Notes
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[1]
J. Rancière, « Histoire et récit », L’histoire entre épistémologie et demande sociale, Créteil, IUFM, 1994.
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[2]
H. Melin et O. Kourchid, « Mobilisations et mémoire du travail dans une grande région : le Nord-Pas-de-Calais et son patrimoine industriel », Le Mouvement social, n° 199, 2002, p. 35-59 ; C. Mortelette, « La patrimonialisation de l’héritage minier dans le Nord-Pas-de-Calais : un outil efficace de réconciliation de la population locale avec son passé ? », Les Cahiers de la recherche architecturale urbaine et paysagère, n° 7, 2020.
-
[3]
Cet article est fondé sur dix entretiens d’une durée globale de vingt-cinq heures.
-
[4]
Ces documents ont été sauvés de la destruction par Audrey Mollis, qui les a récupérés sur le site désaffecté de l’usine, juste avant qu’il ne prenne feu, et les a classés. Ce fonds constitue un premier fonds d’archives.
-
[5]
S. Beaud, « L’usage de l’entretien en sciences sociales. Plaidoyer pour l’“entretien ethnographique” », Politix, n° 35, 1996, p. 226-257 ; E. Morin, « L’interview dans les sciences sociales et à la radio-télévision », Communications, n° 7, 1966, p. 59-73. Dans cet article, Edgar Morin dévalue la pratique de l’entretien qu’il qualifie de « gagne-pain subalterne », de « tâche inférieure dont se déchargent les chefs d’équipe ».
-
[6]
P. Bourdieu, La misère du monde, Paris, Éditions du Seuil, 1993.
-
[7]
D. Cefaï (dir.), L’enquête de terrain, Paris, La Découverte, 2003 ; S. Guth (dir.), Modernité de Robert Ezra Park. Les concepts de l’École de Chicago, Paris, L’Harmattan, 2008.
-
[8]
D. Demazière, « À qui peut-on se fier ? Les sociologues et la parole des interviewés », Langage et société, n° 121-122, 2007, p. 85-100.
-
[9]
K. Borland, « “That’s Not What I Said”: Interpretive Conflict in Oral Narrative Research », in S. N. Gluck et D. Patai (dir.), Women’s Words. The Feminist Practice of Oral History, Londres-New York, Routledge, 1991, p. 63-75.
-
[10]
S. Harding, « Rethinking Standpoint Epistemology. What is “Strong Objectivity” », in L. Alcoff et E. Potter (dir.), Feminist Epistemologies, Londres-New York, Routledge, 1993 ; I. Clair, « Faire du terrain en féministe », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 213, 2016, p. 66-83.
-
[11]
S. Ahmed, The Cultural Politics of Emotion, Londres, Routledge, 2004 ; D. Boquet et D. Lett, « Les émotions à l’épreuve du genre », Clio. Femmes, genre, histoire, n° 47, 2018, p. 7-22 ; B. H. Rosenwein, Emotional Communities in the Early Middle Ages, Ithaca, Cornell University Press, 2006.
-
[12]
M. Charpenel, « Les enjeux de la mémoire chez les historiennes des femmes, 1970-2001 », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 223, 2018, p. 24.
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[13]
Entretien avec Raymonde Dernoncourt, 15 avril 2019, à son domicile, à Lens.
-
[14]
S. Maurice, « Brigitte Petit, armes et bagages », Libération, 11 mai 2018.
-
[15]
Entretien collectif (Brigitte Petit, Isabelle Blondel, Raymonde Dernoncourt), 22 novembre 2018, au domicile de Brigitte Petit, à Rouvroy.
-
[16]
M. Pollak, « Mémoire, oubli, silence », in Id., Une identité blessée. Études de sociologie et d’histoire, Paris, Métailié, 1993, p. 13-39.
-
[17]
É. Le Port, « Écrire sa vie, devenir auteur. Le témoignage ouvrier depuis 1945 », thèse de doctorat en histoire, sous la direction de N. Hatzfeld, Université d’Évry, 2017.
-
[18]
C. Martin, Les mains bleues. 501 Blues, Lille, Éditions Sansonnet, 2001.
-
[19]
P. Ripoll, Nous ne sommes pas une fiction, Bruxelles, La mesure du possible, 2006.
-
[20]
S. Callet, Adieu cousettes. Paroles de Lejaby, Bellegarde-sur-Valserine, AFLBB, 2012.
-
[21]
N. Burgi, « Exiler, désœuvrer les femmes licenciées », Travail, genre et sociétés, n° 8, 2002, p. 105-122 ; J. Clarke, « Social Exclusion, Creative Writing, and Democracy: The Politics of a Socio-Literary Project in Caen », Contemporary French Civilization, n° 37, 2012, p. 1-22.
-
[22]
C. Ibos et al., « La lutte des Lejaby mise en scènes », Sociologies pratiques, n° 33, 2016, p. 49-58.
-
[23]
Entretien avec Hélène Desplanques, 19 juillet 2019, Toulouse.
-
[24]
Entretien collectif (Brigitte Petit, Isabelle Blondel, Raymonde Dernoncourt), 22 novembre 2018, au domicile de Brigitte Petit, à Rouvroy.
-
[25]
R. Eyerman et A. Jamison, Music and Social Movements. Mobilizing the Tradition in the Twentieth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 1998, p. 46.
-
[26]
Entretien avec Hélène Desplanques, 19 juillet 2019, Toulouse.
-
[27]
Entretien collectif (Brigitte Petit, Isabelle Blondel, Raymonde Dernoncourt), 22 novembre 2018, au domicile de Brigitte Petit, à Rouvroy.
-
[28]
F. Gallot, En découdre, comment les ouvrières ont révolutionné le travail et la société, Paris, La Découverte, 2015 ; È. Meuret-Campfort, « Des ouvrières en lutte. Mondes populaires et genre du syndicalisme dans un secteur d’emploi “féminin”. Le cas de l’usine Chantelle à Nantes (1966-2005) », thèse de doctorat en sociologie, sous la direction d’A. Collovald, Université de Nantes, 2014.
-
[29]
Voir le dossier artistique de la pièce : http://atmosphere-theatre.fr/documents/Samsonite/Dossier_artistique_SAMSONITE.pdf.
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[30]
Entretien avec Annie Vandesavel et Paulette Hermignies, 15 avril 2019, au domicile de Paulette Hermignies, à Hénin-Beaumont.
-
[31]
Entretien avec Marie Liagre, 19 juillet 2019, Toulouse.
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[32]
Entretien collectif (Brigitte Petit, Isabelle Blondel, Raymonde Dernoncourt), 22 novembre 2018, au domicile de Brigitte Petit, à Rouvroy.
-
[33]
Entretien avec Marie Liagre, 9 juillet 2019, Toulouse.
-
[34]
Entretien collectif (Brigitte Petit, Isabelle Blondel, Raymonde Dernoncourt), 22 novembre 2018, au domicile de Brigitte Petit, à Rouvroy.
-
[35]
Entretien collectif (Brigitte Petit, Isabelle Blondel, Raymonde Dernoncourt), 22 novembre 2018, au domicile de Brigitte Petit, à Rouvroy.
-
[36]
Entretien avec Hélène Desplanques, 19 juillet 2019, Toulouse.
-
[37]
Entretien collectif (Brigitte Petit, Isabelle Blondel, Raymonde Dernoncourt), 22 novembre 2018, au domicile de Brigitte Petit, à Rouvroy.
-
[38]
A. Bergeron et B. Doray, « Les “privés d’emploi’’ : la culture pour miroir », Ethnologie française, vol. 35, no 4, 2005, p. 650. Le terme est emprunté à Yves Clot qui parle de la « déprivatisation du vécu du chômage » et considère qu’il s’agit de « l’un des ressorts d’une réappropriation de soi » (Y. Clot, « Sortir de soi. Travail, chômage et action collective », Intervention au colloque « Chômage et action collective », 30 et 31 mars 1999).
-
[39]
Ibid.
-
[40]
Ibid.
-
[41]
Dossier artistique de On n’est pas que des valises !.
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[42]
Entretien avec Annie Vandesavel et Paulette Hermignies, 15 avril 2019, au domicile de Paulette Hermignies, à Hénin-Beaumont.
-
[43]
Dossieur artistique de la pièce.
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[44]
E. P. Thompson, « History from Below », Times Literary Supplement, 7 avril 1966, p. 279-280.
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[45]
Entretien avec Hélène Desplanques, dossier artistique de On n’est pas que des valises !.
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[46]
Ibid.
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[47]
Ibid.
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[48]
Entretien avec Josiane Romain, 15 avril 2019, à son domicile, à Hénin-Beaumont.
-
[49]
L. Wittgenstein, Investigations philosophiques, Paris, Gallimard, 1961, p. 107-108.
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[50]
Entretien avec Annie Vandesavel et Paulette Hermignies, 15 avril 2019, au domicile de Paulette Hermignies, à Hénin-Beaumont.
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[51]
Entretien avec Isabelle Blondel et Renée Marlière, 14 avril 2019, au domicile d’Isabelle Blondel, à Hénin-Beaumont.
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[52]
Entretien avec Marie Liagre, 19 juillet 2019, Toulouse.
1En 2007, l’usine Samsonite d’Hénin-Beaumont est liquidée à la suite d’une faillite frauduleuse et deux cent cinquante salariées et salariés, principalement des ouvrières, perdent leur emploi. À la suite de l’occupation collective du parking de l’entreprise pendant plusieurs mois, certaines d’entre elles montent une association, Agir contre Samsonite, autant pour défendre leurs droits devant les tribunaux que pour maintenir l’esprit de lutte et de solidarité. Dès l’annonce de la fermeture de l’établissement, Hélène Desplanques, jeune documentariste, rejoint les ouvrières dont l’action lui inspire un documentaire, Liquidation totale, qui sort en 2009. Alors que la procédure judiciaire traîne, elle écrit, pour et avec sept des femmes impliquées dans l’association, une pièce de théâtre, On n’est pas que des valises !, jouée depuis 2016 dans différents lieux, des salles des fêtes des Hauts-de-France au festival off d’Avignon en passant par la Maison des Métallos à Paris et les comités d’entreprise. À côté de la scène théâtrale, la lutte se poursuit sur la scène contentieuse où les procès s’enchaînent, laissant en suspens l’espoir des ouvrières d’obtenir réparation.
2Les sources orales permettent de saisir ce qui échappe souvent à d’autres sources, ce qui est toujours « au bord de disparaître [1] » : les communautés émotionnelles et expérientielles dans l’engagement et dans la lutte, les processus de constitution de la mémoire collective, le sens que les actrices ont conféré à leurs actions. Le projet de notre recherche, dont cet article est la première restitution, est de rendre le grain et la chair d’une lutte d’ouvrières, de mettre à vif l’enjeu des engagements par-delà les représentations sédimentées d’une histoire en surplomb des contestations et d’une mémoire du bassin minier patrimonialisée et réconciliatrice [2].
3En septembre 2018, à la Maison des Métallos à Paris, nous rencontrons pour la première fois les sept « comédiennes-ouvrières », comme elles choisissent de se définir : Isabelle Blondel, Raymonde Dernoncourt, Paulette Hermignies, Renée Marlière, Brigitte Petit, Josiane Romain, Annie Vandesavel. Nous assistons à la représentation de On n’est pas que des valises ! alors qu’elles reviennent du festival off d’Avignon, où la pièce a été un succès. Durant l’année 2018-2019, nous réalisons des entretiens avec chacune et parfois plusieurs d’entre elles, la plupart du temps à leur domicile. En juillet 2019, alors qu’elles sont en tournée, nous assistons à Toulouse à une répétition ainsi qu’à une autre représentation de la pièce et nous passons, dans ce cadre, une journée complète avec elles. Parallèlement, nous nous entretenons avec l’auteure de la pièce, Hélène Desplanques, et la metteuse en scène, Marie Liagre. Les représentations prévues à partir de mars 2020 sont suspendues et la dernière, qui devait se tenir à Avion, est reportée à la rentrée 2021. Comme tant d’autres chercheuses, la pandémie nous a coupées de notre terrain.
4Dans cette enquête, la captation de l’histoire d’ouvrières confrontées au basculement de leurs vies à la suite de la fermeture de l’usine enchevêtre deux registres de l’oralité : d’une part, le texte parlé de la pièce ; d’autre part, les entretiens [3] que nous menons et qui, entre autres, interrogent la place du théâtre dans la lutte. Comme la pièce est elle-même écrite à partir de la parole des comédiennes-ouvrières recueillie lors d’ateliers d’écriture, ce travail d’histoire orale active une triple mise en abyme : ces femmes racontent la fabrique d’une pièce, or cette pièce raconte leur histoire, et cela à partir de ce qu’elles ont elles-mêmes raconté à la dramaturge.
5Au centre de cet article, les sources orales ne sont pas les seules de cette recherche. Elles dialoguent avec un ensemble de documents rassemblant des coupures de presse, des fragments audiovisuels conservés par l’INA, des décisions de justice, des archives intimes des ouvrières, les archives de l’association Agir contre Samsonite, des documents administratifs de l’usine Samsonite d’Hénin-Beaumont [4] ainsi que les documents de travail d’Hélène Desplanques et Marie Liagre. Ce sont ces multiples sources qui, au cours des entretiens, ont aiguillé nos questions dans un processus de co-construction des savoirs avec les ouvrières : à partir de leurs points de vue et leurs analyses, il s’est agi de refaire émerger l’histoire de leur lutte en interrogeant la fabrique d’une mémoire collective recomposée par l’expérience théâtrale.
6C’est donc le jeu complexe et l’emboîtement des récits dans la construction mémorielle que cet article tente de saisir à partir du recueil et de l’analyse des sources orales. Nous avons commencé notre enquête, toujours en cours, plus de dix ans après la liquidation de l’usine Samsonite, alors que l’expérience théâtrale avait déjà fixé un récit mémoriel, important puisqu’il a permis au collectif de tenir la lutte jusqu’à aujourd’hui. Documenter la fabrique de ce récit qui a pu lisser la rugosité des faits permet-il de le réinterroger ? Les entretiens libèrent-ils les tensions, les dissensions, les « récits de soi » que le processus d’harmonisation théâtral a pu effacer ? La réflexivité que les entretiens, individuels ou collectifs, tentent de déclencher fissure-t-elle la mémoire pour retrouver les dissonances de l’histoire ?
7Nous présenterons d’abord le cadre analytique des différents récits de la lutte, puis nous analyserons comment les entretiens ont documenté la fabrique d’un récit théâtral mémoriel et ont permis de réaliser une histoire par le bas.
Les ouvrières sollicitent Fiodor Rilov, avocat de droit social qui a défendu efficacement les salariés de l’usine Goodyear ou des 3 Suisses. Progressivement, les Samsonite découvrent qu’il s’agit d’une fausse reprise – elles n’ont jamais vu la couleur des panneaux solaires. En réalité, Bain Capital, fonds d’investissement propriétaire de Samsonite, voulant fermer l’usine d’Hénin-Beaumont qu’il juge insuffisamment rentable, l’a « vendue » à des repreneurs voyous, en fait payés par Bain Capital pour organiser la faillite.
En 2009, les Samsonite gagnent aux prud’hommes de Lens. L’entreprise est alors condamnée à verser sept millions d’euros aux salariés. En 2010, Fiodor Rilov et les ouvrières engagent un procès aux États-Unis devant la justice américaine, contre Bain Capital. En novembre 2012, elles se rendent une première fois aux États-Unis et manifestent auprès d’ouvrières de Chicago qui occupent leur usine à la suite de l’annonce de sa liquidation. Elles ont un ennemi commun : Bain Capital, fondé par Mitt Romney, candidat républicain à l’élection présidentielle. En mars 2014, elles retournent une seconde fois aux États-Unis pour assister à l’audience de leur procès au tribunal de Boston, mais elles apprennent peu après qu’il y a prescription et que l’affaire ne peut être jugée sur le fond. Une plainte contre Bain Capital est donc déposée en Grande-Bretagne.
Journaliste, Hélène Desplanques suit la lutte des Samsonite dès 2007. Pendant l’occupation de l’usine, elle réalise un documentaire, Liquidation totale, pour rendre compte de ce premier moment de la lutte : il sort en 2009. En juin 2015, elle lance le projet de pièce de théâtre et entraîne Marie Liagre pour le mettre en scène. Elle parvient à convaincre sept ouvrières de Samsonite, toutes membres du bureau de l’association, à participer à un atelier d’écriture pour le texte de la pièce, puis à monter sur scène. La première a lieu le 29 septembre 2016. Après plusieurs représentations, les comédiennes ouvrières se produisent à Avignon durant l’été 2018, ce qui donne lieu à un nouveau documentaire d’Hélène Desplanques, La cour d’honneur.
Dans les coulisses des entretiens : du récit de lutte homogène au récit choral
8L’association dans ce projet d’une historienne et d’une sociologue a été l’occasion de repréciser le statut méthodologique de l’entretien. Récent en histoire, l’entretien est un outil classique de la sociologie, mais dont on oublie qu’il a été longtemps dévalué [5]. Relégitimé par Pierre Bourdieu dans La misère du monde [6] ainsi que par le développement de méthodes ethnographiques inspirées de la sociologie interactionniste états-unienne, l’entretien biographique a placé l’expérience vécue au cœur de l’enquête sociologique [7]. Toutefois, alors que le mythe de sa neutralité est largement déconstruit, l’analyse du dispositif même de l’entretien est l’un des enjeux de la scientificité de l’enquête sociologique [8]. Seul le retour réflexif sur le dispositif garantit la possibilité de faire du récit recueilli un récit « social ». Ainsi, il semble nécessaire de recontextualiser ces entretiens, qui sont aussi des dialogues, afin de mesurer la dimension co-construite des savoirs [9].
9L’enquête par les entretiens s’inscrit doublement dans les épistémologies féministes. Situant les points de vue pour comprendre et interpréter les faits [10], ces épistémologies ont contribué, dans les sciences sociales en général et en histoire en particulier, au surgissement de voix tues et d’objets inédits, comme les émotions, les sensibilités et les subjectivités [11]. En outre, la réalisation d’entretiens en histoire répond à un enjeu féministe qui sait que l’un des obstacles pour travailler sur le genre est la perte des traces matérielles des groupes minoritaires, ce qui rend urgent leur archivage lorsqu’il est encore possible [12]. Les comédiennes-ouvrières d’Hénin-Beaumont ne sont pas exactement des « sans-voix » puisqu’elles se sont saisies de tous les espaces de parole qui leur étaient ouverts, notamment de celui, improbable, du théâtre. Mais alors que leur lutte s’épuise, il semble nécessaire de capter leurs voix, leurs versions de l’histoire, avant qu’elles ne se taisent. Le moment que nous choisissons pour le faire est, pour elles, ce moment charnière où, si elles sont encore dans l’ardeur de la lutte, elles doivent en affronter la fin prochaine et cela sur les deux scènes du théâtre et du procès.
10Les trajectoires sociobiographiques des sept comédiennes-ouvrières se recoupent largement, même si elles n’appartiennent pas toutes à la même génération : Raymonde Dernoncourt, la plus âgée, est née en 1952 et Renée Marlière, la plus jeune, en 1970. Six d’entre elles sont nées dans le bassin minier et sont filles de mineures, tandis qu’Isabelle Blondel, dont la mère faisait des ménages, est arrivée très jeune à Hénin-Beaumont. Elles ont toutes eu des carrières scolaires courtes et ont commencé à travailler comme ouvrières dans l’industrie textile encore adolescentes, entre 14 et 19 ans ; l’écart générationnel se retrouve là, puisque Raymonde Dernoncourt est entrée à la filature « le lendemain de ses 14 ans [13] », tandis que Renée Marlière a passé un bac professionnel « habillement ». Elles se sont également mariées et sont devenues mères jeunes, autour de 20 ans ; mise à part Renée, toutes sont aujourd’hui grands-mères. Embauchées à l’usine Samsonite d’Hénin-Beaumont entre 1984 et 1989, elles y ont travaillé, selon les cas, entre dix-huit et vingt-trois ans.
11Ces sept femmes n’étaient pas forcément proches les unes des autres dans le travail, où elles n’avaient d’ailleurs pas les mêmes positions, certaines occupant des responsabilités, comme Annie Vandesavel qui était cheffe d’équipe, ou Brigitte Petit, déléguée du personnel pour la CGT. Leurs sensibilités politiques peuvent également être différentes : pour certaines, le Parti communiste a été et reste une boussole, tandis que d’autres semblent plus réceptives aux discours de Steeve Briois, membre du Rassemblement national et maire d’Hénin-Beaumont. Pourtant, en 2007, quand commence la mobilisation, les sept femmes s’engagent non seulement dans la lutte mais aussi dans l’association Agir contre Samsonite, et c’est là que se consolide le collectif qu’Hélène Desplanques sollicitera sept ans plus tard pour sa pièce. À leurs yeux, le théâtre aura été une méthode efficace pour poursuivre les processus de la lutte et performer la solidarité.
12Rendue possible par l’auteure de la pièce, Hélène Desplanques, notre entrée sur le terrain n’est d’abord pas facile : nous exprimions le souhait de voir les comédiennes-ouvrières individuellement, alors qu’elles veulent faire bloc. Seule Brigitte Petit qui, sollicitée à plusieurs reprises par les médias, est devenue la « voix » du collectif [14], nous accorde un entretien rapidement, tandis que les autres semblent réticentes à établir des relations plus interpersonnelles. Finalement, ce qui les convainc est l’espoir que notre travail pourra continuer de faire connaître la lutte, alors même que celle-ci s’essouffle. L’entre-soi féminin a également, de manière implicite, permis une coalition entre des comédiennes-ouvrières en lutte et des chercheuses enquêtant sur les luttes de femmes de classes populaires. Progressivement, nous comprenons que conserver un récit homogène de cette séquence qui se déploie sur plus de dix ans est pour elles un enjeu politique : dissoudre le collectif par des entretiens individuels pourrait menacer ce front commun du récit qui s’est trouvé figé par la pièce de théâtre.
13À l’exception des deux entretiens réalisés lors d’une tournée à Toulouse avec Hélène Desplanques et Marie Liagre, tous ont été menés à Hénin-Beaumont ou dans ses alentours, aux domiciles des comédiennes-ouvrières qui, nous offrant café et gâteaux, ont souhaité en faire des moments conviviaux. Ce cadre peu formel dont elles avaient le contrôle, sans anéantir la distance sociale, en a atténué les effets et a permis un rééquilibrage dans la relation et un rapprochement propice à faire émerger une histoire sensible de la lutte. Avec chacune ou plusieurs d’entre elles, nous avons tenté de démêler les fils des différents récits : la lutte, les ateliers d’écriture, la pièce, les tournées et leurs points de vue sur l’ensemble du processus.
14Les entretiens individuels dévoilent les différentes dimensions de la lutte et de sa mémoire : subjectives, collectives et publiques. Chacune des comédiennes-ouvrières entrelace son expérience et le récit façonné par le collectif, celui qui est adressé au public. Ce récit collectif croise les souvenirs de l’action protestataire et la représentation de celle-ci dans le théâtre, et le jeu de la lutte – ce que le théâtre rejoue de la lutte – est structurellement intégré dans leur récit mémoriel. L’expérience du théâtre leur a permis de « tenir » puisque, dans l’incertitude des procès, répétition après répétition, représentation après représentation, elle n’a cessé de les remobiliser et de réactiver l’expérience passée tout en leur permettant d’être actrices de leur histoire et de garder espoir. Dans les entretiens, nos questions ont incité les comédiennes-ouvrières à interroger les liens entre le souvenir mental et corporel des événements et l’expérience du théâtre comme texte dit et comme chorégraphie. Finalement, c’est dans cette dialectique du souvenir et du jeu que le récit mémoriel se construit : comme le dit Brigitte Petit en présence de ses pairs, « dans la pièce, rien n’est inventé [15] ». Endossant le travail de la fabrique mémorielle et de sa conservation, c’est en tant que comédiennes-ouvrières que ces femmes deviennent, pour la lutte des Samsonite, ce que Michael Pollak appelle des « entrepreneures de mémoire [16] ». À partir des singularités et avec obstination, émerge un récit de la lutte choral et homogène.
La fabrique d’une pièce de théâtre engagée
15La genèse de On n’est pas que des valises ! s’inscrit dans un moment spécifique des luttes sociales, marqué par des fermetures d’usines et des mobilisations contre les licenciements. Des écritures collectives apparaissent au milieu des années 1990, par le biais d’ateliers d’écriture notamment [17], après des fermetures d’usine. La plupart du temps, ces ateliers sont pris en charge par un auteur ou une auteure reconnue. Christophe Martin s’intéresse par exemple aux ouvrières de Levi’s licenciées en 1999. Sa rencontre avec vingt-cinq anciennes ouvrières donne naissance à la pièce 501 Blues et à l’ouvrage Les mains bleues, publié en 2001 [18]. De son côté, Philippe Ripoll sollicite celles de Moulinex et c’est Nous ne sommes pas une fiction qui paraît en 2006 [19]. Enfin, pris en charge par l’écrivaine Sylvie Callet, Adieu cousettes. Paroles de Lejaby sort en septembre 2012 et reprend les témoignages des ex-ouvrières de Bellegarde-sur-Valserine licenciées en décembre 2010 [20]. Deux de ces trois textes sont mis en scène [21] et les anciennes ouvrières sont sollicitées pour devenir comédiennes. En ce qui concerne les Lejaby, un second atelier d’écriture recueille la parole des anciennes ouvrières d’Yssingeaux, licenciées peu après celles de Bellegarde-sur-Valserine en 2012. Sans publication intermédiaire, il donne lieu au spectacle À plates coutures, joué par des comédiennes professionnelles [22]. Quelles qu’en soient leurs modalités, ces spectacles aspirent à rendre compte du travail en usine d’une part, de la lutte contre la fermeture d’autre part, constituant par là un théâtre engagé. L’ambition de On n’est pas que des valises ! n’est pas différente, à ceci près que la lutte des Samsonite se poursuit et que le spectacle entend la servir.
Mémoire du passé et histoire d’une lutte en cours
16En 2007, après la liquidation, les ex-salariés engagent une série d’actions judiciaires. C’est sur le terrain du droit et au rythme ralenti des recours contentieux que la lutte continue : en leurs noms propres, ils saisissent le Conseil de prud’hommes de Lens pour contester leur licenciement, tandis que, en leur nom collectif, le comité d’entreprise assigne les repreneurs devant le Tribunal de grande instance de Paris pour faire annuler la vente frauduleuse de Samsonite. Parallèlement, ils fondent l’association Agir contre Samsonite que les sept ex-ouvrières futures comédiennes animent : c’est là que les liens interpersonnels se resserrent et qu’elles apprennent à faire bloc pour tenir ensemble. Au printemps 2014, celles-ci accompagnent leur avocat aux États-Unis pour assister à l’audience du procès que les ex-salariés ont intenté au fonds d’investissement Bain Capital, propriétaire de Samsonite. Cette action audacieuse se solde par un échec puisque la cour la rejette pour prescription. Après la sortie en 2009 de son documentaire, Liquidation totale, Hélène Desplanques n’avait jamais cessé d’accompagner les ouvrières, nouant des liens affectifs avec plusieurs d’entre elles, notamment avec Brigitte Petit qui nous dit à plusieurs reprises la considérer « comme sa fille ». Pourtant, elle situe l’origine du projet à l’annonce de la prescription :
Pour Hélène Desplanques, il s’agit donc à la fois de donner, par le théâtre, « un nouveau souffle » à la lutte en relançant le collectif, et de réagir à l’élection du maire Front national Steeve Briois en faisant « quelque chose sur le bassin minier ». Ne se considérant plus comme extérieure à la lutte, elle s’en sent responsable. Pour Brigitte Petit, Hélène Desplanques « a ressenti ce que nous, on a ressenti d’avoir prescription. […] À ce moment-là, il fallait qu’on nous remette. À chaque fois qu’on a eu une défaite au niveau du tribunal, c’était toujours, fallait [24]… ». Si les sentiments d’Hélène Desplanques sont similaires à ceux des Samsonite, selon Brigitte Petit, celle-ci marque aussi son extériorité – « il fallait qu’on nous remette ». Pour expliquer sa présence constante auprès des ex-salariées, Hélène Desplanques mobilise dans les entretiens plusieurs registres qui s’entremêlent : le registre autobiographique d’une femme qui suit depuis plus de dix ans une lutte ; le registre affectif puisque les héroïnes de cette lutte sont des femmes qu’elle admire et dont elle est proche ; le registre politique parce qu’elle se sent responsable de n’avoir pas suffisamment été active contre l’élection de Steeve Briois. Or, cette dimension politique disparaît des propos précités de Brigitte Petit. Peu de temps après la prescription, Hélène Desplanques propose à la metteuse en scène Marie Liagre de monter une pièce sur l’histoire des Samsonite : le projet théâtral doit consolider l’engagement des ouvrières mais aussi son propre engagement, leur permettre d’endurer les vicissitudes de la lutte sans renoncer à l’accomplissement de leurs objectifs [25] et lui permettre de défendre, sur le bassin minier, un autre récit des mondes ouvriers que celui du Front national.H. Desplanques : La bascule vient quand on apprend qu’il y a prescription. Et moi je n’avais pas vu venir, je pensais qu’on allait perdre. Fiodor [Rilov] pensait que ça serait très étonnant, même s’il espérait : on est aux États-Unis, tout est contre nous. […] Là, on apprend la prescription et je sens dans les rangs la totale démotivation, tout le monde se dit que c’est fini, c’est dommage et c’est pourri. Et puis, le truc qui me tue, Steeve Briois est élu dès le premier tour et là, je me tape une mini-déprime ; c’est venu vraiment là, avant l’été 2014 ; je me suis dit : « il faut qu’on fasse quelque chose sur le bassin minier », c’était l’idée de territoire pour entre guillemets résister à ce qui s’est passé, et donc du théâtre. Je vais leur proposer de monter sur scène. […] c’est une autre façon de lutter, il fallait trouver un nouveau souffle à la lutte au-delà des tribunaux, car on est dans un cul-de-sac. […] De fait, je ne peux pas me dire extérieure à cette lutte. Prenons ma part et c’est vraiment un truc de réaction au Front national, faut prendre sa part de ça, c’est une catastrophe, mais prenons notre part, personne n’est étranger à ça, donc moi ma part, c’est ça, je peux raconter une histoire : c’est pas grand-chose, mais ça je sais faire [23].
« Du théâtre ? Jamais d’la vie ! » Le refus de jouer
17Hélène Desplanques raconte avoir pris la parole à l’assemblée générale de l’association Agir contre Samsonite en juin 2015 : « On a envie de faire un spectacle à partir de votre histoire, est-ce que vous nous autorisez à raconter votre histoire sur scène ? On vote. Toutes les mains ne se lèvent pas, mais une majorité se lève [26]. » Lorsqu’elle demande qui est volontaire pour jouer, tout le monde se tait. Hélène Desplanques dit avoir insisté, sans plus de résultat. Elle cherche donc d’abord à convaincre Brigitte Petit et Raymonde Dernoncourt, toutes deux anciennes représentantes syndicales, qui reviennent aussi pendant les entretiens sur ce moment clé :
B. Petit : Moi personnellement, elle m’a regardée et puis elle m’a dit : « toi t’as pas le choix », c’est ce qu’elle m’a dit. Elle a dit : « Toi je te le demande pas, t’as pas le choix. » Je lui ai dit « Eh bien écoute, t’exagères, je suis comme tout le monde, je peux pas faire de théâtre. » Elle dit : « Mais oui, mais c’est comme ça. »
R. Dernoncourt : Moi elle m’a dit ça aussi : « Toi Raymonde, t’as pas le choix. Toi tu fais [27]. »
19Considérant qu’elles seules pourraient être à même d’entraîner les autres, car le mécanisme de délégation se poursuit après l’usine [28], Hélène Desplanques impose donc à Raymonde Dernoncourt et à Brigitte Petit leur participation. Comme elle le dit dans le dossier artistique, la pièce, c’est aussi poursuivre un « compagnonnage en images [29] ». Elle affirme avoir convaincu Brigitte Petit « par la lutte », en insistant sur le fait qu’il s’agit d’un autre moyen de lutter. Elle se rend à une réunion du bureau de l’association pour discuter avec ses membres de ce projet théâtral :
A. Vandesavel : Ah bah nous, on n’était pas d’accord, pas du tout. C’est dommage, mais c’est toujours les mêmes qui se dévouent. Hélène est venue avec Marie, je m’en rappellerai tout le temps. Elle est venue à Rouvroy au bureau, là. On a bu un petit café, elle nous a présenté Marie. Tout de suite, on lui a dit : Hélène, nous ça nous intéresse pas. Nous, on la connaissait pas Marie, on voyait sa tête. On disait, zut, tant pis pour elle, mais on peut pas tout faire. Et puis, elle est revenue à la charge, Hélène.
P. Hermignies : Proposer ce genre de chose, le théâtre, pour nous, c’était ah non. On ne connaissait même pas le théâtre. On n’y allait pas. Du théâtre, jamais d’la vie, on n’y arrivera jamais, à se mettre le texte dans la tête. C’était négatif [30].
21Outre le refus catégorique partagé par l’ensemble des futures comédiennes-ouvrières, l’idée d’un projet qui participe de la lutte, pour laquelle « c’est toujours les mêmes qui se dévouent », est sous-jacente. Membres du bureau de l’association, ces femmes prennent déjà en charge la plupart des activités liées à la mobilisation en cours. Marie Liagre se souvient de cet échange :
C’est même pas qu’elles n’ont pas besoin du théâtre, ce que j’entends, c’est que « théâtre », ce mot qui résonne dans cette salle, tout le monde s’en va. C’est pire que si elles n’en ont pas besoin. C’est juste effrayant et je comprends ce qu’il incarne, la distance qu’il y a entre elles et ce mot. Elles n’y sont jamais allées, elles ont des représentations totalement erronées de ce qu’est le théâtre. Pour elles, c’est la déclamation, les costumes en velours, c’est « il va falloir avoir de la mémoire », c’est tous les clichés. En même temps, je comprends bien [31].
23Hélène Desplanques n’anticipait pas les résistances et comprend progressivement qu’elles ont « peur de ne pas y arriver » : c’est pourquoi elle persévère. Elle propose alors un atelier d’écriture qu’elle considère comme « une étape » et qui permet également à Marie Liagre de se familiariser avec les comédiennes-ouvrières et de se plonger dans leurs histoires. Les premières bases de l’histoire orale de cette lutte tenue par les femmes sont là.
« Il fallait que ce soient elles qui parlent aux autres, c’était pas le truchement de l’intello lilloise »
24En septembre 2015, Marie Liagre et Hélène Desplanques se réunissent donc avec huit des anciennes ouvrières de Samsonite. L’une d’entre elles ne poursuivra pas pour des raisons de santé, mais les sept restantes deviennent, à leurs propres yeux, des comédiennes-ouvrières. Brigitte Petit et Raymonde Dernoncourt insistent sur le travail de restitution de leurs vies, ordinaires et en lutte : c’est d’emblée un récit collectif qui aura été la matière du théâtre.
B. Petit : Elle avait écrit, elle, elle avait écrit la pièce, sa façon d’écrire la pièce de théâtre. Par contre après, on se réunissait et on lui racontait comme on vous raconte maintenant…
R. Dernoncourt : Des anecdotes…
B. Petit : Des anecdotes, elle nous demandait des anecdotes, et comment on l’avait vécu, et ce que Paulette dit quand elle est en face de sa fille, c’est vrai ! Donc on a parlé comme ça et donc après, elle, sur sa pièce, elle a changé des écritures. Et après y’a encore beaucoup de choses qui ont changé jusque pendant les répétitions. […]
R. Dernoncourt : « Racontez-moi ci », « racontez-moi là ».
B. Petit : Alors on racontait, on racontait [32].
26Pour les anciennes ouvrières, ces séances ne sont pas différentes des entretiens que nous réalisons avec elles. Pour Marie Liagre, l’atelier d’écriture lui permet d’imaginer des scènes ; ainsi, lorsqu’elles lui racontent le premier débrayage :
« Ce jour-là, on sort les palettes, on les met dans les bennes, on les fait flamber et il neige. » Et je me dis, ça, c’est une scène qu’on a retranscrite, parce que le feu de la colère et le froid, ça m’a énormément nourrie, moi [33].
28C’est par hasard que les comédiennes-ouvrières découvrent et acceptent de jouer leur propre rôle dans la pièce. Une journaliste assiste aux « écritures », comme les comédiennes-ouvrières appellent ces séances :
B. Petit : On était là, à une écriture. Hélène, elle avait fait venir une journaliste pour montrer comment elle travaillait avec nous, et puis, la journaliste, elle nous regarde et elle fait : « Donc, c’est vous qui allez faire la pièce de théâtre. » Alors on dit : « Ah non, ben non. » Nous, on savait pas encore ! Tout le temps qu’on parlait avec Hélène, qu’on racontait nos histoires, pour nous on lui racontait, mais on savait pas qui allait jouer dedans ! On savait rien ! […] Et puis quand la journaliste elle est venue, qu’elle a dit ça, après on s’est regardé… Ben alors, c’est nous… Bon ben on va essayer et si ça va pas on arrête tout de suite [34].
30Progressivement, Hélène Desplanques reprend son texte et le soumet aux futures comédiennes-ouvrières qui se l’approprient à mesure que les répétitions commencent, au printemps 2016, mais surtout en septembre 2016, tandis que le théâtre de la ville d’Avion – où elles effectueront leur première représentation – est mis à leur disposition :
R. Dernoncourt : Y’avait des mots, on n’avait pas l’habitude.
B. Petit : Elle, elle l’avait vraiment écrit avec ses mots à elle, de Lilloise (rires).
R. Dernoncourt : Y’avait des mots, dans ce sens-là, j’arriverai jamais à le dire… J’essayais, j’essayais, j’y arrivais pas. Tant pis… On arrive pas à le dire comme ça ! « Si t’y arrives mieux dans un autre sens, dis-le dans un autre sens. » Alors, on changeait les mots de place [35].
32De son côté, Hélène Desplanques considère :
Il fallait que ce soient elles qui parlent aux autres, c’était pas le truchement de l’intello lilloise. Ça, il fallait le mettre de côté, et il fallait qu’elles, elles racontent aux autres, directement. C’était le seul moyen, y avait pas de médiation [36].
34Dans le texte élaboré par Hélène Desplanques, il reste une médiation. Certains mots, certaines phrases ne parviennent pas à être réappropriés par les comédiennes-ouvrières. Durant les répétitions, Marie Liagre intervient pour dire à Hélène : « elles peuvent pas le dire comme ça, laisse-les dire à leur façon, des fois ». « Parce que Hélène, elle disait “Mais non, c’est pas écrit comme ça” », explique Brigitte Petit. Habituée à travailler avec des amateurs, Marie Liagre met ses comédiennes-ouvrières en confiance, les encourage systématiquement et, progressivement, elles s’approprient le texte :
R. Dernoncourt : La phrase que j’avais inversée, moi c’était avec l’avocat, quand je dis « tout le monde y passe et puis personne ne pose la question ». Elle, elle l’avait pas écrit comme ça. Elle l’avait inversée, mais moi, inversée, j’arrivais pas à le dire. Après je dis « Ben combien ça va nous coûter, Monsieur Fiodor » et elle, la façon dont elle l’a écrit, j’arrivais pas à le dire. Alors Marie, elle me dit : « Tu le dirais comment, toi ? ». Alors je réfléchis, je réfléchis et puis je dis : « en le disant comme ça, pour moi, ça va mieux ». Alors du coup, je l’ai dit.
B. Petit : Moi, c’est la phrase que je dis… euh… je m’adresse à Aurel et puis je dis : « Vous avez touché à nos salaires, vous avez touché à nos enfants et ça, je ne l’accepterai jamais. » Et elle, elle a marqué : « Vous touchez à nos salaires, à nos enfants » et la phrase d’après, elle dit pas ça Hélène. Et j’ai jamais arrivé à dire ce que, elle, elle avait écrit. Je serais incapable encore aujourd’hui de le dire [37]…
36Ainsi, le projet théâtral semble avoir joué un « triple rôle d’opérateur de légitimité, de levier d’élucidation et d’instrument de déprivatisation [38] », contribuant à une « reprise de puissance (empowerment) des acteurs face à ce qui est, le plus souvent, présenté comme inéluctable [39] ». L’enjeu a bien été de construire des cadres d’écoute et de parole de façon à collectiviser sa propre situation et ainsi de favoriser la « prise de distance » qui « rend possible l’élaboration d’une intelligence collective de la situation et l’inscription de sa propre histoire personnelle dans un récit plus large [40] ». La démarche est donc située entre le passé et le présent. S’il s’est agi de revenir sur le contenu du travail, sur la vie quotidienne et la lutte des ouvrières, l’écriture et/ou la mise en scène ont répondu à une nécessité postérieure à la fermeture de l’usine : faire le deuil d’un passé, sans le renier mais en l’inscrivant dans l’histoire.
Une histoire par le bas de la construction mémorielle
37On n’est pas que des valises ! est une reconstruction mémorielle qui implique autant l’oubli que la mémoire, tout en donnant du sens aux parcours des ouvrières-comédiennes. Pièce de théâtre engagée, cette « épopée de pasionarias des terrils [41] » met en scène les Samsonite en les réinscrivant dans la longue tradition des luttes de mineurs – dont elles sont toutes les filles : elles ont, comme le dit Annie Vandesavel, « cette âme de combattant […], on a vécu dans les combats [42] ». La profession de foi du dossier artistique sur la pièce de théâtre précise que cette lutte est « un symbole fort de l’esprit de résistance et de résilience des hommes et des femmes du bassin minier. Une ténacité, une endurance qui perpétuent l’esprit des grandes grèves menées par leurs grands-parents mineurs. […] [Les Samsonite] tracent un nouveau chemin pour ceux et celles qui refusent de s’avouer vaincus face au rapport de force inégalitaire entre les salariés et les instances financières [43] ». Cependant, si le passé est mis au présent, si des images et des sons se trouvent figés, la fin du récit reste inconnue, la lutte étant toujours en cours sur la scène judiciaire. La fiction théâtrale permet des rapprochements impossibles dans l’expérience ordinaire. Au contraire, l’histoire implique un décentrement du regard et suppose de faire revenir ce que la fiction a oublié. Plus précisément, le recueil de sources orales permet de réaliser une « histoire par le bas [44] », interrogeant non seulement la participation de chacune dans cette construction mémorielle collective, mais également ce qui se trouve laissé de côté par la pièce de théâtre et tout ce qui, apparemment insignifiant, la rend possible.
« Une aventure scénique entre réel et fiction » : la lutte revisitée
38La pièce se structure en « deux intrigues parallèles. Deux trajectoires qui n’ont absolument rien en commun et qui pourtant vont se rencontrer à la fin de l’histoire. Geneviève, fille et petite-fille de mineurs, ouvrière textile qui se fait embaucher par Samsonite, et Mitt Romney, rejeton d’une puissante famille du Massachusetts, créateur et PDG de Bain Capital, le fonds d’investissement propriétaire de Samsonite [45] ». Tandis que la lutte des ouvrières s’intensifie et qu’elles se lancent dans des recours judiciaires, Mitt Romney découvre l’existence de l’usine d’Hénin-Beaumont et du tribunal de Lens. Candidat à l’élection présidentielle états-unienne, il est présenté comme étant embarrassé par la venue d’ouvrières françaises sur son territoire, peu avant un face-à-face avec Geneviève. Avec ce dispositif, la pièce de théâtre incarne le fonds d’investissement et le capitalisme financier, en réalité perçus comme insaisissables par les ouvrières. Du même coup, elle souligne et renforce l’impact de la lutte des ouvrières qui s’immisce dans la vie de Mitt Romney. Finalement, sans considérer que l’un et l’autre sont sur un même pied d’égalité, elle les rapproche :
Deux univers antagonistes cohabitent donc dans la pièce, mais ce qui les relie, au-delà des ramifications opaques de la finance mondialisée, c’est bien la transmission de certaines valeurs. Comment celles-ci influencent notre vision du monde, et déterminent au final notre place dans le monde [46].
40En effet, « entre réel et fiction [47] », il y a également l’enjeu de la transmission, prise en charge dans la pièce par Maeva, petite-fille de Geneviève qui revient régulièrement dans des scènes en duo avec sa grand-mère. La justice, le respect ou l’humanité, certaines des valeurs transmises à Maeva, par le biais de la lutte de sa grand-mère, se situent littéralement à l’opposé de celles qui font la vie de Mitt Romney, également prise dans des enjeux de transmission, ceux du pouvoir et de l’argent. En définitive, la fiction théâtrale rapproche le spectateur ou la spectatrice de Mitt Romney qui se trouve incarné et dont, de ce fait, la toute-puissance se trouve réduite à la médiocrité d’un homme méprisable.
41L’expérience théâtrale a permis de fixer le récit de la lutte et de la solidarité qui la rend possible et que les comédiennes-ouvrières rejouent à chaque représentation. Les entretiens viennent valider ce processus de constitution de la mémoire collective.
J. Romain : [Reparler de tout ça], ça fait quelque chose encore maintenant. C’est toujours à l’intérieur. C’est moins douloureux, mais quand on a fait vingt ans, c’est presque une vie qui était là-bas à l’usine. [Le théâtre,] c’est pour que les gens viennent voir, ils comprennent ce qu’on a vécu et montrer qu’on sait se battre, on s’est pas laissé faire et on continue à se battre. […]. C’est montrer qu’on est des femmes et qu’on se laisse pas faire et que c’est possible de se battre pour essayer d’avoir réparation [48].
43Mais, parallèlement, la pièce éloigne le spectateur et la spectatrice d’éléments centraux dans la lutte, dont la dimension scénique ne peut rendre compte. Ainsi, la structure des Samsonite en association, leur activité quotidienne de récolte de fonds, leurs tentatives de reconversion professionnelle ou encore les multiples recours juridiques entrelacés sont peu explicités, pour laisser place à des scènes très visuelles montrant, par exemple, les ouvrières prenant l’avion.
Les coulisses de la troupe
44Derrière la pièce, il y a une troupe et son quotidien, le « sol raboteux [49] » qui permet de marcher. Réaliser une histoire orale de On n’est pas que des valises ! implique d’aller dans les coulisses pour saisir ce qui rend possible la réalisation du spectacle, voire de la tournée. Outre les ouvrières-comédiennes, une comédienne professionnelle est sollicitée pour jouer le rôle de Geneviève, meneuse des salariées, et un comédien celui de Mitt Romney, tandis que le rôle de Maeva est confié à une enfant. En outre, certains des maris des ouvrières-comédiennes sont présents lors des différentes représentations, comme lors du festival d’Avignon pour lequel la troupe effectue un séjour prolongé. Elles et ils sont alors hébergés dans un lycée des alentours situé à trente kilomètres d’Avignon :
A. Vandesavel : On a été trois bonnes semaines là-bas, mais ça a été vraiment dur physiquement. C’était tous les soirs et quand on avait une journée de repos, on n’avait pas vraiment de repos parce que Marie prévoyait des pièces de théâtre qu’on allait voir. Nous, on est retombées avec nos cousins qui habitent Montpellier, donc on avait été manger avec eux. […] On se demande comment on a fait. Surtout la chaleur [50].
46Chaque soir, elles se produisent à 21 h 50 et le quotidien de la troupe est organisé avec un planning précis. Le soir, elles ne sont pas couchées avant 2 heures du matin – le temps de ranger, d’échanger avec les spectateurs et les spectatrices – et sont habituées à être levées dès 7 heures : « On n’avait pas le même rythme de vie qu’avec les pros, parce qu’ils se couchaient tard, mais ils se levaient très tard, ils se levaient presque au moment du repas de midi », se souvient Annie Vandesavel. Dans ce contexte, la cohabitation entre les ouvrières-comédiennes et les professionnels n’est pas sans friction :
R. Marlière : Y a eu des hauts et des bas. […] Avec les comédiens parce que c’est vrai que nous on se débrouillait pour donner un coup de main et ci et là et eux, bah, y en a ils ne donnaient pas de coups de main. Y a que David qui a fait à manger deux ou trois fois. […] Y a Razane qui a fait aussi une fois à manger… Après ils sont revenus donner un coup de main, ils se sont rendu compte… Il y avait des tensions, c’est un peu logique en étant autant [51]…
48Comme souvent dans les luttes d’ouvrières, réintroduisant par un autre biais la question du genre, il est régulièrement question des « maris » en tant que tels : certains sont de toutes les initiatives de la lutte, participant également aux séjours des ouvrières-comédiennes aux États-Unis. Ils accompagnent, conduisent les minibus et soutiennent leurs femmes. Ils s’impliquent également dans l’aventure théâtrale, faisant répéter le texte de leurs conjointes et bricolant éventuellement sur la scène. Cependant, la présence des maris dans les tournées représente un coût et elle n’était pas évidente au départ, en particulier au moment du festival d’Avignon. Les ouvrières-comédiennes parviennent néanmoins à les imposer, Raymonde Dernoncourt allant jusqu’à conditionner sa participation à la venue de son mari. Tous les maris n’ont pu accompagner leur femme, ce qui a représenté une difficulté supplémentaire pour certaines, comme pour Paulette Hermignies, dont le mari était malade. Pourtant, « heureusement que nos maris étaient là » pour installer les décors ou aller chercher les minibus, explique Raymonde Dernoncourt. Ce sont bien les mots qui disent l’entraide et les tensions, l’amour ou la fatigue, qui restituent le grain et la chair de l’histoire d’une lutte et permettent aussi de la reconnecter aux questions plus générales de l’histoire sociale, comme la division du travail ou les rapports de classe et de genre.
49L’histoire orale permet donc de tirer les fils des émotions, des intentions, des doutes et des rencontres qui ont permis de bâtir le récit théâtral fixant la mémoire de la lutte. L’histoire orale permet de ressaisir ce que la fiction a oublié, effacé ou transformé. Les entretiens restituent l’ordinaire de la vie et éclairent ce que le récit fige – comme la force du collectif –, ce qu’il trouble – comme le temps qui passe –, et ce qu’il laisse de côté – comme les doutes et les tensions. Documenter la fabrique du récit mémoriel ne le défait pas, mais signale sa signification dans l’histoire d’une lutte qui dure à ce jour. Dans la majorité des cas, les ateliers d’écriture et/ou les pièces de théâtre mettant en scène des ouvrières rendent compte de la mémoire de l’usine et de la lutte, tandis que l’issue est connue, le théâtre constituant une façon d’en faire le deuil. Ici, le théâtre ne permet pas ce deuil dans la mesure où la lutte et le projet artistique s’entremêlent. Marie Liagre explique :
Là, on est dans le moment où on doit aborder la descente, c’est dur, franchement, parce que ça y est, elles sont piquées. […] Il y a toujours un genre de baby blues après une création, après des grandes aventures comme ça, mais là, pour tout le monde, moi, elles, l’équipe pro, je pense que ça va être chaud. […] On en parle beaucoup, il y a aussi la question de qu’est-ce que ça veut dire pour elles par rapport à la lutte parce que le fait de se voir tous les mois fait que ça entretient aussi […]. Elles continuent de parler de choses. Quand même, là, le temps judiciaire est en train de s’étirer de façon [52]…
51Que va-t-il advenir « après » ? Le théâtre s’arrêtera-t-il avant ou après l’issue de la procédure judiciaire ? Pour Isabelle Blondel, il est certain qu’Hélène Desplanques « trouvera une nouvelle idée, qu’elle ne les laissera pas tomber », de la même façon qu’elle les a toujours soutenues jusque-là, qu’elle leur a donné d’autres perspectives de lutte que l’attente judiciaire. À ce jour, il nous est impossible d’écrire la fin de l’histoire.
Notes
-
[1]
J. Rancière, « Histoire et récit », L’histoire entre épistémologie et demande sociale, Créteil, IUFM, 1994.
-
[2]
H. Melin et O. Kourchid, « Mobilisations et mémoire du travail dans une grande région : le Nord-Pas-de-Calais et son patrimoine industriel », Le Mouvement social, n° 199, 2002, p. 35-59 ; C. Mortelette, « La patrimonialisation de l’héritage minier dans le Nord-Pas-de-Calais : un outil efficace de réconciliation de la population locale avec son passé ? », Les Cahiers de la recherche architecturale urbaine et paysagère, n° 7, 2020.
-
[3]
Cet article est fondé sur dix entretiens d’une durée globale de vingt-cinq heures.
-
[4]
Ces documents ont été sauvés de la destruction par Audrey Mollis, qui les a récupérés sur le site désaffecté de l’usine, juste avant qu’il ne prenne feu, et les a classés. Ce fonds constitue un premier fonds d’archives.
-
[5]
S. Beaud, « L’usage de l’entretien en sciences sociales. Plaidoyer pour l’“entretien ethnographique” », Politix, n° 35, 1996, p. 226-257 ; E. Morin, « L’interview dans les sciences sociales et à la radio-télévision », Communications, n° 7, 1966, p. 59-73. Dans cet article, Edgar Morin dévalue la pratique de l’entretien qu’il qualifie de « gagne-pain subalterne », de « tâche inférieure dont se déchargent les chefs d’équipe ».
-
[6]
P. Bourdieu, La misère du monde, Paris, Éditions du Seuil, 1993.
-
[7]
D. Cefaï (dir.), L’enquête de terrain, Paris, La Découverte, 2003 ; S. Guth (dir.), Modernité de Robert Ezra Park. Les concepts de l’École de Chicago, Paris, L’Harmattan, 2008.
-
[8]
D. Demazière, « À qui peut-on se fier ? Les sociologues et la parole des interviewés », Langage et société, n° 121-122, 2007, p. 85-100.
-
[9]
K. Borland, « “That’s Not What I Said”: Interpretive Conflict in Oral Narrative Research », in S. N. Gluck et D. Patai (dir.), Women’s Words. The Feminist Practice of Oral History, Londres-New York, Routledge, 1991, p. 63-75.
-
[10]
S. Harding, « Rethinking Standpoint Epistemology. What is “Strong Objectivity” », in L. Alcoff et E. Potter (dir.), Feminist Epistemologies, Londres-New York, Routledge, 1993 ; I. Clair, « Faire du terrain en féministe », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 213, 2016, p. 66-83.
-
[11]
S. Ahmed, The Cultural Politics of Emotion, Londres, Routledge, 2004 ; D. Boquet et D. Lett, « Les émotions à l’épreuve du genre », Clio. Femmes, genre, histoire, n° 47, 2018, p. 7-22 ; B. H. Rosenwein, Emotional Communities in the Early Middle Ages, Ithaca, Cornell University Press, 2006.
-
[12]
M. Charpenel, « Les enjeux de la mémoire chez les historiennes des femmes, 1970-2001 », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 223, 2018, p. 24.
-
[13]
Entretien avec Raymonde Dernoncourt, 15 avril 2019, à son domicile, à Lens.
-
[14]
S. Maurice, « Brigitte Petit, armes et bagages », Libération, 11 mai 2018.
-
[15]
Entretien collectif (Brigitte Petit, Isabelle Blondel, Raymonde Dernoncourt), 22 novembre 2018, au domicile de Brigitte Petit, à Rouvroy.
-
[16]
M. Pollak, « Mémoire, oubli, silence », in Id., Une identité blessée. Études de sociologie et d’histoire, Paris, Métailié, 1993, p. 13-39.
-
[17]
É. Le Port, « Écrire sa vie, devenir auteur. Le témoignage ouvrier depuis 1945 », thèse de doctorat en histoire, sous la direction de N. Hatzfeld, Université d’Évry, 2017.
-
[18]
C. Martin, Les mains bleues. 501 Blues, Lille, Éditions Sansonnet, 2001.
-
[19]
P. Ripoll, Nous ne sommes pas une fiction, Bruxelles, La mesure du possible, 2006.
-
[20]
S. Callet, Adieu cousettes. Paroles de Lejaby, Bellegarde-sur-Valserine, AFLBB, 2012.
-
[21]
N. Burgi, « Exiler, désœuvrer les femmes licenciées », Travail, genre et sociétés, n° 8, 2002, p. 105-122 ; J. Clarke, « Social Exclusion, Creative Writing, and Democracy: The Politics of a Socio-Literary Project in Caen », Contemporary French Civilization, n° 37, 2012, p. 1-22.
-
[22]
C. Ibos et al., « La lutte des Lejaby mise en scènes », Sociologies pratiques, n° 33, 2016, p. 49-58.
-
[23]
Entretien avec Hélène Desplanques, 19 juillet 2019, Toulouse.
-
[24]
Entretien collectif (Brigitte Petit, Isabelle Blondel, Raymonde Dernoncourt), 22 novembre 2018, au domicile de Brigitte Petit, à Rouvroy.
-
[25]
R. Eyerman et A. Jamison, Music and Social Movements. Mobilizing the Tradition in the Twentieth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 1998, p. 46.
-
[26]
Entretien avec Hélène Desplanques, 19 juillet 2019, Toulouse.
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[27]
Entretien collectif (Brigitte Petit, Isabelle Blondel, Raymonde Dernoncourt), 22 novembre 2018, au domicile de Brigitte Petit, à Rouvroy.
-
[28]
F. Gallot, En découdre, comment les ouvrières ont révolutionné le travail et la société, Paris, La Découverte, 2015 ; È. Meuret-Campfort, « Des ouvrières en lutte. Mondes populaires et genre du syndicalisme dans un secteur d’emploi “féminin”. Le cas de l’usine Chantelle à Nantes (1966-2005) », thèse de doctorat en sociologie, sous la direction d’A. Collovald, Université de Nantes, 2014.
-
[29]
Voir le dossier artistique de la pièce : http://atmosphere-theatre.fr/documents/Samsonite/Dossier_artistique_SAMSONITE.pdf.
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[30]
Entretien avec Annie Vandesavel et Paulette Hermignies, 15 avril 2019, au domicile de Paulette Hermignies, à Hénin-Beaumont.
-
[31]
Entretien avec Marie Liagre, 19 juillet 2019, Toulouse.
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[32]
Entretien collectif (Brigitte Petit, Isabelle Blondel, Raymonde Dernoncourt), 22 novembre 2018, au domicile de Brigitte Petit, à Rouvroy.
-
[33]
Entretien avec Marie Liagre, 9 juillet 2019, Toulouse.
-
[34]
Entretien collectif (Brigitte Petit, Isabelle Blondel, Raymonde Dernoncourt), 22 novembre 2018, au domicile de Brigitte Petit, à Rouvroy.
-
[35]
Entretien collectif (Brigitte Petit, Isabelle Blondel, Raymonde Dernoncourt), 22 novembre 2018, au domicile de Brigitte Petit, à Rouvroy.
-
[36]
Entretien avec Hélène Desplanques, 19 juillet 2019, Toulouse.
-
[37]
Entretien collectif (Brigitte Petit, Isabelle Blondel, Raymonde Dernoncourt), 22 novembre 2018, au domicile de Brigitte Petit, à Rouvroy.
-
[38]
A. Bergeron et B. Doray, « Les “privés d’emploi’’ : la culture pour miroir », Ethnologie française, vol. 35, no 4, 2005, p. 650. Le terme est emprunté à Yves Clot qui parle de la « déprivatisation du vécu du chômage » et considère qu’il s’agit de « l’un des ressorts d’une réappropriation de soi » (Y. Clot, « Sortir de soi. Travail, chômage et action collective », Intervention au colloque « Chômage et action collective », 30 et 31 mars 1999).
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[39]
Ibid.
-
[40]
Ibid.
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[41]
Dossier artistique de On n’est pas que des valises !.
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[42]
Entretien avec Annie Vandesavel et Paulette Hermignies, 15 avril 2019, au domicile de Paulette Hermignies, à Hénin-Beaumont.
-
[43]
Dossieur artistique de la pièce.
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[44]
E. P. Thompson, « History from Below », Times Literary Supplement, 7 avril 1966, p. 279-280.
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[45]
Entretien avec Hélène Desplanques, dossier artistique de On n’est pas que des valises !.
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[46]
Ibid.
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[47]
Ibid.
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[48]
Entretien avec Josiane Romain, 15 avril 2019, à son domicile, à Hénin-Beaumont.
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[49]
L. Wittgenstein, Investigations philosophiques, Paris, Gallimard, 1961, p. 107-108.
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[50]
Entretien avec Annie Vandesavel et Paulette Hermignies, 15 avril 2019, au domicile de Paulette Hermignies, à Hénin-Beaumont.
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[51]
Entretien avec Isabelle Blondel et Renée Marlière, 14 avril 2019, au domicile d’Isabelle Blondel, à Hénin-Beaumont.
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[52]
Entretien avec Marie Liagre, 19 juillet 2019, Toulouse.