1Quatre réquisitoires, présentés par les délégués des quatre puissances, ont ouvert et conclu les débats. Nous en présentons aujourd’hui des extraits. On n’y verra pas le discours introductif du Procureur britannique. Celui-ci, en effet, n’a pas traité des questions juives dans son réquisitoire d’introduction. On ne doit pas interpréter cette abstention comme un signe d’indifférence. Elle est simplement l’expression de la division du travail que les quatre puissances se sont efforcées d’établir.
2Il ne faut pas oublier que le Tribunal Militaire International de Nuremberg constituait une véritable organisation judiciaire avec son greffe, ses procureurs, ses juges d’instruction et ses juges. En ce qui concerne ces derniers, la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et l’U. R. S. S. avaient, chacun, délégué deux juges ; quant au Parquet, il se composait également de quatre délégations comprenant chacune un certain nombre de magistrats. Chaque délégation devant présenter un réquisitoire, une division du travail s’avérait indispensable. Or, en présence des chefs d’accusation : Crime contre la Paix, Crimes de Guerre, Crimes contre l’Humanité et Complot en vue d’accomplir le Crime contre la Paix, de toute évidence la répartition des tâches devait s’inspirer de l’intérêt que chaque pays attachait aux différents chefs d’accusation. Pour la France et la
3Russie soviétique il ne pouvait y avoir de doute. La criminalité nazie avait touché ces deux pays par son expression la plus brutale à savoir les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité dans la mesure ou ceux-ci se placent postérieurement au 1er septembre 1939. Restaient le Crime contre la Paix, le Complot et les Crimes contre l’Humanité commis antérieurement au 1er septembre 1939. La Grande-Bretagne se chargea du premier et les Etats-Unis se chargèrent des deux derniers.
4Les crimes contre les Juifs ont été commis soit en Allemagne avant la guerre, soit durant les hostilités dans tous les territoires occupés par l’Allemagne. Aussi la France, la Russie et les Etats-Unis les traitèrent plus particulièrement. Remarquons que selon les termes du Statut du Tribunal, les Procureurs français et soviétiques se présentaient devant le Tribunal non seulement au nom de leurs peuples, mais encore au nom des territoires occupés de l’Ouest en ce qui concerne la France (Luxembourg, Belgique, Hollande, Danemark et Norvège), ou de l’Est en ce qui concerne l’U.R.S.S. (Tchécoslovaquie, Pologne, Yougoslavie, Grèce).
5Ainsi, le Tribunal de Nuremberg ne représentait pas la volonté des Etats vainqueurs, mais formait réellement une juridiction établie par tous les peuples victimes de la barbarie nazie.