Couverture de LMJ_050

Article de revue

La “folie” hitlerienne

Pages 5 à 9

« Bien que ce soit de la folie, il y a là dedans de la méthode. » SHAKESPEARE (« Hamlet »).

I. Le déchaînement de la bestialité

1DANS le numéro précédent de notre revue, notre ami Jacques Sabille a produit des documents illustrant la situation des Juifs en Grèce sous l’occupation allemande et le traitement très humain dont ils bénéficiaient de la part des autorités italiennes. Mais au début de septembre 1943, l’Italie ayant capitulé, la Grèce fut occupée par les Allemands, ce qui amena immédiatement un changement radical dans la situation des Juifs. Déportations et persécutions se produisirent sur une grande échelle. Au point que ces actes ne nous semblent pas être le fait de gens normaux, mais manifester chez leurs auteurs une sorte de folie, la folie spécifique nazie. Le raffinement pervers de ces atrpcités semble confirmer une telle supposition.

2En guise d’exemple nous reproduisons un témoignage sur l’extermination de la petite communauté juive de l’île de Rhodes, dont tous les membres furent précipités à la mer.

3NOKW-1715

4Déposition sous la foi du serment.

5Je soussigné. Erwin Lenz, Berlin-Zehnlendorff, Hilssteig 7, après avoir été rendu oonscient du fait que je suis punissable en cas de fausse déclartaion, dépose ici. librement et sans contrainte, ce qui suit sous la foi du serment :

6En mars 1937, je fus arrêté par la Gestapo pour activité anti-nationale-socialiste, et, le 30 novembre 1937, je fus condamné à 2 ans 3/4 de travaux forcés En décembre 1939, je fus libéré et, après avoir tout d’abord été déclaré indigne de servir sous les drapeaux, je fus enrôlé en février 1943 dans la division 999. composée de nombreuses personnes ayant auparavant subi une condamnation politique. En mai 1943, je fus envoyé en Grèce avec ma section et transporté en avion d’Athènes jusqu’à l’aéroport de Gaddura, dans l’île de Rhodes………

7………Le premier lieu de séjour fixe de notre état-major, jusqu’en septembre 1943, se trouvait au pied du Monte di Mezzo, dans la vallée du Torrente Lutani.

8Jusqu’à cette date, l’île était gouvernée par un commando purement italien, auquel la division allemande sus-nommée était attribuée à titre de renfort. Cependant, lorsque l’Italie capitulait au début de septembre 1943, les troupes italiennes stationnées à Rhodes furent désarmées et faites prisonnières, dans la mesure où elles ne se mettaient pas à la disposition des Allemands en tant que volontaires pour continuer la lutte ou pour nous aider.

9En juin 1944, des soldats allemands, dont je ne me rappelle malheureusement plus les noms et qui étaient employés comme chauffeurs à l’aéroport de Gaddura, m’apprirent que 2 officiers supérieurs SS étaient arrivés là par avion spécial. C’était là un fait particulièrement remarquable parce qu’il n’y avait pas de troupes SS à Rhodes. D’autres soldats allemands, dont les noms me sont également sortis de la mémoire, m’apprirent alors que les officiers SS en question s’étaient rendus à l’état-major du lieutenant-général Kleemann (commandant la « division d’assaut Rhodes »), qu’ils y menaient des pourparlers prolongés, dont il n’y avait pas moyen de connaître le contenu. Quelques Jours plus tard des affiches en quatre langues (grec, turc, italien et allemand) furent apposées dans toute l’ile, enjoignant aux Juifs de Rhodes, sous peine de châtiment, de transférer leur domicile, dans un bref délai, dans un certain nombre de localités nommément mentionnées et qui se trouvaient dans le nord de l’île, entre autres, les localités de Trianda, de Cremasto, de Villanova, de Belpasso, etc. Les affiches portaient la signature du lieutenant-général Kieemann. Peu de temps après, j’appris de la bouche de soldats allemands que les Juifs rassemblés dans lesdites localités avaient été transportés dans une caserne non loin de la ville de Rodi. Il leur était interdit de quitter ce bâtiment, et tout le bloc était surveillé. Quelques jours plus tard eut lieu leur transfert de la caserne vers le port de la ville de Rodi.

10Je m’étais rendu ce jour à la clinique dentaire à Rodi et j’ai vu de mes yeux ce qui suit : les Juifs (environ 1.200, hommes, femmes et enfants, pour la plupart citoyens « égéiques » — une dénomination italienne pour les habitants des îles du Dodécanèse) devaient se mettre là-bas tout près des vieilles fortifications, la tête contre les murs. C’est à peine s’ils avaient des bagages avec eux. Des soldats allemands affectés au service d’ordre et à la surveillance que j’interrogeai à ce sujet me déclarèrent que ces Juifs n’auraient plus besoin de bagages, leurs jours étant comptés. La chaleur était très grande ce jour-là. Les civils grecs et turcs qui voulaient apporter des boissons et des vivres à ceux qui attendaient le départ de leur convoi n’avaient pas le droit de passer les barrages. De plus, les Juifs qui se détournaient des murs furent remis dans la « bonne position » à coups de pieds et de crosse de fusil.

11L’embarquement eut lieu l’aprèsmidi dans quelques vieilles barques dont on pouvait voir qu’elles n’étaient pas en état d’affronter un long voyage en mer. Des matelots allemands qui étaient sur les quais du port me déclarèrent en réponse à mes questions qu’un voyage important n’était nullement envisagé, mais que l’affaire se réglerait d’elle-même, à une distance de quelques milles marins du port. Je ne pus obtenir d’explications plus détaillées. Lors d’une nouvelle visite effectuée quelques jours plus tard à la clinique dentaire, deux matelots qui prétendaient avoir conduit les barques avec les Juifs me racontèrent, sans y avoir été invités, que les soupapes avaient été ouvertes une fois les barques arrivées à une certaine distance de l’île et qu’eux-mêmes rentrèrent à Rhodes dans des canots de sauvetage, laissant à leur sort les embarcations et les Juifs qui s’y trouvaient ; ce qui revenait à dire que tous les passagers étaient noyés. Je ne pus malheureusement pas connaître les noms de ces deux matelots.

12Les officiers allemands et les autres chefs responsables, afin d’étouffer les rumeurs, propagèrent la version que les Juifs n’avaient pas été noyés, mais envoysé à l’île de Coo. Cependant, j’ai interrogé quelques mois après, et même plus tard, lorsque j’étais prisonnier des Britanniques, en Egypte, bien des soldats allemands autrefois stationnés à Coo : aucun d’eux ne put me confirmer que des Juifs en provenance de Rhodes fussent jamais arrivés à Coo.

13Dans le document suivant, un Juif allemand relate ses vicissitudes sous le régime hitlérien. En 1933, il a été mis dans l’impossibilité de continuer ses études ; vendant la guerre, il fut déporté de sa ville natale dans le ghetto de Riga ; ensuite ce furent les travaux forcés dans des camps près de Riga où régnaient la famine, les exécutions, les fosses communes. C’est là un récit comme ‘beaucoup d’autres, Qui n’étonne plus personne à notre invraisemblable époque. Mais l’esprit humain ne pourra jamais admettre qu’un monde vivant, dans toute sa plénitude, tombe dans un délire furieux.

14NO-5448

15Déposition sous la foi du serment.

16Je soussigné, Alfred WINTER, jure, déclare et dépose ce qui suit :

17

  • 1) Je suis né le 5 juillet 1918 à Korschenbreich, arrondissement de Grevenbreich. J’ai été pendant quatre ans à l’école communale et quatre ans au lycée de München-Gladbach. En 1933, je dus interrompre mes études, ma qualité de Juif ne me donnant plus la possibilité de fréquenter l’école. De 1933 jusqu’à l’action anti-juive de novembre 1938, j’étais employé dans l’entreprise de mon père. En novembre 1938, je fus affecté de force à la construction des routes. De 1941 à fin 1941, je devais obligatoirement travailler comme serrurier dans une entreprise d’armement. En décembre 1941, je fus déporté de la région de Düsseldorf à Riga de même que 1.000 autres Juifs. Nous y fûmes mis dans un ghetto.
  • 2) Nous arrivâmes à Riga le 14 décembre 1941. A mon arrivée au ghetto, je remarquai que les appartements étaient en ruines et en partie aspergés de sang. Dès que nous fûmes déchargés du train, un SS letton nous dit que nous pouvions tout laisser par terre, puisque de toute façon nous n’aurions plus besoin longtemps encore de nos bagages. Il nous était défendu sous peine de mort d’entrer en contact avec des Juifs lettons. Les ghettos de Juifs allemands et lettons étaient séparés par des barbelés. Le jour de notre arrivée, une Juive isolée, qui marchait sur le côté gauche de la rue — chose qui était défendue — fut tuée sans avertissement d’un coup de fusil par un SS letton. La surveillance du ghetto était assurée par des SS lettons, sous les ordres d’officiers allemands.
    Tous les hommes capables de travailler, entre 14 et 50 ans, dont j’étais, furent aussitôt mis au travail. Nous travaillions dans le port de Riga en tant que commando de la Wehrmacht sous la surveillance de SS lettons dépendant de l’Einsatzkommando 2. La SS lettone portait l’uniforme militaire letton, caractérisé par un brassard jaune et une tête de mort noire et des numéros.
  • 3) Le 22 décembre 1941, je fus transféré à Salaspils, à 19 km. de Riga, pour y construire un camp de concentration. J’étais avec un groupe de 500 Juifs, tous de jeunes gens, provenant d’un convoi de Juifs de Hanovre, de Cassel et de Düsseldorf. 500 Juifs originaires de l’Allemagne du Sud nous y attendaient déjà. Ils avaient été transférés quelque temps auparavant du camp de Jungfernhof à Salaspils. Le camp de Jungfernhof était à une distance de 5 km. de Riga. Notre nourriture était composée de 200 gr. de pain et d’un litre de soupe très peu consistante par jour. Je fus versé au commando d’enterrement : comme les cas de décès parmi les détenus des camps se multipliaient par la suite à tel point qu’on ne pouvait plus enterrer les corps dans des fosses individuelles, il fallut que le commando d’enterrement fît sauter des fosses utilisées alors comme fosses communes. Ces fosses furent par la suite élargies jusqu’aux dimensions d’une tombe de 40 m. sur 40 et d’une profondeur de 5 mètres. C’est dans cette tombe que furent peu à peu enterrés 900 corps. Le 2 janvier 1942, les quelque 1.500 détenus du camp furent placés en carré. Des SS lettons, sous les ordres du Sturmbannführer Lange, procédèrent à l’exécution de 2 Juifs. Les noms des fusillés étaient Erich Hanau et Herbert Hirschkowitz, tous deux originaires de Hanovre. Ils étaient âgés respectivement de 18 et de 20 ans et furent pris lors d’une tentative d’évasion. Le 16 janvier 1942, 80 personnes furent chargées sur une auto, soidisant pour être transportées au ghetto. Quelques-unes d’entre elles se virent enlever leurs chaussures et leurs pardessus, bien que la température fût au moins de 30 degrés au-dessous de 0. Rudolf Mendel, un Juif de ce camp, fut abattu d’un coup de fusil par l’Unterscharführer Rudi Seck. Seck était commandant du camp de Jungferhof et faisait partie de « l’Einsatzkommando 2 ». Jusqu’à la fin de 1942, il y eut constamment au camp de Salapils des exécutions de Juifs par fusillade, sous prétexte que ces Juifs avaient contrevenu aux règlements du camp. 150 détenus du camp au moins ont dû être présents lors d’exécutions de Juifs qui furent conduits à travers le camp en présence d’officiers supérieurs de « l’Einsatzkommando 2 ». Le 15 mai 1942 eut lieu la première exécution en masse au camp de Salaspils. Un Juif letton fut hissé au gibet, puis redescendu. Le Dr. Lange lui demanda comment il s’était plu là-haut. Aussitôt après il y fut hissé à nouveau, et 15 Juifs durent retirer leurs vestons et furent « fusillés régulièrement ». L’un des Juifs fusillés à cette occasion, âgé de 14 ans, du nom de Sachs, faisait partie du convoi en provenance de Düsseldorf. Je puis observer cet incident de très près et même entendre la conversation. Il y avait entre autres le Dr Lange et l’Untersturmführer Reese. Jusqu’au 13 août 1942, il y eut encore plusieurs fusillades. Les personnes pendues étaient en général laissées au gibet pendant trois jours.
  • 4) Du 20 au 27 avril 1942, nous dûmes déterrer des cadavres de personnes exécutées et les enterrer dans une fosse commune. A cette occasion, nous butâmes sur d’autres fosses et nous fîmes la constatation qu’il s’agissait de fosses communes où étaient enterrés des Russes massacrés. Je suis d’avis que ces Russes furent enterrés peu de temps avant la période de gel. A cause des eaux souterraines, les cadavres n’ont pu être enterrés que par 1 m. 10 ou 1 m. 20 de fond, et à cause du froid sévère, le sol était gelé jusqu’à une profondeur de 1 m. 40, de sorte que les cadavres étaient à peine entrés en putréfaction. Les cadavres portaient des uniformes russes et avaient de grands trous de balles sur le front. Dans une fosse de ce genre nous comptâmes dix-huit cadavres. Je pus dénombrer vingt-sept de ces fosses. En avril 1942, je dus fermer une fosse commune dans la forêt de Salaspils avec un autre groupe de Juifs. Nous fîmes alors la constatation qu’il y avait aussi des femmes parmi les fusillés. Divers vêtements de femmes étaient dispersés sur le sol. Les cartouches des pistolets automatiques et des carabines que nous vîmes par terre n’étaient encore ni rouillées ni oxydées. La fosse avait 5 mètres de profondeur et 12 mètres carrés de surface. Il nous fallait combler la fosse de telle sorte qu’elle ne fût plus reconnaissable comme telle. La terre qui restait en excédent fut dispersée à travers toute la forêt. Deux jours après mon transfert du camp de Salaspils dans le ghetto de Riga, je fus affecté au travail dans l’ « Einsatzkommando 2 » de la Moltkestrasse. A mon arrivée au ghetto, je fis la constatation qu’une partie de ma famille n’était plus là. On m’apprit qu’ils avaient été soi-disant envoyés à Duenamuende à la fin de mars. Par la population civile letton e, j’appris que jamais des convois de Juifs n’étaient arrivés dans cette ville. Des Juifs qui travaillaient dans le vestiaire chez le commissaire général me racontaient que les vêtements marqués de plusieurs des soi-disant déportés vers D’uenamuende étaient arrivés au vestiaire pour être triés

18Les criminels de guerre allemands accusés d’atrocités les plus noires prétendaient avoir exécuté les ordres reçus ; les dirigeants du régime hitlérien avaient recours à la même méthode de défense, voulant ainsi créer l’impression que la volonté criminelle était concentrée dans la seule personne de Hitler et que tous les autres n’étaient que de dociles exécutants. Ceci ne correspond évidemment pas à la réalité : les exécutants ne manifestaient que trop souvent dans leurs actes bestiaux de V « initiative » et de l’ingéniosité qui n’étaient pas impliquées dans les ordres. L’exemple en est fourni par le document précité relatant que le Dr Lange, qui dirigeait une exécution faisait pendre un Juif, relâchait ensuite la corde et lui demandait « s’il s’était plu sur la potence ».

19Dans les pays slaves, la folie hitlérienne se manifestait à’une manière particulièrement bestiale, dépourvue de tout ménagement. Les Allemands n’y recouraient à aucun camouflage et appelaient les choses par leur nom.

20NOWK1397

21Affaire Secrète du Commandement

22Q.G. du Ht. Commandement de l’Armée de terre, le 29 août 1943.

23Rapport sur le voyage aux Balkans du 16 au 24-8-1943

24VII.

25Divers

26SERBIE

27d) Les rapports entre le commandant militaire du Sud-Est et du chef de la Police en Serbie (SS-Gruppenführer et lieutenant-général de la Waffen-SS Meissner) sont satisfaisants. Le chef supérieur de la SS et de la Police, dans un grand esprit d’entr’aide, a mené à bien la rentrée de la moisson avec ses propres forces de police (dont 9 bataillons complémentaires de police nationale).

28Le mot d’ordre du chef supérieur de la SS et de la Police : « J’aime mieux un Serbe mort qu’un Serbe vivant », semble être connu par tout le monde.

29En Russie, l’impunité était formellement garantie aux Allemands, quels que fussent les actes commis. Ainsi, le Commandement Suprême de l’Armée avait émis, le 29 décembre 1942, l’ordre (signé par Keitel), a’après lequel « aucun Allemand engagé dans la lutte contre les partisans ne pourrait être tenu pour responsable devant un tribunal militaire ou disciplinaire en raison de son activité au cours de la lutte contre les bandes de partisans ou contre ceux qui les soutiennent. » (NO-631)

30Toute la population pouvait être accusée de soutenir les partisans et était ainsi livrée à la merci des autorités allemandes locales et même de n’importe quel Allemand. Il est facile, de ce fait, d’imaginer le régime appliqué en Russie occupée. A titre d’exemple, nous nous bornerons à citer trois petits documents. Le premier concerne les prisonniers de guerre : un fonctionnaire rapporte que, sur les routes, les prisonniers de guerre tombant d’épuisementet incapables de poursuivre la marche, sont fusillés sur place. La seule préoccupation de l’auteur est l’impression désagréable que peut produire la vue des cadavres sur les femmes allemandes revenant du travail.

31NOWK-3147

32Berlin, le 23 octobre 1941

33Observations et constatations faites lors d’un voyage dans le théâtre d’opérations à l’Est.

34Prisonniers de guerre russes

35Les convois de prisonniers de guerre russes qui longent les routes donnent l’impression d’être des troupeaux d’animaux stupides. Les gardiens, dont le nombre est maintenu très bas par rapport à la quantité de prisonniers, sont en partie constitués par des formations nonmilitaires, telles que le Service du Travail ; ils ne peuvent arriver à maintenir à peu près l’ordre qu’à force de brutalités (en poussant les prisonniers ou en leur donnant des coups de bâton). Par suite de la fatigue physique des marches, de la nourriture insuffisante et des conditions d’hébergement peu satisfaisantes dans chaque camp, les prisonniers de guerre se’ffondrent souvent, nuis sont traînés par leurs camarades ou laissés sur place. La 6ème armée a l’ordre de fusiller tous les prisonniers de guerre qui flanchent. Malheureusement, ces fusillades ont lieu au bord de la route et même dans les localités, de sorte que des employées allemandes ont dû passer à côté de cadavres de prisonniers de guerre fusillés en rentrant chez elles le soir.

36Le document suivant concerne 40.000 enfants russes dont « dispose » un groupe d’armées allemand. On se demande à quelle institution ils doivent être remis pour être utilisés le plus rationnellement au profit du Grand Reich. Le document en parle comme s’il s’agissait non d’êtres humains mais de marchandise.

37Les femmes russes sont également traitées en marchandise vivante. Le document qui y a trait nous émeut profondément par sa bestiale désinvolture. Il débute par des éloges sur la vertu des femmes russes ; néanmoins, il ne nie pas la nécessité de les prendre dans les bordels « pour résoudre le problème sexuel du soldat allemand ». L’auteur du document ne proteste que contre l’application de méthodes maladroites. Le fond de la question ne suscite en lui aucun scrupule.

38NO-336

39Le chef de l’Etat-Major de direction politique

40Rapporteur personnel

41Berlin, le 25 Mai 1944

42Affaire secrète d’Etat

43NOTE

44OBJET : Utilisation de 40.000 orphelins russes, originaires du secteur du groupe d’armées du Centre.

45Le Hauptbannführer Nickel me fait savoir que le groupe d’armées du Centre dispose de 40.000 orphelins russes âgés de 10 à 14 ans. Le groupe d’armées refuse de mettre ces orphelins à la disposition du plénipotentiaire pour la main-d’œuvre et c’est pourquoi il s’est adressé par son intermédiaire au Ministère du Reich à l’Est avec la prière de prendre en considération une autre utilisation de ces orphelins conforme aux intérêts politiques du ministère. D’après le rapport du Hauptbannführer Nickel, il est possible, grâce à l’appui de l’Organisation Todt, de caser ces orphelins comme apprentis, non seulement dans les usines, mais enocre dans les entreprises agricoles. On en ferait alors des ouvriers spécialisés après un apprentissage d’un an et on les utiliserait pour des travaux spéciaux. Si leur âge le permet, on les verserait dans l’aviation militaire, dans le cadre du recrutement des assistants de l’aviation. Ils feraient par la suite partie de la SS.

46J’ai mené à ce sujet des pourparlers avec les représentants de l’organisation Todt, le 25 mai 1944.

472. J’ai présenté un rapport téléphonique au sujet de toute cette procédure, le 24 mai 1944, au SS-Obergruppenführer Berger qui s’est déclaré d’accord pour que des négociations dans ce sens soient engagées avec l’Organisation Todt. à la condition que la disposition ultérieure des apprentis soit expressément réservée au Ministère du Reich à l’Est.

48Pour le reste, des mesures ultérieures devront être prises en accord aveo le chef de la Police de Sécurité et du SD.

49NG-4435

50Lieutenant Dr. Leibbrandt

51Novembre 1941

52Au Ministre du Reich pour les Territoires occupés de l’Est.

53Seotion Centrale II

54Berlin W. 35

55Rauchstrasse 17-18

56Rapport numéro 8

57(Divers, Etat de Santé de la Population)

58En ce qui concerne les maladies vénériennes, le docteur n’a pu jusqu’ici détecter que des cas très isolés (dont une seule femme souffrant de syphilis). Parmi les troupes allemandes stationnées ici il y a fort peu de cas de maladies vénériennes et dans la plupart de ceux-ci, la source d’infection se situe dans les villes de quelque importance (Riga, Duenabourg, etc.). Les mœurs de la femme russe de cette région-frontière et dans les petites villes sont irréprochables, fruit d’une vie familiale intime, unie et affectueuse et d’un amour très marqué pour les enfants, sans doute par une réaction instinctive contre l’absence de culture et d’âme et la sobriété du système bolchévique. Il a en général été observé que le soldat allemand a du mal à faire connaissance avec une femme. Ce n’est que lorsque ses relations avec une femme russe ont été d’une certaine durée et ont évolué vers une certaine amitié mutuelle et que, de plus, l’homme se montre relativement discret dans ses attentions que le soldat allemand peut espérer un succès. (Les tentatives de faire une passe comme les soldats en ont coutume sont refusées carrément et stigmatisées comme peu ciivlisées). Les conditions peuvent être différentes dans les villes de quelque importance et dans les districts non-ruraux.

59Les filles des rues et la prostitution clandestine sont peu fréquentes. (Dans la zone frontière, bien des femmes légères ont été auparavant déportées et mises au travail forcé.)

60Afin de résoudre ce problème sexuel qui se pose au soldat allemanddans la zone de communications russes il a été tenté de mettre sur pied des bordels. Sitôt que cette nouvelle parvint aux femmes russes, elle fut généralement accueillie avec indignation, sinon même avec un sentiment d’offense. Lorsque les tentatives de remplir des bordels avec des prostituées lettones eurent échoué (aucune d’elles ne voulant aller en Russie et celles qui y allaient étant infectées par les maladies vénériennes) on tâcha d’obtenir des femmes russes sur place. Les méthodes utilisées à cette fin furent parfois les plus dépourvues de tact qu’on pût imaginer et alimentaient la propagande anti-allemande.

61Ainsi, dans l’un des cas, on demanda à toutes les femmes travaillant pour des unités allemandes quels que fussent leur âge ou leur situation de famille, de s’adresser aux bordels sous la menace voilée qu’on les mettrait de force dans les maisons de mauvaise vje en cas de refus de leur part. Cependant, l’éventualité de perdre leur travail et par conséquent leur gagne-pain dont elles furent menacées ne put décider une seule d’entre elles (ce groupe en comptait environ 160) à répondre à l’appel. Lorsqu’une annonce parut, demandant des femmes de ménage pour le bordel, deux femmes, généralement considérées comme prostituées clandestines, s’adressèrent à l’Office du Travail, sans doute avec l’intention d’y trouver ultérieurement des clients. La campagne de chuchotement anti-allemande appelait le bordel « Maison de la Culture ». ce qui implique une allusion voilée à la barbarie de la « Kultur » allemande.

62Enfin, nous citons des extraits du journal d’un fonctionnaire ou militaire allemand, envoyé au front en mission spéciale. Le nom de l’auteur n’est pas connu, mais à en juger d’après la mission qui lui a été confiée et d’après le fait qu’il converse directement avec le Führer, c’était un personnage important du régime hitlérien. Ce monsieur considère le monde du point de vue gastronomique : il parle non seulement du menu des repas, mais applique également des termes gastronomiques aux exterminations. Ainsi, dit-il, « 7.000 Juifs furent liquidés à la manière de sardines à l’huile ».

63NOKW-3146

64Berlin, le 1er novembre 1941

6524-X-41. 13 heures. Départ de Tempelhof. Vol en direction de Rastenburg. J’ai avec moi dans ma machine Schmalschlaeger et le major Zeh. Ce dernier est chargé de faire un rapport sur les frottements existant entre Heydrich (Protecteur du Reich) et le Service de Contre-Espionnage.

66A Rastenburg, dîner (chez Thuleweit) avec mon chef de service, le Rittmeister Niemeyer et le lieutenant-colonel baron von Momm. (Il y eut d’énormes écrevisses de la Masovie).

67C. me dit que le Maréchal du Reich était très en colère au sujet du cas Hilpert. (Hilpert. professeur originaire de Brunswick, fut condamné à mort à la suite d’une procédure subjective. l’accusation se basant sur un soi-disant intérêt que Goering aurant porté à ce cas). Devant l’Amiral. le Maréchal du Reich déclara qu’il ne connaissait pas Hilpert et que toute l’affaire (à savoir l’abus fait de son nom) était une « cochonnerie » et que maintenant il s’intéresserait vraiment à ce cas.

68C. était fort satisfait de cette déclaration de Goering et espérait obtenir ainsi la reprise du procès et sauver éventuellement la vie de cet homme. M. raconta l’histoire des 80 chevaux de course de Ribbentrop.

6925-X-41. 8 heures. Vol vers Riga. En raison du mauvais temps, nous n’obtenons pas l’autorisation d’atterrir à Riga, mais nous sommes avisés de nous rendre à Pernau. A l’aérodrome de Pernau. j’engueule un homme du service du travail qui bat des prisonniers russes et les traite à coups de pied. Comme je lui demande s’il considère comme allemand ou comme national-socialiste de frapper des gens affamés et sans défense, il répond, visiblement embarrassé : « Non, mais j’en ai reçu l’ordre. » Après trois quarts d’heure d’arrêt à cette plage lettonne, nous poursuivons notre vol vers Riga en passant par la baie de Riga. Atterrissage difficile en plein brouillard. Après un déjeuner dans l’ancienne ambassade anglaise, je traverse le vieux Riga, qui compte quelques belles églises intéressantes et quelques beaux bâtiments (la Maison des Têtes Noires). Malheureusement. les Bolchéviks les ont détruits pour cette seule raison que ce sont des monuments de culture allemande. Les Juifs sont déjà enfermés dans des ghettos et n’ont le droit de se rendre dans la ville qu’en colonnes conduites au travail.

70L’après-midi, conférence au service du contre-espionnage pour les pays de l’Est. Le soir, dîner à l’Hôtel de Rome. Il y a toutes sortes de spécialités de Riga, surtout des plats de poisson et beaucoup de wodka (Anniversaire)

71Le groupe d’armées du Centre se trouve dans un home d’enfants très convenable pour la Russie, dans une grande forêt, près de Smolensk. (C’est un sanatorium en bois peint en bleu). Partout des écriteaux annoncent : « Attention aux mines ». Lors des pourparlers avec la section le les fusillades de Juifs de Borissow furent mises sur le tapis. C’est là que 7.000 Juifs furent liquidés « à la manière des sardines à l’huile ». Les scènes qui se sont déroulées à cette occasion ne sauraient être décrites. Le SD lui aussi ne peut plus tenir le coup, si ce n’est grâce à une consommation d’alcool intensive.

7229-X-41. Nous poursuivons notre vol vers Rowno, où nous ne pouvons pas atterrir, le terrain d’aviation étant trop petit pour nos grands Ju 52. Atterrissage intermédiaire à Luck. Je me trouve dans le même secteur où j’ai lutté dans les tranchées, il y a 26 ans, contre le même ennemi, comme lieutenant, âgé de 18 ans. Après une merveilleuse collation dans le bosquet des aviateurs — les aviateurs ne se privent de rien — nous poursuivons notre route vers Varsovie. Le soir, j’ai une conversation avec mon cousin au bar de l’Hôtel Bristol.

7330-X-41. Après Patterissage, il y eut une grande dispute avec le directeur du terrain d’aviation, qui a évidemment raison. Il n’en est pas moins semoncé par l’Amiral. Nous nous rendons au Q.G. du Führer et assistons à une conférence chez Keitel. J’y rencontre le Führer, qui se rend dans la pièce où se trouvent les cartes et qui demande à notre Vieux quel temps il fait sur le front. La réponse qu’il fait mauvais est accueillie par lui par un geste mécontent : du reste, tout le monde a déjà la rage pour devoir rester au camp et il y a tous les jours des disputes dans toutes les directions.

74(A suivre.)

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