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Article de revue

Le développement économique en Europe depuis 1950

Pages 68 à 99

Notes

  • [1]
    Certains économistes néolibéraux soutiennent que toute baisse du chômage réduirait la productivité moyenne (et inversement), en se fondant sur l’argument des rendements décroissants et sur l’idée que les salariés sont recrutés ou maintenus en place en fonction de leur productivité. L’argument est discutable, car il ignore les effets cumulatifs (accroissement de l’emploi dans les secteurs à productivité dépassant la moyenne) et dynamiques. On y a recours pour défendre le record de productivité américain, et il suppose donc un nombre d’heures travaillées qui augmente, des taux d’emploi qui augmentent et que (peut-être) plus de rendement sont toujours souhaitables.
  • [2]
    L’indice de Theil est une mesure de la concentration, et donc du degré d’inégalité d’un phénomène dans sa répartition entre différents territoires (régions, pays, etc.). L’indice est égal à 0 quand la concentration spatiale est minimale.
  • [3]
    En français dans le texte.
  • [4]
    Pour les tableaux complets le lecteur est prié de se référer au site de Eurostat : http:// epp. eurostat. ec. europa. eu .
  • [5]
    WMAD : écart absolu moyen pondéré.

Introduction

1 L’Europe contemporaine est une des parties économiquement les plus avancées d’un monde extrêmement inégal. Sa richesse relative est pour une part la conséquence des spectaculaires réussites économiques intervenues après la Seconde Guerre mondiale et de la convergence des niveaux de vie dans des économies de jour en jour plus interdépendantes, celle de l’Europe occidentale et celle des États-Unis d’Amérique (EU). L’Europe contemporaine est néanmoins encore caractérisée par de larges disparités de niveaux de vie aussi bien entre les pays qu’à l’intérieur des pays. Chacun des États membres a adopté une batterie de mesures nationales destinées à réduire les inégalités géographiques internes à ses frontières, mais la réduction de ces disparités à l’échelle européenne demeure un objectif politique primordial pour l’Union des vingt-sept.

2 Ces disparités et leur évolution, tel sera le sujet de cet article. Il s’intéressera tout d’abord à la mesure des différences dans le développement économique en s’appuyant sur les indicateurs de développement et sur l’identification des unités territoriales. La plus grande attention sera toutefois apportée à la carte des inégalités régionales, à l’histoire de ces inégalités et aux raisons qui ont amené le développement économique régional à suivre des trajectoires contrastées. À cette fin, la première partie situera le développement économique européen dans son contexte international et fournira un relevé succinct des clivages les plus marqués de l’Europe contemporaine en la matière. Après avoir consacré la deuxième partie à discuter quelques problèmes de mesure, nous passerons dans la troisième à l’analyse comparée des réalisations des régions européennes au cours des cinquante-cinq dernières années.

Les disparités contemporaines en Europe et leurs origines lointaines

3 En dépit d’un démarrage relativement tardif en termes de développement économique et culturel, l’Europe représente aujourd’hui une des parties du monde les plus avancées économiquement. Sa richesse relative est majoritairement le résultat des deux cents dernières années de développement économique, et en particulier du rôle joué par l’Europe occidentale en tant qu’un des centres phares de l’industrialisation capitaliste. Au cours des cinquante dernières années, la croissance européenne est demeurée dans une moyenne qui lui a permis de combler le fossé considérable qu’avaient creusé les États-Unis à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale, bien que les économies du Japon et des « tigres asiatiques » fussent déjà en train d’atteindre à une croissance encore plus rapide et de rattraper leur retard avec une célérité encore plus grande (fig. 1).

Fig. 1

Évolution du PIB par habitant calculé en parités de pouvoir d’achat, 1950-2004

Fig. 1

Évolution du PIB par habitant calculé en parités de pouvoir d’achat, 1950-2004

4 Si l’Europe a connu une croissance rapide, la vitesse de développement, d’un pays à l’autre, d’une zone à l’autre, variait quant à elle significativement. Le bilan, en fin de période, révélait de larges disparités. Celles-ci cependant ne s’expliquent pas seulement par un demi-siècle de développement européen, mais s’enracinent dans des modes de développement profondément différents. Cette courte partie a pour ambition de relever les contrastes en question pour en comprendre l’origine et pour dresser la liste des contraintes qu’a subies la croissance de l’Europe d’après-guerre (Dunford, 1998).

5 Aujourd’hui, les zones économiquement les plus avancées de l’Europe contemporaine comprennent un groupe de cités-régions internationales de premier plan, dont la plupart suivent un axe vital (fig. 2) qui s’étend du grand Londres à l’Italie septentrionale en passant par le Benelux et les pays rhénans dans la moitié occidentale de l’Allemagne. Malgré les changements essentiels ayant affecté les lieux qui constituent cet axe, la concentration du développement dans cette partie de l’Europe remonte au moins au monde médiéval, époque où les Flandres et l’Italie étaient les foyers phares de l’industrie et du commerce européens. Dans les débuts des Temps modernes cet axe se trouva renforcé, et son centre de gravité se déplaça en direction du nord, conséquence de l’expansion des capitales historiques des principales puissances coloniales européennes (Amsterdam, Londres et Paris), cependant qu’aux xix e et xx e siècles la richesse accumulée à la suite des premières vagues de l’industrialisation de l’Europe contribuait à son tour à son développement et à son extension vers le nord-ouest, pour gagner la première nation industrielle de l’époque, la Grande-Bretagne. Mais il ne suffit pas à une région de parvenir à un haut degré de supériorité économique pour maintenir durablement son avantage. Dans le cas de l’axe de développement européen en question cependant, on a des indices très nets de l’existence de processus de causalités à long terme, circulaires et cumulatives, ayant permis son adaptation quasi permanente aux transformations de villes marquées par une extrême concentration de population, d’infrastructures économiques, d’entreprises, de savoir-faire et de pouvoirs tant politiques que militaires.

Fig. 2

Géographies empiriques : structures noyau-périphérie et axe vital de l’Europe

Fig. 2

Géographies empiriques : structures noyau-périphérie et axe vital de l’Europe

6 Autour de cet axe et des pays qu’il traverse existe une série de zones orbitales de sous-développement relatif. Dans les contrées septentrionales, au contraire de ce qui avait lieu dans de nombreuses autres régions périphériques, migrations et déclin démographique y furent de relativement courte durée, dans la mesure où une industrialisation tardive mais réussie vit le développement au xx e siècle d’industries d’exportation prospères avec leur cortège d’innovations autour des gisements de ressources naturelles, ainsi que la naissance de systèmes de protections sociales élaborés. Bien qu’ils soient peu peuplés et que leur densité soit faible – de plus en plus faible à mesure que l’on remonte vers le nord –, ces États ont aujourd’hui des revenus par tête comparables à ceux des régions les plus proches de l’axe.

7 À l’ouest s’étend un arc océanique qui va des îles Shetland à Gibraltar. Cette zone maritime est constituée d’économies nationales et régionales devenues périphériques, et montrant souvent des démographies de relativement faible densité et des revenus par tête de bas niveau. Cette situation a été engendrée par leur trajectoire spécifique de modernisation et de développement. La montée puis le déclin du commerce maritime transatlantique et des ports qui y étaient affectés en ont été des facteurs déterminants. La croissance toutefois n’a généralement pas survécu au déclin de ce commerce relativement important. Au xix e siècle, la plupart des zones de cet arc ont manqué le tournant de l’industrialisation et se sont spécialisées dans l’exportation de produits agricoles et de matières premières, parfois en raison de la perte du système de protection qui accompagne nécessairement les règles du libre-échange. En l’absence de croissance industrielle significative, la dépopulation et l’émigration furent monnaie courante, encore que d’ampleur et de durée nettement variables. Le cas le plus spectaculaire fut celui de l’Irlande : dans la partie de l’île qui allait devenir la République d’Irlande, la population, entre 1841 et 1951, diminua de plus de la moitié, cependant que dans le nord-est, qui connaissait un important développement d’activités industrielles modernes, elle ne déclinait que de 17 % (Mjøset, 1992 ; Bradley, 1996 ; voir également Munck, 1993).

8 Au sud, la richesse du sol et les ressources de la Méditerranée favorisèrent des développements remarquablement précoces tant dans l’agriculture que dans le commerce, et permit à ces régions de se retrouver au centre d’un ensemble d’économies hégémoniques au plan mondial. Cinq siècles plus tôt, néanmoins, au moment où la puissance ottomane à l’est était à son zénith, l’Espagne des Habsbourg et le Portugal furent les initiateurs la conquête de la planète par l’Europe. La route de l’Atlantique une fois ouverte, les cités littorales de la Méditerranée (dont les plus importantes étaient Venise, Gênes et Barcelone) cessèrent petit à petit d’être des centres de pouvoir économique mondial et de décision planétaire. Le centre de gravité économique du monde se déplaça vers le nord et l’ouest, vers Amsterdam d’abord, par la suite vers la Grande-Bretagne, cependant que la révolution industrielle qui allait suivre et créer d’immenses disparités entre les économies qui s’industrialisaient et celles qui restaient en arrière, commençait par laisser de côté les régions méditerranéennes ou les enfermait dans des rôles subalternes au sein de divisions du travail plus vastes. Parmi les pays et les régions qui bordaient la Méditerranée, l’Italie du nord, qui avait connu une forte croissance industrielle, particulièrement à partir des années 1896-1898, fut, avec la Catalogne, un des rares exemples d’industrialisation significative sur la fin du xix e siècle. Le xx e vit fleurir sur les rives de la Méditerranée l’industrialisation et la modernisation, mais selon des trajectoires et des rythmes différents, que restituent fidèlement les inégalités marquées qu’on observe aujourd’hui sur les rives de la « mer intérieure » et dans le clivage tranché entre les zones économiquement riches du nord, à la population déclinante, et celles du sud, aux démographies galopantes, qui vont s’appauvrissant et vivent sous des systèmes religieux et politiques tout différents.

9 La Grèce et les Balkans, au sud-est, faisaient partie d’un monde ayant son centre dans l’Empire byzantin ou oriental, et qui, depuis le grand schisme de 1054, était largement inclus dans la moitié orientale de l’Europe, d’obédience orthodoxe. Avec l’effondrement, au xii e siècle, de l’Empire byzantin, les Balkans tombèrent sous l’influence de Constantinople. L’Empire ottoman, à son apogée, tenait sous sa férule un territoire qui ne s’arrêtait qu’aux portes de Vienne et au sud-est de la Pologne, et il ne commença à s’effondrer que lorsque Napoléon chercha à étendre l’influence française à l’Europe entière, laissant derrière lui un relatif sous-développement, notamment dans les zones que le Turc avait le plus longuement occupées, mais également dans celles, plus lointaines, où étaient nés des empires multinationaux qui avaient fait contrepoids à la chape ottomane (Berend, Ránki, 1974, p. 3-11). Ce démantèlement du pouvoir de la Sublime Porte prit plus d’un siècle : il fallut attendre la fin de la Première Guerre mondiale pour voir la Turquie perdre son rôle d’acteur de poids en Méditerranée et en Europe.

10 Tandis que l’Europe du sud-est et la moitié méridionale de l’Europe centrale constituaient une des frontières européennes avec le monde musulman et était exposée aux invasions et à la domination des Turcs, l’Europe orientale, elle, en constituait une autre avec l’Asie centrale, ce qui la rendait vulnérable aux vagues successives d’invasions de tribus de pasteurs nomades, et faisait d’elle le bouclier de l’Occident, au prix de son propre développement agricole. Après 1500, quand une nouvelle phase d’expansion se mit en place, la trajectoire de l’est et celle de l’ouest, plus peuplé et plus développé, s’éloignèrent encore davantage. À l’ouest, la transition vers le capitalisme s’accéléra, suivie d’un mouvement vers la création de systèmes absolutistes et de la naissance d’une économie mondiale moderne. À l’est, il s’en fallait de beaucoup qu’il en allât de même. Premièrement, après l’élimination du servage à l’ouest, l’est imposa un « second servage » (Szücs, 1998, p. 313), en intégrant certaines régions, principalement via l’exportation de grain, dans la division du travail mondiale telle que la concevait l’Europe occidentale. En second lieu, on assista à l’est à la perpétuation de processus nés au Moyen Âge d’« expansion vers le dedans » (Szücs, 1998, p. 293) et de colonisation lorsque l’Empire russe rejeta en 1480 la suzeraineté mongole et, repoussant ses frontières, conquit et annexa de nouveaux territoires à l’ouest, au sud et à l’est. Troisième différence : les traits qui opposaient l’absolutisme de l’est et celui de l’ouest. À l’ouest, les monarchies absolues apparurent après 1580 et se maintinrent dans les pays les plus développés de l’Europe jusqu’aux Lumières. Il n’y a guère qu’en Espagne, au Portugal et dans l’Italie méridionale qu’elles perdurèrent au-delà de 1800. En Russie, ce type de régime subsista jusqu’au xx e siècle.

11 Une conséquence importante de ces calendriers différents et de ces trajectoires spécifiques fut que se creusa un large fossé séparant au plan du développement l’est et l’ouest. La moitié orientale de l’Allemagne ne comptait qu’un petit nombre de zones de développement industriel, et il en allait de même dans l’Empire russe et dans cet extraordinaire manteau d’Arlequin d’économies et de nations qui composaient l’Empire autrichien. En fait, le triomphe du communisme est dû pour une part à l’espérance qu’il a suscitée de pouvoir combler l’abîme entre l’Europe de l’est et le monde capitaliste avancé. En dépit des quelques succès dont il put s’honorer à ses débuts, il finit par échouer.

12 Comme l’a laissé entendre cette brève partie, la carte actuelle du développement économique en Europe n’est pas le simple aboutissement de l’histoire des cinquante dernières années ; c’est aussi celui de mécanismes cumulés qui plongent leurs racines bien plus loin dans l’histoire du développement européen. Les parties suivantes se donnent toutefois pour objectif de s’attacher spécialement aux années postérieures à 1950. La première étape de ce travail consistera à définir les indicateurs qui peuvent être employés pour mesurer le développement économique tant national que régional.

Comment mesurer la performance économique

13 Le produit intérieur brut (PIB) sert à mesurer une richesse de création récente. En cela il rend compte de ce qui peut être acheté et revendu en engendrant du profit et de ce que peuvent facturer en échange de leurs biens et services les différents acteurs économiques. Ces chiffres eux-mêmes reflètent les opinions du marché sur la valeur sociale des diverses activités et leur rapport au pouvoir économique qui les sous-tend. Le PIB peut être mesuré de quatre façons : en tant que valeur ajoutée dans la production de tous biens et services, en tant que revenus payés à ceux qui contribuent à la production de ces biens et services, en tant que revenu après redistribution via les systèmes fiscaux en vigueur et en tant que dépenses de la totalité des ménages. Géographiquement, la redistribution du revenu joue un rôle important (Davezies, Prud’homme, 1983). Le présent article ne se penchera que peu sur cet aspect des choses. En fin de compte, le PIB n’est pas une mesure du bonheur humain : si la richesse a de l’importance, c’est qu’elle représente plus un moyen d’atteindre à cette fin qu’elle n’est une fin en soi. Seul l’examen de la manière dont elle est distribuée et utilisée peut permettre de savoir si elle est bel et bien exploitée pour atteindre cet objectif. Dans l’idéal, par conséquent, on devrait également considérer avec attention des indicateurs sociaux tels que l’espérance de vie et la qualité de vie, qui dépendent toutes deux des fins auxquelles sont affectées les ressources. Nonobstant ces réserves, le PIB par tête demeure l’indicateur de performance économique auquel on a le plus généralement recours, et c’est la raison pour laquelle il y sera fait appel la plupart du temps dans le reste de ces réflexions.

14 Mesurer et comparer les niveaux de développement implique aussi qu’on ait retenu des unités territoriales appropriées. Dans cet article on s’intéressera à des pays, les États membres de l’UE, et aux unités territoriales définies par la classification que fait la Nomenclature d’unités territoriales statistiques (NUTS) Eurostat des collectivités administratives : les zones NUTS1 comptent de 3 à 7 millions d’habitants, NUTS2 de 800 000 à 3 millions, NUTS3 de 150 000 à 800 000, encore qu’il existe des exceptions, notamment dans le cas des îles et des territoires excentrés. Un exemple extrême est fourni par l’île de langue suédoise Åland, en Finlande, qui en 2004 était classée zone NUTS 1 avec seulement 26 400 habitants.

Étude comparative de la performance économique

15 En dépit de leurs succès de l’après-guerre, les économies de l’Europe et de l’UE sont encore à ce jour loin derrière celle des États-Unis, qui demeure l’économie mondiale de tête. Ainsi que le montrent les comparaisons de PIB par tête calculé en parités de pouvoir d’achat, l’Europe continentale se situait à 30 % au-dessous du palier américain. Royaume-Uni et Japon faisaient légèrement mieux, à égalité pour ces deux pays avec l’Europe du nord, puisqu’elle réalisait la même performance, consistant à se tenir à 77,5 % du chiffre des États-Unis. L’Europe de l’est, quant à elle, affichait des résultats très inférieurs : quinze ans après le début du passage au capitalisme, les pays de la Communauté de l’Europe du centre et de l’est parvenaient à 24,6 % du chiffre américain, l’ex-URSS à 19,7 %, et l’ex-Yougoslavie à 17,9 %.

Tab. 1

Développement comparé en Union européenne, du Japon et des États-Unis en 2004

Tab. 1
PIB par tête PIB par heure Taux d’emploi Heures annuelles travaillées par personne Europe continentalea 70 91.6 94,5 80,9 Pays nordiques 77,5 88.4 101 86,8 Méditerranéeb 59,4 69.7 89,7 95,1 Royaume-Uni 73,9 84.7 96,7 90,2 Irlande 85,6 97.0 96,2 91,7 Europe et Europe centrale de l’Estc 24,6 79,9 Ex-Yougoslavie 17,9 64,2 Ex-URSS 19,7 91,3 Amérique et Océanied du Nord 100 100 100 100 Japon 72,7 70.6 103,4 99,5 a : Autriche, Belgique, France, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas et Suisse. b : Chypre, Italie, Grèce, Malte, Portugal et Espagne. c : Bulgarie, République Tchèque et République Slovaque, Hongrie, Pologne et Roumanie. d : Australie, Canada, États-Unis et Nouvelle Zélande. Source : élaboré d’après des données du Centre de croissance et de développement de Groningue, 2007.

Développement comparé en Union européenne, du Japon et des États-Unis en 2004

16 Comme il a été signalé dans la précédente partie, c’est avec la plus grande précaution qu’il faut manipuler les données du PIB quand il s’agit de comparer des performances économiques. Ainsi que l’ont montré Gordon et Boltho (2003), sur la différence entre les PIB par tête américain et européen 7 à 8 % sont à imputer à quatre facteurs qui augmentent la consommation relative des Américains et leur PIB sans rien ajouter à leur bien-être relatif : le chauffage central et l’air conditionné destinés à pallier des conditions climatiques plus difficiles ; l’usage du véhicule privé pour les déplacements, faute de transports publics ; la protection du citoyen, induite par des taux de criminalité plus forts aux États-Unis ; le recours au judiciaire, conséquence de la relative fragilité des relations fondées sur la confiance réciproque.

17 Pour saisir la signification de ces différences et d’autres encore entre les PIB par tête, il est important de comprendre que les différentiels entre PIB par tête peuvent être décomposés en différents éléments :

figure im4

18 Comme l’indiquent ces formules, les variations du PIB par tête sont le produit :

  1. des différentiels de productivité reflétant le potentiel de production grâce auquel un système économique peut transformer des ressources en biens et services ;
  2. des différences entre les heures annuelles travaillées par personne ;
  3. des différentiels de taux d’emploi, qui mesurent la capacité d’un système économique à mobiliser son potentiel humain.
Le degré de mobilisation des ressources humaines dépend à son tour de plusieurs facteurs : le profil d’âge de la population de la zone considérée ; les conventions régissant la retraite et la scolarisation ; la part de la population inactive malgré son âge, phénomène à mettre lui-même en relation avec le rôle assigné à chacun des deux sexes, avec l’ampleur des retraites prises avant l’heure et avec la maladie ; la masse de travail au noir ; et enfin le taux de chômage.

19 Ce classement des comparatifs entre les PIB par tête révèle que dans le cas de l’Europe continentale le fossé par rapport aux États-Unis provient dans une mesure non négligeable, d’une part du fait qu’un pourcentage plus faible de la population est au travail (91,6 % de celui des États-Unis), de l’autre du fait que les actifs passent moins d’heures sur leur lieu de travail que leurs homologues américains (80,9 % du temps passé aux États-Unis). Ces différences dans la structure de l’emploi sont à mettre sur le compte de deux facteurs. En premier lieu, les différences entre les taux d’emploi peuvent refléter l’exclusion de pans entiers de la population du monde du travail, ainsi que l’incapacité de fournir des niveaux d’emploi adéquats. En second lieu, les différences entre taux d’emploi comme entre durées effectives passées au travail peuvent aussi traduire la préférence que certains Européens donnent au loisir sur le travail. Dans la mesure où ces différences reflètent bel et bien une préférence des Européens pour le temps libre, les différences constatées entre les PIB par tête importent peu en termes de qualité de vie, même si aux yeux de certains économistes opter pour la qualité de vie est associé à des ratios de dépenses sociales impossibles à assumer. On peut reformuler ce dernier argument en disant par exemple que les pays européens ont accepté un niveau d’heures non-travaillées qui implique une redistribution coûteuse, pour ne pas dire inabordable, afin de permettre aux employeurs de réduire le taux d’emploi dans des situations où les employés bénéficient de droits à l’emploi quasi garantis.

20 Dans le cas de l’Europe continentale, les faibles chiffres de l’emploi et des heures travaillées en moyenne sont en partie compensés par des niveaux remarquablement élevés de productivité. Comme le montre le tableau 1, la productivité de l’Europe continentale atteignait en 2004 91,6 % du niveau américain. Cette différence est sans commune mesure avec ce qui sépare les PIB par tête.

21 Ailleurs en Europe, ce sont plutôt d’autres cas de figure qui prévalent. De ce point de vue, il est important de noter à quel point peuvent coexister en Europe des situations contrastées. Au Royaume-Uni, la productivité est particulièrement faible (84,7 % du niveau des États-Unis), cependant que le taux d’emploi, et notamment la moyenne des heures ouvrées, s’approchent davantage des chiffres d’outre-Atlantique. Les Anglais sont relativement plus nombreux à travailler davantage en termes d’heures mais moins en termes de productivité que leurs homologues d’Europe continentale [1]. Les pays du nord ont des taux d’emploi qui dépassent ceux des États-Unis, alors que leur productivité se situe entre celle des Anglais et celle de l’Europe continentale. En Europe orientale, l’emploi tombe en général bien au-dessous du niveau américain. Les taux d’emploi actuels proviennent néanmoins d’un ensemble d’économies dont certaines ont carrément tourné le dos au passé alors que d’autres se contentaient de se teinter de capitalisme : dans l’ère communiste, le niveau d’emploi, quoique variant d’un pays à l’autre, était généralement plus élevé qu’aux États-Unis et que dans la moitié occidentale de l’Europe. Dans le monde communiste la pénurie de travail était chose fréquente, le travail lui-même était à la fois un droit garanti par la constitution et une obligation pour chaque citoyen, et l’on avait un réseau étendu de crèches et de garderies qui augmentait encore la masse de la main-d’œuvre. Les pays de la Communauté de l’Europe du centre et de l’est pour lesquels nous avons des données connaissaient une moyenne d’heures ouvrées dépassant de loin celle des États-Unis (105,6 % en moyenne pour les Républiques tchèque et slovaque, la Hongrie et la Pologne), même si dans l’URSS de 1989 le nombre moyen d’heures ouvrées n’atteignait que 93,4 % du chiffre américain.

22 De quelle façon ont évolué ces indicateurs au cours des cinquante dernières années ? Pour répondre à cette question, les tableaux 2 et 3 révèlent les taux de croissance de la production, de la population et de l’emploi à travers quatre ensembles de cycles économiques. Les tableaux présentent la manifestation de plusieurs effritements de la croissance. Supposons qu’Emploi représente l’emploi total, ou le total de la demande d’emploi pour une année donnée, Moyenne des heures annuelles ouvrées la moyenne des heures qu’un travailleur passe au travail dans l’année, et $XXX$(x) le taux de croissance de x. Le taux de croissance du PIB par tête est identiquement égal à : 1) la différence entre le taux de croissance du PIB et le taux de croissance de la population ; 2) la somme du taux de croissance du PIB divisé par l’emploi (autrement dit le produit obtenu en multipliant la production rapportée à l’heure moyenne de travail par la moyenne d’heures ouvrées rapportée à l’individu employé) et du taux de croissance du taux d’emploi :

figure im5

23 Le tableau 2 rapproche les trois indicateurs de la première ligne de l’Égalité 2 des taux de croissance de l’emploi. Les taux de croissance sont rappelés de pic en pic pour trois cycles (1950-1973, 1973-1979, 1979-1984) et pour la période s’étendant jusqu’à 2004. Le tableau 3 reprend les indicateurs de la seconde ligne de l’Égalité 2 pour les mêmes périodes.

Tab. 2

Développement comparé : première décomposition de la croissance du PIB par tête en Europe, aux États-Unis et au Japon, 1950-2004

Tab. 2
PIB par tête PIB Population Emploi 1950-73 1973-79 1979-89 1989-04 1950-73 1973-79 1979-89 1989-04 1950-73 1973-79 1979-89 1989-04 1950-73 1973-79 1979-89 1989-04 Europe continentale 0.0422 0.0218 0.0167 0.0142 0.0515 0.0234 0.0198 0.0184 0,0093 0,0015 0,0032 0,0042 0,0082 0,0008 0,0048 0,0053 Pays nordiques 0,0324 0,0200 0,0213 0,0179 0,0395 0,0236 0,0240 0,0218 0,0071 0,0036 0,0028 0,0039 0,0081 0,0073 -0,0000 Méditerranée 0,0508 0,0276 0,0227 0,0184 0,0580 0,0356 0,0255 0,0205 0,0072 0,0079 0,0027 0,0021 0,0066 0,0031 0,0057 0,0119 Royaume-Uni 0,0239 0,0151 0,0220 0,0197 0,0289 0,0152 0,0240 0,0230 0,0050 0,0001 0,0019 0,0033 0,0049 0,0021 0,0050 0,0032 Irlande 0,0299 0,0329 0,0263 0,0569 0,0315 0,0482 0,0305 0,0650 0,0016 0,0153 0,0042 0,0081 – 0,0058 0,0149 – 0,0049 0,0337 Europe centrale et Europe de l’Est 0,0363 0,0205 0,0011 0,0141 0,0460 0,0283 0,0052 0,0130 0,0098 0,0078 0,0041 –0,0011 0,0074 0,0060 0,0014 -0,0158 Ex-RFA 0,0438 0,0319 0,0190 0,0403 0,0296 0,0169 – 0,0035 – 0,0023 – 0,0021 0,0037 0,0071 0,0043 Ex-Yougoslavie 0,0449 0,0481 0,0062 – 0,0098 0,0546 0,0570 0,0114 – 0,0067 0,0097 0,0089 0,0052 0,0031 0,0104 0,0103 – 0,0160 Ex-URSS 0,0329 0,0110 0,0094 – 0,0127 0,0473 0,0201 0,0177 – 0,0125 0,0143 0,0091 0,0083 0,0002 0,0167 0,0157 0,0067 – 0,0062 États-Unis 0,0242 0,0198 0,0205 0,0172 0,0386 0,0298 0,0299 0,0285 0,0144 0,0100 0,0094 0,0113 0,0159 0,0239 0,0169 0,0109 Japon 0,0776 0,0235 0,0310 0,0126 0,0889 0,0341 0,0370 0,0149 0,0113 0,0107 0,0060 0,0022 0,0169 0,0068 0,0112 0,0022 Source : élaboré d’après des données du Centre de croissance et de développement de Groningue, 2007.

Développement comparé : première décomposition de la croissance du PIB par tête en Europe, aux États-Unis et au Japon, 1950-2004

Tab. 3

Développement comparé : deuxième décomposition de la croissance du PIB par tête en Europe, aux États-Unis et au Japon, 1950-2004

Tab. 3
PIB par tête PIB par heure Heures annuelles travaillées par personne Taux d’emploi PIB par heure 1950-73 1973-79 1979-89 1989-04 1950-73 1973-79 1979-89 1989-04 1950-73 1973-79 1979-89 1989-04 1950-73 1973-79 1979-89 1989-04 Europe continentale 0,0422 0,0218 0,0167 0,0142 0,0510 0,0341 0,0238 0,0181 – 0,0078 – 0,0115 – 0,0087 – 0,0050 – 0,0011 – 0,0008 0,0016 0,0010 Pays nordiques et Islande 0,0324 0,0200 0,0213 0,0179 0,0272 0,0189 0,0230 – 0,0117 – 0,0021 – 0,0012 0,0046 0,0045 – 0,0039 Méditerranée 0,0508 0,0276 0,0227 0,0184 0,0539 0,0413 0,0237 0,0105 – 0,0025 – 0,0088 – 0,0040 – 0,0019 – 0,0006 – 0,0049 0,0030 0,0098 Royaume– Uni 0,0239 0,0151 0,0220 0,0197 0,0281 0,0257 0,0227 0,0236 – 0,0042 – 0,0126 – 0,0037 – 0,0038 – 0,0001 0,0020 0,0030 – 0,0001 Irlande 0,0299 0,0329 0,0263 0,0569 0,0437 0,0425 0,0385 0,0418 – 0,0064 – 0,0092 – 0,0031 – 0,0105 – 0,0074 – 0,0004 – 0,0091 0,0255 Europe centrale et Europe de l’Est 0,0363 0,0205 0,0011 0,0141 – 0,0023 – 0,0018 – 0,0027 – 0,0147 Ex-RFA 0,0438 0,0319 0,0190 0,0072 0,0094 0,0064 Ex-Yougoslavie 0,0449 0,0481 0,0062 – 0,0098 0,0014 0,0051 – 0,0191 Ex-URSS 0,0329 0,0110 0,0094 – 0,0127 0,0342 0,0071 0,0137 – 0,0036 – 0,0027 – 0,0027 0,0024 0,0066 – 0,0016 – 0,0064 États– Unis 0,0242 0,0198 0,0205 0,0172 0,0253 0,0114 0,0130 0,0190 – 0,0026 – 0,0055 – 0,0001 – 0,0014 0,0015 0,0139 0,0075 – 0,0004 Japon 0,0776 0,0235 0,0310 0,0126 0,0702 0,0309 0,0282 0,0225 0,0018 – 0,0036 – 0,0024 – 0,0097 0,0056 – 0,0038 0,0052 – 0,0001 Source : élaboré d’après des données du Centre de croissance et de développement de Groningue, 2007.

Développement comparé : deuxième décomposition de la croissance du PIB par tête en Europe, aux États-Unis et au Japon, 1950-2004

24 Ces tableaux mettent avant tout en évidence la croissance économique, aussi remarquable que soutenue, de l’Europe continentale (4,2 % par an en moyenne pour le PIB par tête) dans l’âge d’or de l’après-guerre. Alors que la population augmentait de 9,3 ‰ par an par suite, à la fois, de l’accroissement naturel et de sérieux apports du solde migratoire, le PIB connaissait, lui, avec son 5,2 %, une croissance annuelle supérieure à celle du PIB par tête. Si les niveaux de vie de l’Europe continentale se rapprochèrent de ceux des États-Unis (fig. 1), ce fut bien grâce à ces taux de croissance qui dépassaient ceux d’outre-Atlantique. Au sein de l’Europe, les taux de croissance des pays méditerranéens grimpaient encore plus vite : dans l’Italie démocratique, dans les dictatures que connaissaient la Grèce, l’Espagne et le Portugal, à Chypre et à Malte, le PIB par tête atteignait en moyenne 5,1 % par an. Ce sont ces taux de croissance relativement rapides dans des pays à l’origine moins développés, accompagnés d’un ralentissement de la croissance du Royaume-Uni, qui expliquent l’étroite convergence qui se produisit dans l’Europe occidentale et telle qu’on peut la voir rappelée dans la figure 3. Ils seront analysés dans la partie suivante. (La convergence a contribué à accélérer la croissance.)

25 À la racine de cette phase de croissance se trouvent un certain nombre de facteurs. Le premier fut une vague schumpétérienne d’innovations associées à la diffusion de nouveaux produits, de matériaux et de sources d’énergie (énergie électrique ; matières synthétiques tels les plastiques et les textiles artificiels ; usines de transformation ; radar, avion à réaction, industrie spatiale, fusées avec leurs retombées sur l’aéronautique ; armements ; véhicules motorisés ; appareils ménagers ; télévision ; disques, etc.) et une foule de techniques permettant d’augmenter le rendement (technologies de flux ininterrompu ; gestion scientifique ; standardisation et production de masse). Second facteur : l’existence de forts taux d’investissement, accompagnés dans un certain nombre de pays du rôle important joué par les entreprises publiques, telles l’IRI et l’ENI en Italie. On doit chercher le troisième facteur dans le fait qu’on avait sous la main des réserves en ressources naturelles, et en main-d’œuvre : des réserves de matières premières et énergétiques bon marché, notamment en gaz et en pétrole, à côté de ressources abondantes en main-d’œuvre, grâce à l’explosion démographique de l’après-guerre et au retour en masse des femmes sur le marché du travail, ainsi qu’à l’arrivée de populations rurales dans le monde de l’industrie urbaine et de migrants issus de l’Europe de l’est et du sud et des anciennes colonies venant grossir les métropoles. Comme quatrième facteur, notons la fondation d’un nouvel ordre économique mondial ne répondant pas aux objectifs américains d’origine : libre-échange, convertibilité des devises, déréglementation des marchés, et la création, par, avec ou contre les États-Unis, d’un ensemble d’institutions européennes (Union des paiements européens, Communauté européenne du charbon et de l’acier en 1951, Communauté économique européenne en 1957, Association européenne du libre-échange) assurant les conditions de la reconstruction économique et de l’intensification du commerce. Le cinquième et plus important des facteurs fut le bouleversement qui aboutit à un nouvel ordre économique et social en Europe. Comme l’a montré Polanyi (1944), la tentative pour organiser l’économie mondiale sur les principes du libéralisme économique a directement conduit à la ruine des relations pacifiques et donc à la conflagration de 14-18 d’une part, et à la ruine de l’ordre économique et donc à la Grande Dépression de l’autre. En résulta en premier lieu le conflit qui s’installa entre les différentes solutions de rechange proposées pour pallier les échecs du libéralisme : fascisme, communisme, politique du New Deal. C’est l’issue de la Seconde Guerre mondiale qui décida de l’aboutissement de tout cela : création d’une économie mixte en Europe occidentale, survivance du fascisme en péninsule ibérique, expansion de la sphère d’influence communisme en Europe de l’est. Dans la moitié occidentale de l’Europe, le nouveau compromis social du fordisme, qui impliquait des combinaisons variées d’économie mixte, mélange d’État-providence et de systèmes de type keynésien, jeta les fondations d’un progrès sans précédent des niveaux de vie et d’un développement territorial équilibré (aidé par une politique urbaine et régionale active).

26 En Europe orientale, la situation était différente. Après avoir expérimenté des démocraties populaires, on imposa une économie dirigée avec un parti communiste aux commandes de l’État. Au plan économique, un système inspiré des soviets, centré sur une planification centrale assortie de propriété collective et de droits sociaux axés sur l’emploi et le bien-être fut généralisé (moyennant quelques variantes selon les pays). L’objectif était double : d’une part, industrialiser et moderniser des sociétés agricoles relativement arriérées et traditionnelles, de l’autre, imposer un modèle utopique visant à créer des sociétés plus justes et plus égalitaires. En l’occurrence, les économies est-européennes se remirent d’aplomb relativement vite, bien que les dommages de guerre qui avaient frappé cette région du continent eussent été infiniment plus graves que dans l’autre moitié, et que la reconstruction de ces pays se fût effectuée hors de l’assistance du plan Marshall, dont avaient bénéficié les pays de l’autre côté du rideau de fer. Entre 1950 et 1973, ces économies connurent des taux de croissance variant de 3,3 à 4,5 % par an. L’ensemble des PIB progressa également de façon vigoureuse, de même que la population (14,3 ‰ dans l’ex-URSS) et l’emploi (1,6 % par an, ce qui les situait près du Japon, encore que la croissance de la productivité apparente du Japon fût bien plus rapide, ce qui laisse à penser que les économies dirigées furent plus efficaces pour mobiliser et employer à plein-temps les ressources en personnel que pour les affecter judicieusement). La RDA, République démocratique allemande, fut une exception : le PIB par tête y augmentait rapidement, et néanmoins, la population diminuait. La raison en était que la RDA souffrait d’une émigration substantielle. Dans la seule décennie 1950-1960, elle perdit plus de deux millions d’habitants. Ce sont ces déperditions qui déclenchèrent en août 1961 la construction du mur de Berlin. L’émigration n’en continua pas moins tant que les retraités purent partir et furent encouragés à le faire. Quant à la République fédérale d’Allemagne, l’arrêt des flux migratoires de personnes en âge de travailler en provenance de l’Est incita le gouvernement à se tourner vers des Gästarbeiter (« travailleurs hôtes ») d’Italie, d’Espagne, de Grèce, de Turquie, du Portugal, de Tunisie et du Maroc. Entre 1955 et 1973, leur population passa de 100 000 individus environ à quasiment 2,5 millions.

27 À partir de 1970, on assista pendant trois décennies à un spectaculaire ralentissement de la croissance. Dans l’Europe continentale le PIB tomba de 5,2 % entre 1950 et 1973 à 2,3 %, puis à 2,0 et enfin à 1,8 % au cours des trois périodes. Dans les groupes de pays plus avancés économiquement, le ralentissement de la croissance s’accompagna d’un ralentissement de la croissance démographique, même si le taux de croissance de la population repartit à la hausse dans la période 1989-2004, à mesure que s’intensifiait l’immigration. Tout au long de ces trois décennies, les pays du nord accomplirent de meilleures performances que l’Europe continentale. Les pays de la Méditerranée eux aussi, en dépit de la chute qu’enregistraient les résultats économiques de l’Italie, connurent de meilleurs taux de croissance, encore que celle-ci fût bien plus lente que dans la période 1950-1973. La plupart de ces pays avaient enregistré pour ces années un solde migratoire négatif. À l’inverse de ce qui se passait dans les pays économiquement plus avancés sur la fin de l’âge d’or, leur taux de croissance démographique repartit à mesure que l’émigration déclinait et que les anciens migrants rentraient chez eux.

28 Nombre d’événements marquèrent ce changement dans le cours des économies de l’Europe occidentale. L’un d’entre eux fut le terme mis en 1971 au système de change à parité fixe de Bretton Woods. Un autre fut la crise pétrolière de 1973, puis la seconde hausse du prix du pétrole de 1979-1980. Au plan économique, la stagflation (combinaison entre, d’une part, un effondrement de la production et un chômage en hausse, et, de l’autre, une inflation à deux chiffres), sapa la crédibilité de la théorie keynésienne en matière d’économie, laquelle avait sous-tendu la gestion macroéconomique dans les économies mixtes de l’Europe de l’ouest. Il fallait pourtant chercher les racines du mal dans une crise structurelle. On fit appel, pour expliquer la crise, à de nombreuses thèses concurrentes. L’une d’elles mettait l’accent sur la saturation des marchés par rapport à la production massive de biens à quoi avait abouti l’ordre fordiste de l’après-guerre (Piore et Sabel, 1984), et imaginait pour sortir de la crise une spécialisation souple s’adressant principalement aux travailleurs qualifiés, des machines polyvalentes et des biens différenciés. Une autre incriminait la baisse du profit, qui reflétait elle-même le ralentissement de la productivité (un échec des deux méthodes d’organisation des activités de production que sont le taylorisme et le fordisme), et les changements intervenus dans la distribution des revenus en faveur des salariés. À mesure que diminuait la croissance, le coût de la protection sociale augmentait, sur quoi venaient se greffer des difficultés issues de la demande, à cause du triomphe, en particulier dans le monde anglo-américain, des idéologies économiques monétaristes et néolibérales : une croissance paresseuse du marché intérieur qu’accompagnait une orientation plus marquée vers les marchés extérieurs, avec un commerce et des investissements considérés de plus en plus comme des sources de profit et des moteurs de croissance, pendant que les tendances à la mondialisation sapaient encore davantage la gestion keynésienne des économies nationales. La recherche de nouveaux modèles de développement en constitua la conséquence la plus marquante.

29 Dans les groupes de pays retenus pour les tableaux 2 et 3, deux seulement restèrent à l’abri d’une grave détérioration de leurs indices de croissance après 1973 : dans la période 1973-1979, l’Irlande et l’ex-Yougoslavie eurent une croissance en augmentation. Dans la période 1989-2004, l’Irlande atteignit des taux de croissance encore plus forts avec le décollage de ce que l’on a appelé le « Tigre celtique ». La croissance de la Yougoslavie, déjà rapide dans la période 1950-1973, s’accéléra encore sur les années 1973-1979, atteignant une moyenne annuelle de 5,7 %. Mais cette croissance exceptionnelle était fondée sur des pétrodollars empruntés. Comme dans le cas d’autres pays qui choisirent une industrialisation financée par l’endettement, l’objectif était de rembourser la dette par les excédents d’exportation. En l’occurrence, la crise économique dans le monde capitaliste avancé et l’adoption conjointe de mesures protectionnistes pour défendre les emplois dans les industries de transformation non compétitives ruinèrent toutes les chances d’exportation pour les pays d’industrialisation récente, cependant que l’adoption de mesures monétaristes entraînait nécessairement l’augmentation des taux d’intérêt et les coûts de remboursement de la dette. Il s’ensuivit une crise de la dette et l’imposition par le Fonds monétaire international de programmes d’ajustement structurel. Ajoutée aux provisions pour banqueroute exigées par la loi sur les opérations financières de 1989, cette crise eut pour conséquences licenciements, retards de paie, dégradation des bénéfices réels et érosion des services collectifs ouvrant la voie à la guerre civile et à la désintégration de la fédération de Yougoslavie (qu’avait déjà affaiblie la révision de la Constitution de 1974).

30 En Europe orientale, les taux de croissance du PIB déclinaient également, de même que la démographie. Après les réussites de la modernisation et les rattrapages des années cinquante puis soixante, les systèmes communistes commencèrent à traîner les pieds. Les causes en sont à rechercher dans leur échec à se maintenir au niveau des nouveaux modèles de modernisation qui apparaissaient dans les pays économiquement avancés après la crise des années soixante-dix, et qui était dû tant à leurs caractéristiques structurelles (inefficacité microéconomique, innovation insuffisante) qu’aux retombées de la guerre froide et pour certains à la crise de la dette. Avec la transition, les changements furent bien plus spectaculaires encore (Dunford, 2005). D’un côté, le déclin des taux de croissance démographiques s’accéléra, du fait de trois facteurs se combinant dans des proportions variables mais partout présents : fécondité en régression, progrès de la mortalité, accroissement de l’émigration. De l’autre, les programmes de transition néolibéraux (incluant une libéralisation des prix et des salaires, la privatisation, la stabilisation macroéconomique et l’internationalisation) ouvraient une avenue à une chute de la production de plus de 30 %, à une montée en flèche du chômage et à un déclin des revenus réels (dont il faut chercher les racines dans l’effondrement du CAEM (Conseil d’assistance économique mutuelle), dans la baisse de la demande effective et dans le fait qui va de soi que la réaffectation des ressources de biens socialistes en biens capitalistes prend du temps). Ces récessions que l’on a appelées « transitionnelles » jouent un rôle important dans l’explication de la montée des inégalités dans l’Europe prise globalement, phénomène qui sera abordé au cours de la prochaine partie.

31 En Europe occidentale, le déclin général des taux de croissance n’affecta pas au même degré tous les pays ni, plus important encore, toutes les économies régionales. Au plan national, l’Autriche, la RFA et l’Italie obtinrent entre 1973 et 1979 des taux de croissance du PIB par tête plus élevés que le reste des pays d’Europe continentale. Dans la décennie 1979-1989, l’Italie résista une fois de plus, ainsi que les pays du Nord considérés en bloc. Hors Europe, le Japon continuait lui aussi à pouvoir se targuer de forts taux de croissance. Ces différences de performance économique en général, et plus spécifiquement s’agissant des industries manufacturières, contribuèrent à faire naître des études décrivant toute une gamme de capitalismes. Albert (1993), par exemple, distinguait un capitalisme néo-américain et un capitalisme rhénan économiquement et socialement plus avancé. Piore et Sabel (1984) affirmaient que les zones qui avaient adopté un modèle de spécialisation flexible telles que le Bade-Wurtemberg en Allemagne ou les secteurs industriels de l’Italie du nord et du centre sortaient gagnants de la nouvelle lutte pour l’hégémonie. Une thèse plus générale, soutenue par Lipietz et Leborgne (1991) tenait que les économies qui s’en sortaient le mieux étaient celles qui, pour échapper à la crise du fordisme, adoptaient des solutions reposant sur l’implication négociée des travailleurs qualifiés et les relations de collaboration inter-entreprises. Les analyses de la performance des entreprises japonaises voyaient la production au plus juste (lean production) comme une innovation qui expliquait la supériorité des entreprises japonaises et leur localisation (Womack et alii, 1994).

32 Dix ans plus tard, ces jugements étaient remis en cause. Dans la période que 1989 inaugurait, une grande attention fut accordée aux records de croissance tout relatifs de l’Europe continentale d’un côté, des États-Unis et du Royaume-Uni de l’autre. (La croissance du PIB par tête en Angleterre dépassait celle de l’Europe continentale depuis 1979.) Entre 1989 et 2004 l’Europe continentale affichait des taux de production sensiblement plus bas que ceux des États-Unis, et pareillement pour la population et l’emploi : en Europe continentale le PIB ne progressait que de 1,8 % par an, contre 2,3 % au Royaume-Uni et 2,9 % aux États-Unis. Une des raisons qui faisaient que ces derniers connaissaient une croissance plus rapide résidait cependant dans une croissance démographique plus forte : 11,3 ‰ outre-Atlantique, contre 3,3 ‰ outre-Manche et 4,2 ‰ dans l’Europe continentale. Une croissance démographique plus marquée allait donc de pair avec une croissance plus rapide du taux d’emploi. Une autre raison résidait dans l’accélération du modèle de développement centré sur les technologies de l’information et de la communication, sur la domination du marché financier assortie de principes de la valeur actionnariale, et enfin sur la libéralisation-dérégulation du marché.

33 Comme le montre également le tableau 3, cependant, les taux de croissance du PIB par tête différaient dans une bien moindre mesure : celui des États-Unis se tenait à 1,7 %, celui du Royaume-Uni à 2,0 %, et celui de l’Europe continentale à 1,4 %, alors que les pays méditerranéens connaissaient, avec leur moyenne annuelle de 1,8 %, un développement plus rapide que les États-Unis. De façon plus frappante, en Europe continentale, les taux de croissance de la productivité horaire apparente étaient presque comparables à ceux qu’on obtenait en Amérique : 1,8 % contre 1,9 %.

34 Dans ce cas, pourquoi les États-Unis ont-ils dépassé l’Europe continentale ? Une part importante de la réponse réside dans les analyses que reprennent les tableaux 2 et 3. La croissance plus rapide du PIB américain était directement liée à la croissance plus rapide de la population et à un solde positif de migration plus important, d’une part, à une croissance de l’emploi plus rapide, de l’autre. La première de ces deux oppositions soulève une question fondamentale concernant la géographie de la croissance économique dans les années à venir : les pays riches devraient-il chercher à attirer les migrants du monde entier pour accroître leurs taux de croissance (en même temps que pour financer les coûts de retraite de sociétés sujettes à un fort vieillissement), ou, inversement, investir dans les pays économiquement moins développés afin d’accélérer leurs taux de croissance, d’élever leur niveau de vie et de contribuer à une plus grande convergence internationale ? La seconde opposition est étroitement liée à un trait de plus opposant les deux modèles, l’américain et celui de l’Europe continentale. Les économies des États-Unis (et de la Grande-Bretagne) ont massivement engendré des emplois à relativement bas salaire, tandis qu’en Europe continentale la croissance de la productivité est relativement forte et celle de l’emploi relativement faible. La conséquence en est que la figure de l’exclu est aux États-Unis le sans-le-sou, alors qu’en Europe c’est celle du sans-emploi (Krugman, 1994). Dans le même temps, la croissance plus rapide des États-Unis était associée non à des différences de productivité substantielles ni à de sérieuses différences entre les croissances du taux d’emploi (lequel, en réalité, déclinait de façon marginale aux États-Unis, cependant qu’il croissait constamment, de 1 ‰ par an en Europe continentale), mais aux différences entre accroissement des heures annuelles ouvrées par personne employée (lequel baissait de 1 ‰ par an aux États-Unis, et cinq fois plus en Europe continentale). Cette différence entre les diminutions de la moyenne des heures annuelles ouvrées a pesé davantage qu’on ne s’y attendait sur la différence entre croissances de PIB par tête.

35 À l’évidence, donc, la performance économique de l’Europe continentale soutenait mieux la comparaison avec celle des États-Unis qu’on ne le sousentendait souvent, bien qu’il y ait des indices pour penser que la moyenne de la période cache une baisse sur la période prise en bloc. À la même époque, la croissance du PIB par tête des pays nordiques égalait le niveau américain, sans qu’ils eussent adopté pour autant le modèle social néoaméricain. Les résultats économiques de l’Europe continentale n’en étaient pas moins extrêmement faibles, ce qu’explique un certain nombre de facteurs. Premièrement, un ensemble de mesures macro-économiques financièrement orthodoxes et restrictives agissaient comme une entrave à la croissance. Vouées à garantir la stabilité des prix et la responsabilité fiscale, ces mesures incluaient la politique monétaire prudente de la Banque centrale européenne, la déflation fiscale imposée par les critères de convergence de Maastricht pour l’Union économique et monétaire, et les contraintes en matière de politique fiscale associée à la stabilité de l’UE et au Pacte de croissance. En second lieu, l’unification de l’Allemagne entraînait des coûts bien plus hauts qu’il n’avait été anticipé pour le pays qui avait été la locomotive de l’économie européenne, pendant que la récession accompagnant la phase de transition dans la Communauté des pays de l’Europe orientale et la stagnation des économies avoisinantes limitaient la croissance de l’UE. En troisième lieu, la croisade micro-économique en faveur de la dérégulation, de la privatisation et d’un commerce plus ouvert réduisait la main-d’œuvre dans l’industrie manufacturière et encourageait la création d’emplois dans les services, où la croissance de la productivité est plus lente que dans l’industrie. Ainsi qu’il a été dit plus haut, pour l’économie américaine orientée vers les services les choses n’allaient pas beaucoup mieux, à ceci près que, dans la mesure où elle pouvait afficher un taux de croissance supérieur de son PIB, elle put réconcilier la croissance de la productivité avec une croissance plus rapide de l’emploi.

Disparités nationales en Europe : convergence ou divergence ?

36 Après 1950, les disparités entre pays de l’Europe occidentale diminuèrent (fig. 3a). La vitesse de rattrapage fut extrêmement rapide jusqu’au milieu de la décennie 1970-1980. C’est à ce moment que la convergence prit fin. (Des données antérieurs laissaient penser que la divergence commença à se manifester dans l’Europe des quinze après la crise du pétrole et l’effondrement des dictatures en Grèce, en Espagne et au Portugal.) Après 1985, la convergence reprit, mais sur un rythme extrêmement lent. En Europe orientale et dans l’ex-URSS, les disparités nationales étaient moindres, ainsi que le montrent les valeurs obtenues pour le coefficient de Theil [2] dans la figure 3b. Jusqu’en 1980, les différences dans le développement des sept pays gravitant dans l’orbite de l’Union soviétique et de deux États communistes des Balkans diminuèrent. Dans la décennie qui s’ouvrit en 1980, et plus spectaculairement dans celle de 1990, la divergence prit le dessus. Jusqu’en 2001 au moins elle fut également une des caractéristiques des vingt-sept pays qui sortaient de l’effondrement de neuf régimes communistes (fig. 3c). À la racine de la divergence se trouvait la chute différentielle de la production dans les économies de transition. Cette chute fut si dramatique qu’elle tourna à un non moins dramatique accroissement des disparités à l’échelle paneuropéenne : comme le montre la figure 3d, en Europe (et en Asie centrale) considérée en bloc, les disparités diminuèrent légèrement jusqu’au milieu de la décennie de 1970, augmentèrent dans les dix années suivantes pour exploser vers 1995. Bien que les taux de croissance en Europe orientale et dans l’ex-Union soviétique aient dépassé ceux qu’a connus l’Europe de l’ouest dans les années récentes, et bien que les disparités aient commencé à diminuer, les fossés entre développements demeurent bien plus larges qu’ils ne l’étaient en 1989.

Fig. 3

Les inégalités entre les pays européens : tendances générales, 1950-2004

Fig. 3

Les inégalités entre les pays européens : tendances générales, 1950-2004

WMAD : écart absolu moyen pondéré. Cet indicateur statistique permet de mesurer l’évolution des disparités de PIB par habitant dans les pays étudiés.

37 L’existence de rattrapages parmi les États membres de l’UE conduit souvent à affirmer que celle-ci est une machine à combler les retards. Comme dans le cas des pays d’Europe occidentale en général, la course fut extrêmement sévère parmi les membres de l’Europe des quinze jusque vers 1975, même si à cette date ces pays étaient loin d’être tous des États membres. Dans un passé plus récent, le rattrapage reflète partiellement la performance relativement faible des parties de l’Europe des quinze les plus développées. Néanmoins, il est également vrai que des États membres périphériques économiquement désavantagés ont fait l’expérience d’une croissance relativement rapide. Le cas le plus frappant est celui de l’Irlande, bien que le PIB soit quelque peu trompeur dans son cas, dans la mesure où une large part de la richesse créée dans ce pays n’engendre pas de revenus pour ses habitants : quelques 17 % du PIB irlandais sont rapatriés par les firmes multinationales, à partir d’investissements dont dépend la croissance irlandaise. Une partie non négligeable de cette somme provient de l’évaluation des transferts déclarés qui tirent profit du bas régime d’imposition des bénéfices en Irlande.

38 La croissance relativement rapide de pays tels que la République d’Irlande, l’Espagne, le Portugal et, plus récemment, la Grèce, est également le résultat des politiques structurelles et de cohésion de l’UE. Les Fonds structurels furent conçus comme un élément destiné à favoriser dans l’UE un modèle social européen, encore que dans le cas de l’Union la cohésion soit pensée comme un engagement à réduire les inégalités territoriales plutôt que sociales : celles qui existent entre les économies des États membres et celles des régions. Ces Fonds sont accordés aux pays dont le PNB est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire afin d’encourager les investissements en capitaux dans les infrastructures de transports transeuropéens et dans des améliorations environnementales. En contrepartie, existe l’obligation pour ces États de réduire leurs déficits budgétaires afin de satisfaire aux critères de convergence de l’Union économique et monétaire. L’idée sous-jacente était que le Fonds de cohésion aiderait les États membres économiquement désavantagés à remplir ces conditions.

39 Évaluer exactement ce que la croissance doit aux politiques régionales reste une entreprise complexe. Une des raisons réside dans le fait qu’il est difficile d’établir une contre-démonstration. Néanmoins, il est possible de se faire une idée de leur portée de plusieurs manières pouvant être illustrées en référence au cas de l’UE. Dans l’Europe des quinze, les politiques structurelles et de cohésion entrent pour approximativement 0,36 % du PIB. Comme le montre le tableau 4, les transferts vers les quatre pays de cohésion se montaient à 1,4, 2,0 et 1,6 % du PIB des pays de cohésion pour les périodes 1989-1993, 1994-1999 et 2000-2006 respectivement, et de 5,5, 8,9, et 6,9 % de la formation du capital brut, avec un sommet de 15 % en République d’Irlande, pour 1989-1993. Il est important de souligner que ces chiffres entrant pour une part spécifique dans le standard de pouvoir d’achat du PIB de l’UE auront un effet relativement significatif sur les États membres économiquement désavantagés, où les prix sont en général relativement bas. Une part relativement importante des transferts nets de l’UE est néanmoins dépensée en marchandises importées d’autres États membres. Le record est atteint par la Grèce, à hauteur de 42,6 %. (Les chiffres équivalents pour les nouveaux Länder allemands et le Mezzogiorno italien, qui couvrent de larges parts de leurs pays respectifs, étaient de 18,9 % et de 17,4 %.) Le but, cela va de soi, est que ces augmentations exceptionnelles du PIB et de formation de capital conduisent à plus long terme à un accroissement des taux de croissance économique. En dépit de leurs répercussions positives, de nombreux États membres ont remis en cause leur portée. En partie parce que plusieurs de ces États souhaitent ardemment limiter le budget de l’UE, en partie parce que le rapport Sapir (2003) proposait une réaffectation des fonds (0,45 % du budget de l’UE) afin de soutenir les pôles d’excellence et la croissance économique, essentiellement pour corriger la perte de vitesse[3] de l’Europe.

Tab. 4

Échelle et effet des fonds structurels de l’UE : engagements à la date de 99, estimations pour 2000-2006

Tab. 4
% PIB Grèce Irlande Espagne Portugal 4 « pays de cohésion » 1989-1993 2,6 2,5 0,7 3,0 1,4 1994-1999 3,0 1,9 1,5 3,3 2,0 2000-2006 2,8 0,6 1,3 2,9 1,6 % Immobilisations de formation de capital fixe 1989-1993 11,8 15,0 2,9 12,4 5,5 1994-1999 14,6 9,6 6,7 14,2 8,9 2000-2006 12,3 2,6 5,5 11,4 6,9 % des transferts de l’UE dépensés en marchandises importées d’autres États membres 42,6 18,9 14,7 35,2

Échelle et effet des fonds structurels de l’UE : engagements à la date de 99, estimations pour 2000-2006

Structure et évolution des disparités régionales

40 En 2004, le PIB par tête (indice 100 = moyenne UE) allait de 302,9 pour l’agglomération de Londres à 23,6 au nord-est de la Roumanie (fig. 4a). En ce qui concerne Londres, le chiffre doit néanmoins être pris avec la prudence qui s’impose, étant donné le solde largement positif des déplacements quotidiens vers la ville : ne résident pas à l’intérieur de l’agglomération, loin de là, tous ceux qui contribuent à y créer de la richesse. Tout de suite après vient le Luxembourg. De nombreuses autres économies régionales à performance élevée étaient également des villes importantes, dont certaines sont affectées par des distorsions du même genre, dues au fait que les limites régionales ne contiennent pas les lieux de résidence de tous les travailleurs qu’elles reçoivent : Bruxelles (248,3), Hambourg (195,2) et Vienne (179,2). Ensuite vient l’Île-de-France (174,5), qui contient la ville de Paris, les trois comtés du Berkshire, du Buckinghamshire et de l’Oxfordshire (173,8) à l’est du Grand Londres, et la haute Bavière (169,3), avec la ville de Munich. Les zones affichant le PIB par tête le plus bas se situent principalement en Europe orientale, mais également en Europe méridionale. En rendent compte dans une certaine mesure les données nationales représentées dans les graphiques par des losanges, et le fait que les données pour chaque État membre figurent dans un classement qui va du plus riche au plus pauvre. Tout en bas du graphique, à l’extrême droite, se trouvent la Bulgarie, (33,2), la Roumanie (34), la Lettonie (45,2) et la Pologne (50,7). Parmi les quinze, l’Espagne, la Grèce et le Portugal occupaient respectivement les treizième, quinzième et dix-huitième positions. Au sommet, pour finir, se tenaient le Luxembourg (251), l’Irlande (141,4), les Pays-Bas (130), l’Autriche (128,7), le Danemark (124,5) et la Belgique (124,4).

41 La figure 4b met en évidence la productivité apparente du travail. Ces données se rapportent à 2001. Il n’y a pas de données disponibles pour la Bulgarie ni pour la Roumanie. Si l’on pense au PIB par tête, on sera frappé de voir un ordre des pays tout différent. Même s’il reste en tête, le Luxembourg (137,8 %) affiche une performance moindre, en partie à cause des frontaliers qui viennent renforcer sa main-d’œuvre. Les cinq États membres suivants sont les Pays-Bas (125,1 %), la Belgique (118,2 %), l’Irlande (115,5 %), la France (113,4 %) et l’Italie (110,2 %). Des pays tels que le Royaume-Uni (91,8 %), l’Espagne (91,2 %), la Grèce (83,3 %) et le Portugal (66,8 %) souffrent d’une productivité apparente relativement basse. Dans le peloton de queue se trouvaient les nouveaux États membres du centre et de l’est de l’Europe, la lanterne rouge étant la Lettonie (42 %). On trouvera également indiquées sur la figure les cinq économies régionales de plus haut niveau, qui étaient Groningue (163,4 %), l’Île-de-France (148,4 %), Bruxelles (143,7 %), le Luxembourg (137,8 %) et Utrecht (132,7 %).

Fig. 4

Disparités régionales dans l’UE en 2001-2005

Fig. 4
Fig. 4
Fig. 4
Fig. 4
Fig. 4

Disparités régionales dans l’UE en 2001-2005

42 Les trois autres graphiques (fig. 4c, 4d et 4e) représentent la courbe des différents éléments du taux d’emploi, données actualisées à 2005. Comme le montre le graphique 4c, les taux d’emploi féminin vont de 57,2 % au Danemark, 54,5 % aux Pays-Bas, 54,4 % en Suède, 53 % au Royaume-Uni, 51,9 % en Finlande et 50,8 % au Portugal, à 27,9 % pour Malte, 34,1 % pour l’Italie et 35,7 % pour la Grèce. En Europe du sud, l’Espagne se signalait également par un faible taux d’emploi féminin (40,3 %). Les autres pays à faible taux étaient la Pologne, la Hongrie et la Bulgarie (de 38,6 % à 40 %), encore que l’on trouvât aussi parmi eux la Belgique (41,3 %) et le Luxembourg (43,7 %). Parmi les zones Nuts 2, Stockholm venait en tête (67,6 %). Trois autres régions de Suède dépassaient 60 %. À l’autre bout du spectre on trouvait la Pouille (21 %), la Sicile (21,8 %), la Campanie (22,2 %) et la Calabre (23,8 %), en Italie du sud.

43 Dans le cas de la population dont la tranche d’âge va de quinze à vingtquatre ans, les taux d’emploi reflètent son insertion plus ou moins grande dans l’éducation à plein-temps, ainsi l’accessibilité des emplois qui lui sont offerts. En conséquence, les chiffres que reprend le graphique de la figure 4d doivent être traités avec quelque prudence tant qu’on n’a pas essayé d’expliquer le poids relatif de ces deux facteurs. Comme le montre la courbe, les États membres à haut taux d’emploi étaient les Pays-Bas (65,2 %), le Danemark (62,3 %), le Royaume-Uni (54 %), l’Autriche (53,1 %) et l’Irlande (48,7 %). Les neuf économies régionales ayant les scores les plus hauts étaient celle des Pays-Bas, de la Grande-Bretagne et du Danemark. À l’autre bout de l’échelle se tenait une série de pays autrefois communistes : la Lituanie (21,2 %), la Bulgarie (21,6 %), la Hongrie (21,8 %), la Pologne (22,5 %) et la Roumanie (24,9 %), Dans ces pays les faibles taux d’emploi des jeunes sont l’un des moteurs de l’émigration de ces derniers, phénomène qui a joué un rôle important dans le contrôle de la tension sociale. L’existence de taux d’emploi des jeunes relativement bas ne se cantonne cependant pas aux économies de transition. Encore que moins prononcé, ce trait se retrouve dans certains pays méditerranéens incluant la Grèce (25 %) et l’Italie (25,7 %), ainsi que dans certains pays d’Europe continentale tels que la Belgique (27,5 %) et la France (29,6 %). À l’échelle régionale, les plus mauvaises performances se rencontraient cependant dans les départements français d’outre-mer (9 % en Guadeloupe, 10,6 % en Guyane et 11,5 % en Martinique), ainsi que dans l’Italie méridionale (12,5 % en Calabre et 15,9 % en Basilicate et en Sicile).

44 Un autre élément d’importance influant sur les variations des taux d’emploi est le travail des 55-64 ans et le nombre des retraites précoces, qu’elles soient choisies ou imposées. C’est la Suède qui était en tête dans ce domaine (69,5 %), avec des scores de 73,8 % dans le Småland med öarna, de 71,7 % à Stockholm et de 71,3 % dans le Västsverige. Au Danemark le chiffre était de 59,5 %, en troisième position venait la Grande-Bretagne (56,9 %) et en quatrième l’Estonie (56,1 %). En Grande-Bretagne cependant les taux connaissaient d’amples variations, allant de 66,9 % dans le Berkshire, le Buckinghamshire et l’Oxfordshire, à 46,8 % dans le Merseyside. Très bas étaient les scores relevés en Pologne (27,2 %), en Slovaquie (30,3 %) et en Slovénie, indice de la façon dont les travailleurs plus âgés étaient mis au rebut dans les poubelles de la transition. À l’échelle régionale, certains chiffres étaient encore plus médiocres : 18,6 % à Slaskie, 22,3 % à Lubuskie, 23,2 % à Warminsko-Mazurskie, et 23,2 % à Dolnoslaskie en Pologne.

45 Examiner l’évolution des disparités régionales est plus difficile, en grande partie à cause de la carence en données cohérentes sur le long terme. Dans cette partie, on se penchera sur la période 1977-1996 pour laquelle existent des données Eurostat, si lacunaires soient-elles. Des données Eurostat plus récentes couvrent la période plus courte qui s’étend de 1995 à 2004, mais elles déborderaient le cadre de cet article. Nous avons préféré nous pencher sur les sources nationales pour définir les tendances à long terme en matière de disparités régionales.

46 Les données Eurostat [4] concernant les zones Nuts 2 pour 1977-1996 indiquent que les disparités diminuaient globalement en Autriche, en Belgique, en Grèce (avec un accroissement de l’inégalité à partir de 1992) et aux Pays-Bas. En RFA, elles n’ont pas cessé de s’accentuer jusqu’au moment de l’unification. L’annexion de l’ex-RDA produisit un accroissement spectaculaire des inégalités, avec un coefficient de Theil (multiplié par 1 000) atteignant 0,0227. Dans les années suivantes, ce fossé initial se combla partiellement. En Espagne, les inégalités crûrent (passant de 6,29 en 1980 à 9,93 en 1996) ; dans ce pays, la différence de productivité s’atténuait et pourtant les disparités de taux d’emploi s’accentuaient. En Italie, le PIB par tête s’accroissait, mais comme dans le cas de l’Espagne, l’accroissement des disparités dans le taux d’emploi fut un facteur inégalitaire majeur.

47 Le cas du Portugal est plus complexe. Les disparités entre les économies régionales du Portugal continental crûrent nettement entre 1981 et 1987. Après 1988, on y inclut les données concernant les Açores et Madère. Dans ce groupe plus vaste d’économies régionales, les disparités diminuèrent au cours de la période 1988-1995. Le Royaume-Uni connut un sévère accroissement des inégalités, accompagné de taux de productivité et d’emploi accusant des divergences qui ne faisaient que s’élargir.

48 On retrouve enfin ce constat dans les données nationales existant pour des laps de temps plus étendus. La figure 5 donne la courbe d’évolution des disparités régionales en Italie. Elle montre un net déclin des disparités pour la période 1951-1953, après quoi le restant de la décennie connut le mouvement inverse. En 1960, les inégalités avaient pratiquement rejoint leur niveau de 1951. Entre 1960 et 1975, la situation changea du tout au tout. Pendant quinze ans il se fit un sérieux rattrapage, à mesure que les parties les moins développées de la Péninsule comblaient le fossé avec les plus développées. (Sur la fin de la décennie 1950-1960 et dans les années qui suivirent, on parla de miracle économique italien.) Après 1975, il y eut un renversement de tendance. On assista partout à un accroissement des inégalités, avec un coefficient de Theil atteignant 37,8 et un WMAD [5] de 24,6 en 1996. La tendance à la relative amélioration à laquelle on avait assisté après 1960 s’inversa dans une mesure non négligeable en 1975 et après 1983. Ces dernières années, au contraire, il y eut une phase renouvelée de convergence, avec un coefficient de Theil qui baissa jusqu’à se retrouver au niveau de 34,2 en 2000.

Fig. 5

Les inégalités régionales en Italie, tendances générales : disparités dans le PIB régional par habitant, 1951-2000

Fig. 5

Les inégalités régionales en Italie, tendances générales : disparités dans le PIB régional par habitant, 1951-2000

Source : Dunford et Greco, 2006.

49 Autre trait important des tendances observables du développement relatif : la persistance des inégalités territoriales. La figure 6 montre l’évolution des économies régionales de l’Italie rapportées à la moyenne de l’Europe des quinze. Entre autres choses, elle révèle un haut degré d’inertie en tête et en queue de liste : les économies régionales qui étaient en tête de peloton en 1951 y étaient toujours pour la plupart en 2000, de même que les économies régionales qui étaient en queue tendaient à y demeurer, même si la figure relève quelques changements frappants dans la position relative des économies régionales en milieu de liste.

Fig. 6

Croissance des économies régionales italiennes rapportées à la moyenne de l’Europe des quinze, 1951-2000

Fig. 6

Croissance des économies régionales italiennes rapportées à la moyenne de l’Europe des quinze, 1951-2000

Source : Dunford et Greco, 2006.

Conclusion

50 Comme en attestent ces lignes, l’Europe contemporaine demeure marquée par de larges disparités en matière de développement économique relatif. Au cours des cinquante dernières années, les niveaux de vie se sont élevés de manière spectaculaire, pendant qu’en Europe et en Asie centrale les disparités dans leur ensemble restaient sensiblement les mêmes jusqu’en 1989, date à partir de laquelle la transition vers le capitalisme en Europe de l’est provoqua un net accroissement des inégalités. En Europe occidentale les disparités diminuaient, encore que le plus fort déclin se fût produit au cours de l’âge d’or de l’après-guerre connu sous le nom des Trente Glorieuses (1945-1975). Dans cette période, le fossé qui séparait les États-Unis de l’Europe en termes de développement se combla en grande partie. Plus récemment l’Europe a perdu du terrain devant les États-Unis en termes de PIB par tête, bien que dans le cas de l’Europe continentale il soit loin d’être évident que les différences de revenu par tête, quand on fait la comparaison entre les deux pays, correspondent à des différences de bien-être.

51 Une seconde conclusion, qui a son importance, découle de l’exposé cidessus : il existe des périodes relativement durables pendant lesquelles la tendance des inégalités à se creuser l’emportent sur leur tendance à s’estomper, et inversement. Les années de croissance rapide de l’âge d’or en particulier furent des années de forte convergence nationale et régionale. Des résultats infiniment moins nets se présenteront dans les décennies suivantes, et l’on pourra trouver des exemples de convergence à côté d’exemples frappants de divergences régionales.

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Mots-clés éditeurs : inégalités régionales, PIB par habitant, indicateurs de divergence économique, niveaux de vie

Date de mise en ligne : 01/01/2010

https://doi.org/10.3917/lig.714.0068

Notes

  • [1]
    Certains économistes néolibéraux soutiennent que toute baisse du chômage réduirait la productivité moyenne (et inversement), en se fondant sur l’argument des rendements décroissants et sur l’idée que les salariés sont recrutés ou maintenus en place en fonction de leur productivité. L’argument est discutable, car il ignore les effets cumulatifs (accroissement de l’emploi dans les secteurs à productivité dépassant la moyenne) et dynamiques. On y a recours pour défendre le record de productivité américain, et il suppose donc un nombre d’heures travaillées qui augmente, des taux d’emploi qui augmentent et que (peut-être) plus de rendement sont toujours souhaitables.
  • [2]
    L’indice de Theil est une mesure de la concentration, et donc du degré d’inégalité d’un phénomène dans sa répartition entre différents territoires (régions, pays, etc.). L’indice est égal à 0 quand la concentration spatiale est minimale.
  • [3]
    En français dans le texte.
  • [4]
    Pour les tableaux complets le lecteur est prié de se référer au site de Eurostat : http:// epp. eurostat. ec. europa. eu .
  • [5]
    WMAD : écart absolu moyen pondéré.

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