Notes
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[1]
Le terme wilderness est utilisé indifféremment au masculin ou au féminin selon les auteurs. En raison de l’analogie avec le genre du mot français, le féminin a été ici retenu.
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[2]
Si l’on exclut les sites et monuments historiques gérés par le National Park Service, cela ne réduit que de 2 % les superficies concernées, car les périmètres historiques sont de petite taille. En revanche, cela représente 36 % des visiteurs.
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[3]
Selon les estimations, un visiteur ne parcourt en moyenne pas plus de 500 m à pied depuis son véhicule dans les parcs américains.
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[4]
Ainsi la province du Québec possède-t-elle son propre réseau de « parcs nationaux », c’est-à-dire parcs de la nation québécoise, ce qui peut entretenir une certaine confusion sémantique pour tout observateur extérieur. Ces 22 parcs, répartis dans 43 régions naturelles, sont gérés par la SEPAQ, agence datant de 1985 pour développer les loisirs de plein air, et qui propose surtout une exploitation et une mise en valeur touristique de chacun des sites naturels (logements, permis de chasse, activités sportives de pleine nature, etc.).
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[5]
Le terme de « réserve de parc national » désigne, au Canada, des portions de territoire dont la valeur écologique a été reconnue et qui ont vocation à devenir des parcs nationaux une fois que les litiges liés aux revendications foncières des communautés locales auront été réglés.
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[6]
En outre, d’autres statuts de protection plus stricts complètent le dispositif et l’action de Parcs Canada, mais sous la tutelle d’autres départements du ministère Environnement Canada. Il s’agit des quatre-vingt-douze refuges d’oiseaux migrateurs, des 54 réserves nationales de faune et des zones de protection marines réglementant la pêche.
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[7]
L’expression Peuples autochtones (Indigenous People) est utilisée à l’échelle internationale pour désigner, en Amérique notamment, les communautés dont l’existence historique est antérieure à la colonisation européenne. Dans certains cas tels que le Canada, le terme Autochtone constitue même une catégorie désignant, dans la Charte des Droits et des Libertés (considéré comme la constitution du pays) les Premières Nations, les Métis et les Inuit.
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[8]
Il est utile de préciser que les événements évoqués sont liés à des questions de reconnaissances de droits civiques et politiques et de droits fonciers.
1Au soir du 19 septembre 1870, autour d’un feu de camp concluant un mois d’exploration du plateau de Yellowstone, à Madison Junction, les membres de l’expédition Washburn, partis pour découvrir les mystères géothermiques du site, conçoivent l’idée de demander de la manière la plus pressante la protection du périmètre de leurs investigations par le pouvoir fédéral américain. Impressionnés par les sources chaudes, geysers et autres bassins sulfurés de Yellowstone, les dix-neuf scientifiques, militaires et entrepreneurs de la mission affirment alors qu’« il ne s’écoulera que peu d’années avant que la marche du progrès de la civilisation ne vienne réclamer cette solitude délicieuse et la garnir de tous les attraits d’un goût cultivé et raffiné » (Langford, 1905). À force de conférences et d’expositions jusqu’au Sénat américain, leur pression finit par aboutir au vote de la loi du 1er mars 1872 qui stipule que « ces terres sont soustraites au peuplement [...] et dédiées, en tant que parc public ou aire de détente, au plaisir et au bénéfice du peuple ». La gestion de ce périmètre est confiée au Département fédéral de l’Intérieur, et toute atteinte au gibier, au poisson, aux ressources végétales, minérales ou aux curiosités naturelles y est désormais interdite.
2Sans que le terme de « parc national » soit explicitement employé dans la loi, il est au cœur des débats et consacré immédiatement par l’usage (Sellars, 1997), exauçant ainsi un vœu formulé quarante ans plus tôt par le peintre indianiste George Catlin qui réclamait en 1841 un « parc de la nation, contenant hommes et bêtes à la fois, dans toute la vigueur et la fraîcheur de leur beauté naturelle » (Mc Donnell et Mackintosh, 2005). Entre-temps, en 1864, la Californie avait réservé une partie de la vallée du Yosemite en parc étatique ; et c’est à partir de 1890 qu’est définitivement validé le principe de la protection par la création d’autres parcs nationaux dans les Rocheuses : Sequoia, Yosemite (élargi et devenu fédéral), mont Rainier (1899), Crater Lake (1902) et Glacier (1910).
3Ainsi, la postérité attribue un rôle fondateur à la création du parc national de Yellowstone dans la définition du rapport des sociétés contemporaines à la nature. L’initiative de protection prise à Yellowstone, répétée et dupliquée depuis lors à des dizaines de milliers d’exemplaires de par le monde, ferait de l’Amérique du Nord – et des États-Unis en particulier – le cœur de la pensée conservationniste. Mais le rapport à la nature ainsi institutionnalisé aux États-Unis reste original et ne saurait être complètement transposé à l’international – à commencer par ses deux proches voisins, Canada et Mexique, pourtant eux aussi pionniers. Il est le fruit d’une pensée complexe, laquelle mêle à la fois des enjeux écologiques et des visées hautement utilitaristes de la nature. Dès lors, les États voisins ont développé leur propre système de protection sans être nécessairement en phase avec les États-Unis, répondant parfois à des visées utilitaristes équivalentes, mais en les appréhendant selon leur histoire propre de la colonisation, du rapport aux territoires et aux ressources et en fonction de leurs singularités culturelles et politiques. Ces éléments expliquent en partie les raisons pour lesquelles il n’existe pas de politique panaméricaine de protection de la nature, mais des rapports singuliers à la nature. Seuls deux enjeux majeurs peuvent tout de même rapprocher, au final, les trois pays nord-américains : la gestion de l’extraction des matières premières et la prise en compte des droits des peuples autochtones dans la mise en œuvre des politiques de protection de la nature.
« La meilleure idée qu’eût jamais l’Amérique » (W. Stegner)
4Le seul rapprochement des dates montre de prime abord un effet de diffusion de l’idée de protection depuis le foyer de Yellowstone vers les États voisins. Ainsi, le Canada avec les parcs de Banff (1885), Glacier et Yoho (1886), des lacs Waterton (1895) ou de Jasper (1907) suit-il de près le précédent états-unien et couvre des milieux physiques similaires : la partie centrale et continentale des Rocheuses. Le Mexique pourrait donner l’impression d’un certain retard, puisque les parcs nationaux ne sont pas établis avant 1917 avec un premier parc à Desierto de Los Leones, un petit périmètre situé au sud-ouest de Mexico, puis en 1922 avec le parc d’El Chico, au nord de Mexico, un lieu très touristique aujourd’hui prisé pour la randonnée, le camping et l’escalade (Simonian, 1995). Toutefois, le premier avait au préalable été désigné en tant que réserve forestière en 1876 et le second avait été établi en 1898 en tant que réserve naturelle par décret présidentiel (Dumoulin Kervran, 2009) ; une situation illustrant qu’« avant la révolution mexicaine de 1917 […] [les] conditions d’émergence d’une politique de conservation se mettent en place » (Dumoulin-Kervran, 2009).
5Cette ancienneté commune marque ainsi le continent nord-américain – lorsque l’Europe, pour sa part, ne s’est lancée vraiment dans la mise en place de parcs naturels et de réserves qu’après la Première Guerre mondiale. Les autres précédents sont observés de manière ponctuelle dans le monde anglo-saxon (Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud). Pourtant, il ne faudrait pas croire que ces parcs pionniers nord-américains témoignent d’un intérêt précoce pour l’écologie, ni d’une sensibilité environnementale avant-gardiste.
Une économie touristique historiquement motrice
6La relecture critique de l’histoire de Yellowstone a permis en effet d’émettre de sérieux doutes quant à l’existence même du fameux feu de camp de Madison ; a contrario, elle montre que cette insistance en faveur de la création d’un espace protégé fédéral a été, en réalité, largement soutenue par la compagnie de chemin de fer transaméricaine Northern Pacific qui a financé à la fois l’expédition Washburn, les conférences de son représentant, Nathaniel P. Langford, et les expositions du peintre Moran, membre de l’expédition Hayden de l’année suivante (1871). L’intérêt de la compagnie ferroviaire était en effet clair : il s’agissait de ménager tout au long des axes de la traversée est-ouest des Rocheuses des haltes destinées à une mise en valeur touristique fondée sur la nature et l’iconographie des pionniers américains – ce qui impliquait immédiatement après leur découverte, de les garantir contre toute spéculation foncière ou tout risque de destruction par les intérêts privés (Sellars, op. cit.).
7Le même mécanisme est observé dans d’autres parcs américains et canadiens : la compagnie Great Northern promeut assidûment le Glacier National Park américain dans le Montana ; le Canadian Pacific Railway, à l’initiative de son directeur général, Van Horne, contribue à diffuser l’image des montagnes des parcs nationaux Banff, Yoho, Glacier, et assure la construction de grands hôtels de luxe à l’architecture victorienne pour accueillir les visiteurs fortunés effectuant le déplacement transcanadien. Le Canadian National Railway, plus au Nord, joue un rôle déterminant dans la création et le développement du tourisme à partir de Jasper, la ville éponyme du parc dans lequel elle est située (Héritier, 2003).
8Les compagnies de transport utilisent les paysages des parcs comme support de leur promotion (Wyckoff et Dylsaver, 1997 ; Héritier, 2011a) et recourent aux talents d’artistes peintres et de photographes pour créer les images promotionnelles sous la forme d’affiches, de livrets publicitaires destinées à susciter l’intérêt des touristes aisés venus de l’Est du pays (figure 1). Les grands parcs de l’Ouest deviennent ainsi des destinations privilégiées sur la route vers le Pacifique. Les trains, surtout, permettent aux visiteurs de contempler les paysages de montagne sur les plateformes d’observation à l’arrière des wagons ou d’accéder à des réseaux routiers élémentaires qui desservent les sites pittoresques ou exceptionnels des parcs comme à Banff, ou à Mammoth Hot Springs (Yellowstone), avec leurs terrasses de travertin, leurs points de vues et chutes d’eau.
Fig. 1
Fig. 1
« Des ailes vers vos vacances », utilisation touristique après-guerre des parcs nationaux des Rocheuses (Yellowstone, Glacier) par la compagnie aérienne Northwest Airlines9Aujourd’hui encore, les parcs nationaux historiques des Rocheuses, aux États-Unis et au Canada, restent d’abord de hauts lieux touristiques : 3 millions d’entrées annuelles à Banff, et 6 millions en tout pour les cinq sites canadiens ; 3,6 millions à Yellowstone, et 11,5 millions en tout pour les quatre plus grands parcs des Rocheuses aux États-Unis (Yellowstone, Grand Teton, Rocky Mountain, Glacier).
10Les premiers parcs nationaux des Rocheuses américaines, loin de toute considération écologiste, s’avèrent donc en premier lieu l’outil d’une conquête territoriale, à la fois par les États modernes désormais affranchis de leurs tensions politiques (guerre civile américaine jusqu’en 1865 ; indépendance du Canada en 1867) et, à la fois, par les compagnies ferroviaires qui garantissent ainsi leurs intérêts économiques par une stratégie de nationalisation foncière. L’enjeu principal porte sur le statut public ou privé de la nature, et non sur l’intérêt de sa protection contre la société : on protège la nature pour l’homme, et non intrinsèquement pour elle-même.
L’importance de la Wilderness [1]
11Cependant, la commercialisation des paysages se fonde tout de même sur la formalisation d’une mythologie paysagère appuyée sur la promotion de l’idée d’un Wonderland. Ce prétendu « Pays des Merveilles », où l’on contemple ours, bisons et monuments de la nature depuis son véhicule, est également présenté comme une sorte de territoire primordial des États-Unis où chaque visiteur peut revivre l’expérience des pionniers face à une nature indomptée, voire hostile – la « vigueur » et la « fraîcheur » de la « beauté naturelle » selon Catlin. Le cœur de cette représentation réside dans l’idée de la Wilderness, la « nature sauvage », qui constitue une valeur patrimoniale forte pour la nation états-unienne (Larrère, 1997). Si les États-Unis ou le Canada ne possèdent guère de monuments historiques millénaires, ils peuvent en revanche s’appuyer sur des séquoias géants, des canyons spectaculaires ou des faits géologiques capables d’éveiller la réflexion sur l’histoire de la conquête américaine et, Au-delà, sur la temporalité longue des milieux physiques. Les parcs des Rocheuses nord-américaines ont permis, à travers l’intérêt économique du tourisme, la construction d’une représentation collective des nations fondée sur la nature.
12Les Américains ont ainsi ajouté une valeur testimoniale et civilisationnelle à la nature : c’est le cœur du transcendantalisme, un mouvement intellectuel illustré par Henry David Thoreau (1817-1862) qui publie en 1854 l’ouvrage Walden ou la Vie dans les bois. Le livre relate l’expérience d’ascèse volontaire de l’auteur durant deux années dans une forêt en marge de la société afin, dit-il, de « transcender » la « désespérante normalité » de la plupart des vies humaines. Cette mise à distance, qui n’est pas non plus une rupture radicale avec la civilisation puisque Thoreau est soutenu dans son expérience par son mentor, l’écrivain et poète Ralph Waldo Emerson (1803-1882), lui permet de donner un sens à ses actions par le contact avec la nature et le retour aux actions simples de chasse, de culture et d’entretien de son gîte. Thoreau critique par là même le matérialisme et le consumérisme de son époque, tout comme la destruction irraisonnée de la nature sauvage, à travers une quête de simplicité proche de l’esprit des pionniers.
13En prolongement de cette expérience demeurée célèbre dans l’histoire environnementale états-unienne, Aldo Leopold (1887-1948) marque aussi, un siècle plus tard, l’esprit américain de la protection de la nature. Ingénieur forestier fédéral, homme de terrain et spécialiste de la gestion de la faune sauvage, il développe à travers son observation de reforestation d’un terrain mis à nu par les défrichements et le surpâturage, dans le Wisconsin, une conscience des équilibres naturels dans lesquels l’homme doit trouver sa place : face à des approches trop mercantiles ou utilitaristes de l’utilisation des sols, il propose une « éthique de la terre » (Land ethics) qui préserve les écosystèmes. Son ouvrage majeur, l’Almanach d’un Comté des Sables (1949), popularise l’idée de la Wilderness et l’insère dans cette approche éthique capable de penser, dans une forme de conscience écologique précoce, le respect de l’équilibre des communautés biotiques. Ce n’est aucunement une protection stricte de la nature contre l’homme – l’auteur étant lui-même grand amateur de chasse et de pêche – mais bien une utilisation mesurée des ressources naturelles afin d’éviter la dégradation des milieux.
14Aldo Leopold est, en outre, le promoteur de la Wilderness Society (1935), une association qui milite aux États-Unis en faveur du maintien de la Wilderness à travers une action de lobbying politique efficace. On doit ainsi à cette société l’idée de « zones sans routes », des portions du territoire américain encore non-équipées où elle agit pour éviter le développement de tout transport routier. De même, les auteurs s’accordent à dire qu’il est l’un des inspirateurs du Wilderness Act de 1964, un texte de loi fédéral qui établit un système de préservation de la nature sauvage (National Wilderness Preservation System) à travers la constitution d’un réseau de terrains domaniaux (parcs nationaux, forêts fédérales, plans d’eaux publics) dont l’accès et l’usage demeurent sévèrement contrôlés. Ces sept cent cinquante-six wilderness areas, couvrant 44,3 millions d’hectares (soit 4,6 % du territoire des États-Unis – chiffres 2012) sont gérées directement par différents services fédéraux (eaux et forêts, pêche, patrimoine, parcs, etc.). L’influence des hommes ne doit pas y être visible, et les visites sont encadrées afin de ne laisser aucune trace : pas de feux, ni de déchets, accès limités en nombre, camping dans des sites autorisés, etc. Ces périmètres peuvent être inclus dans des parcs nationaux, ou en être indépendants, mais ils constituent en tout cas, selon les standards internationaux, le degré de protection de la nature le plus élevé du pays.
Protection, conservation ou préservation ?
15Ainsi, il semble que le moteur économique et touristique de la protection de la nature, très utilitariste à la fin du xixe siècle, ait tout de même permis l’expression progressive d’une conscience collective de la wilderness au point que, quelque cent ans après Yellowstone, une protection réellement écologique des milieux naturels ait pu voir le jour. En plus d’un siècle, la connaissance des milieux, l’évolution des connaissances scientifiques de même que celle des paradigmes environnementaux (écologie, biosphère, biodiversité, changement climatique) a profondément modifié la nature de l’action publique en matière d’espaces protégés, de même qu’elle a largement contribué à diversifier les connotations de la wilderness, compliquant un rapport à la nature polysémique, tiraillé entre plusieurs positions qui reflètent l’acuité du débat environnemental au Canada et aux États-Unis notamment.
16Dans le cas des États-Unis, la position la plus modérée repose sur l’exemple de Gifford Pinchot (1865-1946), premier chef du service forestier fédéral créé en 1905. Pour cet ingénieur forestier issu de l’école de Nancy, en France, une protection des milieux naturels est certes nécessaire, mais de sorte à permettre le renouvellement des écosystèmes et des ressources naturelles : c’est ce qu’il nomme le wise use, ou usage raisonné de la nature, et que l’on appelle aussi ressourcisme aujourd’hui. Son premier intérêt a été de garantir la gestion publique des forêts contre les intérêts privés. Il a ainsi influencé la décision du président Theodore « Teddy » Roosevelt de passer 675 000 km2 de forêts sous statut fédéral afin de les protéger contre la vente et le défrichement – dont les fameuses Midnight Forests, protégées un même soir de 1907, juste avant l’expiration de cette possibilité légale du président.
17Cette vision reste utilitariste, puisqu’il s’agit toujours de garantir une exploitation des forêts, et non une protection des écosystèmes forestiers en eux-mêmes. C’est cette même approche qui guide la création du National Park Service (NPS), en 1916. Le NPS, aujourd’hui en charge de la gestion de 397 espaces protégés sur l’ensemble du territoire américain, garde explicitement une mission d’accueil touristique et d’éducation du public américain ; l’aspect naturel n’en est que complémentaire. Le NPS gère d’ailleurs, aux côtés des parcs nationaux, des monuments historiques, des sites de bataille et des zones récréatives nationales.
18La vision promue par Aldo Leopold – lié à Pinchot par sa fonction au service forestier fédéral – représente ainsi une approche plus écocentrée, avec le concept de Wilderness. Leopold peut être considéré comme l’inspirateur du conservationnisme, attitude qui recherche un « état d’harmonie entre l’homme et la nature » (Leopold, 1949). Le terme américain de « conservation » est aujourd’hui communément utilisé pour défendre un mode de protection sensible aux équilibres des écosystèmes et capable d’intégrer les enjeux sociaux à ceux des milieux naturels dans leur ensemble, au point de se substituer, en français, à l’appellation générique de « protection de la nature ».
19Cependant, une troisième approche, beaucoup plus radicale, existe également et s’avère tout aussi ancienne que les précédentes. Elle trouve une première expression dans les actions de John Muir (1838-1914), écrivain et naturaliste spécialiste de la vallée du Yosemite. John Muir a milité longtemps pour une protection stricte de la nature contre tout usage économique par l’homme, s’opposant ainsi ouvertement à Gifford Pinchot. La protection de la nature revêt chez lui une valeur spirituelle, elle est plus nettement biocentrée : les milieux naturels ont une valeur intrinsèque qui dépasse les intérêts locaux. Même s’il perd certaines de ses batailles, comme son opposition à la construction d’un barrage dans le Yosemite pour alimenter San Francisco en eau, Muir fonde le Sierra Club (1895) et l’approche dite « préservationniste », c’est-à-dire la plus stricte qui soit. On trouve dans son sillage, au cours du vingtième siècle, de nombreuses associations militantes du courant environnementaliste – dont les tenants de la deep ecology, voire des groupes d’action violente comme Earth First ! ou Earth Liberation Front.
20Ainsi, le tableau du rapport à la nature aux États-Unis se compose de tendances variées, des plus modérées aux plus radicales, ordonnées selon le gradient ressourcisme/conservationnisme/préservationnisme. Les parcs nationaux et autres espaces protégés n’en sont qu’une traduction partielle et ne sauraient refléter toutes les positions en présence.
Des systèmes de gestion très différenciés
Le poids économique du dispositif des États-Unis
21Aujourd’hui, aux États-Unis, le National Park Service gère – pour ce qui concerne la seule protection de la nature [2] – un total de cinquante-huit parcs nationaux, vingt réserves nationales (liées à la protection d’une ressource naturelle en particulier), 18 zones récréatives nationales et une trentaine de sites en rivières, lacs et littoraux maritimes – et encore s’agit-il du seul réseau fédéral, car chaque État fédéré américain possède sa propre politique de protection de la nature et son propre réseau de parcs naturels, d’importance très variable. Les superficies ainsi protégées à l’échelon fédéral par le NPS représentent 330 000 km2, soit 3,4 % du territoire national. C’est assez peu, cependant le total est très variable selon les États : l’Alaska, les Rocheuses, les Appalaches, la Floride et les États ou territoires insulaires (Hawaï, les Samoa, les îles Vierges) concentrent un maximum de superficies protégées (de 6 à 15 % du territoire) en raison de leurs reliefs, de leurs faibles densités de population et/ou de vastes portions maritimes incluses dans les parcs. Les États de la côte Est, hormis les Appalaches, et le cœur des Grandes Plaines restent les moins couverts en espaces protégés, tant en nombre qu’en superficie (voir figure 1 du cahier couleur p. I).
22La protection ainsi organisée représente une véritable filière économique. Avec un budget annuel de 3,16 milliards de dollars, le National Park Service emploie un peu plus de 21 500 personnes – à quoi il faut ajouter 221 000 volontaires pour des emplois ponctuels – et attire au total 281 millions de visiteurs, dont 178 millions pour les seuls sites naturels protégés (NPS, 2012). Sachant que les entrées dans les sites sont généralement payantes, avec par exemple 25 $ par véhicule à Yellowstone, et que le National Park Service propose également des concessions auprès de promoteurs touristiques privés, ce qui induit 25 000 emplois indirects et 800 millions de dollars de chiffre d’affaires annuel, l’impact des espaces protégés sur le territoire des États-Unis constitue une véritable manne économique. L’Université d’État du Michigan estime depuis 2000 cet impact des espaces protégés sur le territoire états-unien par un modèle de calcul appliqué sur un périmètre de 100 km autour des parcs pour lesquels l’information statistique est suffisante. En listant les charges salariales et matérielles, les dépenses des visiteurs, les emplois et activités induites, le rapport 2010 estime ainsi que l’activité créerait 16 milliards de dollars de valeur ajoutée par an, et permettrait l’existence en tout de 300 000 emplois à l’échelle nationale (Stynes, 2011), soit un effet de levier de 1 à 5 environ.
23L’esprit reste donc finalement proche de l’utilitarisme des origines. Les restrictions apportées aux visiteurs sont faibles, sauf dans les zones classées en Wilderness Areas : ainsi, dans Yellowstone, les interdictions d’accès concernent surtout la sécurité des visiteurs sur les sites géothermiques, mais on circule librement en voiture. On peut aussi fermer des portions de lac à la navigation à moteur ou empêcher l’accès à des zones soumises à un monitoring scientifique temporaire. Cependant, la simple concentration des touristes dans un certain nombre de honey pots, ou « pots à miel », permet de libérer spontanément près de 95 % de la superficie des parcs de tout visiteur [3]. Une mise en tourisme concentrée et la protection de la nature ne sont donc pas jugées incompatibles dans ces vastes superficies peu peuplées.
Le Canada, un « front écologique » encore malléable
24Le Canada s’est nettement inspiré du voisin états-unien, voire l’a précédé puisque le Dominion a établi dès 1911 l’agence Parcs Canada pour la gestion globale de ses parcs et de ses lieux historiques nationaux, avec une visée touristique forte. La loi de 1913 sur les réserves forestières et les parcs nationaux est, à ce titre, explicitement calquée sur le précédent états-unien : elle stipule que les parcs « doivent être entretenus et il peut en être fait usage comme parcs publics et lieux d’amusement pour le bénéfice, l’avantage et la jouissance de la population du Canada ». L’agence gère toujours aujourd’hui les droits d’entrée (environ 10 $ US à Banff), les droits de pêche, de camping ou d’hébergement, la vente de bois à brûler et les visites guidées.
25Cependant, un virage sensiblement plus conservationniste qu’aux États-Unis est amorcé à partir de 1971, et vraiment effectif dans la décennie 90, lorsque l’Agence met sur pied un plan de réseau des parcs nationaux afin de relancer la politique de création d’espaces protégés à l’échelle fédérale pour les années 2000. Le plan vise à la couverture d’environ 3 % de la superficie du pays en parcs – même si, là encore, des réseaux d’espaces naturels protégés existent à l’échelle des Provinces fédérées [4]. L’agence procède alors à l’identification de 39 régions naturelles (ou grands écosystèmes) représentatives du territoire canadien, établis selon une grille de critères à la fois biogéographiques et sociaux. Ce plan de réseau, toujours en cours, est considéré aujourd’hui comme achevé à 70 %.
26Or, dans ce plan, les parcs sont considérés comme « un sanctuaire où la nature peut évoluer selon ses propres règles, comme elle le fait depuis la nuit des temps ». Il est question de « sauvegarder à jamais des aires naturelles représentatives », et l’on vise à « transmettre intact aux générations futures cet héritage inestimable, mais aussi à l’accroître et à l’améliorer » (Parcs Canada, 1997). Pour ce faire, dès les années soixante, l’agence cesse de réguler la population des loups, établit des plans de zonage restreignant les activités économiques et, en 1979, propose la notion « d’intégrité écologique » comme pivot central de son action. Cette notion de gestion des écosystèmes stipule qu’un espace naturel est intègre si, à la fois, les communautés biologiques indigènes qu’on y rencontre sont intactes et leur processus d’évolution (croissance, reproduction) permet leur maintien à long terme. La notion est mentionnée dans la loi depuis 1988 et motive la dernière loi de 2001 sur les parcs nationaux du Canada selon laquelle « la préservation ou le rétablissement de l’intégrité écologique par la protection des ressources naturelles et des processus écologiques sont la première priorité du ministre pour tous les aspects de la gestion des parcs ». Depuis lors, les activités commerciales et touristiques sont plafonnées dans les espaces protégés fédéraux et le processus de création de parcs est relancé.
27Mais l’agence Parcs Canada reste bien plus modeste qu’aux États-Unis. Elle emploie 4 000 personnes pour un budget annuel de 816 millions de dollars (US). Elle gère aujourd’hui un total de 44 parcs nationaux et réserves de parcs [5], plus quatre aires marines nationales de conservation ; mais onze sont en projet, notamment dans les territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et le Yukon, et des agrandissements sont en cours (Nahanni depuis 2010 ; Waterton en projet) [6].
28Le réseau fédéral d’aires protégées terrestres et marines est donc encore en construction. Il répond à des objectifs de politiques publiques tels qu’honorer le programme de création d’au moins un parc national dans chacun des écosystèmes représentatifs du pays, mais aussi, selon notre analyse, à une stratégie très pragmatique visant à attester de l’occupation du territoire : dans les régions nordiques notamment, mais aussi dans certains secteurs maritimes, la faible densité du peuplement constitue un problème majeur. Les parcs nationaux représentent alors, en plus de l’opportunité de mise en défens d’un écosystème, l’occasion rêvée d’attester de la souveraineté du pays. Ils sont devenus ainsi un marqueur territorial aussi précieux que les bases militaires de l’ancienne ligne de défense arctique (DEW), ou que les villages Inuit, peuplés à la suite de déplacements forcés de population et créés ex-nihilo dans les années 1950, afin d’attester d’une présence canadienne dans l’extrême Nord. En ce sens, ils sont des composantes majeures d’une sorte de ligne de défense écologique, qui compléterait l’idée d’un « front écologique » (Guyot, Richard, 2009) fondé sur des enjeux de protection en cours de stabilisation, souvent négociés avec les principales populations locales, les Peuples autochtones.
Au Mexique, un système longtemps sous contrainte
29Par comparaison, le cas mexicain reste en retrait. Si les premiers efforts de protection sont anciens, et ont été ensuite nettement renforcés durant la présidence de Lázaro Cárdenas, entre 1935 et 1940, avec la création de 34 parcs nationaux – soit plus de la moitié du réseau des soixante-sept parcs actuels ! Cette effervescence cède la place à une « somnolence institutionnelle » et un « abandon » jusqu’à la modeste relance de l’intérêt de l’État fédéral mexicain entre les années 1970 et 1990, notamment à travers la création de réserves de biosphères (Dumoulin Kervran, op. cit.). De fait, il n’y a guère eu de gestion centralisée effective avant les années 2000.
30En effet, l’effort de protection développé durant l’entre-deux-guerres s’est inscrit en faux contre la réforme agraire des ejidos lancée en 1920 sous Venustiano Carranza, qui avait eu pour but la redistribution de grandes propriétés aux communautés paysannes pour leur mise en culture. Les parcs établis dans les années trente n’ont généralement pas tenu compte de ce précédent juridique et ont mis en défens, de manière arbitraire, toutes les terres et forêts situées au-dessus d’une limite bioclimatique – souvent la courbe de niveau des 3 000 mètres d’altitude. Ainsi, une double réalité juridique encadre les espaces naturels mexicains des parcs nationaux, avec à la fois une propriété collective aux fins d’une mise en valeur agricole, et une contrainte de protection interdisant cette dernière ! Comme aucun outil juridique concret n’est venu encadrer la gestion des parcs avant les années soixante-dix, ni n’a effectivement exproprié les communautés rurales ou les particuliers de leurs terres afin de les placer sous maîtrise foncière directe de l’État, bien des habitants, pressés par le besoin et la légitimité historique, ont continué malgré tout leur activité agricole, voire des coupes de bois clandestines. La plupart des parcs mexicains ont pu être longtemps considérés comme des « parcs de papier » (CONANP, 2012). Pour emporter le tout, la période plus libérale des années 1970 à 1990 a vu l’institution d’une autorité fédérale de gestion de la forêt et de production de bois, Protimbos, dont l’action a été rétrospectivement jugée surtout productiviste, et guère conservationniste. Sans appui de la part des communautés locales agricoles, elle n’a ni cherché à rendre effective la protection, ni même géré raisonnablement les périmètres de protection.
31L’essentiel du système contemporain de protection de la nature au Mexique date finalement des années 1990 et 2000. De nouvelles autorités nationales ont vu le jour après 1992 et l’aiguillon du Sommet de la Terre à Rio : la CONABIO, Commission nationale pour la connaissance et la gestion de la biodiversité ; la CONANP en 2000, Commission nationale des aires naturelles protégées ; et le FMCN, Fonds mexicain pour la conservation de la nature, un outil financier porté notamment par la Banque mondiale via son Fonds pour l’environnement mondial (FEM). Ces différentes structures ont permis, d’une part, la relance du programme de protection de la nature, avec l’instauration de nouveaux périmètres – notamment d’aires marines protégées – et, d’autre part, le renforcement des moyens matériels et humains pour la gestion des parcs existants afin que la protection soit mieux acceptée par les populations rurales.
32Le système fédéral des espaces naturels protégés mexicains se compose ainsi, aujourd’hui, de 174 espaces protégés répartis dans 7 grandes régions naturelles, dont 67 parcs nationaux, 41 réserves de la biosphère (statut international reconnu par l’UNESCO et impliquant la reconnaissance de milieux naturels préservés par les cultures et populations locales), de 8 aires de protection des ressources naturelles et de 35 périmètres de protection de la faune et de la flore (tableau 1). Les autres statuts (monuments naturels, sanctuaires, espaces locaux) sont de très petite taille et marginaux en termes d’impact territorial. On atteint ainsi 12,9 % du territoire national, ce qui est beaucoup – mais avec une couverture très inégale au profit des marges du Yucatan, de Basse-Californie et du désert du Chihuahua surtout. Beaucoup de petits parcs se concentrent aussi autour de Mexico, en réponse à la pression urbaine de la métropole. En revanche, le budget de la CONANP pour gérer les parcs reste modeste, avec environ 45 millions de dollars (US) par an en incluant le soutien des bailleurs de fonds internationaux. La Commission emploie 1 000 personnes, dont 800 sur le terrain (soit 4 personnes par site en moyenne, mais avec de grands écarts entre sites). Même avec le soutien de la police fédérale, des autorités de chaque État fédéré ou de la PROFEPA, force de police dépendant du secrétariat à l’environnement et chargée de la surveillance des ressources naturelles, également créée après 1992, la possibilité de contrôle effectif de l’usage des ressources naturelles reste limitée.
33Les coopérations entre ces trois systèmes nationaux sont très ténues. Des jumelages entre parcs existent certes, avec des échanges réguliers entre personnels. L’initiative la plus avancée est sans doute le parc pour la paix Waterton/Glacier, établi dès 1932 pour symboliser l’entente entre les États-Unis et le Canada, sous l’initiative du Rotary Club, et qui permet une libre circulation des visiteurs ainsi qu’une gestion transfrontalière commune des deux parcs nationaux voisins (Héritier, 2004). La même idée est discutée dès 1935-1936 entre le Mexique et les États-Unis, autour du site de Big Bend, le long du Rio Grande. Mais la période de la guerre interrompt les efforts, suivie par un désintérêt durable des deux parties. Aujourd’hui, malgré un dispositif complet de 6 espaces protégés fédéraux et provinciaux transfrontaliers à Big Bend, le souci sécuritaire et la lutte contre l’immigration clandestine aux États-Unis rend toute initiative transfrontalière illusoire.
Gestion des ressources naturelles et politiques participatives, deux grands enjeux communs
34La question de l’usage des ressources naturelles entre, évidemment, en contradiction directe avec l’idée de protection des écosystèmes. Dans ce domaine, les trois pays ont beaucoup plus de problématiques communes. Cependant, la nature et l’intensité de la pression sur les ressources varient grandement d’un espace à l’autre, et ceci dans l’ensemble des trois pays étudiés. S’il est impossible de recenser de manière exhaustive tous les points de friction, quelques études de cas sont emblématiques de ces enjeux récemment ravivés en Amérique du Nord.
Les « points chauds » liés à l’extraction énergétique
Tableau comparatif des principales structures de protection de la nature de niveau fédéral aux États-Unis, au Canada et au Mexique, et chiffres nationaux recensés(*),(**),(***)
Tableau comparatif des principales structures de protection de la nature de niveau fédéral aux États-Unis, au Canada et au Mexique, et chiffres nationaux recensés(*),(**),(***)
(*) Se superposent partiellement aux précédents statuts(**) Tous les statuts fédéraux de protection ne sont pas listés au-dessus ; l’armée possède de vastes terrains recensés comme « protégés ».
(***) Seulement terrestres, il y a aussi 5 projets marins ; non comptabilisés dans le total national puisque pas encore créés.
35La question des ressources naturelles a été plutôt peu présente dans les parcs des États-Unis jusqu’à aujourd’hui, dans la mesure où l’essentiel des gisements pouvant faire l’objet de convoitises et de conflits se situait dans des secteurs peu concernés par les parcs (piémont des Grandes Plaines et Texas surtout). Le Golfe du Mexique a, certes, suscité un peu plus l’inquiétude des mouvements conservationnistes : au-delà de l’accident de la Plate-forme Deepwater Horizon en 2010, c’est le niveau de pollution en azote et phosphore des eaux du Golfe qui affecte directement les espaces protégés littoraux, dont certains de niveau fédéral.
36Cependant, la situation a rapidement changé depuis une dizaine d’années, car le renchérissement des prix de l’énergie a ouvert de nouvelles perspectives d’exploitation, à la fois dans le Grand Nord arctique, et en direction des gisements d’hydrocarbures non-conventionnels. Le premier signe est venu de l’Arctique, où un conflit s’est cristallisé autour de l’Arctic National Wildlife Refuge (ANRW), une réserve gérée par l’Office étasunien de la pêche et de la vie sauvage et située au nord-est de l’Alaska (Nuttall, 2008). Entre 1991 et 2005, les compagnies pétrolières, pressentant par des forages exploratoires voisins la présence de gisements sous la réserve, ont demandé avec insistance l’autorisation de prospecter, jusqu’à obtenir gain de cause sous le gouvernement de G.W. Bush. Une opposition virulente des mouvements écologistes, aidée par le changement de présidence, a permis d’arrêter le processus en 2007. Cependant, le pipeline trans-alaskien, construit depuis 1977 sur plus de 1 200 km le long de l’ANRW entre les gisements de Prudhoe Bay et le terminal pétrolier de Valdez, continue d’inquiéter les protectionnistes en raison des fuites liées aux rigueurs climatiques, comme en 2006, et de la coupure qu’il oppose aux migrations animales. Comme l’activité pétrolière a malgré tout assuré le décollage économique de l’Alaska, de ses villes comme Fairbanks et Valdez, et compte pour 80 % à 90 % des revenus de l’État tout en assurant 33 000 emplois directs (Lassère, 2009), l’argument relatif à la défense de l’ultime Wilderness, considérée comme authentique, des États-Unis reste comparativement faible.
37Le Canada voisin est, quant à lui, également très impacté par ces champs énergétiques nouveaux. C’est aussi un front pionnier en matière de prospection, compte tenu des réserves considérables d’hydrocarbures du Piémont des Rocheuses, dans les Prairies, et dans la mer de Beaufort, en Arctique – cet intérêt économique envers les ressources énergétiques et minières n’est d’ailleurs pas étranger à la posture plus conservationniste de l’Agence Parcs Canada. En Mer de Beaufort, des gisements de pétrole et de gaz naturel sont exploités depuis 1986, et cernent désormais le refuge d’oiseaux migrateurs de l’île de Kendall, au nord d’Inuvik, ou les rives du parc national Ivvavik – seul le différend frontalier avec les États-Unis a permis de geler toute activité extractive. Un projet de gazoduc reliant le littoral de Beaufort à l’Alberta a également été approuvé en 2011, le long de la rivière Mackenzie, afin de relier les gisements littoraux avec les sites d’exploitation intérieurs, jusqu’en Alberta ; les enjeux énergétiques se multiplient donc sur le pergélisol et la toundra arctique.
38Mais, plus encore, l’ouverture des perspectives d’exploitation des hydrocarbures non-conventionnels suite à l’essor récent des cours du pétrole a profondément modifié les termes du débat en Amérique du Nord. Selon l’Agence américaine d’information sur l’environnement, aux États-Unis, ce sont 827 milliards de milliards de mètres cubes de gaz de schiste qui gisent dans le sous-sol des États-Unis, soit trois fois plus qu’en Arabie Saoudite. Ce potentiel signifie 100 années d’exploitation pour le pays, 600 000 emplois dans le secteur et une position de leader mondial quant aux exportations (EIA, 2012). Un tel enjeu peut changer le destin d’États en déclin industriel comme le Michigan et ses voisins de l’est, au piémont des Appalaches, où se concentre le gisement de « Marcellus », couvrant plus de 124 000 km2 au nord-est – soit le quart de la superficie de la France. La technique de fracturation hydraulique, utilisée pour extraire le gaz des couches profondes, est cependant particulièrement critiquée en raison de la déstabilisation des nappes et des sols qu’elle provoque par les explosifs, de la consommation massive d’eau qu’elle nécessite, avec en outre l’injection de substances chimiques nocives comme du benzène et du plomb. Dès lors, la coexistence avec les enjeux de protection met directement en péril des espaces protégés, dont 35 parcs nationaux et Wilderness Areas des Appalaches, en incluant son célèbre sentier.
39Au Canada, dans la province de l’Alberta, on exploite depuis les années soixante les sables bitumineux, contenant un composé lourd de pétrole. Extraits généralement à ciel ouvert, ou alors in situ par l’injection de solvants dans le sous-sol – donc dans les deux cas avec un impact environnemental et paysager, même si la méthode in situ est moins critiquée – les sables sont traités sur place pour séparer les composés hydrocarburés et les enrichir, mais au prix de fortes consommations énergétiques et d’émission de métaux lourds dans les effluents des sites. Le pétrole est ensuite exporté pour le marché régional (Canada, nord des États-Unis) par oléoducs. Le périmètre exploité couvre actuellement 143 000 km2, soit un quart du territoire français, dans l’Athabasca, à proximité immédiate du parc national Wood Buffalo (Héritier, 2007).
40Les réserves prouvées de sables bitumineux font de la zone la deuxième réserve de pétrole au monde, tandis que la production a déjà triplé en volume depuis les années 1990. La région attire également des investisseurs venus d’Asie, sachant que la manne pétrolière assure l’essentiel du revenu albertain et son nouveau dynamisme démographique. Dans ce contexte, il semble difficile à de nombreux acteurs économiques locaux de dénoncer les perturbations entraînées sur les sites naturels protégés situés en aval des bassins versants où se situe l’exploitation. Même après restauration écologique des sites – obligatoires – et malgré les études d’impact, les perturbations sur les hydrosystèmes et sur la faune par les coupures écologiques, les émissions de gaz à effet de serre et la modification du couvert végétal seront à envisager à long terme.
La pression urbaine sur les espaces humides et forestiers
41Sur les littoraux abritant les grands bassins de population américains et autour des métropoles, les espaces protégés jouent un rôle important pour maintenir des écosystèmes utiles à la qualité de vie des pôles voisins, mais s’avèrent parfois fragilisés par une pression urbaine conquérante. Ainsi, en Floride, le parc national des Everglades protège depuis 1947, grâce aux efforts de Marjory S. Douglas, un hydrosystème tropical complexe de 6 000 km2 d’eaux marécageuses situé au sud-ouest de la péninsule, à une quarantaine de kilomètres de Miami. Célèbre pour sa faune d’alligators, ses mangroves et ses hammocks, il est classé comme réserve de la Biosphère et site du patrimoine mondial auprès de l’UNESCO et reconnu au titre de la Convention Ramsar sur les zones humides. Il est cependant soumis à une pression croissante de la part des pôles urbains et agricoles voisins qui captent l’eau douce de la nappe alluviale du site. Plus de 2000 km de canaux et 16 stations de pompage provoquent des sécheresses et la réduction des stocks faunistiques au point que l’UNESCO a déclaré le site « en péril » depuis 1993. À la prédation en eau douce s’ajoutent ensuite l’essor des espèces invasives importées pour le commerce, comme le python géant de Birmanie, et les pollutions industrielles – et encore le parc a-t-il échappé aux émissions de la marée noire de 2010, qui a plutôt affecté les rivages du delta du Mississippi. À tout le moins le Golfe du Mexique constitue-t-il un point de tension fort entre les logiques de protection et la pression de l’urbanisation littorale ou de l’industrie.
42C’est cependant au Mexique que la tension est la plus vive dans ce domaine. En effet, dans un pays aux latitudes tropicales et à l’économie émergente, la ressource en bois constitue une denrée convoitée, mais aussi bien plus rare qu’au nord. Les besoins en parcelles agricoles restent vifs lorsque 1/5e de la population vit encore de l’agriculture. En outre, les forêts constituent également les réservoirs d’alimentation en eau pour des grandes métropoles, Mexico la première. Ainsi, le rythme de déforestation au Mexique s’est certes ralenti, mais reste une préoccupation majeure lorsque la couverture forestière régresse encore de 150 000 ha par an – soit une perte de 7,8 % entre 1990 et 2010 – alors que la forêt, au contraire, a progressé de 2,5 % aux États-Unis et reste stable, à un niveau de couverture très élevé, au Canada dans la même période (FAO, 2010).
43De ce fait, les premiers parcs nationaux mexicains ont été conçus dès l’origine dans un but de protection des ressources naturelles – et surtout des forêts. C’est ainsi que le plus renommé des promoteurs de la conservation au Mexique, Miguel Angel de Quevedo (1862-1946), ingénieur hydraulicien de formation, a rapidement constaté le besoin pressant de protéger les forêts et les surfaces naturelles pour assurer la pérennité de l’approvisionnement en eau de la capitale. Il s’est alors concentré sur la création de parcs urbains dans Mexico, lesquels couvrent désormais 16 % de la surface de la capitale. Il a favorisé l’éducation à la foresterie (production de plants, de pépinières, création d’une école forestière, reforestation) et fait adopter en 1905, à l’occasion de la révolution, un blocage des ventes de foncier afin de constituer des réserves forestières autour des villes. Quevedo, surnommé « l’apôtre des arbres » au Mexique, est aussi l’artisan de la politique des parcs de Cardenas, en 1935-1936, avec en particulier la constitution d’une ceinture de 7 parcs nationaux et autres réserves forestières autour du bassin de la capitale.
44Le parc national Iztaccíhuatl-Popocatépetl fait partie de cette ceinture. Créé en 1935 sur les volcans constituant les 2e et 3e sommets du pays, il couvre des forêts tempérées entre 3 000 et 5 500 mètres d’altitude qui sont considérées comme une véritable « usine de production d’eau potable ». La végétation et les cendres volcaniques captent et filtrent les abondantes précipitations d’altitude au profit de Mexico, Tlaxcala, Puebla et Morelos. Les forêts sont ainsi exclues de tout usage économique ou agricole – sauf dans un périmètre de 100 m autour des localités habitées éventuellement incluses dans la zone des plus de 3 000 m – afin de prévenir leur dégradation et permettre « le maintien ou la restauration de l’intégrité des forêts pour garantir le bon climat des villes voisines » et pour « la conservation des sols, de la végétation dont la faune et la flore endémiques » (décret de 1935). Mais les quatorze municipalités jouxtant immédiatement le parc rassemblent près d’un million d’habitants et les forêts souffrent des pluies acides, des dépôts de déchets, de maladies, des incendies ou du pâturage extensif incontrôlé. Des industries textiles et des papeteries sont aussi implantées depuis un siècle à San Rafael, au pied de ces reliefs, or ces activités sont gourmandes en bois. Le front de coupe de la forêt, et avec lui la limite inférieure du parc, ont finalement été repoussés à 3 600 m du côté ouest, si bien que le parc est ainsi passé de 59 000 ha à l’origine à 25 619 ha aujourd’hui. L’exemple prouve la difficulté de gestion de ces périmètres au Mexique compte tenu du contexte de forte pression sociale sur les ressources naturelles.
L’indispensable participation locale
45La gestion de la nature ne doit pas être résumée à une simple relation entre une société et son environnement ; elle révèle également la manière dont les groupes sociaux interagissent entre eux. En effet, protéger la nature signifie contraindre l’accès aux ressources naturelles : mais envers qui s’exerce cette contrainte ? De nombreux travaux ont ainsi développé un champ de recherche sur les enjeux sociaux de la protection de la nature, sur les tensions et conflits qui animent la protection (Alcorn, 1993 ; Kemf, 1993 ; Keller et Turek, 1998 ; Mitchell et al. 2002 ; Borrini-Feyerabend et al., 2004 ; Laslaz et al., 2010). En Amérique du Nord, cette interrogation prend une tonalité particulière en raison de la présence, autour des espaces protégés, sinon en leur sein, de populations nombreuses, souvent en situation minoritaire. Ce sont les Peuples autochtones [7], mais aussi les communautés paysannes pauvres : au Mexique, 65 % de la population rurale, et 75 % de la population autochtone vivent en dessous du seuil national de pauvreté multidimensionnelle (CONEVAL, 2005).
46Or on omet souvent de rappeler la dimension confiscatoire et la logique de conquête territoriale qui a sous-tendu les politiques de protection nord-américaines, et notamment la création des parcs nationaux aux États-Unis et au Canada : Yellowstone, par exemple, s’est constitué en négligeant les droits d’usage des Indiens Crow, premiers occupants de la région. La création des espaces protégés s’est ainsi accompagnée d’une éviction progressive, parfois violente, de ces populations (Keller et Turek, 1998 ; Héritier, 2008 ; Colchester, 2003 ; Héritier, 2011b).
47La marginalisation des populations autochtones a cédé la place, depuis la fin des années 1970, à des démarches plus intégratrices, rendues possibles par plusieurs facteurs d’ordre général. Tout d’abord, les politiques assimilationnistes, qui visaient concrètement à diluer et occidentaliser ces populations, ont été abandonnées à partir du début des années 1960 au Canada et aux États-Unis. Ensuite, une contestation politique [8] parfois radicale a permis d’assurer leur reconnaissance politique et sociale dans les États (actions de l’AIM, ou American Indian Movement, aux États-Unis dans les années 1960-1970 ; révolte au Chiapas dans les années 1990 ; crise d’Oka au Québec en 1990), ou de faire évoluer les droits traditionnels et fonciers par des procédures judiciaires réglées au final devant la Cour suprême, notamment au Canada (Héritier, 2011c). Ces actions ont eu pour effet d’amender la constitution de certains États, comme au Mexique par exemple, afin que les Autochtones puissent exercer un contrôle sur leurs terres et sur les ressources qui s’y trouvent. Enfin, la reconnaissance des Peuples autochtones à l’échelle mondiale a notablement progressé entre 1981 et 2007, date de la Déclaration universelle des droits des peuples autochtones – cependant le texte n’est pas reconnu par les États-Unis et le Canada ne l’applique que depuis novembre 2010. Dans ce contexte, les Autochtones ne se laissent plus marginaliser et engagent des actions individuelles et collectives pour faire reconnaître leurs droits d’usages, leurs droits fonciers et parfois des compétences spécifiques en matière de savoirs vernaculaires, de gestion des écosystèmes et de défense des ressources, dont la ressource en eau (Glon, 2008 ; Hériter, 2011b).
48Deux crises importantes ont ainsi témoigné de cette évolution au Canada lors de l’établissement des parcs nationaux fédéraux Forillon (en 1970) au Québec et Kouchibouguac (à partir de 1969) au Nouveau-Brunswick (Rudin, 2011). Ces deux parcs, établis dans des secteurs aménagés, devaient conduire à l’expropriation de plus de 550 foyers au total. Les projets d’expropriation provoquèrent des réactions et des manifestations violentes parmi les résidants des communautés enjointes de quitter leur domicile sous la pression des forces de police. Au final, Parcs Canada et son action en furent largement décrédibilisés dans l’est du pays ; cette expérience malheureuse eut toutefois la vertu de conduire ce service fédéral à reconsidérer complètement ses procédures de création d’espaces protégés afin d’éviter les tensions connues lors de la création de ces deux parcs. Désormais, les pratiques de consultation auprès des populations locales, autochtones ou non, et plus largement de participation sont devenues un outil essentiel du protocole institutionnel de création des espaces protégés canadiens, conformément à un « paradigme intégrateur » (Depraz, 2008) devenu indispensable et inévitable, tant au plan institutionnel qu’au plan politique. Les services gestionnaires des espaces protégés font souvent preuve d’une véritable bonne volonté à l’égard des populations locales – notamment dans les régions nordiques du Canada (parcs et réserves du Nunavut, des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon). Des actions communes prennent la forme d’expositions et d’actions culturelles souvent en complément des négociations relatives aux droits d’usages des Autochtones dans les espaces protégés ou des négociations foncières.
49Toutefois, il est important de noter que la confrontation des discours institutionnels et des réalités de terrain laisse apparaître un décalage entre les ambitions de la participation et sa réalité. Quelques années de réorientation des politiques publiques ne réussissent pas à balayer des décennies – et parfois des siècles – de marginalisation sociale et de défiance mutuelle entre le local et les pouvoirs publics. Il semble plus difficile encore d’atteindre une véritable gouvernance territoriale car les acteurs locaux restent largement à la marge des décisions finales, sauf dans de rares cas. Au Mexique, depuis 2003, les pouvoirs fédéraux et étatiques ont ainsi établi dans les parcs nationaux des programmes de paiements pour services environnementaux (PSE), afin de préserver les forêts par des actions de replantation, de lutte contre l’incendie (chemins coupe-feu, patrouilles de surveillance) et de protection contre l’érosion (aménagement des pentes), tout en impliquant activement les populations locales et autochtones en leur offrant une source de revenus. Le programme ProÁrbol, lancé en 2007 avec le soutien de la Banque Mondiale, a ainsi proposé la replantation de plus de 230 millions d’arbres au Mexique par les communautés locales. Mais qu’en est-il de la capacitation politique des acteurs locaux à orienter les décisions alors que ces programmes leur sont proposés généralement « par le haut » ? En effet, pour les auteurs examinant le cas du Parc National Nevado de Toluca, « même si la gestion institutionnelle tend à favoriser le développement des populations locales dans une optique de gestion intégrée […] il en résulte que la participation des populations locales comme du reste des acteurs est loin d’être dans la voie de la gouvernance » (Salinas-Rojas et Roussel, 2011). Au-delà de l’opportunité du projet, ni la gestion durable des ressources, ni une meilleure reconnaissance de l’engagement local ne sont ainsi garanties.
Conclusion
50Le rapport à la nature identifié dans les trois États nord-américains, malgré ses variations importantes selon les contextes nationaux et locaux, repose finalement sur un même triptyque qui met en tension les ressources naturelles, les espaces protégés et les droits des populations locales ou autochtones. Ce rapport conflictuel, reflet de la conquête territoriale longtemps à l’œuvre en Amérique du Nord, n’est pas stabilisé, tant il est vrai que des logiques prédatrices sont encore perceptibles dans l’accès au foncier et aux ressources. En dépit d’une politique de protection précoce et en essor constant, il demeure de profondes incertitudes sur l’efficience des mesures de protection face à l’importance des enjeux énergétiques notamment. En dépit d’une tendance de fond qui vise à développer une gestion partagée de la nature, toutes les sensibilités de la société ne sont pas systématiquement convoquées et encore moins prises en compte dans l’élaboration des décisions. La participation se gagne, non plus seulement par l’incitation des pouvoirs publics, mais aussi et surtout par l’engagement des populations locales dans le jeu de force dans lequel elles sont désormais autorisées à peser.
51La mythologie s’attachant à représenter une nature sauvage originelle ou wilderness, reflet de l’époque des pionniers, n’est donc pas vaine : elle exprime finalement toujours, telle une sorte de miroir du fonctionnement de la société, la force des convoitises mal régulées envers le milieu naturel, voire la violence implicite des rapports de domination entre groupes sociaux, à l’image de la « vigueur » de la beauté brute des grands parcs américains.
Bibliographie
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- Salinas-Rojas A. et Roussel D. (2011), « Enjeux des politiques participatives autour des espaces naturels protégés d’Amérique Latine. Le cas du Parc National Nevado de Toluca (Mexique) et du Parc National La Amistad (Costa Rica) », in Depraz S. (dir.), Les territoires de nature protégée, Revue BAGF, vol. 88, n° 4, (déc. 2011), p. 418-431.
- Sellars R. W. (1997), Preserving Nature in the National Parks : a History, New Haven/Londres, Yale University.
- Simonian L. (1995), Defending the Land of the Jaguar : A History of Conservation in Mexico, Austin : University of Texas Press.
- Stynes D.J. (2011), Economic Benefits to Local Communities from National Park Visitation and Payroll 2010, Fort Collins : NPS/Université d’État du Michigan, coll. « Natural Resource Report » NPS/NRSS/EQD/NRR — 2011/481.
- Thoreau H.D. (1854), Walden ou la vie dans les bois, rééd. 1998, Paris : Gallimard, coll. « L’imaginaire ».
- Wyckoff W., Dilsaver L.M. (1997), « Promotional imagery of Glacier National Park », The Geographical Review, vol. 87, n° 1, janvier, p. 1-26.
Sites utiles
- National Park Service : http://www.nps.gov/ et son service statistique : www2.nature.nps.gov/stats/
- Parcs Canada : http://www.pc.gc.ca/
- Environnement Canada : www.ec.gc.ca/ dont sa page sur les aires protégées, rubriques « nature » et « habitats fauniques »
- SEPAQ : www.sepaq.com/
- CONANP : http://www.conanp.gob.mx/, rubrique « Areas Protegidas » notamment
- Wilderness Institute (Université du Montana) : http://www.wilderness.net
- Ressources naturelles Canada :http://www.rncan.gc.ca/
- FAO, statistiques et informations sur les forêts : http://www.fao.org/forestry/fr/
- US Energy Information Agency : http://www.eia.gov/
Mots-clés éditeurs : espaces protégés, conservation, ressources naturelles, Amérique du Nord, nature
Mise en ligne 07/01/2013
https://doi.org/10.3917/lig.764.0006Notes
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[1]
Le terme wilderness est utilisé indifféremment au masculin ou au féminin selon les auteurs. En raison de l’analogie avec le genre du mot français, le féminin a été ici retenu.
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[2]
Si l’on exclut les sites et monuments historiques gérés par le National Park Service, cela ne réduit que de 2 % les superficies concernées, car les périmètres historiques sont de petite taille. En revanche, cela représente 36 % des visiteurs.
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[3]
Selon les estimations, un visiteur ne parcourt en moyenne pas plus de 500 m à pied depuis son véhicule dans les parcs américains.
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[4]
Ainsi la province du Québec possède-t-elle son propre réseau de « parcs nationaux », c’est-à-dire parcs de la nation québécoise, ce qui peut entretenir une certaine confusion sémantique pour tout observateur extérieur. Ces 22 parcs, répartis dans 43 régions naturelles, sont gérés par la SEPAQ, agence datant de 1985 pour développer les loisirs de plein air, et qui propose surtout une exploitation et une mise en valeur touristique de chacun des sites naturels (logements, permis de chasse, activités sportives de pleine nature, etc.).
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[5]
Le terme de « réserve de parc national » désigne, au Canada, des portions de territoire dont la valeur écologique a été reconnue et qui ont vocation à devenir des parcs nationaux une fois que les litiges liés aux revendications foncières des communautés locales auront été réglés.
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[6]
En outre, d’autres statuts de protection plus stricts complètent le dispositif et l’action de Parcs Canada, mais sous la tutelle d’autres départements du ministère Environnement Canada. Il s’agit des quatre-vingt-douze refuges d’oiseaux migrateurs, des 54 réserves nationales de faune et des zones de protection marines réglementant la pêche.
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[7]
L’expression Peuples autochtones (Indigenous People) est utilisée à l’échelle internationale pour désigner, en Amérique notamment, les communautés dont l’existence historique est antérieure à la colonisation européenne. Dans certains cas tels que le Canada, le terme Autochtone constitue même une catégorie désignant, dans la Charte des Droits et des Libertés (considéré comme la constitution du pays) les Premières Nations, les Métis et les Inuit.
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[8]
Il est utile de préciser que les événements évoqués sont liés à des questions de reconnaissances de droits civiques et politiques et de droits fonciers.