Couverture de LMJ_144

Article de revue

Nécrologie

Pages 27 à 30

Alexandre Persitz

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2Le 15 juillet dernier est décédé à Paris, après une courte maladie, Alexandre Persitz, architecte qui, en collaboration avec G. Goldberg et L. Arretche, a conçu, puis construit à Paris le « Memorial du Martyr Juif Inconnu ».

3Alexandre Persitz était tout indiqué pour apporter une contribution très importante à la réalisation de ce remarquable édifice et, en particulier, de la crypte d’une beauté sobre et profondément impressionannte dans la pureté et l’harmonie de lignes d’un goût parfait.

4En effet, le défunt a intensément vécu le drame du judaïsme européen depuis l’avénement de l’hitlérisme et ce drame l’a profondément et définitivement marqué. D’autant plus profondément que par son milieu familial il était déjà solidement attaché aux traditions juives et rien ne le laissait indifférent dans ce qui touchait à la vie juive.

5Né en 1910 à Moscou, le Jeune Alexandre s’est trouvé en Allemagne où s’était réfugiée d’abord sa famille à la suite de la révolution, puis en France où il a fait ses études au Collège de l’Ile-de-France et au lycée Janson-de-Sailly à Paris. En 1935 le jeune homme dynamique et plein de talent, est diplômé de l’Ecole Spéciale d’Architecture de Paris et il est major de sa promotion. En 1939 il est mobilisé et en 1940 il est fait prisonnier et emmené en Allemagne. Cependant, en automne 1941 il est rapatrié pour raisons de santé et il se réfugie en zone non-occupée, à Nice, où il se marie et où le jeune couple mène l’existence classique des Juifs de cette époque avec ses tracasseries, ses humiliations, ses risques quotidiens de malveillance et de délation au milieu de la vie clandestine exigeant des dépenses de trésors d’énergie pour déjouer les pièges tendus à chaque pas.

6Le 22 mars 1944 Alexandre Persitz et sa femme sont arrêtés à Nice, transférés à Drancy et le 13 avril 1944 tous deux sont déportés à Auschwitz. A l’arrivée, ils ont la chance, tous deux de passer au travers de la « sélection » et désormais ils mènent, chacun de son côté, l’existence misérable et terriblement éprouvante du camp de Birkenau.

7En octobre 1944 Alexandre Persitz est transféré de Birkenau au camp de Dachau, où son calvaire dure jusqu’au mois d’avril 1945 quand, chargé dans un train avec ses camarades, il est entraîné dans les folles aventures des « évacuations » des derniers jours de la guerre. Leur train est bombardé par l’aviation alliée et dans le désordre qui s’en suit, Alexandre Persitz s’évade et le 15 mai 1945 il est à Paris. Mme Persitz, de son côté, est restée à Birkenau jusqu’au 18 janvier 1945, a vécu l’épouvantable épreuve de évacuation » à Ravensbrück où elle fut libérée. Les époux venant par deux convois tout à fait différents, arrivent à Paris le même jour et se retrouvent à l’Hôtel Lutetia, dans la foule de ce lieu de rassemblement des déportés rapatriés !

8Ainsi Alexandre Persitz a vécu pleinement, directement le drame des Juifs.

9Homme très sensible, artiste supérieurement doué et raffiné, il a vécu ce drame peut-être encore plus douloureusement que certains de ses camarades affrontés avec la cruauté et la laideur, le cynisme et la brutalité zoologique des camps de concentration.

10Il a gardé pour toujours les souvenirs de ces épreuves. Elles ont, sans doute, contribué à faire de lui un fervent partisan de l’Etat d’Israël, bâtisseur (avec G. Goldberg et L. Arretche) du « Mémorial du Martyr Juif Inconnu », auteur d’une étude sur l’architecture des synagogues et bâtisseur, avec son associé A.G. Héaume, de la synagogue sépharade Don Isaac Abravanel à Paris. Cependant, la brillante réussite professionnelle de cet architecte remarquable et aux idées d’avant-garde n’a pas pu lui faire oublier les tourments de son passé concentrationnaire.

11Alexandre Persitz était rédacteur en chef de la revue « Architecture d’Aujourd’hui » (1949-1965), il a publié de nombreuses études sur l’architecture contemporaine et il a réalisé, avec A.G. Heaume, une multitude de constructions telles les logements sociaux, 20 immeubles dont le « Méridien de Paris », la chapelle St-Joseph des Epinettes à Paris, des écoles, des stades, des usines, des laboratoires, des bureaux ; sous la direction d’Auguste Perret il a collaboré à la reconstruction du Havre (Place de l’Hôtel de Ville) et, en collaboration avec J. Rampal, à la construction du stade, de la Poste Centrale et de l’Aérogare de Nouméa (Nouvelle-Calédonie).

12Sa biographie Figure à la page 365 du volume 3 de l’« Encyclopaedia Judaica » dans l’article intitulé « Les Architectes ».

13C’est un homme hors série, généreux et passionné qui nous a quittés.

14Nous adressons à sa veuve et à ses deux fils nos condoléances très émues.

15Le Comité Exécutif du Mémorial du Martyr Juif Inconnu,

16Le Comité Exécutif du Centre de Documentation Juive Contemporaine,

17Le Monde Juif.

18G. WELLERS.

Georges Goldberg

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19Georges Goldberg, notre architecte, notre ami, n’est plus. Il a disparu avec cette discrétion, ce sens de la mesure qui ont caractérisé toute sa vie et tous ses actes.

20Tous ceux qui l’ont connu, tous ceux qui l’ont rencontré ne fusse qu’un court instant, ont gardé ineffaçable le rayonnement de sa personnalité discrète, énergique et si vivante. Son sens de l’humanité, de l’amitié, sa conscience du devoir dans quelque domaine que ce soit, sa rigueur morale ne pouvaient échapper à personne.

21Né le 22 avril 1908 à Varsovie, Georges Goldberg est venu vers l’âge de 13 ans en France où, après un court séjour à Nancy, il a fait ses études au lycée Hoche de Versailles. Après ses études secondaires, il est admis à l’Ecole des Arts Décoratifs qu’il termine brillamment et se lance dans sa carrière d’architecte.

22En 1939, il est engagé volontaire et fait une guerre brillante mais hélas, comme la plupart d’entre nous, courte et il est interné militaire en Suisse avec tout son régiment.

23Après la guerre ‚il participe aux travaux de la reconstruction puis il entreprend de rénover, dans la mesure de ses moyens, le métier d’architecte pour introduire des techniques et des méthodes nouvelles qu’il essaie de faire accepter en France en particulier. Sa réputation et son prestige ne cessent de grandir. Lorsque la création du monument au Martyr Juif Inconnu a pu enfin être décidée, il a été l’un de ceux qui ont le mieux compris Isaac Schneersohn et a su présenter avec son ami Persitz un projet pour le mémorial qui a séduit le Comité chargé d’ériger ce monument.

24Son dévouement à réaliser ce mémorial dans les meilleures conditions artistiques mais aussi financières, son acharnement à surveiller tous les détails de la construction ont été à l’origine indiscutablement de la réussite de cette œuvre architecturale.

25Georges Goldbrg joignait au sens pratique de l’architecte des qualités artistiques de très haute valeur et une conscience professionnelle exceptionnelle.

26C’était un homme de devoir mais aussi un homme aux idées larges et défendant le droit et la justice envers et contre tous. Toute injustice de quelque nature qu’elle fut le révoltait et soulevait en lui une fureur et une réaction qui, quoique brutales étaient toujours saines et marquées de la plus réelle équité.

27Il formait avec sa femme un couple idéal. Leur hospitalité, la gentillesse de leur accueil, la profondeur de leur conversation faisaient l’enchantement d’innombrables amis qu’ils recevaient chez eux, tant à Paris que dans leur propriété en Suisse.

28Mais cet homme qui, en plus des activités professionnelles se battait contre toutes les injustices, contre tous les sectarismes avait trop présumé de ses forces et son cœur n’a pas résisté à la vie d’engagement total qu’il avait choisie. Il a disparu brutalement à la suite d’une crise cardiaque, le 24 juillet 1975.

29Sa disparition représente pour tous ses amis, pour tous ses collaborateurs, pour tous les gens qui l’ont connu une perte dont la sensation ne cesse de grandir.

30Puisse sa femme trouver auprès de nous le réconfort de savoir combien nous partageons tous sa peine.

31Puisse Georges reposer en toute tranquillité dans l’au-delà qu’il a mérité.

32Boris SCHNEERSOHN.

33« Le Monde Juif » et les institutions du Mémorial du Martyr Juif Inconnu présentent leurs condoléances à la famille de Georges Goldberg.

Mendel Mann n′est plus

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34Les lettres et la presse juives viennent de subir une lourde perte par le décès prématuré de Mendel Mann, l’écrivain yiddish connu bien au-delà de nos milieux.

35Né en Pologne pendant la première guerre mondiale, il débuta très tôt en publiant un volume de vers et en collaborant à diverses revues littéraires à Varsovie. C’est là qu’il fut surpris par la conflagration de 1939 et, réussissant à franchir les lignes allemandes, il se réfugia à Brest-Litovsk d’où on le conduisit au fin fond de la Russie. Mobilisé dans l’armée soviétique, il y gagna le grade d’officier et fit partie des premières unités qui pénétrèrent à Berlin en 1945, voyant de près la débâcle militaire et morale des Allemands qu’il décrivit, par la suite, avec une acuité mémorable.

36Mendel Mann ne retourna que pour peu de temps en Pologne où il participa à la si brève reconstruction de la vie juive. Le livre de vers qu’il y publia fut le premier ouvrage yiddish paru après le génocide qui avait englouti tous les membres de sa famille. Puis il quitta son pays natal à pied, traversa les Carpathes, fit un séjour à Regensbourg et, en 1948, gagna Israël.

37Installé, en plein bled, dans un village arabe abandonné, il maintient le contact avec cette terre qui devient sienne et avec les nouveaux immigrants venus l’habiter. Sa carrière littéraire renouvelée s’ouvre par un livre au titre révélateur : « Terre réveillée ». Ce recueil de récits est bientôt suivi par un autre, puis par un roman — tous consacrés à la Jeune vie israélienne.

38Auteur extraordinairement fécond, il ajoute à ses narrations inépuisables du pays biblique, celles de ses expériences européennes dont sa trilogie de guerre fourmillant de faits saisissants inconnus jusqu’alors qui le révéla au public des deux mondes.

39Mendel Mann était le plus authentique représentant de la pléïade d’écrivains yiddish, échappée au massacre, qui ait su capter les nouveaux courants mondiaux tout en gardant intacte sa propre identité. Son talent de conteur, sa connaissance de la littérature universelle joints à son profond attachement à la culture juive, en firent un auteur de plus en plus apprécié. Très au fait de l’actualité, il ne lui sacrifia pourtant nullement l’essentiel, le durable.

40C’est ainsi que, devenu il y a une dizaine d’années, rédacteur en chef du parisien « Unzer Wort » — le seul quotidien yiddish paraissant en Europe — il nous gratifiait de ses brillants et ardents éditoriaux dont certains sont des modèles du genre.

41En cette veille de Roch-Hachanah, plusieurs centaines de ses amis et lecteurs accompagnèrent l’écrivain à son avant-dernière demeure, car il sera Inhumé prochainement en Israël. Comme le défunt en avait exprimé le désir, il n’y eut pas d’oraison — et c’était bien ainsi. L’œuvre de Mendel Mann parlait pour lui à chacun de nous et continuera à témoigner, d’autant que son précieux message n’est certainement pas encore publié dans sa totalité.

42Isaac POUGATCH.


Date de mise en ligne : 04/01/2021

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