Tout récemment, en ce lieu même, Jean-Luc Nancy écrivait : « Si la politique n’est plus seulement ni strictement celle des États souverains, elle n’est plus la “politique” telle que nous la connaissions depuis très longtemps (et quoi que, par ailleurs, on puisse et doive analyser de la souveraineté). » Si la politique n’a sans doute jamais été réellement le privilège des seuls États souverains, ceux-ci n’auront pas moins tout fait pour s’en arroger la jouissance exclusive, leurs théoriciens de « service » les définissant au cours des siècles comme les seuls acteurs légitimes dans ce domaine. Ce qu’ils n’auront aucunement cessé de faire, par ailleurs. Depuis l’établissement, par la paix de Westphalie, du principe de la souveraineté des États-nations, nombreux sont les termes qui, à tour de rôle, ont servi à disqualifier la prétention à la légitimité de l’action politique des groupes sous-étatiques – insurgé, terroriste en sont les avatars contemporains, comme l’indique l’emploi enthousiaste qu’en fait n’importe quel chef d’État. Geste éminemment politique donc, et qui indique à quel point la souveraineté exclusive des États-nations aura relevé moins d’un état de fait que d’une idéologie s’imposant au moyen de luttes sociales constantes.
Si les États-nations ont l’impression que ces avatars menacent le monopole de la souveraineté qu’ils se sont toujours attribuée, cela révèle non seulement une prise de conscience tardive de l’affaiblissement auquel ils ont consenti au bénéfice du capital, mais aussi et surtout le caractère à la fois illusoire et effectif de cette attribution…