Couverture de LMJ_008

Article de revue

Les Juifs en Australie

Pages 6 à 7

1On sait que l’Australie est un continent jeune et très peu peuplé. Sa superficie est égale à celle des Etats-Unis d’Amérique, mais sa population est presque vingt fois moins nombreuse, sa densité n’étant d'ailleurs pas partout la même; la partie septentrionale du pays, située sous les tropiques, n'est qu'un désert inhabitable. La population se groupe presque exclusivement au niveau des côtes orientales, méridionales et occidentales. Ces provinces abondent en richesses naturelles, leurs champs sont fertiles et leur climat tempéré. Les ressources australiennes pourraient nourrir une population de cent millions d’âmes. D’après le recensement de 1938, il n'y avait, à cette époque, que 6.894.847 habitants, guère plus de deux habitants au mille carré.

2Environ 60 % des Australiens demeurent dans les grandes villes. On sait qu'un pays où la majorité des habitants se concentre dans de grands centres s'en trouve déséquilibré économiquement. L’Australie échappe à cette loi quasi générale. Le pays est florissant, les conditions d'existence y sont meilleures que partout ailleurs. Dans les villes australiennes, il n'y a pas de quartiers pauvres; il n'y a pas non plus de taudis dans lesquels, selon le président Roosevelt, demeure un tiers de la population des Etats-Unis.

3En 1938, l'on comptait en Australie 27.500 Juifs. Cela représente 0,40 % de la population, c'est-à-dire moins qu'un demi pour cent. 96 % des Juifs habitent les cinq grandes villes répartis selon le tableau ci-dessous. »

VILLESNombre de JuifsPourcentage de Juifs
Adelaïde11.5000,90 %
Perth10.0001%
Brisbane1.5000,38 %
Melbourne2.5001,20 %
Sydney8000,21 %

4Il n'y a presque pas de pauvres parmi les Juifs australiens. On ne trouve à la charge des œuvres de bienfaisance juives qu'un petit nombre de vieillards infirmes, de malades, de veuves et d'orphelins.

5La prospérité australienne résulte des particularités du développement du pays. Depuis des dizaines d'années, le pouvoir gouvernemental se trouve entre les mains du parti travailliste. Les lois sociales y sont les plus libérales du monde. La législation s'applique à sauvegarder les intérêts des travailleurs et à maintenir un niveau de vie élevé. C’est en vertu de ces principes que le gouvernement s'est souvent opposé à l'immigration.

6Au cours des quatre-vingts dernières années, le gouvernement australien n'a admis qu'un petit nombre d'immigrants; cette politique eut pour conséquence d'affaiblir le pays. A présent, l’Australie reconnaît son erreur : sa population s'avéra trop peu nombreuse pour défendre le pays contre les Japonais, et cette faiblesse aurait pu lui être fatale si elle n'avait pas eu la chance d’être défendue par les Américains.

7Les premiers hommes blancs ayant visité l’Australie au xvie siècle furent des navigateurs portugais suivis, au xviie siècle, des Hollandais. D’ailleurs le pays fut longtemps connu sous le nom de « Nouvelle Hollande ». Les Anglais y vinrent pour la première fois en 1688. Les premiers colons débarqués en 1788, au nombre de 750, furent des galériens envoyés d’Angleterre. Les colons libres n'y parurent qu'en 1793. On suppose généralement que parmi les galériens il y eut quelques Juifs. En 1817 arrivèrent à Sydney, la plus vieille ville d’Australie, les premiers Juifs londoniens. En 1827 ils y étaient 95, en 1833, 345. C’est en cette année 1833 que la première communauté juive fut officiellement fondée à Sydney.

8Le Juif jamaïquais Jacob Montefiore faisait partie d'une commission de onze membres envoyée en 1834 par le roi Guillaume IV pour inaugurer la colonie d’Australie du Sud. Joseph Montefiore, frère cadet du précédent, se trouvait également parmi les agents du gouvernement. En 1844, 25 Juifs habitaient Adélaïde, capitale de l’Australie du Sud; en 1845, ils étaient 58. En 1850, la première synagogue y fut fondée. En 1860, la colonie juive d’Adélaïde comptait déjà 360 membres. Mais son développement ultérieur fut très lent.

9En 1850, l’Australie ne comptait que 405.000 habitants blancs contre près de sept millions de blancs en 1938. Les indigènes, dont le nombre fut primitivement de 200.000 environ, ne sont plus que 60.000. Ils mènent encore aujourd'hui une existence de nomades à demi-sauvages dans le désert tropical.

10En 1851, le pays est révolutionné par la découverte de terrains aurifères dans l’Etat de Victoria et à proximité de la capitale Melbourne, fondée en 1835. Aussitôt s'abattirent sur le pays les chercheurs du monde entier : de Chine, des Indes, d’Amérique du Nord, d’Afrique du Sud, d’Europe. En 1852 l'immigration atteignit son point culminant : on enregistra 87.881 nouveaux arrivants. Il y avait parmi eux des Juifs. Dans la ville de Balaratt, près de Melbourne, un premier « minian » (c'est-à-dire le minimum de dix personnes nécessaires pour l'accomplissement des prières et rites juifs) put se réunir à l'occasion des grandes fêtes de l'année 1853. La première synagogue fut fondée à Melbourne en l861. Jusqu'en 1861, l'immigration resta libre. Entre 1852 et 1861, 554.000 nouveaux colons arrivèrent en Australie. En 1860, des troubles antichinois éclatèrent sur les terrains aurifères : les Chinois, peu exigeants, concurrençaient les travailleurs blancs.

11Ces troubles servirent de prétexte au gouvernement pour limiter l'immigration. Le nombre d'immigrants diminua, pour tomber à 16.000 hommes par an, entre 1861 et 1875. A partir de 1876, on note un nouvel accroissement du nombre d'immigrants : 33.000 par an en moyenne. Ensuite, intervint une nouvelle diminution et, entre 1901 et 1905, l'immigration fut nulle.

12En 1901, la Fédération australienne fut constituée. Le gouvernement travailliste édicta de nouvelles lois limitant l'immigration avec prohibition complète pour les races de couleur, et une préférence accordée aux ressortissants britanniques en ce qui concerne les blancs. 96 % des habitants étant déjà d'origine anglosaxonne, cette proportion fut maintenue. L’émigration des autres pays s'arrêta net. Cette loi frappa indirectement les Juifs. Bien qu'il n'y eut jamais officiellement de mesures antijuives, en pratique certaines limitations les visaient et se firent sentir. Les immigrants furent divisés en deux catégories : les désirables et les tolérés. Les premiers, ressortissants britanniques, obtenaient beaucoup de facilités allant jusqu'aux subsides. Les autres devaient obtenir une autorisation spéciale et présenter à l'arrivée 40 livres sterling; en outre, un citoyen australien devait se porter garant pour eux. Or, comme nous l'indiquons plus haut, 96 % des Australiens étaient d'origine anglo-saxonne.

13Entre 1906 et 1915, 194.000 immigrants arrivèrent dans le pays. En 1922-1928, le chiffre d'immigrants augmenta à nouveau et atteignit 40.000 par an. Mais le nombre des Juifs était minime. La procédure d'autorisation spéciale et de garantie présentait de gos obstacles. L’émigration juive suivait le chemin de moindre résistance et se dirigeait vers la libre Amérique où un excellent accueil lui était réservé.

14En 1927-1928, 2.400 Juifs palestiniens, polonais et russes, entrèrent en Australie. En 1929, à l’époque de la crise mondiale, l’Australie subit de sérieuses difficultés économiques. L’immigrant devint encore plus indésirable, et les Juifs n’échappèrent naturellement pas à l'hostilité générale. Mais ensuite, l'accès en fut complètement interdit aux Palestiniens et limité à 25 par mois pour les Polonais. Ainsi, au cours des premières années du régime hitlérien, les Juifs ne pouvaient que très difficilement entrer en Australie. En 1933, on y comptait 23.553 Juifs, en 1938, 27.000. De plus, cette faible augmentation de 4.000 seulement est dû à l'accroissement naturel. En 1938, 9.000 Juifs purent entrer en Australie.

15Comme il a été dit au début, 96 % des Juifs australiens habitent les grandes villes Ils sont représentés dans toutes les branches de l'activité nationale. Il y a parmi eux des industriels, des commerçants, des ouvriers, des membres des professions libérales, il y a également de hauts fonctionnaires et des parlementaires. Leur situation matérielle est généralement excellente. D’ailleurs, le minimum vital fixé par la loi, est à un niveau relativement élevé.

164 % seulement des Juifs demeurent dans le reste du vaste pays, principalement dans de petites villes. Une faible minorité de Juifs australiens, environ 200, se consacrent à l'agriculture. En 1939, environ 100 fermiers juifs s'occupaient d'agriculture à Shupertown.

17Le gouvernement encourage les agriculteurs juifs. On leur vend la terre à des conditions avantageuses et on les autorise à faire venir leurs parents.

18On estime qu'au début de la deuxième guerre mondiale le nombre de Juifs en Australie s’élevait à 30.000. Pendant la guerre, les Anglais ont interné en Australie environ 8.000 citoyens allemands et autrichiens, dont un certain nombre de Juifs. Vers la fin de la guerre, l'on a commencé à libérer les Juifs internés qui purent rester en Australie.

19Quel sera l'avenir de l’émigration vers l’Australie ? Après l'expérience de cette guerre, ce pays qui faillit payer cher le manque d'hommes qui le caractérise, ouvrira-t-il avec plus de libéralité ses portes aux immigrants de l’Europe dévastée ?

20A la veille de l'armistice, dans certains milieux, on projetait bien de faire coloniser par des Juifs la région de Kimberley, au nord-ouest du continent australien, mais, la guerre terminée, ce projet ne semble pas avoir reçu un commencement de réalisation.

Errata

Prelude ait voyage au bout de la nuit

21Quelques lignes de cet article, paru dans notre numéro 6, ont sauté et rendu ainsi incompréhensible et contraire à la vérité historique la narration de notre collaborateur. Voici comment il faut rétablir le texte des alinéas 3 et 4 :

22« Cependant, Dannecker voulait se rendre compte du « matériel juif » qui devait lui être dévolu pour le massacre. Au premier abord, Laval, arguant de la prétendue souveraineté de l’Etat vichyssois, fit mine de s'opposer à cette prétention. Mais Bousquet, fidèle valet, l'invita à baisser pavillon. Dannecker demanda à Knochen de faire une démarche auprès de Laval. Le 4 Juillet 1942, il fut décidé par Bousquet que Dannecker inspecterait les camps de concentration de zone sud.

23« Une démarche analogue de Röthke eut lieu le 14 août 1943, préalablement à la déportation projetée des Israélites naturalisés depuis 1927. Au moment où l'obersturmführer y entrait, R.-P. Lambert sortait du bureau de Laval. Röthke, se doutant que son action avait été critiquée, donna Immédiatement l'ordre d'arrêter toute la famille du directeur général de l’U.G.F. en zone sud. Cet ordre fut exécuté le 20 du même mois Dannecker, à la suite de la concession du gouvernement de Vichy, fit du 11 au 19 juillet 1942 une tournée en France non occupée. »

24« A la suite de cette tournée, il envoya à son supérieur hiérarchique. Dr Kuochen, le rapport que nous reproduisons. »

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