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Article de revue

« Fantaisies » montaigniennes dans la Première journée (1623) de Théophile de Viau

Pages 54 à 70

Notes

  • [1]
    Giovanni Dotoli, Montaigne et les libertins, Paris, Honoré Champion, 2006, p. 17-18.
  • [2]
    Théophile de Viau, Première journée, in Œuvres complètes, éd. Guido Saba, Paris, A.G. Nizet ; Rome, Ateneo e Bizzarri, « Seconde partie (1623) : Première journée, Œuvres poétiques, Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé », tome 2, 1978, p. 11-55. Toutes nos citations renverront à cette édition.
  • [3]
    Théophile de Viau, Au lecteur, in Œuvres complètes, « Seconde partie », p. 10.
  • [4]
    Michel de Montaigne, « Des livres » (II, 10), in Les Essais, éd. Villey-Saulnier, Paris, Presses universitaires de France, 2004, p. 407. Toutes nos citations renverront à cette édition. Au début de chaque passage, la strate textuelle concernée est indiquée comme suit, selon le système établi par Pierre Villey : A = 1580 ou 1582, B = 1588, C = exemplaire de Bordeaux.
  • [5]
    Théophile de Viau, Au lecteur, p. 3.
  • [6]
    Lorsque la Première journée paraît, Théophile de Viau est déjà la cible des attaques du jésuite François Garasse.
  • [7]
    Michel de Montaigne, « Au Lecteur », in Les Essais, p. 3.
  • [8]
    Ibid.
  • [9]
    Théophile de Viau, Au lecteur, p. 7.
  • [10]
    Ibid., p. 10.
  • [11]
    Ibid.
  • [12]
    « De l’affection des pères aux enfans » (II, 8), in Les Essais, p. 385.
  • [13]
    « Au Lecteur », in Les Essais, loc. cit.
  • [14]
    Cf. « De l’affection des pères aux enfans », loc. cit.
  • [15]
    Sur ce point, voir l’ouvrage d’Olivier Millet : La première réception des « Essais » de Montaigne (1580-1640), Paris, Honoré Champion, 1995.
  • [16]
    Première journée, p. 16-17. Nous soulignons.
  • [17]
    « De la vanité » (II, 9), in Les Essais, p. 994. Nous soulignons.
  • [18]
    Cf. Première journée, p. 26-30.
  • [19]
    Ibid., p. 14.
  • [20]
    Élégie à une dame, in Œuvres complètes, op. cit., « Première partie : Œuvres de Théophile (1621) : Œuvres poétiques », tome 1, 1978, p. 349.
  • [21]
    Première journée, p. 54.
  • [22]
    À Monsieur du Fargis, in Œuvres complètes, op. cit., « Première partie », p. 386.
  • [23]
    Première journée, p. 17.
  • [24]
    « Du repentir » (III, 2), in Les Essais, p. 806.
  • [25]
    « De l’exercitation » (II, 6), in Ibid., p. 377.
  • [26]
    « Des prières » (I, 56), in Ibid., p. 317.
  • [27]
    « Des livres » (II, 10), in Ibid., p. 407.
  • [28]
    Cf. Première journée, p. 14-16.
  • [29]
    Michel de Montaigne, « Au Lecteur », loc. cit.
  • [30]
    Théophile de Viau, Au lecteur, op. cit., p. 9.
  • [31]
    Cf. Première journée, p. 45-46.
  • [32]
    « Considérations sur Cicéron » (I, 40), in Les Essais, p. 252.
  • [33]
    Sur le pédant à cette époque, voir Jocelyn Royé, La figure du pédant de Montaigne à Molière, Genève, Droz, 2008.
  • [34]
    L’auteur y reproche à l’éducation de son époque d’exiger des élèves qu’ils mémorisent une masse de connaissances, sans les inciter à exercer leur esprit critique. Il traite les pédants de « [A] sçavanteaux […] ausquels les lettres ont donné un coup de marteau » (« Du pédantisme » (I, 25), in Les Essais, p. 139) et qui ne s’emparent de la science que pour « [A]en faire parade, […] en entretenir autruy » (Ibid., p. 136).
  • [35]
    Première journée, p. 24.
  • [36]
    Cf. ibid., p. 24.
  • [37]
    Ibid., p. 19.
  • [38]
    Cf. ibid., p. 22.
  • [39]
    Ibid., p. 20.
  • [40]
    Ibid., p. 21.
  • [41]
    Ibid.
  • [42]
    Théophile de Viau, Au lecteur, p. 8.
  • [43]
    « De la solitude » (I, 39), in Les Essais, p. 240-241.
  • [44]
    Ibid., p. 242.
  • [45]
    Première journée, p. 20-21.
  • [46]
    « De l’experience » (III, 13), in Les Essais, p. 1083.
  • [47]
    « De la vanité » (III, 9), in Ibid., p. 985.
  • [48]
    Cf. Première journée, p. 29-30. Alors que le narrateur, cosmopolite, passe aisément d’une langue à l’autre, la Demoniaque ne maîtrise que le mauvais latin qu’elle partage avec le prêtre – et qu’elle emploie ici au service de la supercherie – et la langue de sa région, le gascon. Contrairement au narrateur, elle n’a manifestement « point voyagé ».
  • [49]
    Ibid., p. 35.
  • [50]
    Ibid., p. 34.
  • [51]
    Cf. ibid., p. 35.
  • [52]
    « De l’experience » (III, 13), in Les Essais, p. 985-986.
  • [53]
    Première journée, p. 37-38.
  • [54]
    C’est du nom de cette tribu que provient l’appellation de l’hélianthe tubéreux, plante communément nommée topinambour.
  • [55]
    « Des cannibales » (I, 31), in Les Essais, p. 203.
  • [56]
    Cf. ibid., p. 213. Montaigne raconte que trois indiens tupi « [A]furent à Roüan, du temps que le feu Roy Charles neufiesme y estoit. Le Roy parla à eux long temps ; on leur fit voir nostre façon, nostre pompe, la forme d’une belle ville. Apres cela quelqu’un en demanda leur advis, et voulut sçavoir d’eux ce qu’ils y avoient trouvé de plus admirable : ils respondirent trois choses, d’où j’ay perdu la troisiesme, et en suis bien marry ; mais j’en ay encore deux en memoire ».
  • [57]
    Cf. « De la modération » (I, 30), in Les Essais, p. 197 : « [C] J’aime des natures tempérées et moyennes ».
  • [58]
    Première journée, p. 22-23. Nous soulignons. La mention de son « âge » ne peut manquer d’évoquer la retraite montaignienne.
  • [59]
    Ibid., p. 51-52.
  • [60]
    Ibid., p. 54 : « Pour exprimer vostre fantaisie, il faudroit que vostre Maistresse me parut aussi belle qu’elle vous semble. »
  • [61]
    Ibid., p. 51.
  • [62]
    Ibid., p. 21.
  • [63]
    Ibid., p. 53-54.
  • [64]
    Ibid., p. 55.
  • [65]
    Ibid., p. 43.
  • [66]
    Ibid., p. 22.
  • [67]
    « De la tristesse » (I, 2), in Les Essais, p. 14.
  • [68]
    Cf. « De la constance » (I, 12), in Ibid., p. 46-47.
  • [69]
    Première journée, p. 37.
  • [70]
    Ibid.
  • [71]
    Ibid.
  • [72]
    Ibid., p. 25. Nous soulignons.
  • [73]
    Certains traités démonologiques de l’époque attribuaient aux possédés une intolérance au parfum de rose. À ce propos, voir la notice de Jacques Prévot (« Théophile en procès », in Libertins du xviie siècle, I, textes édités par Jacques Prévot, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1998, p. 1236).
  • [74]
    « De la force de l’imagination » (I, 21), in Les Essais, p. 99.
  • [75]
    Première journée, p. 26.
  • [76]
    Ibid., p. 27.
  • [77]
    Ibid., p. 30.
  • [78]
    « […] deux de mes amis, pour convaincre les doutes que j’avois là dessus, me presserent de l’aller voir, avec promesse de se desabuser si, au sortir de là, je ne me trouvois de leur opinion. » (Ibid., p. 27.)
  • [79]
    Jean Serroy parle, au sujet de l’épisode en question, d’une « méthode quasi-scientifique d’élucidation, employée par le libertin pour démonter le mécanisme de la supercherie » (Roman et réalité. Les histoires comiques au xviie siècle, Paris, Librairie Minard, 1981. Nous soulignons.).
  • [80]
    C’est-à-dire impartial et sans idée préconçue. « Des boyteux » (III, 11), in Les Essais, p. 1029.
  • [81]
    Ibid.
  • [82]
    Première journée, p. 29.
  • [83]
    Ibid., p. 27.
  • [84]
    « Des boyteux » (III, 11), op. cit., p. 1027-1028.
  • [85]
    Le thème de l’erreur populaire avait déjà été traité par Théophile de Viau dans la première partie de ses Œuvres, notamment dans l’Élégie à une dame (op. cit., p. 345-346).
  • [86]
    Première journée, p. 27.
  • [87]
    Au lecteur, op. cit., p. 3.
  • [88]
    « Des boyteux » (III, 11), op. cit., p. 1028.
  • [89]
    Première journée, p. 30.
  • [90]
    En médecine, la mélancolie est aussi une maladie qui « fait dire des choses desraisonnables, jusqu’à faire faire des hurlements à ceux qui en sont atteints » (Furetière). Voir la note de Guido Saba (Première journée, p. 30).
  • [91]
    « Des boyteux » (III, 11), op. cit., p. 1032.
  • [92]
    Première journée, p. 29.
  • [93]
    Ibid., p. 28.
  • [94]
    Frédéric Tinguely, « Fiction libertine et lecture straussienne », Poétique 154 (2008), p. 190. Cependant, F. Tinguely n’en reste pas là : il démontre avec finesse que les deux épisodes symétriques encadrant celui de la possédée – celui du malaise de Clitiphon provoqué par l’odeur de rose, et celui du récit par Sydias de sa querelle avec un jeune homme au sujet de l’odeur de la pomme – invitent le lecteur avisé à comprendre que, finalement, « la supercherie de la prétendue démoniaque n’était pas un accident […], car l’imposture est aux cas de possession diabolique ce que l’odeur est à la pomme, un attribut désormais essentiel ».
  • [95]
    Au lecteur, op. cit., p. 10.
  • [96]
    Première journée, p. 39-40.
  • [97]
    Alexandre Tarrête, « Les Essais » de Montaigne, Paris, Gallimard, 2007, p. 130.
  • [98]
    Il fut d’ailleurs réintitulé Fragments d’une histoire comique par George de Scudéry dans son édition des œuvres de Théophile en 1632.
  • [99]
    Jacques Prévot, « Théophile en procès » (notice), op. cit., p. 1236.
  • [100]
    Sur les stratégies textuelles libertines de dissimulation, voir notamment Jean-Pierre Cavaillé, Dis/simulations. Jules-César Vanini, François La Mothe Le Vayer, Gabriel Naudé, Louis Machon et Torquato Accetto : religion, morale et politique au xviie siècle, Paris, Honoré Champion, 2002, et Sophie Gouverneur, Prudence et subversion libertines : la critique de la raison d’État chez François de La Mothe Le Vayer, Gabriel Naudé et Samuel Sorbière, Paris, Honoré Champion, 2005.
  • [101]
    Première journée, p. 55. Nous soulignons.

1 « Tous les libertins sont des lecteurs de Montaigne. Les Essais sont leur bréviaire [1]. » La Première journée[2] de Théophile de Viau semble confirmer cette affirmation de Giovanni Dotoli. Ce court récit témoigne en effet d’une lecture attentive des Essais ainsi que d’une volonté de s’en inspirer et d’imiter tant la posture d’écriture que la sagesse montaigniennes. Mais il convient de prendre pleinement la mesure, dans ce texte, de l’ampleur des résonances aux Essais et d’interroger les conséquences d’une telle relation d’imitation servant de fondement à la poétique du libertin. Car le texte de Montaigne semble être pour Théophile davantage qu’un simple modèle. Les emprunts aux Essais pourraient avoir une visée autre que purement imitative, et le « bréviaire » se trouver alors instrumentalisé.

2 Dans l’avis Au lecteur de la seconde partie de ses Œuvres, Théophile de Viau qualifie celles-ci de « petit ramas de [ses] dernieres fantaisies [3] ». Cette notion de « fantaisies », qu’il faut vraisemblablement comprendre ici comme désignant les produits de l’imagination de l’écrivain, ne peut manquer d’évoquer Montaigne, qui emploie à plusieurs reprises le même terme pour désigner ses Essais. C’est le cas par exemple dans « Des livres » : « [A] Ce sont icy mes fantasies, par lesquelles je ne tasche point à donner à connoistre les choses, mais moy […] [4]. »

3 L’objectif de Théophile de Viau lorsqu’il publie cette partie de ses œuvres est certes très différent de celui de Montaigne puisqu’il s’agit pour le premier de se « monstrer publiquement » pour se défendre des « faux bruits [5] » qui courent sur lui [6], tandis que Montaigne affirme n’écrire que pour lui-même, ne s’être « [A] proposé aucune fin, que domestique et privée » et ne rechercher en aucune façon la « faveur du monde [7] ». Cependant, plusieurs éléments de l’avis Au lecteur de Théophile de Viau présentent des similitudes avec l’attitude adoptée par Montaigne. De même que celui-ci prétend, s’adressant à ses lecteurs, n’avoir eu « [A] nulle considération de [leur] service, ni de [sa] gloire [8] », Théophile, s’il est blessé à vif par l’acharnement dont il est la victime, affirme accorder toutefois peu de crédit à la réception de ses œuvres : « Le peu d’estime qu’on fait de mes Escrits, et les mesdisances contre une reputation de si peu d’importance, sont des outrages qui ne me nuysent guere, et qui ne m’affligent pas aussi beaucoup [9]. » D’autre part, les deux auteurs emploient quantité de termes dépréciatifs pour évoquer leur œuvre. Alors que Théophile de Viau qualifie la sienne d'« ouvrage si peu estudié [10] », fait de « mauvais vers [11] », Montaigne désigne l’écriture des Essais comme une « [A] sotte entreprise [12] », et sa matière comme un « [A] subject […] frivole et […] vain [13] ». Il n’est pas rare non plus que celui-ci parle de son travail d’écriture en termes de folie et de bizarrerie [14]. En ce sens, une relecture de l’expression de Théophile de Viau pourrait inciter à comprendre le concept de fantaisie dans un sens moins neutre que celui de « produit de l’imagination ». Il signifierait alors l’extravagance, l’originalité de l’écrivain dont Théophile se réclame dès l’avis Au lecteur tout en gardant la même modestie que Montaigne en les rattachant au terme péjoratif de « ramas ».

4 Si l’attitude modeste des deux auteurs s’inscrit dans une topique de la captatio benevolentiae, il n’en reste pas moins que le ton et la posture que prend Théophile de Viau dans son avis Au lecteur entrent en résonance avec les Essais et invitent le lecteur à s’engager dans la lecture de la Première journée en s’attendant à y trouver des échos du texte montaignien, référence de premier ordre à l’époque [15]. La notion de fantaisie ouvre une piste qui aboutit à la découverte de tout un réseau de résonances montaigniennes dans le texte de Théophile. Il faudra donc tenter d’éclairer les différentes composantes de ce réseau, en suivant comme ligne directrice celle des occurrences du terme fantaisie. Le mot n’y possède pas toujours le même sens et est connoté tantôt positivement, tantôt négativement. Lorsque la fantaisie désigne une liberté d’écriture ou, modérée, de mœurs, elle possède chez Théophile une valeur positive. Mais quand elle indique une passion incontrôlée ou encore le produit de l’imagination d’un esprit faible et crédule, elle est condamnée par le narrateur. Ce double usage du concept de fantaisie se retrouve chez Montaigne, et peut s’expliquer par la réunion, dans le terme, de différentes significations. La phantasia, en grec puis en latin, c’est d’abord l’apparition, la vision, le spectacle qui frappe l’imagination, d’où, par extension, l’imagination elle-même. De la faculté d’imagination, le sens du mot fantaisie en français s’étend aux produits de l’imagination, pour désigner, au xvie siècle, les caprices de l’imagination d’un individu, ses désirs et goûts passagers. Lorsque Théophile de Viau écrit sa Première journée, la notion possède donc à la fois le sens de faculté imaginative, de produit de l’imagination et de désir passager. Selon qu’il convoque l’une ou l’autre de ces significations, l’auteur attribue à la fantaisie une valeur plus ou moins positive.

Liberté d’écriture

5 Quand elle sert à désigner une liberté poétique, la fantaisie est considérée, tant chez Montaigne que chez Théophile de Viau, comme positive. À la fin du premier des six chapitres de la Première journée, le narrateur justifie ainsi la longue parenthèse qui a précédé et qui s’est étendue sur la quasi-totalité du chapitre :

6

Or ces digressions me plaisent, je me laisse aller à ma fantaisie, et quelque pensée qui se presente, je n’en destourne point la plume. Je fais icy une conversation diverse et interrompuë, et non pas des leçons exactes, ny des oraisons avec ordre : je ne suis ny assez docte, ny assez ambitieux pour l’entreprendre [16].

7 La « fantaisie », ici, c’est le bon vouloir, le caprice spontané de l’écrivain. Outre le terme en question, ce passage contient plusieurs aspects essentiels de la poétique de Théophile de Viau que l’on trouvait déjà chez Montaigne. Il s’agit d’une part d’une pratique ostentatoire de la digression, d’une revendication de liberté de style et, d’autre part, d’un refus d’une écriture dogmatique, qui imposerait une leçon.

8 Comme Théophile, Montaigne considère la digression comme un principe constitutif de son œuvre :

9

[B] Cette farcisseure, est un peu hors de mon theme. Je m’esgare, mais plustost par licence que par mesgarde. Mes fantasies se suyvent, mais par fois c’est de loing ; et se regardent, mais d’une veuë oblique. […] [C]Les noms de mes chapitres n’en embrassent pas tousjours la matiere ; souvent ils la denotent seulement par quelque marque […]. [B] J’ayme l’alleure poetique, à sauts et à gambades [17].

10 Montaigne laisse aller sa pensée, change de direction, saute du coq à l’âne. Si cette attitude va de pair avec sa conception de la mouvance perpétuelle de la pensée et de l’être humain, la digression montaignienne n’est pas un complet laisser-aller. Le désordre apparent cache en réalité un procédé de développement très contrôlé. La digression est pour Montaigne une méthode : il choisit de ne pas toujours articuler explicitement les différents thèmes abordés et incite par là le lecteur à être attentif et à assumer un rôle actif dans l’élaboration du sens.

11 Que Théophile de Viau se réclame de cette même poétique doit inviter à s’interroger sur la fonction qu’elle possède dans la Première journée. Plus qu’une revendication de liberté d’écriture, elle pourrait être, comme chez Montaigne, un moyen pour lui de stimuler le lecteur et de le faire réfléchir sur des questions essentielles. Et si l’on suppose que Théophile digresse tout en sachant au fond parfaitement où il va, on doit alors se demander quel est le fil directeur qui relie les épisodes en apparence disparates de la Première journée. La digression serait-elle un moyen de brouiller les pistes, tout en transmettant un message de la plus haute importance au lecteur avisé ?

12 Il semble que Théophile de Viau feigne le manque de cohérence en se réclamant d’une poétique du discontinu et en amenant les épisodes du récit de telle manière qu’ils paraissent arriver par hasard, sans qu’il les ait contrôlés. C’est le cas par exemple du récit que le narrateur fait à son ami Clitiphon au sujet d’une fille soi-disant possédée par le diable [18] : l’auteur fait en sorte que l’élément déclencheur du récit soit le malaise de Clitiphon, et décharge son personnage-narrateur – figure la plus aisément confondue avec l’auteur – de la responsabilité de la narration en éveillant la curiosité de son ami qui l’incite alors à raconter. Il s’agit évidemment d’une stratégie pour introduire sa dénonciation de la crédulité populaire et de la superstition, ainsi que son invitation à adopter une attitude sceptique et critique.

13 À la revendication d’un style libre vient s’ajouter celle d’un style personnel. La fantaisie, c’est aussi l’originalité. Le narrateur de la Première journée critique l’ « imitation des Autheurs anciens [19] » et défend l’idée que chacun doit avoir un style à soi. Cette conception se trouve déjà exprimée dans l’Élégie à une dame, où Théophile de Viau affirme : « J’approuve que chacun escrive à sa façon [20]. » Écrire à la place d’autrui est donc impensable ; c’est ce qui ressort de l’épisode qui clôt la Première journée, dans lequel le personnage-narrateur refuse d’écrire des vers pour la femme dont Clitiphon est tombé amoureux :

14

Et comment, luy dis-je, voudriez-vous emprunter les habits d’un autre pour vous parer devant vostre Maistresse et vous farder le visage pour luy plaire ? Cela est encore plus estrange d’avoir des imaginations empruntées pour luy discourir, et sçachez, je vous prie, que les pensées d’un autre ne se rapportent jamais si bien à nos sentimens […] [21].

15 Cette scène semble reprendre le scénario sur lequel se fonde l’épître À Monsieur du Fargis, où Théophile de Viau exprime le même refus de produire « […] des vers pour un amant » et affirme : « Escrivant pour autruy, je me sens tout de glace [22]. »

16 Paradoxalement peut-être, Théophile de Viau, qui ne cesse d’imiter Montaigne, revendique un style personnel. Il semble que, pour affirmer l’importance de la singularité, l’auteur ait besoin de recourir à un modèle de liberté d’écriture, qu’il trouve chez Montaigne. Mais, et nous y reviendrons, le modèle ne sert pas seulement à exprimer un principe de singularité. Il sert aussi à dissimuler une singularité particulière, celle de Théophile et des idées libertines qu’il cherche à transmettre. L’imitation sert alors de voile à ce qui ne peut pas se dire directement et qui s’affirme en sous-main, couvert par le modèle montaignien.

17 Si la fantaisie renvoie à une affirmation de l’individualité, elle sert aussi à désigner une écriture légère, qui n’impose rien au lecteur. En prétendant ne pas donner de « leçons exactes [23] », Théophile de Viau renouvelle le geste de Montaigne, qui, à maintes reprises, rappelle à son lecteur le caractère non dogmatique de ses Essais : « [B] Je n’enseigne poinct, je raconte [24] », « [A] ce n’est pas ici ma doctrine, c’est mon estude ; et n’est pas la leçon d’autruy, c’est la mienne [25] ». Montaigne associe le terme fantaisie à cette volonté de ne pas aboutir à des conclusions – c’est l’attitude du sceptique – qu’il imposerait par ses écrits : « [A] Je propose des fantasies informes et irresolues, comme font ceux qui publient des questions doubteuses, à débattre aux escoles : non pour establir la verité, mais pour la chercher [26]. » Cette idée est à nouveau exprimée dans « Des livres » par la formule : « [A] Ce sont icy mes fantasies, par lesquelles je ne tasche point à donner à connoistre les choses, mais moy […] [27]. »

18 Cependant, si le narrateur de la Première journée affirme, comme Montaigne, ne pas viser la formulation d’un enseignement, il ne paraît pas chercher non plus à se connaître lui-même. On peut alors se demander si cette déviation de la posture montaignienne ne révèle pas un écart plus important encore. En effet, bien que le narrateur de la Première journée dise ne pas donner de leçons, il ne cesse en réalité de le faire tout au long du texte. Il commence par prodiguer une leçon de style, dont le caractère très normatif ressort de façon évidente – en particulier par l’usage extensif de l’expression « il faut [28] » – et enchaîne sur une leçon de vie qui, parce qu’elle touche à des sujets plus épineux, démarre prudemment mais n’en est pas moins dogmatique, d’autant que le ton du premier chapitre invite le lecteur à appréhender la suite de la même façon. Adopter la posture montaignienne consistant à prétendre qu’on n’impose rien pourrait être pour Théophile une stratégie visant à faire passer ses idées libertines tout en contournant la censure.

Un art de vivre

19 Vivre « à sa fantaisie », c’est vivre comme on l’entend. Il n’aurait pas été surprenant de découvrir cette expression dans l’un des passages de la Première journée où se trouve exprimé le style de vie prôné par Théophile de Viau. À la revendication de liberté d’écriture formulée au début du texte correspond en effet une leçon de vie privilégiant l’indépendance, le naturel, et rejetant tout ce qui est artificiel ou cérémonieux. Cet art de vivre qui se dessine tout au long de la Première journée ne manque pas de présenter, lui aussi, des similitudes avec la sagesse montaignienne.

20 Dans son avis « Au Lecteur », Montaigne déclare souhaiter que ses Essais le fassent voir « [A] en [sa] façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention et artifice [29] ». Théophile de Viau va dans ce sens lorsqu’il écrit : « […] ma societé n’est bonne qu’à ceux qui ont la hardiesse de vivre sans artifice [30]. » Et dans la Première journée, il fait la critique de tout ce qui est artificiel et affecté. Au chapitre V notamment, une scène cocasse de politesses interminables entre Clitiphon et un magistrat qui a accueilli les deux compagnons chez lui permet au narrateur de dénoncer le ridicule des attitudes obséquieuses et déplacées [31]. Ceci rappelle l’opinion de Montaigne au sujet des lettres de politesse : « [B] [Je] ne m’entens pas en lettres ceremonieuses, qui n’ont autre substance que d’une belle enfileure de paroles courtoises [32]. »

21 Mais c’est dans le personnage-type du pédant Sydias que sont assemblés tous les défauts que le narrateur veut dénoncer. Le pédantisme, c’est le contraire du naturel, de la spontanéité. C’est une façon artificielle d’étaler ses connaissances, accumulées dans sa mémoire, sans convoquer son esprit critique [33]. Cette critique est, on le sait, présente chez Montaigne et se trouve longuement développée dans ses essais « Du pédantisme » (I, 25) et « De l’institution des enfants » (I, 26) [34]. Dans la Première journée, elle est formulée par Clitiphon au sujet de Sydias qui vient de citer faussement un vers de Virgile : « Il croit […] avoir tres-bien rencontré : c’est le plus orgueilleux Pedan qui soit en son mestier [35]. » Théophile met dans la bouche de Sydias, avec une évidente intention moqueuse, toutes sortes de formules ressassées de la philosophie scolastique. Le personnage incarne aussi l’imitation mécanique des Anciens, dénoncée par le narrateur au premier chapitre. Alors que ce dernier prône la liberté, l’insouciance, la recherche des plaisirs naturels – ce qui le rapproche d’une conception épicurienne de la vie –, Sydias refuse le cheminement libre que pourrait représenter une promenade avec ses amis [36] et semble même avoir de la peine à s’abandonner au sommeil. Le personnage-narrateur, quant à lui, au grand étonnement de Clitiphon, dort sur ses deux oreilles au lendemain de son bannissement : « Est-il possible que vous ayez dormy si à repos dans une affliction si recente [37] ? » Et tandis que Sydias assomme tout le monde avec son latin, le narrateur, lui, refuse de se laisser « estourd [ir] » par les livres [38].

22 Le « je » de la Première journée est l’opposé parfait du pédant Sydias. Ce personnage-narrateur est un modèle philosophique qui incarne l’attitude idéale à adopter dans diverses situations de la vie. Outre son refus de l’artifice, le narrateur de la Première journée revendique un détachement de la société. À son ami Clitiphon s’étonnant de sa tranquillité d’esprit malgré son bannissement récent, il réplique : « Ceste disgrace n’est que paroles qui ne sont que vent. On m’a chassé de la Cour où je n’avois que faire […] [39] », et il prétend « prise [r] moins la faveur des hommes et l’advantage de la fortune que sa propre vertu [40] ». Sa solution est le retrait : « A cela voicy mon remede : je ne tascheray point de revenir à la Cour, mais à m’en passer, et au lieu de rentrer dans la grace du Roy, je penseray à m’oster de sa memoire ; je m’efforceray d’oublier mes amis […] [41]. » Dans l’avis Au lecteur, le motif du bannissement était déjà rattaché à l’idée de liberté : « Ils ont pris à tasche de pousser mes infortunes jusqu’au bout, et me font voir presque à la veille de me bannir moy-mesme pour trouver une liberté à mon ressentiment [42]. » Cette posture rappelle une fois encore celle de Montaigne, qui écrivait dans « De la Solitude » :

23

[A] […] desprenons nous de toutes les liaisons qui nous attachent à autruy, gaignons sur nous de pouvoir à bon escient vivre seuls, et y vivre à nostr’aise. […] Il se faut reserver une arriereboutique toute nostre, toute franche, en laquelle nous establissons nostre vraye liberté et principale retraicte et solitude [43].

24 Et plus loin : « [A] La plus grande chose du monde c’est de sçavoir estre à soy. [C]Il est temps de nous desnoüer de la societé, puis que nous n’y pouvons rien apporter [44]. »

25 La revendication d’indépendance exprimée par le narrateur de la Première journée s’accompagne d’un principe d’adaptabilité et de mobilité : « Je me sçais facilement accommoder à toute diversité de vivres et d’habillements ; les Climats et les hommes me sont indifferents : j’ay l’esprit et le corps à la fatigue [45]. » Cette accommodation aux divers lieux et coutumes évoque l’attitude montaignienne face à l’étranger : « [B] La meilleure de mes complexions corporelles c’est d’estre flexible et peu opiniastre [46]. » « [B] J’ay la complexion du corps libre, et le goust commun, autant qu’homme du monde. La diversité des façons d’une nation à autre ne me touche que par le plaisir de la varieté. Chaque usage a sa raison [47]. » Que le narrateur de la Première journée soit, conformément à la posture montaignienne, ouvert à la diversité, c’est ce que suggère également le fait qu’il se mette, lors de sa rencontre avec la possédée, à lui parler toutes sortes de langues étrangères [48].

26 À la capacité d’adaptation à l’altérité proclamée par le narrateur s’oppose l’ethnocentrisme du pédant Sydias qui, se trouvant en présence d’un groupe d’Allemands et d’un groupe d’Italiens attablés dans une auberge, ne peut s’empêcher de critiquer leur différence. Et lorsqu’il nous semble qu’il s’émerveille devant la diversité des usages, par une sentence latine imitant Térence – « quam varia sunt hominum ingenia, tot capita, tot sensus, tot populi, tot mores, tot civitates, tot iura[49] » –, il ne s’agit en réalité que d’une acceptation simulée de la différence culturelle, puisque le pédant s’empresse de critiquer les habitudes alimentaires des Italiens, de même qu’il avait peu auparavant attaqué les Allemands en pointant du doigt leur différence vestimentaire, puis attribué leur silence « à la stupidité de la nation [50] ». Tandis que le narrateur, on l’a vu, parle quantité de langues vernaculaires, Sydias s’adresse à ces gens dans son latin de Sorbonne, qu’il juge suffisant pour comprendre l’italien [51]. La critique de l’ethnocentrisme menée par Théophile de Viau à travers son personnage de Sydias rappelle la position de Montaigne vis-à-vis de l’intolérance à l’égard des usages étrangers :

27

[B] J’ay honte de voir noz hommes enyvrez de cette sotte humeur de s’effaroucher des formes contraires aux leurs : il leur semble estre hors de leur element, quand ils sont hors de leur village. Où qu’ils aillent, ils se tiennent à leurs façons, et abominent les estrangeres. […] Au rebours, je peregrine tressaoul de nos façons […] [52].

28 Et le chapitre IV de la Première journée se clôt sur une annonce qui ouvre vers l’ailleurs, contrecarrant ainsi le repli sur soi incarné par Sydias :

29

Nous laissasmes donc le Pedan embarqué avec les Alemans, et nous en alasmes pour voir sur le port un Navire qui estoit fraichement arrivé des Topinanbours, où je voulois m’enquerir des nouvelles d’un de mes amis qui devoit arriver environ ce temps-là [53].

30 Les Topinamboux[54], c’est le nom français donné, dès la fin du xvie siècle, à la tribu des Tupinambas du Brésil, qui font l’objet de l’essai « Des cannibales » (I, 31). Montaigne déclare au début de ce texte avoir « [A] eu long temps avec [lui] un homme qui avoit demeuré dix ou douze ans en cet autre monde, qui a esté descouvert en nostre siecle, en l’endroit où Vilegaignon print terre, qu’il surnomma la France Antartique [55] ». L’expédition de Villegagnon arriva, en 1555, sur la terre des Tupinambas, si bien que l’on pense immédiatement à ce compagnon de Montaigne lorsqu’on découvre, dans la Première journée, l’annonce de l’arrivée d’un ami du narrateur venant de cette même terre. L’identité de cet homme n’est pas révélée au lecteur. La fin du chapitre génère ainsi une attente qui ne sera pas satisfaite puisqu’il ne sera plus question de cet épisode dans les chapitres suivants. Cette brève annonce aura été seulement un clin d’œil à l’auteur des « Cannibales », et même peut-être une façon pour le narrateur de se glisser un instant dans la peau de Montaigne. Ajoutons que l’essai « Des cannibales » crée lui aussi un effet d’attente, puisque qu’il s’achève sur l’annonce de trois points dont deux seulement sont nommés et développés [56]

Modération des passions

31 L’attitude idéale préconisée par le narrateur de la Première journée, alliant naturel, liberté, individualité et ouverture à l’altérité, ne peut toutefois pas être réduite à un complet laisser-aller de l’individu à sa fantaisie. En effet, la modération et la mesure y sont également, de la même façon que chez Montaigne [57], définies comme essentielles. La fantaisie n’est pas toujours célébrée dans le texte. Quand elle a le sens de désir passager et sert à désigner les excès de la passion amoureuse, par exemple, elle est clairement critiquée par le narrateur. Même si la Première journée défend la liberté et la recherche des plaisirs naturels, elle n’incite pas à la débauche – ce qui aurait été d’ailleurs bien trop dangereux pour Théophile de Viau et aurait donné à ses accusateurs une occasion de prouver les penchants libertins qu’ils lui attribuaient.

32 Vers la fin du chapitre II, le narrateur prend bien soin de préciser que sa période libertine est révolue. Pour qualifier ses folies de jeunesse, il emploie le terme de « fantaisies », dans un sens négatif cette fois puisqu’il est rattaché au « vice » :

33

La desbauche des femmes et du vin faillit à m’empieter au sortir des escholes […]. Là, je m’allois plonger dans le vice qui s’ouvroit assez favorablement à mes jeunes fantaisies, mais les empeschements de ma Fortune destournerent mon inclination, et les traverses de ma vie ne donnerent pas le loisir à la volupté de me perdre. Depuis, insensiblement mes desirs les plus libertins se sont attiedis avecques le sang, et leur violence s’esvanouïssant tous les jours avecques l’âge me promet d’oresnavant une tranquilité bien asseurée [58].

34 Le mot fantaisie se référant au désir amoureux réapparaît dans le texte lorsqu’il est question du coup de foudre de Clitiphon pour la sœur du Magistrat. Le narrateur considérant l’amour comme une folie (« seriez vous si fol que d’estre Amoureux ? ») et même une maladie (« il me sembla voir un homme qui commence à s’estendre, et baille du premier accez de sa fiebvre, et jugeay bien qu’à la fin il faudroit que ceste maladie print son cours [59] »), le terme « fantaisie [60] » qu’il emploie à la fin du dernier chapitre pour qualifier l’amour de Clitiphon prend une connotation quelque peu négative. Quand le même mot apparaît dans le discours de Clitiphon, toutefois, il est d’abord rattaché à un sentiment positif : « […] ceste fantaisie me passe fort agreablement dans l’esprit […] [61]. » Cependant, même Clitiphon reconnaît la dimension négative de l’amour, qui « commence à [lui] desrober le goust des objects qu’ [il] trouv [ait] auparavant les plus aimables ». Or on se souvient que le narrateur proclamait : « […] il faut avoir de la passion non seulement pour les hommes de vertu, pour les belles femmes, mais aussi pour toute sorte de belles choses [62]. » De son point de vue, l’amour est une maladie qui prend possession de l’individu, une aliénation ; et Clitiphon en est conscient, puisqu’il demande à son ami de « pardonner ceste necessité à la foiblesse de son esprit, qui s’estoit veritablement laissé prendre, et ne se sentoit pas capable de se delivrer si promptement [63] ». Pour le narrateur, l’amour s’accompagne d’une privation de la liberté individuelle : « […] l’amour ne vous laisse pas la liberté du discours [64]. » Arrivé à la fin du récit, il renoue par ces mots avec la célébration de la liberté d’écriture sur laquelle s’ouvrait la Première journée.

35 Tandis que Clitiphon est pris dans les filets de la passion amoureuse, le narrateur prétend les éviter :

36

[…] j’ay ce bon-heur que dés le premier pas que mon esprit veut faire vers quelque passion, une petite estincelle de jugement s’ingere à me donner conseil, et me destourne ordinairement d’un dessein où je voy de la difficulté à poursuivre un plaisir, et de l’incertitude à l’atteindre [65].

37 Et plus haut : « La passion la plus forte que je puisse avoir ne m’engage jamais au point de ne la pouvoir quitter dans un jour [66]. » On pense, ici encore, à Montaigne, qui prétend avoir « l’apprehension naturellement dure ; et l’encroust[er] et espaiss[ir] tous les jours par discours [67] ». Dans l’essai « De la constance » (I, 12), il affirme qu’une âme sage ne laisse pas les passions entamer sa raison [68].

38 Quand il est question, dans la Première journée, d’un abandon aux excès, ceux de l’amour se trouvent rattachés à ceux de la boisson. Le narrateur semble alors pencher également du côté de la modération, en particulier lorsqu’il décrit les orgies de Sydias, aussi incapable de contrôler son corps que son esprit, et de « tous ces Messieurs du Pays-bas [69] ». Cependant, il avoue n’être « pas des plus foibles à la desbauche [70] », pour autant qu’il n’y soit pas contraint. Dans ce domaine aussi, il aimerait donc que chacun puisse agir selon sa fantaisie. Tout en reconnaissant les effets négatifs de l’alcool et l’altération de la raison qu’il provoque, le narrateur lui attribue aussi une fonction positive :

39

Ces debordements font un grand changement et un grand tumulte en nostre disposition : mais ils ne sont pas si dangereux à la santé qu’on les croit ; à les continuer on y succombe : mais à si laisser quelquefois surprendre on s’en trouve mieux. Les meilleurs Medecins tiennent que s’enyvrer une fois le mois destourne d’autres maladies [71].

40 Montaigne adopte un point de vue similaire dans « De l’ivrognerie » (II, 2), où la condamnation attendue est assortie de considérations plus indulgentes sur les excès de la boisson.

Critique de la faiblesse d’esprit

41 Il reste à s’interroger sur une dernière occurrence du mot « fantaisie » se trouvant au début du chapitre III de la Première journée. Au malaise de Clitiphon provoqué par l’odeur des roses, le narrateur dit avoir réagi ainsi : « Je croyais que c’estoit une feinte, ou quelque fantaisie delicate d’un esprit foible, jusqu’à ce que l’ayant veu pasle et presque deffaillant, je cogneus que c’estoit une tache en son naturel [72]. » La « fantaisie » désigne ici l’illusion, la chimère, l’imagination. Cet épisode, on s’en souvient, est le déclencheur d’un récit de démystification fait par le narrateur, qui établit un lien entre le malaise de son ami et l’état de la prétendue possédée qu’il est allé voir récemment [73]. La notion de fantaisie a dans ce contexte une valeur clairement négative puisque le récit de cet « accident » va être l’occasion pour le narrateur de critiquer les croyances populaires, les superstitions, et de dénoncer le manque de jugement des « esprits foibles ». Dans l’essai « De la force de l’imagination » (I, 21), Montaigne développe la même idée :

42

[A]Il est vray semblable que le principal credit des miracles, des visions, des enchantemens et de tels effets extraordinaires, vienne de la puissance de l’imagination agissant principalement contre les ames du vulgaire, plus molles. On leur a si fort saisi la creance, qu’ils pensent voir ce qu’ils ne voyent pas [74].

43 Mais il semble que Théophile de Viau se soit principalement inspiré d’un autre essai de Montaigne, « Des boiteux » (III, 10), avec lequel le chapitre III de la Première journée paraît presque dialoguer. Dans ce texte, Montaigne commence par critiquer l’habitude de rechercher, quand on se trouve face à une chose étonnante, sa cause, plutôt que de se demander d’abord si cette chose est vraie. L’attitude du narrateur de la Première journée lors de sa visite à la « fille Obsedée [75] » ressemble beaucoup à celle que Montaigne prescrit. En effet, étant « d’un naturel à ne croire pas facilement les impossibilitez [76] », il mettra en œuvre un dispositif de démystification destiné à établir la vérité, pour parvenir finalement à la conclusion que tout cela « n’estoit qu’un peu de melancholie, et beaucoup de feinte [77] ». Le narrateur adopte au fond, à l’instar de Montaigne, une attitude suspicieuse : il commence par douter [78], se fie à ce qu’il voit et non aux rumeurs, convoque son esprit critique et met en œuvre toutes sortes de stratégies audacieuses pour dénoncer la tromperie [79]. Ce personnage semble correspondre exactement au type d’individu présenté par Montaigne comme celui qui sera à même d’interpréter intelligemment les phénomènes dits surnaturels : « [B] […] il est requis un bien prudent, attentif et subtil inquisiteur en telles recherches, indifferent, et non preoccupé [80]. »

44 L’attitude du narrateur de la Première journée se distingue pourtant de celle de Montaigne dans la mesure où son scepticisme est une posture de départ qui vise à établir une vérité, tandis que Montaigne recommande à celui qui se trouve face à un phénomène inexplicable de suspendre son jugement : « [B] […] en plusieurs choses […] surpassant nostre connoissance, je suis d’advis que nous soustenons nostre jugement aussi bien à rejetter qu’à recevoir [81]. » Si le personnage-narrateur de la Première journée ne refuse pas d’être détrompé pour autant qu’on lui présente un « tesmoignage visible qui peut faire foy d’une chose si incroyable [82] », il utilise toutefois d’emblée le terme fort d'« impossibilitez [83] ».

45 Dans « Des boiteux » (III, 11), Montaigne décrit le mécanisme de propagation et de transmission des croyances populaires erronées :

46

[C] L’erreur particuliere fait premierement l’erreur publique, et à son tour apres, l’erreur publique faict l’erreur particuliere. [B] Ainsi va tout ce bastiment, s’estoffant et formant de main en main : de maniere que le plus esloigné tesmoin en est mieux instruict que le plus voisin, et le dernier informé mieux persuadé que le premier [84].

47 Un processus semblable est décrit par le narrateur-personnage de la Première journée à son ami. La croyance selon laquelle la fille en question est possédée par le diable est en effet alimentée par la rumeur [85] :

48

Le bruit de cest accident alarmoit des-ja tout le pays, et les plus incredules se laissoient vaincre au raport d’une infinité de gens de bien, qui croyoient avoir veu veritablement des effects par dessus les forces de la nature en la personne de ceste fille là [86].

49 Et il est significatif que Théophile de Viau ouvre son avis Au lecteur sur ce même motif, dans l’idée de se défendre des rumeurs sur sa personne :

50

Ceux qui veulent ma perte, en font courir de si grands bruits, que j’ay besoin de me monstrer publiquement, si je veux qu’on sçache que je suis au monde. […] il ne se trouve plus personne à qui je ne doive satisfaction de ma vie, dont les mauvais et les faux bruits ont rendu les meilleures actions scandaleuses à tout le monde [87].

51 Ce passage, lu à la lumière de la dénonciation des croyances populaires contenue dans la Première journée, fait apparaître comme des « esprits faibles » tous ceux qui croient les dires des adversaires de Théophile.

52 Tant Montaigne que Théophile de Viau dénoncent le manque de fondement des rumeurs. Ainsi, le premier déclare : « [B] Il y a du mal’heur d’en estre là que la meilleure touche de la verité, ce soit la multitude des croians, en une presse où les fols surpassent de tant les sages en nombre [88]. » Le narrateur de la Première journée travaille à détruire la superstition qui s’est répandue, et à la remplacer par la fermeté d’esprit. Et il y parvient :

53

[…] l’abus ne demeura pas long-temps caché : car les justes soupçons que donna cét évenement, permirent à la curiosité de plusieurs d’examiner ce mystere de plus pres ; et comme les esprits se delivroient peu à peu de ceste superstitieuse credulité, les deffiances croissaient de plus en plus, jusqu’à ce que le temps leur produisit un tesmoignage qui osta tout à faict l’incertitude : car apres avoir esté traitée par un bon Medecin, il se trouva que son mal n’estoit qu’un peu de melancholie, et beaucoup de feinte [89].

54 Il s’agit au fond de ramener la dite possession à une cause naturelle, à une maladie [90], combinée avec une part non négligeable de mise en scène et de faux-semblant. Cette explication donnée au cas de la « fille Obsedée » fait écho à l’affirmation montaignienne au sujet de prétendues sorcières : « [B] En fin et en conscience, je leur eusse plustost ordonné de l’ellebore que de la cicue [91]. »

55 Ce récit de démystification a une fonction subversive évidente : en plus de la croyance aveugle du peuple, c’est l’Église qui est visée, incarnée par le prêtre complice de la jeune fille – « elle entendoit ses interrogations, et luy ses responses [92] » –, ainsi que par la vieille dame qui convoque bassement sa foi afin de menacer le personnage-narrateur incrédule : « La vieille […] me dit que Dieu pourroit punir ma mocquerie par le mesme chastiment de ce pauvre corps [93]. » Cependant, tout cela « n’aboutit pas à une conclusion générale sur l’inexistence des possessions ou des démons. Démasquer une tromperie singulière, même avec irrévérence, n’entraîne aucune conséquence grave sur le plan doctrinal [94] ». Théophile reste donc prudent. Il avait d’ailleurs, dans son avis Au lecteur, pris soin de rappeler sa foi : « Si Dieu me faisoit jamais la grace de traitter des matieres Sainctes, comme mon employ seroit plus digne, mon travail seroit plus soigneux […] [95]. » La description du comportement du personnage-narrateur et de son ami Clitiphon lors du passage dans la rue du Saint-Sacrement offre à l’auteur l’occasion de mentionner en passant le fait qu’il est devenu un fidèle de l’Église catholique ; une façon de rejeter les accusations d’impiété qui pesaient sur lui :

56

[…] tout le monde se mettant à genoux en l’honneur de ce sacré Mystere, je me rangeay contre une maison nud teste, et un peu encliné par une reverence que je croiois debvoir à la coustume receuë, et à la religion du Prince (Dieu ne m’avoit pas fait encore la grace de me recevoir au giron de son Eglise) [96].

57 Tandis que Clitiphon refuse de s’incliner, le personnage-narrateur fait preuve de respect envers l’Église et ses usages. Cette attitude est typique de celle que Montaigne préconise. En effet, « selon le point de vue sceptique, la sagesse consiste […] à respecter malgré leur absence de fondement rationnel les us et coutumes du pays où l’on vit, car elles garantissent un ordre social régulier et paisible […] [97]. »

Montaigne au service du libertinage

58 Bien que la Première journée, contrairement aux Essais, soit un texte fictionnel [98], il s’agit aussi d’une œuvre écrite à la première personne. Comme le fait remarquer Jacques Prévot, à l’époque de Théophile de Viau « l’usage de la prose en France n’était pas lié à l’écriture d’une littérature de la première personne ; le Je n’apparaissait guère que dans la poésie – ou les Mémoires. En poursuivant Montaigne – qui avait magistralement substitué les Essais aux Mémoires –, Théophile opère une révolution dans le genre de la fiction [99] ».

59 Au cours du récit se dessine, par bribes, un autoportrait du narrateur. Mais cet autoportrait ne vise pas une meilleure connaissance de soi. Il incarne un idéal de comportement et d’attitude face à la vie que le texte veut transmettre. Malgré l’aspect disparate, digressif et fragmentaire de la Première journée, qui la rattache à la configuration des Essais, on s’aperçoit que ses différents épisodes sont reliés par un fil conducteur cohérent : la leçon de vie qui se dégage de l’ensemble du texte.

60 On assiste à un formidable affranchissement intellectuel et moral. Pour le dissimuler, Théophile emploie nombre de stratégies destinées à la fois à contourner la censure et à entretenir avec le lecteur éclairé un rapport de connivence [100]. Les emprunts que fait Théophile à Montaigne, qu’ils soient stylistiques ou thématiques, participent fréquemment de ces stratégies de dissimulation des questions sulfureuses traitées par le texte. Ainsi, la poétique de la digression, l’affirmation d’un refus du dogmatisme, l’exhortation à modérer ses passions ou encore à respecter la religion, présents dans les Essais, réapparaissent dans la Première journée, où ils contribuent soit à camoufler des idées subversives, soit à contrecarrer les accusations portées contre l’auteur.

61 Le caractère fictionnel de la Première journée fait partie de la stratégie libertine de contournement de la censure que l’auteur met en œuvre, puisqu’il lui permet d’exprimer ses opinions de façon moins directe. Mais le statut de ce texte est ambivalent. En effet, de nombreux passages conduisent à lui attribuer un caractère autobiographique. Les échos des Essais en font évidemment partie. Et Théophile ne cherche pas à nier le caractère référentiel de son texte. Au contraire, il profite de la confusion entre la voix du narrateur et celle de l’auteur pour se montrer sous un jour favorable à l’intérieur du récit et se défendre ainsi des accusations portées contre lui. Dans la Première journée, le « je », que les lecteurs de l’époque, n’étant pas habitués aux récits fictifs à la première personne, ne pouvaient manquer d’identifier à l’auteur, représente un idéal de modération et de sagesse. L’inclusion du « je » de l’auteur dans la fiction fait donc partie de la stratégie de défense de Théophile de Viau. Mais elle se retournera contre lui : l’ambivalence entre fiction et autobiographie incitera les censeurs à lire l’ensemble du texte comme exprimant les opinions transgressives de l’auteur.

62 À la fin du dernier chapitre de la Première journée, Clitiphon adresse au personnage-narrateur la requête suivante : « Donnez moy pour le moins ce ramas de vos dernieres Poësies qu’on n’a point encores veuës, afin que j’en tire, si je puis, quelque chose à mon subjet [101] », reprenant par là l’expression de l’avis Au lecteur. Ce faisant, il confirme l’identité entre l’auteur et le narrateur, puisque les mêmes mots servent à désigner à la fois les œuvres de Théophile de Viau et celles du narrateur-personnage dialoguant avec son ami. Les mêmes mots… ou presque, puisque Clitiphon remplace le mot « fantaisies » par celui de « Poësies », réaffirmant par là le lien étroit qui, comme chez Montaigne, rattache fantaisie et écriture.

Notes

  • [1]
    Giovanni Dotoli, Montaigne et les libertins, Paris, Honoré Champion, 2006, p. 17-18.
  • [2]
    Théophile de Viau, Première journée, in Œuvres complètes, éd. Guido Saba, Paris, A.G. Nizet ; Rome, Ateneo e Bizzarri, « Seconde partie (1623) : Première journée, Œuvres poétiques, Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé », tome 2, 1978, p. 11-55. Toutes nos citations renverront à cette édition.
  • [3]
    Théophile de Viau, Au lecteur, in Œuvres complètes, « Seconde partie », p. 10.
  • [4]
    Michel de Montaigne, « Des livres » (II, 10), in Les Essais, éd. Villey-Saulnier, Paris, Presses universitaires de France, 2004, p. 407. Toutes nos citations renverront à cette édition. Au début de chaque passage, la strate textuelle concernée est indiquée comme suit, selon le système établi par Pierre Villey : A = 1580 ou 1582, B = 1588, C = exemplaire de Bordeaux.
  • [5]
    Théophile de Viau, Au lecteur, p. 3.
  • [6]
    Lorsque la Première journée paraît, Théophile de Viau est déjà la cible des attaques du jésuite François Garasse.
  • [7]
    Michel de Montaigne, « Au Lecteur », in Les Essais, p. 3.
  • [8]
    Ibid.
  • [9]
    Théophile de Viau, Au lecteur, p. 7.
  • [10]
    Ibid., p. 10.
  • [11]
    Ibid.
  • [12]
    « De l’affection des pères aux enfans » (II, 8), in Les Essais, p. 385.
  • [13]
    « Au Lecteur », in Les Essais, loc. cit.
  • [14]
    Cf. « De l’affection des pères aux enfans », loc. cit.
  • [15]
    Sur ce point, voir l’ouvrage d’Olivier Millet : La première réception des « Essais » de Montaigne (1580-1640), Paris, Honoré Champion, 1995.
  • [16]
    Première journée, p. 16-17. Nous soulignons.
  • [17]
    « De la vanité » (II, 9), in Les Essais, p. 994. Nous soulignons.
  • [18]
    Cf. Première journée, p. 26-30.
  • [19]
    Ibid., p. 14.
  • [20]
    Élégie à une dame, in Œuvres complètes, op. cit., « Première partie : Œuvres de Théophile (1621) : Œuvres poétiques », tome 1, 1978, p. 349.
  • [21]
    Première journée, p. 54.
  • [22]
    À Monsieur du Fargis, in Œuvres complètes, op. cit., « Première partie », p. 386.
  • [23]
    Première journée, p. 17.
  • [24]
    « Du repentir » (III, 2), in Les Essais, p. 806.
  • [25]
    « De l’exercitation » (II, 6), in Ibid., p. 377.
  • [26]
    « Des prières » (I, 56), in Ibid., p. 317.
  • [27]
    « Des livres » (II, 10), in Ibid., p. 407.
  • [28]
    Cf. Première journée, p. 14-16.
  • [29]
    Michel de Montaigne, « Au Lecteur », loc. cit.
  • [30]
    Théophile de Viau, Au lecteur, op. cit., p. 9.
  • [31]
    Cf. Première journée, p. 45-46.
  • [32]
    « Considérations sur Cicéron » (I, 40), in Les Essais, p. 252.
  • [33]
    Sur le pédant à cette époque, voir Jocelyn Royé, La figure du pédant de Montaigne à Molière, Genève, Droz, 2008.
  • [34]
    L’auteur y reproche à l’éducation de son époque d’exiger des élèves qu’ils mémorisent une masse de connaissances, sans les inciter à exercer leur esprit critique. Il traite les pédants de « [A] sçavanteaux […] ausquels les lettres ont donné un coup de marteau » (« Du pédantisme » (I, 25), in Les Essais, p. 139) et qui ne s’emparent de la science que pour « [A]en faire parade, […] en entretenir autruy » (Ibid., p. 136).
  • [35]
    Première journée, p. 24.
  • [36]
    Cf. ibid., p. 24.
  • [37]
    Ibid., p. 19.
  • [38]
    Cf. ibid., p. 22.
  • [39]
    Ibid., p. 20.
  • [40]
    Ibid., p. 21.
  • [41]
    Ibid.
  • [42]
    Théophile de Viau, Au lecteur, p. 8.
  • [43]
    « De la solitude » (I, 39), in Les Essais, p. 240-241.
  • [44]
    Ibid., p. 242.
  • [45]
    Première journée, p. 20-21.
  • [46]
    « De l’experience » (III, 13), in Les Essais, p. 1083.
  • [47]
    « De la vanité » (III, 9), in Ibid., p. 985.
  • [48]
    Cf. Première journée, p. 29-30. Alors que le narrateur, cosmopolite, passe aisément d’une langue à l’autre, la Demoniaque ne maîtrise que le mauvais latin qu’elle partage avec le prêtre – et qu’elle emploie ici au service de la supercherie – et la langue de sa région, le gascon. Contrairement au narrateur, elle n’a manifestement « point voyagé ».
  • [49]
    Ibid., p. 35.
  • [50]
    Ibid., p. 34.
  • [51]
    Cf. ibid., p. 35.
  • [52]
    « De l’experience » (III, 13), in Les Essais, p. 985-986.
  • [53]
    Première journée, p. 37-38.
  • [54]
    C’est du nom de cette tribu que provient l’appellation de l’hélianthe tubéreux, plante communément nommée topinambour.
  • [55]
    « Des cannibales » (I, 31), in Les Essais, p. 203.
  • [56]
    Cf. ibid., p. 213. Montaigne raconte que trois indiens tupi « [A]furent à Roüan, du temps que le feu Roy Charles neufiesme y estoit. Le Roy parla à eux long temps ; on leur fit voir nostre façon, nostre pompe, la forme d’une belle ville. Apres cela quelqu’un en demanda leur advis, et voulut sçavoir d’eux ce qu’ils y avoient trouvé de plus admirable : ils respondirent trois choses, d’où j’ay perdu la troisiesme, et en suis bien marry ; mais j’en ay encore deux en memoire ».
  • [57]
    Cf. « De la modération » (I, 30), in Les Essais, p. 197 : « [C] J’aime des natures tempérées et moyennes ».
  • [58]
    Première journée, p. 22-23. Nous soulignons. La mention de son « âge » ne peut manquer d’évoquer la retraite montaignienne.
  • [59]
    Ibid., p. 51-52.
  • [60]
    Ibid., p. 54 : « Pour exprimer vostre fantaisie, il faudroit que vostre Maistresse me parut aussi belle qu’elle vous semble. »
  • [61]
    Ibid., p. 51.
  • [62]
    Ibid., p. 21.
  • [63]
    Ibid., p. 53-54.
  • [64]
    Ibid., p. 55.
  • [65]
    Ibid., p. 43.
  • [66]
    Ibid., p. 22.
  • [67]
    « De la tristesse » (I, 2), in Les Essais, p. 14.
  • [68]
    Cf. « De la constance » (I, 12), in Ibid., p. 46-47.
  • [69]
    Première journée, p. 37.
  • [70]
    Ibid.
  • [71]
    Ibid.
  • [72]
    Ibid., p. 25. Nous soulignons.
  • [73]
    Certains traités démonologiques de l’époque attribuaient aux possédés une intolérance au parfum de rose. À ce propos, voir la notice de Jacques Prévot (« Théophile en procès », in Libertins du xviie siècle, I, textes édités par Jacques Prévot, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1998, p. 1236).
  • [74]
    « De la force de l’imagination » (I, 21), in Les Essais, p. 99.
  • [75]
    Première journée, p. 26.
  • [76]
    Ibid., p. 27.
  • [77]
    Ibid., p. 30.
  • [78]
    « […] deux de mes amis, pour convaincre les doutes que j’avois là dessus, me presserent de l’aller voir, avec promesse de se desabuser si, au sortir de là, je ne me trouvois de leur opinion. » (Ibid., p. 27.)
  • [79]
    Jean Serroy parle, au sujet de l’épisode en question, d’une « méthode quasi-scientifique d’élucidation, employée par le libertin pour démonter le mécanisme de la supercherie » (Roman et réalité. Les histoires comiques au xviie siècle, Paris, Librairie Minard, 1981. Nous soulignons.).
  • [80]
    C’est-à-dire impartial et sans idée préconçue. « Des boyteux » (III, 11), in Les Essais, p. 1029.
  • [81]
    Ibid.
  • [82]
    Première journée, p. 29.
  • [83]
    Ibid., p. 27.
  • [84]
    « Des boyteux » (III, 11), op. cit., p. 1027-1028.
  • [85]
    Le thème de l’erreur populaire avait déjà été traité par Théophile de Viau dans la première partie de ses Œuvres, notamment dans l’Élégie à une dame (op. cit., p. 345-346).
  • [86]
    Première journée, p. 27.
  • [87]
    Au lecteur, op. cit., p. 3.
  • [88]
    « Des boyteux » (III, 11), op. cit., p. 1028.
  • [89]
    Première journée, p. 30.
  • [90]
    En médecine, la mélancolie est aussi une maladie qui « fait dire des choses desraisonnables, jusqu’à faire faire des hurlements à ceux qui en sont atteints » (Furetière). Voir la note de Guido Saba (Première journée, p. 30).
  • [91]
    « Des boyteux » (III, 11), op. cit., p. 1032.
  • [92]
    Première journée, p. 29.
  • [93]
    Ibid., p. 28.
  • [94]
    Frédéric Tinguely, « Fiction libertine et lecture straussienne », Poétique 154 (2008), p. 190. Cependant, F. Tinguely n’en reste pas là : il démontre avec finesse que les deux épisodes symétriques encadrant celui de la possédée – celui du malaise de Clitiphon provoqué par l’odeur de rose, et celui du récit par Sydias de sa querelle avec un jeune homme au sujet de l’odeur de la pomme – invitent le lecteur avisé à comprendre que, finalement, « la supercherie de la prétendue démoniaque n’était pas un accident […], car l’imposture est aux cas de possession diabolique ce que l’odeur est à la pomme, un attribut désormais essentiel ».
  • [95]
    Au lecteur, op. cit., p. 10.
  • [96]
    Première journée, p. 39-40.
  • [97]
    Alexandre Tarrête, « Les Essais » de Montaigne, Paris, Gallimard, 2007, p. 130.
  • [98]
    Il fut d’ailleurs réintitulé Fragments d’une histoire comique par George de Scudéry dans son édition des œuvres de Théophile en 1632.
  • [99]
    Jacques Prévot, « Théophile en procès » (notice), op. cit., p. 1236.
  • [100]
    Sur les stratégies textuelles libertines de dissimulation, voir notamment Jean-Pierre Cavaillé, Dis/simulations. Jules-César Vanini, François La Mothe Le Vayer, Gabriel Naudé, Louis Machon et Torquato Accetto : religion, morale et politique au xviie siècle, Paris, Honoré Champion, 2002, et Sophie Gouverneur, Prudence et subversion libertines : la critique de la raison d’État chez François de La Mothe Le Vayer, Gabriel Naudé et Samuel Sorbière, Paris, Honoré Champion, 2005.
  • [101]
    Première journée, p. 55. Nous soulignons.
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