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Article de revue

Discipliner le commerce sans corporations.

La loi, le juge, l'arbitre et le commerçant à Paris au xixe siècle

Pages 61 à 74

Notes

  • [*]
    Chargée de recherche au CNRS (Institut d’histoire moderne et contemporaine).
  • [1]
  • [2]
    C. Lemercier, Un si discret pouvoir. Aux origines de la chambre de commerce de Paris, 1803-1853, Paris, La Découverte, 2003, p. 160-180.
  • [3]
    A. Levacher-Duplessis, Appendice du mémoire sur les corporations, par l’auteur du mémoire, Paris, Imprimerie J. Smith, 1818, p. 14-15.
  • [4]
    Archives de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, vii-3.60(1) : « Observations de la Chambre de commerce de Paris sur un projet d’ordonnance pour l’établissement d’une corporation des marchands de vin à Paris », adressées le 13 août 1818 au sous-secrétaire d’État à l’Intérieur.
  • [5]
    Impressions du Conseil d’État : dossier 2167 de www. napoleonica. org/ ce [1806].
  • [6]
    Voir en particulier J.-P. Hirsch, Les deux rêves du commerce. Entreprise et institution dans la région lilloise (1780-1860), Paris, Éditions de l’EHESS, 1991 ; P. Rosanvallon, Le modèle politique français. La société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos jours, Paris, Le Seuil, 2004 ; S. L. Kaplan et P. Minard (dir.), La France, malade du corporatisme ? xviiie-xxe siècles, Paris, Belin, 2004 ; C. Lemercier, « La France contemporaine : une impossible société civile ? », Revue d’histoire moderne et contemporaine, juillet-septembre 2005, p. 166-179.
  • [7]
    M. Aoki, Fondements d’une analyse institutionnelle comparée, Paris, Albin Michel, 2006, chap. III.
  • [8]
    A. Cottereau (dir.), « Les prud’hommes, xixe-xxe siècle », Le Mouvement Social, avril-juin 1987.
  • [9]
    J.-P. Le Crom (dir.), Les acteurs de l’histoire du droit du travail, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2004.
  • [10]
    En particulier A. Kojève, La notion de l’autorité, Paris, Gallimard, 2004 [1942].
  • [11]
    Cf. notamment le corpus du journal canut des années 1830 L’Écho de la fabrique (http:// echo-fabrique. ens-lsh. fr/ ), qui permet une recherche systématique ; l’impression est la même dans les archives institutionnelles parisiennes consultées et les dictionnaires de l’époque.
  • [12]
    Sur le plan méthodologique, cet article a bénéficié de la lecture de J.-F. Schaub, « Identification du jurisconsulte. Composition et conflits d’autorités dans les sociétés ibériques au xviie siècle », in J.-C. Garavaglia et J.-F. Schaub (dir.), Lois, justice, coutume. Amérique et Europe latines (16e-19e siècle), Paris, Éditions de l’EHESS, 2005, p. 29-55 et d’Y. Cohen, « Les conceptions de l’autorité s’entrelacent. Le cas de l’Union soviétique dans les années 1930 (catégories des acteurs et catégories des chercheurs) », ethnographiques.org, juin 2006.
  • [13]
    J. Hilaire, « La Révolution et les juridictions consulaires », in R. Badinter (dir.), Une autre justice : contribution à l’histoire de la justice sous la Révolution, Paris, Fayard, 1989, p. 243-266 et « Perspectives historiques sur l’élection des juges consulaires », in J. Krynen (dir.), L’élection des juges : étude historique française et contemporaine, Paris, PUF, 1999, p. 137-163.
  • [14]
    A. D. Kessler, A Revolution in Commerce: The Parisian Merchant Court and the Rise of Commercial Society in Eighteenth-Century France, Londres-New Haven, Yale University Press, 2007.
  • [15]
    C. Lemercier, « Juges du commerce et conseillers prud’hommes face à l’ordre judiciaire (1800-1880). La constitution de frontières judiciaires », in H. Michel et L. Willemez (dir.), La justice au risque des profanes, Paris, PUF, 2007, p. 107-123.
  • [16]
    É. Regnard (dir.), Les tribunaux de commerce et l’évolution du droit commercial, Paris, Arprint, 2007, p. 13.
  • [17]
    L’expression est empruntée à C. de Montesquieu, De l’esprit des lois, Genève, Barillot et fils, 1748, livre XI, chap. VI : « les juges de la nation ne sont, comme nous avons dit, que la bouche qui prononce les paroles de la loi ; des êtres inanimés qui n’en peuvent modérer ni la force ni la rigueur ».
  • [18]
    C. Mincke, « Les magistrats et l’autorité », Droit et Société, n° 42-43, 1999, p. 343-362.
  • [19]
    Entretiens avec deux juges du tribunal de commerce de Paris, dans le cadre de l’enquête dirigée par Emmanuel Lazega et Lise Mounier, 2002. Sur l’enquête, cf. A.-M. Falconi, K. Guenfoud, E. Lazega, C. Lemercier, L. Mounier, « Le contrôle social du monde des affaires : une étude institutionnelle », L’Année sociologique, décembre 2005, p. 451-483.
  • [20]
    Ambroise Guillaume Aubé, Dix-huit mois au Conseil d’État, 1840, 107 p., Bibliothèque de l’Institut, Ms. 4751, numérisé : http:// lemercier. ouvaton. org/ document. php? id= 63.
  • [21]
    De premiers comptages dans les registres de jugements (Archives départementales – AD – de Paris, série D2U3) confirment sur ce point les pamphlets contemporains.
  • [22]
    AD Paris, D1U3 40.
  • [23]
    « L’épreuve ordinaire de l’autorité dans la pratique du juge », Droit et Société, n° 42-43, 1999, p. 335-342.
  • [24]
    S. Capel, Histoire juridique et sociale d’une institution : le Tribunal de commerce de Toulouse de la Révolution française à la fin du xixe siècle, thèse de doctorat d’histoire du droit, Université Toulouse I, 1999, p. 458-461.
  • [25]
    C. Lemercier, « The Judge, the Expert and the Arbitrator. The Strange Case of the Paris Court of Commerce (ca. 1800-ca. 1880) », in C. Rabier (ed.), Fields of Expertise. A Comparative History of Experts Procedures in Paris and London, 1600 to Present, Newcastle, Cambridge Scholars Press, 2007, p. 115-145.
  • [26]
    C. Lemercier, « Les carrières des membres des institutions consulaires parisiennes au xixe siècle », Histoire & Mesure, juin 2005, p. 59?95.
  • [27]
    H. de Balzac, Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, parfumeur, chevalier de la Légion d’honneur, adjoint au maire du IIe arrondissement de la ville de Paris, Paris, Boulé, 1838, p. 84-85. Le cadi est un « magistrat musulman remplissant des fonctions civiles, judiciaires et religieuses, dont celle de juger les différends entre particuliers » selon le Trésor de la langue française. Si bien des auteurs utilisent terme et personnage au service de la couleur locale, Balzac, qui parle aussi de cadi dans L’Interdiction (tome II des Scènes de la vie parisienne : voir la concordance en ligne http:// ancilla. unice. fr/ brunet/ BALZAC/ balzac. htm), y voit surtout un juge qui accorde davantage d’importance à l’équité et l’appréciation de la bonne foi des parties qu’à l’application de la lettre du droit. À propos du juge d’instruction Popinot, il écrit ainsi qu’il était « au milieu de la civilisation parisienne un très habile cadi, qui, par la nature de son esprit et à force d’avoir frotté la lettre de la loi dans l’esprit des faits, avait reconnu le défaut des applications spontanées et violentes. […] Juge comme l’illustre Desplein était chirurgien, il pénétrait les consciences comme ce savant pénétrait les corps. […] il concluait souvent contre le droit en faveur de l’équité dans toutes les causes où il s’agissait de questions en quelque sorte divinatoires. […] On dit qu’il jugeait mal ces sortes d’affaires ; mais […] il fut regardé comme possédant une aptitude spéciale pour les pénibles fonctions de juge d’instruction ».
  • [28]
    A. Lincoln, « Le syndicalisme patronal à Paris, 1815-1848 : étape de la formation de la classe patronale », Le Mouvement Social, juillet-septembre 1981, p. 11-34.
  • [29]
    C. Lemercier, « Prud’hommes et institutions du commerce à Paris, des origines à 1870 », à paraître, http:// halshs. ccsd. cnrs. fr/ halshs-00106150.
  • [30]
    C. Lemercier, « Comment peut-on être prud’homme ? Les facettes du mandat à Paris avant 1870 », in H. Michel et L. Willemez (dir.), Les prud’hommes. Actualité d’une justice du travail, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant, 2008, p. 27-45.
  • [31]
    Cf. par exemple la Jurisprudence générale Dalloz, 1845, p. 129-130.
  • [32]
    C. Lemercier, « “Articles de Paris”, fabrique et institutions économiques à Paris au xixe siècle », in J.-C. Daumas, L. Tissot et P. Lamard (dir.), Les territoires de l’industrie en Europe (1750-2000), Entreprises, régulations, trajectoires, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2007, p. 191-206.
  • [33]
    L’Union nationale du commerce et de l’industrie, 25 juillet 1863. C’est l’auteur qui souligne.
  • [34]
    C. Lemercier, « Juges du commerce… », art. cit., et « Comment peut-on… », art. cit.
  • [35]
    L’Union nationale du commerce et de l’industrie, 18 juillet 1863.
  • [36]
    L’Union nationale du commerce et de l’industrie, 2 mai 1863. Il est question ici des intérêts opposés des marchands et des fabricants dans le cas de la bijouterie.
  • [37]
    « Rapport de la commission des élections à l’assemblée générale des notables commerçants », 5 juillet 1869, in Recueil des procès-verbaux des séances du Comité central des chambres syndicales, Paris, Cosse, Marchal et Billard - Librairie Guillaumin et Cie, 1869-1871.
  • [38]
    Réponse de la Chambre de commerce de Paris, in Enquête sur les Conseils de prud’hommes et les livrets d’ouvriers, t. II, Paris, Imprimerie impériale, 1869, p. 545.
  • [39]
    L’Union nationale du commerce et de l’industrie, n° 171, 9 juin 1866.
  • [40]
    F. Cosandey et R. Descimon, L’absolutisme en France, histoire et historiographie, Paris, Le Seuil, 2002.
  • [41]
    Impressions du Conseil d’État : dossier 2167 de www. napoleonica. org/ ce.
  • [42]
    AD Paris, D1U3 54.
  • [43]
    L’Écho de la fabrique, en particulier 15 décembre 1831, p. 5 et 27 mai 1832, p. 2.
  • [44]
    C. Lemercier, « Prud’hommes… », art. cit.
  • [45]
    AD Paris, D1U10 4, Livre de délibération des prud’hommes des métaux, 10 juin 1845.
  • [46]
    A. Cottereau, « Droit et bon droit. Un droit des ouvriers instauré puis évincé par le droit du travail (France, xixe siècle) », Annales HSS, novembre-décembre 2002, p. 1521-1557.
  • [47]
    V. Goupy, Enquête sur les conseils de prud’hommes. Troisième note, à M. Le Hir, rédacteur du Journal des prud’hommes, Paris, Imprimerie Goupy, 1870, p. 19.
  • [48]
    A. Cottereau, « Les prud’hommes au xixe siècle : une expérience originale de pratique du droit », Justices, octobre-décembre 1997, p. 9-21.
  • [49]
    Archives CCIP, III-5.42(1), réponse du 21 mars 1861 à la Chambre de commerce de Rennes.
  • [50]
    C. Lemercier, « “Articles de Paris”… », art. cit.
  • [51]
    L’Union nationale du commerce et de l’industrie, 15 décembre 1860.
  • [52]
    L’Union nationale du commerce et de l’industrie, 8 avril 1865.

1La consultation de la base de données Frantext, centrée sur les œuvres littéraires, montre que l’usage du terme « autorité » connaît un pic, pour le xixe siècle, entre 1810 et 1829, et surtout entre 1815 et 1819 [1]. Il n’est guère surprenant qu’en cette période de réflexion sur l’héritage de l’Ancien Régime et de la Révolution, ce vocabulaire soit d’actualité. En matière économique, l’heure est en particulier au débat sur « les corporations », qui se focalise sur la question de leur « rétablissement », en des termes souvent empruntés aux controverses des années 1776-1791 [2]. Pour bien des publicistes ultras, « renouer la chaîne des temps », c’est aussi rétablir la discipline au travail, et pour cela fortifier « ces pouvoirs intermédiaires », corporations, commune, province,

2

sans lesquelles une nation ne présente plus qu’une multitude confuse, qu’un ramas d’hommes isolés, abandonnés dans leur faiblesse individuelle à l’action arbitraire de l’administration [3].

3Les adversaires des corporations, eux, mettent stratégiquement en avant la bienveillance de l’administration impériale à leur égard :

4

Le dernier gouvernement, si avide de tous les pouvoirs, n’avait pas oublié le rétablissement des jurandes comme un instrument très utile à l’autorité arbitraire [4].

5Il est vrai que le projet le plus avancé de rétablissement date de 1811, sous la forme d’un décret signé par l’Empereur, mais qui n’avait jamais été promulgué. Lors de sa préparation, le ministre de l’Intérieur Champagny écrivait :

6

Ce qu’il y avait donc de véritablement utile dans la combinaison des inspecteurs et des jurandes, […] c’était encore une sorte de surveillance et de censure qui évitait de laisser tomber sur cette nombreuse population l’action trop immédiate de l’autorité. […] aucun pouvoir abusif, aucune action inquiète, ne pourra naître de cette institution ; mais elle exercera, par le seul effet de la confiance, une sorte d’autorité morale […] [5].

7À la fin de l’Empire et au début de la Restauration, la question des corporations est donc explicitement liée à des interrogations sur l’autorité. Mais celles-ci ont plusieurs facettes : si l’autorité arbitraire de l’administration est un repoussoir pour les deux camps, des corps intermédiaires peuvent aussi bien être envisagés comme des auxiliaires du gouvernement central que comme des contre-pouvoirs. Tous souhaitent en revanche, pour le bien de l’économie et pour l’ordre public, qu’une « autorité morale » évite à la liberté de commerce, principe intangible depuis 1791, de tourner à la licence. Mais comment cette autorité peut-elle s’incarner ? Là est le vrai débat, confrontant arrangement spontané du marché, sanctions judiciaires, corporations spontanées et autonomes ou encore créées par l’administration.

8Jusqu’à l’autorisation des syndicats en 1884, la lettre de la loi française semble claire : il n’y a pas de corporations, sauf, au nom de l’ordre public et de la sécurité, dans quelques secteurs (manutention portuaire, boucherie et boulangerie à Paris…). Il n’y a même pas de Code de l’industrie, et guère de lois pour limiter ce que l’on commence à appeler, dans les années 1840, la « concurrence déloyale ». Seuls s’imposent le Code civil et le Code de commerce, et avec eux la primauté des contrats, que doivent faire appliquer les tribunaux.

9L’historiographie de ces quinze dernières années est venue nuancer cette image d’une France sans régulations ni corps intermédiaires [6]. En soulignant l’existence et l’importance des chambres et tribunaux de commerce, des conseils de prud’hommes, des chambres syndicales ouvrières et patronales, des règlements et tarifs municipaux, elle a envisagé les cadres d’une autodiscipline locale de l’industrie et du commerce. Peut-on pour autant totalement la détacher de régulations plus administratives ? Concrètement, par exemple, pourquoi la plupart des commerçants et industriels français paient-ils leurs dettes, respectent-ils la propriété intellectuelle, ne renvoient-ils pas leurs ouvriers sans préavis – s’ils le font ? Est-ce pour préserver leur réputation auprès de leurs pairs, pour se conformer à des principes moraux, ou bien pour respecter la loi, par peur de sanctions officielles ?

10Poser cette question de façon historiquement située peut apporter un peu de nuance à des débats importants de l’économie d’aujourd’hui, qui tournent sans le dire autour de l’autorité et de l’obéissance. En effet, c’est en mettant l’accent sur le caractère self-enforcing des contrats (qui contiendraient des mécanismes assurant leur propre respect, sans besoin d’une autorité extérieure) et sur l’efficacité de l’arbitrage privé, vu comme l’héritier d’une « loi des marchands » médiévale née spontanément, que nombre de spécialistes de law and economics promeuvent la supériorité du droit anglo-saxon sur le droit « continental » et s’opposent à la naissance de régulations mondiales. D’autres économistes ou sociologues de l’économie proposent une vision plus subtile des formes de discipline des marchés. Masahiko Aoki montre ainsi comment s’opposent ou se complètent, dans différents contextes, confiance personnelle, normes communautaires, clientélisme, self-enforcing contracts, arbitrage privé, tribunaux et régulations publiques [7].

11Le cas de la France du xixe siècle est, de ce point de vue, particulièrement intéressant. En effet, on y trouve à la fois, en matière de contentieux économiques, des formes d’arbitrage privé, en partie assurées, en particulier à Paris, par des chambres syndicales patronales officieuses ; des tribunaux de commerce qui font partie de la hiérarchie judiciaire, qui peuvent avoir recours à la force publique, mais dont les juges sont des commerçants élus par leurs pairs ; et des conseils de prud’hommes qui jugent les différends qu’ils n’ont pu concilier [8]. Ces institutions instruisent chacune des affaires spécifiques. Les prud’hommes, là où ils existent, sont les juges des conflits liés aux ouvriers, c’est-à-dire de fait au travail (salaire, apprentissage, « droit de quitter »…), même si la notion de « droit du travail » comme domaine à part n’émerge qu’à la fin du siècle [9]. Les juges du commerce, eux, traitent des faillites et des conflits autour d’« actes de commerce » : lettres de change impayées, problèmes de livraison, d’usurpation de marques, de transmission de fonds de commerce… Quant aux chambres syndicales, elles arbitrent les conflits que leurs membres leur soumettent, mais aussi ceux qui leur sont renvoyés par les tribunaux, en marge du système judiciaire. La France ne connaît donc ni une pure autorégulation, ni, comme on l’a trop souvent dit, un règne absolu de la loi et des tribunaux civils – du moins dans les grandes villes, car là où il n’y a pas de tribunal de commerce ou de prud’hommes, ce sont les juges ordinaires qui statuent. C’est à une hybridation entre ces deux types idéaux que l’on assiste.

12Cette situation particulière peut être utilement confrontée à une vision plus philosophique de l’autorité [10]. En effet, ces trois institutions disposent a priori, dans le schéma d’Alexandre Kojève, de l’autorité du juge, dans son type le plus pur, qui renvoie à l’« homme juste » ou à l’« arbitre » plutôt qu’au juriste ou au fonctionnaire. Cependant elles ne peuvent guère se fonder sur une éternité du droit et sur un consensus à propos des conceptions du juste dans une période où les Codes et lois sont rares et récents, tandis que les usages de métiers sont fortement ébranlés par la fin des corporations et des règlements d’Ancien Régime. Leur rapport aux corporations et à la légitimité traditionnelle que celles-ci pourraient leur fournir est également forcément limité, si elles veulent se faire accepter. Comment dès lors construire une autorité ?

13Avant d’aborder cette question à travers des pratiques effectives, il faut souligner que, si les acteurs la formulent parfois en ces termes, « l’autorité » ou « les autorités », dans la bouche des entrepreneurs ou des ouvriers qui parlent des institutions du commerce, restent des termes qui désignent avant tout l’administration au sens le plus strict [11]. Le préfet est en sans doute l’incarnation implicite la plus fréquente. Que les autorités soient qualifiées (« civiles », « politiques », « royale »…) ou non, elles sont toujours distinguées des « corps constitués » que seraient les chambres et tribunaux de commerce ainsi que les conseils de prud’hommes. Elles le sont aussi des acteurs économiques qui les interpellent, leur demandant protection ou approbation de leurs initiatives (une sorte de transfert d’autorité) ou dénonçant leur arbitraire. Si la frontière entre ce qui relève du public et ce qui relève du privé est souvent difficile à tracer lorsque l’on regarde de près les sources du xixe siècle, il semble que le mot « autorité », sur les questions qui nous occupent, soit bel et bien le marqueur d’un domaine public strictement défini. Hors de ce domaine, l’autorité va moins de soi et doit dès lors se dire en d’autres termes : « influence morale » par exemple. Envisager sa construction n’en est en définitive que plus intéressant, à condition toutefois que l’on reste attentif au vocabulaire des acteurs et à ce que l’on peut comprendre de leurs conceptions [12].

14On le fera ici en évoquant des pratiques essentiellement parisiennes : la capitale, du fait de la masse de contentieux et tout simplement de transactions à réguler, présente un cas particulièrement intéressant. On envisagera dans un premier temps les dilemmes des juges du commerce, qui héritaient d’une institution antérieure à la Révolution et bénéficiaient du statut officiel de juges, puis ceux des prud’hommes et des dirigeants de chambres syndicales, organes au statut moins assuré, pensés au début comme des corporations rénovées. Ont-ils une autorité sur les marchands, industriels et ouvriers ? Est-elle autre chose que celle de la loi ou du contrat ? Est-elle inscrite dans une chaîne d’autorités qui remonte au souverain ? S’attache-t-elle à des personnes ou à des institutions ? Il n’est pas toujours possible de répondre à ces questions, dans la mesure où l’autorité acceptée laisse en définitive peu de traces archivistiques. Cependant les conflits entre types d’autorité ou les situations d’incertitude permettent d’approcher les représentations des acteurs, fondatrices de leurs pratiques et de modèles auxquels ils tentent de se conformer.

Entre la loi, l’expertise et la notabilité : les juges du commerce

15L’ancienneté des tribunaux de commerce français est parfois aujourd’hui comptée à leur crédit, mais les fait aussi souvent taxer d’archaïsme. Au xixe siècle, l’argument est déjà à double tranchant. L’institution, qui date du xvie siècle, a traversé la Révolution en changeant de nom (en 1790, les juridictions consulaires deviennent tribunaux de commerce), en affermissant ses compétences et en voyant son mode d’élection quelque peu modifié, mais le principe demeure d’une juridiction spécialisée élue parmi ses justiciables [13].

16C’est dire que l’exercice de l’autorité n’est pas une question nouvelle pour les tribunaux de commerce du xixe siècle. Amalia D. Kessler a ainsi étudié les fondements protéiformes de l’autorité du tribunal parisien au xviiie siècle [14]. Vis-à-vis des justiciables des communes rurales limitrophes, ses juges mobilisaient l’arbitrage des prêtres : l’autorité locale et religieuse et celle, plus lointaine, de la justice se confortaient mutuellement. Dans les conflits impliquant les corporations, c’est plutôt avec l’autorité de leurs dirigeants, présents comme parties, témoins ou arbitres, que devait s’articuler celle du tribunal ; cela était d’autant plus facile que les juges étaient eux-mêmes issus des principaux corps. Ainsi, bien que la compétence purement juridique du tribunal ait été moins assurée qu’au xixe siècle, la mobilisation d’autorités sociales proches des justiciables appuyait l’autorité de ses décisions. La Révolution bouscule cet équilibre en instaurant un nouvel ordre judiciaire [15] et une nouvelle liberté économique dans lesquels les juges du commerce doivent trouver leur place. Comment conservent-ils ou reconstruisent-ils dès lors une autorité dans un contexte institutionnel totalement bouleversé ?

Le juge, la loi et l’expertise

17Un insigne créé en 1791 pour les magistrats consulaires porte sur l’une de ses faces les mots « juge de commerce » et sur l’autre « la loi » [16]. Le symbole rappelle la force de la fiction du juge « bouche de la loi » dans la France post-révolutionnaire [17]. L’autorité de la personne du juge est-elle dès lors autre chose que l’incarnation de l’autorité du texte de la loi ? Encore aujourd’hui, si le juge veut bien se reconnaître une certaine autorité personnelle, toujours problématique, lorsqu’il s’agit par exemple d’entendre les parties, l’acte de jugement est, lui, censé seulement transcrire la loi, par le biais du « syllogisme judiciaire » [18].

18Mais qu’en est-il pour un juge marchand, banquier ou industriel plutôt que juriste ? Son autorité semble a priori devoir se fonder au moins en partie sur d’autres sources. Les juges d’aujourd’hui s’interrogent d’ailleurs sur cette distance entre leur trajectoire et le modèle d’autorité auquel ils sont censés se référer :

19

C’est un problème de se dire qu’il faut que ces gens-là [les justiciables] se disent, aient conscience que c’est une décision de justice et non pas une décision de patron, de chef d’entreprise, une décision autoritaire, c’est plus de l’autorité, c’est de la justice.
Si le juge s’habille d’une autorité judiciaire au sens primitif du terme, moi, je trouve cela dommage, on est pas là pour ça, on est là pour gérer les conflits entre les marchands [19].

20La justification de la justice commerciale comme justice d’exception se fonde sur les mêmes arguments depuis le xvie siècle : rapidité, faible coût (donc procédure simplifiée et moindre décorum judiciaire) et meilleure connaissance des questions économiques. C’est dire que l’autorité du juge du commerce relève aussi d’une forme d’expertise, ce qui renvoie – Alexandre Kojève l’a souligné – à une toute autre légitimité, différente de celle du juge ou de l’arbitre. C’est bien aussi cette expertise, acquise dans une trajectoire d’entrepreneur, puis de juge spécialisé, qui légitime depuis le xviiie siècle la consultation de présidents du tribunal de Paris sur les évolutions du droit commercial ; l’un d’eux, au xixe siècle, fut même nommé au Conseil d’État [20]. Ils font dans une certaine mesure autorité, auprès de l’administration, dans ce domaine.

21Mais cette expertise leur donne-t-elle un surcroît d’autorité par rapport aux justiciables, dans leur rôle de juge ? La chose est moins évidente. À Paris en particulier, le juge du commerce apparaît surtout comme une machine à appliquer la loi, ou plutôt les contrats. En effet, le nombre de procès est colossal – quelques dizaines de milliers de jugements par an après la Révolution, 70 000 à la fin du Second Empire –, tandis que les juges sont à peine plus d’une vingtaine. Alors même qu’il s’agit de bénévoles souvent en pleine activité économique, le ratio est bien plus défavorable que dans les tribunaux civils. On juge ainsi une affaire par minute lorsque, comme dans 80 à 90 % des cas, il s’agit d’un billet à ordre ou d’une lettre de change impayés, que le créancier peut fournir pour prouver ses dires et que le débiteur ne conteste pas, puisqu’il est absent [21]. Dans ce cas, l’autorité du juge n’est guère autre chose que celle de l’huissier qu’il a le pouvoir d’envoyer pour tenter de faire payer le débiteur. L’existence du tribunal est cruciale pour la sécurité du système de crédit, mais on ne peut pas parler de relation personnelle d’autorité entre le juge et le défendeur condamné par défaut – d’autant que l’utilisation d’un agréé (défenseur spécialisé) par les parties est quasi systématique.

22Cependant les cas assez fréquents de poursuite d’un partenaire indélicat non identifié, de la part en particulier de bouchers ayant acheté un animal malade sur un marché, amènent à s’interroger : pourquoi engagent-ils des frais de justice alors qu’ils n’ont guère de chances, in fine, d’être dédommagés [22] ? Il semble que leur crédit dépende en partie de l’affirmation de leur bonne foi et de leur mauvaise fortune par un tribunal. Mais là encore, l’autorité de la justice réside plus dans l’envoi de l’huissier, dans le papier timbré et dans la procédure que dans la personne des juges [23].

23Dans ces cas routiniers, c’est bien la force du droit qui prime, assise sur le monopole de la violence légitime de l’État – y compris sur la contrainte par corps (prison pour dettes), supprimée en matière commerciale seulement en 1867. Contrairement à leurs prédécesseurs de l’Ancien Régime, les juges du commerce sont des juges comme les autres, dans la mesure où leurs jugements possèdent l’autorité de la chose jugée, peuvent être exécutés par la force publique ou contestés devant la Cour d’appel. En contrepartie, cet aspect de leur autorité est sans doute devenu plus impersonnel. Symbole de cette normalisation, ils portent depuis la Révolution un costume, certes un peu différent mais très proche de celui des juges civils [24]. Après avoir siégé à la Bourse, le tribunal de commerce de Paris s’installe en 1866 sur l’île de la Cité, loin des autres institutions du commerce, mais près du Palais de justice, décrit encore aujourd’hui comme « la maison d’en face », avec tout ce que cela suppose d’oppositions, mais aussi de comparaisons possibles.

Autorité et notabilité

24Il ne faudrait pas toutefois aller trop loin dans la présentation des juges du commerce comme un pur rouage de l’application de la loi ou des contrats. Que se passe-t-il pour les affaires (tout de même quelques milliers par an) où ils prennent le temps de juger ? La plupart de ces cas plus complexes sont renvoyés à des « arbitres rapporteurs » qui jouent à la fois un rôle de conciliation, d’instruction et d’expertise [25]. Il s’agit soit d’hommes supposés détenir des compétences particulières (en matière de comptabilité, transports, bâtiment…), rémunérés par les parties, soit, plus rarement, de bénévoles issus du métier concerné, soit, de plus en plus à partir des années 1840, de chambres syndicales désignées collectivement comme arbitre rapporteur. Les juges du commerce, en renvoyant tentative de conciliation et préparation du jugement à ces tiers, avouent leur manque de temps, mais aussi, souvent, d’expertise d’un domaine particulier. Des pamphlets critiquent cette pratique qui semble remettre l’autorité judiciaire entre des mains privées, avides ou partiales ; cependant il faut attendre 1875 pour qu’une circulaire officielle vienne la remettre en cause, sans guère d’efficacité.

25Il faut plutôt voir là une tentative de reconstruire la cascade d’autorités qui fonctionnait sous l’Ancien Régime, dans un contexte où les juges ne peuvent ni connaître personnellement chaque partie ou chaque métier, ni passer trop de temps sur chaque affaire, ni recourir à des autorités reconnues sinon incontestées, comme les dirigeants de corporations. Si le gouvernement feint de ne pas voir cette délégation et conserve à ces juges leur pouvoir de juger, c’est qu’il leur reconnaît implicitement une autre compétence : celle de choisir le bon arbitre rapporteur, ce qui nécessite à la fois de bien comprendre l’affaire et de bien connaître les hommes adéquats pour chaque circonstance.

26Les juges du commerce ne font donc pas forcément preuve d’autorité personnelle envers des justiciables avec lesquels ils n’entrent que peu en relation directe. Ils ne sont pas pour autant une simple incarnation de la loi : ils usent au tribunal d’une forme d’autorité sociale, fondée sur une expérience et un cercle de relations, qui leur permet de déléguer une partie de leurs fonctions à des arbitres, d’une manière qui ne suit pas totalement le Code de procédure civile, sans encourir trop de protestations de la part des justiciables ou des autorités supérieures.

27Par ailleurs, si le juge du commerce est en général devenu un notable parce qu’il avait une certaine autorité (sociale et/ou d’expert de son métier), il accroît cette dernière par le passage au tribunal. Cette construction progressive d’une crédibilité, transférable ensuite dans d’autres positions institutionnelles comme la chambre de commerce ou la municipalité, transparaît tant à partir d’une étude statistique des parcours effectifs [26] que dans des descriptions littéraires, comme celle, par exemple, de César Birotteau par Balzac :

28

Le parfumeur venait d’être élu juge au tribunal de commerce. Sa probité, sa délicatesse connue et la considération dont il jouissait lui valurent cette dignité qui le classa désormais parmi les notables commerçants de Paris. Pour augmenter ses connaissances, il se leva dès cinq heures du matin, lut les répertoires de jurisprudence et les livres qui traitaient des litiges commerciaux. Son sentiment du juste, sa rectitude, son bon vouloir, qualités essentielles dans l’appréciation des difficultés soumises aux sentences consulaires, le rendirent un des juges les plus estimés. Ses défauts contribuèrent également à sa réputation. En sentant son infériorité, César subordonnait volontiers ses lumières à celles de ses collègues flattés d’être si curieusement écoutés par lui : les uns recherchèrent la silencieuse approbation d’un homme censé profond, en sa qualité d’écouteur, les autres, enchantés de sa modestie et de sa douceur, le vantèrent. Les justiciables louèrent sa bienveillance, son esprit conciliateur, et il fut souvent pris pour arbitre en des contestations où son bon sens lui suggérait une justice de cadi [27].

29Fondée sur une ascension antérieure puis sur un travail de juge – étude, écoute, conciliation –, l’autorité acquise au tribunal peut ensuite être utilisée ailleurs. La simple « dignité » de « notable commerçant » (un terme qui désigne en fait les électeurs du tribunal) et plus encore celle de juge ou d’ancien juge sert souvent d’argument commercial, mentionné dans les almanachs, voire sur le papier à en-tête. Comme le cas de César Birotteau – aussi bien que les entretiens avec ses successeurs d’aujourd’hui – le suggère, il arrive aussi que les juges et anciens juges soient consultés sur des points juridiques par leur entourage, voire sollicités pour un arbitrage privé. Dans ses activités économiques ou face aux autorités administratives, notamment dans la cadre d’autres mandats consultatifs ou politiques, l’ancien juge peut dans bien des cas réinvestir l’autorité acquise au tribunal.

Une « influence morale » faute d’autorité légale ? Prud’hommes et chambres syndicales

30Le juge du commerce de la fin du Second Empire, qui, sur l’île de la Cité, en robe noire et hermine, expédie en une journée huit cents cas d’impayés et renvoie une douzaine d’affaires plus complexes à des arbitres rapporteurs ne correspond guère au mythe qui fonde sa légitimité, celui d’un sage qui ferait, grâce à son autorité personnelle, respecter un code moral au sein d’une petite communauté de marchands. Cependant ceux qui veulent donner une réalité à cette image au xixe siècle, en faisant revivre un ordre corporatif à travers les conseils de prud’hommes ou les chambres syndicales, utilisent le tribunal de commerce comme modèle ou comme instance de légitimation.

31Les liens entre ces niveaux institutionnels se concrétisent en particulier lorsque, à partir de 1867, des unions de chambres syndicales prennent le contrôle des élections à la chambre et au tribunal de commerce de Paris. Si cette procédure persiste encore aujourd’hui, il ne peut s’agir d’un simple retour à l’articulation du xviiie siècle entre corporations et tribunal de commerce : on l’a vu, ce dernier a basculé vers l’autorité judiciaire, reconstruite sur le primat de la loi et du contrat, même s’il y garde une place à part ; et de leur côté, les chambres syndicales ne parviennent pas à recréer l’autorité des corporations.

Des institutions à la marge du système judiciaire

32Il peut paraître incongru d’évoquer ensemble prud’hommes et chambres syndicales. Certes, les premiers ont une composition paritaire à partir de 1848, tandis que les chambres syndicales ouvrières et patronales se construisent en partie les unes contre les autres [28]. Mais en partie seulement : dans nombre de secteurs, il n’y a de chambre que « patronale », et qui ne s’identifie pas comme telle, mais d’abord comme un organe de régulation des conflits et de construction d’intérêts communs entre entrepreneurs, petits et grands. C’est donc surtout de patrons qu’il sera question ici : il s’agit de se demander quelle autorité ont certains d’entre eux pour faire respecter des règles aux autres, qu’il s’agisse d’usages concernant le travail, de montants de salaires ou de bonnes pratiques commerciales.

33La ressemblance entre prud’hommes et chambres syndicales est avant tout sociologique ; les deux institutions émergent en parallèle à Paris et nombreuses sont les trajectoires de l’une à l’autre [29]. Dans les deux cas, on retrouve de moyens marchands ou fabricants, plutôt moins riches qu’au tribunal de commerce, mais surtout plus spécialisés. Leur autorité, du point de vue de l’administration, est d’abord celle que confère l’expertise d’un métier. Les prud’hommes parisiens dédaignent d’ailleurs de nommer des arbitres ou experts, à la différence des juges du commerce. Des débats sans fin sur le redécoupage des compétences entre leurs quatre conseils (métaux, tissus, produits chimiques, industries diverses) visent, sous le Second Empire, à assurer leur « spécialité », c’est-à-dire la présence d’au moins un prud’homme compétent sur chaque métier face aux justiciables de ce métier [30].

34Les prud’hommes tendent aussi à ressembler aux dirigeants de chambres syndicales plus qu’aux juges du commerce dans la mesure où ils sont moins nettement que ces derniers assimilables à une autorité officielle. L’institution prud’homale est bien plus récente : créée en 1806 à Lyon, elle n’arrive à Paris qu’à la fin de 1844. Elle est loin d’être présente partout et pour tous les métiers et ses fonctions mettent du temps à être définies et connues. Elles sont en partie héritées des débats de 1806-1811 sur les corporations : le décret de 1809 qui définit les attributions des conseils leur confère des pouvoirs de police des ateliers et de statistique industrielle qui tombent vite en désuétude, mais qui soulignent qu’ils n’étaient pas pensés d’abord comme un tribunal. Le fait que les prud’hommes soient ou non des juges reste débattu par la doctrine tout au long du siècle [31]. Rattachés au ministère du Commerce et non de la Justice, ne bénéficiant pas du statut de juge pour devenir électeurs sous la monarchie de Juillet, les prud’hommes n’ont pas de robe : tout juste leur accorde-t-on, en 1828, le port d’une médaille distinctive dans l’exercice de leurs fonctions. Ils ne disposent donc pas de très fortes ressources institutionnelles pour asseoir leur autorité.

35C’est bien sûr encore plus vrai des chambres syndicales : elles ne devraient pas exister, selon les lois de 1791, et ne sont donc que tolérées par les autorités. Un de leurs principaux promoteurs, l’avocat Pascal Bonnin, créateur de l’Union nationale du commerce et de l’industrie (UNCI), qui en regroupe plusieurs dizaines dès les années 1860 [32], écrit ainsi :

36

Nous terminerons en faisant remarquer que les Syndicats libres que toutes les industries ont organisés ou organisent chaque jour n’ont aucune autorité publique ; ils ne peuvent pas faire de règlements obligatoires ; leurs réclamations auprès des diverses branches de l’administration n’ont de valeur que par les bonnes raisons sur lesquelles elles s’appuient ; ils ne peuvent connaître des affaires litigieuses qu’autant qu’ils en sont saisis par les Tribunaux ou par les parties elles-mêmes. Leur autorité doit donc non s’imposer, mais s’acquérir [33].

L’autorité de l’élu bénévole

37Dans cette tâche toutefois, les chambres syndicales, comme les conseils de prud’hommes, mobilisent autre chose que leurs seules « bonnes raisons ». C’est en particulier sur l’élection que les membres des deux institutions tentent d’asseoir leur autorité, tant vis-à-vis des entrepreneurs que de l’administration.

38Le tribunal de commerce, seul tribunal électif rescapé après la période révolutionnaire, fait ici figure de modèle face aux juges civils nommés et régulièrement épurés par le pouvoir, quand bien même son électorat se limite dans chaque ville, sauf en 1790-1807 et 1848-1851, à quelques centaines de notables choisis par le préfet sur la recommandation des institutions du commerce. L’électorat des prud’hommes – plus ouvert en théorie à tous les fabricants et ouvriers, restreint en réalité par des conditions de stabilité, le caractère volontaire de l’inscription sur les listes et la forte abstention – n’en joue pas moins le même rôle de légitimation [34]. La nomination des présidents et vice-présidents de conseils de prud’hommes par le chef de l’État, contestée tout au long du Second Empire, est l’occasion de rappeler cette légitimité des élus.

39Légitimité qui concerne aussi les chambres syndicales : l’expression « l’autorité que donne l’élection », souvent utilisée à leur sujet dans le journal de l’UNCI au début des années 1860, est maniée par exemple par le président de la chambre syndicale de la quincaillerie, Boucher :

40

avec l’autorité que donne l’élection, elle [la chambre] parlera et agira au nom de toute l’industrie et fera ce que n’auraient pu obtenir des efforts isolés. [35]

41S’y ajoutent en effet souvent l’idée, et même le mot, de « représentation », empruntés à la sphère politique : les chambres syndicales se veulent le reflet fidèle de l’ensemble d’un secteur. De la même façon, les conseils de prud’hommes s’attachent à inclure non seulement des porte-parole des intérêts ouvriers et patronaux, mais aussi des spécialistes de chaque métier. Déjà cité plus haut, Pascal Bonnin, le fondateur de l’UNCI, écrit ainsi :

42

il faut que les intérêts opposés soient représentés dans une Chambre, pour qu’elle obtienne quelque autorité et qu’elle soit digne de la confiance publique [36].

43C’est d’ailleurs sur cette légitimité de l’élection et de la représentativité, donc sur l’idée de mandat, que s’appuient les chambres syndicales pour prendre le contrôle de la chambre de commerce à la fin du Second Empire, au nom de leur proximité avec les commerçants, en affirmant que

44

des rapports fréquents avec leurs commettants les retremperont [les membres de la chambre de commerce] dans un esprit vivifiant et assoiront leur indépendance, leur initiative et leur autorité sur des bases plus solides [37].

45Conseils de prud’hommes et chambres syndicales sont ainsi censés tirer leur autorité, surtout vis-à-vis de l’administration, d’une légitimité liée à leur mode de désignation et pas seulement aux qualités personnelles de leurs membres. Il est particulièrement utile, par analogie, si ce n’est par mimétisme, d’invoquer cet argument après l’instauration du suffrage universel masculin en matière politique, quand bien même il s’agit là, en pratique, d’électorats tout à fait limités : du moins y a-t-il élection plutôt que nomination ou cooptation.

46Cette source d’autorité s’articule, sur un plan plus personnel et du côté des relations avec les acteurs économiques plutôt qu’avec l’administration, avec la « dignité » et la « considération » attachées aux « fonctions gratuites ». Ce bénévolat, également hérité du tribunal de commerce, fait toutefois débat sous le Second Empire. En effet, les prud’hommes ouvriers réclament alors des jetons de présence ou un défraiement (instauré à Paris en 1874). Les réponses aux consultations officielles sur ce sujet renvoient souvent l’idée qu’il faut

47

écarter le système d’une rémunération fixe ou proportionnelle, comme pouvant amoindrir l’autorité des membres du conseil et porter atteinte à leur dignité personnelle [38].

48Quant aux chambres syndicales, si la plupart demandent aux parties un « droit de chambre » lorsqu’elles agissent comme arbitre rapporteur, elles sont fortement incitées par Pascal Bonnin à le limiter le plus possible [39]. Il revient de toute façon à la chambre, non à ses dirigeants, qui ne sont même pas défrayés. « Acquérir une autorité » ne peut donc se faire qu’avec l’appui de mandants et dans des conditions écartant tout soupçon de vénalité.

Être arbitre faute d’être législateur

49Mais de quelle autorité peut-il s’agir ? Dans les deux cas, des institutions créées comme des sortes de corporations rénovées se replient sur un rôle de juges, et même surtout d’arbitres. Elles sont en effet confrontées à l’impossibilité d’édicter des règlements, non seulement parce qu’elles risqueraient la réprobation de l’administration, mais encore parce qu’elles ne pourraient guère les faire appliquer. En effet, comme sous l’Ancien Régime, l’autorité des corporations, qui certes a pu être un des fondements de l’autorité royale, est en contrepartie très dépendante d’un soutien officiel [40]. Le ministre Champagny le rappelait lors des débats de 1806 :

50

Elles [les corporations] ne furent d’abord que l’effet naturel de l’intérêt commun des fabricans attachés à une même profession, du besoin qu’ils avaient de s’unir entre eux et de rechercher la protection de l’autorité, et bientôt l’autorité à son tour s’empressa de les consolider, trouvant en elles un moyen facile de surveillance et de police [41].

51Le simple « effet naturel de l’intérêt commun des fabricans » trouve en effet vite ses limites, dès qu’il s’agit d’édicter des normes et surtout de les faire respecter. Les acteurs du Second Empire en sont d’ailleurs bien conscients : les statuts des chambres syndicales multiplient les mentions non pas de l’autorité de la chambre, mais des « autorités » auxquelles elle compte s’adresser [42].

52Les prud’hommes de Lyon avaient été confrontés dès les années 1830 à ce problème, en particulier autour de la question des « tarifs » (des listes de prix minimaux de façon). Dès lors que les préfets ne légitimaient plus ces tarifs, l’autorité des prud’hommes s’avérait impuissante à changer les pratiques [43]. Instruits de cette expérience, les prud’hommes parisiens ne tentent guère d’être autre chose qu’une juridiction, avant même que leurs présidents nommés ne leur interdisent de sortir de ce rôle [44]. Ceux des métaux discutent quelques mois de l’opportunité d’un rôle d’inspection, mais abandonnent cette idée, à la déception du prud’homme bijoutier qui pensait possibles des visites organisées sans recours à la force publique pour ouvrir les portes, de façon non pas « coercitive mais purement confraternelle » [45].

53Il reste aux prud’hommes la possibilité de créer une jurisprudence : les textes sur la relation de travail étant rares et laconiques jusqu’à la toute fin du siècle, ils peuvent, plus que les juges du commerce, juger « en équité », notamment en invoquant des usages que, dans le mouvement même où ils affirment simplement les appliquer, ils contribuent largement à créer [46]. C’est ainsi que le vice-président d’un des conseils parisiens peut envisager une « légitime influence » qui consisterait à réformer des usages abusifs, et non à se contenter de faire appliquer les conventions librement consenties entre les parties [47]. Il faut toutefois pour cela que les conseillers soient d’accord entre eux et que le tribunal de commerce, qui fait office de juridiction d’appel, admette cette pratique ; après 1870, c’est même la Cour de cassation qui limite le plus possible ce pouvoir d’interprétation [48].

54C’est surtout, en fait, par la conciliation que les prud’hommes peuvent agir : une conciliation obtenue dans l’écrasante majorité des cas au xixe siècle, ce qui explique la popularité de l’institution. Les rapports officiels louent son rôle d’apaisement, parlant d’un « tribunal de famille » ou d’une « influence morale heureuse » [49]. Ce rôle, qui suppose un minimum d’accord possible entre prud’hommes patrons et ouvriers, leur donne en contrepartie une autorité dégagée des contraintes du droit et assise sur des interactions personnelles : les parties doivent se présenter en personne, sans avocat, devant un bureau de conciliation composé d’un prud’homme ouvrier et d’un patron. Si les prud’hommes construisent ainsi une autorité de purs arbitres, cela apparaît moins comme un choix de leur part que comme la seule solution qui leur est offerte, puisqu’ils ne sont ni vraiment juges, ni dirigeants de véritables corporations.

55La capacité éventuelle des chambres syndicales à imposer des normes possède évidemment des fondements encore plus minces. Si l’UNCI s’appelle, dans ses premières années, « Union nationale du commerce et de l’industrie contre la contrefaçon et la fraude », ses membres doivent rapidement déchanter quant à son utilité en la matière [50]. Ainsi, la Chambre des fleurs, plumes et modes renonce à prononcer des blâmes contre les contrefacteurs : cette sanction sans existence juridique l’exposerait elle-même à des poursuites. Elle peut arbitrer des cas soumis spontanément, mais elle n’a guère de recours envers ceux qui ne suivraient pas ses décisions. De ce fait, les chambres reçoivent moins de demandes d’arbitrages venant des parties que de cas transmis par les tribunaux. L’UNCI permet certes une sanction par l’exclusion : comme en être membre donne accès à des services juridiques et techniques, la menace peut être crédible, du moins pour les adhérents ; mais cette solution communautaire ne donne pas de prise sur les autres, notamment sur les provinciaux et les étrangers. La plupart des chambres syndicales en sont donc réduites à agir par la pédagogie et l’information (circulaires ou écriture de romans édifiants), ou bien par des méthodes philanthropiques classiques, comme le patronage d’apprentis. Il n’est pas facile d’imposer de bonnes pratiques « sans gêner en rien la liberté du commerce ni faire publiquement la censure des actes que nous signalons ici en famille » [51].

56Construire « des relations de confraternité entre tous les membres d’une même industrie » [52] reste une des seules ressources à leur disposition. C’est sur ce registre souvent répété de la « confraternité industrielle », ainsi que sur celui de l’« influence morale », qu’elles décrivent le plus souvent leur rôle. Il s’agit de construire une communauté, décrite dans le journal de l’UNCI par des métaphores liées à la famille, mais aussi parfois à l’armée. Si ces modèles d’autorité paternelle ou militaire, comme le modèle corporatif, restent un horizon, c’est le rôle d’arbitre qui est au cœur des pratiques réelles des chambres syndicales, et avant tout pour des affaires renvoyées par le tribunal de commerce : c’est en appui sur son autorité formelle, ancrée dans la loi, que peut se construire quelque chose de plus informel.

57*

58L’autorité des corporations d’Ancien Régime, même si elle faisait bien évidemment l’objet de contestations, se fondait d’une part sur l’idée d’une certaine permanence, les inscrivant quasiment dans l’ordre naturel des choses, d’autre part, plus concrètement, sur leur inclusion dans une chaîne remontant jusqu’au souverain. Ceux qui souhaitaient, d’une façon ou d’une autre, rétablir des corporations au xixe siècle – l’idée, loin de se limiter à l’administration napoléonienne ou aux ultras, était de plus en plus communément évoquée à partir des années 1840 – se heurtèrent de ce fait d’une part à la difficulté de réinventer des traditions et des communautés, d’autre part au manque d’efficacité d’une autorité purement morale, puisqu’aucun gouvernement n’avait fait le choix d’un rétablissement officiel et général.

59Dans ce cadre, des institutions comme les tribunaux de commerce, les conseils de prud’hommes ou les chambres syndicales, qui arbitrent ou jugent des différends « entre pairs », représentent une des solutions trouvées pour incarner des formes d’autorégulation des commerçants et industriels. Mais, quelle que soit la légitimité qu’elles peuvent puiser dans l’autorité personnelle de leurs membres – fondée sur l’expertise, l’autorité sociale, l’élection et le bénévolat –, elles restent tributaires d’une reconnaissance étatique pour faire réellement appliquer des normes de bonne conduite. Cette articulation complexe entre autorités formelle et informelle, certes différente dans ses modalités précises de celles de l’Ancien Régime ou d’aujourd’hui, n’en fait pas moins toujours l’originalité du système français de règlement des litiges économiques.

Notes

  • [*]
    Chargée de recherche au CNRS (Institut d’histoire moderne et contemporaine).
  • [1]
  • [2]
    C. Lemercier, Un si discret pouvoir. Aux origines de la chambre de commerce de Paris, 1803-1853, Paris, La Découverte, 2003, p. 160-180.
  • [3]
    A. Levacher-Duplessis, Appendice du mémoire sur les corporations, par l’auteur du mémoire, Paris, Imprimerie J. Smith, 1818, p. 14-15.
  • [4]
    Archives de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, vii-3.60(1) : « Observations de la Chambre de commerce de Paris sur un projet d’ordonnance pour l’établissement d’une corporation des marchands de vin à Paris », adressées le 13 août 1818 au sous-secrétaire d’État à l’Intérieur.
  • [5]
    Impressions du Conseil d’État : dossier 2167 de www. napoleonica. org/ ce [1806].
  • [6]
    Voir en particulier J.-P. Hirsch, Les deux rêves du commerce. Entreprise et institution dans la région lilloise (1780-1860), Paris, Éditions de l’EHESS, 1991 ; P. Rosanvallon, Le modèle politique français. La société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos jours, Paris, Le Seuil, 2004 ; S. L. Kaplan et P. Minard (dir.), La France, malade du corporatisme ? xviiie-xxe siècles, Paris, Belin, 2004 ; C. Lemercier, « La France contemporaine : une impossible société civile ? », Revue d’histoire moderne et contemporaine, juillet-septembre 2005, p. 166-179.
  • [7]
    M. Aoki, Fondements d’une analyse institutionnelle comparée, Paris, Albin Michel, 2006, chap. III.
  • [8]
    A. Cottereau (dir.), « Les prud’hommes, xixe-xxe siècle », Le Mouvement Social, avril-juin 1987.
  • [9]
    J.-P. Le Crom (dir.), Les acteurs de l’histoire du droit du travail, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2004.
  • [10]
    En particulier A. Kojève, La notion de l’autorité, Paris, Gallimard, 2004 [1942].
  • [11]
    Cf. notamment le corpus du journal canut des années 1830 L’Écho de la fabrique (http:// echo-fabrique. ens-lsh. fr/ ), qui permet une recherche systématique ; l’impression est la même dans les archives institutionnelles parisiennes consultées et les dictionnaires de l’époque.
  • [12]
    Sur le plan méthodologique, cet article a bénéficié de la lecture de J.-F. Schaub, « Identification du jurisconsulte. Composition et conflits d’autorités dans les sociétés ibériques au xviie siècle », in J.-C. Garavaglia et J.-F. Schaub (dir.), Lois, justice, coutume. Amérique et Europe latines (16e-19e siècle), Paris, Éditions de l’EHESS, 2005, p. 29-55 et d’Y. Cohen, « Les conceptions de l’autorité s’entrelacent. Le cas de l’Union soviétique dans les années 1930 (catégories des acteurs et catégories des chercheurs) », ethnographiques.org, juin 2006.
  • [13]
    J. Hilaire, « La Révolution et les juridictions consulaires », in R. Badinter (dir.), Une autre justice : contribution à l’histoire de la justice sous la Révolution, Paris, Fayard, 1989, p. 243-266 et « Perspectives historiques sur l’élection des juges consulaires », in J. Krynen (dir.), L’élection des juges : étude historique française et contemporaine, Paris, PUF, 1999, p. 137-163.
  • [14]
    A. D. Kessler, A Revolution in Commerce: The Parisian Merchant Court and the Rise of Commercial Society in Eighteenth-Century France, Londres-New Haven, Yale University Press, 2007.
  • [15]
    C. Lemercier, « Juges du commerce et conseillers prud’hommes face à l’ordre judiciaire (1800-1880). La constitution de frontières judiciaires », in H. Michel et L. Willemez (dir.), La justice au risque des profanes, Paris, PUF, 2007, p. 107-123.
  • [16]
    É. Regnard (dir.), Les tribunaux de commerce et l’évolution du droit commercial, Paris, Arprint, 2007, p. 13.
  • [17]
    L’expression est empruntée à C. de Montesquieu, De l’esprit des lois, Genève, Barillot et fils, 1748, livre XI, chap. VI : « les juges de la nation ne sont, comme nous avons dit, que la bouche qui prononce les paroles de la loi ; des êtres inanimés qui n’en peuvent modérer ni la force ni la rigueur ».
  • [18]
    C. Mincke, « Les magistrats et l’autorité », Droit et Société, n° 42-43, 1999, p. 343-362.
  • [19]
    Entretiens avec deux juges du tribunal de commerce de Paris, dans le cadre de l’enquête dirigée par Emmanuel Lazega et Lise Mounier, 2002. Sur l’enquête, cf. A.-M. Falconi, K. Guenfoud, E. Lazega, C. Lemercier, L. Mounier, « Le contrôle social du monde des affaires : une étude institutionnelle », L’Année sociologique, décembre 2005, p. 451-483.
  • [20]
    Ambroise Guillaume Aubé, Dix-huit mois au Conseil d’État, 1840, 107 p., Bibliothèque de l’Institut, Ms. 4751, numérisé : http:// lemercier. ouvaton. org/ document. php? id= 63.
  • [21]
    De premiers comptages dans les registres de jugements (Archives départementales – AD – de Paris, série D2U3) confirment sur ce point les pamphlets contemporains.
  • [22]
    AD Paris, D1U3 40.
  • [23]
    « L’épreuve ordinaire de l’autorité dans la pratique du juge », Droit et Société, n° 42-43, 1999, p. 335-342.
  • [24]
    S. Capel, Histoire juridique et sociale d’une institution : le Tribunal de commerce de Toulouse de la Révolution française à la fin du xixe siècle, thèse de doctorat d’histoire du droit, Université Toulouse I, 1999, p. 458-461.
  • [25]
    C. Lemercier, « The Judge, the Expert and the Arbitrator. The Strange Case of the Paris Court of Commerce (ca. 1800-ca. 1880) », in C. Rabier (ed.), Fields of Expertise. A Comparative History of Experts Procedures in Paris and London, 1600 to Present, Newcastle, Cambridge Scholars Press, 2007, p. 115-145.
  • [26]
    C. Lemercier, « Les carrières des membres des institutions consulaires parisiennes au xixe siècle », Histoire & Mesure, juin 2005, p. 59?95.
  • [27]
    H. de Balzac, Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, parfumeur, chevalier de la Légion d’honneur, adjoint au maire du IIe arrondissement de la ville de Paris, Paris, Boulé, 1838, p. 84-85. Le cadi est un « magistrat musulman remplissant des fonctions civiles, judiciaires et religieuses, dont celle de juger les différends entre particuliers » selon le Trésor de la langue française. Si bien des auteurs utilisent terme et personnage au service de la couleur locale, Balzac, qui parle aussi de cadi dans L’Interdiction (tome II des Scènes de la vie parisienne : voir la concordance en ligne http:// ancilla. unice. fr/ brunet/ BALZAC/ balzac. htm), y voit surtout un juge qui accorde davantage d’importance à l’équité et l’appréciation de la bonne foi des parties qu’à l’application de la lettre du droit. À propos du juge d’instruction Popinot, il écrit ainsi qu’il était « au milieu de la civilisation parisienne un très habile cadi, qui, par la nature de son esprit et à force d’avoir frotté la lettre de la loi dans l’esprit des faits, avait reconnu le défaut des applications spontanées et violentes. […] Juge comme l’illustre Desplein était chirurgien, il pénétrait les consciences comme ce savant pénétrait les corps. […] il concluait souvent contre le droit en faveur de l’équité dans toutes les causes où il s’agissait de questions en quelque sorte divinatoires. […] On dit qu’il jugeait mal ces sortes d’affaires ; mais […] il fut regardé comme possédant une aptitude spéciale pour les pénibles fonctions de juge d’instruction ».
  • [28]
    A. Lincoln, « Le syndicalisme patronal à Paris, 1815-1848 : étape de la formation de la classe patronale », Le Mouvement Social, juillet-septembre 1981, p. 11-34.
  • [29]
    C. Lemercier, « Prud’hommes et institutions du commerce à Paris, des origines à 1870 », à paraître, http:// halshs. ccsd. cnrs. fr/ halshs-00106150.
  • [30]
    C. Lemercier, « Comment peut-on être prud’homme ? Les facettes du mandat à Paris avant 1870 », in H. Michel et L. Willemez (dir.), Les prud’hommes. Actualité d’une justice du travail, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant, 2008, p. 27-45.
  • [31]
    Cf. par exemple la Jurisprudence générale Dalloz, 1845, p. 129-130.
  • [32]
    C. Lemercier, « “Articles de Paris”, fabrique et institutions économiques à Paris au xixe siècle », in J.-C. Daumas, L. Tissot et P. Lamard (dir.), Les territoires de l’industrie en Europe (1750-2000), Entreprises, régulations, trajectoires, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2007, p. 191-206.
  • [33]
    L’Union nationale du commerce et de l’industrie, 25 juillet 1863. C’est l’auteur qui souligne.
  • [34]
    C. Lemercier, « Juges du commerce… », art. cit., et « Comment peut-on… », art. cit.
  • [35]
    L’Union nationale du commerce et de l’industrie, 18 juillet 1863.
  • [36]
    L’Union nationale du commerce et de l’industrie, 2 mai 1863. Il est question ici des intérêts opposés des marchands et des fabricants dans le cas de la bijouterie.
  • [37]
    « Rapport de la commission des élections à l’assemblée générale des notables commerçants », 5 juillet 1869, in Recueil des procès-verbaux des séances du Comité central des chambres syndicales, Paris, Cosse, Marchal et Billard - Librairie Guillaumin et Cie, 1869-1871.
  • [38]
    Réponse de la Chambre de commerce de Paris, in Enquête sur les Conseils de prud’hommes et les livrets d’ouvriers, t. II, Paris, Imprimerie impériale, 1869, p. 545.
  • [39]
    L’Union nationale du commerce et de l’industrie, n° 171, 9 juin 1866.
  • [40]
    F. Cosandey et R. Descimon, L’absolutisme en France, histoire et historiographie, Paris, Le Seuil, 2002.
  • [41]
    Impressions du Conseil d’État : dossier 2167 de www. napoleonica. org/ ce.
  • [42]
    AD Paris, D1U3 54.
  • [43]
    L’Écho de la fabrique, en particulier 15 décembre 1831, p. 5 et 27 mai 1832, p. 2.
  • [44]
    C. Lemercier, « Prud’hommes… », art. cit.
  • [45]
    AD Paris, D1U10 4, Livre de délibération des prud’hommes des métaux, 10 juin 1845.
  • [46]
    A. Cottereau, « Droit et bon droit. Un droit des ouvriers instauré puis évincé par le droit du travail (France, xixe siècle) », Annales HSS, novembre-décembre 2002, p. 1521-1557.
  • [47]
    V. Goupy, Enquête sur les conseils de prud’hommes. Troisième note, à M. Le Hir, rédacteur du Journal des prud’hommes, Paris, Imprimerie Goupy, 1870, p. 19.
  • [48]
    A. Cottereau, « Les prud’hommes au xixe siècle : une expérience originale de pratique du droit », Justices, octobre-décembre 1997, p. 9-21.
  • [49]
    Archives CCIP, III-5.42(1), réponse du 21 mars 1861 à la Chambre de commerce de Rennes.
  • [50]
    C. Lemercier, « “Articles de Paris”… », art. cit.
  • [51]
    L’Union nationale du commerce et de l’industrie, 15 décembre 1860.
  • [52]
    L’Union nationale du commerce et de l’industrie, 8 avril 1865.
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