Notes
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[*]
Université de Nagoya.
-
[**]
C.E.P.R.E.M.A.P.
- (1)Voir, par exemple, GENDA Yuji & M.E. REBICK, « Japanese Labour in the 1990’s : Stability and Stagnation », Oxford Review of Economic Policy, vol. 16, no 2,2000.
- (2)Les meilleures références pour ce type d’études sont : IMADA Sachiko, « Female Labor Force After the Enforcement of the Equal Employment Opportunity Law », The Japan Labour Bulletin, vol. 35, no 8,1996; WAKISAKA Akira, « Women at Work », in SAKO Mari & SATO Hiroki (eds.), Japanese Labour and Management in Transition, Londres, Routledge, 1997; OSAWA Mari, « The Feminization of the Labour Market », in BANNO Junji (ed.), The Political Economy of the Japanese Society, vol. 2 : Internationalization and Domestic Issues, Oxford, Oxford University Press, 1998; on doit mentionner également le chapitre que KUMAZAWA Makoto consacre au travail des femmes dans son livre important, Portraits of the Japanese Workplace. Labor Movements, Workers and Managers, Boulder, Colo., Westview Press, 1996.
- (3)A cela s’ajoute l’effet mécanique de la baisse de la population active agricole traditionnellement très féminisée, inverse à celui du mouvement de tertiarisation qui intervient plus tard.
- (4)On reviendra plus loin sur ce point quand il s’agira d’évaluer l’évolution des conditions de travail des femmes et de prendre en compte la sphère familiale, la frontière entre celle-ci et la sphère professionnelle devenant de plus en plus claire, notamment à mesure que le nombre des travailleuses familiales non rémunérées diminue.
- (5)Celui-ci diminue au contraire depuis les années 1970 passant de 10 ‰ en 1970 à environ 6 ‰ à la fin des années 1990, tandis que le taux de divorce passe de 0,9 à 2 ‰ sur la même période, ce dernier étant respectivement de plus de 4,5 ‰ et de plus de 3 ‰ aux États-Unis et en Grande-Bretagne dans les années 1990.
- (6)KOIKE Kazuo, The Economics of Work in Japan, Tôkyô, L.T.C.B. Library Foundation, 1995.
- (7)Ce différentiel est calculé à partir d’une base 100 fictive pour les salariés hommes. Ainsi, plus le pourcentage est faible, plus le différentiel est élevé. Au milieu des années 1990, ce différentiel est de 80 % en France, de 75 % environ aux États-Unis et en Allemagne, de 71 % au Royaume-Uni et d’environ 60 % en Corée (B.I.T.).
- (8)Le ministère du Travail (Ministry of Labour, M.O.L.) est devenu en 2000 le ministère de la Santé, du Travail et des Affaires Sociales (Ministry of Health, Labor and Welfare, M.H.L.W.), suite à une réorganisation administrative. Pour simplifier, on utilisera toujours ici le terme « ministère du Travail ».
- (9)Au passage, les différences de résultats entre ces deux enquêtes tendent à montrer que ce différentiel s’explique en partie par la montée du travail à temps partiel depuis le début des années 1970. On reviendra sur ce point plus loin. Une autre raison de la différence d’évaluation entre les deux enquêtes est que la seconde ne prend en compte que la partie fixe du salaire mensuel tandis que la première intègre la part variable (bonus et heures supplémentaires), qui est donc également un facteur d’inégalités hommes-femmes.
- (10)Voir S. LECHEVALIER, « La resegmentation contemporaine du marché du travail japonais en perspective historique », CIPANGO, no 11,2003 (accessible également, dans une version plus longue, sous la forme de la Couverture Orange no 2002-02 du CEPREMAP, « La montée contemporaine des inégalités au Japon : une analyse à l’aide du concept de segmentation et une mise en perspective historique »).
- (11)Si on poursuit la comparaison internationale, il apparaît que ce n’est pas tant la durée de la relation d’emploi des femmes qui est courte au Japon que celle des hommes qui est plus longue (voir KOIKE Kazuo, op. cit.).
- (12)Voir WAKISAKA Akira, op. cit.
- (13)Voir KOIKE Kazuo, op. cit., qui souligne également que la relation entre l’entreprise et les femmes jeunes révèle a contrario les conditions de l’emploi de long terme chez les hommes : l’entreprise n’investit dans la formation de ses employés que si elle considère que c’est rentable, c’est-à-dire que si l’employé va, selon toute probabilité, rester longtemps dans l’entreprise.
- (14)Voir, par exemple, OSAWA Mari, op. cit., p. 155 sqq.
- (15)S. LECHEVALIER, 2003, op. cit.
- (16)KUMAZAWA Makoto, op. cit.
- (17)Cette question, essentielle et qui ne renvoie pas seulement à un différentiel de salaire, est développée dans le paragraphe suivant.
- (18)Voir S. LECHEVALIER, op. cit., et surtout UEMURA Hiroyasu, ISOGAI Akinori & EBIZUKA Akira, « The Hierarchical Market-Firm Nexus as the Japanese Mode of Regulation », in R. BOYER & YAMADA Toshio (eds.), Japanese Capitalism in Crisis. A Regulationist Interpretation, Londres, Routledge, 2000.
- (19)S. LECHEVALIER, 2003, op. cit.
- (20)HANAMI Tadashi, « Equal Employment Revisited », The Japan Labour Bulletin, vol. 39, no 1, 2000.
- (21)Voir KUMAZAWA Makoto, op. cit., et UNI Hiroyuki, « Nihonkeizai no huanteika to jendâ kôzô » (L’instabilité croissante de l’économie japonaise et la structure du genre), in TAKENAKA Emiko (ed.), Akashi-shoten sousyo, vol. 2, Rôdô to jendâ (Travail et genre), Tôkyô, Akashi-shoten, 2001.
- (22)HANAMI Tadashi, art. cit.
- (23)NOHARA Hiroatsu, « Human Resource Management in Japanese Firms Undergoing Transition : A Hierarchical Approach », in D. DIRKS et al. (eds.), Japanese Management in the Low Growth Era. Between External Shocks and Internal Evolution, Berlin, Springer Verlag, 1999; TACHIBANAKI Toshiaki, FUJIKI Hiroshi & KURODA-NAKADA Sachiko, « Structural Issues in the Japanese Labour Market. An Era of Variety, Equity and Efficiency or an Era of Bipolarization », I.M.E.S. Discussion Paper, 2000.
- (24)SAKO Mari & SATO Hiroki, Japanese Labour and Management in Transition, Londres, Routledge, 1997.
- (25)S. HOUSEMAN & OSAWA Machiko, The Growth of Nonstandard Employment in Japan and the United States : A Comparison of Causes and Consequences, paper presented at the International Conference on Nonstandard Work Arrangements in Japan, Europe and the United States, Kalamazoo, Michigan, 2000.
- (26)On reprend ici l’analyse de TACHIBANAKI Toshiaki et alii, op. cit.
- (27)WAKISAKA Akira, op. cit.
- (28)J. GADREY, F. JANY-CATRICE & T. RIBAULT, France, Japon, États-Unis : l’emploi en détail. Essai de socio-économie comparative, Paris, P.U.F., 1999.
- (29)NISHIKAWA Makiko, Diversification in the Use of Atypical Workers at the Japanese Establishments, Paper presented at the 12th IIRA World Congress, Tokyo, 2000.
- (30)MORISHIMA Motohiro & P. FEUILLE, Effects of the Use of Contingent Workers on Regular Status Workers : A Japan – U.S. Comparison, Paper presented at the 12th IIRA World Congress, Tokyo, 2000.
- (31)S. LECHEVALIER, « Japon. La sécurité de l’emploi au cœur du compromis salarial émergent », Chroniques internationales de l’I.R.E.S., no 68, janvier 2001.
- (32)UNI Hiroyuki, art. cit.
- (33)R. BOYER & YAMADA Toshio (ed.), Japanese Capitalism in Crisis..., op. cit.
- (34)TACHIBANAKI Toshiaki et alii, op. cit.
- (35)C. WEATHERS, « Positive Action At Last ? The Changing Environment for Equal Rights in Japan », Ôsaka City University Economic Review, vol. 37, no 2, March 2002.
- (36)D’après le ministère du Travail, l’emploi dans les firmes étrangères opérant au Japon représente environ 1 million de postes, soit 2,3 % de la population active, ce qui est encore faible par comparaison avec les autres pays de l’O.C.D.E., mais en progression sensible depuis une dizaine d’années.
- (37)S. LECHEVALIER, La resegmentation du marché du travail japonais depuis le début des années 1990. Inégalités de sécurité d’emploi, hétérogénéité des firmes et facteurs financiers, thèse de doctorat, E.H.E.S.S., 2003.
- (38)TACHIBANAKI Toshiaki et alii, op. cit., S. LECHEVALIER, 2003, op. cit.
- (39)Sans aller plus loin dans le détail de cette analyse, on doit préciser que ce clivage s’accroît pour des firmes de taille comparable et du même secteur. Les exemples les plus frappants sont Toyota et Nissan dans le cas de l’automobile et Canon et Fujitsu pour l’électronique (voir S. LECHEVALIER, 2002).
- (40)C’est ce à quoi nous invitent KUMAZAWA Makoto, op. cit., et OSAWA Mari, op. cit., notamment.
- (41)R. BOYER, « Origines et nature de la flexibilité du rapport salarial japonais : une analyse historique, une comparaison internationale et un modèle de croissance », contribution au contrat finalisé CEPREMAP-C.G.P. 1994, Quels enseignements tirer de l’expérience japonaise en matière de flexibilité et de gestion de l’emploi ?, 1995.
- (42)Preuve en est l’analyse précédente, mais aussi l’approche la plus aboutie en la matière, celle de UEMURA et alii, op. cit., centrée sur la segmentation du système productif.
- (43)R. BOYER, « Contemporary transformations of the Japanese wage labor nexus in historical retrospect and some international comparisons », Couverture orange CEPREMAP, no 9517,1995.
- (44)T. RIBAULT, « Toyotisme et Daiéisme : deux pôles complémentaires du rapport salarial au Japon », Économies et Sociétés, Série « Théorie de la régulation », no 11,2000.
- (45)KIMOTO Kimiko, Kazoku, jendâ, kigyô-shakai [Famille, genre et société d’entreprise], Tôkyô, Minerva shobo, 1995.
- (46)ARAI Misako, Jyoseirôdô to rôdôryoku no saiseisankatei; « tan’itsuteki jendâ no tagentekiyôdai » no shikaku kara [Le travail des femmes et le processus de reproduction de la force de travail; du point de vue du « genre unifié-surdéterminant »], thèse de doctorat de sciences économiques, Nagoya University, 2002.
- (47)Pour mener à bien cette analyse, on combine donc deux types de sources et d’analyses, le White paper on working women (Mnistère du Travail) et le National Survey on Lifestyle Preferences (Economic Planning Agency), notamment celui de 1997.
- (48)Voir notamment IMADA Sachiko, « Work and Family Life », The Japan Labour Bulletin, vol. 36, no 08,1997; KIMOTO Kimiko, op. cit.
- (49)ARAKI Takashi, « Recent Legislative Developments in Equal Employment and Harmonization of Work and Family Life in Japan », The Japan Labour Bulletin, vol. 37, no 4,1998.
- (50)Une voie proposée pour rétablir l’équilibre démographique et résoudre le problème de mauvais appariement sur le marché du travail est un appel massif et sélectif à la main-d’œuvre étrangère. C’est donc un modèle alternatif que l’on ne discutera pas ici, sauf pour dire que les obstacles sont nombreux dans le contexte japonais.
1Le travail des femmes est une question très classique en économie du travail. C’est particulièrement vrai dans le cas du Japon. L’inégalité hommes-femmes est un problème bien connu et a été analysée dans ses différents aspects (participation, inégalités de salaires, accession aux postes à responsabilité, etc.). De nombreuses études ont souligné la spécificité japonaise en la matière ou du moins la différence de degré par rapport aux autres pays de l’OCDE, tant l’inégalité hommesfemmes y est marquée, quel que soit l’indicateur retenu.
2Cette situation a donné lieu à une politique spécifique de la part des pouvoirs publics (lois sur l’égalité des chances hommes-femmes dans le domaine de l’emploi en 1985 et 1997), dont il importe de mesurer l’impact dans les années 1990, marquées de plus par une tension et des transformations sur le marché du travail. Une telle analyse a déjà été menée et a débouché sur des évaluations contradictoires, tantôt très critiques, tantôt plus optimistes. Pour résumer, on peut distinguer deux grandes catégories d’études. D’un côté, les études économiques du marché du travail japonais ont eu tendance récemment à consacrer une partie spécifique à l’analyse de la situation des femmes [1]. Mais celle-ci est très rarement reliée à l’évolution d’ensemble, ce qui est insatisfaisant dans la mesure où le clivage hommes-femmes a été au cœur du système d’emploi japonais de l’après-guerre. Reste à déterminer si c’est toujours le cas aujourd’hui, suite aux transformations qui ont affecté le rapport salarial japonais depuis le début des années 1990. D’un autre côté, un certain nombre d’analyses, dont la perspective est plutôt sociologique, se concentrent sur la catégorie « femmes » sans réellement prendre en compte l’évolution d’ensemble du marché du travail depuis le début des années 1990, au cours de laquelle la situation des femmes a évolué sensiblement [2].
3Or la crise sur le marché du travail japonais dans les années 1990 n’a pas exactement produit les effets attendus : alors que dans une première phase de la crise (jusqu’en 1994 environ) la main-d’œuvre féminine joue le rôle habituel d’absorbeur de choc (au même titre que dans les années 1970), à la fin de la période on voit en revanche apparaître la thèse d’une amélioration relative de la situation des femmes. Même s’il importe de soumettre cette thèse à une analyse critique, il apparaît que le maintien – voire le retour – des femmes sur le marché du travail, coïncidant souvent avec la perte de l’emploi de l’époux, traduit une évolution durable de la place des femmes japonaises sur le marché du travail.
4On procèdera en trois étapes. Dans un premier temps, on analysera, en perspective historique, l’évolution des caractéristiques du travail féminin avant les années 1990. Dans une seconde partie, on concentrera l’analyse sur les années 1990, qui sont marquées par une transformation progressive – mais profonde – du marché du travail japonais et, dans le même temps, par un maintien de la structure inégalitaire hommes-femmes. On étudiera également les politiques publiques dans ce domaine (première loi en 1985; révision en 1996). Il apparaît alors que les outils d’analyse du rapport salarial japonais sont insuffisants pour étudier l’évolution contradictoire de la situation des femmes dans les années 1990. En particulier, ils ne prennent pas en compte la sphère domestique, qui est marquée par une évolution sensible, mais non corrélée à la dynamique de la crise sur le marché du travail. C’est pourquoi on proposera, dans une troisième partie, une analyse renouvelée du rapport salarial japonais intégrant le genre. On peut ainsi situer la configuration japonaise par rapport aux autres configurations nationales.
5Au passage, plusieurs enjeux de cette étude méritent d’être soulignés. Tout d’abord, peut-on imaginer que la mobilisation de la main-d’œuvre féminine débouche sur une féminisation de la firme japonaise, voire participe au changement du système d’emploi ? Ensuite, quelles sont la nature et la dynamique des inégalités au Japon ? Quelles sont les lignes de clivage les plus fortes dans le contexte des années 1990 ? D’un point de vue méthodologique, enfin, la question du travail des femmes contribue à mettre en doute la légitimité des barrières disciplinaires : comment, dans une étude économique sur le travail des femmes, intégrer des éléments d’analyse d’ordre sociologique et démographique ? C’est d’autant plus important que dans les années 1990, on assiste au prolongement de tendances démographiques antérieures (diminution des taux de mariage et de fécondité notamment), qui atteignent un point limite susceptible de modifier durablement l’équilibre du marché du travail, mais aussi de la société dans son ensemble.
1. Le travail des femmes au Japon jusqu’au début des années 1990
Une féminisation progressive du marché du travail
6Le fait le plus marquant est la montée du travail féminin. Le nombre de femmes actives passe ainsi de 18,3 millions en 1960 à 21,8 millions en 1980,26,8 millions en 1992 (puis 27,5 millions en 2000), alors que la population active totale (hommes + femmes) est, à ces mêmes dates, respectivement de 45,1 millions, 56,5 millions, 65,8 millions (67,6 millions) d’après le ministère du Travail (Labor Force Survey).
7Cependant, si on analyse l’évolution du taux de participation féminine et le pourcentage de femmes dans la main-d’œuvre totale depuis les années 1950, la féminisation de la main-d’œuvre japonaise est moins claire. En effet, pour résumer, on peut dire qu’en moyenne sur toute la période on observe une grande stabilité de ces deux ratios malgré des fluctuations : en moyenne, le taux de participation des femmes est de 50 %, ce qui représente 40 % des actifs occupés. Si on analyse les fluctuations de ces deux variables, on voit que le point le plus bas est atteint en 1975. Cela correspond pour une part à l’impact des fluctuations de l’activité sur la participation féminine au Japon, mais pas seulement puisque le déclin a commencé dès les années 1950, qui correspondent à la période de la haute croissance (tableau 1, lignes 1 et 2). En fait, derrière cette évolution et cette relative continuité se cache une profonde transformation qui apparaît si l’on décompose ces chiffres globaux. Si l’on décompose par catégories d’âge, on voit que la baisse avant 1975 pour ces deux variables est essentiellement due à la chute de la participation féminine pour la catégorie 15-19 ans, liée à la scolarisation plus longue (graphique 5) [3]. En retour, la hausse du taux de participation après 1976 est principalement due à la montée de la participation de la catégorie 20-50 ans, ce qui contraste avec la baisse de la participation masculine depuis le début des années 1970 (graphique 1a). C’est en sens que l’on peut parler de féminisation du marché du travail japonais.
8D’autres changements notables méritent d’être soulignés. Tout d’abord, on assiste à la salarisation des femmes actives, le pourcentage de salariées passant de 31,2 % à 80 % entre 1955 et 1998, ce qui se traduit par le déclin des catégories de travailleuses indépendantes et de travailleuses dans l’entreprise familiale. Ce mouvement de salarisation est général et concerne également les hommes, mais la rupture est plus forte dans le cas des femmes, étant donnée l’importance quantitative des deux catégories précitées jusqu’aux années 1970. On a là un phénomène majeur, qui correspond clairement à une modernisation de la structure de l’emploi et du mode de travail des femmes au Japon (tableau 1 : lignes 3 à 6) [4]. Ensuite, l’âge moyen des femmes salariées augmente très sensiblement, passant d’environ 26 ans à plus de 37 ans entre 1955 et 1998 (tableau 1 : ligne 8). Cela correspond à un changement qualitatif très important qui apparaît également quand on se concentre sur le statut familial (tableau 1 : ligne 7) : le pourcentage de femmes mariées parmi les femmes qui travaillent augmente très fortement tandis que celui des femmes célibataires diminue. Cela ne signifie en aucun cas que le taux de mariage augmente [5] mais cela renvoie plutôt à un changement profond du comportement de l’offre de travail féminine, puisqu’il devient de plus en plus courant de travailler pour une femme quand elle est mariée.
9Il faut cependant relativiser cette évolution, puisque la participation des femmes sur le marché du travail reste caractérisée par un cycle de vie fortement marqué. Ce fait est analysé de façon très classique dans le cadre des études sur le travail des femmes au Japon par la fameuse courbe en M décrivant la participation des femmes japonaises sur le marché du travail suivant l’âge. Comme on peut le voir sur le graphique 1a, on observe en effet deux pics de participation pour les 20-24 ans et pour les 40-49 ans et un point bas de participation pour la catégorie 25-34 ans. Cette période correspond approximativement au moment du mariage et de la naissance du premier enfant, ce qui entraîne leur retrait de la vie active, avant un retour ultérieur sur le marché du travail, correspondant approximativement à l’achèvement des études des enfants. Bien sûr, un tel profil n’est pas sans conséquence sur la carrière, le salaire et le type d’emploi occupé par les femmes, comme on le verra plus loin. On observe une permanence de cette forme, jusqu’à la fin de la période étudiée, même si on constate à la fois un déplacement vers la droite (le moment du mariage et du premier enfant étant de plus en plus tardif) et une élévation du niveau de participation pour toutes les catégories d’âge, particulièrement marquée pour la catégorie 25-34 ans (et plus généralement pour la catégorie 20-50 ans), ce qui correspond à la baisse du nombre d’enfants par femme et au fait que de plus en plus de femmes continuent à travailler après avoir eu un enfant.
10Peut-on interpréter cette forme de la participation suivant l’âge, et de façon plus générale la participation moyenne des femmes, comme une particularité japonaise, voire comme un signe d’archaïsme de l’économie et la société japonaises ? Il est nécessaire ici de recourir à une comparaison internationale (graphique 1b). La participation moyenne des femmes japonaises d’un peu plus de 50 % est équivalente à ce que l’on observe au Royaume Uni et supérieure à celle constatée en France et en Allemagne, l’exception étant ici les États-Unis avec une participation de l’ordre de 60 %. Cependant le taux de participation moyen (hommes et femmes) au Japon est l’un des plus élevés au monde, après les États-Unis et le différentiel suivant le sexe y est le plus marqué, de l’ordre de 20 points, alors qu’il est respectivement de 15,12 et 10 points en Allemagne, au Royaume-Uni et en France (Bureau International du Travail, Year Book of Labour Statistics). Mais cela ne doit pas être attribué pour autant à une forme d’archaïsme du rapport salarial japonais. Ainsi, si l’on se concentre sur la comparaison entre le Suède et le Japon, pour les zones urbaines, on voit qu’à la fin des années 1960, la main-d’œuvre japonaise était plus féminisée qu’en Suède. Par la suite, la féminisation a été plus rapide dans les pays occidentaux, à partir du début des années 1970 [6]. Quant à la fameuse courbe en M, d’une part, elle n’est pas propre au Japon puisqu’on l’observe également au Royaume-Uni (graphique 1b) et, d’autre part, elle est une caractéristique du Japon d’après-guerre : dans les années 1920 et 1930, la participation féminine était approximativement décroissante suivant l’âge (graphique 1c).
11Pour finir tout à fait avec cette analyse de l’évolution des femmes au travail, on doit souligner que la féminisation de la main-d’œuvre japonaise correspond pour une part à la tertiarisation de l’économie, mais ne peut être confondue avec elle : ainsi en 1990, sur près de 36,7 millions de personnes travaillant dans le tertiaire, seulement 16,1 millions étaient des femmes, soit moins de 44 % (Labor Force Survey). Les inégalités hommes-femmes au cœur du compromis toyotiste
12L’indicateur privilégié par les économistes pour mesurer les inégalités hommesfemmes est le différentiel de salaire suivant le sexe. Ce type d’inégalité n’est pas propre au Japon, mais y apparaît particulièrement marqué, par rapport à d’autres pays. Ainsi si on prend comme référence les statistiques du Bureau International du Travail (B.I.T.), qui permettent d’établir des comparaisons internationales, ce différentiel est généralement compris entre 70 et 80 % pour les pays développés [7]. Au Japon, ce différentiel est variable suivant la source utilisée, mais l’écart est toujours plus important que dans les autres pays, quand on considère les chiffres moyens. Ainsi, suivant les Statistiques mensuelles du travail publiées par le ministère du Travail [8] (Monthly Labour Statistics, prenant en compte les salariés à temps plein et à temps partiel travaillant dans des firmes de plus de 30 employés), ce différentiel était encore d’environ 50 % au début des années 1990 (tableau 1, ligne 10). Ce même différentiel est d’environ 60 % à la même date selon l’Enquête sur la structure des salaires (Basic Survey on Wage Structure), qui prend en compte les salariés à temps plein qui travaillent dans des firmes de plus de 10 employés et qui est plus couramment utilisé dans les comparaisons internationales [9].
13De plus, ce différentiel n’a que faiblement diminué dans le temps, le salaire relatif des femmes par rapport aux hommes croissant seulement de 43 % en 1960 à 50 % environ au début des années 1990. Plus précisément, le différentiel s’est réduit dans les années 1960 et dans la première moitié des années 1970, au moment où le marché du travail était marqué par une situation de rareté de main-d’œuvre, pour croître de nouveau à partir du milieu des années 1970 (tableau 1, ligne 10). Ces évolutions dépendent donc fondamentalement de la tension sur le marché du travail (suivant la rareté ou le surplus relatifs de main-d’œuvre), variable qui joue un rôle central dans la dynamique des inégalités [10].
14Ces résultats, correspondant à des chiffres moyens, ont été abondamment critiqués, à juste titre. En effet, l’image de l’inégalité salariale hommes-femmes au Japon change sensiblement si, une fois de plus, on décompose ces résultats moyens suivant les catégories d’âge (graphique 2). Le différentiel de salaire est faible pour la tranche d’âge 20-29 ans et est approximativement le même dans tous les pays. La spécificité japonaise apparaît à partir de la tranche d’âge suivante (30-39 ans), où l’on observe un décrochage entre la progression du salaire des hommes et celui des femmes. De façon nette, ce décrochage correspond à la partie de la courbe en M qui décrit le moment où beaucoup de femmes quittent leur emploi pour élever leurs enfants, avant de revenir travailler plus tard. Clairement, le mariage et le fait de s’occuper des enfants sont les principales raisons pour les femmes de quitter leur travail, en particulier entre 25 et 34 ans, ces raisons étant chacune 5 fois plus importantes que les conditions de travail elles-mêmes (Ministère du Travail, Basic Survey on Employment Status, 1992). On peut alors présenter ce différentiel en termes de coût lié à la perte d’emploi (job loss cost) en introduisant le cycle de vie et en prenant en compte à la fois le versement de la retraite, l’absence de salaire pendant le retrait du marché du travail, l’effet ancienneté dans le salaire postérieur et la forme d’emploi au moment du retour sur le marché du travail : par rapport à une femme qui travaille de 20 ans jusqu’à sa retraite, on a ainsi évalué cette perte à 30 % et 80 % pour deux femmes s’interrompant entre 27 et 32 ans et reprenant leur travail respectivement sous la même forme et sous celle d’un emploi à temps partiel (Ministère du Travail, Basic Survey on Wage Structure, 1995,1996) ! Ce coût est d’autant plus important que les conditions de retour sur le marché du travail se sont fortement dégradées pour les femmes qui ont quitté leur emploi une première fois : alors qu’en 1975, dans 63 % des cas, le retour au travail correspondait à l’occupation d’un emploi régulier, cela ne représente plus que 35 % environ au début des années 1990 (Ministère du Travail, Survey on Employment Trends, diverses années). Le coût de quitter son emploi pour une femme a eu tendance à augmenter de ce point de vue.
15Pour le dire autrement, on peut relier le différentiel de salaire au fait que la durée de la relation d’emploi des femmes dans une firme donnée est plus faible que celle des hommes. Ainsi, entre 1970 et 1992, la durée moyenne de la relation d’emploi des femmes a certes fortement augmenté en passant de 4,5 années à 7,4 années, mais dans le même temps ces chiffres sont passés de 8,8 à 12,5 années pour les hommes. Ce n’est pas sans conséquence dans un système d’emploi où l’ancienneté joue un rôle important dans la fixation du salaire [11]. Reste à expliquer la persistance d’un tel différentiel. Cela revient en partie à se demander si le taux de séparation des femmes est intrinsèquement plus élevé que celui des hommes (pour des raisons diverses comme la maternité ou l’obligation de suivre l’époux en cas de déplacement géographique), ou bien si cela est dû à un déficit de perspectives de carrière.
Comment expliquer le différentiel persistant de salaires entre les hommes et les femmes au Japon ?
16De l’analyse précédente il ressort que deux variables clefs du différentiel salarial hommes-femmes sont l’âge et la durée de la relation d’emploi. Cela permet de donner une indication sur l’origine de ce différentiel. En simplifiant, on peut distinguer deux grandes catégories d’explication. Selon une première, le différentiel salarial est lié à des différences de productivité entre les hommes et les femmes. Ainsi, lorsque l’on contrôle par les variables d’âge, de niveau d’éducation et de durée de relation d’emploi, le différentiel diminue fortement [12]. A cet argument on peut ajouter celui fourni par la théorie de la discrimination statistique qui permet de relier le différentiel de salaire à des différentiels de durée de relation d’emploi : on donne moins de responsabilité et de perspectives de carrière aux femmes car, statistiquement, elles ont tendance à avoir une durée de relation d’emploi dans une firme donnée plus courte [13]. Le sexe opère donc comme un signal pour l’employeur dans sa politique de gestion des ressources humaines, ce qui est d’autant plus dramatique dans le cas de la firme japonaise, qui assure pour la majeure partie de la formation de ses employés.
17Une autre approche souligne au contraire la pure discrimination sexuelle. Elle conduit notamment à critiquer l’analyse précédente en soulignant que le taux de séparation des femmes est effectivement plus élevé, mais que cela s’explique par la médiocrité des perspectives de carrière au sein de l’entreprise. Cette approche s’appuie notamment sur des données concernant la ségrégation des emplois, dont on peut analyser différents aspects [14]. La première dimension de cette ségrégation est le fait qu’il y a en partie une coïncidence entre l’emploi féminin et le dualisme de l’économie japonaise suivant la taille de la firme : près de 60 % des femmes sont employés dans des petites entreprises (moins de 100 employés) contre 50 % des hommes, chiffre qui n’a pratiquement pas bougé entre 1965 et la fin des années 1980. A ce chiffre global s’ajoute de plus un effet âge puisque seulement environ 47 % des femmes âgées entre 20 et 29 ans travaillent dans les petites entreprises, alors que ce pourcentage dépasse les 60 % après 40 ans, au moment du retour sur le marché du travail pour certaines d’entre elles (Labor Force Survey, 1996). Or le différentiel de salaire et de conditions de travail suivant la taille de la firme est un fait majeur de la structure des inégalités au Japon, même si cette ligne de clivage a eu tendance à se stabiliser depuis une trentaine d’années, après avoir connu une forte atténuation dans les années 1960 [15]. De plus, au sein d’une entreprise donnée, les femmes qui travaillent à temps plein sont souvent cantonnées dans des tâches répétitives et non qualifiantes [16]. Ensuite, si l’on considère les statuts d’emploi, il apparaît que les emplois non réguliers sont majoritairement occupés par des femmes depuis les années 1960, sous la forme dominante de l’emploi à temps partiel [17]. Or le salaire des salariés à temps partiel représente en moyenne 2/3 de celui des travailleurs à temps plein, ce différentiel ayant eu tendance à s’accroître depuis une vingtaine d’années, notamment entre les femmes (graphique 3). Cette inégalité salariale hommes-femmes ainsi décomposée apparaît donc au cœur du système d’emploi japonais, en ce que celui-ci est structurellement segmenté [18].
18Cette situation inégalitaire a donné lieu à une politique spécifique des pouvoirs publics japonais, influencée pour une part par ces débats théoriques sur la nature des inégalités homme-femme.
Les grandes lignes et les fondements économiques de la politique publique de réduction des inégalités hommes-femmes
19A l’origine de cette loi, on met souvent en avant, de façon classique, une pression extérieure (gaiatsu). De fait, en 1980, le Japon a signé la convention concernant l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ratifiée par les Nations Unies en 1979, et la loi de 1985 répond à la mise en conformité, au moins formelle, avec cette convention. Cette vue est vraie mais en partie seulement. La pression extérieure a certes eu un impact en contribuant à modifier des compromis internes antérieurs, mais elle n’a pas agi directement dans l’élaboration de la loi. On peut faire ici une comparaison avec la politique publique des années 1960, qui a visé à réduire le différentiel de salaire suivant la taille des firmes, dont un rapport publié en 1957 avait souligné l’importance spécifique au Japon, par comparaison avec d’autres pays avancés [19]. Le plus important est le jeu interne qui se met en place et au sein duquel on oublie les références extérieures. Ce n’est pas de peu d’importance pour comprendre la forme de la loi et son impact.
20En l’occurrence, le rôle majeur a été joué par le ministère du Travail et en particulier le bureau des Femmes (rodosho joseikyoku), chargé de la conception et de la rédaction du texte [20]. Au passage, il apparaît de toute évidence que ce ne sont pas les partenaires sociaux qui ont joué un rôle de moteur, tant les syndicats sont peu sensibles à la situation des femmes, le patronat ne jouant ici que son rôle traditionnel au sein des forces conservatrices [21].
21Quant au contenu de la loi, on n’insiste ici que sur quelques points. On ne revient pas sur le fait qu’il s’agit seulement d’une invitation à cesser toute forme de discrimination et non pas d’une interdiction. Cela s’explique non seulement par les spécificités du droit du travail japonais mais aussi par le fait que cette loi est le résultat d’un large compromis [22]. Ce qui nous semble le plus important, c’est la vision du bureau des Femmes, en relation avec les différences d’analyse théorique soulignées ci-dessus. Pour résumer, c’est la vision de la protection contre les discriminations qui l’a emporté face à la vision de l’égalité de traitement. Si la loi a eu peu d’effets, c’est qu’elle n’a pas pu créer un environnement incitatif qui aurait mis les femmes sur le même plan que les hommes, du point de vue de la capacité productive, critère essentiel aux yeux des employeurs. La principale raison de la différence homme-femme de ce point de vue est l’interruption de carrière dont on a précédemment souligné l’importance dans l’analyse de la courbe en M. Or la loi ne prévoit en aucun cas de moyens d’agir sur ce point.
2. L’évolution contemporaine paradoxale
Quel a été l’impact des lois de 1985 et 1997 ?
22Dans l’ensemble, sans surprise, l’impact de la loi de 1985 a été limité. On voudrait insister ici sur un aspect dont l’évaluation a fait l’objet d’un vif débat. Il s’agit de l’introduction d’une gestion des ressources humaines à deux « voies » (fukusengata jinji kanri seido) par les entreprises en réponse aux exigences de la loi de 1985, qui fait que théoriquement les femmes ont le choix entre une « voie » avec carrière et une « voie » sans carrière, la première impliquant un investissement personnel très important de la part du salarié. Pour certains analystes, cette innovation institutionnelle a eu un impact, même limité. On observe ainsi une augmentation du pourcentage de femmes parmi les cadres entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990, ce pourcentage faisant plus que doubler (graphique 4). Cependant ces chiffres, tant en pourcentage qu’en nombre absolu restent faibles (tableau 3), surtout dans une perspective de comparaison internationale. Ainsi, si on adopte la définition large de l’encadrement du Bureau International du Travail, il apparaît que les femmes représentent 8,2 % des cadres du Japon au milieu des années 1990, contre 42,7 % aux États-Unis, 33 % au Royaume-Uni et 25,6 % en Allemagne, seule la Corée faisant moins bien que le Japon avec 4,4 % (B.I.T., Year Book of Labour Statistics, 1996).
23Si l’évaluation de l’impact de ces lois est matière à débat, c’est essentiellement dû au fait qu’à une situation de rareté de main-d’œuvre à la fin des années 1980 a succédé une situation de surplus et de crise. Si la situation des femmes japonaises sur le marché du travail a changé – dans un sens à déterminer –, c’est peut-être plus sous l’impact des transformations du marché du travail que de ces lois. Il importe donc d’étudier cette crise du marché du travail qui s’ouvre au début des années 1990, ce qui est l’objet des paragraphes suivants.
Une image négative : montée du travail atypique et dégradation des conditions de sécurité de l’emploi
24De façon générale, sans surprise, les femmes sont les principales victimes dans un premier temps de la crise, comme elles l’avaient été dans les années 1970 [23]. Concrètement, dans une première phase (1992-1994), ce sont les premières concernées par les restructurations d’entreprise. C’est un choc pour beaucoup d’entre elles, dans la mesure où les années 1980 avaient contribué à leur intégration à la firme [24]. De façon plus structurelle, on observe un décalage grandissant entre l’amélioration remarquable du niveau d’éducation des femmes et l’accession de celles-ci à des postes permettant d’espérer une carrière dans l’entreprise, ce qui traduit une logique proprement discriminatoire. En effet, d’un côté, on observe une augmentation sensible du taux d’inscription scolaire des femmes à l’université depuis la fin des années 1980, la proportion pour les femmes dépassant même celle des hommes au début des années 1990 (graphique 5). D’un autre côté, si les différentiels de salaire et de durée de relation d’emploi hommes-femmes sont décroissants en fonction du diplôme, il n’y pas d’évolution majeure entre la fin des années 1970 et la fin des années 1990, les pourcentages respectifs pour les diplômés de l’enseignement supérieur restant d’environ 68 % et 50 % (tableau 4). Cela explique certainement le fait qu’au Japon, l’accession des femmes aux études supérieures n’augmente pas sensiblement leur taux de participation (graphique 6).
25Mais le fait le plus marquant à l’appui de la thèse de la dégradation de la situation des femmes sur le marché du travail est la montée du travail à temps partiel féminin. Cette augmentation n’est certes pas nouvelle et s’inscrit dans une évolution de plus longue durée, qui concerne plus généralement la montée du travail dit « atypique » (ou non régulier, par opposition à régulier), ce qui inclut, outre le temps partiel, le travail temporaire, journalier, à contrat et l’emploi par l’intermédiaire des agences de placement. Même si cette montée du travail atypique ne date pas des années 1990, elle est au cœur de la plupart des analyses du marché du travail japonais depuis 10 ans. De fait, même s’il y a des ambiguïtés sur la quantification de cette montée du travail (liée aux différentes sources et aux différentes définitions), cette montée est indéniable, à tel point qu’on semble avoir franchi un seuil dans les années 1990 : globalement, le travail atypique est passé de 12 % de la main-d’œuvre totale en 1985 à plus de 20 % en 2000 (graphique 7). Dans cette montée, la contribution du travail à temps partiel, essentiellement féminin, est très importante : les femmes occupent ainsi 67 % du total des postes à temps partiel en 1999. Si on se concentre sur l’emploi féminin, il apparaît que la féminisation de la main-d’œuvre est essentiellement due à la montée du travail à temps partiel féminin. Ainsi, sur les 5,6 millions de femmes salariées en plus depuis 1986,4,3 millions sont des travailleuses à temps partiel, soit les 3/4. En 2002, le pourcentage de salariées à temps partiel a atteint 42 % de la main-d’œuvre féminine totale. Si cette montée de l’emploi atypique n’est pas propre au Japon, les comparaisons internationales montrent qu’elle y est beaucoup plus marquée que dans d’autres pays, aux États-Unis par exemple, où l’on a observé au contraire une baisse du pourcentage des salariés à temps partiel, le différentiel de conjoncture économique n’y étant certainement pas pour rien [25].
26Cette montée du travail à temps partiel féminin peut-elle s’expliquer par la thèse du dualisme du marché du travail ? Autrement dit, peut-on dire que la montée du travail atypique correspond à une précarisation univoque et peut-on établir une équivalence entre la précarisation et la féminisation ? Est-ce le signe que la main-d’œuvre périphérique est essentiellement constituée des femmes dans les années 1990 ? Les choses ne sont pas aussi simples que l’évolution globale pourrait le faire croire. Il faut tout d’abord analyser la dynamique sous-jacente à cette montée [26]. En l’occurrence, les facteurs de demande de travail de la part des entreprises semblent l’emporter sur les facteurs d’offre de la part des femmes depuis le milieu des années 1980 : autrement dit, la dynamique de montée du travail à temps partiel est essentiellement poussée par les besoins des firmes. La raison principale invoquée par celles-ci est le coût moindre du travail à temps partiel, mais aussi la possibilité d’adapter facilement la quantité de travail aux besoins. Quant aux facteurs d’offre, on doit souligner que le temps partiel correspond pour une part à un choix des femmes en ce qu’il offre une flexibilité des horaires de travail, ce qui donne l’image d’une flexibilité fonctionnelle de la part des entreprises qui conduisent leur politique d’emploi en tenant compte des besoins de l’offre de travail. Du côté de ces facteurs d’offre, il ne faut pas non plus négliger un dispositif fiscal qui rend attractif le choix du temps partiel pour les femmes : au-delà d’un certain seuil (environ 1 million de yen par an, soit, approximativement, 10 000 euros), les revenus de la femme mariée sont fortement taxés, ce qui la décourage de travailler à temps plein. De plus, les hommes bénéficient de déductions fiscales importantes quand leur épouse gagne moins que ce seuil de revenu.
27A cette analyse des causes de la montée du travail à temps partiel féminin s’ajoute un changement dans la nature même de ce travail et de sa place dans la politique d’emploi des firmes. Ainsi, la situation de rareté relative de la maind’œuvre au cours des années 1980 s’est traduite par une intégration de certains travailleurs atypiques, ce qui apparaît au niveau de la durée de la relation d’emploi qui est passée en moyenne de 2 ans à 4,9 ans entre 1970 et 1995 pour les femmes travaillant à temps partiel, même si cela reste plus faible que pour les travailleurs réguliers. Un autre signe de l’intégration des travailleurs atypiques est le fait que pour certains d’entre eux, on observe une augmentation des salaires suivant l’ancienneté [27]. Malgré la détérioration des conditions sur le marché du travail durant la décennie suivante, certains travailleurs atypiques ont continué à bénéficier de cette intégration, ce qui a pour conséquence une différenciation de leur situation au sein d’une même entreprise [28]. Enfin, cette diversité de la relation d’emploi des travailleurs atypiques en général et des femmes à temps partiel en particulier s’exprime suivant les entreprises, tant à un niveau quantitatif – certaines firmes ne recrutant pas de travailleurs à temps partiel ou de moins en moins [29] – qu’à un niveau qualitatif, ce qui se traduit en l’occurrence par différents modèles de coexistence entre la main-d’œuvre non régulière et la maind’œuvre régulière [30]. En bref, la montée du travail atypique est fort complexe et ne peut être résumée par l’idée de dualisme du marché du travail selon laquelle les femmes japonaises joueraient seulement le rôle de la main d’œuvre périphérique.
28Pour finir, on doit souligner que la montée du travail atypique n’est qu’une facette d’une question plus large relevant du compromis social autour de la sécurité de l’emploi [31]. On doit donc compléter l’analyse précédente par une approche qui prend en compte l’ajustement de l’emploi en fonction de l’évolution des ventes et de la production (intégrant notamment la question de la pratique des licenciements et des restructurations). Une telle étude débouche également sur l’idée d’une dégradation de la situation des femmes sur le marché du travail japonais. Ainsi, Uni Hiroyuki [32] montre que l’insécurité de l’emploi – mesurée par le coefficient d’élasticité de l’emploi à la production (plus ce coefficient est proche de 1, plus l’évolution de l’emploi est sensible à l’évolution de la production, c’est-à-dire plus l’insécurité est forte) – a augmenté pour les femmes japonaises alors qu’elle a diminué pour les hommes. Dans l’ensemble, les salariés japonais bénéficient certes d’une meilleure sécurité de l’emploi qu’aux États-Unis. Mais, récemment, contrairement à la configuration japonaise, la situation des femmes américaines a eu tendance à s’améliorer de ce point de vue et à être meilleure que celle des hommes (tableau 5).
Une image positive : les femmes ne seraient-elles pas les gagnantes relatives de la crise sur le marché du travail et du processus de diversification de la relation d’emploi ?
29Si, comme on vient de le voir, les entreprises japonaises réagissent de façon classique lors d’une première phase de la crise, en faisant jouer les instruments de flexibilité externe au détriment des catégories de travailleurs périphériques, dont les femmes, la situation change à mesure que la crise dure. A partir du milieu de la seconde moitié des années 1990, apparaît un changement qualitatif et structurel dans le rapport salarial, d’abord peu perceptible au niveau macro. Dans la mesure où les deux crises des années 1970 et des années 1990 sont différentes, notamment du point de vue de la durée, la réaction du rapport salarial va progressivement se différencier [33]. Ainsi, il apparaît à partir de 1997-1998 que les cols blancs de plus en 50 ans sont particulièrement touchés par les restructurations en cours dans la mesure où leur rémunération est la partie la plus importante et croissante du coût salarial total, que les entreprises cherchent à diminuer de façon sensible. Dans ce contexte, non seulement les femmes ne sont plus les premières visées par les restructurations, mais aussi leur maintien sur le marché du travail devient essentiel dans un ménage donné, où le mari est au chômage et ne peut plus jouer le rôle de breadwinner. De façon plus générale, les restrictions salariales tout comme le désir croissant des femmes de s’investir dans le travail contribuent au changement de comportement de l’offre de travail féminin, qui apparaît comme l’un des faits majeurs sur le marché du travail japonais dans les années 1990 : désormais les femmes se retirent de moins en moins du marché du travail quand la situation se dégrade sur celui-ci, contrairement à ce que l’on observait traditionnellement, ce qui se traduisait par une baisse sensible de la participation des femmes pendant les phases de ralentissement conjoncturel.
30De façon plus générale, une rupture fondamentale apparaît progressivement sur le marché du travail japonais dans les années 1990, avec la montée du chômage à des niveaux record, même si celui-ci reste faible par rapport aux niveaux européens. Le taux de chômage japonais devient supérieur à 5 % à partir de 2000, et dépasse alors le taux de chômage américain pour la première fois depuis l’après-guerre. Dans ce nouveau contexte, les femmes s’en sortent relativement mieux que les hommes, puisque leur taux de chômage devient plus faible que celui des hommes à partir du milieu des années 1990 (graphique 8). Cela apparaît encore plus nettement si l’on décompose par catégorie d’âge : en 2001, le taux de chômage est, respectivement pour les hommes et pour les femmes, de 9,8 % contre 8,2 % pour la tranche d’âge 20-24 ans, et de 10,3 % contre 4,4 % pour les 60-64 ans (Labor Force Survey, 2001). De ce point de vue, les femmes sont plutôt les gagnantes relatives par rapport aux hommes dans les années 1990, dans un contexte général de dégradation des conditions sur le marché du travail. Certes, on a observé déjà un tel phénomène dans les années 1970 et quand on mène l’analyse avec des indicateurs de correction du taux de chômage, qui prennent en compte les travailleurs découragés (c’est-à-dire les personnes qui cessent de chercher du travail et n’apparaissent donc plus dans les statistiques officielles), le taux de chômage des femmes est alors nettement supérieur à celui des hommes, de l’ordre du double [34]. Mais ces indicateurs font également l’objet de critiques, et la situation des années 1990 est différente de celle des années 1970, où l’on avait observé un retrait massif des femmes du marché du travail après le premier choc pétrolier. En fait, ce qu’il faut retenir, c’est que le chômage féminin et le chômage masculin au Japon sont de nature fondamentalement différente : le premier est récurrent mais de courte durée par opposition au second, plus rare mais de plus longue durée et aux conséquences encore plus dramatiques pour la suite de la carrière.
31Quant à la formation des salaires, c’est une autre composante majeure des transformations contemporaines du rapport salarial japonais. En effet, de plus en plus d’entreprises essayent de faire jouer à la composante « mérite » un rôle plus important par rapport à la composante « ancienneté ». Or on a vu précédemment que l’importance du différentiel salarial hommes-femmes au Japon par rapport à d’autres pays s’explique pour une part par le fait que la composante ancienneté y est plus importante que dans d’autres pays et que la relation d’emploi des hommes y est plus longue. On peut donc espérer à terme d’un tel changement une évolution sensible du différentiel. Mais, outre le fait que la remise en cause du principe d’ancienneté est progressive et pas générale, il est encore trop tôt pour pouvoir tenter une quelconque évaluation.
32En fait, la thèse d’une amélioration relative de la condition des femmes sur le marché du travail depuis la seconde moitié des années 1990 s’appuie sur l’analyse de deux transformations majeures qui conduisent à une amplification de la féminisation du marché du travail, mais qui ne sont analysées pour le moment qu’au niveau micro, par manque de données. La première concerne la transformation sectorielle, plus précisément la tertiarisation, de la structure de l’emploi au Japon. Certes la montée du secteur des services n’est pas nouvelle (tableau 2). Mais le fait frappant est qu’il soit le seul à créer des emplois, alors que l’emploi manufacturier diminue fortement, notamment à partir de la seconde moitié des années 1990 (Ministère du Travail, Report on Employment Service). Or l’emploi féminin est plus « tertiarisé » que l’emploi masculin, les femmes salariées représentant ainsi en 2000 respectivement 51 %, 47,6 % et 53 % de l’emploi salarié total dans la distribution, dans l’ensemble constitué par finances, assurances et immobilier et dans les services alors que ce pourcentage n’est que de 40 % en moyenne pour l’ensemble des secteurs (tableau 2). Cette évolution sectorielle concerne également le secteur manufacturier lui-même, dont le cœur est passé de la sidérurgie à l’automobile et aujourd’hui l’électronique. Or les entreprises de ce secteur ont, dans l’ensemble, la réputation de mieux traiter les femmes [35]. La carrière d’ingénieur système a ainsi constitué une voie d’entrée privilégiée pour les femmes. De fait, le nombre de cols blancs femmes dans ce secteur a sensiblement augmenté depuis le milieu des années 1980. Surtout, une firme comme N.E.C. est connue pour avoir été une pionnière en matière de congé parental, ce qui est une clef pour les femmes qui ne souhaitent pas interrompre leur carrière.
33La seconde évolution concerne l’emploi dans les firmes étrangères dont l’environnement est perçu comme plus favorable aux femmes, et dont le poids dans l’économie a augmenté depuis le début des années 1990 [36]. Un exemple souvent cité est celui d’I.B.M. Japon. Cette tendance s’explique en partie par des traditions managériales différentes, mais aussi et peut-être surtout par le fait que ces entreprises étrangères ont du mal à recruter de jeunes hommes diplômés qualifiés, car elles ont la réputation de moins faire bénéficier des avantages de la sécurité d’emploi. Il n’est donc pas certain que ces pratiques se diffusent au reste de l’économie.
34Ainsi, au vu de ces transformations, il apparaît que le processus de diversification du marché du travail japonais rend plus compliquée l’image des femmes japonaises au travail et l’opposition hommes-femmes, qui ne peut plus se résumer à celle entre salariés hommes intégrés (Salarymen) d’un côté et femmes « asservies » (Office Ladies) de l’autre.
Une analyse critique des deux images précédentes : la nécessité de prendre en compte l’évolution de la structure des inégalités sur le marché du travail dans les années 1990
35A ce stade, il apparaît que la thèse de la diversification « heureuse » de l’emploi au Japon est en partie contredite par celle d’une montée des inégalités; d’un autre côté, la thèse du maintien des inégalités hommes-femmes apparaît trop simple au regard du fait que la situation des femmes semble s’être, pour une part, améliorée de façon relative.
36Ce clivage entre deux types d’interprétation, pour simplifier pessimiste et optimiste, n’est pas nouveau et caractérise également la compréhension du fonctionnement d’ensemble du marché du travail japonais, pour laquelle on note une opposition entre une vision « intégratrice » et une vision « inégalitaire » [37]. Au passage, on voit que l’analyse par catégories de la main-d’œuvre, notamment les plus désavantagées, comme les femmes (mais aussi les jeunes et les travailleurs étrangers...) est nécessaire mais n’est pas sans limites, surtout si l’on perd de vue l’évolution d’ensemble sur le marché du travail.
37Plusieurs études convergentes soulignent une forte croissance des inégalités au Japon dans les années 1990, en relation avec la dynamique du marché du travail, certes moindre qu’aux États-Unis [38]. Mais le clivage hommes-femmes n’est pas au cœur de cette dynamique. En effet, si la segmentation est une caractéristique structurelle du marché du travail japonais, son intensité et les lignes de clivage à sa base varient dans le temps à mesure que la structure segmentée s’altère. On peut ainsi comprendre comment le clivage hommes-femmes peut persister, tout comme le différentiel suivant la taille ou le statut d’emploi, sans pour autant être au cœur de la resegmentation du marché du travail dans les années 1990. La ligne de clivage la plus forte se situe en effet au niveau des entreprises qui, dans le nouveau contexte de la crise, font des choix divergents en termes de gestion des ressources humaines, suite à des compromis différents sur la sécurité de l’emploi. Cette coexistence de deux modèles productifs – flexibilité externe et stabilité productive, pour faire simple – pourrait bien prendre à terme la forme d’une polarisation, si les politiques d’emploi continuent à se différencier, notamment du point de vue de la pratique des licenciements et du recours à la main-d’œuvre atypique [39].
38Avec cette grille d’analyse, on comprend pourquoi deux interprétations contradictoires de la situation des femmes dans les années 1990 peuvent coexister. Le fait que la variable « sexe » ne soit pas la plus déterminante pour analyser la dynamique des inégalités sur le marché du travail apparaît aussi quand on analyse l’inégalité croissante parmi les femmes qui est un autre fait stylisé majeur de l’évolution depuis le début des années 1990 : le différentiel de salaire entre les femmes travaillant à temps plein et les femmes travaillant à temps partiel passe ainsi de 78,4 en 1975 à 71,4 % en 1985 et à 66,9 % en 2000 (graphique 3). D’un point de vue de comparaison internationale, le Japon se situe en fin de période dans une configuration proche de ce que l’on observe en Grande-Bretagne et aux États-Unis (respectivement 69,6 % (1995) et 61,5 % (1996)), mais beaucoup plus inégalitaire qu’en France et en Allemagne (respectivement 81,7 % (1994) et 87,5 % (1995)), d’après l’O.C.D.E. (Perspectives de l’emploi, 1999).
39La prise en compte de la dynamique globale du marché du travail et des inégalités permet ainsi d’apporter un regard plus complet sur le travail des femmes au Japon. Mais elle laisse un certain nombre de questions en suspens, en particulier celle de la polarisation de la situation des femmes dans les années 1990. De façon plus générale, elle ne permet pas de dépasser l’analyse économique de l’inégalité hommes-femmes, centrée sur le marché du travail et sur le différentiel salarial. Il apparaît donc nécessaire d’intégrer des éléments d’analyses démographiques et sociales, notamment pour étudier la composante patriarcale du rapport salarial japonais. Autrement dit, il importe de changer de cadre d’analyse [40]. C’est ce qui est tenté dans la partie suivante.
3. Une tentative de conceptualisation : une analyse théorique du rapport salarial japonais intégrant le mode de genre
Un grand absent de l’analyse régulationniste du rapport salarial japonais : le genre
40D’après Robert Boyer, on peut classer les études régulationnistes sur le rapport salarial japonais en deux grandes catégories, celles centrées sur l’organisation du travail toyotiste et celles qui critiquent cette approche en soulignant le caractère fondamentalement segmenté du rapport salarial japonais, notamment suivant la taille de l’entreprise ou le secteur [41]. Si la seconde catégorie d’études met en son cœur l’analyse de la structure des inégalités, elle ne prend pas mieux en compte le clivage hommes-femmes et le caractère patriarcal du rapport salarial japonais que la première [42]. Robert Boyer lui-même souligne, de façon classique, la permanence du clivage suivant le sexe, mais le situe sur le même plan que ceux selon la taille de l’entreprise et le niveau d’éducation [43]. Ainsi, dans l’ensemble, la prise en compte du clivage hommes-femmes est limitée, et n’est jamais centrale dans les analyses de type régulationniste.
Une première tentative pour dépasser ce manque : services et genre
41Plusieurs auteurs ont essayé de modifier l’angle d’attaque de l’analyse en prenant mieux en compte l’inégalité hommes-femmes. Ainsi, Thierry Ribault oppose deux sphères de la production, le toyotisme et le daiéisme (du nom d’un géant de la distribution japonaise), en soulignant leur très forte complémentarité [44]. Il met ainsi en lumière les limites des approches de la régulation, qui se sont trop concentrées sur la première et ont oublié la seconde, ce qui a conduit à une sous-estimation du clivage hommes-femmes. En effet, Ribault associe à ces deux sphères de production des caractéristiques opposées suivant les critères du secteur (industrie-service), de la forme d’emploi (emploi de long terme- emploi à temps partiel) et du sexe dominant (homme-femme). Cela permet de mettre au cœur de l’analyse deux évolutions majeures concomitantes du rapport salarial japonais, la tertiarisation et la féminisation. L’étape suivante du raisonnement est de souligner l’inscription du rapport salarial japonais dans un modèle patriarcal ou modèle du breadwinner : dans 80 % des cas, l’homme rapporte 90 % des ressources à la maison tandis que 80 % des épouses gagnent moins de 1 million de yen (voir plus haut pour l’explication). Dans le cadre de ce modèle, l’engagement du salarié homme est assuré au détriment de la sphère familiale, qui est « mise en quarantaine de l’entreprise » et soumise aux exigences de la vie professionnelle. Enfin, Ribault montre que les bases patriarcales du rapport salarial japonais sont un facteur central de cohérence du régime d’accumulation. Il y a une forme de compromis implicite qui fait de la place naturelle des femmes celle de femmes au foyer avec des contraintes (travail non rémunéré à la maison) mais aussi des avantages (gestion des dépenses du ménage, etc.).
42Si l’analyse de Ribault marque certainement une étape importante dans l’appréhension du clivage hommes-femmes comme cœur du rapport salarial japonais aux bases patriarcales, elle prête toutefois à plusieurs critiques. Tout d’abord, le clivage sectoriel ne semble pas au cœur de la différenciation du rapport salarial et des inégalités depuis le début de « la décennie perdue » (années 1990), comme le montre l’exemple des clivages au sein des secteurs de l’automobile, de l’électronique ou de la distribution. Ensuite, même si l’emploi tertiaire est fortement féminisé, l’emploi féminin ne se limite pas à l’emploi tertiaire et réciproquement (tableau 2). En fait, la richesse de l’analyse de Ribault a tendance à rendre le message peu clair : l’introduction simultanée du secteur des services et de la sphère familiale n’est pas articulée, notamment à cause du caractère dichotomique de l’analyse économique (sectorielle) et de l’analyse sociologique (qui prend en compte la sphère familiale). Enfin, l’idée de la très grande stabilité du modèle patriarcal dans les années 1990 est critiquable : il est vrai que la crise économique a peu modifié ce modèle (sauf en ce qu’elle a rendu de plus en plus nécessaire le travail des femmes et pas seulement de façon complémentaire à celui des hommes, puisque dans un nombre de cas croissants la femme est la seule à travailler à la suite de la perte d’emploi de l’époux), mais, on peut considérer également que la crise de ce modèle patriarcal a précédé la crise économique [45]. Il y a là deux dynamiques en partie indépendantes.
Une seconde tentative : genre et reproduction de la force de travail
43La contribution d’Arai permet de dépasser en partie ces limites, en se situant sur un autre plan [46]. Celle-ci cherche en effet à enrichir la compréhension du rapport salarial japonais par l’analyse articulée de la production (secteur manufacturier et services) et du procès de reproduction de la force de travail, autrement dit, la répartition des tâches ménagères entre l’homme et la femme et le degré de socialisation de ce procès. Par conséquent, on ne limite pas l’analyse à la sphère de la production et au marché du travail, comme dans une approche en termes de segmentation, ou en opposant deux portions de la sphère productive comme le fait Thierry Ribault, ce qui permet de mettre au cœur de l’analyse la contradiction entre vie professionnelle et vie familiale pour les femmes. L’avantage de cette démarche est de garantir l’articulation entre les deux sphères, articulation dont on a vu le caractère problématique dans l’approche précédente. Une des clefs du raisonnement est la reconnaissance de l’importance du travail des femmes à la maison, non rémunéré et non socialisé. Cela ne s’exprime pas seulement sous la forme de désutilité comme dans un cadre néo-classique mais également en termes de moindre opportunité de carrière dans la sphère professionnelle, via une moindre possibilité de formation (investissement en capital humain) et éventuellement une interruption de carrière, deux aspects capitaux pour la formation des inégalités hommes-femmes dans le cadre du rapport salarial japonais. La prise en compte des tâches ménagères et de l’éducation des enfants enrichit donc l’analyse du rapport salarial japonais [47].
44Cette analyse des liens entre vie de famille et travail des femmes n’est pas unique, loin s’en faut [48]. Mais le véritable apport d’Arai se situe au niveau conceptuel : en ayant recours à la notion de reproduction de la force de travail on a l’avantage de localiser le nœud de contradictions entre famille et lieu de travail, au lieu de juxtaposer ces deux notions ou de les analyser de façon neutre. Notons qu’une telle perspective est également présente à l’esprit des pouvoirs publics qui, outre les lois de 1986 et 1997, ont pris des mesures susceptibles de réconcilier famille et travail [49] : on peut ainsi citer le renforcement des systèmes de congé maternité (1991) institué initialement par le Code du travail de 1947, la mise en place du congé familial (1995 puis 1999) et les procédures de réemploi incorporées directement dans la loi sur l’égalité des chances hommes-femmes dans le domaine de l’emploi, toutes mesures qui vont dans le bon sens, même si leur impact est encore limité.
45Quoi qu’il en soit, quels sont les principaux résultats dans le cadre d’analyse alternatif proposé par Arai ? En prenant en compte la sphère familiale, apparaît de façon beaucoup plus marquée le clivage hommes-femmes. Si les ménages à double revenu représentent la majorité (Ministère du Travail, Survey of the Labor Force Survey), les inégalités sont patentes en leur sein si l’on considère la répartition des tâches ménagères : inégalités entre les hommes et les femmes d’abord, mais aussi entre les femmes suivant qu’elles travaillent ou qu’elles sont femmes au foyer, et enfin entre les femmes salariées elles-mêmes, suivant qu’elles travaillent à temps plein ou à temps partiel, la situation de ces dernières se rapprochant de celle des femmes au foyer de ce point de vue (graphique 9). En bref, depuis quelques années, le champ des choix possibles pour les femmes s’est polarisé : elles peuvent essayer de faire une carrière de salariées à temps plein mais dans ce cas là, tout les incite à ne pas se marier ou à ne pas avoir d’enfant; ou bien elles privilégient la vie de famille et dans ce cas, c’est le travail à temps partiel qui s’impose à elles. Au passage, cet enchaînement permet de comprendre deux faits stylisés. D’une part, on peut contribuer à expliquer la baisse du nombre de mariages (voir note 5) et du taux de fécondité (qui passe de 2,13 en 1970 à 1,4 en 1995 et 1,36 en 2000). D’autre part, on peut situer ici l’origine de l’inégalité croissante entre les femmes, en fonction de ces deux choix divergents.
46Il apparaît clairement que la composante patriarcale du rapport salarial japonais a atteint ses limites. D’un côté, malgré la montée du taux de chômage, il y a un réel manque de main-d’œuvre qualifiée et il est clair qu’une valorisation de la maind’œuvre féminine permettrait de sortir de cette situation de mauvais appariement (mismatching). D’un autre côté, la baisse dramatique du taux de natalité menace l’équilibre social [50]. On voit donc que la société dans son ensemble a besoin d’un changement dans ce domaine. La situation des femmes japonaises sur le marché du travail est définie par un contexte global et social qui va au-delà de la dynamique du marché du travail. Cette question relève donc d’un véritable choix de société.
47Dès lors, l’enjeu pour les politiques de promotion de l’égalité hommes-femmes est donc bien de favoriser une situation qui permette aux femmes de réconcilier vie familiale et travail. Cela passe par une politique spécifique des firmes pour mettre en avant une flexibilité fonctionnelle qui prenne en compte les attentes et les besoins de la main-d’œuvre féminine qui ne sauraient se limiter au temps partiel : on peut penser à des systèmes d’horaire flexible, à une possibilité étendue des congés maternité, plus généralement au passage à un modèle de family friendly firms, dont un exemple souvent cité est l’entreprise informatique N.E.C. La responsabilité des pouvoirs publics est grande également et une politique cohérente doit comprendre à la fois un soutien à une ouverture massive de crèches et une action en faveur des services pour socialiser le travail non rémunéré au sein de la famille, ou contribuer à donner un statut à ce dernier.
Conclusion
48Au terme de cette étude, il apparaît que si le concept de dualisme s’appliquait bien pour analyser les inégalités hommes-femmes sur le marché du travail japonais jusqu’au début des années 1980, il est de moins en moins pertinent. En particulier, il nous semble erroné d’interpréter la montée du travail à temps partiel, essentiellement féminin, suivant cette grille de lecture. D’un autre côté, la thèse d’une amélioration sensible des conditions de travail des femmes n’est pas pour autant vérifiée, en particulier si on intègre la sphère de reproduction de la force de travail dans l’analyse. Les inégalités hommes-femmes n’ont pas disparu, loin s’en faut. Il est vrai que l’on note un trend intégrateur suivant un certain nombre de critères (augmentation de la durée de la relation d’emploi, montée – certes faible – du nombre de cadres féminins, notamment); il est vrai aussi que, selon ces critères, on partait de très bas. En revanche, suivant d’autres critères (différentiel salarial, statut d’emploi, etc.), les résultats sont moins clairs, dans une perspective qui se limite à l’étude du marché du travail.
49Ce qui importe, c’est de penser autrement les inégalités hommes-femmes en ne limitant pas l’étude au marché du travail et en introduisant la notion de « genre » dans l’analyse du rapport salarial, pour analyser de façon problématique la sphère de reproduction de la force de travail. Au-delà de la prise en compte du travail non payé (afférant aux tâches ménagères notamment), la prise en compte de la sphère familiale dans l’analyse change considérablement l’analyse de l’évolution depuis le début des années 1990, et rend plus complexe la question de la mobilisation de la main-d’œuvre féminine, qui affecte les inégalités sur le marché du travail via la variable « tension sur le marché du travail », mais est également interdépendante avec d’autres variables démographiques et sociales (taux de fécondité, taux de divorce, etc.).
50Le Japon est en fait face à un choix de société et ne peut rester dans l’entre-deux, à mi-chemin entre le modèle patriarcal et le modèle d’égalité hommes-femmes sur le marché du travail. Il semble difficile de revenir aux fondements du modèle patriarcal. Mais il reste à définir le modèle d’égalité hommes-femmes. Le champ des possibles est ouvert entre un modèle égalitaire de partage du travail à la hollandaise dans lequel le temps partiel concerne tant les hommes que les femmes et un modèle égalitaire à la suédoise qui repose sur une forte socialisation de la sphère de la reproduction de la force du travail. Reste au Japon à inventer son propre modèle dans ce domaine.
SYNTHÈSE SUR LE TRAVAIL DES FEMMES AU JAPON
SYNTHÈSE SUR LE TRAVAIL DES FEMMES AU JAPON
Courbe en M. Évolution de la participation des femmes japonaises sur le marché du travail par catégories d’âge entre 1970 et 2000
Courbe en M. Évolution de la participation des femmes japonaises sur le marché du travail par catégories d’âge entre 1970 et 2000
Courbe en M. Comparaison internationale
Courbe en M. Comparaison internationale
Évolution de la participation des femmes japonaises sur le marché
Évolution de la participation des femmes japonaises sur le marché
Comparaison des différentiels de salaire hommes-femmes suivant l’âge au Japon, aux États-Unis et au Royaume-Uni au milieu des années 1990
Comparaison des différentiels de salaire hommes-femmes suivant l’âge au Japon, aux États-Unis et au Royaume-Uni au milieu des années 1990
Différentiel de salaire suivant le statut d’emploi des femmes : un clivage croissant au sein des femmes suivant le statut de l’emploi
Différentiel de salaire suivant le statut d’emploi des femmes : un clivage croissant au sein des femmes suivant le statut de l’emploi
Évolution du pourcentage de femmes parmi les cadres au Japon
Évolution du pourcentage de femmes parmi les cadres au Japon
Évolution du taux d’inscription à l’université chez les hommes et les femmes
Évolution du taux d’inscription à l’université chez les hommes et les femmes
Comparaison internationale du taux de participation féminine suivant le diplôme
Comparaison internationale du taux de participation féminine suivant le diplôme
Évolution du nombre et du pourcentage de salarié(e)s à temps partiel
Évolution du nombre et du pourcentage de salarié(e)s à temps partiel
Évolution du taux de chômage des hommes et des femmes
Évolution du taux de chômage des hommes et des femmes
Répartition des tâches ménagères entre les hommes et les femmes suivant l’activité ou la non-activité de ces dernières
Répartition des tâches ménagères entre les hommes et les femmes suivant l’activité ou la non-activité de ces dernières
Taux de répartition des tâches ménagères suivant le statut d’emploi des femmes en 2000
Taux de répartition des tâches ménagères suivant le statut d’emploi des femmes en 2000
RATIO DES REVENUS MENSUELS ET DE LA DURÉE DE LA RELATION D’EMPLOI DES FEMMES PAR RAPPORT À CEUX DES HOMMES CALCULÉS POUR CHAQUE CATÉGORIE (HOMMES = 100)
RATIO DES REVENUS MENSUELS ET DE LA DURÉE DE LA RELATION D’EMPLOI DES FEMMES PAR RAPPORT À CEUX DES HOMMES CALCULÉS POUR CHAQUE CATÉGORIE (HOMMES = 100)
ÉVOLUTION DE L’ÉLASTICITÉ DE L’EMPLOI À LA PRODUCTION SELON LE SEXE AU JAPON ET AUX ÉTATS-UNIS
ÉVOLUTION DE L’ÉLASTICITÉ DE L’EMPLOI À LA PRODUCTION SELON LE SEXE AU JAPON ET AUX ÉTATS-UNIS
Notes
-
[*]
Université de Nagoya.
-
[**]
C.E.P.R.E.M.A.P.
- (1)Voir, par exemple, GENDA Yuji & M.E. REBICK, « Japanese Labour in the 1990’s : Stability and Stagnation », Oxford Review of Economic Policy, vol. 16, no 2,2000.
- (2)Les meilleures références pour ce type d’études sont : IMADA Sachiko, « Female Labor Force After the Enforcement of the Equal Employment Opportunity Law », The Japan Labour Bulletin, vol. 35, no 8,1996; WAKISAKA Akira, « Women at Work », in SAKO Mari & SATO Hiroki (eds.), Japanese Labour and Management in Transition, Londres, Routledge, 1997; OSAWA Mari, « The Feminization of the Labour Market », in BANNO Junji (ed.), The Political Economy of the Japanese Society, vol. 2 : Internationalization and Domestic Issues, Oxford, Oxford University Press, 1998; on doit mentionner également le chapitre que KUMAZAWA Makoto consacre au travail des femmes dans son livre important, Portraits of the Japanese Workplace. Labor Movements, Workers and Managers, Boulder, Colo., Westview Press, 1996.
- (3)A cela s’ajoute l’effet mécanique de la baisse de la population active agricole traditionnellement très féminisée, inverse à celui du mouvement de tertiarisation qui intervient plus tard.
- (4)On reviendra plus loin sur ce point quand il s’agira d’évaluer l’évolution des conditions de travail des femmes et de prendre en compte la sphère familiale, la frontière entre celle-ci et la sphère professionnelle devenant de plus en plus claire, notamment à mesure que le nombre des travailleuses familiales non rémunérées diminue.
- (5)Celui-ci diminue au contraire depuis les années 1970 passant de 10 ‰ en 1970 à environ 6 ‰ à la fin des années 1990, tandis que le taux de divorce passe de 0,9 à 2 ‰ sur la même période, ce dernier étant respectivement de plus de 4,5 ‰ et de plus de 3 ‰ aux États-Unis et en Grande-Bretagne dans les années 1990.
- (6)KOIKE Kazuo, The Economics of Work in Japan, Tôkyô, L.T.C.B. Library Foundation, 1995.
- (7)Ce différentiel est calculé à partir d’une base 100 fictive pour les salariés hommes. Ainsi, plus le pourcentage est faible, plus le différentiel est élevé. Au milieu des années 1990, ce différentiel est de 80 % en France, de 75 % environ aux États-Unis et en Allemagne, de 71 % au Royaume-Uni et d’environ 60 % en Corée (B.I.T.).
- (8)Le ministère du Travail (Ministry of Labour, M.O.L.) est devenu en 2000 le ministère de la Santé, du Travail et des Affaires Sociales (Ministry of Health, Labor and Welfare, M.H.L.W.), suite à une réorganisation administrative. Pour simplifier, on utilisera toujours ici le terme « ministère du Travail ».
- (9)Au passage, les différences de résultats entre ces deux enquêtes tendent à montrer que ce différentiel s’explique en partie par la montée du travail à temps partiel depuis le début des années 1970. On reviendra sur ce point plus loin. Une autre raison de la différence d’évaluation entre les deux enquêtes est que la seconde ne prend en compte que la partie fixe du salaire mensuel tandis que la première intègre la part variable (bonus et heures supplémentaires), qui est donc également un facteur d’inégalités hommes-femmes.
- (10)Voir S. LECHEVALIER, « La resegmentation contemporaine du marché du travail japonais en perspective historique », CIPANGO, no 11,2003 (accessible également, dans une version plus longue, sous la forme de la Couverture Orange no 2002-02 du CEPREMAP, « La montée contemporaine des inégalités au Japon : une analyse à l’aide du concept de segmentation et une mise en perspective historique »).
- (11)Si on poursuit la comparaison internationale, il apparaît que ce n’est pas tant la durée de la relation d’emploi des femmes qui est courte au Japon que celle des hommes qui est plus longue (voir KOIKE Kazuo, op. cit.).
- (12)Voir WAKISAKA Akira, op. cit.
- (13)Voir KOIKE Kazuo, op. cit., qui souligne également que la relation entre l’entreprise et les femmes jeunes révèle a contrario les conditions de l’emploi de long terme chez les hommes : l’entreprise n’investit dans la formation de ses employés que si elle considère que c’est rentable, c’est-à-dire que si l’employé va, selon toute probabilité, rester longtemps dans l’entreprise.
- (14)Voir, par exemple, OSAWA Mari, op. cit., p. 155 sqq.
- (15)S. LECHEVALIER, 2003, op. cit.
- (16)KUMAZAWA Makoto, op. cit.
- (17)Cette question, essentielle et qui ne renvoie pas seulement à un différentiel de salaire, est développée dans le paragraphe suivant.
- (18)Voir S. LECHEVALIER, op. cit., et surtout UEMURA Hiroyasu, ISOGAI Akinori & EBIZUKA Akira, « The Hierarchical Market-Firm Nexus as the Japanese Mode of Regulation », in R. BOYER & YAMADA Toshio (eds.), Japanese Capitalism in Crisis. A Regulationist Interpretation, Londres, Routledge, 2000.
- (19)S. LECHEVALIER, 2003, op. cit.
- (20)HANAMI Tadashi, « Equal Employment Revisited », The Japan Labour Bulletin, vol. 39, no 1, 2000.
- (21)Voir KUMAZAWA Makoto, op. cit., et UNI Hiroyuki, « Nihonkeizai no huanteika to jendâ kôzô » (L’instabilité croissante de l’économie japonaise et la structure du genre), in TAKENAKA Emiko (ed.), Akashi-shoten sousyo, vol. 2, Rôdô to jendâ (Travail et genre), Tôkyô, Akashi-shoten, 2001.
- (22)HANAMI Tadashi, art. cit.
- (23)NOHARA Hiroatsu, « Human Resource Management in Japanese Firms Undergoing Transition : A Hierarchical Approach », in D. DIRKS et al. (eds.), Japanese Management in the Low Growth Era. Between External Shocks and Internal Evolution, Berlin, Springer Verlag, 1999; TACHIBANAKI Toshiaki, FUJIKI Hiroshi & KURODA-NAKADA Sachiko, « Structural Issues in the Japanese Labour Market. An Era of Variety, Equity and Efficiency or an Era of Bipolarization », I.M.E.S. Discussion Paper, 2000.
- (24)SAKO Mari & SATO Hiroki, Japanese Labour and Management in Transition, Londres, Routledge, 1997.
- (25)S. HOUSEMAN & OSAWA Machiko, The Growth of Nonstandard Employment in Japan and the United States : A Comparison of Causes and Consequences, paper presented at the International Conference on Nonstandard Work Arrangements in Japan, Europe and the United States, Kalamazoo, Michigan, 2000.
- (26)On reprend ici l’analyse de TACHIBANAKI Toshiaki et alii, op. cit.
- (27)WAKISAKA Akira, op. cit.
- (28)J. GADREY, F. JANY-CATRICE & T. RIBAULT, France, Japon, États-Unis : l’emploi en détail. Essai de socio-économie comparative, Paris, P.U.F., 1999.
- (29)NISHIKAWA Makiko, Diversification in the Use of Atypical Workers at the Japanese Establishments, Paper presented at the 12th IIRA World Congress, Tokyo, 2000.
- (30)MORISHIMA Motohiro & P. FEUILLE, Effects of the Use of Contingent Workers on Regular Status Workers : A Japan – U.S. Comparison, Paper presented at the 12th IIRA World Congress, Tokyo, 2000.
- (31)S. LECHEVALIER, « Japon. La sécurité de l’emploi au cœur du compromis salarial émergent », Chroniques internationales de l’I.R.E.S., no 68, janvier 2001.
- (32)UNI Hiroyuki, art. cit.
- (33)R. BOYER & YAMADA Toshio (ed.), Japanese Capitalism in Crisis..., op. cit.
- (34)TACHIBANAKI Toshiaki et alii, op. cit.
- (35)C. WEATHERS, « Positive Action At Last ? The Changing Environment for Equal Rights in Japan », Ôsaka City University Economic Review, vol. 37, no 2, March 2002.
- (36)D’après le ministère du Travail, l’emploi dans les firmes étrangères opérant au Japon représente environ 1 million de postes, soit 2,3 % de la population active, ce qui est encore faible par comparaison avec les autres pays de l’O.C.D.E., mais en progression sensible depuis une dizaine d’années.
- (37)S. LECHEVALIER, La resegmentation du marché du travail japonais depuis le début des années 1990. Inégalités de sécurité d’emploi, hétérogénéité des firmes et facteurs financiers, thèse de doctorat, E.H.E.S.S., 2003.
- (38)TACHIBANAKI Toshiaki et alii, op. cit., S. LECHEVALIER, 2003, op. cit.
- (39)Sans aller plus loin dans le détail de cette analyse, on doit préciser que ce clivage s’accroît pour des firmes de taille comparable et du même secteur. Les exemples les plus frappants sont Toyota et Nissan dans le cas de l’automobile et Canon et Fujitsu pour l’électronique (voir S. LECHEVALIER, 2002).
- (40)C’est ce à quoi nous invitent KUMAZAWA Makoto, op. cit., et OSAWA Mari, op. cit., notamment.
- (41)R. BOYER, « Origines et nature de la flexibilité du rapport salarial japonais : une analyse historique, une comparaison internationale et un modèle de croissance », contribution au contrat finalisé CEPREMAP-C.G.P. 1994, Quels enseignements tirer de l’expérience japonaise en matière de flexibilité et de gestion de l’emploi ?, 1995.
- (42)Preuve en est l’analyse précédente, mais aussi l’approche la plus aboutie en la matière, celle de UEMURA et alii, op. cit., centrée sur la segmentation du système productif.
- (43)R. BOYER, « Contemporary transformations of the Japanese wage labor nexus in historical retrospect and some international comparisons », Couverture orange CEPREMAP, no 9517,1995.
- (44)T. RIBAULT, « Toyotisme et Daiéisme : deux pôles complémentaires du rapport salarial au Japon », Économies et Sociétés, Série « Théorie de la régulation », no 11,2000.
- (45)KIMOTO Kimiko, Kazoku, jendâ, kigyô-shakai [Famille, genre et société d’entreprise], Tôkyô, Minerva shobo, 1995.
- (46)ARAI Misako, Jyoseirôdô to rôdôryoku no saiseisankatei; « tan’itsuteki jendâ no tagentekiyôdai » no shikaku kara [Le travail des femmes et le processus de reproduction de la force de travail; du point de vue du « genre unifié-surdéterminant »], thèse de doctorat de sciences économiques, Nagoya University, 2002.
- (47)Pour mener à bien cette analyse, on combine donc deux types de sources et d’analyses, le White paper on working women (Mnistère du Travail) et le National Survey on Lifestyle Preferences (Economic Planning Agency), notamment celui de 1997.
- (48)Voir notamment IMADA Sachiko, « Work and Family Life », The Japan Labour Bulletin, vol. 36, no 08,1997; KIMOTO Kimiko, op. cit.
- (49)ARAKI Takashi, « Recent Legislative Developments in Equal Employment and Harmonization of Work and Family Life in Japan », The Japan Labour Bulletin, vol. 37, no 4,1998.
- (50)Une voie proposée pour rétablir l’équilibre démographique et résoudre le problème de mauvais appariement sur le marché du travail est un appel massif et sélectif à la main-d’œuvre étrangère. C’est donc un modèle alternatif que l’on ne discutera pas ici, sauf pour dire que les obstacles sont nombreux dans le contexte japonais.