1RIEN que de les nommer, certains lieux de la terre répandent une lueur, une imagination fugitive, que nourrit, chaque jour, l’afflux de connaissances mis à la disposition de chacun par les journaux, les livres, le cinéma, la radio.
2Athènes, c’est l’harmonie se jouant des proportions dans la lumière. Des petites dimensions, elle a fait jaillir la grandeur, soumettant aux expressions du petit corps humain l’énormité terrifiante des dieux.
3Rome, c’est l’entassement de souverainetés somptueuses et, par-dessus, les vêtant, celle des arts qui, au delà de leurs pouvoirs disparus ou s’éteignant, les perpétue en spectacles immortels.
4Alexandrie, un flamboiement de science humaine, le triomphe de livres incendiés.
5Paris, extraordinaire mosaïque de vieillesse et de jeunesse, avec des moires et des chatoiements infinis. D’augustes taudis y voisinent avec d’admirables aménagements d’architecture ; de sordides routines avec les plus hardis dégagements de liberté.
6New-York, le romantisme de la puissance technique : la mécanique industrielle, bancaire, sociale, le mécanisme humain toujours allant plus vite, toujours en avance sur le cœur qui cherche, en vain, à retenir des souvenirs où se reposer.
7Moscou, dont l’image, longtemps, ne fut que durs bulbes d’églises. Le catholicisme y fut réenfanté avec des semences d’Asie. Le socialisme brigue de s’y épanouir et de s’en épandre sur l’Occident où ses germes, jusqu’ici, ont mal levé. Moscou, face, aujourd’hui, à New-York, dans un mutuel défi.
8Qu’est Jérusalem, quelle est sa figure dans ce déroulement d’aperçus tumultueux où est fixé le passé, où le présent s’exalte, où des luttes sont épuisées, où de nouvelles se fomentent ?
9Plus lointaine qu’aucune autre, au fond des siècles, odorante de vieux baumes, comme enserrée de bandelettes rituelles sur lesquelles la mémoire déchiffre d’antiques prophéties, Jérusalem emplit le songe de divinité.
10Son nom n’a cessé d’être crié par un peuple, tendant les bras vers cette nef naufragée, plusieurs fois roulée dans les tempêtes, plusieurs fois détruite. Rarement se sont rassemblées sur une ville autant de superstitions rivales. Trois dieux s’y sont rencontrés. Deux s’y sont assassinés. Le troisième est pareil à un berger qui fouille les vestiges d’une bataille. Il en ramasse les haines ébréchées, les affûte, en joue, gardien rusé de cendres qu’il s’ingénie à tisonner.
11A la longue, la bataille s’étant transportée ailleurs, à travers toute l’Europe, Jérusalem s’est apaisée.
12Dans l’effroyable série d’expériences du juste et de l’injuste qu’elle a subies, elle a conquis une paix dépouillée jusqu’à l’os, pure jusqu’à l’éternel, comme disent les Livres, et qui n’est nulle part à ce point.
13Des pèlerins de ces dieux sont venus s’emparer de cette paix suprême, s’en disputer la gloire.
14Tous, la paix de Jérusalem les a vaincus.
15Dans les récits de voyageurs dont plusieurs sont illustres, dans les œuvres de poètes et d’artistes qu’a inspirées Jérusalem, depuis longtemps, il n’y a plus c,ue cette paix, illuminée de mirages, éblouissante de fantômes.
16Comment exprimer ce qu’elle est ? Un seul mot, peut-être, s’y prête : absence. Le moindre passant qui erre dans la vieille Jérusalem, y découvre avec bonheur l’absence du monde, l’absence de soi-même. Des amants célèbres y ont, un instant, arrêté leurs élans, fait taire leurs passions. Tout présent s’écarte. Dans les pays lointains, les enfants l’apprennent en leurs livres de classe ; le Mur, dernier lambeau du Temple perdu, auquel des Juifs, à bout de misère, appuient leur front las ; auprès, la Mosquée d’Omar, où prient les Arabes ; auprès le Saint-Sépulcre. Les dieux eux-mêmes sont absents. Ils ne sont plus que tombeaux.
17Par cette mission pacifiante, n’est-ce pas le Judaïsme qui a repris possession de Jérusalem, n’est-ce pas, de nouveau, son souffle qui l’anime ? Jérusalem assoupie, hors des combats, halte des fatigues, renouait en son humble accueil les vastes objurgations de la morale mosaïque, Ville juive de la paix universelle.
18OR, VOICI bientôt un demi-siècle, un ferment neuf s’implanta dans la terre palestinienne, pour que, partout, elle refleurit juive, le ferment sioniste. Ce ne furent, d’abord, que quelques entailles farouches dans les cailloux et les boues d’un sol stérile dont personne ne voulait.
19Puis le germe grandit ; la sève s’épancha et monta vers Jérusalem. Le peuple juif revenu, après l’avoir tant désirée, voulait qu’elle revécût avec lui.
20Alors commença le réveil, comme capitale politique, de Jérusalem, capitale spirituelle.
21Cette juxtaposition se fit sans peine, sans heurts. Il y eut deux Jérusalem : l’ancienne, si innocente, désormais, et demeurant si paisible qu’aucun besoin de veille n’y motivait des comités, des commissaires, des contrôles. La ville arabe continuait de vaquer à son existence autour des dieux absents, dans la paix juive. C’est à l’extérieur, hors des remparts, que croissait la Jérusalem des bâtisseurs sionistes, capitale future d’un Etat.
22Tout de suite ce rôle lui fut reconnu, puisque les Offices britanniques et les Départements de l’Agence Juive, chargés de gérer, de concert, le Foyer National Juif, en firent leur siège commun.
23Peut-on prétendre que, par son entreprise et son ambition, la Jérusalem sioniste ait violé le pacte de paix de Jérusalem ? Si soucieuse fut-elle de respecter cette autorité, dont la force venait de l’absence et la majesté du silence, que l’action sioniste se créa, aussitôt, d’autres centres. La fondation de Tel-Aviv ne fut pas une simple gageure. Elle répondait à un penchant, à un devoir profond, envers Jérusalem à qui rien ne serait enlevé de sa haute fonction, de son symbole. La dissemblance de la Jérusalem moderne et de Tel-Aviv, leurs rythmes différents sont gages que le Sionisme, conscient de ce que Jérusalem représente pour l’univers, a mis dans sa discipline de conserver unis l’expansion du Judaïsme idéal et les efforts remuants d’aspirations impatientes. Comment aurait-il pu concevoir de se découronner luimême et de priver le Judaïsme du prestige de Jérusalem ? Tout au plus, pour mieux accoupler les deux villes, sans confondre, leurs destinées, plaça-t-il près de la vieille Jérusalem, sur le mont Scopus, son Université et son plus grand hôpital, signes de son intention déférente et protectrice, comme l’on passe un bras sur l’épaule d’un ami.
Conferences sur le C.D.J.C. à Londres et à Genève
MM. Guy de Rothschild, Président du Consistoire Central des Israélites de France et André Philip, ancien Ministre, député à l’Asemblée Nationale, y prendront la parole. M. de Rothschild parlera de « LA POSITION ACTUELLE DU JUDAISME, SA DEFENSE, SA LIBERTE », tandis que M. André Philip fera un exposé sur « L’ORIENTATION ACTUELLE DE L’EUROPE : UNE LEÇON DE L’HISTOIRE ».
Des documents inédits extraits des archives du C.D.J.C. seront présentés au public.
Sur l’initiative des amis du C.D.J.C. de Genève, MM. le Grand-Rabbin Docteur Alexandre Safran, A. Brunschwig, A. Neuman S. Rhein, une réunion aura lieu le 29 janvier à l’Hôtel des Bergues. M. Justin Godart, ancien Ministre, parlera au cours de cette réunion sur « LES LEÇONS DE L’HISTOIRE », M. Léon Meiss, président d’honneur du Consistoire Central des Israélites de France — sur « LE JUDAISME DEVANT L’ACTUALITE ET L’AVENIR » et M. Isaac Schneersohn, Président du C.D.J.C. — des « TROIS ASPECTS DE L’ACTIVITE DU C.D.J.C. ».
24PENDANT plus de quinze ans, cette attitude, cet équilibre parurent si naturels, si bien établis qu’aucune entrave ni objection n’y furent apportées, d’aucun côté.
25Il a fallu les défaillances du Mandat britannique que le Sionisme, malgré des contestations sans nombre, s’appliquait à honorer, puis sa répudation par la Grande-Bretagne, puis la dislocation et les mouvements arabes entretenus et avivés contre lui, pour que les intérêts contrariés de la politique internationale vinssent bouleverser l’ordre sioniste, prélude de celui de l’Etat d’Israel, et troubler la paix de Jérusalem.
26Depuis, Jérusalem est devenu un enjeu. Tout s’y est défait et démembré. La guerre est entrée en elle. Les pèlerins furent remplacés par les soldats. Chaque religion reprit son dieu et l’arma. Et quand, sur les ruines du Mandat, l’Organisation des Nations Unies, imposant son arbitrage, se décida à instituer l’Etat d’Israel, que les Juifs avaient gagné par leur bravoure, elle garda en otage Jérusalem.
27C’est alors qu’est née et s’est affirmée, ou milieu des intrigues et des calculs, l’idée de l’internationalisation.
28Elle s’est étayée d’arguties dans lesquelles se sont, avec une acuité incroyable, emmêlés les sophismes de la politique, d’onctueux prétextes de charité et les plus sombres fanatismes. La réalité, la vérité ont été déformées et retournées à plaisir. Jérusalem a été mise à l’encan, dans les surenchères et les mensonges. D’invraisemblables collusions se sont produites. Ligue Arabe et Vatican ont fraternisé, s’accordant pour que des milliers d’Arabes palestiniens que la première avait plongés dans la panique et incités à fuir, fussent considérés comme des victimes d’Israel, que le second devait sauver.
29Et quel argument, digne de la plus vieille scolastique, que de soutenir qu’internationaliser Jérusalem est le seul moyen de garantir son universalité ! Comme s’il y avait quoi que ce soit de comparable de l’internationalisation, telle qu’on l’entend de nos jours, au règne de l’esprit dont Jérusalem est l’emblème ! On internationalise des ports, des villes-frontières, situés à des carrefours litigieux, où s’entrechoquent des compétitions de nationalité ou de commerce. On n’internationalise pas, au cœur d’un pays, sa cité maîtresse, foyer, en même temps, de sa tradiiton et de sa renaissance. N’est-ce pas assez qu’il ait été déjà amputé de ses vraies frontières et qu’il ne soit qu’un morceau de ce qu’il devrait être ?
30Les deux Jérusalem, les deux capitales sont indivisibles. L’une a garde de l’autre.
31Le vote de l’internationalisation a eu lieu dans le désordre et le décontenancement. Au prix de renversements étranges, plusieurs nations, mues par des raisons ne dépendant pas d’elles, l’ont consentie.
32Mais on peut dire que c’est à l’intérieur de l’O.N.U. seulement que Jérusalem a été internationalisée.
33Dès que le partage international qui en a été fait est venu au plein jour, qui a pu juger viable cette infirme ? Qui a reconnu Jérusalem en cette estropiée ?
34Il y aura bien des meetings, des protestations, par le monde. Il y en a. Et l’Etat d’Israel est, tout entier, dressé sous l’injure.
35Que soient chassés les marchands, de Jérusalem ! Voilà un noble thème de résipiscence, au seuil d’une Année Sainte.
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Date de mise en ligne : 05/01/2021