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Article de revue

L’urbanisation subalterne en Inde

Pages 37 à 61

Notes

  • [1]
  • [2]
    Voir par exemple l’entretien d’Olivier Bouba-Olga (https://www.habiterlaville.fr/lavenir-nappartient-pas-aux-seules-metropoles/) ou ses travaux, ainsi que ceux de Michel Grossetti.
  • [3]
    World Urbanization Prospects 2018, United Nations.
  • [4]
    World Population Prospects 2018, United Nations.
  • [5]
    Les aires d’influences considérées varient selon la taille de l’agglomération prise en compte : entre 500 000 et 100 000 le radius est de 5 kilomètres ; de 100 000 à 500 000 il est de 10 kilomètres ; de 500 000 à 1 million il est de 15 kilomètres ; de 1 à 4 millions de 20 km ; plus de 4 millions de 25 kilomètres.
  • [6]
    Malgré son succès, le secteur des TIC n'emploie que 3 millions de personnes sur une population active estimée à 580 millions. Cette économie métropolitaine illustre le phénomène de la croissance sans emploi qui caractérise l'Inde depuis le milieu des années 2000. En outre, ce secteur est désormais touché par l'automatisation et le cloud computing.
  • [7]
    Pour une introduction de l’émergence de « méta-agglomérations » en Inde, voir Perez et al. (2018).

Introduction

1L’urbanisation de la planète est aujourd’hui un fait largement connu mais peu de personnes ont conscience qu’un citadin sur dix dans le monde vit en Inde. L’Inde est un contributeur majeur d’une transition urbaine qui n’a pas seulement lieu dans les très grandes métropoles que sont Delhi, Mumbai, ou encore Bengaluru. En effet, 90 % des villes du sous-continent comptent moins de 100 000 habitants et accueillent plus de 40 % de la population urbaine. Autrement dit, les petites villes constituent le cadre ordinaire de vie d’environ 135 millions de personnes.

2Notre propos vise donc à attirer l’attention sur l’importance de prendre en compte le système de villes indien dans son entièreté, en incluant aussi l’échelon constitué d’une myriade de gros villages en transition. Il s’agit de construire une vision élargie du processus mondial d’urbanisation qui va au-delà de l'attention massive accordée à ses plus grandes métropoles. En outre, l’étude des dynamiques des petites villes qui ne cessent de se développer s’impose pour appréhender le monde urbain de demain en Inde, mais aussi au-delà. Nous chercherons à montrer que ces petites villes sont animées par des logiques propres et des capacités d’adaptation aux incertitudes croissantes de nos environnements interconnectés et fragilisés.

3L’engagement de l’Inde dans un processus de libéralisation de son économie et d’intégration dans les réseaux marchands et productifs asiatiques et mondiaux a été en partie porté par ses grands centres urbains. Pourtant, la prise en compte des petites villes apporte des connaissances nouvelles sur les modalités d’urbanisation et sur la diversité des processus d’insertion dans l’économie mondiale. Notre article qui a pour objectif de dévoiler des facettes moins connues des mutations en cours s’appuie sur un ensemble de données empiriques originales mais il a l’ambition de contribuer à nourrir les enjeux théoriques contemporains. Ces données sont issues d’une recherche collective et pluridisciplinaire menée entre 2010 et 2014 [1]et en collaboration avec des collègues indiens. La combinaison d’approches quantitatives et d’enquêtes de terrain dans une quarantaine de localités (Denis et Zérah, 2017) produit des résultats qui invitent à nuancer les notions de convergence urbaine et d’urbanisation planétaire (Brenner et Schmid, 2011). La mise en évidence d’un bourgeonnement de transitions locales dans des villages, qui se transforment en petites villes du fait d’une diversification de leurs activités, de spécialisations hors du secteur agricole et de la mise en réseau de leurs capacités productives, est peu présente dans la compréhension de cette planétarisation de l’urbain même dans ces versions les plus récentes (Brenner, 2018 ; Schmid, 2018). Ces résultats nous invitent alors à avancer l’idée d’une urbanisation subalterne afin de sortir de leur invisibilité, institutionnelle et académique, les capacités à entreprendre, à s’adapter et à innover qui émanent de ces localités (Mukhopadhyay, Zérah, Denis, 2020).

4Notre approche s’inscrit dans un mouvement plus large de renouveau des travaux qui mettent en avant le dynamisme actuel des petites villes tant en Asie (Milhaud, 2017 ; Sanjuan et Fayolle Lussac, 2017 ; Zhu, 2000 ; Qian and Tang, 2018), qu’en Afrique (Bryceson, 2011 ; Hilgers, 2012 ; Lazaro et al., 2018 ; Giraut et Moriconi, 1991 ; Denis et Moriconi, 2009) ou en Amérique latine (Berdégué et al., 2018 ; Michel et Ribardière, 2016) tout autant qu’en Europe et en Amérique du Nord (Bell et Jayne, 2006 ; 2009). Les petites villes redeviennent un objet d’étude après avoir été éclipsées durant la phase de libéralisation et de globalisation des économies qui a mis l’accent sur le rôle central des régions métropolitaines et des villes globales au point de construire un important biais d’analyse. À cet égard, la réouverture récente du débat sur la place des petites villes dans l’économie française souligne le besoin d’une réflexion renouvelée sur l’aménagement des territoires [2]. La « métrocentricité » qui a servi d’argumentaire pour concentrer les investissements en infrastructure dans les plus grandes villes a fortement influencé les politiques dans les villes du Sud (Bunnell et Maringanti, 2010) et les politiques urbaines en Inde n’ont pas dérogé à cette tendance structurelle (De Bercegol, 2015).

5Cet article est structuré en plusieurs parties. La première prend le temps de présenter les grandes tendances de l’urbanisation récente de l’Inde. Elle met en évidence le poids croissant des petites villes qui remet en question les fondements d’un biais métropolitain et la présupposition d’une convergence des trajectoires d’urbanisation. Une deuxième partie pose les jalons d’une typologie des petites villes indiennes. On se propose de définir quatre types de localités qui se distinguent par la diversité dans leurs trajectoires économiques et sociales ainsi que dans leurs modalités d’articulation aux systèmes de villes et au monde. Enfin, nous proposons des pistes pour envisager plus avant le devenir et l’opportunité que constitue la consolidation de cette urbanisation diffuse dans un contexte d’incertitude et de vulnérabilité croissantes.

L’émergence des petites villes ou l’urbanisation in situ

6L’urbanisation de l’Inde est lente comparée à celle de l’autre géant asiatique, la Chine. Officiellement le taux d’urbanisation du sous-continent s’établit à 34 % en 2020 contre 61 % pour la Chine [3], malgré un taux annuel de croissance deux fois plus élevé en Inde (respectivement 1,04 % contre 0,64 % par an durant la période 2015-2020) [4]. Le moment de divergence de ces trajectoires se situe dans les années 1990 lorsque les deux économies choisissent des modalités différentes de libéralisation économique même si elles placent toutes deux les villes au cœur de leurs politiques de croissance. Le niveau d’urbanisation était alors de l’ordre de 25 %. En Chine, tout s’est accéléré, de nombreuses localités ont été renommées comme unités urbaines alors que les migrations résidentielles vers les villes et les usines devenaient massives. En Inde en revanche, la reclassification des localités a été lente et les départs des campagnes sont restés limités. Ces derniers continuent de l’être dans la période récente. L’exode rural structurellement faible contribue depuis trente ans à un cinquième de la croissance urbaine, quand la croissance naturelle compte encore pour 38 % (alors que sa contribution à la croissance urbaine est quasi-nulle en Chine). Deux autres composantes nourrissent l’essor de l’urbain, l’expansion des limites des grandes agglomérations et le reclassement de localités rurales en localités urbaines. Ce dernier facteur a compté pour près de 30 %, lors de la dernière période censitaire entre 2001 et 2011 (voir figure 1).

7À l’échelle nationale, l’absence d’un exode rural marqué contribue à la convergence des taux annuels de croissance démographique des localités urbaines quelle que soit leur taille - elles ont toutes la même chance de croître. Un biais sensible en faveur des plus grandes agglomérations n’apparaît qu’à partir du moment où nous prenons en compte les promotions de classe de taille des villes, avec des localités qui deviennent plus peuplées entre chaque recensement. À classe constante de 2011, leur croissance converge ; elle n’a de cesse de se réduire et de s’aligner (Tableau 1).

Tab. 1

Taux annuel de croissance démographique des unités urbaines

tableau im1

Taux annuel de croissance démographique des unités urbaines

Note : La classe IA comprend les villes qui dépassent 5 millions d’habitants, la classe IB celles dont la population est comprise entre 1 et 5 millions, la classe IC entre 100 000 et 1 million. Les autres villes ont une population comprise entre 50 000 et 100 000 (classe II) et entre 20 000 et 50 000 (classe III).
Sources : recensements de la population (1971, 1981, 1991, 2001, 2011)

8Néanmoins, entre 2001 et 2011, le nombre de villes est passé de 5 162 à 7 933, soit 2 771 de plus en dix ans. Mais, l'essentiel de ce reclassement provient d'une catégorie spécifique, celle des Census Towns à hauteur de 91 %, soit 2530 localités. Le rôle de cette urbanisation subalterne continuera de croître puisqu’il est estimé que pas moins de 2030 Census Towns seront encore ajoutées au nombre total de villes indiennes en 2021 (Roy et Pradhan, 2018).

Fig. 1

Les déterminants de la croissance urbaine en Inde (1971-2011)

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Les déterminants de la croissance urbaine en Inde (1971-2011)

Sources : recensements de la population (1971, 1981, 1991, 2001, 2011)

9Cette catégorie pèse dans l’urbanisation indienne et mérite que l’on s’attarde sur sa définition et ses caractéristiques. Les Census Towns sont des villages qui remplissent trois critères : la population en vient à dépasser 5 000 habitants avec une densité supérieure à 400 habitants par kilomètre carré et 75 % des hommes actifs travaillent hors de l’agriculture. Elles se distinguent des Statutory Towns car elles restent sous le contrôle de l’administration rurale. D’un point de vue administratif, ce sont donc des villages contrairement aux villes statutaires qui ont un statut de collectivité locale urbaine. Dans la fédération indienne, leur requalification en villes statutaires dépend de critères juridiques et de choix politiques qui varient selon les gouvernements régionaux. Par exemple, au Pendjab, il suffit qu’une localité atteigne 5 000 habitants pour pouvoir prétendre devenir une Municipal Corporation, alors qu’au Bengale-Occidental ce seuil est fixé à 30 000 habitants. Mais ces décisions sont aussi tributaires d’autres calculs car le passage de Census Towns à Statutory Towns donne accès aux programmes de développement urbain tout en impliquant de nouveaux régimes de taxes, notamment sur le foncier bâti, et la perte des programmes de développement rural. Il existe donc une vraie économie politique de la reclassification (Mukhopadhyay, Zérah et Denis, 2020).

10La distribution de ces Census Towns recoupe aussi des structures régionales marquées : les localités en voie d’urbanisation sont en effet très nombreuses et en forte croissance dans le Sud de l’Inde là où l’urbanisation est diffuse en particulier au Kérala (+346 en 2011) et au Tamil Nadu (+271) et, d’autre part, dans les états très peuplés, denses et pauvres, comme le Bihar et l’Uttar Pradesh (+206). Le Bengale-Occidental expérimente une transition urbaine accélérée avec une promotion record de 526 Census Towns en 2011 qui tient autant à l’expansion de l’aire métropolitaine de Kolkata qu’au bourgeonnement de localités rurales en transition en lien avec l’essor de l’agro-industrie que des activités minières, comme c’est aussi le cas au Jarkhand voisin.

Fig. 2

Part de la population active pleinement employée hors agriculture dans la population totale en 2011

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Part de la population active pleinement employée hors agriculture dans la population totale en 2011

Source : recensement 2011

11Ainsi se dessine une géographie régionale différenciée des raisons de l’essor des petites villes en Inde comme le souligne la carte sur la part des actifs hors agriculture pleinement employés. En Inde du Sud, en particulier au Tamil Nadu, se dégagent des clusters de petites villes à forte intensité de main-d’œuvre qui s’opposent aux localités du Nord-Est où la part d’actifs est beaucoup plus limitée quelle que soit leur taille. On observe ici que l’intensité de l’emploi local ne répond pas à une loi d’échelle relative à la taille démographique des localités, mais renvoie à des géographies économiques plus complexes et fortement régionalisées.

12Le Nord-Est se distingue en revanche par le poids dans la population active des travailleurs marginaux (figure 3), c’est-à-dire des gens qui déclarent avoir travaillé moins de 6 mois dans l’année. Elle reflète largement le poids des travailleurs saisonniers et migrants dans l’économie de ces régions gangétiques et des piémonts himalayens. L’émergence des petites villes, comme nous le préciserons dans la seconde partie de cet article, est donc le reflet de modalités d’insertion et de transition économique locale contrastées entre l’implantation croissante d’établissements productifs dans les services et l’industrie dans les petites villes proches des métropoles ; en grappes dans certains États où la transition hors de l’agriculture est avancée ; ou encore avec une forte dépendance aux revenus des travailleurs migrants dans les régions encore fortement dominées par les activités agricoles.

Fig. 3

Part de travailleurs marginaux dans le total des actifs en 2011

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Part de travailleurs marginaux dans le total des actifs en 2011

Source : recensement 2011

13De prime abord, on pourrait penser que cette multiplication des localités en voie d’urbanisation s’explique simplement par l’expansion des aires urbaines et des grandes régions métropolitaines, ou par les investissements dans les grands corridors de développement. Mais ce n’est pas le cas et guère plus de la moitié des Census Towns sont situées dans la périphérie des grandes villes (Roy et Pradhan, 2018) [5]. Les autres participent d’une urbanisation diffuse, localisée loin de l’influence directe des grandes agglomérations : deux tiers d’entre elles sont regroupées en grappes quand le dernier tiers est constitué de localités davantage isolées. Leur localisation est aussi en partie corrélée à la proximité d’une route nationale.

14Un autre moteur de développement commun à tous les types de petites villes est l'économie foncière. Elle sous-tend le financement de la transition urbaine, en particulier dans les États les plus développés, et dans un contexte de faible accès au réseau bancaire institutionnel et au crédit. La conversion rapide et extensive de terres, souvent fertiles, en propriétés résidentielles, en établissements d'enseignement et en usines, et comme garantie d'accès aux prêts, soutient la monétisation et la diversification des économies locales, comme en témoignent d'autres travaux récents sur les urbanismes agraires asiatiques (Roy, 2016 ; Gururani et Dasgupta, 2018).

Quatre idéaux-types de localités

15L'urbanisation de l’Inde est donc caractérisée en grande partie par une transformation des établissements humains sur eux-mêmes, ou « un morphing » des lieux qui brouille les frontières entre l’urbain et le rural. Il s’agit maintenant, dans un second temps, de montrer que cette urbanisation subalterne doit être pensée en termes de configurations. Pour établir une typologie, nous prenons en compte différents facteurs, à savoir la multiplicité des processus économiques, les caractéristiques institutionnelles et la transition sociale en cours. La diversification des sources de revenus, le multi-emploi, et la diversité croissante de la population et de ses aspirations produisent des configurations variées. On en définit quatre principales mais il est important de noter que ces quatre idéaux-types existent rarement sous une forme pure et que des chevauchements entre catégories sont possible. Malgré l’écueil évident de toute typologie, nous défendons l’idée qu’elle permet de fournir une description des différentes voies d'une urbanisation complexe.

16Cette nomenclature non hermétique contient quatre grands types : a) des localités « sous influence » incorporées à la métropole et à la grande ville ; b) des « micropolis », petites villes entrepreneuriales, résilientes et innovantes ; c) des petits bourgs marchands ou administratifs ; et d) des sites urbains émergents, grands et gros villages qui s'étendent et se développent en s’éloignant des activités agricoles.

Les localités sous influence

17Une première catégorie plus traditionnelle, la « ville sous influence », concerne un certain nombre de localités qui se développent et dont l’occupation des sols se modifie en raison de la diffusion et de la relocalisation des activités économiques dans les périphéries des grandes villes, qui sont elles-mêmes dans une phase d'expansion rapide. La libéralisation économique et les investissements étrangers accélèrent ce processus de diffusion, qui conduit à un amalgame hétérogène d'investissements dans les infrastructures, les projets immobiliers, les parcs commerciaux, industriels et les établissements d'enseignement. Ces projets ceinturent ces petites villes qui, à leur tour, deviennent des lieux centraux.

18L'État peut être impliqué dans l’assemblage de foncier, la fourniture d'infrastructures et le développement de parcs industriels. La transformation urbaine de ces localités dépend de leur attractivité vue en termes d'accessibilité et de localisation (nouvelles routes, transports en commun, etc.). D'autres facteurs tels que le coût du foncier, la tolérance de la population locale et des agences de régulation à la pollution, et la disponibilité d'une main-d'œuvre disposée à accepter des conditions de travail souvent caractérisées par des bas salaires, des contrats journaliers et un faible niveau de syndicalisation, structurent également la croissance de ces périphéries. Dans ce cas, la capacité des acteurs locaux est limitée et la faiblesse structurelle des collectivités locales est même un facteur d’attractivité. Mais cela n'enlève pas la possibilité d'obtenir un contrôle substantiel sur le site. C'est le cas, par exemple, à Dharuhera, située sur l'autoroute entre Delhi et Jaipur, où de puissants propriétaires terriens locaux ont lancé différents types d'entreprises pour valoriser leurs actifs fonciers. Ils ont mis en œuvre des partenariats avec de grands promoteurs, fait des arrangements avec la communauté traditionnelle des commerçants pour créer de nouveaux marchés et développer de petits projets de logement pour héberger les migrants et la population plus pauvre (Zérah, 2017). Cette élite locale démontre sa capacité à naviguer dans différentes positions et à orienter les investissements en réponse aux besoins des populations. Ce processus va de pair avec les grands investissements immobiliers plus documentés et visibles des grands promoteurs et des fonds de pension (Rouanet et Halbert, 2015).

19Deuxièmement, la faible application des réglementations environnementales et d'aménagement dans les zones périphériques devient un avantage. Face à la rareté de grands terrains dans les grandes villes, une grande partie des investissements liés à la mondialisation, y compris des mégaprojets tels que les zones économiques spéciales (ZES), se déporte dans ces zones périurbaines. Les activités banales et polluantes sont déconcentrées vers ces petites villes périphériques et dans des parcs industriels, avec l’aide de décisions de justice exigeant l'application de la législation environnementale dans les centres-villes. Au fil du temps, cependant, ces projets et l'appétit foncier des promoteurs immobiliers peuvent déstabiliser des grappes d'activités florissantes qui dépendent d'une main-d'œuvre intensive, de savoirs professionnels hérités et d’un capital financier local. C’est ce qu’illustrent de Bercegol et Gowda (2017) dans le cas de l’industrie du meuble de Kartapur, dans la périphérie de Ludhiana, située sur l’axe historique de la Grand Trunk Road qui reliait l'Afghanistan au Bangladesh jusqu’à la partition. Cette activité a su s’adapter à la transformation des aspirations des consommateurs et des nouvelles chaînes de production mais elle se voit menacée par le schéma directeur qui vise à absorber cette localité pour en faire une banlieue résidentielle de Ludhiana. Une même logique menace l'industrie maritime à Malpe, au Karnataka sur la mer d'Oman (Benjamin, 2017), qui est liée aux marchés du Pacifique.

20Le troisième facteur de transformation des villes sous influence concerne leur attractivité pour la résidence de travailleurs qui se déplacent au quotidien pour rejoindre des pôles d’emplois distants. Ces résidents stimulent le marché de la construction et la diversification de l’offre de services et des commerces, ainsi que l’élargissement de l’offre scolaire. C’est une composante importante du dynamisme de certains sites autour des nœuds métropolitains. La mobilité pendulaire de nombreux navetteurs et l’arrivée de nouveaux résidents accompagnent la diversification des économies et altèrent les équilibres politiques locaux. Les jeunes des petites villes, notamment ceux qui ont accès aux collèges techniques, sont également plus mobiles. Cette circulation quotidienne tend à s'ajuster à mesure que les grandes entreprises délocalisent leurs usines et leurs bureaux dans des parcs périphériques. L’orientation des migrations pendulaires tend même à s’inverser dans les plus grandes métropoles : les habitants du centre-ville se déplaçant désormais vers la périphérie pour rejoindre leur travail, avant qu’ils ne décident, éventuellement, d’investir dans un projet immobilier plus proche de ces pôles d’emplois. Ces dynamiques d’emplois se traduisent aussi par la construction de véritables immeubles dortoirs pour les ouvriers des usines et les travailleurs migrants.

La Micropolis

21En dehors de l'influence directe des métropoles, il existe de nombreuses petites villes dynamiques. Cela est dû à un réseau solide et, souvent, en pleine expansion, d'entrepreneurs et de travailleurs qualifiés qui contribuent au développement de grappes industrielles. Ils sont capables d'élargir leur marché, de s'adapter, d'innover et éventuellement d'exporter dans des circuits internationaux éloignés. Les petites et moyennes villes peuvent constituer des lieux intéressants pour implanter et développer des activités productives répondant notamment à l'immense demande constituée par la grande majorité des familles indiennes qui n'appartiennent pas à la classe urbaine moyenne et supérieure. Dans ces lieux, les entrepreneurs innovent pour créer des produits à bas prix qui répondent aux spécificités de l'environnement non métropolitain avec des équipements solides et rustiques, faciles à utiliser et à réparer en utilisant les compétences locales. Les activités de réparation sont d’ailleurs un secteur important dans ces localités en transformation rapide mais relativement pauvres. C'est l'environnement des innovations frugales, du « jugaad » (Radjou et al., 2012), et de la rétro-ingénierie axée sur les besoins des utilisateurs finaux et de circuits translocaux de connaissances, de compétences et de capitaux qui permettent aux entrepreneurs de faire plus avec moins. Ces produits innovants, notamment les véhicules de transport collectif ou agricole adaptés aux mauvaises routes et aux conditions météorologiques difficiles, ne trouvent pas seulement des clients en Inde ou même dans la région. Certaines petites entreprises parviennent à exporter vers d'autres marchés émergents à faible coût comme l'Afrique. Un exemple est une localité comme Tiruchengode (Tastevin, 2017) dans le Tamil Nadu, où les entrepreneurs se réinventent constamment au fil des décennies, adaptant leurs efforts à la demande locale, ainsi qu'aux transformations du marché mondial. Le Tiruchengode d'aujourd'hui excelle dans l'industrie des véhicules de forage. Les entreprises de la ville sont en mesure de vendre leurs camions rustiques et à bas prix vers l'Afrique où leur adaptation aux besoins locaux est appréciée, en particulier la facilité de réparation et d'entretien. Ces constructeurs ont développé la capacité de satisfaire les marchés négligés par les grands constructeurs européens et américains de camions, qui produisent des véhicules trop sophistiqués et trop chers.

22Souvent, certaines de ces villes ne se développent pas de manière isolée mais font partie d'un groupe de petites villes, qui se spécialisent conjointement dans un secteur. C'est également le cas pour des activités plus traditionnelles, telles que les industries du textile ou du cuir, qui s'intègrent dans des chaînes de valeurs mondiales. Dans tous les États indiens, ces petites et moyennes villes sont florissantes, grâce à leurs traditions artisanales, à leur capacité de concevoir et de développer des produits à bas prix. Ces produits sont adaptés aux besoins relativement frugaux d'une population non métropolitaine en transition qui génère un environnement en voie d’urbanisation. Ici, comme dans le district de Tiruppur dans le Tamil Nadu, le prix très bas de la main-d’oeuvre, une réglementation du travail très favorable aux industriels et le faible contrôle de la pollution des eaux pour les teintureries sont les moteurs qui permettent à ce secteur d’obtenir des marchés auprès des donneurs d’ordres européens ou nord-américains face à la concurrence en provenance du Bangladesh ou du Vietnam, parfois avec l’intermédiation d’un grand groupe textile chinois qui délocalise son appareil de production pour faire face à l’augmentation des salaires en Chine. Il en résulte des villages qui tendent à s’agglomérer en de vastes conurbations où se mêlent sur des kilomètres une agriculture résiduelle et des terres en friche entrecoupées de nombreux terrains où sont érigés des dortoirs pour les ouvriers et les ouvrières migrants ou des unités de production.

Bourgs marchands

23Moins vibrantes que ces micropolis, mais en transformation rapide parce que leur environnement est impacté par la croissance économique significative de l’Inde et la demande en hausse de services et de biens des consommateurs-habitants locaux et de leur hinterland, les villes spécialisées dans le commerce ou « mandi towns » développent leur offre. Elles se diversifient. Ces bourgs marchands sont souvent aussi des pôles administratifs, des chefs-lieux de district notamment. Ils participent d’un maillage fonctionnel ancien et ils ont un statut officiel de collectivité urbaine. La plupart de ces petites villes existaient déjà à l’indépendance ou ont émergé depuis avec le renforcement de la trame administrative qui a accompagné la croissance démographique. En fonction de leurs responsabilités administratives (présence d’un tribunal, d’un commissariat de police, ou des services du district commissionner, etc.), du dynamisme de l'agriculture locale, et des possibilités d’essor d’une industrie agro-alimentaire, elles sont plus ou moins dynamiques.

24Ces villes répondent aussi aux besoins des zones rurales de leur arrière-pays et à l'évolution rapide des modes de consommation. Les marchés locaux ou bazars, qui sont au centre de l'économie quotidienne, bénéficient de niveaux de connectivité plus élevés et de meilleures possibilités de transport. Certaines de ces implantations peuvent également bénéficier d'investissements extérieurs dans leur région, comme le projet routier à Erein, Odisha ou l'hôpital public et le collège de Bishnugarh, Jharkhand (Mukhopadhyay et al., 2016). L'économie du bazar bénéficie d'une demande croissante de biens de consommation diversifiés dans les zones rurales, tirée par la hausse des revenus. Si peu de ces biens sont produits localement, leur chaîne d'approvisionnement logistique, rendue possible par un meilleur transport, génère des emplois locaux et peut entraîner une transition vers l'agro-industrie.

25Comme l'emploi agricole est en déclin, les gens doivent générer des revenus alternatifs. C'est ainsi que ces mandi towns, tout comme la quatrième catégorie des localités ordinaires, se diversifient à mesure que des propriétaires fonciers ou des travailleurs migrants investissent leur capital dans des boutiques, que des tâcherons deviennent travailleurs journaliers dans la construction ou pour des fours à briques. La création locale de richesse n’est généralement pas suffisante et de nombreuses familles y vivent des remises d’un ou plusieurs membres partis travailler dans un autre état, une autre ville. En retour, leurs envois de fonds stimulent la transformation de leur localité d'origine.

Localités ordinaires et émergentes

26Cette diversification des activités comme l’expansion et le renouvellement du bâti se produit aussi dans les Census Towns et de nombreux grands villages. Leur processus de transformation est comparable aux localités décrites précédemment, mais elle ne s’appuie pas sur une urbanité reconnue administrativement, celle des Statutory Towns. Leur émergence n'est donc pas soutenue par la présence d'une élite locale liée à la présence d'un marché, de fonctions éducatives ou administratives. Ces zones urbaines émergentes, plus petites que les bourgs mentionnés ci-dessus, se consolident et se diversifient en raison de la nécessité de servir une population qui ne trouve plus suffisamment de revenus dans l'agriculture et les emplois connexes et du besoin de cette population d'accéder à des ressources minimums par l’auto-emploi, la location journalière de leur force de travail et leur mobilité. Ces agglomérations sont donc souvent aussi des plaques tournantes du transport local, grâce à l'amélioration des routes rurales et à l’ouverture significative du financement des véhicules en leasing par les banques officielles. Outre ces activités de construction et de transport, trois autres activités communes sont les services liés aux téléphones portables (vente et recharge de cartes SIM, chargement de matériel multimédia, vente et réparation d'appareils, etc.). Ces nouvelles activités stimulent l’auto-emploi et laissent entrevoir un glissement vers un urbanisme post-agraire se produisant dans des sites largement ignorés par la recherche et la théorie urbaines (Mukhopadhyay et al., 2016).

27Plus que d’autres localités en voie d’urbanisation, ces grands villages constituent des lieux d’urbanisation ordinaire ou une grande majorité des habitants et des familles doivent composer avec la pauvreté et les difficultés au quotidien d’accès aux ressources, à la santé ou à l’éducation. Ils y bénéficient des solidarités familiales et d’un coût de la vie moindre que s’ils avaient migré dans une grande ville où, malgré leur polarisation des richesses, les opportunités d’emplois non qualifiés sont réduites et précaires.

Des petites villes dans et pour un monde incertain

28La diversité des modalités d’urbanisation hors des métropoles étant établie, cette section revient à une analyse plus structurelle à l’échelle nationale. Tout d’abord, d’un point de vue économique, dans le contexte du système des villes à l’échelle du sous-continent, les lieux d'investissement priorisés sont déterminés en fonction de la perception des possibilités de rendement et de la maximisation du profit, plutôt qu’en prenant en compte une répartition socio-spatiale équitable des services (publics), des moyens et des richesses. Si une sensible polarisation métropolitaine des investissements publics et privés prévaut, les reclassifications censitaires reflètent aussi une transition économique portée par des petites localités où les activités agricoles ne sont plus dominantes. Cela rejoint les analyses qui montrent que plus de la moitié de la plus-value industrielle est désormais réalisée dans les zones rurales (Ghani et al., 2012). Ces dernières accueillent de plus en plus d’établissements industriels mais aussi des services, dont des plateformes logistiques et des centres de gestion informatique, ainsi que la plupart des très nombreux nouveaux collèges universitaires privés. La croissance urbaine est de plus en plus la résultante de ce glissement global des activités productives en milieu rural qui accompagne l’expansion et le renouvellement rapide du bâti. En effet, la construction y devient d’ailleurs un secteur d’activité important (Chatterjee, Murgai et Rama, 2015) avec celui des transports qui assurent les interconnexions, le flux des marchandises et les mobilités quotidiennes à l’échelle des cantons, deux secteurs très pourvoyeurs d’emploi.

29Ainsi, d’autres logiques économiques alimentent l'expansion de l'urbanisation dispersée et in situ, soutenant l'émergence économique des petites villes. Des investisseurs de différentes origines, locaux, régionaux et étrangers, se rencontrent dans les petites villes. Ces lieux où les travailleurs acceptent de bas salaires, où se renouvellent des réserves de compétences et où le capital agraire peut être mobilisé sont attractifs. Les petites villes constituent des lieux où les terres sont moins onéreuses, et leur usage moins maîtrisé en pratique. Ces conditions sous-tendent les interconnexions horizontales entre les sites de production et la redistribution des activités à forte intensité de main-d'œuvre le long de telle ou telle chaîne de valeurs à l’échelle d’une région, de l’Inde ou de l’Asie. Les programmes d’investissements publics et privés dans les infrastructures routières ainsi que dans les réseaux d’électricité, de téléphonie et d’internet mobiles ont aussi réduit l’enclavement des campagnes, rendant ces localités plus attractives pour des compagnies qui recherchent des implantations moins coûteuses, moins contraignantes en matière de pollution et donnant accès à une main-d’œuvre moins chère et moins syndiquée.

Fig. 4

L’émergence d’une région urbaine horizontale dans le Sud de l’Inde (Tamil Nadu)

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L’émergence d’une région urbaine horizontale dans le Sud de l’Inde (Tamil Nadu)

Fig. 5

L’émergence d’une région urbaine horizontale dans le Sud de l’Inde (Tamil Nadu)

figure im6

L’émergence d’une région urbaine horizontale dans le Sud de l’Inde (Tamil Nadu)

30On assiste ainsi à l’émergence de vastes régions urbaines horizontales, portées par des flux socio-économiques complexes, à l’instar de l'agglomération multipolaire émergente Coimbatore-Tiruppur-Erode (figure 4). Ce paysage fonctionnel regroupe entre Coimbatore et Erode une population équivalente à celle de la région métropolitaine de Chennai : environ 8,5 millions d'habitants. Il comprend des grappes industrielles bien établies, ainsi qu'une myriade de Census towns et de villages. Coimbatore est un centre majeur de production de machines-outils et, depuis peu, un centre émergent dans l'industrie du logiciel (deux ZES ont été mises en place pour le soutenir). Le long de la route nationale, dans les petites villes et les villages, une série de collèges techniques et d'universités privées se développent rapidement. Le cluster de Tiruppur, anciennement constitué de cinq villages assemblés en une corporation municipale depuis 2008 seulement ainsi que la ville de Tiruchengode font partie de cet ensemble urbanisé.

31Ensuite, c'est principalement parce que ces localités restent des villages d'un point de vue administratif, qu’elles attirent les investissements industriels : les verrous réglementaires y sont facilement contournés, voire soutenus par les acteurs régionaux et les agences de développement para-étatiques ; les assemblages de terrains y sont aisément négociés, souvent avec la connivence des castes dominantes locales. Dans une certaine mesure, leur invisibilité dans les politiques territoriales sert le développement économique de nombreuses petites villes, même, et surtout si, ce développement s’appuie sur de fortes inégalités. Certes le désintérêt des autorités publiques pour les petites villes est préjudiciable dans la mesure où une part importante de la population y vit dans des conditions de pauvreté et de dénuement que des investissements publics de base permettraient de réduire, mais cette absence de justice spatiale assure l’attractivité de ces localités « moins-disantes ». En dehors des NTIC, qui ne pèse pas si lourd en termes d’emploi, [6] l’attractivité de l’Inde est en effet portée par ses avantages comparatifs en termes de faibles coûts de main-d'œuvre, d’une législation du travail très favorable aux entreprises et de contrôles environnementaux très limités.

32Cette négligence des politiques d’aménagement du territoire est un aussi atout puisqu’une inclusion dans des politiques urbaines de développement se traduirait par des coûts supplémentaires (notamment des taxes) et une réglementation environnementale plus dure. Cette nomenclature « malthusienne » qui limite la reconnaissance des gros villages (ou grappes de villages) en villes reflète un bas négligé de la hiérarchie urbaine, mais ce n'est pas un simple mécanisme d'invisibilité de la part des autorités décisionnaires. C’est aussi le produit de stratégies locales, portées par des acteurs locaux qui sont loin d’être passifs. Nombre de politiciens et de petits entrepreneurs et notables locaux s’opposent à l’obtention d’un statut urbain. Ailleurs, à l’inverse, les élites et/ou les habitants peuvent se mobiliser pour l’obtenir si cela sert leur ambition politique ou/et leurs intérêts économiques.

33En d’autres termes, l’attractivité de ces centres secondaires est inhérente à leur manque d’inclusion socio-territoriale mais aussi à leur statut administratif et à leur mode de gouvernance. Cette définition dédoublée de l'urbain fondée d’une part sur des critères administratifs (les Statutory Towns) et, d’autre part, sur des critères fonctionnels (les Census Towns) a des conséquences importantes sur la délégation des responsabilités et l'accès aux ressources gouvernementales. Ceci explique que la question de savoir si une Census Town doit rester un village ou changer de statut est très contestée au niveau local en fonction de quatre dimensions : (i) la fourniture de services ; (ii) la nature de l'activité non agricole et les changements d'utilisation des terres qui en découlent, (iii) les avantages de tels ou tels programmes publics ou du système national de garantie de l'emploi rural, et les coûts associés au statut urbain tels que les nouvelles taxes sur le foncier bâti et enfin, (iv) des formations sociopolitiques locales qui croisent l'identité sociale et la classe économique (Mukhopadhyay et al., 2016).

34La fourniture de services est un axe majeur de mobilisation car le statut urbain amène des financements en matière d'infrastructures publiques et de ressources financières. Mais certains villages plus riches peuvent s'auto-gérer et avoir des niveaux de services adéquats. Ils sont alors plus sensibles à d’autres arbitrages. Dans certains cas, le débat sur la gouvernance oppose les élites locales qui souhaiteraient bénéficier des financements pour des services urbains et les groupes les plus pauvres, tributaires des programmes de soutien à l’emploi rural, reflétant une fracture économique entre les commerçants et les membres des élites locales (le bazar) et le basti (zone résidentielle dans le nord de l’Inde). Dans d'autres, c'est le contraire, puisque les élites foncières savent que le statut rural offre plus de liberté pour monétiser la terre tandis que l'application des règlements de construction associés au statut urbain peut être considérée comme une contrainte. Dans les États où l'accès aux programmes de protection sociale est faible, ces programmes ne sont pas en eux-mêmes un argument de poids pour rester rural. Des éléments sociaux, tels que la caste, peuvent figurer en bonne place au sein des coalitions politiques qui résistent ou préconisent la transition du statut rural au statut urbain. Dans les États plus développés, la monétisation des terres joue un rôle plus central et pourrait conduire à un excédent de capital, qui pourrait être investi dans des activités productives au même endroit ou dans un endroit différent, immédiatement ou à une date ultérieure. La question des enjeux sociaux est aussi au cœur des modes de transition urbaine observés.

35Ainsi, même si les frontières entre l'urbain et le rural s'estompent, elles ne sont pas encore effacées. Le concept de ville reste pertinent et la nomenclature urbaine-rurale reste performative. La législation et les politiques publiques qui maintiennent une distinction claire entre le rural et l’urbain, dans des pays comme l’Inde, guident les investissements des acteurs privés, les initiatives de développement des gouvernements nationaux et régionaux et façonnent les pratiques ordinaires des habitants. La ville, en tant que catégorie institutionnelle et administrative, continue à avoir une importance matérielle et la structure de gouvernance et les politiques publiques renforcent effectivement cette fracture.

36Enfin, cette dichotomie a un impact majeur sur les référentiels qui informent le compromis entre le partage des richesses et la réduction de la pauvreté ou la stimulation de la croissance économique. En effet, les politiques urbaines soutiennent clairement ce qui est identifié comme moteur de la croissance, en d'autres termes, les grandes villes et les régions métropolitaines, même si les analyses continuent d’indiquer que la capacité de ces métropoles à capter et dynamiser la croissance n’est guère significative dans le cas indien (Mukhopadhyay, 2018). Cette mobilisation en faveur des zones métropolitaines a été très fortement marquée à partir de 2005, quand est mise en œuvre une politique urbaine soutenue par des financements considérables (équivalent à quelques 20 milliards US$ prévus sur sept ans). Fondée sur l’amélioration des infrastructures et des réformes obligatoires de la gouvernance des villes, la question de la pauvreté urbaine passait par une amélioration des conditions de vie dans les bidonvilles. Seules deux missions secondaires administrées par le ministère du Développement urbain ciblaient les petites villes, mais elles concentraient leurs investissements sur l'approvisionnement en eau et leurs moyens étaient limités (Khan, 2017).

37Ce biais pro-métropoles des politiques urbaines fait consensus malgré les alternances politiques et s’est poursuivi depuis la victoire de l'Alliance Nationale Démocratique en 2014 (Zérah, 2020). Un nouveau programme centré sur les infrastructures a été lancé en juin 2015, et constitue une version remodelée et moins financée du programme de 2005. En outre, le programme phare de Smart City Mission fait la promotion de 100 villes intelligentes à travers le pays. Même si certaines villes secondaires sont incluses dans ce programme de « la ville intelligente », l’enjeu est une nouvelle déclinaison de la concentration spatiale des investissements pour la croissance économique et l'innovation. En reliant les plus grandes régions métropolitaines de l'Inde avec leur chapelet de villes intelligentes et de ZES, plusieurs projets de corridors industriels prennent leur envol. Le plus important est le projet de corridor industriel Delhi-Mumbai, long de 1 500 kilomètres, et un autre projet similaire relie Chennai et Bangalore. Ces couloirs sont conçus pour articuler et canaliser l’expansion des grandes régions métropolisées.

38Dans toutes ces politiques, l'imaginaire urbain reste centré sur l'attractivité des plus grandes régions métropolitaines. Pourtant, les externalités négatives s’y accumulent. Delhi, Mumbai, Kolkata et Bangalore sont ainsi régulièrement dans le palmarès mondial des 10 ou 20 villes les plus polluées et les plus congestionnées. La vitesse moyenne de déplacement n’a de cesse de s’y réduire. Des vagues de chaleur extrêmes pourraient bientôt rendre des villes comme Delhi invivables (Im, Pal et Eltahir, 2017). Chaque année, Bangalore et Chennai connaissent un manque d'eau aigu. Les inondations liées aux cyclones touchent toutes les villes côtières, notamment Mumbai, Kolkata et Chennai, entraînant ainsi des destructions massives que l’élévation du niveau de la mer ne peut que rendre plus fréquentes. L’adaptation de ces régions métropolitaines aux changements climatiques est indispensable et cette question commence à émerger dans le débat public.

39Mais ne faut-il pas à ce stade, et presque dans une posture prospective, s’interroger sur le potentiel du réseau existant de petites villes ? En effet, nous posons la question de savoir si le réseau de petites villes pourrait représenter une approche complémentaire en termes de mitigation des crises et de dispersion de l’incertitude désormais chronique et globale. En d'autres termes, dans les grandes villes indiennes, sans même considérer les effets du changement climatique, les externalités négatives liées à la concentration dépassent de loin les bénéfices. Cela est particulièrement vrai si l'on tient compte des inégalités sociales face à ces conditions environnementales dégradées (par exemple, les difficultés liées à la mobilité, la localisation des quartiers précaires dans des zones vulnérables, des conditions de vie marquées par une pollution extrême, et un accès à l'eau potable, à l’éducation et aux soins limité).

40Le défi consiste alors à concevoir de nouvelles méga-régions inclusives qui intègrent et structurent le halo des petites villes dispersées. Ces métaformes/configurations du type « région métropolitaine horizontale » commencent à être conceptualisées (Vigano et al., 2018) ; il ne s'agit plus d'une région urbaine polarisée, mais plutôt d'un assemblage multipolaire qui partage des relations avec des localités éloignées, y compris à l'étranger, et avec leur arrière-pays rural immédiat.

41Il faut y voir le potentiel d’une nouvelle modernité sans biais métropolitain. L'Inde, avec son urbanisation diffuse caractérisée par le poids croissant des petites villes dans son système de villes, pourrait représenter un cas émergent d'urbanisme horizontal. Réconcilier l'ensemble du système urbain dans une perspective inclusive, durable et adaptative pourrait constituer un agenda politique très pertinent car « la métropole horizontale, en tant que projet radical, est à la fois une image et un dispositif conceptuel permettant de critiquer, d'appréhender et d'imaginer la ville contemporaine. Il fait référence à une condition spatiale spécifique caractérisée par une horizontalité des infrastructures, de l'urbanité, des relations, et par des domaines ruraux/urbains, des systèmes de communication, de transport et économiques étroitement liés et co-pénétrés » (Vigano et al., 2018 : 1). Elle constitue une poursuite de la conceptualisation de McGee (1991) avec la notion de « desakota » en Indonésie, de « zwischenstadt » en Allemagne avec Sieverts (2003), ou de « citta diffusa » en Italie (Indovina, 1990). La métropole horizontale ajoute un agenda programmatique en faveur de la justice spatiale et des circulations horizontales. Nous sommes dès lors invités à appréhender des méga-régions urbaines, qui diffèrent de celles plus évidentes et centrées sur une grande métropole, et à concevoir la possibilité de l'émergence de régions économiques complexes où s’imbriquent les fonctions résidentielles, l’agriculture et les activités de services et de production sans s’appuyer sur, ni servir un unique noyau central. Les grandes régions urbaines ne sont pas ou plus nécessairement créées par les grandes villes. Elles peuvent être le produit d'une dynamique multipolaire et d’échanges à longue distance, ainsi que d'un développement anisotrope et peuvent générer une région urbaine « non centrée », multi-centrée ou décentrée [7]. Dans l'émergence horizontale, il n'y a pas de place pour une structure hiérarchique, et les possibilités de développement plus inclusif sont moins limitées. Il s'agit, en ce sens, d'un territoire innovant.

Conclusion

42Lorsque l’on décentre le regard et que l’on cherche à comprendre la transition urbaine de l’Inde dans l’épaisseur de ces territoires, on met en évidence l’aspect horizontal de l’urbanisation. Nos résultats, au-delà de l’accent mis sur l’importance des petits établissements urbains, pointent vers l’intensité et la diversité des flux locaux et trans-locaux qui façonnent leur engagement dans l’économie mondiale - contribuant à une mondialisation plus furtive dont le caractère est souvent peu discuté. Cette attention aux liens horizontaux suggère une approche plus relationnelle et multi-scalaire de l'expansion de l'urbain. Elle est intrinsèque à la nature même du processus d'urbanisation subalterne, qui interroge profondément la nature de la transformation fonctionnelle, économique et sociale. Alors que Brenner et Schmid (2015) plaident pour une reconnaissance de la diversité des formes urbaines, leur attention se fixe sur les mutations liées à une insertion dans les processus capitalistes mondiaux contrôlées par les acteurs métropolitains et aux services de l’accumulation des richesses dans les grandes métropoles globales. Cela tend à obscurcir relativement les divers processus qui se produisent dans les villes les plus pauvres et aux frontières de l’urbain et du rural, dans leur imbrication.

43L'importance des liens horizontaux et autonomes entre les petites villes et avec les grandes villes invite à concevoir un système de villes moins hiérarchisé. Ici, le brouillage du rural et de l'urbain est organique, façonné par des forces diverses et complexes situées tout autant dans la transformation rurale que l'intégration urbaine. Une famille ici ou un entrepreneur là-bas, peuvent être connectés aux autres, dans une autre localité du monde et développer ensemble des relations commerciales. Ils ne sont pas nécessairement limités dans leurs liens avec leur arrière-pays rural immédiat et ne dépendent pas nécessairement des grandes villes les plus proches. Ces formes émergentes sont fondées sur une variété de facteurs spécifiques locaux et externes. L'ontologie de l'urbanisation subalterne exprime un processus de diversification des activités, de densification et de transformations de l'habitat associé à des changements sociaux plus larges tels que la nucléarisation des familles, l’effondrement des besoins de main-d’œuvre dans une agriculture qui se transforme et se diversifie et à des échanges qui ne se limitent plus à l’horizon restreint de l’hinterland ou de la métropole la plus proche.

44Cette réalité d’une urbanisation plus diffuse et moins hiérarchisée est peut-être un atout pour affronter les incertitudes liées au monde de demain, et ce d’autant plus dans un contexte de crises métropolitaines récurrentes. Pourtant, ces petites villes sont attractives et ont de la valeur en grande partie parce qu’elles offrent des conditions dégradées pour les entrepreneurs et les habitants. La négligence des enjeux environnementaux et sanitaires ainsi que la pauvreté, très élevée dans ces localités, constituent la condition de leur émergence. Si l’on veut prendre au sérieux le potentiel de ce système urbain plus horizontal, un changement paradigmatique est nécessaire pour éviter une urbanisation « moins-disante » et mettre en œuvre les conditions pour une prise en compte de l’imbrication des questions de justice sociale et environnementale.

45Alors que les plus grandes régions métropolitaines indiennes peinent à rester viables du fait de l’accumulation des crises environnementales, sanitaires comme de la congestion, les petites villes et l’urbanisation horizontale constituent une opportunité et une alternative pour une autre modernité. Toutefois, pour qu’elle se réalise, il est nécessaire que l’action publique sorte de son paradigme libéral, favorable à une exploitation extractive des ressources naturelles et humaines qui détruit ces petites villes et leur hinterland en même temps qu’elle en assure une transformation rapide mais lacunaire, marquée par le sous-équipement, les pollutions, la pauvreté et des inégalités croissantes sans progrès significatif des rapports de genre ou de caste. Cela suppose sans doute de sortir non seulement du prisme métropolitain pour intégrer les petites villes à la matrice des localités porteuses de développement mais également de dépasser la dichotomie entre urbain et rural pour mettre en place des politiques intégrées comprises notamment en termes de bio-régions urbaines (Magnaghi, A., 2014).

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Mots-clés éditeurs : Inde, régions urbaines, petites villes, subalterne, urbanisation

Date de mise en ligne : 11/06/2021

https://doi.org/10.3917/lig.852.0037

Notes

  • [1]
  • [2]
    Voir par exemple l’entretien d’Olivier Bouba-Olga (https://www.habiterlaville.fr/lavenir-nappartient-pas-aux-seules-metropoles/) ou ses travaux, ainsi que ceux de Michel Grossetti.
  • [3]
    World Urbanization Prospects 2018, United Nations.
  • [4]
    World Population Prospects 2018, United Nations.
  • [5]
    Les aires d’influences considérées varient selon la taille de l’agglomération prise en compte : entre 500 000 et 100 000 le radius est de 5 kilomètres ; de 100 000 à 500 000 il est de 10 kilomètres ; de 500 000 à 1 million il est de 15 kilomètres ; de 1 à 4 millions de 20 km ; plus de 4 millions de 25 kilomètres.
  • [6]
    Malgré son succès, le secteur des TIC n'emploie que 3 millions de personnes sur une population active estimée à 580 millions. Cette économie métropolitaine illustre le phénomène de la croissance sans emploi qui caractérise l'Inde depuis le milieu des années 2000. En outre, ce secteur est désormais touché par l'automatisation et le cloud computing.
  • [7]
    Pour une introduction de l’émergence de « méta-agglomérations » en Inde, voir Perez et al. (2018).

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