1Mon enfance s’est écoulée dans l’atmosphère de ferveur que le Sionisme provoquait chez les jeunes Juifs.
2Aussi, après quarante années de croyances, d’espoirs et de luttes — comme Révisionnistes, nous avons lutté pour la création d’un Etat d’Israël et une immigration illimitée — quel a été mon enthousiasme lorsque j’ai pu voir, pour la première fois, la réalisation de nos rêves en arrivant en Israël.
3J’ai pu, grâce à mes amis se trouvant dans de grandes institutions nationales, voyager en Israël sous la conduite de guides précieux.
4Je me suis rendu compte, dès mon arrivée, que la situation était difficile en ce qui concerne le ravitaillement et le logement, mais je me suis souvenu que j’étais allé, antérieurement, à Londres, à deux reprises. pour les affaires de notre Centre et que j’avais pu constater les difficultés rencontrées pour avoir une chambre et les restrictions que le peuple anglais s’impose pour rétablir sa situation. Pour trouver un appartement, il faut acquitter le pas de porte, maladie de l’après-guerre.
5Pour me rendre en Israël, je suis passé par Amsterdam où en raison des conditions atmosphériques défavorables j’ai dû séjourner durant 28 heures en compagnie des 42 autres passagers. La compagnie d’aviation nous a fait conduire dans un bon hôtel, mais il n’y avait pas de place et nous avons dû nous contenter d’une chambre pour trois ou quatre personnes ; de plus, la nourriture n’était pas extraordinaire.
6Si dans un pays aussi riche et cinq ans après la fin de la guerre, on rencontre de telles difficultés, on ne peut s’étonner de celles d’Israël où la guerre n’est pas terminée, où 230.000 Juifs soit un tiers de la population, ont immigré en un an et où il existe encore une armée de 90.000 hommes qu’il faut ravitailler.
7Je me suis souvenu également qu’en octobre 1944, lorsque j’ai pu revenir à Paris, la situation était beaucoup plus difficile qu’elle ne l’est actuellement en Israël.
8J’ai donc été étonné et enthousiasmé des efforts extraordinaires qui ont été faits en Israël pour arriver à la situation actuelle et de l’ordre qui y règne. Non seulement personne ne se plaint, mais tous sont très contents et rivalisent dans leurs efforts pour aider le Gouvernement et les Institutions publiques pour vaincre les difficultés présentes.
9LA PREMIERE VILLE que j’ai visitée est Tel-Aviv où je suis resté durant six jours.
10Je me suis rappelé qu’en 1921, M. Disengoff, le célèbre maire de Tel-Aviv, l’Haussmann de Tel-Aviv, me montra le projet et le plan de construction de cette ville. Mes amis et moi le regardâmes avec admiration, mais non sans une sorte de stupeur, devant un plan pareil, attestant une telle confiance.
11Il m’est bien difficile de trouver, à présent, les mots pour exprimer l’étonnement et la joie que j’ai éprouvés en voyant, 28 ans après, la ville splendide qu’on a réussi à faire jaillir d’un désert de sable. Elle a 250.000 habitants, des constructions, des boulevards, des avenues, des jardins merveilleux. Je connais à peu près toute l’Europe. Tel-Aviv est comparable aux plus belles villes d’Europe.
12Et, phénomène unique, elle est l’œuvre des haloutzim, des Juifs pionniers.
13J’ai visité d’autres villes : Haïfa et Jaffa sont do tées de beaux ports, d’écoles, lycées, instituts, etc… ces villes ont été construites dans un délai record et il est impossible de ne pas être étonné en les visitant.
14J’ai visité les fameux Kiboutzim dont le nom est désormais répandu dans le monde. C’est le miracle moderne d’Israël ; ces colonies sont florissantes ; grâce à une irrigation parfaite, les cultures sont riches ; on utilise les machines agricoles munies des derniers perfectionnements. Ecoles, cinémas, théâtres, salles de conférence, rien n’est négligé pour l’éducation des enfants et la culture générale, dans les sciences et les arts.
15Ayant pu facilement parcourir Israël, grâce à toutes les prévenances dont j’ai été entouré, il m’a semblé que je voyageais dans un pays de légende. Il est difficile de concevoir que tout ce que l’on regarde à chaque pas ait pu être fait si vite et si pleinement.
16Dans ce pays, l’industrie occupe déjà une grande place : chaussures, tissus, lingerie, tricot, fabrications mécaniques ,etc… L’organisation sociale va de pair. Tout cela est connu, a été décrit en détails, mieux que je ne puis le faire.
17JE VOUDRAIS seulement souligner les points suivants qui m’ont vivement impressionné :
181°Le droit des minorités. — On se souvient qu’après la première grande guerre, les organisations juives ont lutté auprès de la S.D.N. à Genève, pour que les minorités de chaque pays ne soient ni opprimées ni persécutées et qu’elles jouissent des mêmes droits que les autres habitants.
19Or, quel a été le sort des minorités juives en Pologne, en Roumanie, en Hongrie ? Pogromes, numerus clausus…
20Mais voici que pour la première fois depuis la Diaspora, les Juifs ne sont plus la minorité. C’est une minorité arabe qui existe en Israël et ce sont les Juifs qui ont créé un Ministère de minorité pour la sauvegarde des droits des Arabes et leur libre exercice du culte.
212° L’Alia. — Souvenons-nous de cette Alia, de cette immigration illégale juive pour laquelle la puissance mandataire se montra si cruelle ; souvenons -nous de la tragédie de l’Exodus.
22Il y a maintenant une autre alia illégale : celle des Arabes en Israël. J’ai pu constater de mes yeux combien les autorités israéliennes lui sont plus hospitalières, sont plus humaines et généreuses que les autorités qu’elles ont remplacées.
233° On sait maintenant qu’il existe sur le globe terrestre un endroit où les Juifs peuvent se réfugier.
24Personne ne peut oublier la situation des malheureux Juifs exposés à la déportation, puis à l’extermination, qui n’ont pu échapper à leur triste sort parce que tous les ports des pays leur étaient fermés. Des millions de Juifs auraient pu être sauvés, mais, pour eux, il n’y avait pas de visas, pas d’autorisations et sous les yeux du monde civilisé mais sans conscience, six millions d’êtres humains ont péri dans d’atroces souffrances et uniquement parce qu’ils étaient Juifs. Personne n’a voulu leur accorder le droit de refuge qui leur aurait permis d’échapper aux fours crématoires.
25Même après la guerre, les rescapés : orphelins, veuves, ont dû rester dans des camps de ce pays maudit, l’Allemagne. Pour 300.000 êtres humains on n’a pu trouver une place sur le globe terrestre. Actuellement, tous ont émigré et se trouvent en Israël et tous les persécutés du monde entier ont maintenant un pays où ils peuvent se réfugier, certains d’y être accueillis.
26C’est peut-être là, la grande raison de ce frisson d’enthousiasme qui a envahi le cœur de tous les Juifs, quel que soit l’endroit où ils se trouvaient, lors de la création de l’Etat d’Israël, chacun sentant qu’il existe une terre promise !
274° Les enfants. — Je me souviens qu’en France, sous l’occupation nazie, il a été accompli un grand travail pour sauver les enfants. Hélas ! nombreux sont ceux qui n’ont pu être admis dans des pays qui leur auraient donné refuge. Dans le maquis, j’ai pu voir des jeunes gens juifs de « la Résistance » avec un nom d’emprunt, des héros anonymes tombés dans la lutte entreprise contre le nazisme et pour sauver la France et lorsque j’ai vu les enfants juifs en Israël où rien n’est trop cher pour eux — soins et éducation — avec des cheveux blonds, des yeux bleus, tous robustes, j’ai pensé aux 20.000 enfants juifs de France qui ont été déportés et brûlés.
28En Israël, les enfants représentent une génération nouvelle, forte et joyeuse qui monte et qui prolongera l’héroïsme des jeunes gens ayant lutté pour la libération d’Israël.
29Au lieu des jeunes gens — héros anonymes — qui ont lutté contre Hitler dans la résistance sous toutes ses formes, j’ai vu là-bas des défilés de jeunes Israéliens de toutes les armes, très fiers d’avoir combattu pour la résurrection de leur patrie.
30Dans l’armée de la libération de l’Etat d’Israël, on trouve des jeunes Juifs accourus de tous les pays du monde ainsi que les jeunes rescapés des enfers nazis : Auschwitz, Büchenwald, Mathausen, tous venus pour lutter sur place et dont les parents ont fait des efforts considérables pour trouver l’argent nécessaire aux armes et au ravitaillement.
31Il est certain que derrière l’Etat d’Israël comprenant un million de Juifs, se trouve un grand peuple de 10.000.000 de Juifs dans le monde entier, qui est prêt à donner tout son concours pour défendre Ce jeune Etat.
32Tous ceux qui s’y trouvent actuellement s’occupent activement de la reconstruction d’Israël.
33EN MA QUALITE de Président de notre Centre, je suis toujours penché sur des documents allemands relatant toutes les atrocités commises par les nazis, aussi lorsque j’ai eu la joie d’assister à la renaissance d’Israël, de voir ceux qui ont lutté héroïquement avec la Haganah pour la libération d’Israël, j’ai eu le sentiment que nous avions enfin la grande revanche de tout ce qui s’est passé sous la domination nazie.