1Sa personne fut illuminée de bonté juive. Ses actes, pris un par un, illustrent la grande œuvre du mouvement de résurrection hébraïque et son développement durant près de soixante ans ; à savoir : immigration pionnière, réalisation des idéaux du travail, organisation des ouvriers hébreux pénétrés d’une conscience à la fois nationale et socialiste, organisation des communautés en Terre d’Israël, fondation du Hashomer qui annonce déjà la Hagana où, là encore, le Président et son épouse Rachel Yanaït se montreront très actifs.
2Ben Zvi donna ses encouragements les plus vifs à la première presse juive socialiste dans le pays, et il fut l’un des rédacteurs de la « Ahdout ». C’était un hiéroslymitain de cœur depuis le jour où il se trouva pour la première fois dans la capitale d’Israël. Il fit tout son possible pour procurer un certain « bien-être » à la ville, il exigea qu’on lui fît honneur de son vœu le plus cher fut que Jérusalem pût à nouveau ceindre la couronne des créateurs. Sur le plan pratique, il n’a jamais relâché ses efforts en vue de faire de Jérusalem le centre de la presse et de l’édition hébraïques.
3Dès son arrivée dans le pays, il avait déjà saisi la nature des besoins de la communauté juive en Erets-Israël afin qu’elle pût devenir une « nation » et s’organiser en un peuple nouveau ; il avait compris la portée extraordinaire du phénomène des tribus dispersées qui se rassemblaient dans leur patrie ancestrale et il s’était tout de suite considéré lui-même comme un membre de l’une de ces tribus, et il a adopté leur style de vie. Il s’est consacré à l’étude du passé des communautés d’Orient jusqu’à son dernier souffle. Dans ce but il crée l’Institut qui porte son nom à l’Université Hébraïque, et il a fait tous les efforts pour l’enrichir de documents et de textes anciens. Entre autres il s’est rendu acquéreur d’une Bible très ancienne, celle de Ben Asher, et il l’a ramenée à Jérusalem.
4Il a traversé le pays de part en part, à pied, portant toujours sous son bras une Bible. Dans ses nombreuses recherches d’érudition il a voulu prouver l’antiquité de la présence juive en Erets-Israël, et sa continuité. C’est pourquoi il met en relief des personnages et des chefs antiques qui ont participé au relèvement et à la résurrection du peuple. Les études qu’il a faites sur les communatés juives sont véritablement scientifiques en ce sens qu’elles ne s’accordent aucune facilité. Sa sincérité et son authenticité y éclatent.
5Le Président Ben-Zvi appartenait au peuple de la manière la plus pure, il était humble et simple, humain et noble tout à la fois. Ce sont ces qualités qui faisaient que le public se sentait très proche de son Président comme chaque citoyen le respectait. Venu du sein du peuple c’est au milieu du peuple qu’il a tenu à siéger lorsqu’il se vit confier les plus hautes fonctions de l’Etat.
6Seule une telle personnalité, à laquelle s’est ajoutée harmonieusement celle de sa compagne Rachel Yanaït, pouvait créer cette vénérable « Maison du Président » vers laquelle se tournaient tous les yeux et tous les cœurs. Elle brillait comme un symbole d’élévation civique. La tradition de la demeure présidentielle, pendant les dix ans que Ben-Zvi l’a occupée, illustre la grandeur morale du premier citoyen de l’Etat et de son épouse, dont la flamme de dévouement animait toujours la modeste « baraque » de Réhavia. La première de ces baraques a été transférée à Beit-Késhet et transformée en maison de la culture, à la mémoire du fils du Président, Elie, tombé pendant la guerre de l’indépendance avec quelques camarades en défendant l’endroit. La Maison du Prtsident fut le centre d’une existence entièrement consacrée à l’amour du peuple et du pays. Chaque mois, Ben-Zvi et Rachel Yanaït recevaient des représentants des différentes communautés. Pendant la fête de Souccot et durant les célébrations du jour de l’indépendance, la maison présidentielle était largement ouverte et les réceptions s’y succédaient ; c’est encore dans cette demeure qu’avait lieu, chaque année, la cérémonie de clôture de la saison archéologique où l’on résumait les découvertes de l’année qui venaient enrichir le patrimoine du passé. C’est aussi de la demeure présidentielle qu’on a fait la première annonce de la découverte des lettres de Bar-Kochba. On a célébré dans la fameuse « baraque en bois » : les services liturgiques à la mémoire des premiers pionniers de l’Israël moderne, les événements littéraires et les jubilés en l’honneur des hommes de lettres hébreux ; on y a donné régulièrement des cours de Bible, des conférences pour la jeunesse israélienne et pour les nouveaux immigrants, survivants de l’holocauste de la deuxième guerre mondiale. Le Fonds de la Présidence, créé par Rachel a permis d’offrir des livres à des centaines ’écoles. Enfin, c’est encore dans le cadre de la demeure du Président que se déroulaient chaque année des cérémonies de Bar-Bitsva publiques.
7Un homme, une femme dans la détresse ou la misère, se tournaient vers la « Maison du Président ». La maison se déplaçait, en quelque sorte, vers les centres de peuplement des immigrants. Elle était ouverte à tous ceux que le destin avait bousculés, pour leur apporter assistance matérielle et soutien moral.
8Il y a deux ans, l’un des premiers membres du « Hashomer », un certain Alexander, qui se trouvait par hasard à Jérusalem, demandait à voir son ami le Président de l’Etat. Il se rendit directement à la Présidence, entra dans la première salle et à sa surprise il y trouva le Président entouré d’ambassadeurs et de représentants de l’étranger. Il est probable que notre visiteur était venu un jour de présentation de lettres de créances. Alexander, impressionné et embarrassé, recula et s’en fut. A la fin de la cérémonie, le Président qui avait tout vu, envoya un policier à la recherche de son ami. Le policier eut tôt fait de retrouver le visiteur et de le ramaner à la Présidence où Ben-Zvi s’excusa de ne pas avoir pu se libérer plus tôt, ayant dû accomplir quelques rites inhérents à la fonction présidentielle. Une telle maison n’a jamais existé auparavant dans l’histoire de la nation juive. Faisons en sorte de conserver cette acquisition nationale.
9Le Président est mort, le front ceint de plusieurs couronnes. Il a rejoint ses ancêtres. Erudit de l’Antiquité du pays et de son peuple, infatigable enquêteur des tribus dispersées d’Israël, qui sut dévoiler quelques-uns de leurs trésors spirituels, il a œuvré toute sa vie pour et avec le public : il fut l’un des premiers à reprendre le flambeau de l’héroïsme d’Israël et il fut l’un des fondateurs du mouvement des travailleurs hébreux et de la Histadrout. Il fut aussi l’un des premiers artisans de la souveraineté nationale et c’est en serviteur du peuple qu’il a porté la couronne présidentielle. Cette couronne, qui pourra dénombrer les pierres précieuses qui y sont serties à jamais et parmi lesquelles brille celle du renom qu’a su se gagner Ben-Zvi et qui l’accompagne dans la tombe ? Chef bien-aimé, tout un peuple l’a suivi jusqu’à sa dernière demeure.
10Sa grande modestie (son cœur et ses yeux n’ont jamais laissé l’orgueil les envahir) la simplicité de ses manières et l’austérité de son train de vie, le visage ouvert et souriant qu’il offrait à chacun, l’honnêteté et la modération qui inspiraient le respect de tous — toutes ces pierres précieuses, la noblesse de son âme, ce sont elles qui lui ont valu la plus recherchée d’entre les couronnes que le monde puisse offrir à un seul individu : celle de la bonne renommée.
Date de mise en ligne : 04/01/2021