Notes
- [1]
-
[2]
Olivier Cadiot, Histoire de la littérature récente, t. 1, Paris, P.O.L., 2016, p. 87 et 179.
-
[3]
Brian Massumi, L’économie contre elle-même. Vers un art anticapitaliste de l’événement, trad. de l’anglais par Armelle Chrétien, Montréal, Lux éditeur, 2018 (Humanités), p. 181, nous soulignons.
-
[4]
Alexandre Gefen, Réparer le monde. La littérature française face au xxie siècle, Paris, Corti, 2017, p. 75.
-
[5]
Estelle Ferrarese, « La critique comme forme de vie démocratique », dans Multitudes, vol. 71, n° 2, 2018, p. 198.
-
[6]
Olivier Sécardin « De la Station F, ou les vies moins romanesques », dans RELIEF – Revue Électronique de Littérature Française, vol. 13, n° 1 – Écritures impliquées, 2019, p. 8. http://doi.org/10.18352/relief.1028.
-
[7]
L’expression est de Nicolas Mathieu. Voir Laurence Houot, « Le roman peut-il nous éclairer sur le mouvement des Gilets Jaunes ? Réponses avec Nicolas Mathieu, Prix Goncourt 2018 », Franceinfo, 7 mars 2019, [en ligne], https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/roman/le-roman-peut-il-nous-eclairer-sur-le-mouvement-des-gilets-jaunes-reponses-avec-nicolas-mathieu-prix-goncourt-2018_3293513.html.
-
[8]
Frédéric Gros, Désobéir, Paris, Albin Michel/Flammarion, 2017, p. 112 et 113.
-
[9]
Marielle Macé, Styles. Critique de nos formes de vie, Paris, Gallimard, 2016 (nrf essais), p. 212.
-
[10]
Lire également à ce sujet Jean-Pierre Bertrand, Frédéric Claisse et Justine Huppe, « Opus et modus operandi : agirs spécifiques et pouvoirs impropres de la littérature contemporaine (vue par elle-même) », dans COnTEXTES [En ligne], n° 22 – La fiction contemporaine face à ses pouvoirs, 2019, http://journals.openedition.org/contextes/6931.
-
[11]
Georges Perec, L. G. Une aventure des années soixante, Paris, Seuil, 1992 (« Librairie du xxe siècle »), p. 68.
-
[12]
Jacques Rancière, Politique de la littérature, Paris, Galilée, 2007 (La philosophie en effet), p. 11.
-
[13]
Corentin Lahouste, « Figures, formes et postures de l’anarchique dans la littérature contemporaine en langue française du livre et l’écran (Marcel Moreau, Yannick Haenel, Philippe De Jonckheere) », thèse de doctorat soutenue à l’UCLouvain (Belgique), le 15 mars 2019.
-
[14]
Voir https://lundi.am/Faire-des-gateaux-avec-Nathalie-Quintane, nous soulignons.
-
[15]
Jean-Pierre Bertrand, Frédéric Claisse et Justine Huppe, art. cit.
Dans un récent article, Aurélien Maignant soulève quant à lui l’existence d’une littérature hactkiviste, c’est-à-dire d’« objets esthétiques digitaux conférant une fonction politique à leur textualité » (voir « Écritures en lutte dans le cyberespace : existe-t-il une littérature hacktiviste ? », dans Fixxion. Revue critique de fiction contemporaine, n°20 – Radicalités : contestations et expérimentations littéraires, juin 2020, [en ligne], p. 12). - [16]
-
[17]
Voir Laurent Demanze, « Les encyclopédies farcesques d’Emmanuelle Pireyre », Revue des sciences humaines, n°324, octobre-décembre 2016, pp. 105-118.
-
[18]
Emmanuelle Pireyre, Féerie générale [2012], Paris, Editions Points, 2013.
-
[19]
À ce sujet, lire l’étude très fouillée d’Estelle Mouton-Rovira consacrée au roman : « Fragments, collages et étoilement des récits : la fiction littéraire comme espace de déconnexion dans Féerie générale, d’Emmanuelle Pireyre », Comparatismes en Sorbonne, n°7 – Fiction littéraire contre storytelling ? Formes, valeurs, pouvoirs du récit aujourd’hui, 2016, [en ligne] http://www.crlc.paris-sorbonne.fr/pdf_revue/revue7/1_Mouton-Rovira.pdf.
-
[20]
Gilles Lipovetsky et Jean Serroy, L’écran global. Du cinéma au smartphone, Paris, Le Seuil, 2011 (points/essais), p. 286.
-
[21]
Marie-Jeanne Zenetti, « Pulsion de documentation, excès du roman contemporain : Emmanuelle Pireyre, Aurélien Bellanger, Philippe Vasset », dans Fabula/Les colloques – Internet est un cheval de Troie [en ligne] http://www.fabula.org/colloques/document4137.php.
-
[22]
Voir le texte « Témoins du xxie siècle » – https://www.lemonde.fr/livres/article/2016/05/19/emmanuelle-pireyre-temoins-de-l-horreur_4922023_3260.html.
-
[23]
Voir Gilles Lipovetsky et Jean Serroy, op. cit.
-
[24]
Jean-Marie Gleize, « Opacité critique », dans « Toi aussi, tu as des armes ». Poésie et politique, Paris, La fabrique, 2011, p. 40.
-
[25]
Ibid., p. 41.
-
[26]
Olivier Quintyn, Implémentations/Implantations : pragmatisme et théorie critique, Paris, Questions théoriques, 2019 (Ruby Theory), p. 83.
-
[27]
Julien Lefort-Favreau, « Défaire les narrations, renverser l’hégémonie : Pratiques de la liste chez Nathalie Quintane », dans Nathalie Dupont et Éric Trudel (dir.), Poétiques de la liste et imaginaire sériel dans les lettres (xxe et xxie siècles), Montréal, Nota Bene, 2019, p. 233.
- [28]
-
[29]
Par ce terme est entendu l’idée de récuser le principe identitaire, réducteur, cloisonnant et donc figeant, au bénéfice d’une identité saisie avant tout comme pluralité dynamique.
-
[30]
Voir Corentin Lahouste, « Grouillements anarcho-poétiques : radicalité politique et expérimentations littéraires chez Antoine Boute », Fixxion. Revue critique de fiction contemporaine, n°20 – Radicalités : contestations et expérimentations littéraires, juin 2020, [en ligne], pp. 39-49.
-
[31]
Voir Bertrand Gervais, « Imaginaire de la fin du livre : figures du livre et pratiques illittéraires », Fabula-LhT, n° 16 – Crises de lisibilité, janvier 2016, [en ligne], http://www.fabula.org/lht/16/gervais.html.
-
[32]
Roland Gori, La dignité de penser, Arles, Actes Sud, coll. « Babel – essai », 2013, p. 47.
-
[33]
Telles que « Ils sont chauds effrénés d’apprendre la vie » (A, p. 43), « Eh les gars dis-tu à ta famille, eh on dormirait pas là-bas ? Regardez c’est grand, il y a plein de place et même une plaine de jeux trop cool, allez please venez on y va on s’installe là, c’est grand ! » (OB, p. 100), ou encore « Bingo les gars ! Pour pieuter ici y a no souçaille, vous avez frappé à la bonne porte, cet endroit, c’est du refuge 3 étoiles » (A, p. 144).
-
[34]
Il suffit, entre autres très nombreux éléments, de penser à l’importance du motif de la blague dans Apnée.
-
[35]
Jean-Marie Gleize, op. cit., p. 39.
-
[36]
Antonio Bertoli, Thérapie d’analphabétisation. Poésie et essai, trad. de l’italien par David Giannoni, Bruxelles, MaelstrÖm reEvolution, 2010, p. 19.
-
[37]
Voir, notamment, http://www.labellerevue.org/fr/critiques-dexpositions/ 2017/biohardcore.
-
[38]
La première livraison du projet se termine sur ces mots : « #mon_oiseau_bleu (je tente un nouveau truc) » (nous soulignons).
-
[39]
Forum public principalement destiné à faciliter la recommendation de liens entre pairs. Voir https://soenthis.net.
-
[40]
Il convient d’indiquer que le projet a depuis été repris par l’auteur et a été intégré, à la fin du printemps 2020, au site-œuvre Désordre, où une page spécifique lui est dédiée (voir http://www.desordre.net/mon_oiseau_bleu/).
-
[41]
Gilles Bonnet, Pour une poétique numérique. Littérature et internet, Paris, Hermann, 2017 (Savoir lettres), p. 234.
-
[42]
Pierre Glaudes et Jean-François Louette, L’Essai, Paris, Hachette, 1999 (Contours littéraires), p. 92.
-
[43]
Pour une analyse plus en profondeur de ce projet d’écriture, lire Corentin Lahouste, « Rejouer sa vie en trois vers, rejouer la vie de travers : #mon_oiseau_bleu de Philippe De Jonckheere », dans Détrie Muriel & Chipot Dominique (dir.), Fécondité du haïku dans la création contemporaine, Paris, Pippa éditions, décembre 2019, pp. 47-60.
-
[44]
Voir les livraisons du 09/10/17 et du 11/11/2017.
-
[45]
Gilles Bonnet, op. cit., p. 11.
-
[46]
Roland Gori, op. cit., p. 151.
-
[47]
Voir Kenneth Goldsmith, L’écriture sans écriture – du langage à l’âge numérique, trad. de l’anglais par François Bon, Jean Boîte Éditions, 2018.
-
[48]
Voir le post du 17/09/17.
-
[49]
Annie Le Brun, Ce qui n’a pas de prix, Paris, Stock, 2018 (les essais), p. 60.
-
[50]
Christophe Hanna, Nos dispositifs poétiques, Paris, Questions théoriques, 2010 (Forbidden beach), p. 66-67.
-
[51]
Alexandre Gefen, « Le devenir numérique de la littérature française », dans Implications philosophiques [en ligne], publié le 19 juin 2012.
-
[52]
Projet dont la genèse provient peut-être de sa livraison du 17 septembre 2017, où l’on peut retrouver l’haïku suivant : « Ma dyslexie créative/_Attentat de Catalogne_/Devient _attentat de Cologne_ ».
-
[53]
Evelyne Grossman, Éloge de l’hypersensible, Paris, Minuit, 2017 (Paradoxe), p. 113.
-
[54]
Julien Jeusette, « Pour une poétique destituante », dans Fixxion. Revue critique de fiction contemporaine, n°20 – Radicalités : contestations et expérimentations littéraires, juin 2020, [en ligne], p. 93
-
[55]
Brian Massumi, op. cit., p. 39.
-
[56]
Voir Julien Jeusette, art. cit., p. 95.
-
[57]
Julien Lefort-Favreau, op. cit., p. 226.
-
[58]
Voir Florent Coste, « “La littérature ne fait rien toute seule” », dans COnTEXTES [En ligne], n° 22 – La fiction contemporaine face à ses pouvoirs, 2019, URL : https://journals.openedition.org/contextes/6961.
-
[59]
Marielle Macé, Nos cabanes, Lagrasse, Verdier, 2019, p. 98.
J’écris, et pour le reste, je vous emmerde. On ne va tout de même pas se remettre à signer des pétitions. Et pourquoi pas monter sur un tonneau, tant qu’on y est ? […] « Ferme ta gueule deux minutes et bouge ton cul » n’est pas une phrase qu’on dit à l’écrivain.
Cette agitation, ça fabrique. […]
On cherche quelque chose ensemble – mais ça n’a pas de nom. C’est une nébuleuse. Un champ d’attraction entre diverses choses. Chacune est un levier pour ouvrir un coin de mystère. Dans une portion de ciel noir se forme ce nuage de questions qu’il s’agit de démêler en agissant.
1Brian Massumi, dans son ouvrage L’Économie contre elle-même. Vers un art anticapitaliste de l’évènement, distingue deux modalités d’implication politique qu’il identifie sous les termes de militant, d’un côté, et d’activiste, de l’autre ; termes qui sont pourtant habituellement compris comme synonymes. Il allègue ainsi que :
Le militant endoctrine et inculque ; l’activiste module et induit. Le militant génère une prise de conscience et punit les récalcitrants ; l’activiste cherche à catalyser ce que Simondon appelle une « communication des subconsciences » sympathique […]. Le militant opère au sein du milieu cognitif du jugement ; l’activiste réalise des modulations sur le mode affectif du jugement perceptuel. Le militant enjambe le problème de l’arrêt pour imposer des conclusions « rationnellement » calculées ; l’activiste déclenche des abductions. Le militant cherche à remplacer l’intérêt personnel par l’intérêt de classe ; l’activiste se meut relationnellement par-delà l’intérêt. [3]
3À partir de cette distinction aiguisée, il nous semble que tout un pan de la littérature contemporaine, qu’Alexandre Gefen qualifie au demeurant d’« esthétiquement et génériquement « profane » et « profanatrice », « impropre » et déstabilisante, « hétérodoxe et hétérogène » [4] » – pan qui n’a cessé de se faire de plus en plus large au fil des dernières décennies –, peut être dit activiste de par le fait qu’il déploie une vision du politique non seulement en phase avec les caractéristiques évoquées par Massumi, mais également compatible avec celle proposée par Estelle Ferrarese : c’est-à-dire comme « le lieu d’un agir sans cesse à reprendre, et non d’un agir se suffisant à lui-même [5] ». En effet, activiste et non pas militant, car n’étant pas à la solde d’un quelconque mouvement/parti/idéologie, et donc dogmatique et/ou schématiquement simplificateur, mais parce que représentant une activité affectivement évolutive tout autant qu’évolutivement affective, c’est-à-dire modulatoire et évasante. Telle est la portée d’une série de textes contemporains (dont ceux d’Emmanuelle Bayamack-Tam, Yannick Haenel, Olivia Rosenthal, Antoine Volodine, Noémi Lefebvre, Mathieu Riboulet, ou encore Lucie Taïeb) qui viennent bousculer un rapport traditionnel au politique, en déployant « des pratiques et des écritures plus sensibles, moins thétiques, moins assertives [6] » ; qui, attentives aux articulations fines du vivant [7], activent une compréhension du terme politique autre que celle qui prévaut ordinairement : celle d’une lutte pour l’obtention du pouvoir, son exercice et son organisation, dans un contexte partisan. Tandis que la perspective militantiste reste inscrite dans ce tropisme spécifique (et éculé), l’activistique s’en émancipe en favorisant les logiques d’agentivité, d’empuissantement (empowerment) et de transversalité opérationnelle. En visant à retrouver les « énergies de l’élémentaire », évoquées par Frédéric Gros dans son essai Désobéir, et à « atteindre le fondement vibrant de la vie [8] », celle-ci ouvre à une « « relationnalité » neuve, autrement dit [à] une nouvelle façon d’entrer en rapport avec le monde et avec soi [9] ».
4Cette proposition initiale permet de dépasser, ou en tout cas de réenvisager [10], la conjecture de l’engagement littéraire, devenue obsolète car réductrice, elle qui appose l’adjectif politique à celui de littérature si et seulement si cette dernière est inféodée à une cause, une idéologie ou un parti ; si elle se fait production militante. Comme avait déjà pu le relever Perec en son temps, « [l]’opposition entre engagement et esthétisme, même si elle est un fait de notre littérature, reste stérile. Elle est un va-et-vient entre un échec et une faillite [11] ». Il est ainsi question, dans la lignée de Jacques Rancière qui affirme depuis quasi plus de vingt ans que la littérature, en tant que lieu de circulation des discours sociaux, qu’espace de re-partage du sensible, fait « de la politique en tant que littérature [12] », d’alléguer, comme nous avons pu le faire dans notre thèse de doctorat [13], que la littérature est politique non pas parce qu’elle défend telle ou telle idée, parce qu’elle reflète les débats d’une époque, mais bien plutôt parce qu’elle les remet en jeu, les déplace, les redéploie, et parfois même les excède ; qu’elle est politique car elle peut agir comme un contrechamp des représentations formatées, couramment admises, en révélant et interrogeant des facettes du monde que les discours des systèmes dominants excluent. Et son action est avant tout symbolique, ce qui ne signifie pas que celle-ci est de second plan car, rappelons-le, l’être humain est un être symbolique relevant de l’espèce fabulatrice, pour reprendre le titre d’un essai de Nancy Huston.
5Ceci étant dit, il est possible de faire dialoguer la perspective de Brian Massumi avec une allégation de Nathalie Quintane, écrivaine citée en exergue, à laquelle, avec Leslie Kaplan, on a dernièrement peut-être le plus rattaché le qualificatif de « politique » au sein de l’espace littéraire français, et qui propose un renversement de perspective quant à la dynamique (du) poético-politique :
[L]es écrivains […], pendant très longtemps se sont dit qu’ils étaient, en quelque sorte, les « gardiens de la langue ». Notre position politique est dans la langue. Elle est dans ce travail de la langue, dans la singularité de ce qu’on y joue, etc. Et si on va prendre des choses « à l’extérieur », c’est pour nourrir cette langue – y compris des éléments pauvres du discours médiatique ou des parlers populaires, par exemple. C’est un mouvement de l’extérieur vers le dedans, toujours. Ce dedans, c’est un peu comme… je ne dis pas une forteresse… mais il y a quand même un imaginaire de clôture chez les écrivains, et de quelque chose de l’ordre de la tenue – ça tient ; ça fait tenir. La littérature, c’est compact et c’est sacré. Même si on ne le dit plus parce que ça ne peut plus se dire, je crois qu’il y a une idée comme ça encore, même chez les plus jeunes. Et je crois qu’il faut penser au mouvement inverse. C’est-à-dire penser (à) la reprise, (à) la manière dont ça peut être repris, au-dehors [14].
7Il s’agirait donc, selon l’autrice, pour les écrivain·e·s, de désenclaver la littérature, de la dé-clôturer, de notamment quitter une focalisation quasi unique sur l’aspect langagier et stylistique (qui a fortement marqué la production littéraire de la seconde moitié du vingtième siècle), de lui faire prendre l’air, de la faire respirer, à partir d’éléments hétérogènes à son territoire – éléments qui peuvent être de différents ordres –, mais aussi de potentiellement chahuter ses formes traditionnelles, en allant vers quelque chose de moins hiératique, de plus délayé. En un mot, de porter une vision non essentialisante de la littérature et d’inscrire cette dernière dans une dynamique d’ouverture et d’inflexions multipolaires. On retrouve ici les deux éléments clés de l’activistique tel qu’appréhendé par Massumi.
8Il convient de mettre à l’épreuve ces considérations théoriques, générales, pour voir comment elles sont concrètement mises en œuvre par différent.e.s auteurs et autrices contemporain·e·s qui viennent ainsi aviver et stimuler ce que l’on pourrait nommer un activisme poétique (ce dernier mot – poétique – étant entendu au sens large et non dans un rapport à la forme rimée et versifiée), renvoyant à cette force de défiguration de la littérature relevée par Jean-Pierre Bertrand, Frédéric Claisse et Justine Huppe, qui, disent-iels [sic], « lui permet d’élaborer des contre-narrations aptes à défaire les partages et découpages axiologiques établis par certains pouvoirs ou institutions [15] ». Nous nous arrêterons donc, dans le cadre de cette contribution, sur trois cas concrets qui nous semblent pouvoir illustrer, au-delà de ceux de Quintane ou Kaplan, trois mises en jeu du syntagme proposé. Ces trois exemples, qui seront rapidement passés en revue, vont nous permettre d’investiguer cette formule de « littérature activiste », cette idée d’une littérature qui fait tomber la Littérature – lalittérature dirait William Marx – d’une position en majesté, en venant l’inscrire au cœur d’interactions de différents ordres. Il s’agit par ces trois cas de donner du jeu au point de départ présenté.
Emmanuelle Pireyre : décaler, déformater
9En premier lieu, peut être soulevé le cas d’Emmanuelle Pireyre, autrice française publiant, depuis 2000, des livres se situant à la frontière entre roman, essai et poésie, en même temps qu’elle développe une activité de performeuse poétique qui vient nourrir ses fictions livresques. Elle se présente de la sorte sur son site internet : « Ayant suivi des études de commerce qui l’ont surexcitée puis des études de philosophie qui l’ont calmée, elle tente avec l’écriture de faire la part des choses. Elle alterne dans son travail littéraire les livres proprement dits et diverses formes mixtes telles que fictions radio, théâtre ou lectures-performances avec vidéo et musique, en collaboration avec d’autres auteurs ou artistes [16] ». Une hybridité créative assez appuyée se trouve au cœur de son travail poétique qui, sous des faux airs de lieu d’organisation du monde et du réel (« faire la part des choses »), s’amuse surtout à battre en brèche toute logique de la case, de la catégorie (du compartimentage bien serré, bien rangé), et cela dès son premier opus au titre quasi phénoménologique, Congélations et décongélations, sous-titré : Et autres traitements appliqués aux circonstances. Certes, l’œuvre littéraire qu’elle développe agence des données, rassemble des éléments épars, sur le modèle encyclopédique, mais cela est toujours effectué d’une manière farfelue, « farcesque », où le sérieux du savoir se voit contrefait, comme a pu le souligner Laurent Demanze [17]. Parmi les livres qu’elle a publiés, on s’arrêtera sur celui qui a connu le plus grand succès malgré son statut d’ovni littéraire : Féerie générale [18], lauréat du très prestigieux prix Médicis en 2012, qui témoigne largement de la dynamique du composite et de l’hétéroclite propre à l’œuvre de Pireyre.
10Roman extravagant à la structure étoilée, il s’articule autour de sept questions insolites (comme, par exemple, « Comment faire le lit de l’homme non schizoïde et non aliéné » ou « Friedrich Nietzsche est-il halal ? ») qui en constituent les différents chapitres. En tant que récit kaléidoscopique, il remet en cause et déjoue d’emblée deux attendus du roman traditionnel (c’est-à-dire inscrit dans la lignée du roman réaliste) : le principe de linéarité [19] et celui d’unité – à la fois unification, cohérence et univocité – des scènes le composant. Déconcerter, tel est le geste central induit et promu par Féerie générale, ce livre-bazar, « souple », « rebondissant » et « résilient » – pour reprendre les qualificatifs attribués au mari idéal dans le texte (voir p. 186) —, qui est complètement imprégné par un imaginaire du web. En effet, un des traits saillants de cette œuvre débridée et partant dans tous les sens, est qu’elle fait référence à la pénétration accentuée du numérique et des écrans au sein des sphères de la vie contemporaine. Pireyre y mobilise – entre autres choses – la figure du hacker (p. 113 ss.), intègre de nombreuses références cinématographiques et télévisuelles, construit tout un chapitre autour de la création d’un powerpoint (de poésie), mentionne le site de vente en ligne ebay, le pingouin du logo du système d’exploitation Linux (p. 119) aussi bien que le logiciel GarageBand (p. 184), ou encore évoque la pratique de la fanfiction diffusée numériquement (voir pp. 135, 155, 158-159). De même, il n’est pas anodin que chacun des chapitres débute par ce qui ressemble à un synopsis et à une sorte de générique, mimant le procédé mis en place dans les séries télévisées qui annonce les personnages intervenant dans tel ou tel épisode, ou que le récit semble dissoudre tout rapport au temps, à l’instar de ce qui se joue dans la réalité écranique, le plus souvent atemporelle.
11Le récit, marqué par une délinéarité narrative appuyée, est au demeurant sous-tendu par une poétique de la dérive et de l’éparpillement, calquée sur l’expérience de navigation internet ou sur celle du zapping télévisé, où l’on peut se trouver redirigé·e brutalement n’importe où. En effet, Féerie générale, qui semble de prime abord très structuré, car balisé par de très nombreux intertitres, presque comme un essai, retourne et carnavalise en réalité ce cadre, étant donné que les intertitres sont complètement loufoques et mettent bien davantage en place une dérive réflexive unanimement saugrenue, font miroiter de fantasques et fantasmatiques horizons conceptuels. Comme un hackeur ou une hackeuse, Pireyre ne souhaite pas être soumise à la forme traditionnelle du roman (ou de l’essai), à la linéarité d’une intrigue notamment : « Le hacker enchante autrui par son perfectionnisme, sa compréhension intime du système ; il refuse de se laisser aliéner par les applications techniques, et d’être soumis, comme 99 % de l’humanité, aux machines, aux interfaces et aux vendeurs de licences. Il veut rester libre » (p. 115). Dans notre époque où « [l]’heure est à la communication ouverte et souple [20] », Pireyre cherche à transmettre ces mêmes qualités à l’acte poético-littéraire. Marie-Jeanne Zenetti note en ce sens que « les chimères littéraires d’Emmanuelle Pireyre adoptent la plasticité et l’extensibilité qui caractérisent la navigation en ligne [21] ». Et plus encore que décaler ou déphaser, il s’agit pour l’autrice, en premier lieu, de déformater, afin d’ouvrir des perspectives novatrices, ainsi qu’elle a pu l’alléguer lors des Assises internationales du roman de la Villa Gillet en 2016 :
[En ce qui concerne] la littérature, je suis avide dans la lecture comme dans l’écriture, de création de possibles, par opposition à la représentation du réel. Ecrivant, j’ai l’impression de fabriquer des machines dans lesquelles on puisse injecter du réel pour le modifier, même modestement ; il ne s’agit pas d’une fable, d’un univers imaginaire omettant la réalité, mais d’une machine à transformer les données. J’installe des petits moteurs, je coupe des liaisons et connecte des réalités éloignées, le halal et Nietzsche, les Tsiganes et la biologie de synthèse.
La structure de ces machines et leur matériau de construction sont le langage, sa syntaxe, son lexique [22].
13Dans son récit rhizomatique et bigarré qui témoigne de l’« état écranique généralisé [23] » propre aux sociétés occidentales contemporaines, l’autrice a également recours à des extraits de forums internet (voir pp. 27-28, 36, 71-73, 129, 148, 156 et 206). Elle emprunte, cite et réinvente donc des contenus générés par des utilisateurs sur le web. C’est cet aspect spécifique qui, parmi d’autres, vient le plus directement rejouer le rapport au littéraire/poétique au sein de l’œuvre qui active une logique du détournement et du décalage constants, en construisant sa propre « ambiance réseaux » (p. 16), en mettant sur pied un « dense réseau scintillant » (p. 121) venant précisément faire écran au « tout-écran » mondialisé et homogénéisant (que l’autrice cherche à court-circuiter). L’intégration de ces fragments discursifs pré-existants et non-littéraires vient rebattre les cartes de la classification conventionnelle. Pireyre met en effet sur pied une pratique qui relève d’un « méta-usage [24] » de ces productions : elle en détourne la nature première, elle les recadre. Il s’agit pour l’autrice de construire poétiquement à partir d’un matériel médiatique divers, en lien direct avec ce que propose Jean-Marie Gleize dans l’ouvrage collectif « Toi aussi, tu as des armes ». Poésie et politique, c’est-à-dire à partir « d’éléments captés, prélevés, cadrés, réagencés selon une logique de montage, de recontextualisation, et de superposition de pistes [25] ». Dans un esprit similaire, et en jouant avec une écriture et un ton surfaciellement légers, « faciles », naïfs, Pireyre s’amuse à ruiner, en toute candeur, un bon nombre de discours qu’elle évoque et met en scène, comme lorsqu’elle fait écho au management japonais en tournant en dérision les réunions organisées autour d’un tableau Velleda sur lequel il s’agit d’écrire des suggestions pour améliorer le travail collectif (pp. 174-178).
14Pireyre prend à rebours et distord donc les multiples mondes, modes, pratiques et registres discursifs qu’elle investit, de même qu’elle fait place à des énoncés habituellement écartés du champ littéraire (car jugés trop triviaux). Elle module dès lors espièglement le rapport au poétique/littéraire de par sa mise sur pied d’une textualité hétérogène, hybride, désinvolte, empruntant à diverses sources. Les extraits de forums retranscrits font par ailleurs écho à un certain type de discours : celui d’une parole horizontale, non institutionnelle ou surplombante où aucune voix n’a plus ou moins de poids qu’une autre. Ce sont ces caractéristiques (notamment politiques) que l’autrice tente d’inscrire dans sa poétique où prévaut une logique de diffractions et d’interconnections plurielles. Ce faisant, elle affermit par ses créations la définition du poétique proposée par Olivier Quintyn en regard des éléments théoriques développés par Christophe Hanna, c’est-à-dire comme n’étant plus « un accès à une dimension plus fondamentale ou essentielle de la parole, ni la quête d’un langage singulier, doué de facultés d’expression extraordinaires pour extravaser une intériorité plus authentique. Il ne transcende nullement l’usage, mais recombine des compétences symbolique, liées aux jeux de langage que les acteurs sociaux jouent et à travers lesquels la trame de l’existence se tisse [26] ». À l’avenant, la dimension politique de la littérature qu’elle promeut, à l’instar de Nathalie Quintane, est « de faire du lien : non pas du lien social, mais du lien discursif entre des discours discontinus [27] ». Aussi, écrire, pour Emmanuelle Pireyre, comme a pu l’avancer Laurence Faure, « consiste à retraiter et transformer le réel, qui ne lui convient pas, et pour cela, “construire une grosse machine dans laquelle le réel va pouvoir entrer et ressortir un peu différemment”. On est loin du nouveau roman et de sa manière de déconstruire la fiction [, Pireyre affirmant qu’]“Aujourd’hui, on est dans l’urgence de reconstruire du sens, là où les médias nous envoient dans des compréhensions du monde qui ne nous conviennent pas” [28] ».
Antoine Boute : pluralisations poétiques
15Antoine Boute se décrit comme un poète expérimental travaillant à faire se chevaucher littérature, philosophie, performance et expériences sonores. À partir d’Opérations biohardcores (Les Petits Matins, 2017) et d’Apnée (ONLIT éditions, 2018), deux œuvres poético-romanesques elles aussi résolument indéterminables, hétérogènes et éclatées – et également complètement loufoques par moments – qui dans leurs trames invitent toutes deux à quitter le régime de la domestication capitaliste, en « révolutionn[ant] le rapport à la vie » (OB, p. 18) notamment « au niveau sensoriel intime » (A, p. 132), il est question de voir comment l’auteur, tout comme Pireyre, met en place un processus d’incrustation, de perméabilité avec l’en-dehors, qui s’appuie sur diverses modalités. La première est liée à l’aspect souvent collectif de ses créations. En effet, la collaboration artistico-poétique est au cœur du travail poétique d’Antoine Boute qui a signé de nombreux ouvrages à plusieurs mains (notamment avec ses deux fils pour Les morts-rigolos [2014]) et qui ne cesse d’envisager la création comme un geste pluriel, un geste de rencontre(s), d’« inter-interaction » (A, p. 82). Opérations biohardcores a ainsi été co-construit avec Chloé Schuiten, tandis qu’Apnée présente quatre co-auteur.e.s sur sa couverture. Par son travail et les publications qui en résultent, il vient ainsi battre en brèche la vision romantique du créateur incréé, original, solitaire et singulier. La pratique poétique qu’il développe est d’emblée pensée comme ouverte, diffractée, à sans cesse remettre en jeu. Ses textes, où l’altération du soi et le brouillage des sens – « vivre autre, tout autre » (OB, p. 84) – y apparaissent comme axiologie déterminante, sont par conséquent des lieux de voix multiples et croisées où est par conséquent récusée la perspective de propriété créative – un des éléments-phares de l’imaginaire du livre traditionnel. S’y déploie une indécidabilité appuyée de l’instance auctoriale qui perd donc sa prééminence culturellement construite (en Occident), suivant laquelle la notion d’auteur héritée du xviiie siècle, centrée sur l’individu, se voit déportée vers une appréhension ouverte au collectif, assortie d’un enjeu politique appuyé : une valorisation d’une perspective désidentitaire [29].
Et donc amie lectrice, ami lecteur, ne vous étonnez pas si soudain dans ce livre boum on change de style, de rythme, d’énergie, de musique mentale et verbale… Haha ! Voilà un des aspects fun de la blague[-livre] : elle s’écrit en temps réel par une tripotée de révolutionnaires de la disparition… Dans la bande ils écrivent le livre tous ensemble, la bande dans le livre dit je, je est la bande, c’est ça la blague, la blague politique de la bande, la bande est le dj d’une blague politique !
17Les créations de Boute, qui sont marquées par une valorisation et l’investissement d’un régime dissensuel et déstabilisateur, battent en brèche la forme des récits classiques, tout autant qu’elles déclinent des formes textuelles génériquement indécises, expérimentales, portées par une poétique anarchique [30]. L’auteur belge et ses comparses revendiquent ainsi dans Apnée développer une « conception déviante […] du concept d’écriture » (A, p. 13) et présentent l’ouvrage comme « une blague-système chaotique de niveau 2 » (A, p. 13), « UNE GROSSE BLAGUE FUMEUSE » (A, p. 14).
CE LIVRE EST UN TROU ! ATTENTION PAS D’HISTOIRE ! ATTENTION LA NARRATION EST FOIREUSE ! ATTENTION NOUS VOUS CONSEILLONS SI VOUS VOULEZ LIRE UN ROMAN TRANQUILLOU STRESSANT À SUSPENSE DE NE PAS LIRE CE LIVRE ! CAR IL A ÉTÉ CONÇU SPÉCIFIQUEMENT POUR NE PAS CORRESPONDRE AUX CANONS DE LA VENTE ! NON ! CE LIVRE N’EST PAS CONFORME À VOS ATTENTES !
19Avec Opérations biohardcores et Apnée, on se trouve ainsi du côté d’une pratique illittéraire, telle que théorisée par Bertrand Gervais [31]. En effet, ses romans, qui font état d’une écriture sémiotiquement complexe, hybride, se voient amplifiés, pluralisés, par le recours à de nombreuses illustrations et dessins, de même que par des passages où s’étend une écriture manuscrite cahotante, tremblée (voir A, p. 39, 41, 45, 48-49, 69-78), sans compter le travail typographique et de mise en page particulier qui y est maintes fois opéré. On y distingue ainsi, entre autres choses et tout comme chez l’autrice de Féerie générale, des contenus glanés sur le Web, tel que des notices Wikipédia (voir A, p. 17 ou 52-53) ; type de discours lui aussi, en outre, non attribué/attribuable à une seule personne.
20Au-delà d’ébranler la forme du récit, Boute dépoussière (et dérègle en partie) tout autant la langue commune, viciée par ce que Roland Gori nomme la « rationalité pratico-formelle marchande [32] ». Autant Opérations biohardcores que Apnée font droit à une joyeuse désinvolture dans l’écriture, au développement d’un ton débonnaire, souvent inscrit dans un registre familier et fortement imprégné de néologismes. C’est à une langue française très « décontractée » et oralisée (par certaines structures syntaxiques et lexicales [33]), qui intègre autant de l’argot que de nombreux anglicismes, que les lecteurs-trices sont confronté·e·s. Celle-ci, informelle, tranche avec un style dit « littéraire », ainsi que le manifeste, parmi bien d’autres, ce dialogue tiré d’Opérations biohardcores :
– Allez je vous offre un café et vous me racontez vos soucis OK ?
– Ça roule les couilles comme disent mes enfants, my God comme ils sont bien mes enfants, ils me manquent tiens, merde c’est pas vrai je vais encore me mettre à chialer !
– Non non racontez-moi plutôt votre métier, ça m’a l’air intéressant ça : « Nécessaire, révolutionnaire mais trop destroy trash ! »
22Il s’agit en réalité d’une langue très affectivisée, qui possède une capacité expressive forte, où l’humour (de différents types : parodie, satire, grotesque régénérateur, autodérision, etc.) occupe une place centrale [34]. Il est perpétuellement question de faire vivre et vibrer un « enjeu rigolo/percussif » (OB, p. 19, nous soulignons).
23En outre, se voit développée dans l’œuvre de Boute ce que Jean-Marie Gleize nomme une mécriture, c’est-à-dire une « subversion par la langue, [une] subversion de la langue, [une] transgression des codes, du code, [une] dissidence par dissonance, discordance, néologisme, cacophonie, dérégulation morphologique et syntaxique, excentricité verbale, grandes irrégularités [35] ». Un passage d’Apnée s’étendant sur plus de huit pages (p. 107-115), où apparaissent de nombreux mots et segments verbaux échappant à toute compréhension directe, met tout particulièrement en valeur cet aspect, comme en témoigne cet extrait qui évoque par ailleurs l’enjeu primordial d’une libération de l’écriture de ses schèmes trop normés :
HR RV rB jK kRJg kG JkRJ Gfaire corps avec son texte, et comment le lecteur est-il corporellement façonné dans sa lecture du texte ? uER u é Er èRt èk K J èr krk « fictions de monde » le texte joue-t-il ? RuO pRO krLRK f kkJ JRLuI upQ p K eagencements qui ne soient pas nécessairement de l’ordre de la représentation, de l’assujettissement du visible au lisible compréhensible et signifiant. F F jkf RJ Rkt jrt iIouU Oo opPt tdomestication excessive de l’écriture par l’école.
25Par la langue quasi idiolectale qui est employée et qui inquiète par moments la lisibilité, Boute (et ses complices), à l’image d’un de ses personnages – qui plus est double de l’écrivain en tant qu’il se présente lui aussi comme un « poète expérimental » – qui affirme « réfléchi[r], en acte, aux impacts sur le réel du travail de la langue » (OB, p. 102, nous soulignons), met sur pied une stratégie d’analphabétisation, afin de « donner naissance à une réalité autre, différente et plus “sensée” que la réalité ordinaire », ainsi que pour « annuler les coordonnées normales et normatives du rapport à la réalité [36] », comme le propose Antonio Bertoli dans son essai poétique Thérapie d’analphabétisation.
26Déjouer le côté figé que peuvent prendre les langues et les langages, syntagme que l’on peut retrouver dans Apnée (p. 113), constitue bel et bien un des principes centraux des créations de Boute (et de ses comparses en écriture diversifiée), cocasses, déstabilisatrices et dissonantes – à plus d’un titre –, qui sont avant tout considérées comme des espaces de rencontres plurielles, à la suite notamment de l’inscription du travail poétique (comme chez Pireyre) dans un circuit de diverses performances et résidences [37], et qui s’affirment, à l’avenant, pour reprendre une formule d’un des deux livres, « politique [s] hors politique » (OB, p. 61).
Philippe De Jonckheere : activer une contre-conduite langagière
27On finira avec Philippe De Jonckheere qui déploie une grande partie de son œuvre sur le web et incarne ainsi une des pratiques littéraires alternatives – par rapport à l’investissement du traditionnel objet-livre – se déployant à l’époque du numérique. Entre le 19 juin 2017 et le 9 avril 2018, ce web-écrivain français et artiste touche-à-tout a mené un projet d’écriture journalière particulier, expérimental [38], intitulé #mon_oiseau_bleu. Détournant le fameux réseau social Twitter – le titre du projet faisant écho au logo du réseau de microblogging et au marqueur de métadonnées qui lui est associé –, il a livré chaque jour, à travers des posts hébergés sur la plateforme seenthis [39], son « Facebook ®™© bio » qu’il considère comme le « [d]ernier endroit fréquentable d’Internet » (14/02/18), une série de haïkus peu conventionnels qui venaient retracer les faits (ou vicissitudes) saillants (ou dérisoires) de chacune de ses journées, dont les pensées qui ont pu le traverser. Jouant avec la contrainte de la forme-haïku qu’il tord et réaménage allègrement, De Jonckheere y filtre donc les journées de sa vie à l’aune des divers évènements (souvent mineurs) qui ont pu les ponctuer et qu’il compile progressivement.
28Avec #mon_oiseau_bleu [40] et sa narration pluralisée, De Jonckheere promeut en premier lieu une conception de l’acte d’écriture simple, spontanée, sans prétention ni ornement : le projet s’affirme comme une œuvre sur le vif, de saisie du jaillissement (notamment langagier), et se dessine dès lors comme une œuvre du geste d’écriture (sans cesse relancé) davantage que selon la perspective de l’œuvre comme produit fini et polissé – ce que peuvent notamment souligner les quelques coquilles qui l’émaillent. Bien qu’elle ne soit pas pur jaillissement incontrôlé, la pratique d’écriture de De Jonckheere dans #mon_oiseau_bleu, témoignant d’une littérature « de l’aléa mieux que du plan et de la méthode, de l’inventio plus que de la dispositio [41] », vise à approcher au maximum cet état-là. À une langue purement fonctionnelle est préférée une langue vivante, par exemple nourrie de références détournées qui viennent la teinter affectivement. Tel est le cas de ces extraits où sont convoquées soit une réplique culte d’Apocalypse Now, soit les paroles d’une chanson populaire du groupe français Louise attaque :
_I love the smell
Of Amoxiciline
In the morning_ (04/09/17)
_I love the smell
Of cut-up
In the morning_ (13/11/17)
Je pars chercher Zoé à l’atelier
Une pile électrique. Fatigante, intéressante
Mais putain qu’est-ce qu’elle est chiante ! (12/02/18)
30S’y voit par conséquent stimulée la pratique d’une littérature informelle, que Pierre Glaudes et Jean-François Louette décrivent comme naissant « spontanément des circonstances de la vie ordinaire et qui privilégie l’humour, la familiarité de ton, la légèreté de la touche, dans des observations intimement personnelles [42] ».
31Le projet [43], vécu comme un « défouloir » (25/06/17), s’inscrit également d’entrée de jeu dans la lignée d’une critique des réseaux sociaux que le créateur de Désordre désigne spécifiquement comme « asociaux [44] ». Il s’agit de récuser « le diktat imposé par un web massivement dévolu à un usage mercantile et instrumental de la langue [45] », pour reprendre une formule de Gilles Bonnet. En intégrant notamment slogans (politiques ou publicitaires), phrases stéréotypées, titres de journaux, De Jonckheere y déploie un regard autre sur le langage courant, « purement fonctionnel, technique, sans expressivité, quasi anonyme [46] », comme le qualifie Roland Gori. Aussi, donne-t-il à penser nouvellement ces paroles au sens éculé qui assaillent continuellement l’être humain à l’époque contemporaine. Les recyclant et les singeant (appliquant à sa manière une écriture sans écriture [47]), il propose un espace de prise de distance possible à l’égard du flux des discours grégaires, « d’efficacité » (massmédiatiques, technocratiques, administratifs, publicitaires, etc.) qui, subrepticement, canalisent, formatent, contrôlent, endorment voire abrutissent.
_Prenez le volant
D’une voiture
Qui vous ressemble !_ (25/06/17)
Lundi et mardi, qu’est-ce que tu as fait ce week-end ?
Mercredi, je ne sais pas je ne travaille pas
Jeudi et vendredi, qu’est-ce que tu fais ce week-end ? (21/10/17)
Autoradio
Théorie du ruissellement
Et premiers de cordée : peigne-culs (25/11/17)
_Les homosexuels,
Ça n’existe pas chez nous,
En Iran_ (21/10/17)
33De Jonckheere détourne ainsi le langage commun et les structures de domination qui s’y trouvent logées. Il institue, au sein même de la langue servile, une authentique hétéronymie des choses. C’est également la « charge poétique involontaire [48] » de ces types de discours ou les impensés qu’ils révèlent que De Jonckheere aime mettre en avant, et cela en récusant, dans le sillage d’une Annie Le Brun, la « grossièreté de forme et de propos qui règne […] sur l’espace public [49] ».
Séduire
Et rester soi
Psychologies magazine (30/06/17)
Le député El Guerrab, mis en examen,
[Pour coups et blessures NDLR], _devient membre
De la commission de la défense de l’Assemblée_ (04/10/17)
_Garantie Obsèques :
Un souci de moins
Dès 3,75 € par mois_ (18/09/17)
Je n’aime pas les gens ostentatoires
Déclare cette femme en terrasse
Fausse blonde, faux bijoux, vraies Ray-bans (11/11/17)
35Mais, globalement, le créateur de Désordre s’en moque, en donnant à percevoir le caractère vide de ces énoncés qui viennent coloniser, voire polluer l’esprit et l’imaginaire, comme en témoigne l’extrait suivant :
Tentative d’autoradio
On tresse des lauriers au gamin-président
J’éteins, temps de contamination : une minute (04/02/18)
37À l’instar d’un Christophe Fiat, d’un Manuel Joseph ou d’un Jacques-Henri Michot, De Jonckheere déconstruit ainsi ces types de discours, « c’est-à-dire révèl[e] en tant que processus actifs, structurants, les formes verbales propres aux jeux de langage de vérité, en particulier de « vérités » médiatiques », faisant en sorte que « certaines habitudes cognitives entrent en conflit et perdent, du coup, momentanément leur banalité : elles accèdent alors à une épaisseur interprétative qu’elles n’ont jamais dans la vie courante [50] ». Il active donc une contre-conduite langagière qui, s’inscrivant pleinement dans la dynamique de « [s]ubversion ironique, [de] détournement subjectivant ou [de] transformation réflexive des discours communs [51] » identifiée par Alexandre Gefen comme un des traits majeurs de la création littéraire numérique, a pour but de décalibrer les clichéismes langagiers. Et c’est dans cette même lignée qu’il lance, en décembre 2017 – concomitamment à #mon_oiseau_bleu donc –, son projet #de_la_dyslexie_creative [52], dans lequel il s’applique, mais surtout s’égaye, à remixer des titres tirés de l’actualité, là encore en trois lignes :
La tempête Eléanor au pas de charge pour la rentrée
Emmanuel Macron et l’exécutif se dirigent vers le sud
avec risque maximum d’avalanche (04/01/18)
Le régime syrien n’a pas
renoncé à publier les pamphlets de Céline
Le PDG de Gallimard progresse dans la Ghouta orientale (04/03/18)
Financement libyen de la campagne de 2007 :
Nicolas Sarkozy reconnaît des erreurs
Cambridge Analytica : le PDG de Facebook Mark Zuckerberg est mis en examen (22/03/18)
39*
40À la lueur des trois cas évoqués (auxquels il conviendrait d’adjoindre d’autres corpus afin d’affiner les conjectures de ce travail exploratoire), ressort une vision de la littérature qui s’affirme comme un espace de déconcertement et de dérigidification, un espace pluriel – polyphonique –, non dogmatique ou corseté, intranquille, qui permet d’inventer de nouveaux modes de composition d’affects, habilités à venir rebattre les cartes d’un rapport conventionnel au réel. Le décalage et le bricolage s’y font gestes politiques et ouvrent ainsi à d’autres manières d’appréhender le monde. Les œuvres de Pireyre, Boute et De Jonckheere, hybrides, hétéroclites et de ce fait difficilement étiquetables, promeuvent une écriture « invent[ant] des “lignes de fuite” luttant contre l’Un-sens immobile et fixé [53] » et mettent ainsi sur pied des textualités déroutantes, ludiques, malléables, désenclavées, et parfois même saboteuses, qui s’opposent à la banalisation des mots et à une logique de la catégorie, qui s’y voit carnavalisée. On y retrouve une vivacité similaire à celle analysée par Julien Jeusette en regard des textes de Frédéric Lordon et Noémi Lefebvre : « Loin de la gravité des romans à thèse, leurs œuvres à la fois joyeuses et optimistes trouvent la radicalité dans la forme, et insistent sur le caractère fondamental, du point de vue de la lutte émancipatrice, du rapport poétique au langage [54] ».
41L’agir (symbolique) que déploient ce type d’œuvres expérimentales à la dynamique centrifuge relève de l’approche dividualiste qu’elles instruisent, terme compris dans le sens que lui donne Brian Massumi : qui « joue la carte de la multiplication, de la dissémination, de l’essaimage et de la contagion [55] ». De même, se déployant dans des formes originales – en partie incertaines et dissonantes, destituante dirait Jeusette [56] – qui rouvrent les conceptions du fait littéraire, elles activent une « fonction offensive de la littérature contre l’hégémonie [57] », pour reprendre un syntagme proposé par Julien Lefort-Favreau. Tumultueuses et comportant une ironie latente, elles peuvent être rattachées à cette littérature « désirable » dont parle Florent Coste, « celle qui déjoue, dénaturalise, pirate ou plastique [l]es langages d’oppression [58] ». Tel est l’activisme poétique qu’elles implémentent qui peut être condensé en un mouvement primordial : celui de l’élargissement. Il s’agit ainsi pour ces fictions, somme toute, d’embrasser une logique de la distension pour honorer, comme l’exhorte Marielle Macé dans son dernier essai Nos cabanes, « d’autres styles d’être, d’autres pensées, d’autres comportements dans le sensible, [pour] suivre d’autres lignes qui constituent autant de propositions sur le monde et les façons de s’y tenir [59] ».
Notes
- [1]
-
[2]
Olivier Cadiot, Histoire de la littérature récente, t. 1, Paris, P.O.L., 2016, p. 87 et 179.
-
[3]
Brian Massumi, L’économie contre elle-même. Vers un art anticapitaliste de l’événement, trad. de l’anglais par Armelle Chrétien, Montréal, Lux éditeur, 2018 (Humanités), p. 181, nous soulignons.
-
[4]
Alexandre Gefen, Réparer le monde. La littérature française face au xxie siècle, Paris, Corti, 2017, p. 75.
-
[5]
Estelle Ferrarese, « La critique comme forme de vie démocratique », dans Multitudes, vol. 71, n° 2, 2018, p. 198.
-
[6]
Olivier Sécardin « De la Station F, ou les vies moins romanesques », dans RELIEF – Revue Électronique de Littérature Française, vol. 13, n° 1 – Écritures impliquées, 2019, p. 8. http://doi.org/10.18352/relief.1028.
-
[7]
L’expression est de Nicolas Mathieu. Voir Laurence Houot, « Le roman peut-il nous éclairer sur le mouvement des Gilets Jaunes ? Réponses avec Nicolas Mathieu, Prix Goncourt 2018 », Franceinfo, 7 mars 2019, [en ligne], https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/roman/le-roman-peut-il-nous-eclairer-sur-le-mouvement-des-gilets-jaunes-reponses-avec-nicolas-mathieu-prix-goncourt-2018_3293513.html.
-
[8]
Frédéric Gros, Désobéir, Paris, Albin Michel/Flammarion, 2017, p. 112 et 113.
-
[9]
Marielle Macé, Styles. Critique de nos formes de vie, Paris, Gallimard, 2016 (nrf essais), p. 212.
-
[10]
Lire également à ce sujet Jean-Pierre Bertrand, Frédéric Claisse et Justine Huppe, « Opus et modus operandi : agirs spécifiques et pouvoirs impropres de la littérature contemporaine (vue par elle-même) », dans COnTEXTES [En ligne], n° 22 – La fiction contemporaine face à ses pouvoirs, 2019, http://journals.openedition.org/contextes/6931.
-
[11]
Georges Perec, L. G. Une aventure des années soixante, Paris, Seuil, 1992 (« Librairie du xxe siècle »), p. 68.
-
[12]
Jacques Rancière, Politique de la littérature, Paris, Galilée, 2007 (La philosophie en effet), p. 11.
-
[13]
Corentin Lahouste, « Figures, formes et postures de l’anarchique dans la littérature contemporaine en langue française du livre et l’écran (Marcel Moreau, Yannick Haenel, Philippe De Jonckheere) », thèse de doctorat soutenue à l’UCLouvain (Belgique), le 15 mars 2019.
-
[14]
Voir https://lundi.am/Faire-des-gateaux-avec-Nathalie-Quintane, nous soulignons.
-
[15]
Jean-Pierre Bertrand, Frédéric Claisse et Justine Huppe, art. cit.
Dans un récent article, Aurélien Maignant soulève quant à lui l’existence d’une littérature hactkiviste, c’est-à-dire d’« objets esthétiques digitaux conférant une fonction politique à leur textualité » (voir « Écritures en lutte dans le cyberespace : existe-t-il une littérature hacktiviste ? », dans Fixxion. Revue critique de fiction contemporaine, n°20 – Radicalités : contestations et expérimentations littéraires, juin 2020, [en ligne], p. 12). - [16]
-
[17]
Voir Laurent Demanze, « Les encyclopédies farcesques d’Emmanuelle Pireyre », Revue des sciences humaines, n°324, octobre-décembre 2016, pp. 105-118.
-
[18]
Emmanuelle Pireyre, Féerie générale [2012], Paris, Editions Points, 2013.
-
[19]
À ce sujet, lire l’étude très fouillée d’Estelle Mouton-Rovira consacrée au roman : « Fragments, collages et étoilement des récits : la fiction littéraire comme espace de déconnexion dans Féerie générale, d’Emmanuelle Pireyre », Comparatismes en Sorbonne, n°7 – Fiction littéraire contre storytelling ? Formes, valeurs, pouvoirs du récit aujourd’hui, 2016, [en ligne] http://www.crlc.paris-sorbonne.fr/pdf_revue/revue7/1_Mouton-Rovira.pdf.
-
[20]
Gilles Lipovetsky et Jean Serroy, L’écran global. Du cinéma au smartphone, Paris, Le Seuil, 2011 (points/essais), p. 286.
-
[21]
Marie-Jeanne Zenetti, « Pulsion de documentation, excès du roman contemporain : Emmanuelle Pireyre, Aurélien Bellanger, Philippe Vasset », dans Fabula/Les colloques – Internet est un cheval de Troie [en ligne] http://www.fabula.org/colloques/document4137.php.
-
[22]
Voir le texte « Témoins du xxie siècle » – https://www.lemonde.fr/livres/article/2016/05/19/emmanuelle-pireyre-temoins-de-l-horreur_4922023_3260.html.
-
[23]
Voir Gilles Lipovetsky et Jean Serroy, op. cit.
-
[24]
Jean-Marie Gleize, « Opacité critique », dans « Toi aussi, tu as des armes ». Poésie et politique, Paris, La fabrique, 2011, p. 40.
-
[25]
Ibid., p. 41.
-
[26]
Olivier Quintyn, Implémentations/Implantations : pragmatisme et théorie critique, Paris, Questions théoriques, 2019 (Ruby Theory), p. 83.
-
[27]
Julien Lefort-Favreau, « Défaire les narrations, renverser l’hégémonie : Pratiques de la liste chez Nathalie Quintane », dans Nathalie Dupont et Éric Trudel (dir.), Poétiques de la liste et imaginaire sériel dans les lettres (xxe et xxie siècles), Montréal, Nota Bene, 2019, p. 233.
- [28]
-
[29]
Par ce terme est entendu l’idée de récuser le principe identitaire, réducteur, cloisonnant et donc figeant, au bénéfice d’une identité saisie avant tout comme pluralité dynamique.
-
[30]
Voir Corentin Lahouste, « Grouillements anarcho-poétiques : radicalité politique et expérimentations littéraires chez Antoine Boute », Fixxion. Revue critique de fiction contemporaine, n°20 – Radicalités : contestations et expérimentations littéraires, juin 2020, [en ligne], pp. 39-49.
-
[31]
Voir Bertrand Gervais, « Imaginaire de la fin du livre : figures du livre et pratiques illittéraires », Fabula-LhT, n° 16 – Crises de lisibilité, janvier 2016, [en ligne], http://www.fabula.org/lht/16/gervais.html.
-
[32]
Roland Gori, La dignité de penser, Arles, Actes Sud, coll. « Babel – essai », 2013, p. 47.
-
[33]
Telles que « Ils sont chauds effrénés d’apprendre la vie » (A, p. 43), « Eh les gars dis-tu à ta famille, eh on dormirait pas là-bas ? Regardez c’est grand, il y a plein de place et même une plaine de jeux trop cool, allez please venez on y va on s’installe là, c’est grand ! » (OB, p. 100), ou encore « Bingo les gars ! Pour pieuter ici y a no souçaille, vous avez frappé à la bonne porte, cet endroit, c’est du refuge 3 étoiles » (A, p. 144).
-
[34]
Il suffit, entre autres très nombreux éléments, de penser à l’importance du motif de la blague dans Apnée.
-
[35]
Jean-Marie Gleize, op. cit., p. 39.
-
[36]
Antonio Bertoli, Thérapie d’analphabétisation. Poésie et essai, trad. de l’italien par David Giannoni, Bruxelles, MaelstrÖm reEvolution, 2010, p. 19.
-
[37]
Voir, notamment, http://www.labellerevue.org/fr/critiques-dexpositions/ 2017/biohardcore.
-
[38]
La première livraison du projet se termine sur ces mots : « #mon_oiseau_bleu (je tente un nouveau truc) » (nous soulignons).
-
[39]
Forum public principalement destiné à faciliter la recommendation de liens entre pairs. Voir https://soenthis.net.
-
[40]
Il convient d’indiquer que le projet a depuis été repris par l’auteur et a été intégré, à la fin du printemps 2020, au site-œuvre Désordre, où une page spécifique lui est dédiée (voir http://www.desordre.net/mon_oiseau_bleu/).
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[41]
Gilles Bonnet, Pour une poétique numérique. Littérature et internet, Paris, Hermann, 2017 (Savoir lettres), p. 234.
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[42]
Pierre Glaudes et Jean-François Louette, L’Essai, Paris, Hachette, 1999 (Contours littéraires), p. 92.
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[43]
Pour une analyse plus en profondeur de ce projet d’écriture, lire Corentin Lahouste, « Rejouer sa vie en trois vers, rejouer la vie de travers : #mon_oiseau_bleu de Philippe De Jonckheere », dans Détrie Muriel & Chipot Dominique (dir.), Fécondité du haïku dans la création contemporaine, Paris, Pippa éditions, décembre 2019, pp. 47-60.
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[44]
Voir les livraisons du 09/10/17 et du 11/11/2017.
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[45]
Gilles Bonnet, op. cit., p. 11.
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[46]
Roland Gori, op. cit., p. 151.
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[47]
Voir Kenneth Goldsmith, L’écriture sans écriture – du langage à l’âge numérique, trad. de l’anglais par François Bon, Jean Boîte Éditions, 2018.
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[48]
Voir le post du 17/09/17.
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[49]
Annie Le Brun, Ce qui n’a pas de prix, Paris, Stock, 2018 (les essais), p. 60.
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[50]
Christophe Hanna, Nos dispositifs poétiques, Paris, Questions théoriques, 2010 (Forbidden beach), p. 66-67.
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[51]
Alexandre Gefen, « Le devenir numérique de la littérature française », dans Implications philosophiques [en ligne], publié le 19 juin 2012.
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[52]
Projet dont la genèse provient peut-être de sa livraison du 17 septembre 2017, où l’on peut retrouver l’haïku suivant : « Ma dyslexie créative/_Attentat de Catalogne_/Devient _attentat de Cologne_ ».
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[53]
Evelyne Grossman, Éloge de l’hypersensible, Paris, Minuit, 2017 (Paradoxe), p. 113.
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[54]
Julien Jeusette, « Pour une poétique destituante », dans Fixxion. Revue critique de fiction contemporaine, n°20 – Radicalités : contestations et expérimentations littéraires, juin 2020, [en ligne], p. 93
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[55]
Brian Massumi, op. cit., p. 39.
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[56]
Voir Julien Jeusette, art. cit., p. 95.
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[57]
Julien Lefort-Favreau, op. cit., p. 226.
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[58]
Voir Florent Coste, « “La littérature ne fait rien toute seule” », dans COnTEXTES [En ligne], n° 22 – La fiction contemporaine face à ses pouvoirs, 2019, URL : https://journals.openedition.org/contextes/6961.
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[59]
Marielle Macé, Nos cabanes, Lagrasse, Verdier, 2019, p. 98.