1Il y a cinquante ans, dans une relative indifférence, étaient signés à Rome deux traités établissant l’un la Communauté européenne de l’énergie atomique et l’autre la Communauté économique européenne. Si le premier aboutit à un échec, le second permit de jeter les bases d’une intégration économique et de mettre en place des politiques ayant une dimension spatiale. Durant ces années, la CEE, puis l’Union européenne, se sont surtout appliquées à s’organiser elles-mêmes. Le groupe initial s’est élargi tandis que les interdépendances ont crû en intensité. Le volontarisme sans cesse recommencé de l’action publique dans la mise en place du socle communautaire a tenté de faire coïncider la réalité des configurations avec les idéaux du projet européen. Tout au long de ce demi-siècle, les interactions entre mutations socio-économiques et territoires ont façonné un espace communautaire au sein duquel les questions de disparités, de cohésion et de convergence n’ont pas toujours reçu les réponses adéquates. Des forces contradictoires, agissant à plusieurs échelles, œuvrent constamment dans le sens d’une plus étroite association ou au contraire, en faveur de processus centrifuges. La situation actuelle et son cadre législatif sont le résultat provisoire de phases d’accélération ou de longues périodes d’apparent statu quo.
2Les géographes ne s’intéressent que depuis un temps relativement court aux dynamiques de l’espace communautaire et aux effets territoriaux de l’intégration européenne. Ce fut pourtant une étude commandée dès 1979 à une équipe de l’université de Cambridge emmenée par David Keeble mettant en évidence la division de l’espace communautaire entre un centre et une périphérie qui contribua à accélérer la mise en place d’une politique régionale (D. Keeble, P.L. Owens, C. Thomson, The influence of peripheral and central locations on the relative development of regions, Rapport final à la DG Regio, Commission des communautés européennes, 1981). Pour rendre compte de la complexité européenne, ce numéro ne cherche pas seulement à dresser un bilan des dynamiques régionales fluctuantes et des politiques changeantes qui ont affecté les territoires au cours de ces cinquante années. Il tente également de mettre en perspective les enjeux contemporains de l’intégration des nouveaux États membres, de la nécessaire prise en compte de la dimension supranationale dans les schémas de développement et de la délicate articulation entre les échelles régionale, nationale et européenne.
3Pour célébrer l’anniversaire de la construction communautaire et la réunification partielle du continent, la rédaction de la revue a souhaité donner la parole à des chercheurs européens. Un Britannique, un Portugais, un Néerlandais, un Polonais et un Roumain ont accepté d’apporter l’originalité de leurs regards sur la construction territoriale de l’espace communautaire. De la lecture de leurs contributions, émerge l’idée que l’intégration européenne n’est pas réductible à une construction intergouvernementale classique, mais résulte d’un processus multidécisionnel cherchant à créer un ensemble cohérent à partir d’éléments disparates, ayant chacun leur propre logique, mais dans lequel la dimension territoriale est une variable active.