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Article de revue

Hjelmslev et Martinet : correspondance, traduction, problèmes théoriques

Pages 33 à 58

Notes

  • [1]
    Cette correspondance constitue un ensemble de 28 lettres, 12 de Martinet à Hjelmslev, 16 de Hjelmslev à Martinet. Elles ont été conservées, après la mort de Hjelmslev, par son épouse Vibeke, puis, à la mort de celle-ci, déposées aux archives Hjelmslev, à la Bibliothèque royale de Copenhague. Comme on vient de l’apercevoir, la correspondance n’est pas complète : il manque parfois une lettre de Hjelmslev, et plus souvent une lettre de Martinet. Cet ensemble m’a été communiqué successivement par Kenji Tatsukawa et par Driss Ablali, ici présent. Je les remercie tous deux très chaleureusement. La longue lettre de Hjelmslev à Martinet des 20 mai - 18 juillet 1946, en réponse au long article de Martinet sur Omkring, m’avait été, longtemps avant, communiquée par Martinet lui-même. Elle est d’accès facile dans les Nouveaux essais de Hjelmslev, PUF, 1985, p. 195-207. Le reste de la correspondance est, à ma connaissance, inédit. Je reproduis à la suite de notre communication, la réponse de Martinet, en date du 29 octobre 1946, à la lettre de Hjelmslev des 20 mai - 18 juillet 1946.
  • [2]
    Le livre sera finalement publié en 1937 chez Klincksieck. Mais, dès 1936, Martinet aura publié dans les TCLP son article " Neutralisation et archiphonème ".
  • [3]
    J’avoue que je ne sais pas à quel type de fonction correspond, dans l’Université danoise de l’époque, ce titre anglais employé par Eli Fischer-Jrgensen, 1967, p. III. Sans doute quelque chose comme assistant ou maître assistant ?
  • [4]
    Il est en effet explicitement dit que des " symboles autres que des sons [par ex. des lettres, MA] peuvent être utilisés pour exprimer des phonèmes " (1937-1985, p. 135). On trouve là l’origine de la conception développée dans la suite par Uldall et Hjelmslev de l’indépendance réciproques des formes manifestées par les substances graphique et sonore (voir notamment Uldall, 1944, et Arrivé, 1983).
  • [5]
    En réalité, l’ouvrage comporte les noms des deux auteurs pour le titre Outline of Glossematics. Mais le sous-titre précise qu’il ne s’agit que de la Part I : " General Theory ", et que cette première partie est du seul Uldall.
  • [6]
    La mort de Brndal, le 14 décembre 1942, est survenue au début de la période de latence de la correspondance.
  • [7]
    C’est nous qui soulignons.
  • [8]
    A. Martinet, 1946, p. 19-42.
  • [9]
    Cf. K. Togeby, 1953.
  • [10]
    Cf. G. Mounin, 1970, p. 95-102.
  • [11]
    L’identité de ce groupe de linguistes, restée inconnue, est mentionnée dans les archives L. Hjelmslev. Ont participé à cette traduction, à côté des trois noms cités ci-dessus, les linguistes suivants : Gunnar Bech, Eli Fischer-Jrgensen, Jens Holt, Michel Holger Sten Srensen et Jane Rnke.
  • [12]
    Il faut lever ici une autre ambigu ïté et souligner que s’il est vrai que le terme danois " sprog " désigne aussi bien " langage " que " langue ", il faut rappeler qu’un autre terme danois, à savoir " talesprog ", désigne lui aussi la langue.
  • [13]
    Word 10, 1954, p. 163-188.
  • [14]
    Pour plus d’informations, cf. Hjelmslev, 1971b, p. 46-47.
  • [15]
    Hjelmslev, 1971b, p. 17-28.
  • [16]
    Nous voulons dire l’entrée en scène dans les Prolégomènes, car ces concepts, comme nous l’a rappelé S. Badir dans une lettre personnelle, sont employés par Hjelmslev en français dès 1943, dans " Langue et parole ", article où il donne en outre leur équivalent en danois " sprogbygning " et " sprogbrug ", respectivement en français " schéma " et " usage ".
  • [17]
    Cf. L. Hjelmslev, 1971b, p. 17-28.
  • [18]
    " ... Hjelmslev apparaît comme le véritable, peut-être le seul continuateur de Saussure qui a su rendre explicites ses intuitions et leur donner une formulation achevée ", in Hjelmslev, 1966, p. 12.
  • [19]
    Cf. M. Arrivé, 1985.
  • [20]
    " Dans la pratique, la métasémiologie est identique à la description de la substance " (L. Hjelmslev, 1971, 156).
English version
" Peu de questions pertinentes ont complètement échappé à la perspicacité de Louis Hjelmslev. "
André Martinet.

1C’est un exercice toujours instructif de commencer la lecture d’un livre de mémoires par l’index des noms de personnes. C’est ce que j’ai fait, dès leur publication, pour les Mémoires d’un linguiste. Cela m’a amené à la double constatation suivante :

21 / Parmi les linguistes de la génération de Martinet, celui qui est le plus fréquemment cité par lui est Jakobson. Hjelmslev vient en seconde position, à égalité d’occurrences avec Troubetzkoy, assez loin devant Benveniste. Si on étend l’enquête à tous les linguistes, toutes générations confondues, Hjelmslev conserve sa seconde place, devant Saussure et Chomsky, à condition toutefois de mettre hors concours le très petit nombre des parents, amis ou élèves les plus proches (par ex. Jeanne Martinet ou Henriette Walter).

32 / On sait que Martinet – il le reconnaît volontiers – n’a l’habitude de " ménager ", c’est son mot, personne. Hjelmslev n’échappe pas à ses critiques. Il m’apparaît cependant qu’elles sont, pour des raisons qui apparaîtront progressivement dans la suite, moins sévères, au moins dans leur formulation, que celles qu’il adresse à tous les autres, y compris Saussure, à la seule réserve, peut-être, de Troubetzkoy. Jakobson est sans doute – à égalité avec Chomsky, quoique de façon différente – celui qui reçoit le traitement le plus sévère, en dépit des traces laissées par une ancienne amitié.

4Cette présence de Hjelmslev dans les Mémoires d’un linguiste est conforme à la place qu’a occupée le linguiste danois à la fois dans la vie de Martinet et dans sa réflexion linguistique. Hjelmslev et Martinet ont été des amis fidèles, pendant plus de trente ans. Pendant la même période, ils ont entretenu constamment un dialogue scientifique qui réussit l’exploit d’être à la fois au plus haut point aigu et serein.

5Dans cette communication à deux voix, Driss Ablali évoquera le problème du rôle joué par Martinet dans le processus – laborieux – de la traduction française de Omkring Sprogteoriens Grundlggelse – c’est volontairement que je cite le titre en danois, car les traductions française et anglaise devenues traditionnelles sont peu exactes. Il reviendra ensuite sur un point de divergence fondamental entre les deux linguistes : le problème de la prise en compte de la substance. De mon côté, je mettrai en place quelques jalons chronologiques avant d’essayer de caractériser brièvement les discussions scientifiques qui se font jour dans la correspondance échangée entre les deux hommes de 1935 à 1957 [1].

6Dans son article de 1997, " Une relecture de Hjelmslev ", comme dans le long entretien qu’il a eu avec moi en 1994, Martinet date le début de ses relations avec Hjelmslev de la " fin des années vingt ", à Paris (1997, p. 56). La datation est si précoce – Martinet est né en 1908 – qu’on peut, sur ce point précis, se demander si sa mémoire, généralement infaillible, ne le trompe pas. Si la datation est exacte, elle s’explique sans doute – car Martinet n’y insiste pas, et, lors de mon entretien avec lui, je n’ai pas eu le réflexe de lui demander des détails – par le fait que, dès l’année universitaire 1927-1928, il a commencé à la Sorbonne des " études de scandinave " (1993, p. 37). En 1927, Hjelmslev terminait un séjour d’études à Paris : c’est sans doute dans le cadre de son apprentissage des langues scandinaves que Martinet a rencontré cet étudiant danois nettement plus âgé que lui (il est né en 1899), qui fréquentait les cours de Meillet au Collège de France et à l’EPHE, ainsi, sans doute, que les séances de la Société de linguistique de Paris, à laquelle toutefois Martinet n’adhérera qu’en 1931. Il faudrait vérifier ces détails chronologiques en se référant à des données biographiques précises sur Hjelmslev.

7À partir de 1928, et notamment en 1932 et 1933, Martinet fait de fréquents séjours au Danemark. C’est en 1933 qu’il y rencontre celle qui sera, dès l’année suivante, sa première épouse, Karen Mikkelsen-Sorensen. Pendant cette période, puis jusqu’en 1939, il rencontre lors de ses séjours au Danemark Hjelmslev et son ami et collaborateur Hans Jorgen Uldall, qui, né en 1907, est son contemporain à peu près exact. Tels sont les renseignements qu’on peut tirer de la brève " Biographie " publiée par Jeanne Martinet à la fin des Mémoires d’un linguiste.

8La première trace écrite, du moins dans le dossier que j’ai eu entre les mains, des relations entre Martinet et Hjelmslev date de la fin 1935. C’est une lettre en danois de Martinet à Hjelmslev. Écrite à Reims – où Martinet est, depuis la rentrée d’octobre, professeur agrégé d’anglais – le 10 décembre, elle répond à une lettre antécédente de Hjelmslev, non conservée dans le dossier. Martinet annonce à son ami qu’il " a commencé à écrire sérieusement la phonologie du danois " – ce livre deviendra, on le sait, sa thèse complémentaire. Il prévoit à ce moment de le publier dans les Travaux du cercle linguistique de Prague [2]. Hjelmslev répondra, toujours en danois, d’Aarhus – où il était, depuis 1934, reader [3] de linguistique comparative – dès le 16 décembre. Il annonce lui aussi des travaux à paraître dans les TCLP, en collaboration avec Uldall. Il ne semble pas que ce projet ait abouti.

9Peu avant au cours de l’année 1935, Martinet, Hjelmslev et Uldall se sont rencontrés lors du IIe Congrès international de phonétique de Londres. Martinet n’a pas pris la parole à ce congrès. Mais Hjelmslev et Uldall y ont l’un et l’autre présenté une communication, le premier " On the principles of phonematics " (Proceedings of the Second International Congress of Phonetic Sciences, p. 49-54), le second " The phonematics of Danish " (ibid., p. 54-57). Dans son article de 1997, Martinet présente l’état de la réflexion de ses deux amis danois de la façon suivante :

" Au Congrès de phonétique, à Londres en 1935, j’ai découvert un homme dépouillé de sa gangue philologique, prêt à tout remettre en question, même, à ma suggestion, le terme de "phonématique" qu’Uldall et lui proposaient dans les titres de leurs interventions et qui s’accordait mal avec la distance qu’ils manifestaient dès lors envers la substance phonique. Ils espéraient mon adhésion à leurs vues, arguant, par exemple, pour développer leur théorie de la latence, de l’ " h aspiré" que j’avais proposé de retrouver en français au-delà de son absence dans les faits observables. Mais, dès lors, je n’en étais plus là, écartant, pour ma part, les séduisantes pirouettes qui menaient tout droit à l’élimination de la diachronie, prélude à l’universalisme, sur la voie de la confusion du tout dans tout " (1997, p. 56).

10Il est tout à fait exact que Hjelmslev, dans une note ajoutée après coup à sa communication, envisage de renoncer, dans la suite, à phonématique et phonème au profit de cénématique et cénème, pour la raison que " phonème ne recouvre pas parfaitement le concept défini dans le présent article [4], et aussi parce qu’il ne semble pas opportun d’accroître les dénotations de ce terme déjà trop largement utilisé " (1937-1985, p. 133). Mais il ne précise pas que la suggestion lui est venue de Martinet. Quant au problème du " phonème " h, il est à la fois exact que Martinet, dans son premier article (1933), le " retrouve " en français et que Hjelmslev le repère comme " unité phonématique " en anglais (et, sous la forme de l’esprit rude, en grec ancien). Mais les deux analyses ne sont pas explicitement mises en relation dans la communication de Hjelmslev, qui, très brève, ne comporte pas de bibliographie.

11Décembre 1935 : c’est, selon le témoignage d’Eli Fischer-Jrgensen (1967), le début de l’élaboration de la glossématique. Effectivement, Hjelmslev et Uldall diffusent pendant l’été 1936 un très bref texte intitulé " Synopsis of an outline of glossematics ". Cet " échantillon " (sample) de 12 pages est distribué aux participants au IVe Congrès international des linguistes. Il annonce " pour l’automne " – mais, intention ou oubli ? sans préciser l’année... – la publication de l’ouvrage. On sait qu’il devra attendre la bagatelle de vingt et un ans pour paraître, en 1957, sous la signature du seul Uldall [5], qui devait mourir dans l’année, non sans avoir vu paraître son livre.

12Martinet et Hjelmslev, dans chacune de leurs lettres des années 1937 à 1940, évoquent cette arlésienne : " Encore une fois nous espérons pouvoir publier la glossématique avant le congrès " (Hjelmslev à Martinet, 4 mars 1938 ; il s’agit du IIIe Congrès de phonétique, à Gand, pendant l’été 1938). " Et la glossématique tant attendue ? Le séjour de l’ami Uldall à Athènes ne doit pas beaucoup faciliter l’avancement ou le couronnement des travaux " (Martinet à Hjelmslev, 15 février 1940). À partir de 1942 – car il n’y a pas de correspondance en 1941, année de la captivité de Martinet –, il n’est plus directement question du livre, sans doute devenu sujet tabou. Mais Martinet demande encore, le 20 juillet 1942, des " nouvelles du coglossématicien ". Ce n’est que le 20 avril 1946 (mais il n’y a aucune lettre entre le 13 novembre 1942 et le 20 avril 1946) que Hjelmslev se décide à passer aux aveux, sans doute en réponse à une ultime question posée par Martinet dans une lettre non conservée :

" Je regrette beaucoup cette nouvelle séparation [d’avec Uldall, nommé à Buenos-Ayres], peu favorable en effet à notre collaboration. On cherchera tout de même de faire paraître l’Outline qui a été promis si longtemps, fraudouleusement (sic). "

13C’est dans cette même lettre que Hjelmslev félicite Martinet d’avoir lu " le livre que j’ai publié en danois pendant l’Occupation " (il s’agit évidemment de Omkring). Il est déjà informé de l’existence du long compte rendu : (23 pages !) rédigé par Martinet, qui est en cours d’impression pour le BSLP.

14On aura remarqué une bizarrerie : alors que les deux amis parlent dans toutes leurs lettres d’Outline, il n’est jamais question avant sa publication ni même après – elle est intervenue dès 1943 – de Omkring. Je n’insiste pas sur ce menu problème, qui concerne la biographie scientifique de Hjelmslev.

15Après 1946 et l’épisode capital du compte rendu de Omkring, la correspondance entre les deux amis se poursuit jusqu’en 1957. La dernière lettre du dossier est un bref billet de Martinet, en date du 27 août : il règle les derniers détails du voyage qui le mènera, pour plusieurs semaines à partir du 4 septembre, à Copenhague, en compagnie de son épouse Jeanne et de sa fille Thérèse. Cette dernière lettre est antérieure de deux mois au décès totalement brutal et inattendu de Uldall, survenu le 29 octobre 1957. Il semble que Martinet était encore au Danemark à ce moment.

16Je laisse aux spécialistes de la biographie de Hjelmslev le soin de préciser les causes de l’interruption précoce de la correspondance. Peut-être tient-elle surtout à l’état de santé du savant danois : c’est vers cette époque qu’il a ressenti les premières atteintes de la maladie qui devait progressivement lui interdire tout travail, et entraîner sa mort en 1965.

17Tout au long de cette correspondance de vingt-deux ans, le ton des lettres est celui d’une amitié solide quoique jamais intime. Les questions abordées – en dehors des problèmes théoriques, que je réserve pour la fin – sont celles de l’activité quotidienne des deux linguistes, par exemple leurs publications respectives ou leurs relations avec leurs collègues, notamment Haudricourt – Martinet le couvre d’éloges –, Marouzeau et Benveniste – inhabituellement désigné par son prénom, Émile, comme Jakobson par le sien, Roman, le 13 novembre 1942. Il est souvent question de Gustave Guillaume : à deux reprises (20 juillet et 13 novembre 1942) Martinet intervient avec insistance pour faciliter la publication d’articles de cet " excellent homme " dans les Acta linguistica. Quelques décès sont rapidement évoqués : celui de Marie-Louise Sjoestedt-Jonval et celui de Karl Sandfeld, toujours le 13 novembre 1942 [6]. Autre sujet fréquent : les voyages de Martinet au Danemark et ceux de Hjelmslev en France et aux États-Unis. J’ai constaté avec un intérêt amusé que c’est par Martinet – dans une lettre non conservée, mais présupposée par la réponse de Hjelmslev en date du 10 février 1952 – que Hjelmslev a été informé du projet de traduction anglaise de Omkring par Whitfield. Dès le 17 avril, Hjelmslev fera sur cette traduction les réserves les plus expresses. Il indique qu’il joint à sa lettre quelques échantillons – malheureusement non présents dans le dossier – des " améliorations " qu’il conseille. C’est aussi l’époque où bat son plein le projet de traduction française dont Driss Ablali va nous parler dans quelques instants.

18Avant de lui donner la parole, j’en viens, rapidement, aux aspects proprement théoriques de la correspondance. Son intérêt culmine au moment de la publication de l’article de Martinet sur l’édition danoise de Omkring. On sait que Hjelmslev adressera, le 18 juillet 1946, une lettre de réponse de 6 pages serrées à Martinet. Cet épisode est sinon bien connu, du moins facilement accessible, par exemple par les Nouveaux essais de Hjelmslev, PUF, 1985, où l’article de Martinet est republié, accompagné de la lettre de Hjelmslev, annotée par mes soins. Je n’y ajouterai, dans le texte issu de cette communication, que la réponse de Martinet à Hjelmslev, en date du 29 octobre 1946 : d’une façon très habile, Martinet réussit à estomper les principaux points de désaccord, n’hésitant pas à convoquer Jakobson :

" [Jakobson], qui voit partout des oppositions binaires, me trouve un peu trop troubetzkoyen en matière phonologique (et pourtant, cf. BSL, comptes rendus) et hjelmslévien sur le plan du contenu, ce qui est tout de même inexact. "

19Dans le reste de leur correspondance, la discussion menée par les deux linguistes est extrêmement homogène. Elle porte fondamentalement sur deux points, qui ne sont en réalité que les deux versants d’un même problème :

201 / La prise en compte de la substance. C’est l’aspect théorique du problème. Ici il faut distinguer. Au niveau de l’expression – phonologie d’un côté, cénématique de l’autre –, le désaccord est total :

" Je vous avouerais pour ma part que je n’ai pas compris jusqu’ici comment vous pouvez arriver à isoler des cénèmes sans tenir compte de leur réalisation phonétique : pourquoi, par exemple, avez-vous le même cénème dans joue et dans Jean ? " (lettre du 26 avril 1939, absente du dossier, mais citée par Hjelmslev dans sa réponse du 3 juin 1939).

21Hjelmslev répond par une longue métaphore filée très didactique : deux clefs sont identiques non par leur substance – toujours peu ou prou différente – mais par leur fonction ; il en va de même pour les phonèmes :

" Je n’hésite donc pas à dire que c’est la fonction (la forme) et non la substance qui décide. À vrai dire, je m’étonne de voir qu’il y a là quelque difficulté ; mais il est vrai que vous n’êtes pas le seul à me poser cette question " (3 juin 1939).

22Ici, il faut lever une ambigu ïté : comment diable se fait-il que Martinet et Hjelmslev ne tombent pas d’accord sur la place donnée à la fonction dans le processus d’identification des cénèmes – puisque, on l’a repéré, ils s’entendent au moins, dans cet échange épistolaire, sur ce terme hjelmslévien ? C’est tout simplement que les deux interlocuteurs savent bien qu’ils ne donnent pas le même sens à la notion de fonction. Martinet l’utilise avec le sens de " fonction distinctive ou oppositive ". C’est cette fonction qui intervient pour distinguer bière (/bjèr/) de pierre (/pjèr/) – ce qui entraîne nécessairement la prise en compte des aspects substantiels de l’opposition (sonore/sourde). Hjelmslev confère à la notion de fonction un sens absolument différent, " à mi-chemin, [comme il dit lui-même], entre son sens logico-mathématique et son sens étymologique " (1971, p. 49). La fonction, en ce sens, a une extension beaucoup plus considérable que chez Martinet : elle est apte à désigner aussi bien la relation de conjonction (coprésence de deux éléments dans le " texte " : le r et le a de ra) que celle de disjonction (alternance possible de deux éléments en un point du " texte " : le r et le m dans ra et ma). La mise en œuvre de la notion prise en ce sens permet effectivement de faire l’économie de toute considération de substance. On comprend que la différence des deux sens est telle que tout accord est impossible.

23Bizarrement, il semble qu’au niveau du contenu les positions soient moins inconciliables : Martinet s’exprime ainsi :

" J’ai parlé longuement et à plusieurs reprises avec Benveniste de la possibilité d’établir une linguistique sur des bases formelles et en faisant totalement abstraction de la signification. J’ai défendu un point de vue qui est, sur ce point, assez peu différent du vôtre. Benveniste est un peu moins enclin à sacrifier délibérément la substance " (Martinet, 14 mai 1946).

24En somme, Martinet semble ici donner partiellement raison à Jakobson : il s’oppose totalement à Hjelmslev sur les problèmes de l’expression, il est assez proche de lui sur les problèmes du contenu. Mais cette distorsion génère un nouveau désaccord, car elle met en cause un aspect fondamental de la théorie de Hjelmslev : l’isomorphisme des deux plans, donné comme une évidence par Hjelmslev et récusé énergiquement par Martinet.

252 / Le second point de désaccord entre les deux savants porte sur la valeur épistémologique de la phonologie et sur son rôle historique dans l’évolution de la linguistique. Ici, le désaccord paraît constant – je dis paraît, car les lettres de Martinet sont souvent absentes, et on est amené à en catalyser le contenu d’après les propos de Hjelmslev. Ces propos sont très sévères :

" Je m’efforce de juger de la phonologie d’une façon objective et impartiale, mais malgré ces efforts je n’arrive pas facilement à reconnaître les grands mérites qu’on attribue à ce mouvement. Les mérites sont dans la propagande et ni dans les théories ni dans les faits (sic). Et ceux qui ont fait la propagande ont le grand avantage d’ignorer presque complètement l’historique du problème ; il en est même qui l’ont négligé à dessein, et qui ont choisi arbitrairement et tout à fait au hasard quelques devanciers pour en faire une tête de Turc. Vous voulez soutenir que le principe de la pertinence n’avait jamais été dégagé de façon nette par l’ancienne phonétique ; je ne suis pas de votre avis. Mais il est vrai que la phonologie a donné à cette notion une restriction arbitraire et injustifiée " (19 avril 1939).

26La réponse de Martinet à ces propos musclés intervint dès le 26 avril, mais, comme on l’a aperçu tout à l’heure, elle n’est connue que par la brève citation qu’en fait Hjelmslev le 3 juin. La réaction de Hjelmslev permet d’en supposer la vigueur :

" Je suis très content de pouvoir discuter la phonologie avec vous tout à fait franchement. [...] Il me semble que les phonologues, qui veulent propager une méthode nouvelle, auraient besoin d’étudier un peu plus profondément la théorie de la connaissance. Pour établir une méthode nouvelle [...] on ne peut pas se contenter d’approximations vagues et subjectives " (3 juin 1939).

27Une fois de plus la réponse de Martinet manque, et il faut aller jusqu’à son article de 1946 pour trouver trace de la stratégie à laquelle il recourt : il laisse entendre que la phonologie n’est pas épistémologiquement si nulle que Hjelmslev le prétend, puisqu’elle est à l’origine de la glossématique ! Naturellement Hjelmslev proteste, dans sa longue lettre de réponse du 18 juillet 1946, que je ne cite pas, puisqu’elle est déjà publiée. Martinet réussira très diplomatiquement à arrondir un peu les angles le 29 octobre :

" En ce qui concerne l’influence de la phonologie sur vos idées et après les précisions que vous me fournissez, je serais tenté de dire que le battage phonologique a, par réaction, hâté l’éclosion de vos idées. "

28Nous passons maintenant au rôle joué par Martinet dans la traduction de Omkring Sprogteoriens Grundlggelse (dorénavant OSG). Rôle rarement évoqué sauf par Martinet lui-même. Quand d’autres auteurs – par exemple Greimas – abordent ce problème, c’est de façon partielle ou inexacte. Le deuxième point, sera axé sur la querelle qui a eu lieu entre Hjelmslev et Martinet autour de la substance. Notion largement présente dans OSG, publié en 1943, et qui constitue la principale contribution de Hjelmslev à la glossématique. S’il est vrai que l’image de Hjelmslev comme théoricien incomparable n’a pas lourdement marqué les linguistes de l’époque, c’est à cause de cette publication en danois qui a beaucoup nui à la diffusion de l’ouvrage à l’étranger, et notamment en France. Hjelmslev en a été conscient. Il a multiplié les efforts pour faire lire OSG en français, comme en témoigne sa grande correspondance avec les linguistes de son époque, dont voici quelques fragments :

" Mon travail danois sur la théorie du langage est traduit maintenant en français ; la version française paraîtra, je l’espère, dans quelques mois ; mais la traduction constitue un travail assez compliqué. "
Le 17 juillet 1946, il écrivait à Bahuslov Havranek :
" Comme vous le savez peut-être, j’ai publié en 1943 un livre en danois sur la théorie du langage. Une édition française est en préparation et pourra paraître cet hiver. "
Le même jour, il écrivait au grand linguiste roumain Iorgu Jordan :
" J’ai publié en 1943 un livre sur la théorie du langage que je ne vous envoie pas puisqu’il est écrit en danois, et qu’une édition française verra le jour cet hiver probablement. "
À J. Kurylowicz, le 11 novembre 1946, il disait ceci :
" Je pourrais, si vous voulez, vous faire envoyer un exemplaire de mon livre danois Omkring (1943). Mais une version française est en préparation et paraîtra au printemps. "
À B. Pottier, le 27 avril 1953, il écrivait ceci :
" Je vous signale en outre que mon livre, rédigé en danois, Omkring (1943), vient de paraître en traduction anglaise sous le titre de Prolegomena to a theory of language, et qu’une traduction française du même ouvrage (Prolégomènes à une théorie du langage) est actuellement sous presse. " [7]

29Malheureusement ce que Hjelmslev ne devinait certainement pas, c’est qu’en réalité, il fallait attendre non pas quelques mois pour lire OSG en français, mais plutôt vingt-cinq ans. Trois ans avant cette traduction, Hjelmslev était décédé.

30Pour les non-anglophones et pour ceux qui ne savent pas le danois, le seul moyen d’accès à la pensée glossématique de Hjelmslev – car il faut quand même rappeler qu’avant ce livre, Hjelmslev a publié directement en français deux livres, Principes de grammaire générale et La catégorie des cas – était le long compte rendu qu’en avait fait A. Martinet dans le BSL [8]. Celui-ci revendique explicitement ce rôle de diffuseur de la pensée hjelmslevienne :

" Il s’est trouvé que ma connaissance du Danemark et du danois, jointe à une amitié avec Hjelmslev qui n’a jamais été affectée par de foncières divergences sur le plan épistémologique, m’a permis d’alerter la communauté des linguistes quant à l’émergence d’une pensée remarquablement originale. Je suis resté longtemps impliqué dans la diffusion du message hjelmslevien " (1997, 55).

31Cette diffusion du message hjelmslevien dont parle Martinet ne se limitait pas seulement au compte rendu du BSL. Car, malgré les grandes divergences scientifiques qui séparaient les deux linguistes, et sur lesquelles nous revenons tout à l’heure, Martinet a joué aussi un rôle non négligeable dans la traduction de OSG, aussi bien en anglais qu’en français.

32La traduction française, évoquée par Hjelmslev ci-dessus, est celle de K. Togeby. Elle était entre les mains de Hjelmslev dès 1953. Mais le projet de publication n’aboutit pas. Il n’aboutit pas, parce que c’est Martinet qui en a fortement déconseillé à Hjelmslev la publication. Et il suffit de regarder cette traduction de Togeby, d’ailleurs religieusement conservée par le maître danois, ensuite par Mme Vibeke Hjelmslev, et actuellement par la Bibliothèque royale de Copenhague, sous la forme d’une épreuve et de trois manuscrits dactylographiés [9], pour s’apercevoir du grand intérêt que portait Martinet à ce travail. Nous avons pu consulter cette traduction de Togeby, dans sa première version manuscrite et dans sa version finale, et nous avons été frappé par les soins de Martinet quant à une bonne traduction de OSG. Les corrections sont énormes, aussi bien au niveau du contenu qu’au niveau de l’expression, pour employer des termes chers à Hjelmslev. À propos de ces corrections, Martinet nous dit ceci :

" Hjelmslev, lorsqu’il nous a demandé, à ma femme et à moi-même, de relire ces épreuves, pensait que nous n’y relèverions que quelques imperfections de détail. En fait, cette "relecture" nous a réclamé quarante-huit heures de travail et j’exagère à peine en disant que nous n’y avons pas laissé deux lignes consécutives sans corrections. Hjelmslev, on le comprend, était atterré " (1985, 19).

33Quand beaucoup plus tard a paru la première version de OSG, sous le titre Prolégomènes à une théorie du langage, on constate d’une manière plus concrète ces efforts de Martinet. Et cette histoire de la traduction est sinon bien connue, du moins commentée par Georges Mounin [10]. Nous y ajouterons ceci : la traduction de 1968 est réalisée par un groupe de linguistes [11] en majorité danois, dont K. Togeby, et deux linguistes français, A. J. Greimas et O. Ducrot. De cette traduction de 1968, Greimas nous dit ceci :

" Oui c’est moi qui ai organisé ce travail [celui de la traduction des Prolégomènes], parce qu’il existait déjà une traduction dirigée par Martinet, mais elle était tellement mauvaise qu’il n’a pas été possible de la garder. Alors il a fallu la corriger, Ducrot l’a corrigée, d’autres encore, et on l’a refaite " (1986, 42).

34Dans ce passage, Greimas se trompe à deux reprises : premièrement quand il dit de cette traduction qu’elle a été " dirigée par Martinet ", alors que celui-ci n’a fait que corriger le manuscrit. Et deuxièmement, il oublie vite que cette traduction dont il dit qu’elle a été " dirigée par Martinet ", est celle qui lui a servi de support premier avec ses collègues pour faire apparaître la première version de 1968.

35Car, si l’on compare la traduction de Togeby, dans sa version finale, après les corrections apportées par Martinet, on se rend compte que les traductions de 1968 des Prolégomènes, contrairement à ce que pensent beaucoup de linguistes, est plus réalisée sur la version de Togeby que sur l’original. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la table des matières des deux traductions. Nous nous contentons ici de quelques titres de chapitres que nous trouvons les plus représentatifs.

36Si nous prenons le chapitre 22, nous constatons que dans la traduction de Togeby, il s’intitule " Langues de connotation et métalangue ", dans la traduction de 1968, c’est " Langages de connotation et métalangage " qui a été retenu. Or, dans celle de 1971, ni le mot " langue " ni le mot " langage " n’ont été maintenus. Ils ont laissé place au terme de " sémiotique ", qui vient compliquer la lecture d’un texte déjà compliqué. Si nous comparons les trois traductions, celle de Togeby et les versions et de 1968 et 1971, au texte danois, nous constatons que dans celui-ci le terme " sémiotique " ne figure pas. Hjelmslev ne l’utilise à aucun moment. Il utilise le terme danois de " sprog " [12] qui signifie à la fois " langue " et " langage ". Or, dans la traduction anglaise, réalisée par Whitfield, c’est le terme de " sémiotique " qui a été employé. Nous avons observé la même chose à propos de la traduction de 1971, réalisée sans doute à partir la traduction anglaise. Voici quelques titres de chapitres, issus de la traduction de 1971 et leurs correspondants en anglais dans la traduction de Whitfield :

Figure 1

37Or, dans la traduction de 1968, les titres sont différents. C’est l’ordre suivant qui a été retenu :

" Humanisme et théorie du langage. "
" Empirisme et théorie du langage. "
" Induction et théorie du langage. "
" Réalité et théorie du langage. "
" Langage et non-langage. "
" Langages de connotation et métalangage. "

38Ce sont exactement ces mêmes titres que nous rencontrons dans la traduction de Togeby. Mais la chose la plus intéressante dans cette confrontation est certainement le terme de " sémiotique ", employé par Whitfield à la fois comme " langage " ou " langue ", que comme théorie générale du signe. Et c’est en effet ce chemin terminologique que prendra Hjelmslev par la suite.

39En effet, c’est aux alentours de 1954, c’est-à-dire un an après la parution de la version anglaise de OSG, que se fait sentir de façon significative la pesée du terme " sémiotique ". Datation entièrement compatible avec la publication d’un des articles les plus pénétrants de la théorie glossématique, à savoir " La stratification du langage ". Article paru directement en français dans la revue Word [13]. Reste à souligner que dans cet article, Hjelmslev utilise cette fois le terme " sémiotique " dans deux sens différents. Voici les propos de Hjelmslev :

" Les définitions exactes que nous proposons pour système sémiotique et pour langue (langage) ont été présentées ailleurs " (1971b, 47).

40Ce qui paraît un peu étrange dans le renvoi que fait Hjelmslev dans ce passage, c’est qu’il s’agit d’un renvoi à la traduction anglaise de Whitfield et non pas à l’original. Voulait-il seulement attirer l’attention du lecteur sur la parution de cette traduction, ou bien commence-t-il à pencher du côté de la terminologie de Whitfield ? Car, il faut quand même le souligner : une décennie sépare la première parution des Prolégomènes, en danois des traductions de Whitfield et de Togeby. Et Hjelmslev entre temps a évolué sur beaucoup de points.

41Dans un autre passage de " La stratification du langage ", nous rencontrons le terme " sémiotique " avec un sens complètement différent du premier, précisément dans le sens de sémiologie saussurienne. Ainsi, parmi les quatre traits [14] qui caractérisent la glossématique, d’après Hjelmslev, il y a celui de " situer la linguistique dans les cadres d’une sémiotique (ou sémiologie) générale " (ibid., p. 47).

42Ici, toutefois, il faut repérer un problème que peut-être Hjelmslev a tendance à occulter, en tout cas à ne pas porter au grand jour : pourquoi ce passage dans la terminologie de Hjelmslev du concept de " langue " ou de " langage " à celui de sémiotique ? Est-ce que cela est dû à l’influence de la traduction de Whitfield ou plutôt à l’influence de la doxa de l’époque ? Difficile de répondre et de dire qui a influencé l’autre, Hjelmslev ou Whitfield. Mais ce dont nous sommes certains, c’est que le terme de " sémiotique " a été proposé pour la première fois, il est vrai dans un emploi adjectival, par un linguiste dont les travaux sont situés largement en dehors de la sémiotique. Ce linguiste n’est autre que A. Martinet. La chose s’observe sans ambages dans les corrections qu’a portées celui-ci à la traduction de Togeby. Et on ne peut ici qu’admirer la divination qui a fait repérer au phonologue les pensées sous-jacentes de OSG. Martinet a su donc lire sous les signes, ou peut-être a pu anticiper sur la pensée du glossématicien. Pour la commodité du lecteur, nous mettons devant ses yeux deux passages de la traduction de Togeby, accompagnés des corrections de Martinet. Celui-ci barre " fonction du signe " ou " système de signe " et propose " fonction sémiotique " :

" La séparation et la coordination de l’expression et du contenu dans la fonction du signe sont fondamentales dans la structure de toutes les langues " (trad. de K. Togeby, 1953, 27).
" Tout signe, tout système de signes, tout système de figure établi au service du signe, toute langue renferme en soi une forme d’expression et une forme de contenu " (trad. de K. Togeby, 1953, 28).

43Dans l’original, c’est le mot danois " tegnfunktion " qui veut dire " fonction du signe ", qui est employé par Hjelmslev. Nous observons la même chose dans la traduction anglaise où c’est " sign function " qui est proposé. S’ensuivent après les deux traductions françaises, de 1968 et 1971, où c’est l’expression " fonction sémiotique " qui l’emporte de droit sur celle de " fonction du signe ". Il en va de même pour les articles de Hjelmslev qui seront publiés par la suite, c’est-à-dire après 1953. Toujours dans " La stratification du langage ", c’est " fonction sémiotique " qui suffit amplement à l’exigence du principe d’empirisme, et que Hjelmslev conçoit dans les termes suivants :

" Il paraît certain que l’interdépendance constituée par la fonction sémiotique est d’ordre nettement syntagmatique (donc, comme nous l’avons dit, une solidarité) " (1971b, 55).

44Dans un autre article, paru en 1957 sous le titre " Pour une sémantique structurale " [15], écrit également directement en français, nous observons la même terminologie :

" ... c’est la commutation qui fait voir que cette relation constitutive du signe, cette fonction sémiotique qui est constitutive de la langue même, change d’un état de langue à l’autre " (1971c, 114).

45Le poids de la terminologie apportée par Martinet ne s’arrête pas seulement au terme de sémiotique. Et pour élargir le compas, soulignons que l’entrée en scène des termes de " schéma ", d’ " usage ", de " processus du texte ", comme concepts clés de la glossématique est l’œuvre aussi de Martinet [16]. Togeby écrit " langue usuelle " et " construction ", Martinet les remplace respectivement par " usage " et " schéma ". Dans d’autres passages, Martinet adapte la terminologie de Togeby aux exigences de l’heuristique hjelmslevienne. C’est le cas des termes comme " chaîne ", " chaînons ", " membre ", " partie ", " classe " et " division ", proposés par Togeby mais mal employés.

46Mais, à côté de ces corrections, pertinemment pesantes dans les traductions de 1968 et 1971, on en trouve d’autres qui ont presque disparu. C’est le sort réservé aux expressions " langage parlé " ou " langue parlée ". Togeby traduit l’expression danoise de " naturlige sprog " soit par " langue naturelle ", soit par " langage naturel ". Martinet, à cet égard, n’hésite pas à ajouter le terme de " parlée " aux termes de Togeby. Celui-ci n’a pas tenu compte de cette remarque dans la version finale de sa traduction. La raison est très simple : pour Hjelmslev, la substance phonique n’est qu’une substance parmi d’autres. Or, dans la version de 1968, le groupe de linguistes ne s’en est pas aperçu, et le terme de " langue parlée ", ajouté par Martinet, a été de façon non pertinente maintenu :

" Le linguiste peut et doit concentrer toute son attention sur la langue parlée... " (1968, 145).
Ce passage a vite disparu de la traduction de 1971, où nous lisons ceci :
" Le linguiste peut et doit concentrer son attention sur les langues naturelles... " (1971, 135).

47Nous voici arrivé au terme de notre première partie, qui avait pour but de nous rappeler le rôle fondamental qu’a joué Martinet dans la traduction de la version originale danoise des Prolégomènes, rôle fondamental qui nous a permis de mettre en évidence sa grande responsabilité dans la terminologie adoptée ensuite pour les traductions de 1968 et 1971 des Prolégomènes. Et il est possible maintenant de passer à la querelle qui a eu lieu, entre Hjelmslev et Martinet, sur le problème de la substance.

48Dans sa leçon inaugurale à l’Université de Copenhague [17], Hjelmslev disait que la tradition au Danemark, " c’est la situation de n’être pas traditionnel " (p. 21). Mais cela ne l’empêche pas de reconnaître l’apport novateur de F. de Saussure, sans pour autant s’interdire d’affirmer que " la théorie glossématique ne doit pas être confondue avec la théorie saussurienne. Il est difficile de connaître dans le détail les conceptions de Saussure, et ma propre approche théorique a commencé à prendre forme il y a bien des années, avant même que j’aie eu connaissance de la théorie saussurienne " (1971a, 40).

49Pour ne pas entrer dans ce débat compliqué et sans doute insoluble, celui de considérer Hjelmslev, ce que fait Greimas [18], comme le seul et véritable continuateur de Saussure, nous nous contentons d’aborder cette continuité du projet saussurien à travers le débat qui a opposé Hjelmslev et Martinet autour de la substance. Le second a reproché au premier d’avoir éludé la substance. La critique de Martinet se déroule en deux temps. Il commence par avancer que la méthode immanente telle qu’elle est alléguée par Hjelmslev se fait au détriment de la substance. Mais quelques lignes après, il ajoute qu’il n’est pas " possible de dégager les unités d’expression sans avoir recours, jusqu’à un certain point à la substance phonique " (1946, 38).

50Hjelmslev dans une lettre personnelle adressée à Martinet comme réponse à son compte rendu, publiée par M. Arrivé dans la revue Linx [19], aujourd’hui accessible dans les Nouveaux essais (1985, 195-207) s’acharne contre cette interprétation de Martinet :

" Il faut peut-être ajouter, bien qu’il semble superflu, que je n’ai jamais prétendu qu’on puisse épuiser la description d’une langue en faisant abstraction de la substance. Une description complète demande une description de la forme et de la substance. Il n’y a aucun moment où j’ai nié ce fait. Il me semble pourtant que sur ce point vous invitez le lecteur à penser autrement " (L. Hjelmslev, 1985, 204).

51En lisant les Prolégomènes un demi-siècle après le compte rendu de Martinet, on voit que la substance est incontournable, chez le Danois, pour la description de la fonction sémiotique du texte. C’est du moins ce que nous proposons maintenant d’établir, mais après un détour, en posant le problème des relations entre forme et substance.

52Les substances en elles-mêmes n’ont pas de fonction. On ne saurait les diviser en substances d’expression et substances de contenu sans recourir aux formes respectives qui les ont manifestées. On vient en effet d’affirmer que l’approche glossématique est celle qui envisage le texte aussi bien au niveau de sa forme qu’au niveau de son expression, en prenant soin de spécifier : la substance linguistique. Car chez Hjelmslev, il y a deux substances. Il existe une substance formée et une substance non formée. Cette dernière Hjelmslev l’appelle, en danois, " mening ", qu’on a traduit en anglais par " purport ", et en français tantôt par " matière ", tantôt par " sens ". La seule différence entre " matière " et " sens " en français et " mening " consiste en ce que le terme danois verse à la fois du côté du sensible et du côté de l’intelligible, alors que " sens " penche du côté du sensible, et " matière ", du côté de l’intelligible.

53Soulignons succinctement que c’est cette substance non formée, qui se trouve éjectée par Hjelmslev de sa théorie. Et comme l’a bien relevé D. Piotrowski, la matière hjelmslevienne est une " région empirique quelconque (par ex. psychique, socioculturelle, acoustique, articulatoire ou graphique) envisagée indépendamment de toute structuration sémio-linguistique " (1997, 150).

54Du point de vue glossématique, la matière ou le sens sont informes et n’ont aucune fonction à jouer dans l’analyse linguistique. Or pour l’autre substance, qui est sémiotiquement formée, elle incarne le même rôle que la forme, d’où sa fonction comme étant l’objet de ce que Hjelmslev appelle la " métasémiologie " [20].

55L’objet de la métasémiologie étant défini, il convient maintenant d’apporter quelque lumière sur la façon dont cette métasémiologie rend compte de l’objet de la linguistique. Pour répondre à cette question, il faudra investir un ensemble de points mutuellement imbriqués. D’ailleurs, c’est cette imbrication qui fait de la théorie glossématique l’une des premières sémiotiques. De cette inséparabilité entre forme et substance, nous pouvons remarquer que l’analyse linguistique de la forme ne peut se faire sans recourir au métalangage. Et le métalangage, par définition, est compris en dehors du système de la langue. Nous rappellerons qu’il existe deux métalangages, le métalangage de la substance linguistique, dit " métasémiologie ", distinct du métalangage de la forme linguistique que Hjelmslev appelle " sémiologie ".

56En suivant cette perspective, on voit que la substance est loin d’être évacuée de la glossématique. Si l’on suit le raisonnement de l’auteur des Prolégomènes, la substance linguistique est présente tant en amont qu’en aval de l’analyse. En amont, comme donnée constitutive de l’expérience, en aval où elle permet de vérifier l’objet de connaissance, " l’adéquation de la linguistique à son objet " (1998, 82), comme le dit S. Badir. Hjelmslev conçoit ce rôle de la substance dans le passage suivant :

" Pour expliciter, non seulement les fondements de la linguistique, mais aussi ses conséquences dernières, la théorie du langage est obligée d’adjoindre à l’étude des sémiotiques dénotatives une étude des sémiotiques connotatives et des métasémiologies. Cette obligation revient en propre à la linguistique, parce qu’elle ne peut être résolue de manière satisfaisante qu’à partir de prémisses spécifiques à la linguistique " (1971, 151-152).

57Ici on entrevoit, peut-être, au terme de cet itinéraire sinueux, comment se noue et se renoue, chez Hjelmslev, cette imbrication entre forme et substance. Car ce que l’on cherche à exprimer formellement ne peut échapper au contrôle de la substance. Martinet, sur ce point, n’a jamais été convaincu par ces arguments. Dans l’un de ses derniers écrits sur Hjelmslev, il continue toujours d’alléguer le même point de vue qu’on a développé ci-dessus à propos de la substance. Il s’agit donc d’un point de désaccord non parfaitement résolu entre Copenhague et Paris. Et pourtant cela ne les a pas du tout empêchés de porter au grand jour ces divergences. Martinet, à chaque fois qu’il a évoqué ses souvenirs avec Hjelmslev, insiste beaucoup sur cette grande amitié avec son collègue danois :

" À partir de 1935, j’avais suivi, avec une attention soutenue, l’élaboration de la théorie glossématique née de la collaboration de Hjelmslev et de Uldall. À ce contact, j’avais pu dégager les points sur lesquels ma propre pensée se distinguait de la leur et souvent s’y opposait. Je tiens à rappeler que, jusqu’à sa mort, Hjelmslev m’a constamment convié à faire valoir nos divergences dans le cadre même de son enseignement " (1997, 55).

58Dans le même texte Martinet va même jusqu’à reconnaître que sa grande découverte du principe de la double articulation lui a été inspiré par le maître danois :

" C’est là que je me reconnais une dette positive envers Hjelmslev. À la lecture de son texte, il m’est immédiatement apparu que les seules propriétés communes à ce que l’on s’accorde à appeler langues sont l’articulation à laquelle chacune d’entre elles soumet l’expérience, et, au-delà, celle à laquelle chacune des formes perceptibles correspondant aux produits de cette première articulation est soumise, à son tour, à une articulation en unités distinctives. On reconnaît là l’énoncé de la double articulation... " (ibid., 58).

59Nous croyons l’avoir suffisamment montré : le débat entre les deux hommes est vif, voire passionné. Mais il reste toujours empreint d’un désir, mieux : d’un effort de compréhension réciproque, qui exclut toute rupture et tout éclat. Martinet le dira explicitement, bien plus tard, en 1993, dans ses Mémoires d’un linguiste : nous lui laissons la parole pour conclure cette communication :

" En fait, ce n’est qu’avec les Danois que cesse ma solitude linguistique. [...] Avec (eux) il y a compréhension mutuelle, mais je prends presque sur-le-champ mes distances " (p. 259).

ANNEXE

60Nous reproduisons ici la réponse que Martinet fit, le 29 octobre 1946, à la longue lettre que Hjelmslev lui avait écrite en juillet, à la suite de la publication dans les BSLP du compte rendu de OSG :

6111, rue Monsieur, Paris VIIe

62Paris, le 29 octobre 1946

63   Mon cher Hjelmslev,

64Excusez-moi de ne vous avoir pas répondu plus tôt. Je suis rentré d’Amérique il y a quelques jours seulement et à New York mon temps a été terriblement pris, par IALA d’abord où mes fonctions de directeur scientifique ne sont pas une sinécure, et du fait de mes efforts pour ne pas perdre contact avec la linguistique proprement dite.

65Je suis heureux que mon article du BSL vous ait dans l’ensemble satisfait. En ce qui concerne l’influence de la phonologie sur vos idées et après les précisions que vous me fournissez, je serais tenté de dire que le battage phonologique a, par réaction, hâté l’éclosion de vos idées. La chose me paraît nette lorsque je relis vos Principes de grammaire générale. Je reste persuadé que le grand mérite de la phonologie praguoise a été de forcer tous les linguistes désireux de rester au courant à prendre position. Pour ma part, j’ai pris position du dedans, vous du dehors. J’apprécie pleinement la pensée de Sapir et celle de Jones, et je suis persuadé que Baudoin de Courtenay et son école étaient au moins aussi originaux que Troubetzkoy et les autres. Mais sans ces derniers je suis sûr qu’il n’y aurait pas de par le monde beaucoup de linguistes qui attendraient avec impatience la parution de votre glossématique. Le tam-tam a parfois du bon. Loin de moi d’ailleurs l’idée que les travaux proprement phonologiques n’ont pas de valeur scientifique. Je ne suis pas si modeste. Je reste phonologue parce que mon esprit est ainsi fait que votre façon de traiter de l’identité ne me satisfait pas théoriquement et que, dans la pratique, vous le reconnaissez vous-même, les gens fonderont toujours leurs recherches sur la substance phonique. Sur le plan du contenu, le recours à la substance me paraît dangereux et superflu aux stades initiaux. Ce que vous me dites de l’homonymie correspond exactement à mon enseignement. Je suis donc en théorie d’accord avec vous sur bien des points. Mais je sais par expérience que les gens les plus ouverts (Benveniste, par exemple) ne marchent pas et ne marcheront jamais complètement.

66J’ai revu avec plaisir Svatya et Roman Jakobson. Ce dernier qui voit partout des oppositions binaires, me trouve un peu trop troubetzkoyen en matière phonologique (et pourtant cf. BSL, comptes rendus) et hjelmslévien sur le plan du contenu, ce qui est tout de même inexact.

67Transmettez, je vous prie, mes amitiés à votre femme, et bien cordialement à vous.

68André Martinet.

69Réponse de Jeanne Martinet à Michel Arrivé et Driss Ablali :

70Il n’y a jamais eu de traduction française de Omkring Sprogteoriens Grundlggelse " dirigée " par André Martinet. À quoi Greimas fait-il donc allusion dans le passage que vous citez ? S’ils lui attribuaient la prétendue direction d’une telle traduction, pourquoi, à l’époque, Greimas et Ducrot n’ont-ils pris aucun contact avec lui à ce sujet ? Quel rôle a joué Togeby ? Lorsqu’est sortie la traduction de 1968, elle nous est en quelque sorte tombée du ciel et nous nous sommes demandé qui pouvait bien être ce " groupe de linguistes " curieusement anonymes. Je doute que Hjelmslev ait donné le feu vert avant sa mort. Je m’interroge parfois sur ce que penseraient les auteurs disparus des publications posthumes que l’on fait de leurs fonds de tiroir.

71Ce qu’il y a eu, ce qu’il y a encore, selon toute vraisemblance, c’est un jeu d’épreuves densément annotées. En effet, comme André l’a écrit, en mai 1953, deux jours avant notre départ pour la France, Louis Hjelmslev a débarqué à New York et est arrivé chez nous avec les épreuves d’une traduction française d’Omkring sous le bras. Très francophile, il en était fort joyeux, car c’était l’aboutissement d’un vœu très cher, et, je crois, fier, convaincu qu’il était de l’excellence du travail de Togeby qui était un très bon spécialiste de français. André s’est aussitôt attelé à la tâche, pour découvrir dès les premières lignes, l’étendue du désastre. Vu l’urgence, toutes affaires cessantes, il m’a chargée de lui lire à haute voix le texte français, tandis qu’il suivait l’original danois. Nous y avons passé nos quarante-huit heures, y compris la nuit entière. Les marges des épreuves noircissaient inexorablement. Travail sous pression : ce n’est pas deux jours, mais deux mois au moins qu’il aurait fallu. Seul un mot anglais me vient à l’esprit pour exprimer ce que nous éprouvions : crestfallen. Quand Hjelmslev est venu récupérer ses épreuves, André lui a montré ce qu’il en était. Ils ont eu une longue conversation que je n’ai pas suivie, car je bouclais les valises et mettais l’appartement en ordre pour nos sous-locataires de l’été. Il n’était plus question de laisser partir la traduction française à l’impression. André a convaincu Hjelmslev de se rabattre sur la traduction anglaise à peu près terminée, de Francis Whitfield. Ce jeune slaviste avait été nommé à Columbia, dans le département de slave, à l’automne 1952, et avait très vite pris contact avec André au sujet, précisément, de cette traduction. Frank, c’est ainsi qu’on s’adressait à lui, avait appris le danois pour lire Hjelmslev dans le texte. Une amitié de couple à couple s’est rapidement développée entre les Martinet et les Whitfield, nous étions presque voisins, et Frank et André ont discuté bien des fois des vues de Hjelmslev et des problèmes de traduction du danois à l’anglais. C’est André qui a suscité l’échange épistolaire entre Frank et Hjelmslev au cours de l’année académique 1952-1953. Ces deux derniers se sont retrouvés dans une même Summer Session, quelque part dans le Middle West – Ann Harbour ou Bloomington ? – et ont mis au point, ensemble, la traduction anglaise.

72Deux points de terminologie que j’aimerais examiner :

731 / Prolégomènes. André a intitulé sa présentation de Omkring..., dans le BSL 42, fasc. 1, 1946, p. 19-42, " Au sujet des Fondements de la théorie linguistique de Louis Hjelmslev ". C’est fondements qui traduit Omkring. Cela suggérerait, pour l’anglais, foundations. Or, ce terme figurait dans les titres d’ouvrages bien connus à l’époque, tels Foundations of the Theory of Signs, de Charles Morris, 1938, ou Foundations of Language, de Louis Gray, 1946, le prédécesseur immédiat d’André au département de linguistique générale et comparée, ouvrage recensé par Fernand Mossé dans le BSL 42, fasc. 2, p. 3. Est-ce la raison qui l’a fait écarter ? Il me revient des bribes de discussion entre André et Frank. C’est à ce dernier que revient la suggestion de Prolegomena, plus " accrocheur ", sans doute, et incontestablement plus original, car on ne l’associe guère à d’autres que Hjelmslev. Approuvé par lui, il a été repris pour la traduction française. Qu’avait proposé Togeby initialement ?

742 / Semiotic/sémiotique. J’ai été très surprise que soit attribuée à André la quasi-paternité de ce terme. De retour en France, il n’a jamais été question, avec Prieto, Mounin, entre autres, que de sémiologie, sémiologique. Mais s’agit-il bien de la même chose ? Où en était-on en 1953, à New York ?

75Semiotic est conforme aux formations anglaises en -ic et s’insère sans difficulté dans un paradigme phonetic, linguistic, syntactic, etc. Mais le terme n’apparait dans aucun des index d’auteurs tels qu’Ogden et Richard, Bloomfield, Gray. On le cherche en vain dans les dictionnaires courants de l’époque : le Thorndike Century Senior Dictionary, 1941, le Hornby Oxford Advanced Learner’s Dictionary of Current English, 1948, et toujours pas dans l’édition de 1974. Seul de ceux que j’ai pu consulter, A comprehensive etymological Dictionary of the English Language, de Ernest Klein (Elsevier, Amsterdam, Londres, New York, 1967, soit douze ans plus tard) présente : " semio- : the same as semeio-. " Suivent trois entrées, dont semeiotic, adj. : 1 / pertaining to signs ; 2 / pertaining to symptoms. Coined by the American logician and psychologist Charles Santiago Sanders Peirce... " En revanche, Morris recourt largement à ce vocabulaire : c’est son sujet. André l’avait lu attentivement et c’est de lui, je pense, qu’il tenait l’adjectif semiotic. L’a-t-il suggéré à Frank, ou se sont-ils mis d’accord sur le choix de ce mot et l’usage à en faire ? L’adjectif sémiotique a l’avantage de couvrir tous les systèmes de signes, langues et autres.

Bibliographie

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  • Hjelmslev L., 1937-1985, On the principles of phonematics, Proceedings of the Second International Congress of Phonetic Sciences, p. 49-54, puis Hjelmslev, 1985, p. 133-138.
  • Hjelmslev L., 1943-1993, Omkring Sprogteoriens Grundlggelse, Copenhague, Akademisk Forlag (1943), puis TCLC (1993).
  • Hjelmslev L., 1953, Prolegomena to a Theory of language, translated by Francis J. Whitfield, Baltimore, Indiana University Publications.
  • Hjelmslev L., 1968, Prolégomènes à une théorie du langage, traduit du danois par un groupe de linguistes, Paris, Minuit.
  • Hjelmslev L., 1971, Prolégomènes à une théorie du langage, traduit du danois par Una Canger, Paris, Minuit.
  • Hjelmslev L., 1971a, Introduction à la linguistique, in Essais linguistiques, Paris, Le Seuil, p. 17-28.
  • Hjelmslev L., 1971b, La stratification du langage, in Essais linguistiques, Paris, Le Seuil, p. 45-77.
  • Hjelmslev L., 1971c, Pour une sémantique structurale, in Essais linguistiques, Paris, Le Seuil, p. 105-121.
  • Hjelmslev L., 1985, Nouveaux essais, Paris, PUF.
  • Hjelmslev L. et Martinet A., Correspondance inédite, communiquée par Kenji Tatsukawa et Driss Ablali, 1992/5, Kps 26, Bibliothèque royale de Copenhague (Det Kongelige Bibliotek).
  • Martinet A., 1933, Remarques sur le système phonologique du français, BSLP, 34, p. 191-202.
  • Martinet A., 1936, Neutralisation et archiphonème, Travaux du cercle linguistique de Prague, 6, p. 46-57.
  • Martinet A., 1937, La phonologie du mot en danois, Paris, Klincksieck.
  • Martinet A., 1946-1985, Au sujet des fondements de la théorie du langage de Louis Hjelmslev, BSLP, 42, 1, p. 19-42, puis in Hjelmslev, 1985, p. 175.194.
  • Martinet A., 1985, Contribution à l’histoire des prolégomènes de Louis Hjelmslev, in C. Caputo et R. Galassi, Pratogora, 7-8 : Louis Hjelmslev, Linguistica, semiotica, epistemologia, Padova, p. 15-19.
  • Martinet A., 1993, Mémoires d’un linguiste, Paris, Quai Voltaire.
  • Martinet A. et Arrivé M., 1994, " Linguistes en contact ", entretien inédit.
  • Martinet A., 1997, Une relecture de Hjelmslev, in Zinna, Alessandro, Hjelmslev aujourd’hui, Turnhout, Brepols, p. 55-63.
  • Mounin G., 1970, Introduction à la sémiologie, Paris, Minuit.
  • Piotrowski D., 1979, Dynamiques et structures en langues, Paris, CNRS Éditions.
  • Rastier F., 1985, L’œuvre de Hjelmslev aujourd’hui, in C. Caputo et R. Galassi, Pratogora, 7-8 : Louis Hjelmslev, Linguistica, semiotica, epistemologia, Padova, p. 109-126.
  • Togeby K. (trad. 1953) Prolégomènes à une théorie du langage, Bibliothèque royale de Copenhague (1992/5, Kps. 109, 9/40, et Kps. 118, 9/40).
  • Uldall H. J., 1937, The phonematics of Danish, Proceedings of the Second International Congress of Phonetic Sciences, p. 54-57.
  • Uldall H. J., 1944, Speech and writing, Acta linguistica, IV, 1, p. 11-16.

Notes

  • [1]
    Cette correspondance constitue un ensemble de 28 lettres, 12 de Martinet à Hjelmslev, 16 de Hjelmslev à Martinet. Elles ont été conservées, après la mort de Hjelmslev, par son épouse Vibeke, puis, à la mort de celle-ci, déposées aux archives Hjelmslev, à la Bibliothèque royale de Copenhague. Comme on vient de l’apercevoir, la correspondance n’est pas complète : il manque parfois une lettre de Hjelmslev, et plus souvent une lettre de Martinet. Cet ensemble m’a été communiqué successivement par Kenji Tatsukawa et par Driss Ablali, ici présent. Je les remercie tous deux très chaleureusement. La longue lettre de Hjelmslev à Martinet des 20 mai - 18 juillet 1946, en réponse au long article de Martinet sur Omkring, m’avait été, longtemps avant, communiquée par Martinet lui-même. Elle est d’accès facile dans les Nouveaux essais de Hjelmslev, PUF, 1985, p. 195-207. Le reste de la correspondance est, à ma connaissance, inédit. Je reproduis à la suite de notre communication, la réponse de Martinet, en date du 29 octobre 1946, à la lettre de Hjelmslev des 20 mai - 18 juillet 1946.
  • [2]
    Le livre sera finalement publié en 1937 chez Klincksieck. Mais, dès 1936, Martinet aura publié dans les TCLP son article " Neutralisation et archiphonème ".
  • [3]
    J’avoue que je ne sais pas à quel type de fonction correspond, dans l’Université danoise de l’époque, ce titre anglais employé par Eli Fischer-Jrgensen, 1967, p. III. Sans doute quelque chose comme assistant ou maître assistant ?
  • [4]
    Il est en effet explicitement dit que des " symboles autres que des sons [par ex. des lettres, MA] peuvent être utilisés pour exprimer des phonèmes " (1937-1985, p. 135). On trouve là l’origine de la conception développée dans la suite par Uldall et Hjelmslev de l’indépendance réciproques des formes manifestées par les substances graphique et sonore (voir notamment Uldall, 1944, et Arrivé, 1983).
  • [5]
    En réalité, l’ouvrage comporte les noms des deux auteurs pour le titre Outline of Glossematics. Mais le sous-titre précise qu’il ne s’agit que de la Part I : " General Theory ", et que cette première partie est du seul Uldall.
  • [6]
    La mort de Brndal, le 14 décembre 1942, est survenue au début de la période de latence de la correspondance.
  • [7]
    C’est nous qui soulignons.
  • [8]
    A. Martinet, 1946, p. 19-42.
  • [9]
    Cf. K. Togeby, 1953.
  • [10]
    Cf. G. Mounin, 1970, p. 95-102.
  • [11]
    L’identité de ce groupe de linguistes, restée inconnue, est mentionnée dans les archives L. Hjelmslev. Ont participé à cette traduction, à côté des trois noms cités ci-dessus, les linguistes suivants : Gunnar Bech, Eli Fischer-Jrgensen, Jens Holt, Michel Holger Sten Srensen et Jane Rnke.
  • [12]
    Il faut lever ici une autre ambigu ïté et souligner que s’il est vrai que le terme danois " sprog " désigne aussi bien " langage " que " langue ", il faut rappeler qu’un autre terme danois, à savoir " talesprog ", désigne lui aussi la langue.
  • [13]
    Word 10, 1954, p. 163-188.
  • [14]
    Pour plus d’informations, cf. Hjelmslev, 1971b, p. 46-47.
  • [15]
    Hjelmslev, 1971b, p. 17-28.
  • [16]
    Nous voulons dire l’entrée en scène dans les Prolégomènes, car ces concepts, comme nous l’a rappelé S. Badir dans une lettre personnelle, sont employés par Hjelmslev en français dès 1943, dans " Langue et parole ", article où il donne en outre leur équivalent en danois " sprogbygning " et " sprogbrug ", respectivement en français " schéma " et " usage ".
  • [17]
    Cf. L. Hjelmslev, 1971b, p. 17-28.
  • [18]
    " ... Hjelmslev apparaît comme le véritable, peut-être le seul continuateur de Saussure qui a su rendre explicites ses intuitions et leur donner une formulation achevée ", in Hjelmslev, 1966, p. 12.
  • [19]
    Cf. M. Arrivé, 1985.
  • [20]
    " Dans la pratique, la métasémiologie est identique à la description de la substance " (L. Hjelmslev, 1971, 156).
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