Historique
1Ce pays compte plus de 4 millions d’habitants, dont près de 250.000 Juifs Au Nord, ses rivages sont baignés par la Méditerranée, et le détroit de Gibraltar l’unit au continent européen. A l’Ouest; le Maroc affronte les vagues de l’Atlantique, porte ouverte vers les lointaines parties du monde. A l’Est, s’étendent les frontières de l’Algérie : et, au Sud, commence le grand désert, le Sahara. Au Maroc, les Juifs vivent pour ainsi dire depuis toujours. Ne sont-ils pas venus ici avant même la destruction du premier Temple de Jérusalem ? On les trouve dans les montagnes du Rif et de l’Atlas, dans toutes les oasis et dans les points les plus reculés. Malgré leur grande pauvreté et leur vie primitive, ils sont fiers de leur antique noblesse. Ils parlent avec orgueil de leurs lointains ancêtres, et certains déclarent même que ces communautés marocaines reçurent autrefois la visite du roi Salomon qui fit bâtir leurs synagogues.
2Il est certain qu’après la destruction de l’Etat Juif par les Romains, nombreux fuient les fils de Judée qui, de leur propre gré ou contraints affluèrent au Maroc, portant alors le nom latin de Mauritania Tingitana, auquel succéda plus tard le terme arabe de Maghreb. Ces exilés se livré1’ént au travail de la terre. Il y avait parmi eux des comme1çants mais les bergers par exemple étaient bien plus nombreux. Après s’être établis dans le pays, ils restèrent en contact avec la Terre d’ Israël Pa1 quels moyens s’effectuaient ces relations ? Il est difficile de le sa- voir, mais, quoi qu’il en soit. on trouve dans le traité talmudique de Yebamoth quelques passages concernant la vie des Juifs de Mauritanie.
3Ultérieurement, l’histoire des Juifs marocains est analogue de à celle de leurs frères tunisiens, et elle porte l’empreinte commune du Judaïsme d’Afrique du Nord. La population juive s’accroît. Une véritable fusion ethnique a lieu. De nombreuses tribus indigènes, notamment parmi les Berbères, se convertissent à la foi mosaïque. De nos jours encore, on trouve dans les coins isolés du Maroc des Juifs d’origine berbère qui observent les pratiques religieuses judaïques, auxquelles ils ont amalgamé des 1ites emp1untés a l’Islam. Ils ont l’aspect des Berbères, et les meilleurs spécialistes en matière de racisme ne sauraient les distinguer de la population environnante. L’une de leurs tribus saharienne, nommée Dagatoun, fut décrite il y a près d’un siècle par un auteur judéo-marocain, par contre des communautés juives entières furent obligées d’embrasser l’Islam puis absorbées par les croisements.
4En 534, qui fut une année fatale, l’empereur Justinien publie son fameux décret qui met les Juifs hors-la-loi. Sous la domination de Byzance, la vie juive devient de plus en plus difficile, différente toutefois suivant les dynasties qui se succèdent. On en connait surtout trois : les Idrisites, les Aglabites et les Almaravides. Sous Idris, fondateur de la dynastie qui porte son nom, les massacres des Juifs étaient alors une réalité quotidienne. En plus d’importantes sommes d’argent, le despote exigeait des jeunes filles juives pour son harem. C’est Idris qui fit construire le premier ghetto de Fez Au VIIe siècle, ses successeurs se comportent un peu plus humainement. Ainsi, sous toutes les dynasties il y a succession de persécutions et de calme. Fait significatif : dès que leur existence s’améliorait quelque peu, les Juifs développaient une intense vie culturelle. Dés rabbins et des savants célèbres nouaient des relations avec les centres spirituels de Babylone et d’ailleurs. Au Maroc même, il y eut de grandes yechivoth (séminaires rabbiniques) dont l’une devint célèbre sous la direction de Rabbi Joseph ben Amram. C’est dans la région de Fez que vécut l’illustre Rabbi Isaac Alfassi. Le grand orientaliste juif russe Abraham Harkavy trouva des documents très intéressants montrant que de temps en temps des étudiants des yechivoth marocaines se rendaient à Babylone pour approfondir ou éclai1ci1 un passage des Ecritures.
5Le Judaïsme marocain s’enrichit souvent d’éléments nouveaux venus d’Espagne. Une vague d’immigrants arrive en 1391 (après le massacre de Séville), puis en 1492, année du Grand Exode : plus tard, on voit parmi les réfugiés des maranos, Juifs convertis au christianisme mais considérés comme des catholiques peu sincères. Les descendants de ces Juifs espagnols ont conservé jusqu’à nos jours le vieux dialecte castillan. En se réfugiant sur le sol marocain, les victimes de l’Inquisition introduisaient dans le pays des méthodes et des conceptions nouvelles, ainsi que des relations avec l’étranger. dont bénéficiaient toutes les branches de l’activité économique.
6Cependant les persécutions répétées exaltaient les rêves de libération. Le faux Messie Chabetai Zvi trouva de nombreux partisans au Maroc : des envoyés spéciaux venus de Hollande annoncèrent l’arrivée du Sauveur si ardemment attendu.. Les Juifs accueillirent cette nouvelle avec enthousiasme et organisèrent des réjouissances publiques dans une atmosphère d’allégresse. Il est à souligner que les autorités musulmanes s’opposèrent vigoureusement à ce mouvement messianique et se refusèrent à admettre la possibilité du retour des Juifs en Palestine : d’abord, c’était là une idée incompatible avec l’enseignement du Coran ; en outre, les Turcs; maîtres du Maroc, étaient en même temps les occupants d’Eretz-Israël. Ce point de vue ne s’est guère modifié au cours des siècles, et de nos jours encore l’idée d’une Palatine juive n’est pas admise au Maroc où le sionisme est interdit.
L’emancipation
7Au Maroc, il est défendu aux Juifs de posséder des champs ou des jardins. Ils vivent dans des conditions pénibles. Ils doivent porter des habits noirs, afin qu’on puisse les reconnaître de loin. Lorsqu’ils passent devant une mosquée, ou devant tout autre lieu saint musulman, ils doivent se déchausser et marcher pieds nus… La pire voyou marocain peut se permettre d’attaquer un Juif en pleine rue, et celui-ci n’a même pas le droit de porter plainte contre l’agresseur. Quel avantage en tirerait-il d’ailleurs ? Le Coran et le juge seront toujours contre le Juif !
8C’est en ces termes que s’exprime, à. la fin du XVIIIe siècle, le poète André Chenier, dans une étude consacrée au Maroc. Je me souviens d’avoir lu dans mon enfance un ouvrage du même genre où la situation des Juifs était retracée dans un style analogue à celui de Chenier. On peut dire qu’aujourd’hui rien n’est changé.
9Le XIXe siècle, qui fut l’époque de l’émancipation juive dans plusieurs pays, n’apporta aucune modification dans la structure de la vie juive au Maroc. Les massacres et les pillages étaient courants. Lorsque les Français par exemple, apportèrent la guerre aux Marocains, en 1844, on soupçonna les Juifs de nourrir des sympathies pour la France et on le leur fit-payer cher. Un autre conflit a éclaté avec l’Espagne en 1859. Cette fois-ci, semble-t-il, les Juifs sont hors de tout soupçon : on n’en profite pas moins pour les persécuter. Rien qu’à Tetouan les Juifs eurent alors plus de 400 tués…
10Ces années marquèrent une ère de terreur pour les Juifs marocains. En 1836 des voyageurs réussirent à dévoiler le danger, et leurs informations, rendues publiques à Londres, alarmèrent l’opinion. On s’intéressa vivement à la question, et Moïse Montefiore entreprit immédiatement une action de sauvetage : suivant ses habitudes, il se rendit personnellement au Maroc: Il lui fut possible de faire libérer des Juifs emprisonnés qui, sans cette intervention, eussent péri certainement dans les cachets comme les centaines des leurs qui les avaient précédés. Montefiore demanda au sultan d’accorder une émancipation totale aux Juifs, ainsi qu’aux chrétiens. Il réussit même à obtenir la publication, à la date du 15 février 1864, d’un édit rédigé en ce sens, qui cependant resta lettre morte. L’administration du sultan poursuivait ses sévices, peu soucieuse des textes officiels.. Suivant une statistique publiée à l’époque par l’Alliance Israélite, plus de 300 Juifs furent tués dans les rues des villes marocaines entre 1864 et 1880. Leurs assassins ne furent jamais inquiétés : ils; se promenaient librement en se vantant de leurs exploits, confiants dans le dicton marocain : On peut tuer sept Juifs et rester impuni.
11En 1907, les troupes françaises font leur entrée sur le territoire marocain et prennent les Juifs sous leur protection. Mais la situation de ceux-ci n’en est guère allégée. Voici le témoignage d’un voyageur anglais qui publia ses impressions en 1909 : Ils n’ont pas le droit de posséder un lopin de terre ou une maison hors de leur ghetto. Ils sont hors-la-loi il leur est interdit de se défendre si un musulman les attaque. Ils sont astreints à porter des vêtements noirs. Il leur est permis d’enterrer leurs morts, mais le cortège funèbre doit avancer en courant. Ils n’ont pas le droit de se marier sans autorisation spéciale du sultan. Ils ne peuvent pas quitter leur quartier après le coucher du soleil. A chaque fête islamique, ils sont obligés d’offrir un cadeau du sultan… Telle fut l’existence des Juifs marocains jusqu’au jour où le maréchal Lyautey plaça le pays sous protectorat français (parmi ses .commissions consultatives il y en avait une Spécialement chargée de l’étude du problème juif, où Lyautey invita comme expert le professeur Nahum Sluschtz qui vit actuellement en Israël).
12La Convention franco-marocaine qui établit le protectorat au Maroc fut signée le 30 mars 1912. Depuis ce jour le pays connut un développement prodigieux : les villes s’agrandirent, des maisons et des quartiers noueaux furent construits. Seule la mellah resta dans son état primitif. L’essor économique fut possible, grâce à l’afflux de capitaux français, et certains milieux financiers de la Métropole se proposaient de supprimer entièrement la mellah pour bâtir à sa place des quartiers juifs modernes. Mais ces projets n’eurent jamais un commencement d’exécution. Les banques ne se hâtaient nullement d’avancer les capitaux nécessaires, partant de la conviction, — réelle ou feinte, — que dans les nouvelles demeures tout le monde viendrait habiter sauf les Juifs, qui ne feraient que déplacer leur ghetto un peu plus loin. Il est vrai que pour adapter ces Juifs à de nouvelles conditions d’existence, il fallait d’abord réformer leur structure économique et élever leur niveau culturel. Quoiqu’il en soit les capitalistes peuvent regretter aujourd’hui leur entêtement, car à l’heure actuelle la crise du logement est encore plus sévère au Maroc qu’en Europe.
13Quoi qu’il en soit, le sort des Juifs n’est plus du tout le mémé actuellement qu’avant Lyautey. Le Judaïsme marocain n’est pas encore totalement émancipé, mais les temps où il fallait l’intervention d’un Montefiore pour les sauver du péril est révolu. Les communautés israélites présentent un aspect nouveau dans la mesure même où elles ne vivent plus dans la peur continuelle du lendemain L’époque n’est plus où l’on pouvait brûler vivant un Juif dans la rue, comme ce fut le cas à Fez en 1900. La population juive constitue un élément sain et vigoureux. qui ne demande qu’à travailler. Mais qui donc fera disparaitre la mellah, qui supprimera le ghetto ?
La « mellah »
14Les mellahs existent dans toutes les villes marocaines où se trouve une communauté juive de quelque importance, et notamment à Fez, Casablanca et Tetouan. L’écrivain juif marocain de langue française Pascal Seseth nous offre une description fidèle de la vie au ghetto. Il évoque par exemple le faste déployé pour célébrer le jour du Sabbath dans la mellah. Les soins de la préparation, l’accueil du Sabbath, les toilettes des femmes : pantoufles aux fleurs brodées de fils d’or, robes blanches à la mode, châles bigarrés d’Espagne, etc. (Ces Juives, aux beaux yeux grands et noirs, si grâcieuses dans leurs costumes de fête, qui ressemblent aux images de la Renaissance italienne, animées on ne sait par quel hasard, dans un coin perdu du Maroc).
15Le samedi après-midi, pendant que les hommes sont à la synagogue, conformément à la tradition, les femmes se rendent mutuellement leurs visites. On voit une famille après l’autre. On échange dix ou douze baisers sur la joue droite. Les mères de famille vont ensemble, et ensemble vont les jeunes filles. Seules les femmes qui viennent de perdre leur mari ou un membre de leur famille restent chez elles, car on estime la promenade incompatible avec le deuil… La tradition de la mellah veut même que ces femmes ne se montrent pas en public durant toute une année. Elles ne peuvent sortir que le matin pour se rendre rapidement dans les boutiques et faire les achats indispensables. Si jamais l’une d’elles osait transgresser cette interdiction, son comportement lui attirerait des sanctions exemplaires. C’est que la mellah est sévère quand il s’agit du respect de ses traditions.
16La douceur de la journée sabbathique règne partout. Il n’est pas jusqu’à la pauvre orpheline, qui travaille péniblement tout au long de la semaine, dont le visage ne se pare d’un sourire; n’est-ce pas le jour le du Sabbath aujourd’hui ? Les soucis quotidiens sont chassés de tous les foyers : on oublie la misère et les inquiétudes. La journée sainte s’écoule ainsi paisiblement dans la mellah jusqu’au retour des hommes de la synagogue. On allume alors la lampe d’huile, et la dure vie de tous les jours recommence dans la pauvre mellah
17Et la jeunesse. ?.. L’écrivain Pierre Mille, qui s’était intéressé à la question, lui consacrait, voilà vingt ans, un grand article dans l’ancien « Temps ». Il soutenait que le type du jeune Juif de Casablanca, par exemple, n’est plus reconnaissable : on le dirait’ fraîchement débarqué de Paris. Pierre Mille connaissait trop bien le problème pour ne pas comprendre que ce n’était là qu’apparence. Si la jeune génération avait adopté tout ce que l’on pouvait importer d’Europe la langue française, le costume, la mode, au fond de son âme l’inquiétude subsiste. Après tant de siècles de persécutions subies avec persévérance, le jeune Juif ne croit plus en son avenir. Il ne demande qu’à quitter la mellah. Il rêve de partir en France, mais, remarque Pierre Mille, il songe plus que tout à se rendre en Palestine.
18Le recensement de la population marocaine, effectué par les autorités françaises en 1931, donnait 117.603 Juifs sur un total de 4.681.134 habitants. Actuellement, on évalue le nombre des Juifs marocains à 250.000, se répartissant de la manière suivante :
Casablanca | 80.000 |
Marrakech | 18.000 |
Fez | 15.000 |
Meknès | 13.000 |
Rabat | 10.000 |
Autres localités | 114.000 |
19Durant les quinze dernières années, la population juive a donc doublé ; les trois quarts restent encore à l’intérieur des mellahs. Celle de Casablanca compte à elle seule plus de 12.600 enfants au-dessous de 14 ans. Presque tous souffrent de rachitisme. Des enfants de 18 mois semblent âgés de 6 mois. 1 sur 10 est menacé de cécité par le trachome. De même qu’en Tunisie, l’OSE a entrepris au Maroc la grande tâche médicale. Ses médecins ont constaté la menace de la tuberculose chez 73 p. 100 des enfants examinés dans ses dispensaires. Il est facile d’imaginer quelle génération grandira dans la mellah, si dès maintenant l’opinion juive du monde entier n’est pas alertée. Les Juifs d’Afrique du Sud, par exemple, devraient particulièrement se soucier du sort de leurs frères vivant à l’autre bout du continent africain. Il faudrait que l’action de l’OSE dans les mellahs puisse se faire rapidement et dans les meilleures conditions possibles, car il s’agit de sauver toute une branche du judaïsme dont l’importance historique est essentielle. A notre avis, ce problème devrait être attentivement étudié par l’American Joint qui, nous l’espérons, prendra les mesures qui s’imposent. Avec les énergies juives réunies on peut escompter de grands résultats.
Conférence annuelle des directeurs de l’A.J.D.C.
Le Joint est une organisation qui n’est guidée par aucune idéologie. Elle fait un travail pratique et ne s’attaque qu’aux problèmes d’ordre pratique. Elle tient compte des faits et ce sont toujours eux qui orientent sa politique.
Des faits nouveaux ayant surgi depuis l’année dernière, c’est en fonction de ceux-ci qu’un vaste tour d’horizon sur la situation des Juifs dans le monde a réuni la Conférence.
Les faits principaux dont il fallait tenir compte étaient les suivants :
- L’établissement et l’affirmation de l’Etat d’Israël ;
- La dissolution des camps en Allemagne ;
- L’accroissement de l’étanchéité du « rideau de fer » :
- La situation dangereuse des Juifs dans les Etats musulmans.
En ce qui concerne l’Afrique du Nord, l’expérience a prouvé que les quelque 1.000.000 de Juifs qui y vivent peuvent, avec une assistance adéquate, devenir des citoyens utiles aux pays où ils vivent ou constituer des émigrants excellents pour Israël. Mais il faut combattre la misère, l’ignorance et les maladies qui ravagent ces populations. Un vaste programme a été établi pour le sauvetage des Juifs des pays musulmans. Il comporte l’aide médicale, alimentaire, l’instruction et l’éducation professionnelle. L’A. J. D. C. dispose en Afrique du Nord, pour poursuivre ces buts, d’organisations spécialisées comme l’OSE, organisation médicale, l’ORT et les écoles de l’Alliance Israélite Universelle.
Le relèvement des communautés juives, écrasées par la guerre ou l’occupation allemande, va permettre à celles-ci de couvrir partiellement ou totalement leurs besoins. L’objectif du Joint est, ici, de les stimuler dans cette voie.
La communauté juive de Hollande peut déjà se suffire à elle-même, et ne requerra pas le concours du Joint pour l’année 1950.
En France, Belgique et Italie, les communautés juives se sont fortifiées et doivent, à l’échelle locale, se suffire aussi à elles-mêmes. La première campagne unifiée, destinée à recueillir les fonds nécessaires aux œuvres françaises, va bientôt avoir lieu : le Fonds Social Juif Unifié qui l’entreprend se trouve sous la direction du Joint qui l’aidera à organiser sa campagne.
Dans le même ordre d’idées, pour permettre aux Juifs de France de poursuivre leur travail social par eux-mêmes, le Joint a ouvert l’Ecole de Service Social Paul Baerwald, qui enseignera aux jeunes gens et jeunes filles d’Europe et d’Afrique du Nord, les méthodes américaines d’assistance sociale.
Au cours d’une conférence de presse tenue à l’issue de la dernière séance, le Dr Schwartz a déclaré — vu le nombre de Juifs résidant d’une façon permanente en Europe occidentale — qu’il entend les aider dans leurs entreprises culturelles.
France
20Le 14 septembre au soir s’est ouverte au Palais de Chaillot la Conférence Européenne Sioniste qui s’est prolongée jusqu’au 10 septembre. Au cours de son discours, M. Nahum Goldman, Président de la fraction américaine de l’Exécutif de l’Agence Juive a posé les problèmes essentiels qui s’offrent au mouvement sioniste d’aujourd’hui. El a souligné d’abord qu’il était nécessaire de replacer les problèmes juifs dans la réalité nouvelle. « Beaucoup demanderont quelle est l’utilité du Mouvement Sioniste maintenant que l’Etat Juif existe. Nous devons attirer l’attention de tous sur le fait qu’un Etat peut être proclamé en un jour, mais que l’on ne peut créer un Etat en un jour. L’année qui vient de s’écouler nous a prouvé que la période dangereuse est loin d’être terminée. Nous devons nous attaquer aux problèmes concernant les grandes puissances et les problèmes concernant les églises. Déjà les chefs arabes reparlent de guerre. » Le Dr Goldman a ajouté que l’Etat Juif est nécessaire pour que le peuple juif continue à vivre. « L’Etat Juif a besoin du peuple juif, tout comme le peuple juif a besoin de l’Etat Juif ». L’absorption, a-t-il déclaré, est un problème psychologique tout autant que financier; il demande de la patience et de la compréhension aussi bien de la part des immigrants que de la part de la population israélienne. Pendant plusieurs années encore, le Mouvement Sioniste devra surtout s’occuper de la préparation de l’Alyah. Des millions de Juifs sont nécessaires pour que le Nouvel Etat soit en sécurité et se développe normalement, Parlant des relations entre Israël et le peuple juif, il a démontré que le Mouvement Sioniste est le lien qui les unit et qu’il nous faut veiller à ce qu’il n’y ait pas de séparation entre Israël et la Diasporah. Si Israël ne considérait la Diasporah que comme une source d’aide, ce serait catastrophique aussi bien pour Israël que pour le peuple juif. « Je ne puis me résigner à ce que l’aboutissement de l’histoire unique du peuple juif, de cette légende tragique et héroïque, de ces souffrances millénaires, de ces combats, de ces persécutions et de cette résistance, soit la création d’un petit Etat d’un ou deux millions de Juifs et la désintégration du peuple juif en dehors de cet Etat. Nous devons avoir le courage, a-t-il ajouté, de proclamer notre loyauté envers Israël, une loyauté ni légale ni politique, mais une loyauté morale ». Le Dr. Goldman a conclu en soulignant que l’esprit pionnier est nécessaire pour mener à bien la seconde partie de l’action sioniste out comme il l’a été pour la première partie.
21Après les différents discours et les débats généraux, de nombreuses résolutions ont été votées. Voici les principales :
22Organisation : La Conférence demande aux Fédérations Sionistes d’organiser par tous les moyens l’éducation juive sioniste hébreue et d’élaborer un programme d’Alyah des Masses.
23Sur la jeunesse, la conférence souligne l’importance du Mouvement Haloutzique et demande plus d’Hakhcharoth et plus de Chlihim.
24En ce qui concerne l’ALYAH, la conférence exprime sa reconnaissance à la Bulgarie, à la Tchécoslovaquie, à la Yougoslavie et à la Pologne ainsi que le souci que lui cause l’attitude de la Roumanie et de la Hongrie.
25Pour l’absorption,la conférence demande la liquidation des camps d’accueil en Israël et l’intensification de la proportion des immigrants.
26Au sujet des fonds, la conférence demande que ne soit tolérée aucune campagne pour Israël pendant la durée de la campagne commune à l’Aide à Israël ; cependant, le Keren Kayemeth Leisraël pourra continuer ses collectes traditionnelles.
27Sur J’Afrique du Nord, la conférence demande que tout soit fait pour faciliter l ’Alyah de toutes les classes d’immigrants nord-africains elle suggère que de nombreux Schlirim connaissant les habitudes du pays soient envoyés en Afrique du Nord, que la proportion soit intensifiée, que des centres spéciaux soient créés en Israël pour les Nord-Africains avec du personnel et une direction appropriés et qu’un office spécial soit créé en Israël pour l’absorption des Nord- Africains.
28Il y a quelques mois, l’Agence Télégraphique Juive fêtait ses trente ans (elle en avait en réalité trente- deux). Dans quelques semaines, son bureau de Paris aura vingt ans. Parmi les organisations juives, il en est peu qui soient arrivées à cet âge, et qui, cependant, soient aussi peu connues du grand public. Fondée à La Haye, en 1917, sous forme d’organisation commerciale, l’Agence Télégraphique Juive fut transférée trois ans plus tard à Londres puis à New-York, où M. Jacob Landau, son fondateur et directeur général put s’assurer l’appui d’un grand Juif américain, M. Louis Marshall. Après la mort de Louis Marshall, Herbert Bayard Swope et George Backer héritèrent de la tâche de Marshall, qui consistait à guider l’AT.J. et à défendre son indépendance. e rôle de l’Agence Télégraphique Juive, et de toutes les agences de presse, par des correspondants dans la plupart des pays où se trouve une communauté juive de quelque importance, est de réunir toutes les informations, Par un système de transmission télégraphique et téléphonique, elle fait parvenir ces informations au grand centre où sont installés ses bureaux. Par des Bulletins Quotidiens elle les diffuse parmi les journaux et les publications, les organisations et les particuliers. Les villes où fonctionnent des bureaux de l’Agence Télégraphique Juive sont : New York, Washington, Tel Aviv, Jérusalem, Londres, Paris, Johannesbourg, Buenos Aires, Mexico, Santiago du Chili, La Paz, Montevideo et Lima.
29Le principal souci de M. Jacob Landau, ainsi que de M. Boris Smolar, son rédacteur en chef, est l’objectivité. Cette objectivité fait du Bulletin de l’A.T.J. l’instrument normal de travail de tout journaliste juif, et la source commune d’information de toutes les organisations. En particulier, les informations qui sont à la base de notre « Chronique » sont tirées de ce bulletin. Détachée de toute source de contrôle extérieur, l’A.T.J est devenue le lien vivant entre les communautés juives du monde, et le pont qui réunit tous les partis et toutes les fractions de l’opinion juive. Les encouragements et les critiques, venant de tous côtés, montrent que l’A.T.J a su garder une neutralité, qui est du reste reconnue par tous, à l’exception de ceux qui conçoivent la neutralité comme étant l’acceptation de leurs propres opinions. Depuis vingt ans, fonctionne à Paris un Bureau: de l’A. T.J. L’importance même que Paris a pris comme centre du Judaïsme européen et nord-africain, a conféré à ce bureau une importance accrue; son bulletin d’informations est rédigé en français et utilisé par la quasi totalité des publications juives en France, en Afrique du Nord, en Belgique, en Italie, et en Suisse.
30A la Libération, le Bureau de Paris de l’A.T.J. fut rouvert par M. Georges Blumberg, auquel succéda M. Piérie Nathan, l’actuel directeur. Un Comité de patronage a été créé, présidé par M. Joseph Millner assisté de M. Eugène Weill.
31Voici comment le Professeur Albert Einstein qualifie cette œuvre :
32« J’estime l’Agence Télégraphique Juive, à cause de sa grande objectivité, de la rapidité de son service, et parce qu’elle exprime et soutient une idée juive ».
33M. Mosche Kol, directeur général de l ’Alyah des Jeunes, a annoncé que son organisation en avait terminé maintenant avec la phase européenne de son activité ; les enfants d’Allemagne, d’Italie, de Tchécoslovaquie et de Bulgarie qui pouvaient ou voulaient aller en Israël sont partis. C’est maintenant presque exclusivement à l’Afrique du Nord et aux pays du Moyen Orient que l’Alyah des Jeunes consacrera son activité. L’absorption d’enfants ou de jeunes doit se poursuivre à la cadence de 1.000 par mois. Un nouveau centre de transit sera créé en France avec l’aide du Joint; le stage des enfants d’Afrique du Nord sera de six mois pour les enfants et trois mois pour les jeunes de plus de 14 ans. Quant aux maisons de l’Alyah ,elles pourront recueillir 2.000 enfants au lieu de 1.300. L’extension des efforts dépendant évidemment de l’augmentation des crédits.
34Le C.R.I.F. a protesté auprès du ministère de l’Intérieur contre la publication par la maison Flammarion du livre de l’antisémite Léon Degrelle.
35URUGUAY. – Un accord commercial a été signé entre l’Uruguay et l’Etat d’Israël portant sur une valeur de 3.200.000 dollars. L’Uruguay exportera surtout de la viande kacher ; Israël exportera des diamants polis, des dents artificielles, des produits pharmaceutiques et chimiques, de l’huile d’olive et du vin.
36ETATS-UNIS. — L’Agence Juive annonce la création d’un département de la culture et de l’éducation qui travaillera en coopération avec les groupes juifs culturels locaux, sous la direction du Dr. Hayim Greenberg. Un bureau sera créé à New-York sous la direction du Dr. Benjamin Halpern qui s’occupera des besoins des communautés juives dans l’hémisphère occidental, en Australie, en Nouvelle- Zélande et aux Philippines. Le bureau de Jérusalem s’occupera des communautés juives d’Europe, d’Asie et d’Afrique.
37Le Conseil d’Administration de la Gewerkshaften Campaign for Labour Israel a décidé de lancer aux Etats- Unis une campagne destinée à recueillir dix millions de dollars pour aider les institutions de la Histadrouth en Israël.
38INDES. — Le Comité Pan Indou de Hindu Mahasabha, une des principales organisations nationalistes New Delhy a adopté une résolution demandant la reconnaissance de l’Etat d’Israël par le gouvernement de l’Inde et a adressé son salut fraternel « aux courageux fils d’Israël ».
39ARGENTINE. – Le Colonel José Gonzalez, directeur du département d’émigration, a annoncé que des sanctions seraient prises contre les fonctionnaires de son département qui opéreraient la moindre discrimination contre les Juifs.
40ALLEMAGNE. — Le nazi Hans Rief a été arrêté à Markt Redwitz dans la zone américaine d’occupation ; il est accusé d’avoir profané la synagogue de cette ville. S’étant introduit dans la nuit de lundi, il détruisit des livres de prière, des châles de prière et des rouleaux de la Loi. Il arracha également les drapeaux américains et israéliens qui s’y trouvaient,
41Quatre enquêtes diféfrentes ont été menées à propos de l’annulation par l’administration municipale de la ville d’Offenbach de la nomination d’un médecin juif, le Docteur Herbert Lewin, comme directeur de l’hôpital municipal de femmes. Un journal allemand de Francfort en avait indiqué le responsable, le maire-adjoint d’Offenbach, qui ne voulait pas d’un Juif pour diriger l’hôpital : « On ne pouvait confier les femmes d’Offenbach, avait-il déclaré, à un médecin juif qui pouvait avoir de la rancune contre des personnes non-juives ». Le tribunal municipal d’Offenbach a décidé de suspendre le maire-adjoint et de confirmer la nomination du Dr Lewin.
42Le tribunal militaire français de Rastadt a condamné à mort trois gardiens du camp de Ravensbruck : Maria Minges, Ingeborg Schulz et Ruth Schumann.
43CANADA. – Le Financial Times de Montréal et l’Israelite Free Press de Winnipeg ont dénoncé la propagande antisémite faite dans le journal de langue allemande « Der Kurier de Regina »: Ces deux journaux affirment que le véritable directeur du « Der Kurier » est Otto Strasser et que ses articles rappellent l’Angriff.
44AUTRICHE. — Le tribunal du peuple de Vienne a condamné Alfred Joseph Slavik à 5 ans de prison pour avoir maltraité des Juifs.
45TURQUIE. – En raison de l’immigration en Israël de nombreux fidèles deux synagogues d’Istamboul ont fermé leurs portes.
46POLOGNE. — Paul. Mentzer, accusé d’avoir assassiné des Juifs à Michalovo, a été condamné à mort, ainsi que Joseph Kanda et Victor Blande qui travaillaient pour la Gestapo.
47A propos de l’accord commercial signé entre Israël et la Pologne, les autorités polonaises font savoir que 700.000 dollars sur les 12 millions pourront être payés par Israël en zlotys collectés en Pologne ou obtenus grâce aux citoyens polonais émigrant en Israël el désirant y transporter leurs capitaux.
48Le ministère de la Culture et des Beaux-Arts a augmenté son subside mensuel au Théâtre Juif de Wroclaw, le portant à 250.000 zlotys de 100.000 zlotys qu’il était jusque-là.
49ANGLETERRE. – Le 22 septembre a eu lieu à Londres, à l’Hôtel Savoy, à l’occasion du 75e anniversaire du Président Weitzmann, un diner au cours duquel a été lancée une campagne pour la .création d’une forêt Weitzman de 750.000 arbres en Israël. Le Maréchal Smuts est venu par avion à Londres spécialement pour assister à ce diner.
50ISRAEL. — 20 familles de pêcheurs de Tripolitaine sont arrivées en Israël sur leur bateau. Ils continueront à poursuivre leur travail à partir des côtes israéliennes comme ils le faisaient jusqu’à présent à partir des côtes de Tripolitaine.
51Mrs Lorna Wingate, veuve du brigadier Orde Wingate qui avait organisé la défense juive pendant les troubles de 1936-1938, va bientôt venir en Israël avec sa mère pour s’y installer définitivement. Le fils de Mrs Wingate est déjà dans un kibboutz de l’Emek.
52Après 17 mois d’interruption, les relations ferroviaires entre Tel-Aviv et Haïfa ont été reprises. Comme la ligne passait originairement à travers le territoire du triangle arabe, une nouvelle ligne a dû être construite à l’intérieur des frontières israéliennes.
53(De notre correspondant particulier EBENZOHAR)
Les « sportifs »
54QUAND les ouvriers juifs de Palestine font du sport ici-bas, les anges au ciel sont pleins de joie. Ces paroles sont attribuées à un rabbin de Tel-Aviv, mort il y a quelques années. Le professeur Scholem considère celui-ci comme le cabaliste authentique de notre temps.
55Le sport est d’origine anglaise. Il se présente comme une compétition dans, des exercices physiques. C’était, au début, un jeu pour adultes pratiqué exclusivement par des amateurs. il s’est commercialisé peu à peu et il est devenu la passion des foules avides des records battus par des autres au prix d’efforts, parfois, surhumains.
56Les efforts fournis par les sportifs le sont, après tout, en pure perte, surtout quand ils perdent leur caractère de jeu et d’exercice physique pour se transformer en une course à la recherche de records toujours améliorés.
57Cette amélioration des records, à vrai dire, n’améliore rien dans le monde, pas même l’état physique de leurs détenteurs, De l’avis autorisé du Dr. Armand Carrel, la course aux records détériore plutôt la santé des Sportifs qu’elle ne la renforce.
58Certes, le sport est en honneur en Israël. Différentes équipes se sont déjà exhibées avec plus ou moins de succès à l’étranger. Nous sommes loin de sousestimer l’importance que présente son développement pour la jeunesse israélienne. Mais en pensant aux paroles du rabbin cité, nous ne croyons pas que c’était là le fin fond de sa pensée. Puisque nous avons à faire à un cabaliste, à un mystique, ces paroles peuvent avoir aussi un autre sens qui peut nous éclairer sur le comportement de la jeunesse juive en Israël.
59DANS UN SENS, tout ce qui se fait en Israël est du sport, depuis la fondation des colonies sur les montagnes rocheuses jusqu’à la colonisation des terrains marécageux, sablonneux ou désertiques. L’effort déployé pour édifier des villes, ressortit aussi, d’une certaine manière, à l’esprit sportif.
60Mais cet esprit anime surtout la jeunesse dans tout ce qu’elle entreprend. Les jeunes d’Israël ont reçu, comme on le sait, le sobriquet de sabras, du nom de ce fruit sauvage qui pousse spontanément sur le sol palestinien et qui est recouvert d’une écorce épineuse. Il faut une certaine habileté pour enlever l’écorce et extraire le fruit savoureux qu’elle contient. La jeunesse palestinienne est rude et rien moins que facile à manier. Elle demande qu’on la prenne au sérieux et qu’on lui confie des tâches à sa mesure. C’est alors qu’elle découvre son ardeur et ses facultés de générosité et d’élan.
61Tout d’abord, elle ne veut pas entendre parler de Sionisme, Elle désigne par ce mot, tout ce qui l’ennuie, tout ce qui entraîne des discussions veines et épuisantes, Elle n’aime pas discuter les problèmes. Elle préfère les résoudre. Elle s’y attaque avec une simplicité surprenante et rien ne lui semble difficile ou impossible. Elle y déploie un véritable esprit sportif et chaque difficulté vaincue n’est pour elle qu’un nouveau record battu.
62C’est ainsi que s’explique le fait paradoxal que le sionisme doit beaucoup de Ses réalisations à cette jeunesse réfractaire au sionisme de bavardage et de propagande. C’est elle qui lui assura ses Victoires, aussi bien sur les champs de bataille que sur les champs tout court. Les premiers colons de la Palestine, surtout ceux de la deuxième Alyiah, de la deuxième vague d’immigration, étaient des idéalistes. Ils quittaient leurs lieux de résidence primitive, porteurs à la fois d’un idéal social et national. ils allaient à la recherche d’une vie nouvelle qu’ils voulaient réaliser sur la terre de leurs ancêtres pour eux-mêmes et pour tout le peuple. Ils étaient hantés par les visions qu’ils emportaient du Galuth et dominés par la conviction qu’il faut procéder à un changement radical de la vie juive.
63La jeunesse, née et élevée en Palestine, ne connaissait ces visions que par ouï dire et se les présentait mol. Elle ne croyait pas tout ce qu’on lui racontait, Elle était habituée depuis sa tendre enfance aux slogans et mots d’ordré chers à ses parents, mais n’y attachait pas une importance outre mesure. Faisant partie de différents groupements de jeunesse, inféodés dans les partis politiques, y trouvant son plaisir, elle y trouvait surtout de quoi satisfaire ses ambitions.
64Une chose réelle et tangible était devant ses yeux qui la pénétrait tous les jours. c’étaient les efforts fournis par ses aînés dans la construction du pays et les résultats obtenus. Sa voie se dessinait pour elle, simple et sans détours. Il s’agissait de continuer le jeu des grands qui était passionnant en soi, et l’esprit sportif lui dictait le désir d’améliorer les records. Ce qu’elle fit.
65Il nous semble qu’il est difficile d’expliquer autrement le comportement de cette jeunesse, aussi bien celle du Village que des grandes Villes. Ce n’est qu’en Palestine qu’on peut encore voir ce phénomène rare d’exode en sens inverse, de la ville a la campagne. On voit souvent des fils, d’industriels ou de médecins, quitter les études et aller faire des stages dans les Kibbutzim pour se préparer à la colonisation. Le même esprit sportif les y pousse.
66QUAND ON VISITE les nouveaux points de colonisation et que l’on parle avec les jeunes colons, on est surpris de leur assurance et de la Simplicité avec laquelle ils affrontent les tâches qui leur sont dévolues. Que ce soit celle d’arracher les pierres de la montagne pour y planter des arbres, que ce soit celle de créer des points d’irrigation dans les déserts du Neguev, c’est toujours l’exemple de leurs aînés qui les guide et ils n’ont qu’une chose en tête : faire mieux la prochaine fois.
67C’est pour sette raison qu’aucune chose ne l’effraie. Ils sont contents quand ils doivent aller, au début, chercher l’eau à une distance de 8 km. dans les montagnes de Naftali. Ils sont contents quand ils ont un puits salé comme à Rvivim dans le Neguev. C’est leur affaire de fournir l’effort nécessaire pour améliorer les conditions de leur existence et ils le font sans demander autre chose que l’amélioration des records déjà obtenus jusqu’ici.
La dévaluation en israel
68JE ME SUIS adressé à plusieurs représentants attitrés de notre vie économique et financière pour connaître leur opinion en ce qui concerne les conséquences probables de la dévaluation anglaise sur la situation économique de notre pays. Leurs réponses diffèrent sensiblement l’une de l’autre, ce aux prouve qu’il n’existe pas d’unanimité à ce sujet. Ces conséquences seront-elles favorables ? répète un industriel qui possédait déjà en Allemagne avant l’arrivée de l’hitlérisme au pouvoir une grande entreprise de textiles. Tout dépend de l’évolution des prix dans les pays du bloc sterling. Certes, contrairement à ce qui se passe en Angleterre, nous possédons d’importantes quantités de dollars provenant des compagnes financières de l’ United Jewish Appeal et d’autres organismes et nous permettant, théoriquement au moins, d’acheter à meilleur compte dans les pays du bloc sterling, les marchandises dont nous avons besoin. Je dis « théoriquement » puisque ce calcul se base sur la supposition que les prix en Angleterre et dans les pays du bloc sterling resteront sans changement. C’est donc ici qu’il faut chercher la solution du problème. Personnellement, je ne crois pas que l’Angleterre puisse maintenir les prix actuels. En effet, l’Angleterre devra payer plus cher en monnaie nationale les matières premières qu’elle importe de l’étranger, c’est-à-dire des pays ne faisant pas partie du bloc sterling. Normalement, cela devrait entraîner une hausse des prix et par conséquent une augmentation des salaires. L’Angleterre a eu recours à la dévaluation dans l’espoir manifeste de maintenir le niveau actuel des salaires. Cela n’est pourtant possible qu’en réduisant le standard de vie des ouvriers. Or, il ne faut pas oublier qu’en dépit de tout leur patriotisme, les Anglais sont affaiblis par une longue période de « Tsena » et il est peu probable qu’ils puissent accepter de nouvelles privations. D’ailleurs, tout le plan britannique n’est pas le résultat d’une méditation sérieuse. C’est plutôt le geste d’une personne qui se noie et se raccroche à une paille. C’est pourquoi je suppose que nous nous trouvons à la veille de perturbations économiques dont il est impossible de prévoir l’issue.
69Voici l’opinion du directeur d’un de nos grands établissements financiers qui ne s’occupe que du côté purement financier de l’affaire : Il faut reconnaître qu’en fixant le taux d’échange de notre livre à trois dollars, notre ministre des Finances a prouvé qu’il prévoyait l’évolution du sterling. Notre livre dont la couverture est assurée par des banknotes palestiniennes du régime mandataire, c’est-à-dire par des sterlings, n’avait pas besoin de faire le brusque bond du sterling. En ramenant le taux de la livre israélienne au niveau actuel du sterling, c’est-à-dire à 2 dollars 80 la livre, nous n’avons dévalué que de 6 %, ce qui nous permet d’éviter une réaction trop brutale. Grâce à nos dollars nous pourrons acheter où nous voudrons, et cette situation favorable nous permettra sans doute de maintenir les prix actuels sur nos marchés intérieurs. Quant à nos exportations, il est très difficile de prédire l’avenir. Bornons-nous seulement à constater que la valeur de nos exportations n’a pas été bien considérable ces dernières années.
70Un des chefs de la Histadrouth qui s’occupe surtout des questions économiques m’a déclaré : Tout le monde doit reconnaître maintenant que le régime « Tséna » introduit en Israel était une nécessité absolue. S’imagine-t-on les prix astronomiques auxquels nous serions arrivés aujourd’hui sans la « Tséna » ? La « Tséna » a redonné à l’argent sa valeur psychologique. Elle a mis un terme à la nervosité qui se manifestait auparavant chez nous dans le domaine économique. C’est grâce à ce régime, doublé de notre système d’impôts, que le public a accueilli avec calme la nouvelle de la dévaluation britannique. A mon avis, notre économie demeurera stable et ne sera pas atteinte d’une façon sensible par les événements en Angleterre.
71M. Arié Shenkar, Président de l’Association des Industriels, m’a fait part de ses appréhensions : Il est clair, m’a-t-il dit, que les exportations britanniques bénéficieront dans une large mesure de la d’évaluation, ce qui est de nature à rendre encore plus âpre la lutte que nos articles doivent soutenir sur les marchés étrangers. C’est un problème qui est d’une importance vitale pour notre industrie. Quant aux problèmes découlant de la dévaluation, c’est au Gouvernement de s’en occuper en premier lieu.
72Les dirigeants responsables de la Chambre de Commerce m’ont déclaré : Grâce à nos dollars nous pourrons désormais acheter à meilleur compte dans les pays faisant partie du bloc sterling. Par contre, les affaires se ralentiront avec les pays qui n’ont pas adopté la dévaluation, comme par exemple, la Suisse, la Belgique et l’Italie.
73Et mes interlocuteurs terminent sagement : La dévaluation a de bons et de mauvais côtés, et tout dépend de la sagesse de la politique gouvernementale.
74Un de nos industriels en vue a examiné l’attitude probable des pays ne faisant pos partie du bloc sterling.
75En décrétant la dévaluation, a-t-il dit, l’Angleterre a porté un coup grave à l’économie des pays ne faisant pas partie du bloc sterling et en premier lieu à celle de la France. On sait d’ailleurs que les intentions de dévaluation qui se manifestaient en Angleterre depuis plusieurs mois déjà, ne cessaient d’inquiéter les milieux économiques et financiers français. Que fera maintenant la France ? Elle connaît à présent, après plusieurs années de fluctuations et de privations une consolidation qui a rendu au franc la confiance des Français. A la suite de la politique gouvernementale, les prix marquent une tendance constante vers la baisse, ce qui augmente le pouvoir d’achat de la population, Si la France ne riposte pas à la mesure anglaise par une mesure identique, ses exportations se heurteront à des difficultés énormes. Si elle se décide pour la dévaluation, elle mettrait en péril la consolidation actuelle. Les autres pays se trouvant hors de la zone sterling sont dans la même situation et devront prendre dans le plus bref délai des décisions graves qui ne resteront pas sans répercussions sur l’économie des autres pays aussi.
76Le Dr.’ Barth, directeur général de l’Anglo-Palestine Bank m’a déclaré : En réalité, nos Institutions Nationales avaient déjà, il y a vingt mais procédé à une « dévaluation privée » en fixant le taux de la livre israélienne a trois dollars contre 4 dollars qui étaient alors le cours officiel du sterling. Cette mesure avait été prise afin d’adapter le cours officiel à la cotation d’alors sur le marché libre. La mesure britannique ne fait que créer en Angleterre une situation qui existe chez nous depuis longtemps déjà. Notre dévaluation qui n’atteint que 6 %, ne doit guère exercer une influence quelconque sur les prix et sur le calcul.
77Par Efraïm LAHMAN
78(Journal de Jérusalem)