Couverture de LMJ_122

Article de revue

Trois documents d’Auschwitz-Birkenau

Pages 19 à 37

Notes

  • (1)
    Le titre est de l’auteur anonyme. Il a exprimé le désir de voir ses écrits publiés sous ce titre.
  • (2)
    C’était la liquidation définitive des ghettos en Haute-Silésie : à Bendzin et à Sosnowiec (début du mois d’août 1943). A cette déportation (environ 20.000 personnes) ont participé les SS du camp d’Auschwitz-Birkenau. 90 % des déportés ont été tués immédiatement dans les chambres à gaz. Dans l’ordre du commandant du camp°31/43 du 6 août 1943, nous lisons : « Les SS qui ont pris part à la liquidation des ghettos à Sosnowiec et à Bendzin ont droit à un jour de repos ».
    N.E. Garfinkiel, Zaglada Zydow Sosnowca (polonais ; L’Extermination des Juifs de Sosnowiec), Katowice 1946, p. 59.
    D. Czech, Le calendrier des événements au camp, publié dans « Zeszyty Oswiecimskie » (polonais : « Les Cahiers d’Auschwitz »), N° 4, pp. 122-125.
  • (3)
    L’auteur emploie le terme « le bunker » pour désigner la chambre à gaz. Le commandant du camp d’Auschwitz-Birkenau, Rudolf Hoess, fait d’ailleurs de même dans ses mémoires (Les souvenirs de Rudolph Hoess, Varsovie 1956, p. 184).
  • (4)
    Au cours des mois de mai-septembre 1944, on a exterminé à Auschwitz-Birkenau environ quatre cent milles juifs hongrois (« Aktion Hoess »).
  • (5)
    C’était en 1944.
  • (6)
    Le crématoire I (construit en 1941) était au camp Auschwitz I (Stammlager). A Birkenau il y avait les crématoires II, III, IV et V. L’auteur commence à énumérer les crématoires seulement à partir du camp de Birkenau, d’où son erreur. Le crématoire qu’il appelle I est en réalité II et ainsi de suite.
  • (7)
    Erich Muhsfeld (1913-1947), chef du crématoire à Maïdanek et ensuite à Auschwitz-Birkenau. Boulanger de profession, membre du N.S.D.A.P. depuis 1933, membre de la SS depuis 1940. Décoré en 1944 de la Croix du Mérite de deuxième classe. Condamné à mort en 1947 par le Tribunal National Suprême de Pologne.
  • (8)
    Il s’agit d’un des nombreux camps de travail obligatoire de Haute-Silésie pour les Juifs (Judenlager, Julag). Le 12 novembre 1943 par exemple on y a amené un convoi de Juifs d’un camp de travail. On n’a laissé au camp que cent-quatre-vingt-dix femmes tous les autres ont été tués dans les chambres à gaz.
  • (9)
    De la région d’Auschwitz ou plus largement : de la région de Cracovie ou de Katowice.
  • (10)
    L’auteur parle ici vraisemblablement de deux convois de Juifs hollandais arrivés à Auschwitz le 17 novembre 1943. Le premier (1.150 persones) est venu du camp de Hortogenbosch (Hollande), l’autre (995 personnes) du camp de Westerbork. De ce dernier convoi on a tué dès l’arrivée 531 personnes.
    Après cette date il n’y eut plus de convois des Pays-Bas en 1943. Au total en 1943 il y avait eu seize convois de Juifs hollandais à Auschwitz-Birkenau.
  • (11)
    Voir la note 3.
  • (12)
    90.000 Juifs environ ont été déportés de Slovaquie au camp d’Auschwitz-Birkenau.
  • (13)
    Voir la note 3.
  • (14)
    Au mois de septembre 1942, à la suite de la liquidation du ghetto de Tarnow, huit mille Juifs ont été déportés au camp d’Auschwitz-Birkenau.
  • (15)
    Camp d’internés de Vittel (France). En 1943 on a acheminé sur Vittel les Juifs possédant des passeports de pays neutres (d’Amérique du Sud, etc.) : nombreux étaient les personnes venant du ghetto de Varsovie. Parmi eux se trouvait le grand poète I. Kacenelson (1886-1944), l’auteur du « Chant du peuple assassiné » (écrit justement à Vittel) et M. Fridman, rabbin de Bayonne (de nationalité turque). Le 17 avril, la Gestapo les a transférés de Vittel à Drancy, d’où le 29 avril 1944, ils furent tous déportés à Auschwitz- Brikenau. Le convoi est arrivé au camp le 1er mai 1944. (Dr. H. Zajdman, le Journal du ghetto de Varsovie (yiddish), Buenos-Aires, 1947, p. 232. L’auteur dit que le rabbin Fridman a disparu « après l’arrestation par les nazis, sans laisser de traces »).
  • (16)
    « Schmai Israël » (hébr. Ecoute Israël !). Les premiers mots d’une prière juive. Les Juifs, au cours des répressions et pogromes, allaient à la mort en disant cette prière.
  • (17)
    Otto mon, chef des crématoires à Auschwitz-Birkenau. Auteur du « Plan Moll ». C’était une opération à la suite de laquelle il n’y aurait aucune trace des détenus, des bâtiments et en particulier des installations d’extermination (chambres à gaz et crématoires). Son plan n’a pas été réalisé, parce que les résistants d’Auschwitz l’ont découvert et l’ont fait connaître à l’aide de l’Agence Reuter. O. Moll a été décoré (au mois d’avril 1942, ainsi que R. Hoess) de la Croix du Mérite Militaire de deuxième classe.
  • (18)
    Voir la note 3.
  • (19)
    A la suite de la liquidation du ghetto de Przemysl (2-4 novembre 1942), 5.500 Juifs environ ont été déportés à Auschwitz-Birkenau.
  • (20)
    Voir la note 3.
  • (21)
    Il s’agit ici du camp de travail (non du fameux camp d’extermination) de 2.500 Juifs, constitué par les Allemands en juin 1940. C’était des travaux de fortifications à la frontière russo-allemande de l’époque (SS-Grenzsicherungs-Baukommando). Le régime de ce camp était un régime de terreur.
    Le camp d’extermination de Belzec (voïvodie de Lublin) a fonctionné de mars 1942 à mars 1943. 700.000 personnes y ont péri, presque uniquement des Juifs. Le camp de la mort se trouvait dans la même localité que l’ancien camp de travail.
  • (22)
    Il ne s’agit pas seulement de la ville de Lublin, mais de tout le district de Lublin.
  • (23)
    Par analogie avec Lublin.
  • (24)
    On croyait ainsi à l’époque. En réalité on les tuait à Belzec dans les chambres à gaz.
  • (25)
    Trawniki (voïvodie de Lublin). Camp de travail, constitué par les SS fin juin 1941. En 1942 il y avait là environ 10.000 Juifs polonais, hollandais, russes, allemands, tchécoslovaques, autrichiens. Au début de novembre 1943 ils furent tous fusillés (« Aktion Erntefest »).
  • (26)
    Camp de concentration et d’extermination de Maïdanek. Ce camp fonctionna à partir de l’automne 1941 jusqu’au mois de juillet 1944. 360.000 personnes environ y ont été assassinées, dont 130.000 Juifs de Pologne, de Tchécoslovaquie, d’Allemagne, d’Autriche, etc.
  • (27)
    Maïdanek fut au début un camp de prisonniers de guerre russes. Il portait même le nom de : « Kriegsgefangenenlager ».
  • (28)
    Ici « le bloc » signifie une baraque.
  • (29)
    Mauthausen (Autriche, près de Linz), camp de concentration nazi (1938-mai 1945). Nombre global de détenus : 150.000.
  • (30)
    Gross-Rosen (Pologne), camp de concentration nazi (1940-février 1945). Nombre global de détenus : environ 125.000, nombre de morts : 40.000 environ.
  • (31)
    Il s’agit ici du mouvement international de Résistance dans le commandement duquel les détenus polonais jouèrent un rôle dominant. Ce mouvement a commencé à se former au printemps 1943, sur la base de divers groupes nationaux de résistance.
  • (32)
    Il s’agit ici évidemment des crématoires IV et V dans lesquels travaillaient à l’époque 325 détenus (dans le crématoire IV - 169 dans le crématoire V - 156). D. Czech, Kalendarz wydarzen obozowych (Le calendrier des événements au camp), Zeszyty Oswiecimskie N° 7, p. 91.
  • (33)
    Les nazis.
  • (34)
    Le 14 octobre 1944, il y avait à Auschwitz-Birkenau environ 94.000 détenus. Auschwitz I - 13.000, Auschwitz II (Birkenau) - 49.000, Auschwitz III - 32.000.
  • (35)
    Ils vont se battre avec les SS.
  • (36)
    L’auteur veut dire que dans aucun camp de concentration et d’extermination, il n’y eut des révoltes armées des détenus. C’est vrai pour Dachau, Mauthausen, Bergen- Belsen, Maïdanek et beaucoup d’autres camps, mais l’auteur ne savait pas, à, l’époque, que les détenus juifs avaient aussi organisé des révoltes armées dans les camps de Treblinka II (2 août 1943) et de Sobibor (14 octobre 1943).
  • (37)
    C’est—à-dire au camp de Maïdanek qui se trouvait dans un faubourg de Lublin. (Dans les documents allemands Maïdanek est. présenté comme K.L. Lublin).
  • (38)
    Il s’agit ici, toujours, des crématoires IV et V (40). Justement au crématoire IV l’état—major du groupe de combat du Sonderkommando délibérait le 7 octobre 1944 a midi, lorsqu’il fut surpris par un détenu allemand, de droit commun, qui menaça de dénoncer ses membres. Ils tuèrent le délateur, retirèrent les armes cachées et se jettèrent sur les SS. Ils incendièrent le crématoire IV à l’aide de grenades et explosifs. Une partie des détenus de ce commando (59 B) s’échappa et atteignit le bois voisin.
  • (39)
    Voir note 38.
  • (40)
    Les crématoires II et III. Les détenus du crématoire II (commando 57 B) ont attaqué alors l’obercapo (un Allemand) et l’ont jeté dans le four crématoire allumé. Ils ont désarmé et tué deux SS.
  • (41)
    Le 7 octobre 1944, outre l’oberkapo, ont été tués: Rudolph Erler, Willy Freese et Joseph Purke (tous avaient le grade de l’Unterscharführ SS).
    Les détenus du commando du crématoire II ont coupé les barbelés et se sont évadés. Les détenus des crématoires III et IV n’ont pas pu participer à l’acton parce que les SS ont maîtrisé la situation à ces endroits.
  • (42)
    Le commandant du camp a organisé la chasse aux évadés. Ces derniers se barricadèrent dans une étable à Rajsk (3 km de Birkenau). Les SS incendièrent l’étable et assassinèrent les détenus. Au cours du combat 250 détenus environ du Sonderkommando sont morts.
  • (43)
    Jankiel Handelsman-Snopek, né le 30 août 1908 à Lipsko (Pologne), en 1931 il avait émigré de Radom à Paris. Militant de la Résistance, arrêté en janvier 1943, déporté de Drancy le 2 mars 1943. (C.D.J.C. Liste de déportation N° 49, p. 17).
  • (44)
    Le 10 octobre 1944 les autorités du camp arrêtèrent quatorze détenus du Sonderkommando (parmi eux était J. Hendelsman) suspects de participer à la révolte. On les enferma dans les bunkers du bloc II. Tous les prisonniers sont morts à la suite de tortures.
  • (45)
    L’auteur a écrit la date deux fois : 10 octobre 10-10-44. Le mot « octobre » est écrit en polonais.
    Zelman Lewental, déporté du ghetto de Ciechanow (Pologne) est arrivé à Auschwitz-Birkenau le 10 décembre 1942.
  • (46)
    C’est-à-dire aux détenus du Sonderkommando.
  • (47)
    Joseph Dorembus (« Warszawski Joseph »), né le 27 juillet 1906 à Zyrardow (Pologne). Jusqu’à 1931 à Varsovie, ensuite à Paris. Dans les années 1939-1940 volontaire dans l’armée française, il lutte contre les Allemands. Rentré en 1940 du camp de prisonniers de guerre, militant syndicaliste et résistant. Arrêté en janvier 1943, déporté du camp de Drancy à Auschwitz-Birkenau le 2 mars 1943 (C.D.J.C., Liste de déportation N° 49, p. 9).
  • (48)
    L’auteur entend par « les civils » les non-détenus d’Auschwitz-Birkenau.
  • (49)
    Plutôt : des millions d’hommes
  • (50)
    C’est-à-dire dans les chambres à gaz et dans les crématoires à Birkenau où on exterminait en masse les hommes de tous les pays occupés par le Troisième Reich.
  • (51)
    L’auteur (numéro matricule A-3076) est arrivé au camp au mois de mai 1944).
  • (52)
    L’évacuation des détenus a commencé au mois d’août 1944 et elle dura jusqu’au 18 janvier 1944. Le camp a été libéré le 27 janvier 1945.
  • (53)
    C’est-à-dire le camp Auschwitz I (Stammlager).
  • (54)
    L’auteur a déformé le nom de l’auteur du journal que nous publions ci-dessus: Zelman Lewental.

1Voici des extraits de deux journaux et d’un témoignage de trois détenus juifs, membres du Sonderkommando d’Auschwitz-Birkenau. Ils brûlaient dans les fours crématoires les corps des personnes assassinées dans les chambres à gaz, dans les années 1943-1944.V

2Les auteurs des deux journaux, écrits dans le camp même dans la langue yiddish, sont des Juifs polonais : l’un est un anonyme, l’autre c’est Zelman Lewental de Ciechanow. Le témoignage est dû à un rescapé d’Auschwitz, M. Dow Paisikovic, né en 1924 à Pakowce (Tchécoslovaquie). C’est un Juif hongrois qui demeure aujourd’hui en Israël. Paisikowic a écrit son témoignage en octobre 1963, à Vienne, en langue allemande.

3Le journal de l’auteur anonyme fut déterré à Auschwitz au mois de novembre 1953, tandis que le journal de Lewental ne le fut qu’en 1962, tout près du crématoire III à Birkenau.

4L’original du premier journal se trouve aux archives de l’Institut Juif d’Histoire à Varsovie ; celui du deuxième, au Musée d’Etat à Auschwitz Birkenau.Le témoignage de Paisikovic se trouve aux archives du Centre de Documentation Juive Contemporaine à Paris.

5Etant donné les dimensions restreintes de notre revue, nous ne publions ici que des extraits de ces trois documents uniques en leur genre. Nous avons choisi des fragments de chacun d’eux pour obtenir le tableau de ce que fut le camp d’Auschwitz-Birkenau dans le procès d’extermination des Juifs d’Europe occupée par les nazis. Nous avons voulu en particulier reconstituer l’histoire, insuffisamment connue, de l’héroïque révolte armée des Juifs du Sonderkommando, le 7 octobre 1944.

6Les deux journaux et le témoignage comprennent des données très intéressantes sur l’extermination à Auschwitz-Birkenau des Juifs amenés de différents pays : de France, de Pologne (région Zichenau, Haute-Silésie, district de Cracovie, du ghetto de Lodz, etc.), des Pays-Bas, de Hongrie (« Aktion Hoess »), de Belgique, de Grèce, d’Italie, de Yougoslavie, etc. En outre, ces textes présentent une documentation sur le comportement digne des Juifs en face de la mort, ils contiennent le récit des actes de résistance en général, et en particulier ils nous représentent le processus de l’héroïque révolte du Sonderkommando. Nous y trouvons des détails concernant les préparatifs et le déroulement de cette révolte, grâce à des témoignages oculaires de cet exploit incomparable, ceux des membres du Sonderkommando. Ils citent les principaux organisateurs et les chefs de cette révolte. Il ne fait aucun doute, à la lumière de ces documents, que ce sont des détenus juifs qui ont organisé le seul exploit armé au camp d’Auschwitz Birkenau, le plus grand camp de concentration international, camp d’extermination en masse. Il en résulte aussi que l’organisation clandestine du Sonderkommando coopérait avec l’organisation générale de résistance du camp, et que cette collaboration était plutôt unilatérale. Le Sonderkommanda livrait aux camarades de l’organisation générale de résistance, dirigée principalement par des détenus polonais, des renseignements sur les convois arrivés au camp et sur le nombre de tués dans les chambres à gaz, pour être transmis au monde libre. De plus, le Sonder procurait les moyens matériels (dollars, livres sterlings, or, pierres précieuses, etc.) pour les besoins de la résistance dans le camp et hors du camp. L’organisation générale de résistance proclama une révolte de tous les détenus, mais elle ajourna à plusieurs reprises la date de son déclenchement. Le Sonderkommando en voulait aux chefs de cette organisation parce qu’il ne pouvait plus attendre. Sa situation était devenue de jour en jour plus tragique, seule une révolte générale pouvait les sauver. Ils savaient bien que, même à la veille de la libération du camp, les S.S.ne manqueraient pas de les tuer tous ; ils étaient les derniers témoins oculaires de leurs crimes de génocide. Voici les raisons pour lesquelles les uns temporisaient et tiraient en bas, tandis que les autres étaient plus empressés.

7Dans les trois documents, et en particulier dans les deux journaux, nous observons le drame de conscience des membres du Sonderkommando, la discorde entre la voix du cœur et de l’âme d’un côté, et la condition forcée due aux nazis, de l’autre côté.

8Ces trois documents témoignent avec force que, même à l’ombre des chambres à gaz et des fours crématoires, les hitlériens ne sont pas arrivés à tuer dans l’homme sa dignité et son esprit de résistance. Les Allemands n’ont pas pu tuer en eux l’Homme et délivrer la Bête. Les documents conservés et l’héroïque révolte du 7 octobre 1944 en sont les meilleures preuves.

9Le premier journal (celui de l’auteur anonyme : « Du fond de l’abîme du crime » a été publié dans les « Bleter far Geschichte » (revue de l’Institut Juif d’Histoire à Varsovie), tome VII, cahier I du 12 avril 1954 (pp. 100-107). Les extraits du deuxième journal ont été publiés dans le « Bulletin de l’Institut Juif d’Histoire », n° 65-66 de janvier-juin 1968. Le témoignage de Dow Paisikovic, qui se trouve aux archives du C.D.J.C. (doc. CCLXI-37-0), a été mis à la disposition de Léon Poliakov pour son livre « Auschwitz » (collection Archives, Julliard, 1964, pp. 159-171).

Du fond de l’abîme du crime [1]

10(Chronique du Camp d’A USCHWITZ-BIRKENAU)

Cas particuliers

11Des convois de Bendzin, Sosnowiec [2] sont arrivés. Parmi les nouveaux venus il y avait un rabbin âgé. Comme ils étaient de la région proche, ils savaient tous qu’ils allaient à la mort. Le rabbin est allé au vestiaire et après au bunker [3] en chantant et dansant. Il a obtenu la grâce de mourir au nom de sa religion (« kidousch haschem »). (…)

12Deux Juifs hongrois [4] ont demandé à quelqu’un du Sonderkommando s’ils devaient se confesser ? Sur sa réponse affirmative, ils ont ouvert une bouteille de vodka et ils se sont mis à boire « à la santé ». Ils ont obligé l’homme du Sonderkommando à boire avec eux. Lui, il était confus au fond et ne voulait pas boire. Ils ne voulaient pas le laisser tranquille. « Toi, tu dois venger notre sang, tu dois vivre et pour cela… à votre santé ! ». Ils lui ont présenté longtemps leurs meilleurs vœux. « Nous te comprenons… » Il but avec eux et fut ému à en pleurer. Il courut vers le bâtiment où on brûlait les cadavres et, là-bas, durant de longues heures, il pleura à chaudes larmes. « Camarades ! Il suffit de brûler les Juifs, détruisons tout et allons tous à la mort (« kidousch haschem » ! » (…)

13C’était à la mi-été [5]. On avait amené 200 garçons juifs hongrois à fusiller. Ils se sont déshabillés entièrement dans la cour du crématoire I [6]. Ils avaient tous, à travers la tête, une raie rasée. L’Oberscharführer Muhsfeld [7], le bourreau, arriva et leur ordonna de se rendre au crématoire II. Entre les deux crématoires il y avait une chaussée longue de 60 mètres environ ; elle passait près de la route.

14Il fit former la haie à tous les membres du Sonderkommando pour ne pas laisser les garçons se dissiper. On les pressait, tous nus, en les battant de coups de bâtons sur la tête, comme des moutons. Les rabatteurs étaient le chef du commando (Kommandoführer) et le capo allemand. A l’autre bout, on les poussait dans une petite pièce, où on les entassait. Puis on les en retirait l’un après l’autre pour les fusiller (…)

15On a amené d’un camp [8] un groupe de Juifs amaigris et exténués.

16Ils se sont déshabillés dans la cour. Ils allaient les uns après les autres à l’exécution. Ils étaient terriblement affamés, il suppliaient qu’on leur donne un morceau de pain, prouvant qu’ils étaient encore en vie. On apporta beaucoup de pain. Tenaillés par une formidable faim de loup, ils avaient les yeux ternes et éteints ; maintenant, leurs yeux se ravivaient et brûlaient d’un feu sauvage et d’une joie folle. Ils saisissaient à deux mains un morceau de pain, l’avalant avec avidité, puis montaient l’escalier pour se rendre directement à l’exécution. Ils étaient tellement étourdis d’avoir obtenu enfin du pain qu’ils ont moins souffert de la mort. Voilà comment le nazi sait assomer les hommes et s’emparer de leurs âmes.

17Il faut souligner que ces hommes sont tous venus, il y a quelques semaines à peine, de chez eux, de leurs maisons (…)

18C’était vers la fin de 1943. On a amené 164 Polonais de la région [9], il y avait parmi eux 12 jeunes filles. Elles étaient toutes membres d’une organisation clandestine. Quelques S.S. de haut grade sont aussi arrivés. En même temps on a amené pour les exterminer dans les chambres à gaz quelques centaines de Juifs hollandais [10]. Dans le bunker [11] même, une jeune fille polonaise a prononcé une allocution passionnée. Elle s’adressait à tous les présents, s’élevant contre les crimes nazis et contre les discriminations. Vers la fin elle a dit : « Nous n’allons pas à présent mourir, nous vivrons éternellement dans l’histoire de notre peuple. Notre cause et notre âme vivent et continueront à vivre. Les bourreaux payeront cher notre sang, plus cher qu’on ne peut l’imaginer. A bas la barbarie de l’Allemagne nazie ! Vive la Pologne ! » Ensuite elle s’adressa aux Juifs : « N’oubliez pas ! Votre devoir sacré c’est de venger notre sang innocent ! Dites à nos frères que nous allons à la mort conscients et fiers ! » Les Polonais se sont agenouillés par terre. Lorsqu’ils se sont relevés tout le monde chantait l’hymne national polonais. Le sort terrible a uni dans ce coin maudit les tons lyriques de la chanson (…)

19Fin d’été 1944. On a amené un convoi de Slovaquie [12]. Ils savaient tous qu’ils aillaient à la mort, et tout de même, ils étaient calmes. Lorsqu’ils se sont déshabillés et qu’ils sont entrés, tout nus, dans le bunker [13], une femme a dit : « Et peut-être, il y aura un miracle qui nous sauvera ? » (…)

20C’était à la fin d’été 1943. Un convoi de Juifs de Tarnow [14] est arrivé. Ils ont demandé où on les conduisait. On leur a répondu qu’ils allaient à la mort. Ils étaient déjà déshabillés. La gravité de l’heure inspirait tout le monde d’une grande force d’âme. Tous les sentiments s’apaisèrent, une seule pensée les étourdissait tous, sans exception, et les unissait comme si un courant électrique passait à travers eux : l’examen de conscience avant la mort. Entre temps, un autre groupe de Juifs de Tarnow est arrivé. Un jeune homme a sauté sur un banc pour être vu et mieux entendu par tout le monde. Un silence profond régnait tout à coup.

21« Frères Juifs — s’écria-t-il — ne croyez pas qu’on vous amène à la mort ! C’est inimaginable qu’on puisse conduire des milliers d’innocents à la mort terrible, ce n’est pas possible ! Jamais de la vie. On ne peut pas commettre un crime si abominable, si foudroyant ! Ceux qui vous ont dit cela ont vraisemblablement un intérêt à le dire, etc. », jusqu’au moment où il les a tout à fait apaisés. Il cessa de parler, ce prédicateur de la morale et cet homme de conscience profondément initié. Il ne fut dégrisé de sa naïveté que lorqu’on lâcha le gaz. Ses arguments pour calmer ses frères se révélèrent une illusion de l’autotromperie.

22Il recouvrit la sagesse cependant, mais trop tard (…)

23Pâques 1944. Un convoi de Vittel [15] est arrivé. Il y avait parmi eux beaucoup de personnalités juives de marque. L’un d’entre eux était un Juif de Bayonne, à l’allure de patriarche, Moshe Fridman, une des plus grandes autorités talmudique du judaïsme polonais. Pendant qu’il était en train de se déshabiller comme les autres, l’Oberscharführer entra tout à coup. Moshe Fridman s’approcha de lui et, le tenant par les revers de la veste, il lui dit en allemand : « Vous autres, vous, les plus odieux meurtriers en masse, vous vous trompez si vous pensez exterminer le peuple juif. Le peuple juif vivra ! Il ne disparaîtra jamais de l’arène d’histoire. Et vous, les criminels infâmes, vous payerez cher pour cela ! Pour chaque Juif innocent assassiné par vous, vous payerez de la vie de dix meurtriers ! Vous serez anéantis, votre pouvoir disparaîtra ! Le jour de la vengeance approche ! On vous obligera à rendre compte du sang innocent versé par vous. Notre sang ne connaîtra pas le calme tant que la vague de feu et d’anéantissement ne vous englobera pas et ne détruira pas votre sang de bêtes ! ».

24Puis, il mit son chapeau sur la tête et s’écria avec une force extraordinaire : « Ecoute Israël ! » [16] Tout le monde s’associa à sa prière (…)

25C’était un convoi de Koszyce, il est arrivé vers la fin du mois de mai 1944. Il y avait dans ce convoi une vieille femme juive âgée de quatre-vingt-cinq ans (…).

26Hiver 1943. On amena un convoi d’enfants. On les avait pris au cours de rafles à Szawle (Lituanie), à leurs domiciles, pendant que leurs pères étaient au travail.

27Le chef du commando nous a envoyé en bas, au vestiaire, pour déshabiller les petits enfants. Lorsqu’un homme du commando s’approcha d’une fillette de 5 ans qui était en train de déshabiller son tout petit frère d’un an, la fillette lui cria : « Va-t-en, assassin ! Ne touche pas de ta main souillée du sang juif mon petit, mon joli frère. A présent moi, je suis sa petite, sa bonne maman. Il mourra avec moi et dans mes bras ! »

28Un garçonnet de 7-8 ans qui assistait à cette scène lui demanda : « Tu es tout de même un homme, comment peux-tu conduire de si beaux enfants au gaz ? Est-ce que vraiment ta vie est pour toi plus chère que la vie de tant de victi mes ? » (…)

29Début de 1943. Le bunker était bourré de Juifs. Un garçon juif resta dehors. L’Unterscharführer s’approcha de lui et il tenta de le tuer avec un bâton. Il le battit sauvagement, le sang coulait en abondance. Tout à coup, le garçon, déjà allongé par terre et immobile, se leva et le regarda attentivement de ses yeux d’enfant ; il regarda le terrible meurtrier. Le nazi se mit à rire d’une façon cynique, haute ment. Ensuite, il sortit son revolver et tira (…)

30Le S.S.-Hauptscharführer Moll [17] avait l’habitude de mettre en rang quatre personnes à la fois, l’une derrière l’autre. Et d’un seul coup il tuait les quatre personnes. Si l’une d’elles tournait la tête, il la jetait dans le charnier en flammes. Si quelqu’un ne voulait pas aller au bunker [18], il lui tordait le bras, le jetait par terre et marchait sur lui.

31A l’arrivée d’un nouveau convoi, il montait d’habitude sur un banc, croisait ses bras, et prononçait une courte allocution : « Maintenant vous allez aux bains, vous reviendrez et on vous indiquera vos postes de travail. » Si quelqu’un mettait en doute la véracité de ses paroles, il le battait sans pitié, provoquant un chaos sauvage et des remous afin de causer une désorientation générale (..)

32L’Oberscharführer Farst se mettait d’habitude près de la poste du vestiaire, à l’arrivée de nouveaux convois. Lorsque les jeunes femmes, toutes nues, passaient du vestiaire à la chambre à gaz, il touchait leurs organes génitaux. Les jeunes S.S., sans différence de grade, enfonçaient souvent leurs doigts dans les organes génitaux des jeunes et belles filles (…)

33Vers la fin de l’année 1942 un convoi de Przemysl [19] est arrivé. Tous les jeunes hommes avaient des kandjars cachés dans les manches. Ils voulaient se jeter sur les S.S. Leur chef, un docteur, les a trahi. Il espérait qu’en récompense, pour les avoir retenu de cet acte, les nazis les laisseraient au camp, lui et sa femme. Il avait fait une démarche auprès de l’Unterscharführer, lequel le rassura. Le docteur les a alors apaisés. Ils se sont déshabillés. Le docteur et sa femme étaient obligés, tout de même, de se rendre, avec tous les autres, au bunker [20] (…)

Sadisme en 1940-1941

34Tout près de la frontière polono-soviétique, à Belzec [21], il y avait un camp qui, du point de vue du sadisme, surpassait Auschwitz (…)

35Plus tard, lorsque les Allemands ont pénétré profondément en Russie, ils ont amené ici les Juifs de Lublin [22], de Lwow [23] et des autres voïevodies ; on les électrisait [24]. Dans la forêt de Wierzchowice, près de Trawniki [25], non loin de Piaski, on creusait de profondes fosses. On acheminait sur cet endroit des camions pleins de Juifs. On les hissait sur la berne et on les jetait directement dans la fosse, tels qu’ils étaient, habillés. On les fusillait et on les enterrait (…).

36Je crois qu’à présent c’est déjà généralement connu et je répète ici seulement ce que m’ont dit certains camarades de mon commando qui ont été là-bas. Ils étaient aussi à Maïdanek [26], près de Lublin, où on a tué toute la population d’un village ; on a encerclé le territoire avec des barbelés ; à l’intérieur on a construit des baraques. En hiver, aux mois de novembre et décembre 1941, on a bâti des baraques. Chaque matin, au lieu de se laver, les détenus étaient obligés de se rouler tout nus dans la neige. Ils s’habillaient ensuite dans une baraque froide et ils allaient au travail. Quatre détenus portaient, en courant, une grosse bille de bois ou bien un lourd pilier. Un ingénieur hollandais les suivait ; il frappait aux jambes avec une cravache ceux qui ne couraient pas assez vite.

37On a amené dans les baraques des prisonniers de guerre russes [27]. Leur ravitaillement comprenait seulement quelques pommes de terre et un peu de soupe ; pas de pain. Ils étaient obligés de travailler dur toute la journée, surveillés par les S.S. Ceux qui tombaient malades, au cours du travail ou ceux qui ne travaillaient pas assez bien, étaient jetés dans une fosse remplie d’excréments et d’ordures. Cette fosse était recouverte de planches dans lesquelles il y avait des trous pour faire ses besoins.

38La nuit, les S.S. venaient dans les blocs [28], chaque nuit dans un autre, et tuaient à l’aide de bâtons les prisonniers de guerre soviétiques, amaigris et exténués. Ils étaient à tel point épuisés et sans force, qu’ils ne résistaient pas. Le matin un groupe de cent Juifs les sortaient et les enterraient.

39Pour le moindre délit on pendait les détenus par les jambes, la tête en bas. Il y avait des cas où les hommes restaient pendus ainsi huit heures durant avant de mourir.

40Au cours de chaque appel, lorsque les détenus étaient debout, en rangs très serrés, les uns derrière les autres, on tirait sur eux avec des armes automatiques.

Notes

41Le 14 octobre 1944 on a commencé la destruction des murs du crématoire III. Ce fut le travail du Sonderkommando.

42Le 20 octobre on a amené, dans deux autos et dans une voiture de prison les documents de détenus ainsi que les dossiers, actes de décès, actes d’accusation, etc., pour les brûler.

43Aujourd’hui, 25 novembre 1944, on a commencé à démonter le crématoire I. On prévoit, après, le démontage du crématoire II. Il est intéressant de savoir qu’on a commencé par faire sortir le moteur qui sert à pomper l’air et les tuyaux. On a expédié les moteurs à Mauthausen [29], les tuyaux à Gross-Rosen [30]. Ces moteurs et ces tuyaux servent au gazage à une grande échelle ; dans les crématoires III et IV il n’y avait pas de semblables installations. Cela permet de supposer que dans ces camps (à Mauthausen et Gross-Rosen) on va construire des centres d’extermination analogues de Juifs (…)

44Je demande qu’on rassemble toutes mes descriptions et notes que j’ai enterrées en leur temps et qui portent la signature I.A.R.A. Elles se trouvent dans différentes petites boîtes et dans des pots, dans la cour du crématoire II ; une description assez importante intitulée « La déportation » se trouve dans une fosse pour os dans la cour du crématoire I ; une description intitulée « Auschwitz » est placée dans l’amas d’os dans la partie sud-ouest de la même cour. J’ai recopié cet écrit, je l’ai complété, et je l’ai enterré à part, dans les cendres du crématoire II (…)

45Je désire qu’on fasse paraître tous ces écrits ensemble sous le titre : « Du fond de l’abîme du crime ».

46Maintenant, nous allons dans la zone. Nous sommes restés cent-soixante-dix hommes. Nous sommes sûrs que nous allons à la mort. Ils ont désigné trente hommes qui resteront au crématoire IV.

47Aujourd’hui, le 26 novembre 1944.

Journal de Zelman Lewental

48Après avoir fixé la date de l’action, nous avons appris de nos agents de liaison. Juifs, quelles étaient les intentions des représentants de la totalité des déténus du camp [31], qui avaient des contacts permanents avec les Russes et les Polonais du camp.

49A vrai dire, nos hommes nous reprochaient souvent de traîner en longueur, de ne pas agir seuls (…) Il suffit de dire, que nous même, chefs de l’action, nous avons été obligés d’en ajourner la date et de remettre (la date de l’action) pour gagner du temps et pour pouvoir mieux nous préparer.

50Nous avons ensuite désigné quelques Juifs et Polonais qui savaient mieux organiser cette action. Et ils se sont mis à préparer, à organiser et à mobiliser tous les commandos extérieurs (Aussenkommando) en vue des événements futurs. Dans chaque commando il fallait désigner un homme digne de confiance, qui doive être au courant de tout. Il devait connatre par avance la date fixée, préparer sur place les conditions favorables et les « outils ».

51C’était, évidemment, très juste ; il y avait des chances de succès, mais cela devait prendre encore un peu de temps. Il arriva, entre temps, ce que nous redoutions le plus. On annonça à nouveau qu’on allait prendre trois cents hommes [32] du commando des crématoires III et IV. Cela signifiait de nouveaux troubles au sein du commando. Certains de ces hommes ont annoncé leur intention de résister, et après des actes de résistance… il est impossible de prévoir comment ça finirait. Ceux qui devaient rester, eux aussi, ont dit même que cette fois ils étaient prêts à liquider les autres [33] quelques heures plus tôt, car ils ne voulaient pas attendre le moment où ils viendraient les prendre. Ils les liquideraient donc le soir précédent. Ils étaient tout à fait en droit de le faire. C’est ainsi qu’il fallait agir (…) Ils constituaient des contacts avec le camp tout entier, ils trouvaient que l’affaire était au point à 100 % les jours les plus proches, que c’était une question de quelques jours seulement, et qu’on pouvait à juste titre espérer que le camp entier, au nombre de dizaines de milliers [34] se joindrait à nous. Ils nous ont donc demandé de ne rien faire, au nom du succès de l’action, lorsqu’on viendrait prendre les hommes.

52Nous autres, appréciant nos forces à leur juste valeur, ayant en vue le plus grand succès de l’action, nous décidâmes de nous tenir à part. Nous étions prêts à sacrifier notre vie, mais nous avions décidé ainsi pour le succès de l’action générale. Nous ne l’avons pas dit aux intéressés. Qu’ils résistent donc. Qu’ils fassent ce qu’il peuvent faire, mais nous autres, nous nous tiendrons à l’écart pour ne pas perdre notre chance personnelle qui allait se présenter dans quelques jours.

53Nous nous rencontrâmes avec les camarades qui collaboraient avec nous, envisageant ensemble les aspects de l’action générale.

54« Vous finirez de vous illusionner vous-mêmes, lorsqu’ils viendront vous prendre. Vous en aurez la preuve plus tard. Nous autres, nous ne serons sûrement pas en retard. Ecoutez, nous vous prévenons, vous avez encore une chance. Ecoutez, vous ne pouvez pas rater la dernière occasion… L’avenir montrera si votre façon d’agir actuelle est la bonne: Nous commençons à ne plus croire à leurs paroles, nous n’avons plus confiance en eux, parce qu’ils n’étaient pas conséquents. Mais nous, nous serons conséquents, nous profiterons, comme il convient de l’occasion … [35].

55Nous sommes déjà prêts tandis qu’eux, ils ont toujours le temps. Essayons alors de les forcer. Mettons-les en face du fait accompli. Et ensuite, qu’ils fassent ce qu’ils veulent. Nous avons fait ce qui nous appartenait. On a fixé la date à vendredi. Nous avons partagé les hommes de notre commando : un groupe travaillant sur le territoire du crématoire I-II, le second groupe (…) ».

56Ensuite, nos hommes se sont entendus avec ceux de l’extérieur du camp. On constata que là-bas il était arrivé quelque chose de nouveau. On décida de ne plus attendre et d’agir seuls (…).

57Il y a quelques jours, chez nous, dans le crématoire II, un événement s’est produit, qui a recoupé dans une grande mesure, notre plan. Personne n’a le droit de minimiser la grandeur d’âme, le courage et l’héroïsme de nos camarades, auteurs de l’exploit manqué. Dans l’histoire du camp d’Auschwitz-Birkenau et dans l’histoire du martyre du monde occupé par les Allemands, il n’y avait pas eu jusqu’ici de semblables événements [36].

58Chez nous il y avait dix-neuf Russes, ils travaillaient avec nous. Ils étaient au courant de tous nos secrets. Ils déplaisaient à nos chefs de commandos (Kommandoführer) à cause de leur tempérament. Ils faisaient ce qu’ils voulaient sans rien demander à quiconque. Et cela ne pouvait plaire à nos souverains. Maintes fois ils annonçaient qu’ils allaient éliminer les Russes du commando. On savait bien ce que signifiait « limoger » du Sonderkommando : renvoyer au ciel ! Mais ils ne pouvaient pas, eux-mêmes, prendre une telle décision. Ils cherchaient mais ils ne trouvaient pas pour le moment un prétexte convenable.

59Il y a quelques jours, notre Unterscharführer, un grand meurtrier, s’est mis à battre un Russe. Celui-ci prit la fuite, le S.S. tira sur lui et le blessa. L’Allemand voulut amener le blessé à l’hôpital mais celui-ci sauta de la voiture, se jeta sur le nazi, lui arracha sa cravache et lui en donna un coup sur la tête. L’Allemand sortit brusquement son revolver et le tua. Il s’est servi de l’occasion pour rapporter au commandant qu’il a, tout simplement, peur des Russes, et pour demander de les faire partir. Le commandant, évidemment, y a consenti.

60On a déjà annoncé qu’on allait retirer trois cents hommes du crématoire III et IV. Le chef a dit que les Russes s’en iraient avec ce transport. Ils savaient bien ce que cela signifiait, étant donné qu’eux-mêmes (les dix-neuf Russes) avaient brûlé le premier transport de deux cents hommes, envoyés de chez nous à Lublin [37]. Cela provoqua parmi nous un grand désarroi. Les Russes voulaient commencer l’action tout de suite, ce soir même. Nous avons eu beaucoup de peine à les retenir. Nous avons plaidé auprès du chef, nous l’avons prié de les laisser, en lui expliquant que c’était un incident sans importance duquel personne ne peut être pourtant rendu responsable. Nous avons réussi à le convaincre dans une certaine mesure, il avait confiance en nous; cette confiance, nous l’avons « gagnée » d’une façon appropriée. Tout se serait certainement bien passé, mais le lendemain, c’éatit le samedi matin, 7 octobre 1944; nous avons appris que, le jour même, un transport allait partir, comprenant ces trois cents hommes du crématoire III et IV [38].

61Nous avons fortifié, pour la dernière fois, nos positions et nous avons communiqué à nos alliés ce qu’ils devaient faire selon des circonstances différentes.

62Lorsque l’heure du déjeuner est arrivée (1 heure 25 minutes), et qu’ils sont venus prendre les trois cents hommes, ceux-ci ont résisté héroïquement et ne se sont pas laissé emmener. Ils ont fait un grand vacarme, ils se sont jetés sur les gardiens avec des marteaux et des haches. Ils en ont blessé quelques-uns. Les autres Russes se sont battus avec n’importe quoi, ils lançaient des pierres sur eux. On peut s’imaginer les conséquences de cet incident. En quelques minutes, à peine, un détachement de S.S. armés de mitrailleuses et de grenades, st arrivé. Ils étaient tellement nombreux qu’isl avaient deux grenades contre chaque détenu. On a mis sur pied une telle armée contre eux. Nos hommes, voyant que tout était perdu, ont incendié le crématoire III. Tapage, fusillade. Tous nos camarades sont morts sur place. Et ainsi le crématoire tout entier a été brûlé [39].

63Notre commando du crématoire I et II [40] apercevant de loin des flammes et entendant une forte fusillade, comprit que personne de ce commando n’avait survécu. Nous avons compris que nos alliés étaient avec eux et qu’ils avaient fait usage des armes en leur possession. Ce fait nous aurait découvert, il aurait montré que, nous aussi, nous avions des armes. Nous avons alors décidé de ne pas agir trop tôt. D’une façon ou d’une autre c’est une simple aventure et pour des choses pareilles nous avions toujours le temps, jusqu’au dernier moment. Sans des préparatifs convenables, sans l’aide du camp tout entier… commencer une action en plein jour… cela ne donnait pas de chance à quiconque de se sauver. Et c’est pourquoi nous devons attendre, cela va durer, peut-être, jusqu’au soir, et alors… si nous trouvons que c’est indispensable, nous agirons le soir.

64Il n’était pas facile de retenir les Russes qui étaient avec nous. Ils étaient convaincus que l’on viendrait tout de suite, les prendre au convoi. Ils trouvaient que le moment ultime était déjà venu, étant donné que leurs camarades se battaient et tombaient au front. En outre, voyant un groupe de S.S, armés s’approcher de nous, pour préserver et protéger notre objectif, les Russes supposaient que les S.S. venaient s’emparer d’eux. Dès lors, il fut impossible de les contenir. Ils se jetèrent sur le kapo, un Allemand du Reich et, en un clin d’œil, ils l’enfournèrent vivant [41]. Il l’avait bien mérité, une telle fin fut, peut-être, trop légère pour lui. Les Russes continuèrent leur action.

65Mis en face du fait accompli, nos camarades du commando du crématoire I, se rendirent compte qu’il était déjà trop tard pour se retirer. Ils s’aperçurent vite de la nouvelle situation et ils essayèrent d’entraîner à l’intérieur leurs chefs, qui se trouvaient alors dehors. Ceux-ci, cependant, sentaient déjà le danger, et ne voulaient entrer à aucun prix.

66Les gardiens armés s’approchaient, chaque minute comptait, on ne pouvait plus attendre. Nos camarades ont alors, en un clin d’œil, partagé tout ce qu’ils avaient préparé pour le moment décisif, coupé les barbelés, s’échappant au—delà de la chaîne des postes des gardiens.

67Ils ont fait preuve d’un esprit de haute responsabilité et de sacrifice. Dans ces moments dangereux, où chaque seconde décidait de leur vie ou de leur mort, pourchassés par les gardiens, ils se sont tout de même arrêtés un instant pour accomplir leur dernier devoir: ils ont coupé les barbelés du camp de femmes voisin afin de leur donner la possibilité de s’évader. Hélàs, ils ne pouvaient faire davantage.

68Ils réussirent à s’éloigner du camp, en courant, à quelques kilomètres, mais ils furent finalement encerclés par les gardiens des postes des camps voisins, alertés par téléphone. Hélàs, ils ont été tous tués au cours de l’évasion. Nombreux furent ceux qui se servirent du « matériel » en leur possession, c’est pour cela qu’ils purent courir si loin. Mais la puissance de la Violence était suffisamment grande. Comme il était à prévoir (les nazis) entourèrent nos coreligionnaires et, de loin, ils les tuèrent à coups de mitrailleuses [42].

69Il est vraiment difficile de décrire le courage et l’esprit de sacrifice de trois de nos camarades, restés sur place pour faire sauter le crématoire avant de succomber eux—mêmes. Ils ont fait cela consciencieusement. N’est-ce pas un sacrifice d’holocauste, accompli en toute connaissance, avec un dévouement total? Personne, à l’époque ne les obligeait à le faire. Ils pouvaient pourtant fuir avec les autres, et tout de même ils y ont renoncé. Ils sont restés pour le succès de la cause. Qui est alors capable d’évaluer justement le courage de nos camarades et l’héroïsme de leur exploit? Oui, là—bas, les meilleurs d’entre nous sont morts, vraiment les meilleurs, des hommes de grande valeur; des hommes avec lesquels on pouvait de la façon la plus digne vivre et mourir (…)

70Nous avons assisté de loin (aux événements), nous avons été au courant de ce qui se passait. On a décidé cependant autre chose, et ce qui est arrivé là-bas, cela s’est passé au dernier moment. Ils ne pouvaient alors communiquer avec nous. Nous sommes restés seuls, sans nos chers proches. Nous n’avions plus personne avec qui vivre; pis encore, il n’y avait plus personne avec qui honnêtement mourir (au combat) Nul n’est resté vivant parmi tous nos conjurés.

71Parmi les survivants se trouve Jankiel Handelsman [43], un des piliers de la direction de l’action. Il est resté vivant parce qu’il était un des quatre hommes désignés (…). Handelsman se trouvait avec un groupe de quelques Russes dans le territoire du crématoire II, et il tut amené avec les autres. Ă présent il est enfermé dans un bunker; c’est la Section politique qui s’occupe d’eux. On comprend fort bien leur situation et leurs souffrances [44]. Ici seulement le daïan est resté, un homme intelligent, mais qui ne pouvait pas, à cause de ses idées sur la vie et le monde, comprendre ces événements. Il avait une attitude tout à fait différente à l’égard des divers phénomènes; son attitude résultait des lois de la religion juive.

72Ce n’est pas notre faute si cela n’a pas réussi, la faute est à (…) et a cause de l’énorme force armée (de l’ennemi). Ils pouvaient vivre, ils avaient une bonne situation, il ne leur manquait ni à manger, ni à boire, ni à fumer, et tout de même ils ont décidé d’abandonner ce monde en héros. Il tout souligner d’une façon particulière ce fait, on doit le saluer dans notre histoire. Soyez bénis, chers et fidèles camarades, vous qui, après avoir rempli votre devoir, nous avez quitté: vous qui avez fait (…). Même le plus mauvais d’entre vous, celui qui a fait beaucoup de mal et qui se comportait d’une façon inhumaine, même celui-là s’est réhabilité entièrement en ce jour.

73Et encore Majerke Elusz, qui devait être le chef de l’action dans le territoire du crématoire (…). Il a causé sa perte car il était trop jeune, sans expérience, tandis que les événements demandaient de la réflexion. C’était un tait, un fait de guerre lié avec les événements de guerre.

74Nous autres qui vivons encore, nous autres qui marchons encore sur la grande tombe tragique (…). Dans notre mémoire et dans la mémoire de ceux qui comprendront comme il convient notre situation, vous serez inscrits pour une reconnaissance sincère. « Que leurs âmes se trouvent parmi les vivants en permanence ».

75Le 10 octobre 1944. Zelman Lewental [45].

76A présent, quelques jours après les événements (nous nous rendons) compte de notre situation et nous avons compris (…)

77Au moment de passer des paroles aux actes, on a constaté que nous n’étions pas encore, et de loin, prêts. Pis encore, les protagonistes ne sont pas encore tombés d’accord sur de nombreuses questions. Ils ne pouvaient pas encore prendre de décision. Ils voudraient, tout simplement, vivre encore un peu. Ils disent que, pour mourir, ils ont toujours le temps. C’est là justement la différence entre nos gars et tous les autres. Tout le temps on nous [46] reprochait d’être des faibles, des lâches, d’avoir peur de la mort. On nous reprochait de vouloir vivre à tout prix, ne serait—ce qu’un jour encore, une heure. Et dans les circonstances actuelles on a cependant vu que justement nous, les « lâches », nous avons été (…).

78Eux, ils se débarrassaient constamment de nous, en nous demandant d’attendre le jour de notre chance, il viendra… Lorsque nous avons compris qu’il ne fallait plus attendre, que toutes leurs promesses étaient des phrases creuses, basées sur le mensonge et le faux, nous avons pris une décision définitive et nous avons dit: « Assez. Ne craignons pas les suites! »

79Quoique nos camarades avaient la chance de vivre plus longtemps que les autres (détenus) du camp, ils se sont, tout de même, montré suffisamment forts pour venir à leur secours, pour s’échapper (…)

80Il était avec nous jusqu’au dernier moment [47]. Il militait activement. Il était un des chefs du mouvement ouvrier à Varsovie au cours des années 1919-1921. Il était connu à l’époque sous le nom de « Josele di Mameles ». Ensuite, il vint à Paris où il collaborait à la presse communiste. Il s’appelait alors Joseph Warszawski. Très intelligent, de bon caractère, silencieux, mais avec une âme ardente et combative.

81Avec lui est arrivé (à Auschwitz-Birkenau) son collaborateur le plus proche et ami, Jankiel Handelsman, d’origine polonaise (de Radom). Très énergique, sage, raisonnable, très vif, plus jeune (que Warszawski), il fréquentait le Yechiva à Mir, et pour cette raison ses collègues l’appelaient « ieschibotnik » ou bien « socialiste de confession mosaïque ». J’avais beaucoup d’estime pour mes collègues à cause de leur exploit (…).

82L’histoire d’Auschwitz-Birkenau, en tant que camp de travail en général et en tant que camp d’extermination de millions d’hommes en particulier, ne sera pas — il me semble — assez bien transmise au monde. Les civils ne transmettront qu’une partie des renseignements [48]. Je crois pourtant que le monde en sait quelque chose même maintenant. Les détenus qui se sauveront, grâce au hasard, diront peut-être le reste, eux, ou les représentants de l’élite du camp, qui occupent les meilleurs postes et remplissent des fonctions de responsabilité au camp. En tout état de cause beaucoup (d’informations) sortiront du camp vers l’opinion publique mondiale. Le procès d’extermination des Juifs ainsi que des Polonais (…). Ceux qui étaient au camp ont vu comment on a exterminé, sur ordre, selon une méthode planifiée, des centaines, des milliers d’hommes [49].

83Et ce qui est le plus important : nous leur avons fourni des documents et du matériel (d’information) sur tout ce qui se passait chez nous [50]. Nous leur avons transmis tout, même les moindres détails, sur tout ce qui se passait chez nous. Tout ce qui pouvait intéresser le monde. Le monde entier voudra, sans doute, savoir ce qui est arrivé. C’est seulement grâce à nous qu’on pourra le savoir. Et si quelqu’un sait quelque chose, c’est uniquement grâce à nos efforts, grâce â notre dévouement, au prix de notre vie en danger.

84Nous continuerons cependant notre travail, c’est notre devoir. A l’avenir nous tâcherons aussi de conserver tout pour le monde, mais nous le cacherons simplement sous terre.

85Sur la carte vous verrez exactement les endroits de nos cachettes. En tout état de cause, (je répète que) tout se trouve dans le coin du camp, à l’ouest du crématoire I-II ; ensuite il y a (du matériel) dans le coin au sud-ouest du crématoire lll-IV, au coin au nord-ouest.

86Au milieu se trouve la zone et le camp des effets (Effektenlager), un commando composé exclusivement de Juifs.

87Celui qui cherchera, trouvera cela et encore (autre chose). Il trouvera beaucoup de choses dans la cour de notre crématoire, non du côté de la rue, mais de l’autre côté. Nous sommes obligés de nous préparer en vue des événements futurs. Dans l’ordre chronologique et historique — transmettre tout au monde.

88Dès à présent, nous cacherons tout dans le sol.

89Hommage à mes proches, honneur à leur mémoire :

90

Joseph Warszawski, de Varsovie, il est arrivé de Paris.
Zelman Gradowski (Suwalki).
Lejb (Herszko) Panusz (Lomza).
Ajzyk Kalniak (Lomza).
Joseph Deresinski (Luny, près de Grodno).
Lejb Langfus (de Makow Mazowiecki et de Varsovie), à présent dans le crématoire.
Jankiel Handelsman (Radom - Paris), à présent dans le bunker.
L’auteur de ces lignes Zelman Lewental (Ciechanow), à présent dans le crématoire.

Témoignage d’un survivant du Sonderkommando

91Je m’appelle Dov Paisikovic, né le 1er avril 1924 à Rakowec (C.S.R. : Tchécoslovaquie), actuellement domicilié à Hedera, Israël. En mai 1944, je fus amené de Munkacs (ghetto) au camp de concentration d’Auschwitz et j’y reçus le numéro de détenu A-3.076, qui me fut tatoué sur l’avant-bras gauche (…).

92Notre convoi fut soumis à une sélection. Environ 60 % d’entre nous furent sélectionnés pour les chambres à gaz, les autres furent dirigés sur le camp. Ma mère et mes cinq frères et sœurs furent aussitôt envoyés aux chambres à gaz (…)

93Le troisième jour arriva en civil dans notre partie du camp le S.S.-Hauptscharführer Moll, accompagné d’autres S.S. Nous dûmes tous nous présenter à l’appel et Moll choisit les plus forts d’entre nous, exactement 250 au total. On nous amena sur la route qui traversait le camp ; nous devions y prendre des pelles et d’autres outils. On nous amena à proximité des crématoires III et IV, où nous fûmes accueillis par des S.S. armés. Nous dûmes nous mettre en rang et cent d’entre nous furent détachés et ameneés au crématoire III (…)

94Quelques jours après mon arrivée au crématoire I, Mietek devint kapo en chef du Sonderkommando des crématoires I et II, Kaminski devint kapo du kommando I et Lemke (dont je ne connais pas le prénom) devint kapo du kommando du crématoire II. Kaminski et Lemke étaient des Juifs de Bialystok ; leur numéro de détenus était de la série des 83.000. Lemke me prit avec lui au crématoire II où était également mon père. Je restai dans ce kommando jusqu’à son évacuation (18-1-1945) (…)

95Quelques détenus restaient au Sonderkommando un temps assez long : par exemple le kapo en chef Mietek qui avait un numéro dans les 5.000 et qui avait été affecté au Sonderkommando par la compagnie disciplinaire ; et deux orfèvres — l’un du nom de Feldman, était originaire de Tchécoslovaquie, l’autre, je ne me souviens plus de son nom — qui avaient pour tâche de fondre l’or récupéré. (Cela se passait dans une pièce spéciale du crématoire II où était centralisé tout l’or de tous les crématoires, pour être fondu en de grands cubes sous la surveillance des S.S.). Tous les vendredis un officier supérieur S.S. venait chercher l’or. De plus, le juif tchèque Fillip Müller était au Sonderkommando depuis aussi longtemps que Mietek. Il était venu par un convoi de Theresienstadt et put survivre aux sélections du Sonderkommando parce qu’il était protégé par un S.S. originaire des Sudètes. Müller aurait pu devenir kapo au Sonderkommando. Mais il n’a pas voulu. De plus, un Juif de Paris, dénommé « Oler », était depuis longtemps au Sonderkommando. Il était artiste peintre et, pendant tout le temps que je connus le komamndo, il avait l’unique tâche de peindre des tableaux pour les S.S., il était dispensé de tout autre travail pour le Sonderkommando.

96Nous savions qu’à part les exceptions mentionnées les détenus de l’ancien Sonderkommando étaient gazés. Ces gazages s’effectuaient par groupes, tout comme se faisaient par groupes les affectations au Sonderkommando. Un groupe du kommando spécial provenait du camp de Maïdanek, près de Lublin. Là déjà les détenus faisaient partie d’un kommando spécial affecté au même travail (…)

97Au Sonderkommando de chaque crématoire, il y avait un groupe qui tâchait de se préparer à une résistance. Ces groupes étaient en contact entre eux et avec des groupes de résistants à Birkenau et même au camp principal d’Auschwitz. J’appartenais à ce mouvement. Nous passions de l’or et des devises en fraude à nos camarades dans le camp ; ils employaient ces objets de valeur afin de pouvoir organiser la résistance. Je me souviens de trois frères de Bialystok qui déployaient une activité toute spéciale dans ce sens. Même les Russes de notre kommando — il s’agissait d’officiers supérieurs — étaient très actifs. De tous les détenus de notre convoi en provenance de Hongrie, seuls mon père et moi étions au courant de cette organisation de résistance. Quelque temps après, mon père se vit attribuer la tâche de concierge du crématoire II.

98Notre convoi était le troisième de la longue série de convois de Juifs en provenance de Hongrie [51]. (L’Ukraine subcarpathique, d’où je suis originaire, avait été à l’époque attribuée à la Hongrie.) (…)

99Depuis un certain temps déjà nous projetions une révolte. Le noyau de cette organisation se trouvait dans notre crématoire II Les Russes étaient les meneurs, de même que les kapos Kaminski et Lemke. Lorsqu’en automne 1944 les actions d’extermination furent complètement arrêtées, sur ordre de Berlin, et qu’on nous donna pour tâche d’effacer les traces de l’action d’extermination, nous comprîmes que le moment de notre propre liquidation approchait. Notre révolte devait la prévenir. Voici quel était le plan : un jour où il n’y aurait pas de convoi et par conséquent pas de renfort de S.S. près des crématoires, notre groupe qui emportait régulièrement la nourriture de ce secteur du camp pour la porter aux divers crématoires, viendrait avec des bidons d’essences là où chaque crématoire se ravitaillait. Seul, au crématoire I, on n’apporterait pas d’essence, parce que ce n’était pas utile. Au bunker V, il n’y avait à cete époque plus de Sonderkommando, l’extermination y ayant déjà été complètement arrêtée. L’essence avait été préparée par l’organisation de résistance à la section D du camp. Un dimanche du début d’octobre 1944 je crois que ce devait être le 6 ou le 7 octobre, la révolte devait être déclenchée. Les détenus désignés pour apporter la nourriture furent choisis ce jour-là de telle sorte que seuls y allaient les initiés au plan. Tous venaient du crématoire Il. J’étais du nombre. Nous amenâmes les bidons d’essence camouflés en soupe aux crématoires IV et III, mais lorsque nous arrivâmes à notre crématoire ll, nous entendîmes déjà des coups de feu partis des crématoires III et IV, et vîmes un début d’incendie. Le plan avait été de commencer la révolte par un feu allumé à notre crématoire II. Son déclenchement prématuré le fit échouer. Les S.S. donnèrent aussitôt l’alarme et tous les détenus du crématoire II durent se rendre à l’appel. Le S.S. Oberscharführer Steinberg, chef du crématoire II, nous compta ; lorsqu’il se rendit compte que personne ne manquait, on nous enferma tous dans la salle de dissection. Le crématoire III était en feu et les détenus du Sonderkommando des crématoires III et IV coupèrent les fils et s’évadèrent ; certains furent abattus sur-le-champ. Au crématoire I, les détenus du Sonderkommando coupèrent également la clôture électrique avec des ciseaux isolés et s’enfuirent. Il était prévu que les barbelés du camp des femmes seraient également coupés afin de leur permettre une fuite en masse. Cependant, en raison du déclenchemnt prématuré de la révolte ce ne fut plus possible. Les S.S. réussirent à rattraper tous les fugitifs. Le soir même, un groupe d’officiers S.S. arriva devant notre crématoire et nous enjoignit de faire sortir vingt des nôtres pour reprendre le travail. Or, nous étions persuadés qu’en dépit de toutes les dénégations, on nous répartirait en groupes pour mieux nous liquider ; nous refusâmes donc de sortir de la salle de dissection. Les S.S. amenèrent alors du renfort et forcèrent vingt détenus à travailler. Bientôt de la fumée s’éleva du crématoire I. Nous en concluâmes que les vingt camarades avaient bien été amenés au travail. Leur tâche consistait à brûler les cadavres de ceux qui avaient été tués pendant leur évasion. C’est ainsi que tous les détenus du kommando spécial des crématoires I, III et IV furent massacrés. De notre kommando, un seul détenu fut tué ; c’était celui qui avait coupé les pneus de la bicyclette d’un S.S. pour l’empêcher de s’en servir : le S.S. — surnommé le « Rouge » — a battu ce détenu jusqu’à ce que mort s’en suive.

100De ce jour, les crématoires I, III et IV furent fermés. Les crématoires III et IV étaient détruits par la révolte et inutilisables, le crématoire l restait intact. Il n’y eut plus de gazage dans aucun crématoire (…)

101Quatre-vingt-deux détenus du Sonderkommando — c’étaient nous, ceux du crématoire II — ont survécu jusqu’à l’évacuation d’Auschwitz [52]. Lors de cette évacuation, le 18-1-1945, la troupe de S.S. était déjà en. pleine désorganisation. Nous en profitâmes pour marcher vers le camp D (…)

102Tous les détenus du camp D furent amenés au camp principal d’Auschwitz [53] (…)

103Il y eut aussi au Sonderkommando II un certain Léon, le cuisinier, Juif polonais qui avait vécu à Paris ; il était déchargé du travail général du Sonderkommando, étant affecté à la cuisine des S.S. Il ne devait travailler au service des cadavres comme nous tous que s’il y avait vraiment beaucoup de travail. Nous étions très liés et j’ai appris ainsi que Léon avait pris des notes dès le moment où il fut affecté au Sonderkommando. Il a tenu une sorte de journal et noté les crimes des S.S., ainsi que les noms de certains criminels S.S. De plus, il a ramassé des documents, des passeports, etc., trouvés près des vêtements assassinés et qui lui semblaient importants. Aucun d’entre nous n’a lu ces notes, mais je savais qu’elles existaient. Le mercredi qui précéda la révolte, j’ai enfoui tous ces documents en un lieu que j’ai soigneusement conservé dans ma mémoire. Les papiers se trouvaient dans un grand récipient en verre (contenance environ cinq litres), qui avait été graissé et hermétiquement fermé. Puis nous plaçâmes ce récipient en verre dans une caisse de béton que nous avions coulée. Cette caisse en béton fut enduite de graisse à l’intérieur, puis fermée au béton. Nous y enfermâmes également des cheveux de cadavres, des dents, etc., mais par principe aucun objet de valeur afin que ceux qui trouveraient un jour cette boîte ne soient tentés de la piller pour s’emparer de tels objets de valeur. Le rabbin de Makow et Zalmen Rosenthal [54] prirent des notes qui furent enfouies ailleurs — je ne sais où (…)

104Arch. du C.D.J.C., Doc. CCLXI-37 T.O. (Traduit par M. Ulrich Hessel).

105(Déposition faite le 17 octobre 1963.)

Notes

  • (1)
    Le titre est de l’auteur anonyme. Il a exprimé le désir de voir ses écrits publiés sous ce titre.
  • (2)
    C’était la liquidation définitive des ghettos en Haute-Silésie : à Bendzin et à Sosnowiec (début du mois d’août 1943). A cette déportation (environ 20.000 personnes) ont participé les SS du camp d’Auschwitz-Birkenau. 90 % des déportés ont été tués immédiatement dans les chambres à gaz. Dans l’ordre du commandant du camp°31/43 du 6 août 1943, nous lisons : « Les SS qui ont pris part à la liquidation des ghettos à Sosnowiec et à Bendzin ont droit à un jour de repos ».
    N.E. Garfinkiel, Zaglada Zydow Sosnowca (polonais ; L’Extermination des Juifs de Sosnowiec), Katowice 1946, p. 59.
    D. Czech, Le calendrier des événements au camp, publié dans « Zeszyty Oswiecimskie » (polonais : « Les Cahiers d’Auschwitz »), N° 4, pp. 122-125.
  • (3)
    L’auteur emploie le terme « le bunker » pour désigner la chambre à gaz. Le commandant du camp d’Auschwitz-Birkenau, Rudolf Hoess, fait d’ailleurs de même dans ses mémoires (Les souvenirs de Rudolph Hoess, Varsovie 1956, p. 184).
  • (4)
    Au cours des mois de mai-septembre 1944, on a exterminé à Auschwitz-Birkenau environ quatre cent milles juifs hongrois (« Aktion Hoess »).
  • (5)
    C’était en 1944.
  • (6)
    Le crématoire I (construit en 1941) était au camp Auschwitz I (Stammlager). A Birkenau il y avait les crématoires II, III, IV et V. L’auteur commence à énumérer les crématoires seulement à partir du camp de Birkenau, d’où son erreur. Le crématoire qu’il appelle I est en réalité II et ainsi de suite.
  • (7)
    Erich Muhsfeld (1913-1947), chef du crématoire à Maïdanek et ensuite à Auschwitz-Birkenau. Boulanger de profession, membre du N.S.D.A.P. depuis 1933, membre de la SS depuis 1940. Décoré en 1944 de la Croix du Mérite de deuxième classe. Condamné à mort en 1947 par le Tribunal National Suprême de Pologne.
  • (8)
    Il s’agit d’un des nombreux camps de travail obligatoire de Haute-Silésie pour les Juifs (Judenlager, Julag). Le 12 novembre 1943 par exemple on y a amené un convoi de Juifs d’un camp de travail. On n’a laissé au camp que cent-quatre-vingt-dix femmes tous les autres ont été tués dans les chambres à gaz.
  • (9)
    De la région d’Auschwitz ou plus largement : de la région de Cracovie ou de Katowice.
  • (10)
    L’auteur parle ici vraisemblablement de deux convois de Juifs hollandais arrivés à Auschwitz le 17 novembre 1943. Le premier (1.150 persones) est venu du camp de Hortogenbosch (Hollande), l’autre (995 personnes) du camp de Westerbork. De ce dernier convoi on a tué dès l’arrivée 531 personnes.
    Après cette date il n’y eut plus de convois des Pays-Bas en 1943. Au total en 1943 il y avait eu seize convois de Juifs hollandais à Auschwitz-Birkenau.
  • (11)
    Voir la note 3.
  • (12)
    90.000 Juifs environ ont été déportés de Slovaquie au camp d’Auschwitz-Birkenau.
  • (13)
    Voir la note 3.
  • (14)
    Au mois de septembre 1942, à la suite de la liquidation du ghetto de Tarnow, huit mille Juifs ont été déportés au camp d’Auschwitz-Birkenau.
  • (15)
    Camp d’internés de Vittel (France). En 1943 on a acheminé sur Vittel les Juifs possédant des passeports de pays neutres (d’Amérique du Sud, etc.) : nombreux étaient les personnes venant du ghetto de Varsovie. Parmi eux se trouvait le grand poète I. Kacenelson (1886-1944), l’auteur du « Chant du peuple assassiné » (écrit justement à Vittel) et M. Fridman, rabbin de Bayonne (de nationalité turque). Le 17 avril, la Gestapo les a transférés de Vittel à Drancy, d’où le 29 avril 1944, ils furent tous déportés à Auschwitz- Brikenau. Le convoi est arrivé au camp le 1er mai 1944. (Dr. H. Zajdman, le Journal du ghetto de Varsovie (yiddish), Buenos-Aires, 1947, p. 232. L’auteur dit que le rabbin Fridman a disparu « après l’arrestation par les nazis, sans laisser de traces »).
  • (16)
    « Schmai Israël » (hébr. Ecoute Israël !). Les premiers mots d’une prière juive. Les Juifs, au cours des répressions et pogromes, allaient à la mort en disant cette prière.
  • (17)
    Otto mon, chef des crématoires à Auschwitz-Birkenau. Auteur du « Plan Moll ». C’était une opération à la suite de laquelle il n’y aurait aucune trace des détenus, des bâtiments et en particulier des installations d’extermination (chambres à gaz et crématoires). Son plan n’a pas été réalisé, parce que les résistants d’Auschwitz l’ont découvert et l’ont fait connaître à l’aide de l’Agence Reuter. O. Moll a été décoré (au mois d’avril 1942, ainsi que R. Hoess) de la Croix du Mérite Militaire de deuxième classe.
  • (18)
    Voir la note 3.
  • (19)
    A la suite de la liquidation du ghetto de Przemysl (2-4 novembre 1942), 5.500 Juifs environ ont été déportés à Auschwitz-Birkenau.
  • (20)
    Voir la note 3.
  • (21)
    Il s’agit ici du camp de travail (non du fameux camp d’extermination) de 2.500 Juifs, constitué par les Allemands en juin 1940. C’était des travaux de fortifications à la frontière russo-allemande de l’époque (SS-Grenzsicherungs-Baukommando). Le régime de ce camp était un régime de terreur.
    Le camp d’extermination de Belzec (voïvodie de Lublin) a fonctionné de mars 1942 à mars 1943. 700.000 personnes y ont péri, presque uniquement des Juifs. Le camp de la mort se trouvait dans la même localité que l’ancien camp de travail.
  • (22)
    Il ne s’agit pas seulement de la ville de Lublin, mais de tout le district de Lublin.
  • (23)
    Par analogie avec Lublin.
  • (24)
    On croyait ainsi à l’époque. En réalité on les tuait à Belzec dans les chambres à gaz.
  • (25)
    Trawniki (voïvodie de Lublin). Camp de travail, constitué par les SS fin juin 1941. En 1942 il y avait là environ 10.000 Juifs polonais, hollandais, russes, allemands, tchécoslovaques, autrichiens. Au début de novembre 1943 ils furent tous fusillés (« Aktion Erntefest »).
  • (26)
    Camp de concentration et d’extermination de Maïdanek. Ce camp fonctionna à partir de l’automne 1941 jusqu’au mois de juillet 1944. 360.000 personnes environ y ont été assassinées, dont 130.000 Juifs de Pologne, de Tchécoslovaquie, d’Allemagne, d’Autriche, etc.
  • (27)
    Maïdanek fut au début un camp de prisonniers de guerre russes. Il portait même le nom de : « Kriegsgefangenenlager ».
  • (28)
    Ici « le bloc » signifie une baraque.
  • (29)
    Mauthausen (Autriche, près de Linz), camp de concentration nazi (1938-mai 1945). Nombre global de détenus : 150.000.
  • (30)
    Gross-Rosen (Pologne), camp de concentration nazi (1940-février 1945). Nombre global de détenus : environ 125.000, nombre de morts : 40.000 environ.
  • (31)
    Il s’agit ici du mouvement international de Résistance dans le commandement duquel les détenus polonais jouèrent un rôle dominant. Ce mouvement a commencé à se former au printemps 1943, sur la base de divers groupes nationaux de résistance.
  • (32)
    Il s’agit ici évidemment des crématoires IV et V dans lesquels travaillaient à l’époque 325 détenus (dans le crématoire IV - 169 dans le crématoire V - 156). D. Czech, Kalendarz wydarzen obozowych (Le calendrier des événements au camp), Zeszyty Oswiecimskie N° 7, p. 91.
  • (33)
    Les nazis.
  • (34)
    Le 14 octobre 1944, il y avait à Auschwitz-Birkenau environ 94.000 détenus. Auschwitz I - 13.000, Auschwitz II (Birkenau) - 49.000, Auschwitz III - 32.000.
  • (35)
    Ils vont se battre avec les SS.
  • (36)
    L’auteur veut dire que dans aucun camp de concentration et d’extermination, il n’y eut des révoltes armées des détenus. C’est vrai pour Dachau, Mauthausen, Bergen- Belsen, Maïdanek et beaucoup d’autres camps, mais l’auteur ne savait pas, à, l’époque, que les détenus juifs avaient aussi organisé des révoltes armées dans les camps de Treblinka II (2 août 1943) et de Sobibor (14 octobre 1943).
  • (37)
    C’est—à-dire au camp de Maïdanek qui se trouvait dans un faubourg de Lublin. (Dans les documents allemands Maïdanek est. présenté comme K.L. Lublin).
  • (38)
    Il s’agit ici, toujours, des crématoires IV et V (40). Justement au crématoire IV l’état—major du groupe de combat du Sonderkommando délibérait le 7 octobre 1944 a midi, lorsqu’il fut surpris par un détenu allemand, de droit commun, qui menaça de dénoncer ses membres. Ils tuèrent le délateur, retirèrent les armes cachées et se jettèrent sur les SS. Ils incendièrent le crématoire IV à l’aide de grenades et explosifs. Une partie des détenus de ce commando (59 B) s’échappa et atteignit le bois voisin.
  • (39)
    Voir note 38.
  • (40)
    Les crématoires II et III. Les détenus du crématoire II (commando 57 B) ont attaqué alors l’obercapo (un Allemand) et l’ont jeté dans le four crématoire allumé. Ils ont désarmé et tué deux SS.
  • (41)
    Le 7 octobre 1944, outre l’oberkapo, ont été tués: Rudolph Erler, Willy Freese et Joseph Purke (tous avaient le grade de l’Unterscharführ SS).
    Les détenus du commando du crématoire II ont coupé les barbelés et se sont évadés. Les détenus des crématoires III et IV n’ont pas pu participer à l’acton parce que les SS ont maîtrisé la situation à ces endroits.
  • (42)
    Le commandant du camp a organisé la chasse aux évadés. Ces derniers se barricadèrent dans une étable à Rajsk (3 km de Birkenau). Les SS incendièrent l’étable et assassinèrent les détenus. Au cours du combat 250 détenus environ du Sonderkommando sont morts.
  • (43)
    Jankiel Handelsman-Snopek, né le 30 août 1908 à Lipsko (Pologne), en 1931 il avait émigré de Radom à Paris. Militant de la Résistance, arrêté en janvier 1943, déporté de Drancy le 2 mars 1943. (C.D.J.C. Liste de déportation N° 49, p. 17).
  • (44)
    Le 10 octobre 1944 les autorités du camp arrêtèrent quatorze détenus du Sonderkommando (parmi eux était J. Hendelsman) suspects de participer à la révolte. On les enferma dans les bunkers du bloc II. Tous les prisonniers sont morts à la suite de tortures.
  • (45)
    L’auteur a écrit la date deux fois : 10 octobre 10-10-44. Le mot « octobre » est écrit en polonais.
    Zelman Lewental, déporté du ghetto de Ciechanow (Pologne) est arrivé à Auschwitz-Birkenau le 10 décembre 1942.
  • (46)
    C’est-à-dire aux détenus du Sonderkommando.
  • (47)
    Joseph Dorembus (« Warszawski Joseph »), né le 27 juillet 1906 à Zyrardow (Pologne). Jusqu’à 1931 à Varsovie, ensuite à Paris. Dans les années 1939-1940 volontaire dans l’armée française, il lutte contre les Allemands. Rentré en 1940 du camp de prisonniers de guerre, militant syndicaliste et résistant. Arrêté en janvier 1943, déporté du camp de Drancy à Auschwitz-Birkenau le 2 mars 1943 (C.D.J.C., Liste de déportation N° 49, p. 9).
  • (48)
    L’auteur entend par « les civils » les non-détenus d’Auschwitz-Birkenau.
  • (49)
    Plutôt : des millions d’hommes
  • (50)
    C’est-à-dire dans les chambres à gaz et dans les crématoires à Birkenau où on exterminait en masse les hommes de tous les pays occupés par le Troisième Reich.
  • (51)
    L’auteur (numéro matricule A-3076) est arrivé au camp au mois de mai 1944).
  • (52)
    L’évacuation des détenus a commencé au mois d’août 1944 et elle dura jusqu’au 18 janvier 1944. Le camp a été libéré le 27 janvier 1945.
  • (53)
    C’est-à-dire le camp Auschwitz I (Stammlager).
  • (54)
    L’auteur a déformé le nom de l’auteur du journal que nous publions ci-dessus: Zelman Lewental.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.80

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions