1DIRECTEUR I. SCHNEERSOHN* RÉDACTION ADMINISTRATION .9, RUE N. D. DES VICTOIRES, PARIS 2e * RÉDACTEUR EN CHEF J. FINK
2LE mois de juillet comporte une date mémorable pour le judaïsme fronçais en général et pour le parisien en particulier. C’est celle du 16, du jour des grandes rafles de 1942, dont les victimes se comptent par dizaines de milliers.
3Cette année, cette date revêt un caractère spécial, car elle coïncide avec le procès qui vient de s’ouvrir contre un des responsables de cette monstruosité. Cela ne veut malheureusement pas dire que le crime commis a trouvé ou va trouver le châtiment mérité et que tout a été fait ou va être fait pour qu’il ne se renouvelle pas.
4Sans parler du fait que les principaux auteurs des crimes commis contre les Juifs et l’humanité n’ont pu être retrouvés et sont ainsi à l’abri de toute poursuite judiciaire, même ceux qui ont été jugés ou passent en jugement s’en tirent avec des peines légères, tout prêts à recommencer, si l’occasion se présente.
5L’action de la justice contre les criminels de guerre a perdu son sens primitif. Une affaire de la conscience humaine est devenue une question de convenance politique. Un proverbe juif dit : « Quand on a besoin du voleur, on le descend de l’échafaud. » Et cela est une vérité en deçà et au delà du rideau de fer.
6Le premier résultat de cet état de choses apparaît dans la recrudescence de l’antisémitisme, dans les tentatives réitérées et de plus en plus énergiques de blanchir ou pardonner les auteurs des crimes et leurs subalternes, de passr l’éponge sur le passé récent — qui avait laissé tant de plaies inguérissables — de noyer dans l’oubli les faibles pousses d’une justice humaine qu’on essaya à Nuremberg, naguère encore, d’implanter dans la conscience de l’humanité.
7L’histoire n’a jamais rien appris à personne. Chacun croit que dons une certaine circonstance il sera plus malin que son prédécesseur placé dans des circonstances analogues. Pourtant l’expérience nous montre qu’on a tort de raisonner ainsi, que des causes identiques produisent des effets identiques, que l’histoire se répète. Il faut tirer un enseignement de l’histoire et on DOIT le faire. Seulement, il est inutile et même nuisible de vouloir limiter les origines et les impulsions de l’antisémitisme à des forces du mal qui se réveillent ou qui n’ont pas été suffisamment déracinées. Il faut aller plus ou fond des choses.
8La documentation du C.D.1.C. présente un instrument de travail de premier ordre, une arme d’une efficacité très grande, à condition de ne pas la laisser rouiller. C’est pourquoi le rôle du Centre est loin d’être terminé. Les documents qui y sont réunis doivent voir le jour, doivent faire retentir sans cesse la sonnerie d’alarme pour que les hommes se souviennent que l’antisémitisme mène d’une façon directe aux crimes contre l’humanité tout entière.