1APRES LA MORT DU DR. CHAIM WEIZMANN, PRESIDENT DE L’ETAT D’ISRAEL »
2Du monde entier sont venus des messages de sympathie à l’adresse d’Israel qui, avec le judaïsme mondial, pleure le grand homme d’Etat décédé le 9 novembre à son domicile de Réhovoth, près de Tel-Aviv. C’est ainsi que le président Truman a fait parvenir la déclaration suivante :
3« L’humanité vient de perdre un chef valeureux. Les efforts qu’il a accomplis en faveur de l’établissement d’un foyer pour le peuple juif, autant avant la proclamation de l’Etat d’Israel que par la suite comme chef du nouveau Gouvernement, lui ont acquis le respect et la gratitude de millions d’êtres humains. Il fut un Sage dons la meilleure acception du terme, et ce fut pour moi un grand honneur de l’avoir connu ».
4La Reine Elisabeth, le Premier Ministre W. Churchill, M. Trygve Lie, Secrétaire général des Nations Unies et de nombreuses personnalités politiques de tous pays ont envoyé d’émouvants messages. Quant à S. E. Maurice Fischer, Ambassadeur d’Israel à Paris, il a déclaré :
5« La mort de notre grand et cher Président nous laisse désemparés. A la tête de l’Etat, Chaïm Weizman symbolisait l’époque héroïque du réveil national, maintenant vivante la présence tutélaire de la « génération des Rédempteurs de Sion ». Aujourd’hui, un deuil profond unit les cœurs dans le judaïsme tout entier.
6« Le souvenir du disparu transmettra dans les générations à venir la leçon de foi, de courage, de sensibilité, d’intelligence qui se dégage du noble combat qu’a victorieusement mené Chaïm Weizmann, le grand sioniste, le grand savant, le grand Président, la grande âme juive ».
7La presse mondiale est unanime à louer les qualités de l’éminent chef d’Etat qui vient de disparaître :
8« L’Europe perd en lui un grand chef spirituel, déclare « Combat » (10 novembre)… En même temps que l’un des pionniers de l’époque légendaire du sionisme, il fut la figure la plus représentative du renouveau national juif… »
9Et Henry Benazet, dans « l’Aurore » (10 novembre) s’écrie :
10« …Alité depuis un an, et à peu près aveugle, Chahïm Weizmonn qui vient de s’éteindre presque octogénaire, a pu mourir heureux. N’aura-t-il pas réalisé la prophétie d’Amos : « Je relèverai de ses ruines le tabernacle de David. Et je le rebâtirai, comme il était jadis ! »
11« Prodigieuse destinée ! Ah ! qui donc eût imaginé que ce petit Juif de Russie blanche, contraint pour achever ses études d’enseigner l’hébreu, deviendrait, un jour, le premier chef de l’Etat reconstitué d’Israel, après s’être affirmé, d’ailleurs, l’un des plus célèbres savants de son époque ? »
12Selon Edouard Sablier (« Le Monde », 11 novembre) :
13« Savant, prophète, chef d’Etat, Chaïm Weizmann fut le Moïse de la Terre Promise.
14…C’était un des grands noms de la science mondiale. Dès son élection à la tête de l’Etat juif nouvellement créé, il s’était remis à ses travaux. Le sol brûlé du Néguev contient tous les espoirs d’avenir du jeune Etat, et l’Institut Weizmann recherchait intensément les moyens de faire revivre les déserts.
15…Ce fut le grand mérite de Weizmann d’avoir compris le phénomène de la renaissance arabe et d’avoir tenté de lier les efforts du nationalisme hébreu avec ceux du nationalisme arabe. Ses efforts aboutissaient d’ailleurs à l’accord judéo-arabe de 1922 à Amman.
16…Outre son œuvre scientifique, Chaïm Weizmann a laissé les preuves de son immense culture. Il utilisait couramment le russe, l’allemand, l’anglais, l’italien, et naturellement l’hébreu. Sa demeure de Réhovoth était un haut lieu de la science et de la culture. Des personnalités du monde entier effectuaient le pélerinage pour converser avec l’homme qui, physiquement, ressemblait étrangement à Lénine et moralement s’apparentait à Gandhi.
17…Le président Weizmann étoit lié par une amitié étroite aux chefs des nations démocratiques Churchill, Eden, Truman étaient parmi ses amis les plus chers.
18…Et preuve de son prestige immense, même parmi ses adversaires, un journal arabe de Jordanie publiait dès la nouvelle de sa mort un long article à la louange de la vie et de l’œuvre du premier pionnier d’Israel. »
19Toute la presse anglo-saxonne s’est associée à l’hommage rendu au « Moïse du XXe siècle » Ainsi le « Times » (10 novembre) écrit :
20« La mort du président Weizmann atteint en même temps Israel, qui perd en lui son premier président et le judaïsme international qui se voit privé de son plus grand homme d’Etat… La foi de Weizmann était justifiée. L’œuvre à laquelle il se consacra fut achevée de son vivant. Ce fut un rêveur dont le rêve devint réolité. »
21APRES L’ACCORD DE LUXEMBOURG L’ALLEMAGNE, ISRAEL ET LES ARABES
22En dépit des violentes réactions arabes, le Chancelier Adenauer, après avoir fait remarquer que l’accord n’a nullement pour objet de faciliter l’expansion territoriale d’Israel, a énergiquement réaffirmé que son pays ne cèderait pas devant les menaces de la Ligue arabe tendant à ce que soient dénoncés les accords commerciaux conclus par les Etats arabes avec l’Allemagne… « Il serait honteux, a-t-il dit notamment, de faiblir dans notre résolution, parce que nous sommes menacés de représailles économiques. Il y a des choses plus importantes que les bonnes affaires. Nous voulons une autre Allemagne que celle de Hitler. »
23La presse note cependant que l’opinion en Allemagne même est assez divisée.
24« D’une part, lit-on dans le « Figaro » (10 novembre), Israel se refuse à toute révision ; d’autre part, les milieux commerçants et industriels allemands intéressés aux affaires avec le monde arabe, élèvent la voix… la délégation de la Ligue arabe, installée à l’hôtel Excelsior, de Cologne, tient conférence privée sur conférence privée, ne manquant pas de faire pression sur le gouvernement : « Nous commanderons à la zone soviétique ce que nous ne pourrons plus acheter à Bonn. »
25Cependant, indique « Combat » (7 novembre), les Allemands désirent garder les marchés acquis au Moyen-Orient. Ils ont cherché en conséquence à adoucir les Arabes par divers moyens. Ils ont offert des concessions commerciales à chacun des Etats arabes et ont contribué au fonds des Nations Unies pour l’assistance aux réfugiés arabes. Ils ont également donné l’assurance qu’aucun produit d’importance stratégique ne sera livré à Israel et ont proposé qu’un organisme neutre contrôle les livraisons. »
26Négociations qui s’expliquent. Car, signale René Payot (« Le Journal de Genève », 15 novembre).
27« …En 1951, les Etats arabes ont importé d’Allemagne des marchandises pour une valeur de deux cents millions de marks, et ils lui ont vendu du pétrole, du coton, des cuirs pour une somme de quatre cents millions. Les échanges ne font que s’accroître : l’industrie allemande trouve d’excellents débouchés pour ses machines dans ces régions encore peu développées.
28Mais néanmoins le Chancelier veut avant tout tenir la parole donnée aux Israéliens. Il agit en homme politique qui sait à quel Fuehrer-chancelier il succède à la tête de l’Allemagne : basant sa politique sur la confiance réciproque, il veut dosner l’exemple ». (« Gazette de Lausanne », 15-16 novembre 52).
29C’est ce qu’indique également « Die Neue Zeitung », de Francfort, du 14 octobre :
30« …Le poiement de réparations à Israel est une dette d’honneur pour l’Allemagne. Tandis que les relations avec les Arabes se situent sur un tout autre terrain : il s’agit en l’espèce d’un conflit de nature politique et militaire.
31L’amitié avec les Arabes ne saurait être achetée au prix du reniement de l’honneur allemand.
32« LE PROCES DE LA GESTAPO DE LA RUE DE LA POMPE »
33Sous le titre « Ça n’intéresse personne », Jean-Marc Theolleyre s’indigne dans le « Monde » de l’indifférence générale qui accueille actuellement le procès des criminels de la collaboration.
34« Ça n’intéresse personne », ont décrété ceux qui connaissent les goûts de l’opinion publique. Et c’est vrai le procès de la Gestapo de la rue de la Pompe qui s’ouvre aujourd’hui — et va pourtant se prolonger pendant un mois n’a aucune vertu excitante. Mais il ne manquera pas de susciter un étonnement exaspéré en montrant qu’au bout de sept ans il reste encore dans les prisons des hommes qu’on n’a pas trouvé le moyen de juger. Tout le problème est là.
35Car l’indignation a le souffle court. Les trains bondés de cadavres, les morts squelettiques, les macchabées grotesques, ont fini de faire recette. On arrive même à trouver indécent ce rappel des tortures et des misères. Ceux qui les ont connues ont reçu leur part de la curiosité et de la reconnaissance nationales. On leur a accordé les vivats brûlants d’août 1944. Des yeux embués de larmes ont accueilli les revenants de la nuit et du brouillard. On a fusillé allègrement un bon contingent de ceux désignés comme responsables de leurs souffrances. N’est-ce pas assez ?
36C’était sans doute trop. Ce qui compte aujourd’ui ce n’est pas le sort de dix-huit tortionnaires. C’est cette indifférence, cette gêne d’une nation prête à brûler ce qu’elle a trop frénétiquement adoré. Déjà ceux qui furent l’objet de ce délire sont classés parmi les raseurs et les radoteurs ou moindre rappel de leur présence. Faut-il croire qu’ils donnent mauvaise conscience à la foule qui naguère hurlait à la mort dans les prétoires des cours de justice ? On a découvert un peu tard que les excès n’étaient pas salutaires. La foule se le tient pour dit.
37Mais les cent soixante-cinq rescapés de la rue de la Pompe, appelés à venir raconter à la barre du tribunal militaire leurs douloureux souvenirs, en sont réduits à se convaincre qu’ils ne vont remuer — aux yeux du plus grand nombre de leurs concitoyens — que des cendres froides.
38APRES LE RASSEMBLEMENT DES SS A VERDEN
39On sait que le 26 octobre dernier, près de Francfort, au cours d’un rassemblement de 5.000 anciens Waffen SS, le général Ramcke s’est livré à de violentes attaques contre les nations occidentales, critiquant leur attitude à l’égard des anciens Waffen SS et proférant, d’autre part, aux applaudissements de l’auditoire, toutes sortes d’injures à l’égard des Puissances alliées.
40« Les criminels de guerre, a dit Ramcke, ce sont les auteurs du trcité de Versailles, ceux qui ont détruit les villes allemandes sons raisons militaires, qui ont lancé la bombe atomique sur Nagasaki et Hiroshima… Les soldats allemands qui ont combattu au front ne sont pas des criminels. Les véritobles criminels de guerre, ce sont les Alliés ! »
41Bien entendu, le général Ramcke a soigneusement omis de faire allusion aux camps de déportation, aux fours crématoires, à Auschwitz, à Oradour…
42Et de rappeler que lui-même, en mars 51, fut condamné à 5 ans de travaux forcés par le tribunal militaire de Brest, parce que des crimes atroces avaient été tolérés, sinon ordonnés par lui : des témoignages irréfutables en font foi.
43Toute la presse, aussi bien française qu’anglo-saxonne, dénonce le caractère inquiétant de manifestations telles que. celle de Verden. « Le Populaire » du 1er novembre établit à cet égard un rapprochement significatif :
44« Sont-ils synchronisés, « Gleischgeschaltet », comme disait Goebbels ? une direction mystérieuse orchestre-telle les instruments nazis, fascistes, Kollabos, qui retentissent en Allemagne, en Italie, en France ?
45Presque au même moment où M. Georges Bidault lisait à la tribune de l’Assemblée Nationale des extraits repoussants de « Rivarol », d’ « Aspects de la France », les agences nous apportaient des propos tenus en Allemagne par l’ex-général Ramcke et nous signalaient qu’un congrès d’anciens SS s’était tenu à Verden, en Basse-Saxe, sous la présidence de l’ex-général SS Herbert Gille.
46Ainsi se retrouvent ceux qui s’étaient rencontrés en 1940 et avaient mené au coude à coude jusqu’en 1945 le même combat pour l’asservissement des nations et l’avilissement des hommes.
47…Quand Laval, Déat, Maurras, souhaitaient la victoire de Hitler et travaillaient à cette victoire, recrutaient pour lui, regrettaient qu’il ne fût pas plus implacable et plus cruel encore envers les patriotes français, ils servaient, contre leur pays d’origine, l’Allemagne des nazis. Ils étaient avec Ramcke et Kesselring, avec Mussolini et Graziani, contre de Gaulle et de Lattre de Tassigny, contre Pierre Brossolette, d’Estienne d’Orves, Gabriel Péri.
48Ils furent ensemble honteusement battus. A peine graciés, sinon pardon - nés dans le cœur des hommes et des femmes qui ont, par leur faute souffert et perdu des êtres chers, voici que ceux d’entre eux à qui une incommensurable clémence le permet, reprennent, de l’un et de l’autre côté du Rhin, de l’un et de l’autre côté des Alpes, l’ignominieuse besogne à laquelle ils furent ensemble attelés. Ils préparent la revanche du nazisme. »
49Quant à la presse allemande, elle indique que les réactions des auditeurs du général Ramcke ont été assez « nuancées ».
50« …Aucun des assistants ne s’est levé pour imposer silence à Ramcke… Aussi l’étranger doit-il penser que le pathos chauvin et la haine frénétique de la démocratie de Ramcke étaient partagés par ses auditeurs. »
51La « Koelnische Rundschau » écrit que le général :
52« A apporté des arguments à ceux qui, à l’étranger, s’opposent à une amnistie pour les criminels de guerre allemands encore emprisonnés. »
53Selon le « Frankfuerter Allgemeine », conservateur indépendant :
54« Les remarques de l’ex-général ne doivent nullement être considérées comme l’expression du sentiment allemand… Nous demondons, par ailleurs, précise cet organe, qu’il n’y ait pas de Ramcke dans la nouvelle armée allemande. »
55Opinion que partage, entre autres, le « Daily Telegraph » :
56« Il est intolérable, écrit-il, que le général Ramcke puisse glorifier les exploits des SS. L’accord tripartite visant à une révision des sentences passées contre les criminels de guerre admet la possibilité d’adoucir les exigences d’une justice formaliste en tenant compte de l’opinion qui se fait jour en Allemagne. Si toutefois cette opinion est de la même nature que celle exprimée par le général Romcke, il vaut mieux renoncer à l’idée de se la concilier. »
Mise en ligne 04/01/2021