposition est encore plus favorable que la revendication initiale de la CGT puisque si un jour la valeur de H est réévaluée, la prime sera encore plus élevée.
Mais, comme nous allons le voir, cette proposition ne donnera rien puisque le président du Conseil restera inflexible. Avant de nous intéresser à ce dernier protagoniste, ramassons en un bref tableau les possibles et impossibles majeurs du PDG de la Régie lors de ce conflit :
Le gouvernement et la défense, coûte que coûte, d’une politique
45Le troisième protagoniste de cette négociation n’est autre que le président du Conseil, Paul Ramadier lui-même [67]. Ce dernier est le premier président du Conseil de la IVe République. Il a accédé à cette fonction trois mois plus tôt, le 22 janvier 1947. Socialiste, il dirige un gouvernement de coalition qui regroupe communistes, socialistes et MRP.
46Contrairement aux deux autres protagonistes, il n’est pas présent physiquement aux différentes réunions (si l’on excepte son entrevue avec Pierre Lefaucheux le 2 mai). Pour autant il l’est implicitement, par le biais de ses collaborateurs à la présidence du Conseil, notamment André Boulloche [68], ingénieur X-Ponts, résistant membre de l’OCM comme Lefaucheux et lié à son beau-frère André Postel-Vinay, ou bien par le biais de ses ministres, et notamment des ministres socialistes Daniel Mayer, qui devient ministre du Travail quelques jours après l’éviction d’Ambroise Croizat, et Robert Lacoste, ministre de l’Industrie, qui assure l’intérim du ministre du Travail avant la nomination de Daniel Mayer. Quant à Ambroise Croizat justement, et son chef adjoint de cabinet Marcel Lamour [69], très présent au début de la négociation, ils apparaissent, comme nous l’avons vu précédemment, de fait soumis au reste du gouvernement, et, in fine, aux décisions de Ramadier.
47Même s’il ne peut agir totalement à sa guise au sein du gouvernement, c’est Paul Ramadier qui va fixer les règles à l’intérieur desquelles la négociation du conflit Renault peut s’opérer, et ce dès le début du conflit. Le 29 avril déjà, Pierre Lefaucheux est en mesure d’annoncer à la CGT la position de la présidence du Conseil : « elle n’acceptera pas de formule d’augmentation qui ne soit pas liée à une augmentation de la production. C’est le principe qui a été posé » [70].
48Les enjeux de Paul Ramadier sont extrêmement forts à l’occasion de ce conflit, qui est la première grande grève à laquelle il est confronté depuis son accession à la présidence du Conseil. Il ne s’agit pas seulement de faire preuve de fermeté ou de montrer qu’il est capable de résister à la pression des événements. L’enjeu est beaucoup plus important : le cœur même de sa politique est directement menacé. Lors de son intervention à la Chambre des députés du 2 mai, il rappelle quelle était sa priorité : « Lorsque je me suis présenté devant vous, le 21 janvier dernier, je vous ai clairement indiqué que dans l’état où se trouvait l’économie française, il fallait, avec la plus extrême vigueur, s’efforcer de maintenir les prix et les salaires et se diriger vers la baisse » [71]. Il ajoute que même les organisations syndicales ont admis que c’était sagesse et qu’une période s’achevant au 1er juillet pendant laquelle aucune augmentation de salaires ne devait être envisagée a été décidée.
49Convient-il de revenir sur cette politique, convient-il de régler en premier lieu le conflit Renault ? « Si les prix venaient à être lâchés, tout serait remis en question, mais tout est également mis en question si les salaires sont augmentés, car ils s’intègrent au prix de revient, car ils relèvent les prix. (vifs applaudissements) » [72]. Et le président du Conseil de conclure : « À l’heure actuelle, il y a une mesure sociale qui dépasse toutes les autres, c’est de sauvegarder le pouvoir d’achat de la monnaie » [73]. Par conséquent, poursuit-il, « je n’ai pas un mot à changer à ma déclaration d’il y a trois mois » [74].
50Pourtant il y aurait de bonnes raisons d’augmenter les salaires. Jacques Duclos, le n° 2 du Parti communiste, lui rappelle alors que l’indice des salaires a augmenté de 460 % alors que celui du coût de la vie s’est accru de 768 %. « Les revendications de la Fédération des Métaux sont justes », poursuit-il, « en ce qu’elles tendent à améliorer les salaires par des primes à la production » [75]. Si Paul Ramadier ne conteste pas la légitimité de cette revendication, il reste inflexible sur la sauvegarde de sa politique : « Sur la prime, je suis entièrement d’accord avec vous. Je demande seulement qu’on ne baptise pas « prime à la production » de simples augmentations de salaires. Il est normal, dans l’intérêt général, que l’ouvrier soit récompensé en cas d’augmentation de la production, voilà les limites dans lesquelles il faut rester » [76].
51Concrètement, cela signifie que la manœuvre de Pierre Lefaucheux tendant à modifier de façon subtile la prime de production ne « marche » pas. Ou bien la production augmente et la prime augmentera (puisqu’elle est calculée par rapport à celle-ci) ; ou bien la production n’augmente pas, et il n’est pas question de modifier artificiellement la prime pour faire apparaître une augmentation qui ne serait rien d’autre qu’une augmentation de salaire déguisée. C’est concrètement ce que Paul Ramadier va dire à Pierre Lefaucheux lors de leur entrevue tenue le lendemain (samedi 3 mai) de son intervention à la Chambre : « Le président a indiqué que, s’il y avait une bataille à mener pour le maintien de la politique actuelle du Gouvernement en matière de salaires et de prix, il la mènerait, dût-il y avoir 30 000 grévistes dans la Région parisienne » [77]. Le portrait de fermeté du président du Conseil dressé par sa biographe n’est pas démenti [78]… Il apparaît assez clairement que mettre fin au conflit n’est pas un impératif, ni même la priorité pour Paul Ramadier.
Pierre Lefaucheux a beau rétorquer que « le terrain choisi par le Gouvernement pour mener cette bataille ne lui semblait pas le plus favorable », rappeler que les salaires chez Renault sont certes équivalents à ceux de Citroën mais inférieurs à ceux des autres maisons et insister sur le caractère injuste du traitement réservé à son entreprise en soulignant « l’inégalité existant entre cette dernière industrie, pour laquelle le contrôle n’intervient que très peu, et la Régie qui est ligotée par un réseau serré de contrôles sur ses matières, ses prix, ses salaires » [79], rien n’y fait. Comme il le lui a indiqué dès le début de leur rencontre, Paul Ramadier souligne au PDG de la Régie que la prime « ne constituait en réalité qu’une augmentation de salaires déguisée, puisqu’elle était donnée avant qu’une augmentation de la production soit intervenue » [80].
Voici donc l’univers dans lequel le président du Conseil se place :
52Nous pouvons à présent mettre ensemble les trois univers de nos protagonistes et faire apparaître en quoi ils sont irréconciliables.
53Il semble donc que le seul moyen de sortir du conflit est que l’un des protagonistes remette en cause ses possibles et impossibles.
Le dénouement du conflit
54Dans la première partie de cet article, nous nous sommes focalisé à chaque fois sur l’un des protagonistes, afin de faire apparaître son « univers », l’ensemble des possibles et impossibles et non-impossibles qu’il se donne et plus précisément ceux qui entrent en contradiction avec ceux des autres.
55Les différents protagonistes vont chercher, tout au long du conflit, à modifier l’univers des possibles et impossibles des autres. Pourtant ce n’est pas ainsi que le conflit va être résolu. En fait, les acteurs ne vont pas atteindre un compromis à l’intérieur d’un ensemble de contraintes ; ils vont modifier, ensemble, ce qui pouvait apparaître au premier abord comme une contrainte qui pesait sur eux. Alors seulement ils pourront mettre fin au conflit. Façon de montrer, peut-être, que les contraintes ne s’imposent pas aux acteurs : ils se les imposent et, par conséquent, sont susceptibles de les renverser.
56Il manque en effet un impossible essentiel. Implicite, partagé pourtant par l’ensemble des protagonistes, il rend, à lui seul, inconciliables leurs trois univers. Cet impossible implicite, c’est celui de l’augmentation de la production. Au début du conflit, nous y reviendrons, cette augmentation de la production était tout simplement impensable pour les protagonistes. Sans quoi, bien entendu, le règlement du conflit aurait été beaucoup plus simple : la hausse de la production entraînerait par définition l’augmentation de la prime de production et permettrait donc d’augmenter les salaires sans remettre en cause la politique du gouvernement. Il devenait même envisageable d’accéder aux deux revendications contradictoires du PDG et de la CGT : une hausse en partie proportionnelle (qui ne défavoriserait pas la hiérarchie) mais qui assurerait au moins 3 francs aux plus bas salaires.
Nous allons montrer comment cet impossible de l’augmentation de la production va être renversé puis comment, suite à cela, les acteurs vont être capables d’inventer un chemin leur permettant de rendre compatibles l’ensemble des possibles et impossibles qu’ils s’étaient chacun donnés.
L’émergence d’un possible
57Vu d’aujourd’hui, on pourrait se demander ce qui empêche une entreprise d’augmenter la production, sinon le risque de ne pas trouver d’acheteurs pour cette production supplémentaire. Mais, nous l’avons déjà évoqué, en cette année 1947 la pénurie fait rage. Ce qui signifie concrètement deux choses :
- la production supplémentaire sera vendue puisque, dans ce marché, on peut vendre pratiquement n’importe quoi : l’offre ne suffit pas à satisfaire la demande et tout excédent d’offre mis sur le marché trouve preneur, ou presque. Pour donner une idée de la mesure de cette pénurie, les mots du PDG de Renault sont assez significatifs, lui qui parle d’un « régime de pénurie tel que le prix des véhicules d’occasion dépasse couramment le double du tarif des véhicules neufs » [81].
- les entreprises ne peuvent pas produire plus car elles rencontrent des goulots d’étranglement qui les en empêchent. Dans le cas de la Régie, c’est principalement le manque d’acier (et concrètement de tôles) qui freine la production. Et les recours sont limités. On pourrait bien entendu imaginer une « concurrence féroce » entre clients pour s’assurer la production de leurs fournisseurs, voire des ventes aux enchères. Mais justement, pour éviter ce genre de pratiques, le gouvernement a pris lui-même en charge la répartition (car il s’agit bien de répartir la pénurie). Les quantités produites étant trop faibles pour alimenter le marché, le gouvernement attribue à chaque secteur, et dans chaque secteur à chaque entreprise, les quantités qu’ils sont autorisés à acheter [82].
58Ce qui veut dire aussi que si Pierre Lefaucheux parvenait à obtenir cet acier supplémentaire, il pourrait bien entendu régler le conflit qui se déroule dans son entreprise, mais aussi régler un problème bien plus ancien et structurel, qui gêne la marche de son entreprise depuis des mois. Ce serait une opération parfaite. De fait, Pierre Lefaucheux n’a pas été long à voir l’intérêt qu’il pouvait trouver en l’exigence gouvernementale d’augmenter la production avant d’augmenter la prime. Dès le 29 avril, alors qu’il indique aux délégués que la présidence du Conseil « n’acceptera pas de formule d’augmentation qui ne soit pas liée à une augmentation de la production. C’est le principe qui a été posé » [84], il ajoute : « De ce principe découle une première conséquence, c’est qu’il faut qu’on permette à la Régie d’augmenter la production, ce point-là est acquis et il était très important […] » [85].
59En effet, le gouvernement ne peut pas décemment poser ce principe et empêcher la Régie de produire plus, alors que le goulet d’étranglement est justement constitué par les contingents de matières édictés par le gouvernement lui-même. L’occasion semble tellement belle à Pierre Lefaucheux de faire aboutir une revendication vieille de plusieurs mois qu’il se sent obligé de se justifier auprès de la section syndicale, une semaine plus tard :
« Il ne veut pas que les représentants du personnel croient qu’il avait perdu de vue l’intérêt qu’il y avait à régler le conflit Renault le plus rapidement possible, et qu’il s’était polarisé sur cette augmentation de matières qu’il réclame depuis longtemps avec tant d’insistance, saisissant l’occasion du conflit pour la faire aboutir. Non, cette question est devenue pour lui un souci de deuxième plan et sa préoccupation principale est le règlement du conflit actuel. C’est le Gouvernement qui a pris cette position de faire passer d’abord les matières » [86].
61Le PDG de la Régie en profite aussi pour faire avancer l’autre revendication qu’il avait depuis des mois : la correction de certains prix de vente de véhicules (fixés par les pouvoirs publics), qui entraînaient une vente à perte. En effet, pour que l’augmentation des salaires ne puisse aucunement donner l’impression qu’il en résultera des hausses de prix, il faut, au préalable, corriger les prix de vente mal fixés. Faute de quoi la correction de ces prix de vente, justifiée par le fait qu’ils conduisaient l’entreprise à vendre à perte, pourrait être interprétée comme une hausse des prix causée par la hausse des salaires. C’est pourquoi Pierre Lefaucheux, en ce 29 avril, ajoute : « Les Pouvoirs Publics ont eu enfin leur attention fermement attirée sur la situation financière de la Régie, ils se sont aperçus que certains matériels étaient vendus à perte, qu’ils n’étaient pas en rapport avec le prix de revient ni avec les prix de la concurrence. Là encore, nous allons obtenir satisfaction » [87].
62Rappelons ici qu’au premier jour de la grève, Pierre Lefaucheux n’avait pas évoqué les questions financières pour refuser la revendication de la CGT. Il avait même proposé une formule qui pouvait être presque aussi coûteuse pour l’entreprise. Ce n’est qu’à partir du lendemain et à partir du refus par le gouvernement de sa proposition qu’il commence à évoquer cette question du déficit de la Régie. Tout se passe comme si Pierre Lefaucheux profitait de l’occasion – la grève – pour faire aboutir ses anciennes demandes.
63Pour autant, augmenter le contingent de matières allouées à la Régie n’est pas chose aisée. Car si le gouvernement alloue les matières et limite les approvisionnements, ce n’est pas de gaité de cœur, mais bien parce que ce qu’il donne aux uns, il ne peut plus le donner aux autres. Si, sur le papier, l’augmentation des approvisionnements en acier semble la solution miracle, elle est loin d’être évidente à mettre en œuvre. Le curieux échange du 29 avril entre les représentants de différents ministères et la Fédération des Métaux CGT en témoigne :
À cela M. Cormant ajoute que la réunion du jour n’est qu’une réunion d’information. En définitive, c’est le conseil des ministres (qui se réunit le lendemain mercredi 30 avril) qui prendra la décision. Bref, dans ce jeu de renvoi entre ministères, l’arbitrage du président du Conseil Paul Ramadier va s’avérer décisif.« M. Lamour (ministère du Travail) estime que la proposition des 3 frs uniformément peut être retenue, et qu’en principe le ministère du Travail serait d’accord, mais qu’il y a lieu de voir l’Économie Nationale.
M. Cormant (ministère de l’Économie Nationale) précise alors que ce problème dépasse l’Économie Nationale, que c’est un problème du gouvernement.
Le Gouvernement estime qu’aucune augmentation de salaires ne peut être consentie sans une augmentation correspondante de la production.
M. Beaumont (CGT) [88] précise que l’accroissement dépend de l’Économie Nationale.
M. Cormant précise qu’il est d’accord, mais que les possibilités d’aciers sont extrêmement difficiles.
[échange un peu vif…] » [89].
Inflexible sur sa politique, prêt à avoir « 30 000 grévistes » en région parisienne, ce dernier concède toutefois au PDG de la Régie qu’ « [il existe] évidemment un plan de répartition de l’acier, mis sur pied par le Comité Économique Interministériel [90] à la fin du mois de mars dernier, mais que, dans certains cas, il [est] nécessaire de faire jouer la raison d’État pour modifier les plans les mieux établis » [91]. Paul Ramadier ne se contente pas de dire « non » à Pierre Lefaucheux. Il lui expose comment, selon lui, les choses doivent se dérouler : « Le problème devait être pris de la manière inverse. Il convient d’abord de donner à la Régie Renault les quantités de matières qui lui permettront d’améliorer sa production. Cette augmentation de production amènera une amélioration du prix de revient de l’entreprise et cette amélioration du prix de revient devra profiter d’une part aux salaires et d’autre part à la Régie elle-même, dont la situation financière est, depuis le 1er janvier, difficile » [92].
La difficulté de la mise en œuvre
65Il ne faudrait pas imaginer que les seules paroles du président du Conseil ont suffi à résoudre le problème des matières qui durait depuis des mois, voire des semestres. Entre l’accord de principe du chef du gouvernement et l’arrivée concrète des matières dans les usines de la Régie, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Nous aurons l’occasion de l’évoquer un peu plus loin. Toutefois, même si cette promesse ne garantit pas à la Régie de toucher effectivement les matières promises, elle permet à la négociation de se dérouler selon le principe d’une augmentation de la production ; c’est déjà un pas important de réalisé. Et il a fallu attendre le 3 mai, soit cinq jours après le début de la négociation… Pour autant, il reste de nombreux obstacles à franchir.
66Première question : l’augmentation de la production peut-elle conduire à modifier la PPP de telle sorte que l’on aboutisse à une augmentation de 3 francs ? Si l’on peut supposer que toute nouvelle production trouvera acheteur, vue la situation de pénurie, encore faut-il que la Régie ait les capacités de production suffisantes pour que du supplément de matières attribué puisse résulter un accroissement de la production. Or cinq des sept modèles fabriqués sont déjà portés à la cadence maximale. S’il est donc possible d’augmenter les deux autres (le fourgon 1000 kg et le camion 2 tonnes) [93], il reste que l’augmentation de la production envisageable est loin d’être illimitée (même en supposant que l’accroissement du contingent de matières le soit, ce qui n’est pas le cas bien évidemment). Alors qu’elle avait effectué ses premiers calculs le 29 avril sur la base d’une augmentation de la production de 17 %, la direction doit finalement se rabattre sur le chiffre de 9 %, taux qui tient compte des capacités concrètes de production de la Régie.
67Seconde difficulté : faut-il attendre l’augmentation tangible de la production pour modifier la PPP ? Il faudrait alors que les salariés, après une longue grève, reprennent d’abord le travail puis, quelques jours ou semaines plus tard, le calcul de la nouvelle PPP pourrait être effectué. La CGT bien entendu s’y oppose et souhaiterait même que la modification de la PPP soit faite non pas immédiatement, mais de façon rétroactive. « M. Delame remarque qu’en termes clairs, cette proposition veut dire qu’on attend que la prime corresponde à une augmentation de la production. Alors tout l’effort qui a été fait jusque-là ne compte pas ! Eh bien, ils ne sont pas d’accord » [94]. Pour le gouvernement, la rétroactivité est inacceptable : elle remettrait en cause le principe posé par le président Ramadier et reviendrait à « prendre les choses à l’envers ». C’est l’augmentation de la production qui justifie la hausse de la prime. La rétroactivité, fondée sur la date de dépôt de la revendication, lierait donc l’augmentation à la revendication, et non à la hausse de la production.
68Mais, comme Pierre Lefaucheux le laisse entendre, le gouvernement a néanmoins accepté de bouger. « La position du Gouvernement est la suivante : il y a trois formules : celle de la CGT, 3 frs avec effet rétroactif ; la position d’origine du Gouvernement qui disait : je vais vous donner des matières, vous ferez plus de véhicules et, à partir de ce moment, vous aurez une prime ; enfin sa position actuelle : j’anticipe sur l’avenir, j’admets que le résultat sera atteint, et dès maintenant, on va payer l’augmentation » [95].
69Le gouvernement est donc prêt à accepter le principe d’une augmentation anticipée de la PPP : l’idée est celle de la simultanéité entre la reprise du travail et l’augmentation de la production. Bien entendu, la Régie ne disposera pas de matières supplémentaires en quelques heures ni même en quelques jours. Mais parce que sa production est arrêtée à cause de la grève, elle dispose, de fait, de stocks importants, même d’acier (ce qui est exceptionnel en période de pénurie !). La production pourrait donc reprendre sur un rythme plus élevé, en puisant sur les stocks constitués pendant la grève, dès lors que la Régie est assurée de bénéficier ensuite rapidement de contingents de matière plus importants. Par cette option, on évite de retarder l’augmentation à des jours voire des semaines après la reprise du travail, tout en respectant la volonté du gouvernement de lier directement l’augmentation de la prime à celle de la production.
70Reste un dernier souci, plus grave encore : le calcul de la PPP. Sans modification de sa formule, l’augmentation de la production de 9 % ne déboucherait que sur une augmentation de 0,4 franc au coefficient 100, le coefficient de productivité (H) passant en effet, d’après Pierre Lefaucheux, de 1,4 à 1,6. Et le PDG de conclure : « Il faudrait donc faire accepter par le gouvernement une modification de la prime car ce chiffre est insuffisant » [96].
71La question devient ainsi de savoir s’il s’agit, pour le gouvernement, de veiller à ce que la formule ne soit pas modifiée ou, ce qui n’a rien à voir, s’il convient simplement de s’assurer que le surplus de salaires à payer est bel et bien couvert intégralement par le surplus de revenus généré par l’augmentation de la production. Car après tout, dès lors que l’augmentation des salaires ne débouche pas sur une hausse des prix, dès lors qu’elle n’est que la conséquence d’une hausse de la production, la politique du gouvernement est préservée.
72Et le temps passe. Le 7 mai, Pierre Lefaucheux écrit au président du Conseil pour lui dire que la Régie dispose d’ores et déjà, du fait de la grève, des réserves de matières nécessaires pour accroître sa production. « Par ailleurs, une formule de prime à la production a été étudiée qui permet de donner, tout au moins dans une large mesure, satisfaction aux revendications du personnel, en maintenant scrupuleusement les principes du Gouvernement en la matière. Il semble donc que rien ne puisse actuellement s’opposer à un règlement immédiat. Or nous sommes aujourd’hui au douzième jour du conflit et aucune des modalités envisagées pour sa solution n’a encore été précisée par les Pouvoirs Publics. Je crois qu’il est de mon devoir, Monsieur le Président, d’attirer votre attention sur les conséquences graves qu’un tel retard ne peut manquer d’avoir » [97].
Pierre Lefaucheux en profite pour souligner non seulement le risque de propagation de l’agitation, mais surtout le fait que la loyauté dont il fait preuve est loin d’être partagée par tous : « Or, si jusqu’à présent l’agitation sociale n’a que dans peu d’endroits débordé le cadre de notre entreprise, il n’en faut sans doute trouver la raison que dans la rapidité avec laquelle certains patrons du secteur libre ont cédé aux exigences de leur personnel, sans tenir le moindre compte des directives gouvernementales, auxquelles je me suis moi-même conformé » [98]. Cette lettre, dira-t-il aux délégués le lendemain, fut « accueillie assez froidement » [99]. Quoi qu’il en soit, le lendemain, la négociation, enfin, aboutit.
Retour au point de départ ?
73À 17 heures, Pierre Lefaucheux informe les délégués des nouvelles « propositions transmises par M. le président Ramadier » au tout nouveau ministre du Travail Daniel Mayer. « Les travailleurs, auront en partie satisfaction. Le supplément des matières premières attribuées à la Régie amènera une augmentation de production de l’ordre de 9 %. L’augmentation de la production entraînera donc une augmentation de salaires pour les travailleurs, augmentation qui pourra être évaluée à 3 frs » [100].
74Cependant il est ajouté : « Mais ces 3 frs ne seront pas intégralement payés aux travailleurs : une partie servira à combler le déficit de la Régie » [101]. Drôle de formulation. En tout cas, on retrouve les exigences qu’avait fixées plusieurs jours auparavant le président du Conseil : « Cette augmentation de production amènera une amélioration du prix de revient de l’entreprise et cette amélioration du prix de revient devra profiter d’une part aux salaires et d’autre part à la Régie elle-même, dont la situation financière est, depuis le 1er janvier, difficile » [102]. Pierre Lefaucheux indique aux délégués que même Daniel Mayer a conclu en disant : « Cette mesure est pratiquement symbolique, le Gouvernement ne veut pas donner trois francs » [103].
75Deux heures plus tard, les différents protagonistes se retrouvent chez le ministre du Travail.
« M. Boulloche (présidence du Conseil) indique […] que la prime progressive de production existant déjà passe de 2,80 à 3,20 pour un coefficient hiérarchique 100 [2*1,6*C au lieu de 2*1,4*C]. Ensuite, la prime nouvelle qui est proposée ne comporte pas de coefficient hiérarchique. Elle est calculée d’après le bénéfice résultant pour la Régie de l’augmentation d’activité de 9 %. Ce bénéfice a été chiffré à 25 millions, l’augmentation de la prime de 2,80 à 3,20 coûte 5 millions, il reste donc 20 millions sur lesquels on a admis que 10 % serviraient à combler le déficit de l’entreprise et 90 % iraient au personnel. C’est en répartissant ces 90 % que l’on a trouvé la prime de 2,40, à laquelle s’ajoutent les 0,40 de la prime hiérarchique pour faire 2,80 pour le coefficient hiérarchique 100 » [104].
77Pierre Lefaucheux se fait alors l’avocat de la demande des 3 francs : « En ce qui concerne les 3 frs, l’effet psychologique produit serait favorable – M. Lefaucheux estime que ce ne serait pas une bonne chose de faire reprendre le travail à 2,80 car ce serait une victoire et l’on ne peut pas terminer un conflit sur une victoire. Étant donné que le chiffre de 3 frs a été articulé par la Section Syndicale et que la Direction a été d’accord, ne pourrait-on pas l’adopter ? » [105].
78Pour Daniel Mayer, ce qui compte, c’est de respecter les principes posés par le président du Conseil :
« M. Mayer demande à M. Boulloche s’il est capable de bâtir des chiffres qui prouvent qu’en aboutissant à 3 frs, on laisse tout de même quelque chose pour l’entreprise.
M. Boulloche le croit.
M. Daniel Mayer prend donc sur lui de dire : 3 frs » [106].
80Le 8 mai, dix jours après la demande d’une augmentation de 3 frs faite par la CGT, le ministre du Travail accepte d’entériner la décision suivante :
81« Dès la reprise du travail, par la mise en œuvre de suppléments de matières premières alloués à la RNUR
- La prime progressive hiérarchique à la production passe de 2,80 à 3,20 au coefficient hiérarchique 100.
- Il y est ajouté une prime progressive qui est fixée, dès la remise en route de l’usine, à Frs 2,60 correspondant au coefficient de productivité de 1,6 » [107].
82Ainsi, une augmentation de la Prime Progressive de Production est accordée au personnel. Si son mode de calcul est modifié, le supplément de production et de bénéfice prévu permet de respecter l’exigence de Paul Ramadier de n’accorder de hausses de salaires qu’entièrement couvertes par les gains liés à l’accroissement de la production. La CGT peut annoncer « nous avons nos 3 francs ! », la prime étant augmentée de 2,8 à 3,2 pour la partie progressive au coefficient 100, auquel il faut ajouter les 2,6 francs fixes (mais, est-il précisé, correspondant à un certain niveau de productivité atteint…). Quant à Pierre Lefaucheux, il obtient le règlement du conflit et une augmentation qui n’est pas totalement uniforme. L’écart est certes faible, mais si le coefficient 100 obtient 3 francs, le coefficient 200 obtient 3,4 francs et le coefficient 300 obtient 3,8 francs. C’est surtout symbolique, mais il a préservé la hiérarchie.
Conclusion
83Il y a deux façons de regarder l’aboutissement du processus de négociation de la grève d’avril-mai 1947.
84La première, nous l’avons dit au départ, est d’y voir un compromis entre plusieurs parties contradictoires, chacune ayant fait sa part d’efforts, accepté de renoncer à une partie de ses exigences, au fond sans s’intéresser aux revendications, aux enjeux des différents protagonistes.
85La seconde est d’entrer dans les univers des acteurs en présence, c’est-à-dire les possibles, impossibles et non-impossibles qu’ils ont pu se créer et qu’ils ont pu chercher à maintenir.
86Or que constate-t-on, et ce dès le début de la négociation ?
87Pour la CGT, il était impossible de ne pas pouvoir annoncer une augmentation de 3 francs de l’heure (qui correspond à l’écart supposé avec Citroën).
88Pour la direction, il était impossible de ne pas faire un geste en faveur de la hiérarchie ; et il était impossible de s’opposer frontalement au gouvernement.
89Pour le gouvernement, il était impossible d’accepter une augmentation de salaire qui ne soit pas justifiée par un accroissement de la production, sans quoi c’est toute la politique de contrôle des salaires qui risquait d’être mise en danger.
90La solution finale consiste précisément à permettre le maintien de ces différents impératifs. Il ne faut donc pas voir l’aboutissement du processus comme un renoncement à certaines exigences de certains acteurs mais plutôt comme une solution qui permet à chacun des acteurs non pas d’obtenir, mais de protéger son ou ses impératifs du début.
91Est-ce que cela signifie que le processus n’a finalement rien apporté ? Si personne n’a renoncé à quoi que ce soit d’essentiel, cela veut-il dire que la solution était possible dès le début ? Nullement. Et c’est en cela que ce processus ne correspond absolument pas à une optimisation sous contraintes. Car le problème majeur ne consiste pas à trouver une solution optimale à l’intérieur d’un ensemble de contraintes, mais justement à jouer sur ces contraintes. Au début du processus, la solution était impossible : il était nécessaire, au préalable, de régler d’autres problèmes. Depuis des mois, Pierre Lefaucheux demandait une correction de certains prix de vente, mais surtout une augmentation des quantités de matière à sa disposition pour pouvoir produire plus (et ainsi augmenter sa productivité et réduire ses coûts). C’est uniquement parce que cette question de l’augmentation de la production a été réglée (au moins dans les mots) que la solution d’une augmentation de la prime induite par une augmentation de la production est devenue possible.
92Ce ne sont pas les impératifs que se donnaient les acteurs qui ont changé. C’est l’univers dans lequel ils se plaçaient. Étant entendu que ce sont eux-mêmes qui ont modifié cet univers.
93Attention toutefois à ne pas conclure des lignes précédentes que tout finit pour le mieux dans le meilleur des mondes. Dire que les acteurs ont pu maintenir leurs impératifs ne signifie pas que tout le monde est sorti vainqueur, ni que tous les problèmes ont été réglés.
94Si la solution proposée a bien rencontré l’assentiment des salariés qui voteront en faveur de la reprise du travail le vendredi 9 mai, les départements 6 et 18 à l’origine du conflit parviendront à le ranimer, certes de façon éphémère, en demandant le paiement des salaires perdus pour la grève.
95Qu’en est-il des différents protagonistes ?
96La CGT obtient certes les 3 francs si importants symboliquement et, quelques jours plus tard, la fin d’une grève qu’elle n’avait pas voulue et qu’elle a contribué à résoudre. Mais elle sort très affaiblie du conflit. En interne, d’autres forces ont pu mobiliser les salariés et faire perdre du prestige et de l’influence à la CGT. Le résultat ne se fera pas attendre : aux élections suivantes, le poids de ce syndicat, quoique toujours considérable, sera néanmoins largement réduit. Cet aboutissement n’est pas lié uniquement à des considérations internes. L’influence de la CGT va être largement entamée en dehors de Renault : le ministre du Travail Ambroise Croizat, secrétaire général de la Fédération CGT des Métaux, a été exclu du gouvernement, ainsi que tous les ministres communistes avec lesquels la CGT entretenait des liens très forts. Et les minoritaires du courant Force Ouvrière ne vont pas tarder à créer leur propre mouvement qui entrera en concurrence avec la CGT. Notons également le jeu de chaises musicales à la tête de la section syndicale de Renault comme du syndicat de Billancourt. René Plaisance part renforcer les sections parisiennes des XVIIe, XVIIIe et XIXe arrondissements. Henri Delame le remplace à la tête de la CGT Renault. Quant à Roger Linet, il prend la place d’Henri Delame au syndicat de Boulogne-Billancourt [108].
97Pierre Lefaucheux, sur le papier, est le grand gagnant : le conflit est résolu, il a obtenu quelque chose pour la hiérarchie, il a rétabli les salaires de la Régie au niveau de certains de ses concurrents ; surtout, il a pu obtenir du gouvernement satisfaction sur ses deux problèmes essentiels du tout début de l’année 1947 : l’augmentation des contingents de matières et la hausse des prix de vente. Seulement ces promesses publiques nécessitent encore d’être mises en pratique. L’histoire que nous avons esquissée ici pourrait être prolongée de plusieurs mois. Au cours des mois de juin et juillet, Pierre Lefaucheux indique à plusieurs reprises que la question de l’attribution des matières est loin d’être résolue. Qui plus est, de nombreuses augmentations de salaires ont été accordées par les autres entreprises automobiles, redonnant à la Régie sa position de fin de peloton. Surtout, à plus long terme, Pierre Lefaucheux voit s’ouvrir une nouvelle page de l’histoire de la jeune Régie Renault. Jusque-là, il avait pu travailler avec la CGT, elle-même engagée dans la « bataille de la production ». Si l’exclusion des ministres communistes n’entraîne pas immédiatement de conséquences dans les relations entre le PDG et la CGT Renault, celles-ci vont se dégrader progressivement jusqu’à atteindre un paroxysme en 1950, lorsque Pierre Lefaucheux décidera de quitter, en séance, le comité d’établissement de Billancourt et de ne plus jamais y retourner. Le PDG avait également connu deux années et demie sans la moindre grève d’importance à Billancourt. Désormais les grèves vont faire partie du paysage de la Régie Renault.
98Le chef du gouvernement, Paul Ramadier, a réussi à résoudre le conflit Renault sans avoir à renoncer à la politique de contrôle des salaires (et des prix) qui était un, sinon le, point crucial de sa politique. Il a également exclu les ministres communistes du gouvernement tout en restant à la tête du pays, ce qui n’avait rien d’évident. Alors que se mettent en place le plan Marshall et la séparation de l’Europe en deux camps, on peut considérer, sans entrer dans le débat de savoir si le conflit Renault a servi de piège ou de prétexte, que Paul Ramadier a mis fin à une situation qui pouvait devenir problématique au sein de son gouvernement. Victoire peut-être, mais à quel prix ! En outre, la solution qui consiste à octroyer plus de matières à Renault pour justifier la modification de la prime, alors que l’ensemble du pays manque justement de matières, risque de poser un problème plus grave encore : où trouver les matières supplémentaires à donner à l’entreprise ? À qui les enlever ? Et si un supplément de matières devait arriver, est-il légitime d’en donner une partie importante à cette entreprise ? Et pourquoi les autres entreprises ou ses homologues ne feraient-elles pas la même demande ?
Surtout, de grandes grèves secouent la France jusqu’en juin, prélude aux grèves insurrectionnelles de novembre 1947. L’exclusion des ministres communistes change considérablement la donne. Après les gaullistes, c’est l’autre grande force du pays qui se retrouve opposée au régime. Le tripartisme n’est plus, ouvrant bientôt la voie à la Troisième Force, située plus au centre, les socialistes et le MRP ne formant pas une majorité suffisante.
Le conflit Renault n’est sans doute que la cause immédiate d’un phénomène plus large, et mondial, de mise en place des deux blocs. Cause immédiate, elle en est également un révélateur, comme cet article a tenté de le montrer, en s’intéressant aux univers de ses principaux protagonistes.
Notes
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[*]
Professeur adjoint de management à HEC Montréal.
L’auteur tient à remercier Patrick Fridenson, Michel Pigenet, Jacques Le Goff, Andreu Solé ainsi que Suzanne Rivard, Yannik Saint-James et Serge Poisson-de-Haro pour leurs précieux commentaires et suggestions. -
[1]
Sur la négociation, cf. notamment J.-D. Reynaud, Les règles du jeu : l’action collective et la régulation sociale, 3e éd., Paris, A. Colin, 1997 ; J.-D. Reynaud, Le conflit, la négociation et la règle, 2e éd. augmentée, Toulouse, Octarès, 1999 ; P. Fridenson, « La négociation », in A. Burguière et J. Revel (dir.), Histoire de la France, t. V : Les conflits, Paris, Le Seuil, 2000 ; A. Jobert, Les espaces de la négociation collective. Branches et territoires, Toulouse, Octarès, 2000 ; C. Thuderoz, Qu’est-ce que négocier ? Sociologie du compromis et de l’action réciproque, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010 et la revue semestrielle Négociations (depuis juin 2004).
-
[2]
Sur les grèves de 1947-1948 en France, cf. R. Mencherini, Guerre froide, grèves rouges, Paris, Syllepse, 1998 (sur leur caractère inédit, cf. p. 133).
-
[3]
S. Berstein, « Conclusion », in S. Berstein et P. Milza (dir.), L’année 1947, Paris, Presses de Sciences Po, 2000, p. 518.
-
[4]
Sur cette question, cf. G. Elgey, La république des illusions 1945-1951, Paris, Fayard, 1993, chapitre VI « Le départ des communistes ». Cf. également P. Buton, « L’éviction des ministres communistes », in S. Berstein et P. Milza (dir.), L’année 1947, op. cit., p. 339-355. Le tripartisme est l’association au pouvoir du Parti communiste, des socialistes (SFIO) et des démocrates-chrétiens MRP (Mouvement Républicain Populaire).
-
[5]
Sur ces aspects, cf. P. Fallachon, « Les grèves de la Régie Renault en 1947 », Le Mouvement Social, octobre-décembre 1972, p. 111-142 et A. Lacroix-Riz, « La grève d’avril-mai 1947 de la Régie Renault : des événements à leur contexte général », Renault-Histoire, n° 6, juin 1994, p. 129-161.
-
[6]
Cf. notamment P. Fridenson, « Automobile workers in France and their work, 1914-83 », in S. L. Kaplan and C. J. Koepp (eds.), Work in France. Representations, meaning, organization, and practice, Ithaca, Cornell University Press, 1986, p. 530-536, J.-L. Loubet, Citroën, Peugeot, Renault et les autres. Histoire de stratégies d’entreprises, 2e éd. mise à jour, Boulogne-Billancourt, ETAI, 1999 et G. Rot, Sociologie de l’atelier : Renault, le travail ouvrier et le sociologue, Toulouse, Octarès, 2006.
-
[7]
A. Solé, Créateurs de monde. Nos possibles, nos impossibles, Monaco, Éditions du Rocher, 2000, p. 47. Sur l’utilisation de cette théorie, cf. Y.-M. Abraham et C. Sardais, « Pour une autre théorie de la décision : retour sur la faillite de la banque Barings (et de sa hiérarchie) », Gérer & Comprendre, n° 92, juin 2008, p. 4-22.
-
[8]
Après le vote pour la reprise du travail, la grève connaîtra quelques soubresauts – afin d’obtenir le paiement des jours de grève – jusqu’au 16 mai. Cet article se concentre sur la négociation principale.
-
[9]
La Bibliothèque Nationale de France possède une grande quantité d’arrêtés gouvernementaux de fixation des salaires.
-
[10]
Il recevra néanmoins une fois la CFTC (Archives Renault, secrétariat particulier du PDG – désormais AR, SP - 123, Réception de la section syndicale CFTC, 6 mai 1947 – 17 h). Quant aux délégations (non CGT) des deux départements de l’usine à l’origine de la grève, il ne les rencontrera qu’après l’accord du 8 mai.
-
[11]
Les militants qui l’animent n’ont pas été étudiés par les différents travaux universitaires sur Renault, la CGT ou le PCF ni par G. Hatry (dir.), Notices biographiques Renault, t. I-III, Paris, Éditions JCM, 1990-1993, continué par C. Le Maître et J.-C. Magrin (dir.), Notices biographiques Renault, t. IV, Boulogne-Billancourt, Société d’histoire du groupe Renault, 2008.
-
[12]
R. Linet, CGT : lendemains de guerre 1944-1947, Paris, Pluriel Hachette, 1995, p. 145-146. Sur Delame, cf. p. 150 et 184.
-
[13]
Ibid., p. 149.
-
[14]
Ibid., p. 146. Sur Chèze et Plaisance, cf. également C. Poperen, Renault, regards de l’intérieur, Paris, Éditions sociales, 1983, p. 28-29, 45, 52-53.
-
[15]
P. Fallachon, « Les grèves … », art. cit., p. 114.
-
[16]
A. Tiano, « L’action des syndicats de la Régie Nationale des Usines Renault (Boulogne Billancourt) 1945-1955 », in A. Tiano, M. Rocard, H. Lesire-Ogrel, Expériences françaises d’action syndicale ouvrière, Paris, Éditions ouvrières, 1956, p. 44 et 33.
-
[17]
AR, SP 71, « réception des délégués du 28 avril – 10 heures », p. 5.
-
[18]
Sur Ambroise Croizat, cf. M. Etiévent, Ambroise Croizat ou l’invention sociale, Gap, La Ravoire Éditions, 1999 et A. Lacroix-Riz, « Un ministre communiste face à la question des salaires : l’action d’Ambroise Croizat de novembre 1945 à mai 1946 », Le Mouvement Social, octobre-décembre 1983.
-
[19]
Sur l’inflation dans la période, cf. M.-P. Chélini, Inflation, État et opinion en France de 1944 à 1952, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1998.
-
[20]
AR, SP 53, « Discours prononcé à la radio le 28 février 1947 par le président Ramadier », p. 1.
-
[21]
Pour plus de détails, cf. C. Sardais, « Le ministère du Travail, la Régie Renault et le contrôle des salaires (1944-1947) », Travail et Emploi, n° 111, septembre 2007, p. 21-29.
-
[22]
Archives Nationales, CAC 770315-2, Ministère du Travail, note pour Monsieur le Ministre, 4 février 1947, p. 1.
-
[23]
P. Buton, « L’éviction des ministres communistes », art. cit., p. 340-341.
-
[24]
A. Tiano, « L’action des syndicats… », art. cit.
-
[25]
AR, SP 53, Allocution radiodiffusée d’Ambroise Croizat, prononcée le 11 mars 1947, p. 2-3.
-
[26]
A. Lacroix-Riz, « Un ministre… », art. cit.
-
[27]
Archives Départementales de l’Aveyron, 52 J 155, note de la direction des Renseignements généraux à l’attention du Directeur Général de la Sûreté nationale, 3 mai 1947, citée et commentée par J.-J. Becker, « Paul Ramadier et l’année 1947 », in S. Berstein (dir.), Paul Ramadier : la république et le socialisme, Bruxelles, Éditions Complexe, 1990, p. 227-228.
-
[28]
Voir plus loin.
-
[29]
AR, SP 123, « Règlement du conflit à la RNUR, réception de la Section syndicale CFTC, 6 mai 1947- 16 h », p. 2.
-
[30]
G. Elgey, La république des illusions, op.cit., p. 354-355.
-
[31]
R. Mencherini, Guerre froide. grèves rouges, op. cit., p. 122.
-
[32]
AR, SP 123, tract du syndicat des métaux, « Travailleurs de la Régie Renault », 30 avril 1947, 1 page.
-
[33]
R. Linet, Les années chaudes de la guerre froide, Paris, Le temps des cerises, 1997, p. 36.
-
[34]
R. Linet, Lendemains de guerre, op.cit., p. 176-177.
-
[35]
AR, SP 71, « Réunion des délégués du 28 avril – 10 heures », p. 2. Voir également AR, SP 123, Comité de grève, « Les ouvriers des départements 6 et 18 s’adressent à vous », 25 avril 1947 (?), p. 2.
-
[36]
AR, SP 71, « Réunion des délégués du 28 avril – 11 h 45, p. 2.
-
[37]
Ibid., p. 3.
-
[38]
AR, SP 71, « Réunion des délégués du 28 avril – 15 h, p. 1.
-
[39]
AR, SP 123, Tract du syndicat des métaux, « Travailleurs de la Régie Renault », 29 avril 1947, une page. Même après le 4 mai, on pourra lire encore dans un tract : « Le ministre [Robert Lacoste, ministre du Travail par intérim] a reconnu le bien-fondé de notre revendication d’une prime de production de 3 francs de l’heure ». AR, SP 123, tract du syndicat des métaux « Travailleurs de la Régie Renault », 6 mai [ ?] 1947.
-
[40]
AR, SP 71, « Réunion des délégués du 28 avril – 10 heures », p. 3.
-
[41]
Ibid.
-
[42]
A. Hirschman, Défection et prise de parole, Paris, Fayard, 1995.
-
[43]
AR, SP 71, « Réunion du 28 avril, 15 heures », p. 1.
-
[44]
AR, SP 71, « Réunion du 28 avril – 20 h 30 », p. 5.
-
[45]
Ibid.
-
[46]
P. Buton, « L’éviction des ministres communistes », art. cit., p. 348.
-
[47]
AR, SP 71, « Réunion du 28 avril, 15 h », p. 1.
-
[48]
Ibid. Pierre Lefaucheux n’utilise l’argument financier que par rapport « aux 10 frs », en précisant que cela coûterait plus d’un milliard, « trou qui ne pourrait pas être comblé » (AR, SP 71, « réunion du 28 avril 11 h 45 », p. 2). Par la suite, il utilisera cet argument dans ses négociations non pas avec les syndicats mais avec l’État, pour obtenir satisfaction sur la révision du prix de vente de deux véhicules vendus à perte (c’est la direction des Prix du ministère des Finances qui détermine les prix de vente des véhicules à cette période, et non l’entreprise, qu’elle soit privée ou non).
-
[49]
Ibid., p. 1.
-
[50]
AR, SP 71, « Réunion du 28 avril, 11 h 45 », p. 1.
-
[51]
D. De Bellescize, Les neuf sages de la Résistance. Le Comité Général d’Études dans la clandestinité, Paris, Plon, 1979.
-
[52]
Cf. C. Sardais, Patron de Renault. Pierre Lefaucheux (1944-1955), Paris, Presses de Sciences Po, 2009, chapitre 7. J. Fombonne, Personnel et DRH. L’affirmation de la fonction personnel (France, 1830-1990), Paris, Vuibert, 2001, p. 492 indique qu’il « n’est pas rare de trouver dans les archives d’entreprise des arrangements avec le personnel pour contourner les interdictions : surclassements, primes de vie chère, distributions en nature, etc. ».
-
[53]
AR, SP 71, « Réunion du 28 avril, 11 h 45 », p. 1.
-
[54]
Sur Marcel Lamour : A. Lacroix-Riz, « Un ministre… », art. cit., p. 18 ; C. Pennetier, « Marcel, Clovis, Julien Lamour », in J. Maitron (dir.), Dictionnaire bibliographique du mouvement ouvrier français, t. XXXIII, Paris, Éditions ouvrières, 1988, p. 192 ; A. Steinhouse, Workers’ participation in post-Liberation France, Lanham, Lexington Books, 2001, p. 97 et 114 ; G. Brucy, « La doctrine de la CGT sur la formation des adultes : entre pragmatisme et lutte des classes (1945-1955) », Travail et Emploi, n° 86, avril 2001, p. 57. À ne pas confondre avec Philippe Lamour, alors secrétaire général de la Fédération de l’agriculture, qui évoque le conflit Renault dans Grèves chez Renault ; les émeutes de Marseille et les grandes grèves de 1947, Cassettes Radio-France LAM 060, 1981.
-
[55]
Ibid., p. 2.
-
[56]
Ibid., p. 2. Le ministre de l’Économie Nationale est le socialiste André Philip. Il a la charge de la politique économique et de la répartition des matières. Il a aussi fait savoir son opposition à des hausses de salaires sans avoir pu contenir les hausses de prix. Cf. C. Chevandier et G. Morin (dir.), André Philip, socialiste, patriote, chrétien, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2005.
-
[57]
Ibid., p. 4.
-
[58]
Ibid., p. 2.
-
[59]
Cf. C. Sardais, Patron de Renault…, op. cit.
-
[60]
AR, SP 71, « Réunion du 28 avril, 20 h 30 », p. 1.
-
[61]
Ibid., p. 4.
-
[62]
Ibid.
-
[63]
AR, SP 71, « Réunion du 28 avril, 15 heures », p. 1.
-
[64]
Ibid., p. 2.
-
[65]
Archives de la Société d’Histoire du Groupe Renault (SHGR), fonds P. Lefaucheux, PL 16, « Note concernant le règlement du conflit de la Régie Nationale des Usines Renault – 29 avril 1947 », p. 1.
-
[66]
Ibid., p. 1-2.
-
[67]
A. Fonvieille-Vojtovic, Paul Ramadier (1888-1961). Élu local et homme d’État, Paris, Publications de la Sorbonne, 1993 et J.-J. Becker, « Paul Ramadier et l’année 1947 », art. cit.
-
[68]
Compagnon de la Libération comme Lefaucheux, André Boulloche deviendra peu après le directeur de cabinet de Ramadier puis, bien des années plus tard, ministre de l’Éducation Nationale du général de Gaulle. Cf. André Boulloche, 1915-1978, Paris, C. Boulloche, 1979.
-
[69]
Voir la note 54.
-
[70]
AR, SP 71-2, « Réunion du 29 avril 1947, 11 heures », p. 1.
-
[71]
AR, SP 123, « Réunion de la Chambre des députés du 2 mai 1947 », p. 1.
-
[72]
Ibid., p. 2.
-
[73]
Ibid., p. 2.
-
[74]
Ibid., p. 3.
-
[75]
Ibid.
-
[76]
Ibid.
-
[77]
AR, SP 123, « Entretien avec M. Ramadier, à la présidence du Conseil. Le 3 mai, à 11 heures 30 », p. 2.
-
[78]
A. Fonvieille-Vojtovic, Paul Ramadier …, op.cit., notamment p. 343 et 373.
-
[79]
AR, SP 123, « Entretien avec M. Ramadier, à la présidence du Conseil. Le 3 mai, à 11 heures 30 », p. 2.
-
[80]
Ibid., p. 1.
-
[81]
AR, Rapport annuel de gestion 1946, mai 1947, p. 25.
-
[82]
Cf. C. Sardais, Les pénuries de l’immédiat après-guerre en France. La perception et l’action de trois organisations : la Commission de la main-d’œuvre du commissariat au Plan, Pechiney, la Régie Renault, mémoire de DEA d’histoire, EHESS, 2002 et « Renault face aux grandes pénuries, 1945-1952 », Renault-Histoire, n° 15, juin 2003.
-
[83]
SHGR, PL 16, Pierre Lefaucheux [?], « Notes sur l’attribution des matières à l’industrie automobile » du 21 janvier 1947 et la note du 27 janvier 1947.
-
[84]
AR, SP 71-2, « Réunion du 29 avril 1947 - 11 heures », p. 1.
-
[85]
Ibid., p. 1.
-
[86]
AR, SP 123, « Règlement du conflit de la RNUR. Réunion du 4 mai 1947 », p. 2.
-
[87]
AR, SP 71-2, « Réunion du 29 avril 1947 - 11 heures », p. 1.
-
[88]
Né en 1909, ouvrier de Citroën puis de Renault (licencié en 1938), animateur des grèves de 1934 et 1936, devenu un des dirigeants de l’USTM sous le Front populaire (cf. H. Beaumont, « Témoignage », Cahiers de l’Institut CGT d’histoire sociale, n° 18, juin 1986, p. 31-34) puis un des responsables de la Fédération des Métaux CGT de l’après-guerre à 1973, décédé en 1981. « Beaumont (Henri) », in J. Maitron (dir.), Dictionnaire biographique…, op. cit., t. XVIII, Paris, Éditions ouvrières, 1982, p. 302, complété par C. Pennetier (dir.), Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social, t. I, Paris, Éditions de l’Atelier, 2006, p. 312 ; H. Chapman, State capitalism and working-class radicalism in the French aircraft industry, Berkeley, University of California Press, 1991, p. 281 et 301 ; E. Pezet, « Négociation collective et gouvernement des individus dans l’entreprise : la négociation des classifications dans la métallurgie (1968-1975) », Entreprises et Histoire, n° 26, décembre 2000, p. 74-88.
-
[89]
AR, SP 71-2, « Conférence au ministère du Travail le 29 avril 1947 à 15 h », p. 3.
-
[90]
Structure de coordination créée par le gouvernement de Vichy et maintenue à la Libération. Cf. M. Margairaz, L’État, les finances et l’économie. Histoire d’une conversion, 1932-1952, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1990.
-
[91]
AR, SP 123, « Entretien avec M. Ramadier, à la présidence du Conseil. Le 3 mai, à 11 heures 30 », p. 1.
-
[92]
Ibid.
-
[93]
SHGR, PL 16, « Note concernant le règlement du conflit de la Régie Nationale des Usines Renault – 29 avril 1947 », p. 4.
-
[94]
AR, SP 123, « Règlement du conflit de la RNUR. Réunion du 6 mai 1947 – 9 h 30 », p. 6.
-
[95]
Ibid.
-
[96]
AR, SP 123, « Règlement du conflit de la RNUR. Réunion du 4 mai 1947 », p. 3.
-
[97]
AR, SP 123, Lettre de Pierre Lefaucheux au président du Conseil, 7 mai 1947, p. 1-2.
-
[98]
Ibid., p. 3.
-
[99]
AR, SP 123, « Règlement du conflit Renault. Réception des délégués du 8 mai à 17 h », p. 3.
-
[100]
Ibid., p. 1.
-
[101]
Ibid., p. 1.
-
[102]
AR, SP 123, « Entretien avec M. Ramadier, à la présidence du Conseil. Le 3 mai 1947, à 11 heures 30 », p. 1.
-
[103]
AR, SP 123, « Règlement du conflit Renault. Réception des délégués du 8 mai à 17 h », p. 1.
-
[104]
AR, SP 123, « Règlement du conflit de la RNUR. 19h – Réunion du 8 mai 1947 dans le Cabinet du ministre du Travail », p. 1-2.
-
[105]
Ibid., p. 3.
-
[106]
Ibid., p. 3-4.
-
[107]
Ibid., p. 6.
-
[108]
R. Linet, Lendemains de guerre…, op. cit., p. 184. C. Poperen, Renault…, op. cit., p. 62. A. Chèze, militant de 1936, reste actif, notamment au CCE, jusqu’en 1958. Ibid., p. 105, 108, 112, 134-135.