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Article de revue

Les Juifs en Belgique

Pages 10 à 13

Notes

  • [1]
    Voir le début de cet article dans le no 49 du « Monde Juif ».
    Prochain article : Les Juifs à Anvers.

1Apartir de 1370 un rideau masque la présence juive dans ce pays et on ne sait plus au juste ce qui est advenu de ces errants. Il n’y a aucun décret de proscription des Juifs de Belgique, comme c’est le cas pour la France sous Philippe Le Bel. Mais les Juifs, à cette époque, semblent disparaître ou s’éclipser, et nous ne les retrouverons qu’après une pause de tout un siècle.

Le massacre des Juifs de Bruxelles

2Entre 1349 et 1369, dans l’espace d’une vingtaine d’années, les Juifs de Bruxelles menèrent une existence dure et amère. Beaucoup d’entre eux périrent pour la Sanctification du Nom en ce temps-là. On mentionne leur martyre dans le célèbre « Mémorial » de Mayence. Il existe d’autre part, un « mémorial » de la petite communauté bavaroise de Persei où il est question des martyrs de Flandre. L’illustré Rabbi Joseph Hacohen d’Avignon, auteur de l’Emek Habakhah (« La Vallée des Larmes »), note à ce sujet ce qui suit :

3« Les Juifs de la province des Flandres furent l’objet de toutes sortes de calomnies et on les condamna à mort. Beaucoup d’entre eux eurent la vie sauve en acceptant !e baptême. On dit que les descendants de ces convertis par la contrainte vivent encore de nos jours dans ce pays. »

4Le 22 mai 1370 représente le jour noir de la communauté juive de Bruxelles. A la suite d’une accusation calomnieuse de profanation d’hostie — ces sortes d’accusations ont fait de multitudes de victimes juives au moyen-âge — lancée contre un notable de la communauté. Rabbi Jonathan, ainsi que contre son épouse et son fils, plus de 500 Juifs bruxellois furent massacrés. Cette affaire est restée mémorable dans les milieux catholiques et l’histoire l’a enregistrée sous le nom de « Miracle de Sainte Gudule ». Tous ceux qui ont séjourné à Bruxelles connaissent l’Eglise qui porte ce nom.

5Les Juifs bruxellois avaient l’habitude de célébrer le deuil aux anniversaires de ce Jour fatidique. Les catholiques fêtent eux la Sainte Gudule. Dans l’Eglise en question 18 vitraux sont dédiés à ce « miracle ». On y aperçoit des Juifs transperçant l’hostie et puis le prodige s’accomplit : du sang jaillit du pain, le sang du Christ. Toute une littérature d’exégèse a fleuri autour dudit « miracle ». Les ecclésiastiques ont affirmé que les Juifs n’avaient pas, contrairement à la légende, transpercé l’hostie, se contentant de la voler. Du reste, l’histoire du e. prodige » n’a été inventée que deux siècles plus tard, dans le dessein évident de ranimer l’ardeur de la foi.

6Aux environs de 1932, fut fondé à Bruxelles un cercle d’études de l’histoire juive. A ses débats le consistoire convia les historiens eminente afin d’examiner des problèmes ayant trait au passé juif de Belgique. L’une de ces séances fut consacrée à 1’ « affaire Sainte Gudule ». Un prêtre catholique, l’Abbé Lefèvre, y lut des extraits de son livre sur ce sujet. Il anéantit complètement la thèse officielle des historiens officiels concernant ce chapitre.

7Cependant, en 1870, lors du cinq centième anniversaire de ce massacre historique, des réactionnaires choisirent le jour de sa commémoration pour exciter les gens contre les Juifs. Us fêtèrent l’événement à leur manière habituelle et les cléricaux firent des processions dans Bruxelles. Mais l’opinion publique belge se dressa contre ces manifestations de la réaction noire et le prolétariat belge, encore politiquement très faible à cette époque, se mit à la pointe du combat contre l’offensive des cléricaux.

Les Juifs à Bruxelles

8Le « massacre de Bruxelles », pour aussi horrible qu’il fut, ne représente cependant qu’une page de l’histoire des Juifs de la capitale belge. Les Juifs résidaient dans cette ville des siècles avant ce massacre. D’après certaines thèses historiques, des Juifs se seraient trouvés à Bruxelles dès l’érection de cette cité, fondée au septième siècle. Ils durent subir les atrocités des croisades, mais ils connurent aussi de longues périodes paisibles.

9En 1713, la Belgique fut occupée par les Autrichiens qui ordonnèrent avant tout que les Juifs de Bruxelles fussent chassés de la ville. Toutefois, les Autrichiens étaient très sensibles à l’argument sonnant. Les Juifs payèrent et ils purent rester. Quelques Juifs se voient même accorder des droits de citoyens, ainsi le notable Philippe Nathan qui obtient l’autorisation d’acquérir du terrain pour un nouveau cimetière juif, l’ancien, situé près du Fort de Namur étant devenu point fortifié.

10A cette époque beaucoup de Juifs de Hollande et d’Alllemagne se fixent à Bruxelles, entre autres les familles Lomdau, Hirsch, Simon, Furth et Lipmänn dont les descendants exercèrent par la suite une forte influence au sein du judaïsme belge. Ce fut une période relativement faste pour les Juifs bruxellois. Avec ou sans « droits », ils se tiraient d’affaire. Cette situation dura jusqu’à l’arrivée des Français en 1794 qui importèrent en Belgique l’esprit de la Grande Révolution.

11Il faut toutefois convenir que par la suite, dans le régime néerlandais, entre 1814 et 1830, les Juifs n’eurent pas davantage à se plaindre. Les Hollandais avaient le sens de la tolérance et ils l’appliquèrent en Belgique aussi.

12Le Consistoire juif était alors florissant. Il dépendait du Centre hollandais de Krefeld, toutefois la communauté de Bruxelles demeura le chef-lieu de 14 autres communautés juives. En 1830, Bruxelles devient la métropole de toutes les communautés juives du pays. Il y a lieu de noter que, depuis la Révolution française, les vents du libéralisme n’avaient pas cessé de souffler. L’émancipation des Juifs se réalisa, ils devinrent des citoyens jouissant des droits d’égalité. L’augmentation du nombre de Juifs à Bruxelles est significative. Il y a 60 ans, la capitale belge ne comptait que 150 familles juives. A la veille de la première guerre mondiale, on compte dans cette même ville plus de dix mille Juifs. Nous connaissions tous la florissante colonie juive de Bruxelles d’avant la seconde guerre mondiale. Malheureusement, nous ne l’avons pas retrouvée après la Libération. Le Bruxelles juif a chèrement payé en nombreuses victimes, l’ère de la domination nazie antijuive.

13(A suivre.)

14Au cours d’une importante réunion la communauté israélite de France est invitée à soutenir le projet du TOMBEAU DU MARTYR JUIF INCONNU

15Compte-rendu de la manifestation du 21 novembre à l’Hôtel Lutétia

16LE PRESIDENT, M. J. PIERRE-BLOCH, ouvre la séance et rappelle que le projet du Tombeau du Martyr Juif Inconnu a été conçu par le C.D.J.C. et constitue le prolongement de son activité remarquable au service de la cause juive et de celle de la liberté. Il ne faut pas oublier, dit-il, que six millions de Juifs ont été exterminés avec la complicité de tous. Les centaines de mille de documents que le C.D.J.C. s’honore d’avoir recueillis sont d’une valeur inestimable pour rappeler au monde l’immensité de la catastrophe juive et la culpabilité qui pèse sur les bourreaux, sur leurs complices, sur les indifférents. Il suffit de jeter un coup d’œil sur des publications, telles que « Rivarol », « Aspects de la France », etc., pour mesurer l’importance de la situation actuelle de l’œuvre du C.D.J.C.

17Le grand projet du Mémorial conçu par le Centre a été reçu avec enthousiasme en France comme à l’étranger où l’orateur a eu l’honneur de représenter le Centre.

18M. Pierre-Bloch cite ensuite les personnalités éminentes, juives et non juives, qui ont accordé leur patronage au projet du Mémorial et lancé un vibrant appel à la communauté juive de France afin qu’elle prête son appui entier à l’œuvre projetée. « On nous demande, dit-il, pourquoi on a décidé d’ériger le Monument à Paris ; parce que nous sommes quelques-uns à penser que c’est à Paris, capitale de la Révolution, de la Commune, de la Libération, qui a vu tomber tant de combattants juifs, que le Tombeau doit être élevé ; Paris demeure le centre du monde et la cité des libertés où chaque rue est sanctifiée par des souvenirs historiques. C’est pourquoi, Paris doit abriter le Tombeau du Martyr Juif Inconnu ». L’orateur conclut en répétant son vibrant appel à la communauté israélite de Paris pour qu’elle soutienne de son mieux les efforts du Comité Mondial et pour que cesse la honte de l’oubli de nos martyrs et de la calomnie antisémite.

19M. DANIEL MAYER, ancien ministre du Travail, débute par une confession d’ordre personnel : il avoue que, quand M. Schneersohn lui avait communiqué son projet, son premier mouvement était de n’y pas adhérer. Pourquoi ériger un Mémorial des victimes uniquement juives d’un fléau qui a frappé tant d’autres ? N’est-ce pas une sorte de racisme à rebours ? Mais après réflexion l’orateur avoue qu’il s’était trompé : ce sont en effet les Juifs qui ont fourni le nombre le plus important des victimes les plus innocentes. L’orateur fait état d’un souvenir personnel concernant un enfant Juif à qui il enseignait le français sous l’occupation, qui fut déporté et brûlé dans les camps de la mort. Le souvenir de cet enfant lui fit comprendre la nécessité d’une tombe symbolique où l’on pourrait se recueillir en commémorant les disparus. L’orateur cite ensuite un passage d’un discours de M. Justin Godart où il est question du souvenir biblique des persécutions ordonnées par les Pharaons et par Titus. S’il faut qu’on se souvienne des Pharaons et de Titus, il faut aussi se souvenir de Hitler.

20« Ce n’est pas dans un esprit de vengeance ni de revanche que je le dis, ajoute l’orateur, mais pour qu’un Hitler ne puisse jamais réapparaître.

21Il faut que le Tombeau soit un Monument non seulement de la douleur mais aussi de l’espérance juive. Il faut écrire à son fronton « pour que de tels crimes ne se répètent plus ».

22L’orateur cite plusieurs exemples de la renaissance de l’esprit nazi aussi bien en France qu’ailleurs. B exalte le rôle joué jusqu’ici par le C.D.J.C. dans la lutte contre ces phénomènes.

23« Nous sommes antiracistes plus encore que Juifs, déclare l’orateur, il faut que la jeunesse ne soit pas contaminée par le concept de la race. Le Tombeau du Martyr Juif Inconnu contribuera puissamment, à l’en préserver ». Après avoir rendu hommage à l’activité de l’U.N.E.S.C.O. dans ce domaine, l’orateur reprena la question déjà posée par M. Pierre-Bloch: Pourquoi le Tombeau doit-il être érigé à Paris ? Parce que, répond l’orateur, au moment où les F.FX ont hissé le drapeau tricolore à l’Hôtel de Ville, toutes les capitales ont senti qu’il y avait un peu plus de liberté dans le monde. Il faut que les chefs d’Etat, en visite à Paris, aillent s’incliner non seulement sur la dalle sacrée de l’Arc de Triomphe mais aussi devant les cendres des victimes juives conservées dans le futur Mémorial.

24Dans sa péroraison, l’orateur cite la phrase de Jean Guéhenno : « La vraie misère de la France, c’est qu’elle cherche son âme. » L’accueil réservé au projet du Tombeau par le Chef de l’Etat Français, par les ministres et les autres hautes personnalités de la République prouve que la France retrouve son âme.

25Le Président, M. Pierre-Bloch, souligne la qualité de M. Daniel Mayer en tant que député de Paris; ce qui donne à son discours une importance toute particulière. Il donne la parole à

26M. LEON MEISS, qui rend tout d’abord hommage à l’œuvre du C.D.J.C., également importante pour la défense de la cause Juive comme de celle de la liberté dans le monde. Il rappelle tout particulièrement les services rendus par le Centre lors du Grand Procès de Nuremberg. Il voit dans le projet du Tombeau du Martyr Juif Inconnu un prolongement naturel et logique de l’activité du C.D.J.C.

27Mais, lui aussi, voudrait faire une confession : quand le projet a été porté à sa connaissance, trois objections se sont élevées dans son esprit. La première de ces objections provenait du fait que l’orateur considérait le judaïsme comme foncièrement contraire aux monuments funéraires comme aux images. Les docteurs de la loi — M. le Grand-Rabbin de France en tète — ont levé cette objection en faisant état des monuments locaux érigés par diverses communautés avec le plein assentiment des autorités religieuses.

28La deuxième objection était née de l’appréhension qu’un monument de cet ordre ne devienne le lieu de prédilection des terroristes antisémites, une sorte de thermomètre de la montée de l’esprit néo-nazi, renaissant. Cette objection fut levée à son tour, quand l’orateur apprit que le tombeau symbolique se trouvera à l’abri d’un édifice et serait ainsi soustrait aux débordements de la rue.

29La troisième objection concernait le lieu même où le Mémorial serait érigé : pourquoi à Paris et non à Jérusalem, Varsovie ou New-York ? L’orateur constate avec plaisir que cette dernière objection a été levée par les discours des orateurs précédents.

30M. Léon Meiss est maintenant d’avis que le Mémorial doit se dresser à Paris, capitale de la résistance à l’obscurantisme, de la Liberté et de l’hospitalité françaises et y devenir un lieu de pèlerinage des Juifs comme de tous les hommes libres. Les personnalités illustres qui ont accordé leur patronage à l’œuvre l’ont bien senti. L’orateur termine en disant : « Lorsque Je vois le Ministre des Affaires Etrangères du Danemark demander aux Danois non-juifs de contribuer à la réalisation du projet du Tombeau, comment puis-je imaginer que la France refuserait son appui à une telle œuvre ? J’avoue qu’aujourd’hui, j’ai honte de mes objections de première heure ».

31Le Président, M. Pierre-Bloch, met en lumière l’importance de l’appui moral apporté à l’œuvre du Tombeau par M. Meiss, qui a joué un rôle primordial dans l’unification spirituelle du judaïsme de France, et cela dans les conditions particulièrement dures de l’occupation allemande. Il dorme la parole à M. I. Schwartz.

32M. ISAIE SCHWARTZ, Grand-Rabbin de France, dans une vibrante allocution, dit d’abord que, contrairement aux orateurs précédents, il n’a pas de confession à faire. Il a toujours été un partisan fervent du projet de M. Schneersohn. Il tient à réfuter, avec toute la netteté désirable, l’opinion erronnée qui prétend que le Judaïsme contient des éléments d’un racisme exclusif. Nous, les Juifs, formons une seule famille avec tous ceux qui partagent les mêmes conceptions humanitaires Nous faisons des prières pour que l’humanité soit unie dans la fraternité. Personne ne peut donc prendre ombrage à ce que nous érigions un monument à la mémoire de nos innombrables martyrs. L’orateur termine en faisant un vibrant appel à tous les Juifs de France pour qu’ils prêtent leur concours à l’œuvre projetée par le C.D.J.C.

33M. SCHRAGUER constate que la nouvelle génération, aussi bien juive que non-juive, a une nette tendance d’oublier les souffrances du passé récent. C’est, certes, humain et ce l’a été de tous les temps. Nous comprenons donc aujourd’hui mieux que jamais le sens profond des rites commémoratifs juifs, en particulier celui de l’Iskor. Nous devons nous inspirer de l’esprit qui anime ces rites pour rappeler l’épopée du judaïsme européen. Cette tâche est particulièrement lourde à l’époque où tant d’écoles juives de la Diaspora européenne se sont tues. Le flambeau du judaïsme doit être transmis aux juenes, malgré toutes ces difficultés.

34Le Tombeau du Martyr Juif Inconnu rappellerait le chemin de sang et de boue que des millions de Juifs parcouraient durant cinq années et au bout duquel se trouvait la mort. Il rappellerait également la gloire de toute une pléiade de héros Juifs, les Chapiro, Anilevitch, Ringenblum, Chvoinig, Gersch Levin, etc. Le Tombeau du Martyr Juif Inconnu doit matérialiser la piété pour l’exterminé et l’admiration pour le résistant.

35L’orateur exalte le sacrifice des jeunes résistants socialistes juifs qui mourraient en chantant le chant du Bund, des jeunes sionistes qui se jetaient dans les flammes, enroulés dans le drapeau d’Israel. Il cite des poèmes de la résistance juive et termine en disant qu’au moment où l’Allemagne reprend sa place dans le concert des puissances, le Tombeau du Martyr Juif Inconnu doit se dresser comme un avertissement. Face à l’ennemi une attitude passive ne saurait être que dangereuse et humiliante.

36M. Jean Pierre-Bloch devant s’absenter, il cède la présidence à M. Weiss qui donne la parole à

37M. MALKIN. L’orateur débute en français pour rendre hommage à M. Schneersohn, initiateur du projet, qui en sera également le réalisateur.

38La suite du discours de Malkin est prononcée en yddish. D’après lui, le monument doit servir aux vivants plus encore qu’aux morts. Il évoque une réunion analogue à Anvers, au cours de laquelle on a présenté au public une photo des Juifs qu’on déshabilla avant de les fusiller. Cette photo était si bouleversante que la salle a frémi d’horreur. Or, M. Malkin gratifie cela d’injection psychologique et s’écrie pathétiquement : « Faut-il absolument vous faire voir des atrocités pareilles pour vous faire ressentir toute la monstruosité d’une telle extermination massive ? Faut-il vous faire subir de temps en temps de telles injections psychologiques ? »

39« Ne sommes-nous pas capables de nous recueillir devant un monument, sobre et puissant, qui ne répète en rien les images atroces ? Ce serait honteux et je ne veux pas y croire ». Quant aux objections contre Paris comme lieu où se dresserait le Tombeau, l’orateur proclame qu’en Israel on n’a pas besoin de monument funéraire: une forêt nouvelle, plantée en souvenir des disparus serait le meilleur des monuments, car en terre israélienne ce qui est mort renaît.

40Certes, il comprend que ceux qui voudraient voir le monument en Israel, en Pologne ou à New-York n’ont qu’une pensée réelle : qu’il soit aussi loin que possible de leur demeure. Cette pensée ne leur fait pas honneur. Que craignent-ils ? Que le monument soit profané ? Alors, pourquoi continuent-ils à diriger leurs affaires, à élever leurs enfants, dans ce Paris infesté de terroristes antisémites ? Non, c’est à Paris que le Monument doit être érigé, dans la capitale de cette France qui fut — on l’oublie trop souvent — la patrie de Rachi, où est née l’œuvre magnifique de l’Alliance Israélite Universelle « Juifs de France, ne repoussez le monument ni vers la Pologne, où le judaïsme subit actuellement une éclipse douloureuse, ni vers l’Amérique lointaine ».

41« Le Monument doit se dresser là où s’est posé le pied de Hitler vainqueur. La Cabbale dit que quand les âmes nues des morts se mêlent à nous, nous ne les voyons pas. Il faut donner aux âmes de nos martyrs une forme plastique pour qu’elles redeviennent visibles — même aux yeux de notre jeunesse, dont je constate avec douleur l’absence dans cette salle. Cette absence prouve la nécessité impérieuse de la réalisation du grand projet de M. Schneersohn ».

42M. SCHNEERSOHN s’exprime en yiddish. Il fait un historique très détaillé du projet du Tombeau et rend hommage à toutes les personnes qui lui ont prêté leur concours.

43Il insiste en particulier sur l’importance du Livre du Souvenir qui conservera pour les générations futures les noms des victimes et permettra aux orphelins de retrouver la trace de leurs parents disparus.

44Les listes de victimes serviront également à réfuter les insinuations des Allemands selon lesquelles il était techniquement impossible d’exterminer 6.000.000 d’êtres humains dans un si bref délai.

45L’orateur donne des détails sur l’aspect du Mémorial. Le projet architectural sera désigné après un concours international par un jury hautement qualifié.

46« Dans notre conception, dit-il, le Mémorial comprendra une crypte où se trouvera le Tombeau symbolique du Martyr Juif et où reposeront les cendres sacrées. Une flamme éternelle, composée de six flambeaux symbolisant les 6 millions de disparus éclairera cette crypte.

47Le Mémorial comportera en outre un musée où seront conservés les reliques et les vestiges de l’époque de la terreur, une bibliothèque contenant tous les écrits des nazis, de leurs valets et aussi des adversaires de leur barbarie dans toutes les langues de la terre, et enfin les archives du C.D.J.C., dont l’importance est reconnue par les meilleurs spécialistes du monde entier.

48Chaque Juif aura la possibilité de se recueillir devant le Tombeau et de pleurer ses morts ».

49M. Schneersohn rappelle le concours si touchant des Pays Scandinaves et se refuse de croire que les Juifs de France resteront à l’écart d’une œuvre commune au judaïsme tout entier, et cela d’autant plus que le concours qui nous vient du côté non-juif est particulièrement important.

50M. Schneersohn termine en lançant un appel à tous les Juifs de France, en les adjurant d’unir leurs efforts pour contribuer à la réalisation du grand projet.

RÉCEPTIONS AU C.D.J.C.
LA DELEGATION DE L’U.J.A.
Le 30 novembre, a eu lieu au siège du C.D.J.C. une réception organisée en l’honneur d’une délégation de l’United Jewish Appeal qui revenait d’Israel. Elle était composée de Mme Oresman, Présidente de la section féminine de l’U.J.A., et de MM. Averbach, représentant du « Morgen Journal », Président du Pen-Club Yddish en Amérique : Dingold, rédacteur au « Der Tog » ; Quilmovsky, secrétaire de l’U.J.A. ; Oscherovitch, rédacteur au Vorwerts, Président de l’Union des Ecrivains Juifs « J. L. Peretz » ; Rosenberg.
Les hôtes américains visitèrent les archives, la bibliothèque et l’installation du Centre et ils manifestèrent le plus vif intérêt pour les activités du Centre. M. Schneersohn présena les délégués à l’assistance après quoi M. M. Malkin, Me Monneray, MM. Schraguer et Grinberg, prirent tour à tour la parole pour leur présenter les différents aspects de l’œuvre accomplie par le C.D.J.C. et exposer le grand projet du Tombeau du Martyr Juif Inconnu. Au nom de la délégation, M. Oscherovitch prit la parole en mettant vigoureusement en lumière ce que le C.D.J.C. a apporté de neuf à l’historiographie juive : une documentation précise, abondante, et objective, données essentielles de toute science et qui a fait si cruellement défaut à l’histoire juive. « Ainsi — dit l’orateur — grâce à l’œuvre admirable du C.D.J.C., l’histoire de la plus grande tragédie du peuple juif pourra être faite sur une base solide et objective que ne pourraient contester les ennemis d’Israel ». Un vin d’honneur clôtura cette réunion.
M. NAHOUM CHANIN.
Le 10 décembre a eu lieu, au siège du C.D.J.C., une réception en l’honneur de M. N. Chanin, Directeur Culturel du Cercle Ouvrier de New York, Président de l’Exécutif du Jewish Labor Committee, Président de l’Union Socialiste Juive aux U.S.A. ; il était de passage à Paris après sa visite en Israel. En sa compagnie se trouvaient Mme et M. Gutgold, membres influents du mouvement syndicaliste juif, ainsi que le journaliste bien connu, M. Krisztal, correspondant du « Vorwerts » à la session de l’ONU.
M. I. Schneersohn salua avec chaleur M. Chanin, ainsi que les personnalités qui se trouvaient à ses côtés. Il fit ensuite un large exposé sur l’activité du C.D.J.C. et sur le projet du Tombeau du Martyr Juif Inconnu. M. Pierre Paraf salua les hôtes du C.D.J.C. au nom des écrivains juifs français et adressa à M. Chanin un vibrant appel pour que le mouvement ouvrier américain soutienne l’œuvre du Memorial.
M. Malkin, rédacteur en chef de « Notre Parole », établit les liens curieux qui unissent le mouvement ouvrier américain avec les synagogues polonaises où les fidèles se groupaient selon leurs affinités professionnelles. Il termina en rendant hommage à M. Schneersohn et aux réalisations du C.D.J.C. et en particulier au grand projet du Martyr Juif Inconnu, en qui le passé tragique s’unit à la vie présente.
M. Szmulevic, correspondant parisien du « Vorwerts », parla en termes élevés de l’atmosphère dans laquelle s’accomplit le travail du C.D.J.C. et souligna la portée du projet du Memorial. Il se déclara certain que le mouvement ouvrier juif contribuera à la réalisation du Tombeau du Martyr Juif Inconnu.
M. Schraguer, du Jewish Labour Committee (ou cercle ouvrier), salua en termes cordiaux les hôtes d’honneur et toute l’assistance, et affirma son dévouement à l’œuvre du Memorial.
Dans sa réponse, M. Chanin manifesta une chaude compréhension pour l’activité du C.D.J.C. et pour sa nouvelle initiative. O’orateur rendit un vibrant hommage à l’idéalisme élevé de M. Schneersohn. Il termina en assurant que le Président du C.D.J.C. pouvait compter sur l’aide de tous dans sa belle initiative du Tombeau du Martyr Juif Inconnu.

Date de mise en ligne : 08/01/2021

Notes

  • [1]
    Voir le début de cet article dans le no 49 du « Monde Juif ».
    Prochain article : Les Juifs à Anvers.

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