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Article de revue

La gauche révolutionnaire contre l’Internationale communiste : une relecture de la contrebande d’armes franco-espagnole de la guerre civile (1936-1939)

Pages 113 à 135

Notes

  • [1]
    M. Jaquier, Simple militant, Paris, Denoël, 1974, p. 114-115. L’évocation de Teruel procède certainement d’une confusion de la part du témoin, puisque ce front prend une envergure internationale beaucoup plus tard dans le conflit, à la fin de l’année 1937.
  • [2]
    G. Howson, Arms for Spain. The Untold Story of the Spanish Civil War, Londres, Murray, 1998, p. 28-32.
  • [3]
    Pour un bilan sur la « non-intervention », voir notamment S. Farré, « Le Comité de Londres et la politique de non-intervention durant la guerre civile espagnole (1936-1939) », in V. Chetail et al. (dir.), Prévention, gestion et sortie des conflits, Genève, Institut européen de l’Université de Genève, 2006, p. 201-219.
  • [4]
    G. Howson, Arms for Spain…, op. cit. ; Á. Viñas, « Armas y hombres para España. Los apoyos exteriores en la guerra civil », in E. Fuentes Quintana et F. Comín Comín (dir.), Economía y economistas españoles en la guerra civil, Barcelone, Galaxia Gutenberg, 2008, p. 339-424.
  • [5]
    La dénomination d’« apparence légale » est de Gaston Cusin, qui a coordonné ce type d’expéditions sur le territoire français. Voir D. Blumé (éd.), Contribution à l’histoire de la politique de la non-intervention : documents inédits, Paris, Jacques Enfer, 1978, p. 68-70 et 71-89 ; A.-J. Rapin, « Les réseaux clandestins de fourniture en armes de la République espagnole », in S. Prezioso, J. Batou et A.-J. Rapin (dir.), Tant pis si la lutte est cruelle. Volontaires internationaux contre Franco, Paris, Syllepse, 2008, p. 101-126.
  • [6]
    A. Dupont, « France et Espagne face à la contrebande d’armes pro-carliste (1872-1876) : entre crise diplomatique et impuissance militaire », Stratégique, n° 118, 2018, p. 193-204.
  • [7]
    F. Monier, « Deux regards sur une histoire : les soutiens à l’Espagne républicaine en France (1936-1939) », Études Jean-Richard Bloch, n° 13, 2007, p. 20.
  • [8]
    H. García, « Transnational History: A New Paradigm for Anti-Fascist Studies? », Contemporary European History, vol. 25, n° 4, 2016, p. 567-568.
  • [9]
    À défaut de pouvoir compter sur une référence scientifique, le témoignage de Gaston Cusin reste la source la plus utilisée sur le sujet. Se rapporter à D. Blumé (éd.), Contribution à l’histoire de la politique de la non-intervention…, op. cit., p. 71-89.
  • [10]
    Ibid., p. 86.
  • [11]
    J. Jérôme, La part des hommes. Souvenirs d’un témoin, Paris, Acropole, 1983, p. 181.
  • [12]
    Ibid., p. 223-224.
  • [13]
    Ibid., p. 250 : « Or, il arrivait que, à l’escale de Barcelone, les bateaux fussent dévalisés par les anarchistes, qui s’emparaient ainsi de matériels dont ils n’avaient pas besoin et ne savaient que faire ».
  • [14]
    Archives orales de l’Institut de la gestion publique et du développement économique (ministère des Finances, Montreuil), entretiens de Gaston Cusin réalisés par Sophie Cœuré (23 février 1990).
  • [15]
    A.-J. Rapin, « Les réseaux clandestins de fourniture en armes… », art. cité, p. 120.
  • [16]
    Après un inventaire de différentes initiatives militantes, Ami-Jacques Rapin se montre sévère envers des réseaux non communistes « composés d’amateurs, souvent mal organisés […] », ibid., p. 105.
  • [17]
    Ibid., p. 126.
  • [18]
    N. Lépine, « Le socialisme international et la guerre civile espagnole », thèse de doctorat en histoire, Faculté des lettres de l’Université Laval (Québec), 2013, p. 12 et 58-61.
  • [19]
    Institut international d’histoire sociale d’Amsterdam (IIHS), archives du comité péninsulaire de la Fédération anarchiste ibérique (FAI), 46 B 1. Le rapport date du 26 décembre 1938. Il a été produit par le Servicio de Información Exterior (un service de renseignement) de la Sección Nacional de Coordinación, qui a pour tâche de faire le lien entre les différentes composantes du mouvement libertaire espagnol. Traduction de l’espagnol par l’auteur : « Todo esto creó entre el proletariado francés, la impresión, (sic) de que solo los comunistas ayudaban verdaderamente al pueblo español y que solo ellos tenían derecho de hablar ».
  • [20]
    La Section française de l’Internationale ouvrière, qu’on qualifie couramment de Parti socialiste.
  • [21]
    S. Cœuré, La grande lueur à l’Est. Les Français et l’Union soviétique, 1917-1939, Paris, CNRS Éditions, 2017 [1999], p. 274.
  • [22]
    André Moine (un responsable communiste du sud-ouest de la France) et Jean Jérôme le confirment. André Balent et Michel Cadé citent différents témoignages sur la très faible ampleur du trafic de la « filière roussillonnaise » communiste basée à Millas. Voir J. Jérôme, La part des hommes…, op. cit., p. 181 sq. ; A. Moine, « Sur les passages d’armes dans les Basses-Pyrénées et les Landes en 1936 », Cahiers d’histoire de l’Institut de recherches marxistes, n° 24, 1986, p. 120-127 ; A. Balent, « Les réseaux clandestins d’aide à l’Espagne républicaine en Catalogne du Nord, passages de volontaires et d’armes (1936-1939) », in A. Balent et N. Marty (dir.), Catalans du Nord et Languedociens et l’aide à la République espagnole, 1936-1946, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 2010, p. 41 ; M. Cadé, Le parti des campagnes rouges. Histoire du Parti communiste dans les Pyrénées-Orientales, 1920-1949, Marcevol, Éditions du Chiendent, p. 230.
  • [23]
    Il en va surtout ainsi pour les armes de main et l’artillerie. Voir G. Howson, Arms for Spain…, op. cit., p. 147-151.
  • [24]
    D. Kowalsky, La Unión Soviética y la Guerra Civil española. Una revisión crítica, Barcelone, Crítica, 2003, p. 4-7.
  • [25]
    N. Lépine, « Le socialisme international… », op. cit., p. 8.
  • [26]
    F. Guinchard, L’Association internationale des travailleurs, 1922-1936. Du syndicalisme révolutionnaire à l’anarchosyndicalisme, Orthez, Éditions du temps perdu, 2012.
  • [27]
    A. Balent, « Les réseaux clandestins d’aide à l’Espagne républicaine… », art. cité, p. 37-51.
  • [28]
    G. Howson, Arms for Spain…, op. cit.
  • [29]
    Á. Viñas, « Armas y hombres para España… », art. cité.
  • [30]
    De nombreuses publications en font encore état. Voir D. Kowalsky, La Unión Soviética y la Guerra Civil española…, op. cit., p. 1-2.
  • [31]
    R. Quatrefages, « La politique française de non-intervention et le soutien matériel à la République espagnole pendant la guerre civile (1936-1939) », in R. Quatrefages et J.-P. Étienvre (dir.), Les armées espagnoles et françaises. Modernisation et réforme entre les deux guerres mondiales, Madrid, Casa de Velázquez, 1989, p. 17-41 ; A.-J. Rapin, « Les réseaux clandestins de fourniture en armes… », art. cité, p. 101-126 ; A. Balent, « Les réseaux clandestins d’aide à l’Espagne républicaine… », art. cité.
  • [32]
    D. Grisoni et G. Hertzog, Les Brigades de la mer, Paris, Grasset, 1979.
  • [33]
    C. Serrano, L’enjeu espagnol. PCF et guerre d’Espagne, Paris, Messidor-Éditions sociales, 1987, p. 43.
  • [34]
    A. Balent, « Les réseaux clandestins d’aide à l’Espagne républicaine… », art. cité, p. 37.
  • [35]
    P. Péan, Vies et morts de Jean Moulin. Éléments d’une biographie, Paris, Fayard, 1998, p. 138.
  • [36]
    J. Maitron, Le mouvement anarchiste en France. II, de 1914 à nos jours, Paris, François Maspéro, 1975, p. 31-32.
  • [37]
    S. Cœuré, La mémoire spoliée. Les archives des Français, butin de guerre nazi puis soviétique (de 1940 à nos jours), Paris, Payot, 2006.
  • [38]
    N. Lépine, « Le socialisme international… », op. cit. ; T. Buchanan, The Spanish Civil War and the Britain Labour Movement, Cambridge, Cambridge University Press, 1991.
  • [39]
    Ces organisations, toutes deux rattachées à l’Association internationale des travailleurs (AIT, 1922) sont étroitement liées. Alors que la CNT est pensée comme une confédération de syndicats autonomes, la FAI est mise en place plus tardivement afin de préserver la ligne politique antiréformiste de la première. Moins ouverte, cette structure se rapproche d’un parti politique.
  • [40]
    Le Comité anarcho-syndicaliste pour la défense et la libération du prolétariat espagnol, mis en place à la demande de la CNT et de la FAI, regroupait les deux structures mais avait rapidement explosé en raison de divisions internes. Voir J. Maitron, Le mouvement anarchiste en France…, op. cit., p. 30.
  • [41]
    Dans le passé, l’UA avait été amené à collaborer ponctuellement avec des socialistes, des trotskistes et même des communistes. Voir D. Berry, A History of the French Anarchist Movement, 1917-1945, Westport, Greenwood Press, 2002, p. 171.
  • [42]
    Archives de la préfecture de Police (APP), BA 1899, Rapport de la police judiciaire, brigade spéciale, 2 mai 1939.
  • [43]
    Service historique de la Défense, Vincennes (SHD), GR 7N² 2616, Note de la préfecture de Police, 18 décembre 1936.
  • [44]
    Ibid.
  • [45]
    Ibid.
  • [46]
    APP, dossier BA 1899, Note de renseignements généraux de la préfecture de Police, 2 août 1941.
  • [47]
    Ibid.
  • [48]
    A.-J. Rapin, « Les réseaux clandestins de fourniture en armes… », art. cité, p. 103.
  • [49]
    M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 124-126.
  • [50]
    M. Cadé, Le parti des campagnes rouges…, op. cit., p. 225-226.
  • [51]
    C. Natoli, « Pour une histoire comparée des organisations communistes de solidarité : le Secours ouvrier international et le Secours rouge international », in J. Gotovitch et A. Morelli (dir.), Les solidarités internationales. Histoire et perspectives, Bruxelles, Labor, 2003, p. 34 sq. ; C. Keren, « L’évacuation et l’accueil des enfants espagnols en France : cartographie d’une mobilisation transnationale (1936-1940) », thèse de doctorat en histoire, EHESS, 2014, p. 65 sq.
  • [52]
    J. Casanova, De la calle al frente: el anarcosindicalismo en España, 1931-1939, Barcelone, Crítica, 1997, p. 166.
  • [53]
    Il faut néanmoins le nuancer : le peuple en arme n’était pas seul à lutter contre le coup d’État militaire. J. Casanova, De la calle al frente…, op. cit., p. 155.
  • [54]
    F. Olaya Morales, El oro de Negrín, Madrid, Nossa y Jara, 1998, p. 80.
  • [55]
    M. Íñiguez, Enciclopedia histórica del anarquismo español, Vitoria-Gasteiz, Asociación Isaac Puente, 2008, p. 1460.
  • [56]
    Ibid.
  • [57]
    La dispersion des efforts a été largement commentée par l’historiographie. Voir, par exemple, G. Howson, Arms for Spain…, op. cit., p. 80.
  • [58]
    F. Olaya Morales, El oro de Negrín, op. cit., p. 83.
  • [59]
    APP, BA 1665, Note de correspondance de la préfecture de Police, 7 août 1936.
  • [60]
    Ibid., Rapport de la préfecture de Police, 20 septembre 1936.
  • [61]
    Ibid.
  • [62]
    M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 131.
  • [63]
    A. Balent, « Les réseaux clandestins d’aide à l’Espagne républicaine… », art. cité, p. 46.
  • [64]
    APP, 1 W 1829/97478, Note de la préfecture de Police, 1er Bureau, 26 mars 1941, Paris.
  • [65]
    C. Keren, « L’évacuation et l’accueil des enfants espagnols en France… », op. cit., p. 179 sq. On notera que Facundo Roca était proche de la CGTU, la branche dissidente de la CGT qui a pour un temps regroupé anarchistes et communistes.
  • [66]
    De nombreuses fois cité dans les opérations d’achats d’armes du CEL, Jules Chazanoff ne profite d’aucun titre « officiel ». Il en sera progressivement écarté par les organisations libertaires espagnoles après s’être plaint de ne pas avoir été remboursé de ses frais (Rapport de la préfecture de Police, 24 octobre 1936).
  • [67]
    APP, BA 1665, Note de correspondance de la préfecture de Police, 5 décembre 1936.
  • [68]
    Ce détail, avancé grâce à deux références bibliographiques anciennes (Hugh Thomas, 1967 ; Fernando Schwartz, 1971), ne trouve cependant pas d’écho dans les archives françaises consultées. Francisco Olaya Morales va dans le même sens, mais aucun document consulté ne le corrobore. En définitive, tout porte à croire que plusieurs références se sont citées entre elles ou, à défaut, ont toutes utilisé la même source. Voir R. Miralles, « El duro forcejeo de la diplomacia republicana en París », Á. Viñas, Al servicio de la República. Diplomáticos y Guerra Civil, Madrid, Marcial Pons Ediciones de Historia, 2010, p. 128 ; F. Olaya Morales, El oro de Negrín, op. cit., p. 83 et 89.
  • [69]
    R. Miralles, « El duro forcejeo… », art. cité, p. 128.
  • [70]
    C. Keren, « L’évacuation et l’accueil des enfants espagnols en France… », op. cit., p. 180.
  • [71]
    M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 129.
  • [72]
    Maurice Jaquier assure qu’une permanence aurait été établie à Perpignan à cette date pour faire la liaison avec l’ambassadeur espagnol (ibid., p. 124).
  • [73]
    C. Serrano, L’enjeu espagnol…, op. cit., p. 45 ; A.-J. Rapin, « Les réseaux clandestins de fourniture en armes… », art. cité, p. 124-125.
  • [74]
    N. Lépine, « Le socialisme international… », op. cit., p. 268.
  • [75]
    Ibid., p. 299 sq.
  • [76]
    J. Kergoat, Marceau Pivert, « socialiste de gauche », Paris, Les Éditions de l’Atelier, 1994, p. 111.
  • [77]
    L. Lecoin, Le cours d’une vie, Paris, Liberté, 1965, p. 154-157 ; M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 122-123.
  • [78]
    Pour une étude approfondie, voir notamment H. Graham, The Spanish Republic at War, 1936-1939, Cambridge-New York, Cambridge University Press, 2002, p. 215 sq.
  • [79]
    Entamée dès septembre 1936, cette intégration des milices autonomes dans l’Armée populaire prendra plusieurs mois. Ibid., p. 148 sq.
  • [80]
    J. Casanova, De la calle al frente…, op. cit., p. 179-197 ; F. Godicheau, La guerre d’Espagne. République et révolution en Catalogne, 1936-1939, Paris, Odile Jacob, 2004, p. 126-169.
  • [81]
    Pour un récit détaillé des événements : J. Casanova, De la calle al frente…, op. cit., p. 221 sq.
  • [82]
    Cette opposition entre « révolution et contre-révolution » est à nuancer puisque cette première aurait été fortement diluée durant les mois précédents (ibid., p. 227-228).
  • [83]
    Il est aussi reproché au pouvoir central d’avoir œuvré contre les industries d’armement catalanes que les syndicats révolutionnaires contrôlaient. Voir, par exemple, le rapport « Industrias de guerra. El escándalo de las comisiones de compra en el extranjero. El sabotaje a la industria española y el derroche de las finanzas en el exterior. Complicidades criminales de personajes del gobierno y sus agentes » (octobre 1938), Comité péninsulaire de la FAI, IIHS, FAI, 63/8, document n° 54.
  • [84]
    Créée sur décision du plénum de la CNT du 15 avril 1937, la SIA est présente dans une vingtaine de pays en 1939. Voir V. Cionini, « Solidarité Internationale Antifasciste, ou l’humanitaire au service des idées anarchistes », Diacronie, n° 7, 2011, p. 2-13.
  • [85]
    Ibid., p. 4-6. Voir sur le site du Maitron la notice Besnard Pierre [Eugène, Pierre Besnard, dit], par Jean Maitron et Guillaume Davranche : https://maitron.fr/spip.php?article157323.
  • [86]
    F. Godicheau, La guerre d’Espagne…, op. cit., p. 355-356. D’après l’historien, « sans doute beaucoup d’aspects de ces projets restent-ils lettre morte ».
  • [87]
    Ibid., p. 341 sq.
  • [88]
    Ibid., p. 355.
  • [89]
    SHD, GR 7N² 2616, Note de la préfecture de Police, 18 décembre 1936.
  • [90]
    APP, BA 1665, Rapport de la préfecture de Police, 20 septembre 1936.
  • [91]
    V. Cionini, « Solidarité Internationale Antifasciste… », op. cit., p. 2-3.
  • [92]
    APP, BA 1899, Rapport de la police judiciaire, 3 avril 1939.
  • [93]
    J. Maitron, Le mouvement anarchiste en France…, op. cit., p. 30.
  • [94]
    M. Cadé, Le parti des campagnes rouges…, op. cit., p. 227.
  • [95]
    V. Cionini, « Solidarité Internationale Antifasciste… », op. cit., p. 2-3.
  • [96]
    F. Godicheau, La guerre d’Espagne…, op. cit., p. 346 sq.
  • [97]
    Archives nationales (AN), 19940496/36, dossier 769, Rapport du commissaire central de Toulouse transmis au cabinet du préfet de Haute-Garonne, 5 novembre 1936.
  • [98]
    APP, BA 1665, Rapport de la préfecture de Police, 7 novembre 1936.
  • [99]
    V. Cionini, « Solidarité Internationale Antifasciste… », op. cit., p. 2-3.
  • [100]
    Ces armes, pourtant, seraient payées avec l’or de la République espagnole. M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 131.
  • [101]
    J. Maitron, Le mouvement anarchiste en France…, op. cit., p. 31.
  • [102]
    J.-P. Loubet, « Les trafics d’armes en Syrie, entre visées géopolitiques, mafias et erreurs de calcul », Stratégique, n° 118, 2018, p. 241-256.
  • [103]
    L. Lecoin, Le cours d’une vie, op. cit., p. 154 ; SHD, GR 7N² 2616, dossier 1, Note de la préfecture de Police, 18 décembre 1936 ; APP, BA 1899, dossier « Solidarité Internationale Antifasciste – Mouysset », Rapport de la police judiciaire, 3 avril 1939.
  • [104]
    APP, BA 1665, Rapport de la préfecture de Police, 24 octobre 1936.
  • [105]
    https://maitron.fr/spip.php?article107852, notice Odéon Pierre (Perrin Pierre, dit) par Jean Maitron, version mise en ligne le 20 novembre 2010, dernière modification le 18 décembre 2010.
  • [106]
    C. Keren, « L’évacuation et l’accueil des enfants espagnols en France… », op. cit., p. 180-182.
  • [107]
    Ibid., p. 181.
  • [108]
    Pour le Secours populaire, par exemple, la distinction entre politique et humanitaire s’opère ainsi après 1945 : A. Brodiez, Le Secours populaire français, 1945-2000. Du communisme à l’humanitaire, Paris, Presses de Sciences Po, 2006.
  • [109]
    J. Gotovitch et A. Morelli (dir.), Les solidarités internationales…, p. 9-10.
  • [110]
    M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 124.
  • [111]
    « C’est exactement cela, la solidarité ouvrière et internationale », remarque Maurice Jaquier à propos du vol de trois mitrailleuses ensuite destinées à Madrid (ibid., p. 117).
  • [112]
    Ibid., p. 129.
  • [113]
    AN, F7 14721, Rapport du chef du Parti populaire français de Perpignan transmis par le commissaire divisionnaire chef des services de police spéciale de Marseille au préfet des Bouches-du-Rhône, 26 mars 1937.
  • [114]
    M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 129.
  • [115]
    Dans son témoignage, Maurice Jaquier y fait référence à plusieurs reprises (ibid., p. 121-131) ; voir aussi le rapport du commandant Schlesser à la frontière pyrénéenne le confirme (SHD GR 7N2 2463, dossier 1, Mission à la frontière franco-espagnole – région des Pyrénées-Orientales, 10 décembre 1936).
  • [116]
    L. Lecoin, Le cours d’une vie, op. cit., p. 154. D’après David Berry, Louis Lecoin aurait annoncé avoir organisé l’envoi de cent camions en Espagne jusqu’en novembre 1937, pour 300 à 400 tonnes de matériel humanitaire. D. Berry, History of the French Anarchist Movement…, op. cit., p. 192.
  • [117]
    APP, BA 1665, Note de correspondance, 7 août 1936.
  • [118]
    Ibid., 5 décembre 1936.
  • [119]
    APP, BA 1665, Rapport de la préfecture de Police, 6 octobre 1936.
  • [120]
    Ibid., 7 novembre 1936.
  • [121]
    Ibid., 4 novembre 1936.
  • [122]
    SHD, GR 7N² 2616, Note de la préfecture de Police, 18 décembre 1936.
  • [123]
    APP, BA 1664, Note de la préfecture de Police, 25 juin 1938.
  • [124]
    Une confusion avec le CEL est néanmoins possible, car le même rapport parle d’une fondation de la SIA par Louis Lecoin en octobre 1936. APP, BA 1899, Rapport de la direction du cabinet de la préfecture de Police (1er bureau), 2 août 1941.
  • [125]
    J. Maitron, Le mouvement anarchiste en France…, op. cit., p. 31.
  • [126]
    APP, BA 1665, Rapport de la préfecture de Police, 17 octobre 1936.
  • [127]
    Ibid., 7 novembre 1936.
  • [128]
    Ibid., 14 novembre 1936.
  • [129]
    APP, BA 1889, dossier « Solidarité internationale antifasciste », Rapport de la police judiciaire, brigade spéciale, 2 mai 1939.
  • [130]
    APP, BA 1665, Rapport de la préfecture de Police, 20 septembre 1936.
  • [131]
    D. Berry, History of the French Anarchist Movement…, op. cit., p. 192.
  • [132]
    M. Íñiguez, Enciclopedia histórica del anarquismo español, op. cit., p. 423-424.
  • [133]
    F. Monier, « Deux regards sur une histoire… », art. cité, p. 37-41.
  • [134]
    A. Balent, « Les réseaux clandestins d’aide à l’Espagne républicaine… », art. cité, p. 47.
  • [135]
    M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 129-130.
  • [136]
    SHD, GR 7N² 2463, dossier 1, Mission à la frontière franco-espagnole – région des Pyrénées-Orientales, 10 décembre 1936.
  • [137]
    En mars, l’adoption du plan de contrôle de la frontière pyrénéenne par le comité de « non-intervention » conduit les autorités françaises à renforcer la surveillance. Il s’agit pour la France de ne pas se faire accuser de négligence par d’autres puissances du plan de contrôle, notamment l’Allemagne et l’Italie. SHD, GR 7N² 2463, dossier 1, Activité de la commission de contrôle international à la frontière des Pyrénées-Orientales, 1er juin 1937.
  • [138]
    D.-A. Grisoni et G. Hertzog, Les Brigades de la mer, op. cit., p. 104.
  • [139]
    Archivo Histórico Nacional de Madrid (AHN), Fondo Marcelino Pascua, caja 2, Conversación con el ministro de negocios extranjeros señor Bonnet, 9 juillet 1938.
  • [140]
    A. Balent, « Les réseaux clandestins d’aide à l’Espagne républicaine… », art. cité, p. 37-40.
  • [141]
    Ibid., p. 40-41.
  • [142]
    Courant décembre, la douane belge saisit pour 130 000 francs de marchandises destinées à la FAI. APP, 1 W 1829/97478, Note de la préfecture de Police, 20 décembre 1936.
  • [143]
    En janvier 1937, l’Italien Egisto Vermicelli est arrêté par la police en région parisienne en possession d’armes. Il avoue les avoir achetées en armurerie pour Louis Lecoin et le CEL (AN, F7 14677).
  • [144]
    APP, BA 1665, Rapport de la préfecture de Police, 17 juin 1938.
  • [145]
    Ibid.
  • [146]
    M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 131.
  • [147]
    Ibid., p. 137-141.
  • [148]
    G. Bonet et J.-J. Amigo (dir.), Nouveau dictionnaire de biographies roussillonnaises, 1789-2011, Perpignan, Publications de l’Olivier, 2011, p. 367.
  • [149]
    D. Blumé (éd.), Contribution à l’histoire de la politique de la non-intervention…, op. cit., p. 83.
  • [150]
    M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 135-136.
  • [151]
    D.-A. Grisoni et G. Hertzog, Les Brigades de la mer, op. cit., p. 112.
  • [152]
    F. Monier, « Deux regards sur une histoire… », art. cité, p. 29 ; C. Keren, « L’évacuation et l’accueil des enfants espagnols en France… », op. cit., p. 30-31 et 276-298.
  • [153]
    F. Monier, « Deux regards sur une histoire… », art. cité, p. 29-30.
  • [154]
    A. Balent, « Les réseaux clandestins d’aide à l’Espagne républicaine… », art. cité, p. 45.
  • [155]
    M. Cadé, Le parti des campagnes rouges…, op. cit., p. 225-226.
  • [156]
    Ibid., p. 227-228.
  • [157]
    APP, BA 1665, Rapport de la préfecture de Police, 6 octobre 1936.
  • [158]
    Ibid., Note de correspondance de la préfecture de Police, 7 août 1936.
  • [159]
    APP, BA 1666, Note de correspondance de la préfecture de Police, 9 janvier 1937.
  • [160]
    Ibid.
  • [161]
    A.-J. Rapin, « Les réseaux clandestins de fourniture en armes… », op. cit., p. 105.
  • [162]
    Pour la période courant du début de l’année 1937 jusqu’à la fin du conflit, les bordereaux d’envoi de la dernière commission d’achat de l’ambassade républicaine à Paris le confirment : des envois d’armes et de munitions sont camouflés sous l’appellation « lait condensé » (leche condensada) ou de matériel de quincaillerie. Le lait condensé authentique est même accompagné de la mention « verdad » afin de ne pas tromper le lecteur. Archivo General Militar de Ávila, caja 272,6,3, Albanares de la Comisión Técnica Española de material enviado desde París – documentos rojos.
  • [163]
    F. Godicheau, La guerre d’Espagne…, op. cit., p. 348.

1Dans ses mémoires, le socialiste libertaire Maurice Jaquier raconte sa première entrevue avec le milicien anarchiste espagnol Blanco Martín Milar. Celle-ci a lieu dans une Espagne récemment entrée en guerre civile (1936-1939). À la question « à ton sens, de quoi avez-vous le plus besoin », ce dernier répond :

2

D’armes, Maurice, d’armes ! Des hommes il s’en lève par dizaine de mille à la fois et sur le front de Téruel (sic) certains attendent que des copains tombent pour ramasser leur fusil ou leur mitraillette. D’armes ! De mitrailleuses, de canons, de chars, d’avions, de munitions, de télémètres, de radiogoniomètres. Elle est riche d’espoir, l’Espagne, et pauvre d’industries [1].

3Le besoin en armes de l’Espagne républicaine lors de la guerre civile est un fait connu. Malgré la présence d’un fort contingent militaire, surtout colonial, le pays ne dispose pas d’un arsenal conséquent. Le manque en matériel moderne, aérien notamment, est criant [2]. En juillet 1936, avec la tentative de putsch militaire, c’est tout un pays qui a besoin d’armes. D’un côté, les insurgés, composés de forces réactionnaires et conservatrices, bientôt dirigés par Franco, et rapidement soutenus par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste. De l’autre, un camp antifasciste qui réunit la jeune République espagnole de Front populaire et les forces anarchistes et révolutionnaires d’extrême gauche. Par crainte d’un embrasement généralisé en Europe, la France, suivie par l’Angleterre, propose de mettre en place une politique européenne dite de « non-intervention » en Espagne qui interdit d’y envoyer des hommes, des armes et du matériel de guerre. Cette politique gêne considérablement l’assistance à l’Espagne républicaine, mais n’empêche pas les insurgés de bénéficier d’une aide matérielle et humaine conséquente [3].

4Si l’approvisionnement en armes de la République espagnole a fait l’objet d’approches d’ensemble [4], on en sait peu sur certains groupes politiques des gauches françaises, l’attention ayant surtout porté sur les affiliés à l’Internationale communiste (IC). Durant la guerre civile outre-Pyrénées, l’envoi de vivres, de vêtements et la récolte de fonds servent de démonstration publique de solidarité et, on le vérifie parfois, de voile à des envois clandestins d’armes par les comités de toutes obédiences. Cette pratique totalement illégale est rapidement abandonnée par les communistes français, qui recourent à un montage d’« apparence légale » permettant des fournitures plus importantes ; elles proviennent essentiellement d’Union soviétique [5]. Indépendamment, des envois de contrebande sont discrètement organisés par des groupes politiques de gauche concurrents de l’IC.

5Considérable, l’aide provenant d’URSS, mise en œuvre grâce à l’IC et au Parti communiste français (PCF), a fait de l’ombre aux aides politiques qui ne lui étaient pas subordonnées. L’histoire des envois d’armes est devenue celle des communistes. Ce constat n’échappe pas aux militants des Internationales concurrentes, anarchistes et socialistes, qui développent même des stratégies pour combattre la mainmise des mouvements staliniens en Espagne. Ce phénomène est pourtant peu décrit par l’historiographie, qui se contente généralement de mesurer l’aide à la République espagnole à l’aune de celle qui est fournie par l’IC et ses organisations nationales. Cet article ne cherchera pas seulement à expliquer ce biais, il proposera aussi une nouvelle approche et des sources inédites pour comprendre la contrebande mise en place par la gauche non communiste.

6L’étude d’envois d’armes à destination du conflit espagnol soulève la question des stratégies déployées à l’échelle internationale en contexte d’illégalité. En soi, la problématique n’est pas nouvelle. À la fin du XIXe siècle, les carlistes espagnols déjouaient par exemple l’interdiction d’acheminer des armes depuis la France pour lutter contre le gouvernement central madrilène [6]. L’histoire transnationale peut nous apporter certaines clés pour le comprendre. Si la démarche n’est pas une fin en soi, elle donne des outils pour analyser les relations au-delà des limites qui leur sont traditionnellement attribuées. Cela vaut pour l’histoire française des engagements dans le conflit espagnol puisque, d’après Frédéric Monier, cette dernière n’aurait jusqu’ici « guère favorisé une histoire à deux voix, franco-espagnole, des engagements et des solidarités au nord des Pyrénées [7] ». Il en va ainsi pour l’étude de la contrebande d’armes. Élaborée à partir de nombreux témoignages, celle-ci est tributaire d’un récit communiste pugnace à l’égard des expériences concurrentes. L’exploitation de nouvelles sources permet de s’en affranchir. La perspective transnationale permet quant à elle de mieux cerner les enjeux et les contours de cette aide. D’une certaine manière, en utilisant cette approche, cet article puise dans une histoire des mobilisations antifascistes en complète révision [8]. Phénomène par essence transgressif, le trafic d’armes « français » destiné à la guerre civile espagnole gagne à être étudié par-delà des frontières hexagonales.

La gauche révolutionnaire antistalinienne, « des gens pas sérieux du tout » ? Sortir du procès de l’efficacité

7Les envois d’armes organisés par les libertaires et, plus généralement, par les militants non affiliés à l’IC ont fait l’objet de dures critiques. Celles-ci procèdent en grande partie d’un récit mémoriel communiste qui a été largement repris par l’historiographie. Ce constat interroge sur la manière dont on doit faire l’histoire d’une mobilisation illégale.

La mémoire communiste ou le procès de l’efficacité

8C’est dans le camp des protagonistes de l’aide communiste que les détracteurs sont les plus virulents. Cela vaut pour Gaston Cusin, ancien douanier cégétiste et chef de plusieurs cabinets sous le Front populaire, notamment aux Finances et à la coordination des services de la présidence du Conseil. Les différents postes qu’il occupe lui offrent une couverture pour aider discrètement les républicains espagnols. C’est à cet effet qu’il est chargé à titre officieux par Léon Blum d’assurer le transit d’armes de provenance soviétique, en France, à destination de l’Espagne républicaine. Son expérience douanière et ses réseaux dans les syndicats cégétistes lui servent à mettre en pratique ladite « non-intervention relâchée », avec le concours des communistes français et d’une partie de l’administration, le tout en dépit des accords de « non-intervention [9] ». Dans un entretien publié en 1978, il fait savoir que, contrairement à l’action secrète à laquelle il prit part, certains profanes assistaient vainement la République espagnole. À propos du chef de file de la Gauche révolutionnaire (GR), l’aile dure du Parti socialiste, il remarque :

9

Marceau Pivert se déchaînait aussi à longueur de journée. Il mettait 4 revolvers 7.65 [mm] dans un camion, avec une pancarte tricolore, et il se faisait arrêter par les douaniers… c’est tout ! Son action était très utile, en détournant l’attention de nous [10].

10Les anarchistes sont quant à eux présentés comme des acteurs dont le manque de sérieux était préjudiciable aux intérêts de la République espagnole. Il en va ainsi pour Michel Feintuh, alias Jean Jérôme, qui fut chargé d’envois d’armes en Espagne par les communistes français [11]. Dans un recueil de mémoires, il présente les anarchistes sous un jour particulièrement négatif, voire haineux [12], et les décrit comme des brigands prêts à s’approprier des armes dont ils n’avaient pas l’utilité [13]. Le même ressentiment transparaît chez Gaston Cusin pour qui

11

[l]es gens de la Catalogne n’étaient pas des gens très sérieux, et ils étaient anarchistes et ils n’acceptaient pas la discipline du commandement général. Ils prélevaient sur le matériel qui était destiné à Madrid du matériel pour eux et non pas pour se battre mais pour se promener avec deux fusils au lieu d’un. Et lorsqu’il y avait une corrida, si la division devait monter au front, ils votaient pour savoir s’ils montaient la veille de voir la corrida. C’étaient des gens pas sérieux, pas sérieux du tout [14].

12La marque laissée par certains témoignages produit une distorsion des faits. Français pour la plupart, les témoins ont souvent réduit le sujet à sa dimension hexagonale ; militants, ils ont insisté sur la dimension politique du phénomène. Par voie de conséquence, Ami-Jacques Rapin restreint par exemple les fournitures en armes de la République espagnole à une lutte d’influence entre les différentes forces antifascistes du camp républicain [15]. À la différence du trafic provenant d’URSS et organisé par l’IC, la contrebande entreprise par des comités d’aide est jugée avec sévérité [16]. Pour cela, l’auteur conclut que « la solidarité internationale des militants anarchistes ne pouvait que difficilement fournir le soutien logistique nécessaire à la poursuite d’une guerre moderne [17] ». Ce constat vaut généralement pour beaucoup de recherches qui ont tendance à reprendre sans les discuter les témoignages les plus connus. Dans ce cadre, le mérite reviendrait aux communistes qui, grâce au soutien du gouvernement français, auraient pu organiser la seule aide véritablement efficace. Mais il faut se garder de tout effet de source : les témoins cités, à savoir d’anciens communistes ou leurs soutiens au sein de l’administration française, n’avaient aucun intérêt à se présenter comme des acteurs inefficaces. Ils avaient au contraire avantage à s’afficher comme l’unique alternative crédible à l’inefficacité et l’indiscipline qu’ils prêtent aux anarchistes.

13Le fait n’échappe pas aux premiers concernés. Nicolas Lépine a démontré que les tenants du socialisme international étaient conscients du profit que l’URSS tirait de son soutien à l’Espagne républicaine [18]. De leur côté, les anarchistes espagnols arrivent aux mêmes conclusions. En décembre 1938, un rapport de renseignement des sections anarchistes ibériques considère que l’organisation de caravanes de vivres et la formation des Brigades internationales « créé[nt] dans le prolétariat français l’impression que seuls les communistes aidaient vraiment le peuple espagnol et que seuls eux avaient le droit de s’exprimer [19] ». En définitive il semble, d’après Sophie Cœuré, que l’Union soviétique « parvient [en France], en raison des hésitations manifestes de la SFIO [20] et de la faiblesse des libertaires ou des trotskistes, à fédérer et surtout à incarner le soutien concret à la République agressée, capitalisant la sympathie solidaire [21] ».

14L’efficacité de l’aide communiste doit pourtant être nuancée. S’il en va ainsi, c’est d’abord car de nombreux militants disent avoir connu de grandes difficultés pour la contrebande d’armes, au début du conflit, lorsqu’ils ne profitaient pas du soutien de l’appareil d’État français [22]. Au demeurant, les fournitures d’armes soviétiques ont fait l’objet de vives critiques. Si elles décident au départ de la survie de la République espagnole, ces armes ont aussi été vendues à un prix prohibitif, pour une qualité parfois douteuse [23]. Elles ont également fait l’objet de livraisons très irrégulières à compter de l’été 1937 [24]. La réussite concerne surtout leur propagande, œuvre qui consiste à publiciser les envois et à dévaloriser les initiatives concurrentes. Dans ce cadre, l’intervention de Staline dans le conflit et, par affiliation, celles de l’Union soviétique, de l’IC et des centrales nationales sont les structures qui retiennent le plus l’attention des chercheurs. Par voie de conséquence, les réalisations des mouvements socialistes et anarchistes durant l’entre-deux-guerres restent peu connues. Nicolas Lépine souligne à ce titre que les défaillances du mouvement socialiste sont plus étudiées que ses œuvres [25], quand François Guinchard montre que de grands pans de l’histoire de l’anarchisme international gagnent à être analysés [26]. En définitive, si quelques monographies régionales, prosopographies ou études de partis politiques permettent d’en apprendre un peu plus sur les envois réalisés par la gauche antistalinienne, la question reste traitée de façon marginale [27]. Il apparaît bien que l’histoire de la contrebande politique mérite d’être repensée.

Une histoire sans archives ?

15L’histoire du trafic d’armes organisé sur le territoire français par des structures politiques reste à faire. En dehors des études de relations internationales sur la guerre civile espagnole, peu de recherches sont consacrées aux envois d’armes clandestins à la République du Frente Popular. Les travaux de Gerald Howson et ceux d’Ángel Viñas font ainsi partie des rares synthèses de référence sur le sujet. Le premier a mis en évidence l’apport des envois de provenance non soviétique [28] quand le second a proposé un travail de synthèse utile sur les achats d’armes durant le conflit [29]. De manière générale, l’intervention soviétique en Espagne a depuis longtemps une image particulièrement négative [30], mais l’historiographie française sur le sujet, peu foisonnante, y est restée assez hermétique. En dehors de biographies d’anciens responsables gouvernementaux du Front populaire, les seules recherches consacrées aux envois d’armes ont été entreprises à l’occasion de communications publiées sous forme d’actes de colloques [31]. Parent pauvre des spécialistes de la guerre civile espagnole, le trafic d’armes a été scruté par des chercheurs dont les sujets d’étude sont étrangers au conflit et qui parfois n’appartiennent pas au monde académique. Ce constat se vérifie depuis la publication de l’enquête Les Brigades de la mer en 1979 [32], première recherche non partisane française sur le sujet.

16Dans cet archipel, l’étude de la contrebande d’armes destinée à la guerre civile est une histoire sans archives, ou presque. Il convient de rappeler que la tournure illégale et clandestine du phénomène étudié a pu faire craindre à certains spécialistes le manque de sources officielles, voire politiques. Cette impression a en tout cas été livrée dans plusieurs enquêtes. À titre d’exemple, Carlos Serrano indique qu’« [e]n fait, beaucoup de ses aspects restent, aujourd’hui encore, mal connus, et les archives sont le plus souvent muettes à ce sujet [33] ». Pour pallier le manque supposé de sources écrites sur les envois d’armes à destination de la guerre civile, André Balent propose de recourir à des témoignages [34]. C’est un avis que partage Pierre Péan :

17

La reconstitution de ce combat clandestin ne peut se faire que par touches, de manière impressionniste, au moyen de témoignages nécessairement fragmentaires, puisque, par définition, il est censé ne pas avoir eu lieu et n’a donc pas laissé de traces écrites [35].

18Plus qu’un défaut d’archives, c’est plutôt d’un problème d’accessibilité dont il a longtemps été question. Si les travaux fondateurs de Jean Maitron sur le mouvement libertaire en France abordent la contrebande sous couvert d’aide humanitaire [36], l’historien ne disposait pas d’un nombre suffisant d’archives pour une enquête plus approfondie. L’existence de délais légaux de non-communicabilité des sources de surveillance et de répression l’explique en partie (généralement de cinquante à soixante-quinze ans). De surcroît, une large portion de ces archives était considérée comme perdue. Spoliés durant la Seconde Guerre mondiale par l’Allemagne puis par la Russie qui les saisit auprès de cette dernière, les « fonds de Moscou » ne sont rendus à la France qu’à partir des années 1990 [37].

19Il est maintenant possible de constituer un solide corpus d’archives de surveillance policière et militaire sur la contrebande d’armes. Conservées aux Archives nationales, aux Archives de la préfecture de Police de Paris et au Service historique de la Défense, ces sources permettent de faire l’étude d’un phénomène sur lequel les autorités françaises ont gardé un œil attentif. Et pour cause, ce trafic clandestin est entrepris par des personnes parfois déjà connues des services de police, il entretient des liens étroits avec les pays frontaliers et fait craindre un mouvement insurrectionnel. Il fait aussi l’objet de dénonciations par des militants de droite et d’extrême droite pour la même raison. Même si elles en disent généralement peu sur le trafic dépourvu d’apparence légale, des sources officielles de la République espagnole peuvent aussi être mobilisées conjointement à celles produites par les anarchistes espagnols.

20L’analyse de ces fonds prendra exemple sur plusieurs études transnationales de la mobilisation antifasciste durant la guerre civile. Dans cette perspective, Tom Buchanan et Nicolas Lépine ont par exemple montré que les événements devaient être relus hors du prisme national : le premier en mettant l’accent sur les relations internationales du Labour Party anglais, le second en analysant les structures socialistes transnationales [38]. En faisant abstraction du procès de l’efficacité intenté à la gauche non stalinienne, nous observerons comment des connexions politiques franco-espagnoles cherchent à lutter contre l’influence de l’IC dans le conflit tout en sauvegardant celle des anarchistes en Espagne. Cette stratégie se situe au cœur de collaborations transnationales sur lesquelles il convient maintenant de revenir.

Les contours d’une aide politique : une gauche plurielle en action contre l’influence communiste

21La gauche révolutionnaire espagnole a dû s’en remettre à une gauche française divisée. Plurielle, l’assistance apportée à la République espagnole dépend en partie des comités d’aide montés durant les premières semaines du conflit. Les anarchistes espagnols de la Confédération nationale du travail (CNT) et de la Fédération anarchiste ibérique (FAI) ont souffert d’un manque de soutien à l’étranger [39]. Depuis sa fondation, l’Association internationale des travailleurs (AIT), à laquelle ils sont rattachés, a été éprouvée par la montée du fascisme et par l’influence grandissante des structures rattachées à l’IC. Inexpérimentés dans le domaine des achats d’armes, surveillés activement par les services français, c’est pour lutter contre cette double menace – d’une part fasciste, de l’autre communiste – que les anarchistes espagnols sollicitent l’aide de libertaires et de socialistes. En France, il est question de constituer un front révolutionnaire qui ne se limite pas aux canaux officiels de l’AIT, en l’occurrence à la seule CGT-Syndicaliste révolutionnaire (CGT-SR). Fruit d’une scission anarchisante au sein de la CGT unitaire communiste, celle-ci refusait les collaborations avec les partis non révolutionnaires, dits « réformistes ».

22Afin de rendre compte de la stratégie intersectionnelle de l’AIT, nous étudieronss les structures affiliées à l’Union anarchiste (UA) de Louis Lecoin et à la Gauche révolutionnaire (GR) de Marceau Pivert, qui représente l’aile dure de la SFIO. Nous retracerons ainsi les activités et le fonctionnement du Comité pour l’Espagne libre (CEL) et du comité du « Continental Bar » de Perpignan, organisations qui intègrent ensuite la section française de Solidarité internationale antifasciste (SIA).

Le tissu transnational des comités de soutien

23La fondation du CEL vient conclure des démarches hésitantes. Le comité est fondé fin août 1936, à la suite de l’impossible alliance entre la CGT-SR, l’UA et la Fédération anarchiste française (FAF) [40]. Ouverts à la collaboration avec des structures dites « réformistes », au contraire de la FAF et de la CGT-SR, les militants de l’UA sont désignés par les anarchistes espagnols pour organiser l’aide illégale. Celle-ci se réalise par le biais d’un CEL qui se voulait ouvert à toutes les tendances politiques, sauf celles affiliées à l’IC [41]. En mai 1939, un rapport de la police judiciaire rappelle le rôle joué par Louis Lecoin comme fondateur du comité [42]. Le dirigeant de l’Union anarchiste, objecteur de conscience et rédacteur au journal Le Libertaire, a bénéficié de l’aide d’autres militants mais, en décembre 1936, d’après la préfecture de Police, c’est lui qui « se charge de toute la besogne et dirige l’activité de ce comité [43] ». En outre, un centre de ravitaillement des milices antifascistes est créé rue d’Alésia et sa direction est confiée au militant Pierre Perrin, aussi connu sous le pseudonyme d’Odéon [44]. Le comité vise à « secourir la révolution espagnole par une propagande intense, lui apporter un soutien moral de tout instant et une aide matérielle [45] » et regroupe une vingtaine de militants actifs qui sont « pour la plupart, connus [des services de la préfecture de Police] [46] ». D’après cette dernière, jusqu’à 15 000 membres auraient adhéré au comité qui comptait « outre les libertaires, des socialistes, des antifascistes et révolutionnaires à l’exclusion des communistes qu’elle combattait [47] ».

24Il est plus difficile de connaître les contours de la création du « comité du Continental Bar » animé par les membres de la GR. C’est le bar éponyme, situé place Arago, à Perpignan, qui sert de lieu de réunion aux militants de la GR, de la CNT et du Partido Obrero de Unificación Marxista (POUM) [48]. D’après Maurice Jaquier, il semble que le comité qu’il intègre personnellement ait été fondé par des membres de la GR de Perpignan et qu’il était au départ dirigé par Henri Grandjouan, membre du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes [49]. L’organisation fonctionne d’abord sous l’égide du Comité de défense de la révolution espagnole antifasciste, une structure unitaire qui s’installe en septembre 1936 dans l’ancien hôpital militaire de Perpignan. Fédératrice, la structure regroupe, outre les pivertistes, des communistes, des anarchistes et des membres du Secours rouge international (SRI) rattaché à l’IC [50]. Loin de constituer une nouveauté, cette convergence entre des groupes communistes, anarchistes et socialistes s’inscrit en fait dans une série de collaborations plus ou moins ponctuelles. Claudio Natoli et Célia Keren l’ont montré, le Secours ouvrier internationale (SOI) communiste, créé en 1922, a œuvré avec des organisations non rattachées à l’IC, alors qu’il devait au départ les concurrencer [51]. Durant les années 1930, ces alliances de circonstance s’inscrivent dans le cadre d’une logique plus réformiste de l’IC, qui promeut un rapprochement avec les partis progressistes face à la montée du fascisme. Cet abandon de la seule logique de « classe contre classe » explique la création de Fronts populaires dans différents pays d’Europe.

25En Espagne républicaine, à la suite de la tentative de coup d’État de juillet 1936, différentes forces politiques ouvrières unissent leurs efforts. Le 21 juillet, c’est dans cette perspective qu’est fondé le Comité central des milices antifascistes de Catalogne [52]. Le Comité central est pensé comme un outil pour défendre l’élan révolutionnaire des premiers jours, coordonner le maintien de l’ordre et avoir une force de frappe contre les zones aux mains des militaires insurgés. Créé sous la pression de la CNT, largement représentée, le comité compte sur la participation de l’UGT (Unión General de Trabajadores), du POUM puis, à partir de sa création le 23 juillet, du PSUC (Partido Socialista Unificado de Catalunya), qui constitue la branche catalane du Parti communiste d’Espagne. Les divisions politiques consument l’expérience, qui ne dure guère plus de deux mois. Dans un contexte de paralysie de l’appareil d’État républicain [53], la fondation de milices par les forces politiques ouvrières avait cependant permis de combler une partie du vide laissé par le gouvernement central [54]. L’organisation de missions d’achats – comisiones de compras – par les forces ouvrières ibériques y prétend. C’est à cette fin que le militant anarchiste espagnol Facundo Roca est nommé membre du Comité central d’approvisionnement de Catalogne, puis du comité de liaison CNT-FAI-PSUC-UGT [55]. Affilié aux deux premières organisations (cela n’a rien d’exceptionnel), il est ensuite accrédité par l’ensemble des structures du Comité central des milices antifascistes comme délégué aux achats d’armes et de matériel de guerre à l’étranger [56]. De nombreuses autres délégations politiques ou régionales – basques ou catalanes – sont ainsi envoyées en France et ailleurs afin d’acquérir des armes [57]. Celles-ci souffrent cependant d’un manque de liquidités qui freine les achats d’armes [58].

26C’est dans ce cadre que se nouent les connexions militantes franco-espagnoles. L’UA commence par traiter avec la CNT dès le début du mois d’août 1936 en vue de l’achat d’armes en France. D’après la préfecture de Police, c’est la venue du délégué anarchiste de la CNT Facundo Roca à un meeting de l’UA qui motive une première entrevue à cette fin [59]. Plus tard, le 20 septembre, un rapport des mêmes services indique que la CNT et l’Unión General de Trabajadores (UGT) conduisent en France des efforts conjoints pour acquérir des armes [60]. Le même rapport signale que Jules Chazanoff, de l’UA, serait chargé des achats prescrits par Facundo Roca, alors à la tête de la délégation espagnole de la CNT [61]. En ce qui le concerne, Maurice Jaquier indique que le comité du Continental Bar aurait toujours été dédié à l’approvisionnement du Comité central des milices antifascistes de Catalogne [62]. Ces alliances reposent aussi sur des relations interpersonnelles anciennes : Maurice Jaquier était en lien avec le chef local de la FAI à Puigcerdà, à la frontière franco-espagnole, depuis leur rencontre à Paris dans les années 1920 [63] ; quant à Louis Lecoin, il entretenait des relations avec les anarchistes espagnols depuis 1921 [64]. Pour le versant espagnol, l’organisation de délégations s’appuie sur des individus ayant déjà franchi les Pyrénées. Il en va ainsi pour Facundo Roca, qui avait passé près de quinze années en France, de 1916 à 1931, date à laquelle il est expulsé pour ses activités syndicales [65]. Concrétisées en France par la création de comités antifascistes, ces unions de circonstance profitent aussi du soutien de l’appareil d’État républicain espagnol.

La gauche révolutionnaire et les structures officielles espagnoles : de l’entraide à la rivalité

27La connexion militante franco-espagnole conserve des liens étroits avec les structures officielles espagnoles, en particulier l’ambassade parisienne. Délégué sans titre du CEL [66], Jules Chazanoff est aussi cité comme travaillant ponctuellement pour la chancellerie, ainsi que pour la Généralité de la Catalogne [67]. Des délégués espagnols travaillent aussi sous les auspices de l’ambassade. Une fois le Comité central des milices antifascistes catalan dissous, Facundo Roca intègre la commission d’achat créée par l’ambassadeur Luis Araquistáin, le 9 octobre 1936. Si plusieurs études font mention de sa qualité de secrétaire général au sein de cet organisme officiel, nous ne disposons cependant pas de trace archivistique pour le corroborer [68]. De fait, il se peut qu’il ait été nommé à titre « politique », puisque des représentants de toutes les autres forces de gauche et de toutes les provinces sont également nommés [69]. Cela lui permet en tout cas de poursuivre sa mission avec une immunité diplomatique qui le protège de l’arrêté d’expulsion prononcé contre lui en juillet 1931, puis notifié en août 1936 [70]. Maurice Jaquier, pour sa part, témoigne que « si le matériel et les camions étaient payés par l’ambassade d’Espagne à Paris, tout le reste reposait sur des militants bénévoles [71] » de la GR basés à Perpignan. Cette aide de la première heure – dès le 20 juillet 1936, d’après lui [72] – semble répondre à la logique selon laquelle une République espagnole au départ dépassée par les événements délègue une partie du trafic aux milieux antifascistes français. Si les opérations de contrebande de l’ambassade sont peu documentées, tout laisse croire que les forces vives de l’antifascisme ont été largement mobilisées pour le transport d’armes depuis la France. Au nord des Pyrénées, le rôle qui sera plus tard alloué aux militants de l’IC pour le transport maritime de matériel de guerre, puis leur acheminement en France, le laisse supposer [73].

28Rapidement, l’approvisionnement en matériel de guerre du camp républicain déchire le mouvement antifasciste. La question crée d’abord une brèche entre l’antifascisme bourgeois et prolétarien. Pour les socialistes, Nicolas Lépine rappelle que le cas du Belge Jean Delvigne

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illustre bien le conflit entre deux conceptions du devoir d’obligation morale de solidarité internationaliste : l’une prônant une aide purement humanitaire et légaliste, l’autre une solidarité intégrale ne s’empêtrant pas de la « légalité bourgeoise » [74].

30D’une manière générale, le socialisme international est déchiré entre sa base pacifiste, qui défend généralement les accords de « non-intervention », et une partie des militants qui n’hésite pas à en violer les principes [75]. Il en va de même en France, où la mouvance socialiste se divise entre une ligne modérée, défendue par Léon Blum, et une autre plus prolétarienne, tenue par l’aile gauche de la SFIO, qui souhaite apporter un secours matériel au camp républicain. La réserve des premiers abandonne aux seconds le soin des tâches illégales. D’après Jacques Kergoat, Marceau Pivert aurait au départ défendu le projet de « non-intervention », seul obstacle à l’approvisionnement en armes de Franco d’après lui. En parallèle, le dirigeant de la GR aurait cependant appelé « la classe ouvrière par son action autonome et indépendante, [à] aider les antifascistes espagnols en se procurant elle-même les armes nécessaires, en les acheminant elle-même en contrebande [76] ». Ne revenait-il pas aux ouvriers de sauver la révolution libertaire catalane ? C’est cet argument que Maurice Jaquier et Louis Lecoin mettront plus tard en avant pour justifier leur aide aux anarchistes espagnols [77].

31En Espagne, il s’agit pour les libertaires de se constituer en force politique autonome, ou du moins conserver l’influence acquise lors des premières semaines. D’abord dépassée par les événements, la Seconde République multiplie les initiatives, à partir du mois de septembre 1936, pour asseoir son pouvoir. Ce renforcement du pouvoir central étatique a consisté en une lutte contre les particularismes politiques et régionaux pouvant nuire à la conduite de la guerre [78]. Les effets concrets se font rapidement sentir avec la militarisation forcée des milices anarchistes et leur intégration progressive dans la nouvelle Armée populaire (Ejército Popular) [79]. Ce processus est accepté par une partie des dirigeants et des militants libertaires espagnols, qui acceptent de revoir à la baisse leur projet révolutionnaire, tout en collaborant avec le pouvoir central, afin de ne pas perdre la guerre [80]. Mais il conduit à une montée des tensions politiques internes au camp républicain dont le paroxysme se situe durant les « journées de mai » 1937. Au début de ce mois, de très violents troubles opposent en Catalogne la CNT à l’État central républicain [81]. Souvent qualifié de « guerre civile dans la guerre civile » ou d’opposition entre « révolution et contre-révolution [82] », ce conflit aboutit à un démantèlement du POUM et à une mise au pas de la CNT et de la FAI. En parallèle, le président du Conseil socialiste Francisco Largo Caballero démissionne au profit d’un membre du même parti, Juan Negrín, qui a longtemps été considéré comme acquis aux communistes. Alors que Francisco Largo Caballero a été vu comme trop complaisant avec les syndicats – il est lui-même un chef historique de l’UGT –, Juan Negrín a été considéré à tort comme un défenseur aveugle de la cause communiste en Espagne. Sa nomination consacre cependant la volonté, partagée par les communistes, de privilégier la guerre à la révolution sociale.

Solidarité internationale antifasciste : un redéploiement stratégique

32Le mouvement libertaire ibérique déploie des stratégies pour regagner en influence. D’une part, de vives critiques sont formulées contre les socialistes et les communistes espagnols, qui auraient « saboté » les achats d’armes à l’étranger [83]. De l’autre, les anarchistes espagnols repensent leurs moyens d’action hors de la péninsule ibérique afin de lutter contre le règne sans partage de l’IC. C’est à cette fin que la Solidarité internationale antifasciste (SIA) est mise sur pied depuis l’Espagne. Organisation humanitaire, la SIA espagnole doit insuffler un mouvement de solidarité et faire barrage au SRI ; elle profite pour cela de soutiens dans les grandes démocraties et les pays hispanophones [84].

33Il s’agit d’abord de disposer d’un outil plus flexible que celui offert par l’AIT, à laquelle la FAI et la CNT sont rattachées. Profitant de peu de soutiens à l’étranger, l’organisation était paralysée par des querelles internes auxquelles le mouvement anarchiste espagnol voulait se soustraire [85]. De grandes divisions opposent la section espagnole de l’AIT à d’autres branches nationales qui lui reprochent de collaborer en Espagne avec des partis non révolutionnaires. Défenseur d’une ligne dure, Pierre Besnard, secrétaire général de l’AIT et responsable de la CGT-SR, est attaqué par la CNT, qui réclame sa démission. Pour cette raison, la CNT et la FAI espèrent une adhésion qui dépasse leurs cercles habituels. En outre, l’objectif est aussi insurrectionnel car, à la suite des affrontements de mai 1937 à Barcelone, il s’agit de créer un solide contre-pouvoir préparé à la perspective d’un coup d’État contre le gouvernement de Negrín [86]. D’après François Godicheau, la fondation de la SIA répond à une volonté de structuration des efforts libertaires, dont le modèle est à chercher du côté bolchevique [87]. C’est dans cette optique que la CNT aurait cherché à mettre en place un appareil conspiratif clandestin en Espagne. Ainsi, la création de la SIA espagnole aurait pour objet une « articulation entre l’appareil clandestin et des organisations-écrans faussement indépendantes [88] ». Cela explique sans doute l’aide financière de la CNT et de la FAI à la section financière de la SIA et même à l’UA [89] ; ces sommes, d’après la préfecture de Police, servent aux militants français pour effectuer des achats d’armes [90].

34Établie pour pallier un manque d’appui politique, idéologique et humanitaire [91], l’action de la SIA repose en France sur des appuis anciens, mais s’y confronte à l’hégémonie du Parti communiste. Au nord des Pyrénées, sa fondation revient à des membres de l’UA, qui transforment le CEL en section française du SIA au mois de novembre 1937 [92]. Cette création à partir d’une structure existante, sur la demande de la CNT et de la FAI [93], diffère des créations ex nihilo réalisées dans de nombreux autres pays. En France, cette fondation arrive dans un contexte de rupture de l’unité antifasciste des premiers mois du conflit. À Perpignan, les communistes de l’hôpital militaire fondent un nouveau comité à la fin du mois de mai 1937 afin de ne plus collaborer avec les anarchistes. En février 1938, les membres pivertistes du comité du Continental Bar rejoignent le comité local du SIA avec quelques socialistes afin de combattre l’hégémonie du PCF ; à ce moment, la désunion avec les filiales de l’IC est consommée [94]. Pour la SIA française, il est autant question d’améliorer l’approvisionnement en armes, matériel médical et vivres que de lutter contre l’IC [95]. Ce constat, clairement démontré pour le versant espagnol par François Godicheau [96], se vérifie en France. Il faut d’abord chercher du côté de l’anticommunisme des organisations libertaires, des comités d’aide et de leurs sympathisants pour le comprendre. Avant la fondation de la SIA, en novembre 1936, des militants de la FAI et de la FAF avancent par exemple que les communistes « font tuer les camarades [anarchistes] et mettent leurs personnes à l’abri », raison pour laquelle les militants libertaires français et les anarchistes espagnols doivent unir leurs efforts [97]. C’est à la même époque que, d’après la préfecture de Police, les militants espagnols de la CNT et de la FAI proches du CEL

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ont, paraît-il, constaté qu’un grand danger les menacerait dans le cas où, les rebelles vaincus, l’effort des républicains et des communistes se porterait contre les anarchistes.
Ils ont constaté aussi que les communistes et les troupes régulières restent le plus souvent à l’arrière et sont bien armés, tandis que les miliciens anarchistes, qui sont en première ligne, ont beaucoup de mal à se procurer des armes en quantité et de qualité suffisante. C’est la raison pour laquelle ils auraient décidé de faire le nécessaire pour se ravitailler eux-mêmes en armes [98].

36Ce sentiment, qui a été vérifié pour certaines zones dominées par les milices anarchistes – c’est le cas de l’Aragon –, ne vaut pas pour tous les fronts républicains, où l’armement est généralement de meilleure qualité. Cependant, cela démontre qu’il existe bien une crainte précoce d’être isolé par l’IC, crainte qui conduit la SIA à fonder une organisation qui serait l’alter ego du SRI communiste [99]. Cette inquiétude se nourrit par ailleurs du contrôle étroit des distributions d’armes en Espagne par les partisans de Staline qui, d’après Marcel Jaquier, fourniraient le matériel de guerre au prix d’une allégeance à leur discipline et à leurs exigences [100].

37En définitive, il semble que l’union des forces antifascistes pour la défense de la République espagnole a progressivement laissé la place à une entente contre l’influence communiste, jugée périlleuse pour la survie du mouvement. Dépassé par l’IC à l’échelle internationale, marginalisé au sein du camp républicain, le mouvement anarchiste espagnol a cherché des appuis extérieurs. C’est dans ce cadre que la classe ouvrière française de tendance socialiste et anarchiste joue un rôle dans l’approvisionnement clandestin en armes.

Les armes et le lait condensé : les contours d’une solidarité contrariée

38Parfois réduits à une seule aide de « principe [101] », les envois camouflés par les comités d’aide antifascistes méritent d’être revisités. Leur étude donne une idée d’un engagement singulier et permet de lire plus finement les obstacles opposés aux militants antifascistes au fil du conflit. Ceux-ci sont essentiellement relatifs aux moyens d’approvisionnement et d’acheminement de la contrebande. En matière d’approvisionnement, l’étroitesse du milieu de la contrebande oblige à des alliances considérées comme inopportunes. Récemment, le conflit syrien constitue un exemple qui montre comment des groupes politiques et religieux concurrents sont obligés de collaborer entre eux et avec le monde criminel en vue de se procurer des armes [102]. Il s’agit ensuite d’acheminer la marchandise de contrebande. Pour cela, les militants antifascistes ont recours à la couverture offerte par l’assistance humanitaire. Si elle paraît nouvelle dans les années 1930, cette pratique est devenue un usage courant par la suite.

39Durant la guerre civile espagnole, la frontière entre le trafic d’armes et l’aide humanitaire est ténue. Convoyeur d’armes pour le compte du CEL [103], Pierre Perrin cumule de nombreuses fonctions pour le compte de l’Espagne libertaire. Chargé du recrutement de volontaires pour la Centurie Faure [104], il est aussi le premier responsable de la colonie d’enfants « Ascaso-Durruti » de Llansa, non loin de la frontière française, qui accueille surtout des orphelins de guerre [105]. Pour le versant espagnol, Facundo Roca jouera un rôle de premier ordre pour l’accueil en France des enfants réfugiés de la guerre civile. Obtenue après la dissolution de la commission d’achat de l’ambassade à laquelle il était rattaché, en décembre 1936, cette nomination n’est pas factice et le conduit à s’impliquer véritablement dans cette affaire pendant de nombreux mois [106]. De fait, son rôle dans l’approvisionnement en armes relève d’une stratégie globale des anarchistes espagnols. En effet, d’après Célia Keren,

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son adjonction à la délégation de l’Assistance sociale parisienne révèle simplement combien l’existence de ce programme participe ou, du moins, profite à une stratégie plus large de présence internationale du mouvement anarchiste – présence devenue cruciale dans le contexte de l’internationalisation de la guerre civile, qu’il s’agisse d’acheter des armes ou d’accueillir des enfants. D’un point de vue concret, la supervision des évacuations d’enfants vers la France constitue une manière de pérenniser une représentation à l’étranger et notamment à Paris […] [107].

41Et pour cause, il convient de rappeler que la distinction entre le politique et l’humanitaire est relativement récente [108], voire clairement rejetée par une partie des organisations de solidarité intervenant dans le conflit espagnol [109]. Pour cette raison, les envois d’armes sous couvert d’aide humanitaire ne doivent pas être compris comme un événement périphérique de la mobilisation prorépublicaine dans le conflit, mais comme une de ses facettes.

La mise en place de la contrebande

42Réalisés dans l’urgence, les envois d’armes des comités antifascistes font preuve d’un perfectionnement progressif. De l’aveu du libertaire Maurice Jaquier, il s’agit au départ surtout d’envois camouflés qui sont « censés être du ravitaillement : du lait condensé, des conserves, des médicaments [110]… ». À l’aide spontanée de la première heure émanant de militants français [111] succède une pratique plus rationalisée, qui consiste dans le transport de matériel militaire acheté par l’ambassade [112]. Dans ce cadre, le Continental Bar a fait l’objet de plusieurs dénonciations comme étant un dépôt d’armes et de munitions [113]. Au rythme de deux convois de vingt camions par semaine, Maurice Jaquier estime le nombre de camions Renault envoyés en Espagne à environ 1 700 ou 1 800 pour un total de 7 000 à 8 000 tonnes de « matériel militaire ou de matériel stratégique [114] ». Ces chiffres en disent peu sur le matériel militaire envoyé, dont on sait seulement qu’une partie concerne les envois d’avions civils déclassés et de pièces détachées par le ministère de l’Air dirigé par Pierre Cot [115]. Quant au CEL, il aurait, d’après Louis Lecoin, participé à des envois camouflés à un rythme qui pouvait atteindre cinq camions par semaine [116]. Importantes à l’échelle du comité – Pierre Perrin se charge seul du transport –, ces fournitures sont négligeables à l’échelle du conflit.

43Nous sommes mieux renseignés sur les démarches d’achat du CEL. Contactés par les anarchistes espagnols de la FAI et de la CNT pour servir d’intermédiaires pour les achats, les membres de l’Union anarchiste ont fait preuve d’une grande activité durant la seconde moitié de l’année 1936. À ce titre, la documentation de la préfecture de Police est particulièrement riche et fait état de contacts pour des achats en Belgique aux mois d’août [117] et de décembre [118]. Le partage des tâches semble être la source de problèmes puisqu’on apprend que Jules Chazanoff, factotum notamment chargé du change, est un temps écarté au profit de Pierre Perrin. Il se dit à ce moment-là que ce dernier a gagné la confiance de Buenaventura Durruti, l’éminent meneur anarchiste espagnol [119]. Les occurrences d’achats d’armes sont nombreuses. Il s’agit par exemple de tractations pour 750 000 francs de munitions et de fusils [120] ou d’achats des « armes les plus variées, depuis les fusils Gras jusqu’aux [pistolets] Parabellums [121] ». Au total, cela concerne autant l’achat des marchandises que leur envoi camouflé. En décembre 1936, une note de la préfecture de Police indique par exemple :

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C’est au 203 rue d’Alésia [siège du Centre de ravitaillement des milices antifascistes, filiale du CEL] que sont remis les dons, vivres, vêtements, etc… (sic) pour l’Espagne républicaine.
Un camion automobile les transporte périodiquement en Espagne. En outre, on apprend de source officieuse qu’à chaque voyage, le camion apporterait parmi sa cargaison des armes destinées aux miliciens [122].

45La documentation concernant les activités de la SIA française est plus parcellaire. En juin 1938, un rapport fait par exemple référence à un « reliquat » d’armes que Louis Lecoin veut fournir à des troupes républicaines espagnoles transitant exceptionnellement par la France [123]. En août 1941, la préfecture de Police rapporte que la SIA fut notamment chargée des envois d’armes, mais ne précise pas la période des opérations [124]. Il n’est donc pas possible de vérifier, comme l’affirme Jean Maitron, que la SIA française a participé à l’envoi d’armes dissimulées dans chaque camion durant ses dix-huit mois d’existence [125].

46Pour acheter les armes, les anarchistes français doivent composer avec des milieux criminels, voire des adversaires politiques. Cette plongée dans le commerce interlope de l’armement conduit aussi à des alliances surprenantes. Ainsi, Jules Chazanoff traite plusieurs affaires d’armes avec les mafieux Paul Carbone et François Spirito, deux souteneurs notoires bien implantés à Marseille et Paris. Il semble que ce soit par l’intermédiaire de l’avocat Henry Torrès, homme politique de gauche, que Jules Chazanoff ait été convoqué par Paul Carbone à son domicile parisien pour y traiter une affaire d’armes [126]. Et pour cause, l’ancien député jouit de contact dans ces deux milieux : comme avocat, il a été le défenseur des anarchistes espagnols Francisco Ascaso, Buenaventura Durruti et Gregori Jover en 1927, et a bénéficié pour cela du soutien de Paul Faure et Louis Lecoin ; plus tard, comme candidat à la députation, il a bénéficié des services de Paul Carbone et François Spirito en tant qu’agents électoraux [127]. En novembre 1936, un rapport de la préfecture de Police fait également état de négociations entre Louis Lecoin et l’armurier Pétavy, « connu pour être un des fournisseurs habituels des éléments de droite [128] ». Pour financer ces achats, le CEL reçoit des dons de la part des militants français [129], mais profite surtout du soutien financier des libertaires espagnols [130] qui, rappelons-le, disposent de peu de moyens financiers. En somme, le manque de ressources et le contexte de prohibition conduisent à l’acquisition d’un matériel disparate. Destiné dans sa totalité à la CNT-FAI de Barcelone, de Valence et aux milices anarchistes [131], celui-ci doit approvisionner des miliciens libertaires espagnols qui souffrent d’un sous-équipement chronique [132].

Un épuisement progressif

47À partir de l’année 1937, un essoufflement touche les envois d’armes par les comités antifascistes. Cette observation, dont Maurice Jaquier fait également état pour le comité du Continental Bar, permet de lire en miroir la multiplication des obstacles pour l’effort de guerre antifasciste existant hors du champ de l’IC. Cette baisse ne témoigne pas seulement d’un désintérêt pour les affaires espagnoles, comme cela s’observe pour l’engagement des brigadistes ou pour les débats parlementaires [133]. Ce sont d’abord les événements propres à la guerre civile espagnole, à savoir la mise à l’écart des anarchistes et la plus grande influence des communistes à compter de mai 1937, qui conduisent à une baisse des achats. Cela, André Balent le suppose pour le groupe pivertiste du Continental Bar [134]. Aussi, il se peut que la participation ponctuelle des anarchistes, d’abord indispensable, ne soit plus aussi nécessaire à partir du moment où les mécanismes d’achats républicains se sont perfectionnés à l’échelle européenne. Enfin, c’est également du côté d’une plus forte prohibition de ce type de trafic qu’il faut chercher une explication.

48L’aide émanant des milieux antifascistes compose avec une politique aux frontières qui lui est particulièrement défavorable. Maurice Jaquier se plaint d’un blocus et d’une fermeture frontalière bien effective malgré des complicités chez certains agents de police et dans la douane [135]. C’est une impression partagée par le commandant Guy Schlesser, chef d’État-major français, dans son rapport rédigé à l’occasion de sa mission à la frontière franco-espagnole au mois de décembre 1936 : si la douane se montre « volontairement aveugle », la surveillance frontalière est « soigneusement organisée » par les militaires et les gardes mobiles ; « les consignes sont claires et précises ; le service impeccable est assuré sans défaillance [136] ». En juin 1937, un nouveau rapport, produit par l’État-major français, fait état d’un renforcement de la surveillance concomitant au plan de contrôle international établi courant avril à la frontière pyrénéenne :

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[L]es trafiquants d’hommes et de matériels ont souffert de ne plus trouver auprès de certains services de la surveillance les complaisances, pour ne pas dire les complicités, pour poursuivre des opérations qui, jusqu’au mois de mars, s’avéraient sans risque [137].

50Certains témoignages d’anciens membres rattachés à l’IC et d’anciens hauts fonctionnaires ont laissé entendre que l’aide française à l’égard de la République espagnole avait été pleine et entière dans la durée, ce qui fait conclure aux auteurs des Brigades de la mer que le trafic d’armes n’avait pas connu d’interruption et n’avait souffert d’aucune saisie par la douane [138]. Pourtant, comme le rappelle le ministre des Affaires étrangères français, Georges Bonnet, à l’ambassadeur espagnol à Paris, Marcelino Pascua, en juillet 1938, aucun matériel de guerre n’aurait été autorisé à passer durant les dix-huit premiers mois de la guerre, avant que le gouvernement français ne donne secrètement l’ordre d’ouvrir la frontière aux transits [139]. Sur place, comme le rappelle André Balent, la décision appartient aux fonctionnaires qui peuvent fermer les yeux de leur propre initiative ou refuser de le faire quand cela leur était demandé [140].

51Entre la complaisance des uns et la fermeté des autres, il semble que ce soit la contrebande émanant des comités antifascistes non rattachés à l’IC qui paye le plus cher tribut. Alors que la filière roussillonnaise du PCF, dirigée par André Gendre, profite du soutien de Gaston Cusin et de complicités policières et douanières pour envoyer des armes à Barcelone en évitant les contrôles [141], les militants antifascistes ici étudiés ont pu subir plusieurs déconvenues. En effet, le CEL et la SIA ont connu des saisies et des arrestations autant à la sortie du territoire belge [142], que sur le territoire français [143] ou lors de l’entrée en Espagne [144]. Dans ce dernier cas, en juin 1938, c’est le contrôle de la police espagnole dominée par les communistes qui semble décider la SIA à « cesser les achats d’armes et déposer en lieu sûr celles qu’[elle] détenait [145] ». Maurice Jaquier fait également état d’une posture ambivalente de la part du gouvernement français et des autorités qui en répondent. Plusieurs membres du gouvernement – Léon Blum à la présidence du Conseil, Vincent Auriol aux Finances et Jules Moch comme chef de cabinet de Léon Blum – sont ainsi sollicités pour apporter une aide qu’ils n’avaient pas offerte spontanément. D’après Maurice Jaquier, la mise en cause des responsables gouvernementaux suffisait souvent à des agents des forces de l’ordre pour fermer les yeux sur une marchandise suspecte. Cette manœuvre était réalisée à l’insu des responsables politiques nommés [146]. Le militant libertaire rapporte également des échanges particulièrement houleux avec le préfet des Pyrénées-Orientales Raoul Didkowski [147] alors que ce dernier est présenté comme un acteur de premier ordre de l’aide à l’Espagne républicaine par son fils [148] ou Gaston Cusin [149]. Maurice Jaquier fait aussi référence à une violente altercation avec la douane, enfermée dans son local de vigie par des militants bien décidés à passer sans subir de contrôle [150]. Ces épisodes semblent signer un relâchement à double vitesse de la « non-intervention ». En ce sens, Gaston Cusin explique à propos des militants de la GR et de Marceau Pivert transportant des armes descendant vers Perpignan :

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Bien entendu, la douane les attendait et les cueillait en grand appareil avec force journalistes. Ces fois-là, on en profitait tout spécialement pour faire passer ailleurs des choses moins dissimulables [151].

53La difficulté pour mettre à profit des réseaux personnels au sein de l’appareil d’État constitue donc un véritable obstacle pour des militants. Mais d’autres contrariétés endogènes, propres au monde militant et à leur conduite dans le trafic d’armes, s’ajoutent à celles précédemment énoncées.

54La dispersion de l’aide est une première difficulté propre aux comités antifascistes durant la guerre civile espagnole. L’atomisation des efforts, due à de fortes divisions politiques internes, a été appréciée à sa juste valeur par des chercheurs qui ont montré ses effets néfastes pour la République espagnole [152]. De fait, les militants libertaires français reprochèrent à leurs compatriotes communistes de ne pas œuvrer pour l’unité [153], au point parfois de déboucher sur de vives altercations. Cela vaut autant pour les communistes et la FAI en vue du contrôle de la frontière de la Cerdagne dans le courant de l’année 1937 [154], qu’à Perpignan où de sévères disputes opposent les communistes à un front rassemblant les pivertistes du Continental Bar, les anarchistes et quelques socialistes [155]. Pour Michel Cadé, il s’agit là d’un choix de conduite du PCF qui entend organiser les envois de solidarité en son nom tout en œuvrant isolément dans l’aide clandestine [156]. De façon corollaire, ces divisions semblent agacer les anarchistes espagnols qui reprochent à leurs homologues français d’avoir « saboté les efforts envisagés en leur faveur » à cause de leurs divisions [157].

55C’est enfin la mauvaise connaissance du trafic d’armes et le cas de conscience découlant de cette pratique qui constituent un dernier obstacle pour les militants antifascistes. Dès le début du conflit, le délégué espagnol Facundo Roca craint par exemple certaines difficultés dues à la tournure clandestine du trafic, et « notamment de tomber à Marseille sur des contrebandiers qui ne soient pas de tout repos [158] ». Ces alliances fortuites découragent les anarchistes français. Au début du mois de janvier 1937, l’irruption de deux délégués espagnols venus arme à la main pour récupérer une somme de 100 000 francs dédiée aux achats d’armes pousse Louis Lecoin et Jules Chazanoff à prendre du recul [159]. Et pour cause, « les militants [du CEL] estiment qu’il y a lieu d’être circonspect à l’égard des trafiquants d’armes qui sont devenus pour la plupart des “gangsters” [160] ». En définitive, cela donne en partie raison à l’amateurisme évoqué par Aimé-Jacques Rapin dans son étude [161], mais il faut rester prudent sur cette hypothèse : les exemples précédents témoignent de la mise en place d’un système relativement structuré, en lien avec l’ambassade. C’est donc plutôt un cas de conscience qui paraît diviser un mouvement pacifiste qui n’est pas préparé aux épreuves du trafic illégal des armes.

56Pour les milieux antifascistes français, la guerre civile espagnole a représenté un grand défi moral et technique. Si la réussite de l’intervention communiste dans le conflit espagnol mérite d’être nuancée sur le plan matériel, nous avons vu que celle-ci est une véritable réussite en termes de publicisation. Aujourd’hui encore, de nombreuses études scientifiques se concentrent sur des critères techniques qui masquent les objectifs des fournitures d’armes des anarchistes et des socialistes de France et d’Espagne. Destinée à sauvegarder la révolution libertaire espagnole, cette mobilisation anarchiste et socialiste cherche aussi à lutter contre l’influence communiste dans le conflit et sur les terrains de la mobilisation.

57Pour ce faire, les adversaires français et espagnols de l’IC ont disposé de peu de moyens. L’exemple de Pierre Perrin et de Facundo Roca montre que le déploiement international du mouvement anarchiste espagnol a eu de nombreuses facettes. Dans ces conditions, tout porte à croire que la frontière entre la mission dite « humanitaire » et les envois d’armes en contrebande est restée floue, sinon ténue. Parfois organisés par les mêmes acteurs, les envois de lait condensé et d’armes ont chacun des objectifs politiques assumés.

58Sur le plan technique, l’aide matérielle, provenant d’achats menés discrètement en France et en Belgique, a finalement plus souffert d’une vigilance contraignante que d’une dure répression. Ce type d’envoi camouflé semble avoir été assez efficace pour survivre à l’essoufflement des comités antifascistes, puisque l’ambassade espagnole continue à organiser le transport des armes et munitions sous l’appellation de « lait condensé » jusqu’à la fin du conflit [162]. Même s’il semble avoir obsédé jusqu’aux leaders anarchistes [163], le manque d’efficacité des structures libertaires doit donc être nuancé.

59Au surplus, interroger l’efficacité de cette pratique revient à rejouer les attaques des communistes pour oublier le contexte de cette aide, les obstacles qu’elle a connus et ses objectifs propres. En partie conduits pour l’insurrection libertaire et pour le maintien de l’ordre révolutionnaire, ces achats camouflés n’avaient peut-être pas la même valeur que ceux effectués par l’IC, qui souhaitait concentrer tous les efforts sur la guerre à mener contre les franquistes et leurs alliés. Certes, de nombreux dirigeants et militants anarchistes n’ont pas forcément souhaité dissocier la guerre de la révolution. Mais, par l’opposition entre ces deux projets, le trafic clandestin montre que la gauche révolutionnaire a aussi suivi des objectifs différents, sinon concurrents, de ceux qui souhaitent mener la guerre avant tout, et taire tout le reste.


Date de mise en ligne : 13/09/2021.

https://doi.org/10.3917/lms1.275.0113

Notes

  • [1]
    M. Jaquier, Simple militant, Paris, Denoël, 1974, p. 114-115. L’évocation de Teruel procède certainement d’une confusion de la part du témoin, puisque ce front prend une envergure internationale beaucoup plus tard dans le conflit, à la fin de l’année 1937.
  • [2]
    G. Howson, Arms for Spain. The Untold Story of the Spanish Civil War, Londres, Murray, 1998, p. 28-32.
  • [3]
    Pour un bilan sur la « non-intervention », voir notamment S. Farré, « Le Comité de Londres et la politique de non-intervention durant la guerre civile espagnole (1936-1939) », in V. Chetail et al. (dir.), Prévention, gestion et sortie des conflits, Genève, Institut européen de l’Université de Genève, 2006, p. 201-219.
  • [4]
    G. Howson, Arms for Spain…, op. cit. ; Á. Viñas, « Armas y hombres para España. Los apoyos exteriores en la guerra civil », in E. Fuentes Quintana et F. Comín Comín (dir.), Economía y economistas españoles en la guerra civil, Barcelone, Galaxia Gutenberg, 2008, p. 339-424.
  • [5]
    La dénomination d’« apparence légale » est de Gaston Cusin, qui a coordonné ce type d’expéditions sur le territoire français. Voir D. Blumé (éd.), Contribution à l’histoire de la politique de la non-intervention : documents inédits, Paris, Jacques Enfer, 1978, p. 68-70 et 71-89 ; A.-J. Rapin, « Les réseaux clandestins de fourniture en armes de la République espagnole », in S. Prezioso, J. Batou et A.-J. Rapin (dir.), Tant pis si la lutte est cruelle. Volontaires internationaux contre Franco, Paris, Syllepse, 2008, p. 101-126.
  • [6]
    A. Dupont, « France et Espagne face à la contrebande d’armes pro-carliste (1872-1876) : entre crise diplomatique et impuissance militaire », Stratégique, n° 118, 2018, p. 193-204.
  • [7]
    F. Monier, « Deux regards sur une histoire : les soutiens à l’Espagne républicaine en France (1936-1939) », Études Jean-Richard Bloch, n° 13, 2007, p. 20.
  • [8]
    H. García, « Transnational History: A New Paradigm for Anti-Fascist Studies? », Contemporary European History, vol. 25, n° 4, 2016, p. 567-568.
  • [9]
    À défaut de pouvoir compter sur une référence scientifique, le témoignage de Gaston Cusin reste la source la plus utilisée sur le sujet. Se rapporter à D. Blumé (éd.), Contribution à l’histoire de la politique de la non-intervention…, op. cit., p. 71-89.
  • [10]
    Ibid., p. 86.
  • [11]
    J. Jérôme, La part des hommes. Souvenirs d’un témoin, Paris, Acropole, 1983, p. 181.
  • [12]
    Ibid., p. 223-224.
  • [13]
    Ibid., p. 250 : « Or, il arrivait que, à l’escale de Barcelone, les bateaux fussent dévalisés par les anarchistes, qui s’emparaient ainsi de matériels dont ils n’avaient pas besoin et ne savaient que faire ».
  • [14]
    Archives orales de l’Institut de la gestion publique et du développement économique (ministère des Finances, Montreuil), entretiens de Gaston Cusin réalisés par Sophie Cœuré (23 février 1990).
  • [15]
    A.-J. Rapin, « Les réseaux clandestins de fourniture en armes… », art. cité, p. 120.
  • [16]
    Après un inventaire de différentes initiatives militantes, Ami-Jacques Rapin se montre sévère envers des réseaux non communistes « composés d’amateurs, souvent mal organisés […] », ibid., p. 105.
  • [17]
    Ibid., p. 126.
  • [18]
    N. Lépine, « Le socialisme international et la guerre civile espagnole », thèse de doctorat en histoire, Faculté des lettres de l’Université Laval (Québec), 2013, p. 12 et 58-61.
  • [19]
    Institut international d’histoire sociale d’Amsterdam (IIHS), archives du comité péninsulaire de la Fédération anarchiste ibérique (FAI), 46 B 1. Le rapport date du 26 décembre 1938. Il a été produit par le Servicio de Información Exterior (un service de renseignement) de la Sección Nacional de Coordinación, qui a pour tâche de faire le lien entre les différentes composantes du mouvement libertaire espagnol. Traduction de l’espagnol par l’auteur : « Todo esto creó entre el proletariado francés, la impresión, (sic) de que solo los comunistas ayudaban verdaderamente al pueblo español y que solo ellos tenían derecho de hablar ».
  • [20]
    La Section française de l’Internationale ouvrière, qu’on qualifie couramment de Parti socialiste.
  • [21]
    S. Cœuré, La grande lueur à l’Est. Les Français et l’Union soviétique, 1917-1939, Paris, CNRS Éditions, 2017 [1999], p. 274.
  • [22]
    André Moine (un responsable communiste du sud-ouest de la France) et Jean Jérôme le confirment. André Balent et Michel Cadé citent différents témoignages sur la très faible ampleur du trafic de la « filière roussillonnaise » communiste basée à Millas. Voir J. Jérôme, La part des hommes…, op. cit., p. 181 sq. ; A. Moine, « Sur les passages d’armes dans les Basses-Pyrénées et les Landes en 1936 », Cahiers d’histoire de l’Institut de recherches marxistes, n° 24, 1986, p. 120-127 ; A. Balent, « Les réseaux clandestins d’aide à l’Espagne républicaine en Catalogne du Nord, passages de volontaires et d’armes (1936-1939) », in A. Balent et N. Marty (dir.), Catalans du Nord et Languedociens et l’aide à la République espagnole, 1936-1946, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 2010, p. 41 ; M. Cadé, Le parti des campagnes rouges. Histoire du Parti communiste dans les Pyrénées-Orientales, 1920-1949, Marcevol, Éditions du Chiendent, p. 230.
  • [23]
    Il en va surtout ainsi pour les armes de main et l’artillerie. Voir G. Howson, Arms for Spain…, op. cit., p. 147-151.
  • [24]
    D. Kowalsky, La Unión Soviética y la Guerra Civil española. Una revisión crítica, Barcelone, Crítica, 2003, p. 4-7.
  • [25]
    N. Lépine, « Le socialisme international… », op. cit., p. 8.
  • [26]
    F. Guinchard, L’Association internationale des travailleurs, 1922-1936. Du syndicalisme révolutionnaire à l’anarchosyndicalisme, Orthez, Éditions du temps perdu, 2012.
  • [27]
    A. Balent, « Les réseaux clandestins d’aide à l’Espagne républicaine… », art. cité, p. 37-51.
  • [28]
    G. Howson, Arms for Spain…, op. cit.
  • [29]
    Á. Viñas, « Armas y hombres para España… », art. cité.
  • [30]
    De nombreuses publications en font encore état. Voir D. Kowalsky, La Unión Soviética y la Guerra Civil española…, op. cit., p. 1-2.
  • [31]
    R. Quatrefages, « La politique française de non-intervention et le soutien matériel à la République espagnole pendant la guerre civile (1936-1939) », in R. Quatrefages et J.-P. Étienvre (dir.), Les armées espagnoles et françaises. Modernisation et réforme entre les deux guerres mondiales, Madrid, Casa de Velázquez, 1989, p. 17-41 ; A.-J. Rapin, « Les réseaux clandestins de fourniture en armes… », art. cité, p. 101-126 ; A. Balent, « Les réseaux clandestins d’aide à l’Espagne républicaine… », art. cité.
  • [32]
    D. Grisoni et G. Hertzog, Les Brigades de la mer, Paris, Grasset, 1979.
  • [33]
    C. Serrano, L’enjeu espagnol. PCF et guerre d’Espagne, Paris, Messidor-Éditions sociales, 1987, p. 43.
  • [34]
    A. Balent, « Les réseaux clandestins d’aide à l’Espagne républicaine… », art. cité, p. 37.
  • [35]
    P. Péan, Vies et morts de Jean Moulin. Éléments d’une biographie, Paris, Fayard, 1998, p. 138.
  • [36]
    J. Maitron, Le mouvement anarchiste en France. II, de 1914 à nos jours, Paris, François Maspéro, 1975, p. 31-32.
  • [37]
    S. Cœuré, La mémoire spoliée. Les archives des Français, butin de guerre nazi puis soviétique (de 1940 à nos jours), Paris, Payot, 2006.
  • [38]
    N. Lépine, « Le socialisme international… », op. cit. ; T. Buchanan, The Spanish Civil War and the Britain Labour Movement, Cambridge, Cambridge University Press, 1991.
  • [39]
    Ces organisations, toutes deux rattachées à l’Association internationale des travailleurs (AIT, 1922) sont étroitement liées. Alors que la CNT est pensée comme une confédération de syndicats autonomes, la FAI est mise en place plus tardivement afin de préserver la ligne politique antiréformiste de la première. Moins ouverte, cette structure se rapproche d’un parti politique.
  • [40]
    Le Comité anarcho-syndicaliste pour la défense et la libération du prolétariat espagnol, mis en place à la demande de la CNT et de la FAI, regroupait les deux structures mais avait rapidement explosé en raison de divisions internes. Voir J. Maitron, Le mouvement anarchiste en France…, op. cit., p. 30.
  • [41]
    Dans le passé, l’UA avait été amené à collaborer ponctuellement avec des socialistes, des trotskistes et même des communistes. Voir D. Berry, A History of the French Anarchist Movement, 1917-1945, Westport, Greenwood Press, 2002, p. 171.
  • [42]
    Archives de la préfecture de Police (APP), BA 1899, Rapport de la police judiciaire, brigade spéciale, 2 mai 1939.
  • [43]
    Service historique de la Défense, Vincennes (SHD), GR 7N² 2616, Note de la préfecture de Police, 18 décembre 1936.
  • [44]
    Ibid.
  • [45]
    Ibid.
  • [46]
    APP, dossier BA 1899, Note de renseignements généraux de la préfecture de Police, 2 août 1941.
  • [47]
    Ibid.
  • [48]
    A.-J. Rapin, « Les réseaux clandestins de fourniture en armes… », art. cité, p. 103.
  • [49]
    M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 124-126.
  • [50]
    M. Cadé, Le parti des campagnes rouges…, op. cit., p. 225-226.
  • [51]
    C. Natoli, « Pour une histoire comparée des organisations communistes de solidarité : le Secours ouvrier international et le Secours rouge international », in J. Gotovitch et A. Morelli (dir.), Les solidarités internationales. Histoire et perspectives, Bruxelles, Labor, 2003, p. 34 sq. ; C. Keren, « L’évacuation et l’accueil des enfants espagnols en France : cartographie d’une mobilisation transnationale (1936-1940) », thèse de doctorat en histoire, EHESS, 2014, p. 65 sq.
  • [52]
    J. Casanova, De la calle al frente: el anarcosindicalismo en España, 1931-1939, Barcelone, Crítica, 1997, p. 166.
  • [53]
    Il faut néanmoins le nuancer : le peuple en arme n’était pas seul à lutter contre le coup d’État militaire. J. Casanova, De la calle al frente…, op. cit., p. 155.
  • [54]
    F. Olaya Morales, El oro de Negrín, Madrid, Nossa y Jara, 1998, p. 80.
  • [55]
    M. Íñiguez, Enciclopedia histórica del anarquismo español, Vitoria-Gasteiz, Asociación Isaac Puente, 2008, p. 1460.
  • [56]
    Ibid.
  • [57]
    La dispersion des efforts a été largement commentée par l’historiographie. Voir, par exemple, G. Howson, Arms for Spain…, op. cit., p. 80.
  • [58]
    F. Olaya Morales, El oro de Negrín, op. cit., p. 83.
  • [59]
    APP, BA 1665, Note de correspondance de la préfecture de Police, 7 août 1936.
  • [60]
    Ibid., Rapport de la préfecture de Police, 20 septembre 1936.
  • [61]
    Ibid.
  • [62]
    M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 131.
  • [63]
    A. Balent, « Les réseaux clandestins d’aide à l’Espagne républicaine… », art. cité, p. 46.
  • [64]
    APP, 1 W 1829/97478, Note de la préfecture de Police, 1er Bureau, 26 mars 1941, Paris.
  • [65]
    C. Keren, « L’évacuation et l’accueil des enfants espagnols en France… », op. cit., p. 179 sq. On notera que Facundo Roca était proche de la CGTU, la branche dissidente de la CGT qui a pour un temps regroupé anarchistes et communistes.
  • [66]
    De nombreuses fois cité dans les opérations d’achats d’armes du CEL, Jules Chazanoff ne profite d’aucun titre « officiel ». Il en sera progressivement écarté par les organisations libertaires espagnoles après s’être plaint de ne pas avoir été remboursé de ses frais (Rapport de la préfecture de Police, 24 octobre 1936).
  • [67]
    APP, BA 1665, Note de correspondance de la préfecture de Police, 5 décembre 1936.
  • [68]
    Ce détail, avancé grâce à deux références bibliographiques anciennes (Hugh Thomas, 1967 ; Fernando Schwartz, 1971), ne trouve cependant pas d’écho dans les archives françaises consultées. Francisco Olaya Morales va dans le même sens, mais aucun document consulté ne le corrobore. En définitive, tout porte à croire que plusieurs références se sont citées entre elles ou, à défaut, ont toutes utilisé la même source. Voir R. Miralles, « El duro forcejeo de la diplomacia republicana en París », Á. Viñas, Al servicio de la República. Diplomáticos y Guerra Civil, Madrid, Marcial Pons Ediciones de Historia, 2010, p. 128 ; F. Olaya Morales, El oro de Negrín, op. cit., p. 83 et 89.
  • [69]
    R. Miralles, « El duro forcejeo… », art. cité, p. 128.
  • [70]
    C. Keren, « L’évacuation et l’accueil des enfants espagnols en France… », op. cit., p. 180.
  • [71]
    M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 129.
  • [72]
    Maurice Jaquier assure qu’une permanence aurait été établie à Perpignan à cette date pour faire la liaison avec l’ambassadeur espagnol (ibid., p. 124).
  • [73]
    C. Serrano, L’enjeu espagnol…, op. cit., p. 45 ; A.-J. Rapin, « Les réseaux clandestins de fourniture en armes… », art. cité, p. 124-125.
  • [74]
    N. Lépine, « Le socialisme international… », op. cit., p. 268.
  • [75]
    Ibid., p. 299 sq.
  • [76]
    J. Kergoat, Marceau Pivert, « socialiste de gauche », Paris, Les Éditions de l’Atelier, 1994, p. 111.
  • [77]
    L. Lecoin, Le cours d’une vie, Paris, Liberté, 1965, p. 154-157 ; M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 122-123.
  • [78]
    Pour une étude approfondie, voir notamment H. Graham, The Spanish Republic at War, 1936-1939, Cambridge-New York, Cambridge University Press, 2002, p. 215 sq.
  • [79]
    Entamée dès septembre 1936, cette intégration des milices autonomes dans l’Armée populaire prendra plusieurs mois. Ibid., p. 148 sq.
  • [80]
    J. Casanova, De la calle al frente…, op. cit., p. 179-197 ; F. Godicheau, La guerre d’Espagne. République et révolution en Catalogne, 1936-1939, Paris, Odile Jacob, 2004, p. 126-169.
  • [81]
    Pour un récit détaillé des événements : J. Casanova, De la calle al frente…, op. cit., p. 221 sq.
  • [82]
    Cette opposition entre « révolution et contre-révolution » est à nuancer puisque cette première aurait été fortement diluée durant les mois précédents (ibid., p. 227-228).
  • [83]
    Il est aussi reproché au pouvoir central d’avoir œuvré contre les industries d’armement catalanes que les syndicats révolutionnaires contrôlaient. Voir, par exemple, le rapport « Industrias de guerra. El escándalo de las comisiones de compra en el extranjero. El sabotaje a la industria española y el derroche de las finanzas en el exterior. Complicidades criminales de personajes del gobierno y sus agentes » (octobre 1938), Comité péninsulaire de la FAI, IIHS, FAI, 63/8, document n° 54.
  • [84]
    Créée sur décision du plénum de la CNT du 15 avril 1937, la SIA est présente dans une vingtaine de pays en 1939. Voir V. Cionini, « Solidarité Internationale Antifasciste, ou l’humanitaire au service des idées anarchistes », Diacronie, n° 7, 2011, p. 2-13.
  • [85]
    Ibid., p. 4-6. Voir sur le site du Maitron la notice Besnard Pierre [Eugène, Pierre Besnard, dit], par Jean Maitron et Guillaume Davranche : https://maitron.fr/spip.php?article157323.
  • [86]
    F. Godicheau, La guerre d’Espagne…, op. cit., p. 355-356. D’après l’historien, « sans doute beaucoup d’aspects de ces projets restent-ils lettre morte ».
  • [87]
    Ibid., p. 341 sq.
  • [88]
    Ibid., p. 355.
  • [89]
    SHD, GR 7N² 2616, Note de la préfecture de Police, 18 décembre 1936.
  • [90]
    APP, BA 1665, Rapport de la préfecture de Police, 20 septembre 1936.
  • [91]
    V. Cionini, « Solidarité Internationale Antifasciste… », op. cit., p. 2-3.
  • [92]
    APP, BA 1899, Rapport de la police judiciaire, 3 avril 1939.
  • [93]
    J. Maitron, Le mouvement anarchiste en France…, op. cit., p. 30.
  • [94]
    M. Cadé, Le parti des campagnes rouges…, op. cit., p. 227.
  • [95]
    V. Cionini, « Solidarité Internationale Antifasciste… », op. cit., p. 2-3.
  • [96]
    F. Godicheau, La guerre d’Espagne…, op. cit., p. 346 sq.
  • [97]
    Archives nationales (AN), 19940496/36, dossier 769, Rapport du commissaire central de Toulouse transmis au cabinet du préfet de Haute-Garonne, 5 novembre 1936.
  • [98]
    APP, BA 1665, Rapport de la préfecture de Police, 7 novembre 1936.
  • [99]
    V. Cionini, « Solidarité Internationale Antifasciste… », op. cit., p. 2-3.
  • [100]
    Ces armes, pourtant, seraient payées avec l’or de la République espagnole. M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 131.
  • [101]
    J. Maitron, Le mouvement anarchiste en France…, op. cit., p. 31.
  • [102]
    J.-P. Loubet, « Les trafics d’armes en Syrie, entre visées géopolitiques, mafias et erreurs de calcul », Stratégique, n° 118, 2018, p. 241-256.
  • [103]
    L. Lecoin, Le cours d’une vie, op. cit., p. 154 ; SHD, GR 7N² 2616, dossier 1, Note de la préfecture de Police, 18 décembre 1936 ; APP, BA 1899, dossier « Solidarité Internationale Antifasciste – Mouysset », Rapport de la police judiciaire, 3 avril 1939.
  • [104]
    APP, BA 1665, Rapport de la préfecture de Police, 24 octobre 1936.
  • [105]
    https://maitron.fr/spip.php?article107852, notice Odéon Pierre (Perrin Pierre, dit) par Jean Maitron, version mise en ligne le 20 novembre 2010, dernière modification le 18 décembre 2010.
  • [106]
    C. Keren, « L’évacuation et l’accueil des enfants espagnols en France… », op. cit., p. 180-182.
  • [107]
    Ibid., p. 181.
  • [108]
    Pour le Secours populaire, par exemple, la distinction entre politique et humanitaire s’opère ainsi après 1945 : A. Brodiez, Le Secours populaire français, 1945-2000. Du communisme à l’humanitaire, Paris, Presses de Sciences Po, 2006.
  • [109]
    J. Gotovitch et A. Morelli (dir.), Les solidarités internationales…, p. 9-10.
  • [110]
    M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 124.
  • [111]
    « C’est exactement cela, la solidarité ouvrière et internationale », remarque Maurice Jaquier à propos du vol de trois mitrailleuses ensuite destinées à Madrid (ibid., p. 117).
  • [112]
    Ibid., p. 129.
  • [113]
    AN, F7 14721, Rapport du chef du Parti populaire français de Perpignan transmis par le commissaire divisionnaire chef des services de police spéciale de Marseille au préfet des Bouches-du-Rhône, 26 mars 1937.
  • [114]
    M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 129.
  • [115]
    Dans son témoignage, Maurice Jaquier y fait référence à plusieurs reprises (ibid., p. 121-131) ; voir aussi le rapport du commandant Schlesser à la frontière pyrénéenne le confirme (SHD GR 7N2 2463, dossier 1, Mission à la frontière franco-espagnole – région des Pyrénées-Orientales, 10 décembre 1936).
  • [116]
    L. Lecoin, Le cours d’une vie, op. cit., p. 154. D’après David Berry, Louis Lecoin aurait annoncé avoir organisé l’envoi de cent camions en Espagne jusqu’en novembre 1937, pour 300 à 400 tonnes de matériel humanitaire. D. Berry, History of the French Anarchist Movement…, op. cit., p. 192.
  • [117]
    APP, BA 1665, Note de correspondance, 7 août 1936.
  • [118]
    Ibid., 5 décembre 1936.
  • [119]
    APP, BA 1665, Rapport de la préfecture de Police, 6 octobre 1936.
  • [120]
    Ibid., 7 novembre 1936.
  • [121]
    Ibid., 4 novembre 1936.
  • [122]
    SHD, GR 7N² 2616, Note de la préfecture de Police, 18 décembre 1936.
  • [123]
    APP, BA 1664, Note de la préfecture de Police, 25 juin 1938.
  • [124]
    Une confusion avec le CEL est néanmoins possible, car le même rapport parle d’une fondation de la SIA par Louis Lecoin en octobre 1936. APP, BA 1899, Rapport de la direction du cabinet de la préfecture de Police (1er bureau), 2 août 1941.
  • [125]
    J. Maitron, Le mouvement anarchiste en France…, op. cit., p. 31.
  • [126]
    APP, BA 1665, Rapport de la préfecture de Police, 17 octobre 1936.
  • [127]
    Ibid., 7 novembre 1936.
  • [128]
    Ibid., 14 novembre 1936.
  • [129]
    APP, BA 1889, dossier « Solidarité internationale antifasciste », Rapport de la police judiciaire, brigade spéciale, 2 mai 1939.
  • [130]
    APP, BA 1665, Rapport de la préfecture de Police, 20 septembre 1936.
  • [131]
    D. Berry, History of the French Anarchist Movement…, op. cit., p. 192.
  • [132]
    M. Íñiguez, Enciclopedia histórica del anarquismo español, op. cit., p. 423-424.
  • [133]
    F. Monier, « Deux regards sur une histoire… », art. cité, p. 37-41.
  • [134]
    A. Balent, « Les réseaux clandestins d’aide à l’Espagne républicaine… », art. cité, p. 47.
  • [135]
    M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 129-130.
  • [136]
    SHD, GR 7N² 2463, dossier 1, Mission à la frontière franco-espagnole – région des Pyrénées-Orientales, 10 décembre 1936.
  • [137]
    En mars, l’adoption du plan de contrôle de la frontière pyrénéenne par le comité de « non-intervention » conduit les autorités françaises à renforcer la surveillance. Il s’agit pour la France de ne pas se faire accuser de négligence par d’autres puissances du plan de contrôle, notamment l’Allemagne et l’Italie. SHD, GR 7N² 2463, dossier 1, Activité de la commission de contrôle international à la frontière des Pyrénées-Orientales, 1er juin 1937.
  • [138]
    D.-A. Grisoni et G. Hertzog, Les Brigades de la mer, op. cit., p. 104.
  • [139]
    Archivo Histórico Nacional de Madrid (AHN), Fondo Marcelino Pascua, caja 2, Conversación con el ministro de negocios extranjeros señor Bonnet, 9 juillet 1938.
  • [140]
    A. Balent, « Les réseaux clandestins d’aide à l’Espagne républicaine… », art. cité, p. 37-40.
  • [141]
    Ibid., p. 40-41.
  • [142]
    Courant décembre, la douane belge saisit pour 130 000 francs de marchandises destinées à la FAI. APP, 1 W 1829/97478, Note de la préfecture de Police, 20 décembre 1936.
  • [143]
    En janvier 1937, l’Italien Egisto Vermicelli est arrêté par la police en région parisienne en possession d’armes. Il avoue les avoir achetées en armurerie pour Louis Lecoin et le CEL (AN, F7 14677).
  • [144]
    APP, BA 1665, Rapport de la préfecture de Police, 17 juin 1938.
  • [145]
    Ibid.
  • [146]
    M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 131.
  • [147]
    Ibid., p. 137-141.
  • [148]
    G. Bonet et J.-J. Amigo (dir.), Nouveau dictionnaire de biographies roussillonnaises, 1789-2011, Perpignan, Publications de l’Olivier, 2011, p. 367.
  • [149]
    D. Blumé (éd.), Contribution à l’histoire de la politique de la non-intervention…, op. cit., p. 83.
  • [150]
    M. Jaquier, Simple militant, op. cit., p. 135-136.
  • [151]
    D.-A. Grisoni et G. Hertzog, Les Brigades de la mer, op. cit., p. 112.
  • [152]
    F. Monier, « Deux regards sur une histoire… », art. cité, p. 29 ; C. Keren, « L’évacuation et l’accueil des enfants espagnols en France… », op. cit., p. 30-31 et 276-298.
  • [153]
    F. Monier, « Deux regards sur une histoire… », art. cité, p. 29-30.
  • [154]
    A. Balent, « Les réseaux clandestins d’aide à l’Espagne républicaine… », art. cité, p. 45.
  • [155]
    M. Cadé, Le parti des campagnes rouges…, op. cit., p. 225-226.
  • [156]
    Ibid., p. 227-228.
  • [157]
    APP, BA 1665, Rapport de la préfecture de Police, 6 octobre 1936.
  • [158]
    Ibid., Note de correspondance de la préfecture de Police, 7 août 1936.
  • [159]
    APP, BA 1666, Note de correspondance de la préfecture de Police, 9 janvier 1937.
  • [160]
    Ibid.
  • [161]
    A.-J. Rapin, « Les réseaux clandestins de fourniture en armes… », op. cit., p. 105.
  • [162]
    Pour la période courant du début de l’année 1937 jusqu’à la fin du conflit, les bordereaux d’envoi de la dernière commission d’achat de l’ambassade républicaine à Paris le confirment : des envois d’armes et de munitions sont camouflés sous l’appellation « lait condensé » (leche condensada) ou de matériel de quincaillerie. Le lait condensé authentique est même accompagné de la mention « verdad » afin de ne pas tromper le lecteur. Archivo General Militar de Ávila, caja 272,6,3, Albanares de la Comisión Técnica Española de material enviado desde París – documentos rojos.
  • [163]
    F. Godicheau, La guerre d’Espagne…, op. cit., p. 348.
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