1Le 30 avril 1967, avec une ferveur plus grande, peut-être, que par le passé, la Jorunée Nationale de la Déportation et le XIXe anniversaire de la révolte du Ghetto de Varsovie ont été célébrés au Mémorial du Martyr Juif Inconnu.
2Parmi les nombreuses personnalités qui ont honoré la cérémonie de leur présence, nous citerons Son Excellence Walter Eytan, ambassadeur d’Israël, M. Maurice Doublet, Préfet de la Seine, M. Alex. Biscarre, vice-président du Conseil Municipal de Paris, le colonel Arnould, secrétaire général de l’Association Nationale des Médaillés de la Résistance représentant le général Hettier de Boislambert, Grand Chancelier de l’Ordre de la Libération, le chef d’escadron Colle, représentant le Gouverneur Militaire de Paris, le général de Camas, les représentants des associations d’anciens combattants, de résistants, de déportés, etc.
3La célébration de la Journée Nationale de la Déportation fut ouverte par M. Henri Duvillard, Ministre des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, qui déposa une gerbe devant la Vasque du Souvenir. Dans la Crypte, après une minute de silence, la Sonnerie aux Morts retentit.
4D’autres gerbes furent déposées par les différentes associations d’anciens combattants, déportés et résistants.
5La cérémonie consacrée au XIXe anniversaire du soulèvement du Ghetto de Varsovie se déroula ensuite.
6Sous la présidence de M. Jacques Meyer, ancien Conseiller d’Etat, d’éminentes personnalités vinrent dégager les enseignements de cet événement unique dans l’histoire.
7M. Edmond Michelet, Ministre d’Etat, lui-même ancien chef de la Résistance, — ce qui lui valut d’être déporté à Dachau — fit état de trois séries de réflexions que lui inspirent cet anniversaire. Il s’agit, en premier lieu, de demeurer vigilants, car les racistes, le ranisme, sont toujours parmi noos.
8En second lieu, il s’agit de combattre une autre forme de racisme, qui se cache derrière l’affirmation que les Juifs se seraient laissés mener au massacre « comme des moutons ». Il s’est trouvé que M. Michelet a personnellement rencontré, au camp de Dachau, des survivants du soulèvement du Ghetto de Varsovie et il a pu se rendre compte à l’époque, de leur esprit combatif et résolu.
9Troisième élément essentiel : l’espoir. En effet, aux moments les plus sombres, des hommes ont su préserver la foi et l’espoir. C’est pour cette raison que le soulèvement du Ghetto de Varsovie, comme la révolte de Treblinka, sont devenus des symboles lumineux de l’humanité.
10M. René Cassin, Membre de l’Institut, Président de l’Alliance Israélite Universelle, qui fut un des premiers et les plus proches compagnons du général de Gaulle à Londres, après avoir rappelé le rôle, peu glorieux, joué par les puissances alliées au moment de la révolte du Ghetto de Varsovie, se référa à plusieurs reprises à l’histoire de l’insurrection des Juifs il y a près de deux mille ans, à l’époque du Bar Kochba. Il fait un parallèle entre les rapports adressés par le général SS Stroop et ceux des généraux romains d’il y a deux mille ans. Les uns et les autres ont été amenés, bien involontairement, à rendre hommage au « peuple à la nuque roide », qui se refuse à plier le genou devant la force brutale.
11M. Pierre Giraud, Conseiller Municipal socialiste de Paris, souligna l’isolement tragique dans lequel se trouvaient les Juifs sous l’occupation et plus particulièrement les Juifs des Ghettos à l’Est.
12Mettant en parallèle la lutte héroïque des combattants des ghettos et celle des républicains espagnols et des brigades internationales, l’orateur a souligné que, deux fois, l’enjeu de la bataille dépassait la défense de l’existence nationale et de l’honneur du peuple. Il s’agissait de la défense de l’Humanité toute entière.
13Malgré le faible nombre de survivants, les défenseurs du Ghetto de Varsovie ont lutté jusqu’au dernier. Ils ont combattu seuls, tragiquement seuls, sans le moindre espoir d’aide de l’extérieur.
14Aujourd’hui, quand le racisme et l’antisémitisme relèvent la tête, leur sacrifice doit nous servir d’exemple.
15M. Bernard Lecache, Président de la L.I.C.A., lança une mise en garde contre les formes « modernes » que prennent le racisme et l’antisémitisme, et plus particulièrement contre l’excitation « anti-israélienne » des Etats arabes, qui vise, en réalité, la totalité des Juifs du monde entier. Le souvenir des héros du Ghetto de Varsovie dicte notre devoir.
16L’orateur stigmatisa l’activité des néonazis dans le monde entier, depuis le Japon et l’Australie, à travers les pays arabes jusqu’à l’Amérique latine, et plus particulièrement en France. Il est indispensable de conserver la vigilance.
17Le baron Alain de Rothschild, président du Consistoire Israélite de Paris, releva que le Ghetto de Varsovie s’était révolté au printemps, c’est-à-dire pendant la saison qui, plus que toutes les autres, est liée à l’idée de Liberté. De même que la Haggadah de Pessah fait obligation à chaque Juif de se considérer comme s’il avait personnellement connu la captivité d’Egypte, de même il faudrait, de nos jours, que chaque Juif se considère personnellement comme ayant vécu et survécu aux ghettos et aux camps de la mort. Il nous appartient d’enseigner à la génération qui monte que cette page à la fois tragique et glorieuse de notre Histoire, et plus particulièrement l’héroïque insurrection du Ghetto de Varsovie, a constitué un combat héroïque pour la défense de l’humanité toute entière.
18M. F. Schrager, directeur de l’O.R.T.-Union, mit l’accent sur les hauts faits des héros anonymes, dans le Ghetto de Varsovie et ailleurs, dans une multitude de camps et de ghettos. La Résistance ne s’est pas toujours exprimée les armes à la main, car on ne disposait pas toujours d’armes. Il y eut de multiples formes de résistance, toutes empreintes de courage et de dignité, Il y eut, entre autres, le cas du grand pédagogue, universellement connu et respecté que fut Janusz Korczak. Le chemin de la mort, que Korczak choisit d’emprunter aux côtés des enfants de l’institution dont il avait la charge, symbolise de façon frappante le destin de centaines et de centaines d’instituteurs, de professeurs et d’éducateurs juifs. L’ombre de nos héros inconnus plane sur le souvenir des combattants anonymes.
19Le poète M. Schulstein, qui s’est exprimé en yiddish, estime que le Mémorial du Martyr Juif Inconnu à Paris constitue l’endroit le mieux choisi pour se recueilir. Evoquant le souvenir des poètes du Ghetto de Varsovie, coupés du monde, qui éprouvaient la sensation que le monde se détachait d’eux, il rappela comment ceux-ci, malgré les circonstances, ont poursuivi la lutte contre l’Allemand, renouvelant ainsi le combat légendaire de David contre Goliath. Et voilà qu’en effet, pour la première fois pendant la seconde guerre mondiale, Goliath a été contraint de reculer, dans une mesure minime certes, devant David réussisant à infliger à son oppresseur une décisive défaite morale.
21Pour toutes ces raisons, nous devons préserver éternellement le souvenir des combattants du Ghetto de Varsovie.
22Le dernier orateur fut le Président de la cérémonie, M. Jacques Meyer, qui tira la leçon de la révolte du Ghetto de Varsovie. Plus que jamais, fit observer l’orateur, le Droit et la Justice durent faire face à la force brutale. Ils le firent courageusement, héroïquement. C’est pour cela que le sacrifice des combattants du Ghetto de Varsovie, comme le sacrifice des combattants de la Résistance, conservera à tout jamais sa valeur d’exemple pour tous les hommes épris de Justice et de Liberté.
23La cérémonie prit fin sur le Chant des Partisans, et sur l’Hymne des partisans du ghetto de Vilna, exécuté par la Chorale Populaire de Paris.
24Voir en pages suivantes des photos de la cérémonie.
Date de mise en ligne : 06/01/2021
